Cours d’agriculture (Rozier)/FRAMBOISE, FRAMBOISIER

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Hôtel Serpente (Tome cinquièmep. 59-61).


FRAMBOISE, FRAMBOISIER. M. Tournefort le place dans la seconde section de la vingt-unième classe, qui comprend les arbres ou arbrisseaux dont le pistil devient un fruit composé de plusieurs baies, & il l’appelle rubus. M. von-Linné lui conserve la même dénomination, & la classe dans l’icosandrie polygamie.

I. Caractère du genre. Fleur en rose, composée de cinq pétales obronds, ouverts, insérés au calice, ainsi que les étamines qui sont en grand nombre. Le calice est d’une seule pièce, divisé en cinq folioles en manière de lance, ouvertes, presque de la grandeur des pétales.

Fruit, composé de petites baies rassemblées en tête arrondie sur un réceptacle conique y renfermant chacune une semence oblongue.

II. Caractère des espèces. Les botanistes ont réuni les ronces aux framboisiers ; mais comme nous écrivons pour les jardiniers & pour les cultivateurs, il ne sera ici question que des framboisiers ; les ronces auront leur article à part.

1. Le framboisier commun. Rubus ìdæus. Linn.. Rubus idœus spinosus. Tourn. Feuilles en manière d’ailes, découpées en trois ou cinq folioles, d’un beau vert, cotonneuses & blanchâtres en-dessous, leurs côtes souvent sans épines.

Port. Ce qui distingue essentiellement les framboisiers des ronces, c’est que les tiges de celles-ci sont rampantes, & celles des framboisiers, droites.

On le croit originaire du mont Ida ; on le trouve cependant naturalisé dans les Alpes, sur les montagnes du Bugey, du Dauphiné, &c. Le parfum de son fruit a engagé à le cultiver dans nos jardins y où il se multiplie très-facilement par la multitude de drageons qu’il pousse de tous côtés.

2. Le framboisier à fruit blanc. C’est une espèce purement jardinière, (voyez ce mot) & elle ne diffère de la précédente que par la couleur de son fruit, qui est plus doux, mais dont le parfum est moins exalté : il y a encore une variété dont la feuille est panachée.

3. Le framboisier sans épines, rubus idæus lavis.

4. Le framboisier à fruit noir de Virginie.

5. Le framboisier tardif ou d’automne ; parce qu’il porte des fruits dans cette saison, ainsi qu’au printemps.

6. Le framboisier odorant, à feuilles simples, palmées, & la tige sans piquans, chargée de beaucoup de feuilles. On l’appelle encore framboisier du Canada, parce qu’il en est originaire. C’est une véritable espèce botanique. Rubus odoratus. Lin.

7. Le framboisier de Pensilvanie, dont les tiges sont très-peu épineuses, & leur sommet bleuâtre.

III. De sa culture. Cet arbrisseau aime les terres douces, substantielles, un peu humides. Il ne réussit pas bien dans les expositions méridionales, & par conséquent dans les pays chauds, quoique pourtant on l’y cultive dans les jardins.

Il seroit trop long de le multiplier par le semis, on le peut cependant, & ils réussissent très-bien lorsqu’on les traite comme ceux de mûrier. (Voyez ce mot) Il est plus expéditif de prendre les drageons qui poussent autour des vieux pieds, & de les transplanter dans le terrain qu’on leur destine. On peut faire cette opération depuis décembre jusqu’à la fin de février dans nos provinces méridionales, & depuis novembre jusqu’au commencement ou le milieu de mars dans celles du nord.

Il est plus profitable de faire une framboiserie séparée, que de planter çà & là des pieds dans les jardins, & sur-tout dans le voisinage des arbres fruitiers. Comme cet arbrisseau talle beaucoup par ses racines, par ses drageons, il s’empare bientôt de tout le terrain, effritte singulièrement la terre, & nuit beaucoup aux arbres voisins. Laissons donc ce parasite vivre seul dans le sol qu’on lui sacrifiera.

Sur ce terrain, ouvrez, de quatre en quatre pieds, des fossés d’un pied de profondeur & de largeur ; donnez au fond un fort coup de bêche, afin que les racines nouvelles qui pousseront, trouvant une terre meuble, s’enfoncent plus profondément sur cette terre, &, de quatre pieds en quatre pieds, étendez les racines de l’arbrisseau, & remplissez la fosse de la terre qu’on en a retirée ; coupez ensuite la tige à trois ou quatre pouces au-dessus du sol.

La distance prescrite entre chaque pied, paroîtra, au premier coup-d’œil, trop considérable ; mais on jugera bien autrement à la fin de la seconde ou troisième année, quoiqu’on ait eu le soin de retrancher les bourgeons qui sortent de terre de toutes parts, cet espace permet de les bien travailler, & de conserver un plus grand nombre de tiges autour du principal pied, afin de remplacer ceux qui périssent, ou pour faire de nouvelles plantations.

Beaucoup de tiges qui ont porté fruit, meurent ensuite, & non pas chaque année, comme l’ont avancé plusieurs écrivains sur le jardinage ; puisque j’ai sous les yeux, des tiges qui subsistent depuis trois ans, & que je conserve exprès, afin de voir pendant combien de temps elles subsisteront encore. On doit avouer cependant que ces tiges anciennes donnent de petits fruits, moins nourris que ceux des tiges de l’année précédente, mais plus parfumés. Je crois pouvoir avancer que la mortalité des tiges anciennes, est en raison de la multiplicité des drageons qui sortent de terre ; plus il y en a de nouveaux, & plus il meurt de tiges anciennes.

Peu de jours après que les premières gelées ont fait tomber les feuilles, l’amateur doit faire donner un labour aux framboisiers, & l’ouvrier en même temps arrachera les drageons superflus, conservera deux, trois ou quatre tiges de l’année précédente, supprimera celles qui ont déjà donné du fruit ; sur quatre tiges, il en rabaissera deux à la longueur d’un pied, & conservera les deux plus fortes. Je ne limite pas strictement le nombre de ces tiges à celui de quatre, la vigueur du pied doit le fixer ; il s’agit ici des généralités : les tiges laissées entières donneront plus de fruits, & celles rabaissées, de plus beaux fruits.

On dit que le framboisier n’exige ni engrais ni fumier : cette proposition est trop générale. Les engrais diminuent le parfum de son fruit ; mais je puis certifier qu’ils contribuent beaucoup à lui procurer une plus forte végétation.

Propriétés. Les feuilles sont légèrement âpres ; les fruits acides, agréables au goût & à l’odorat ; ils nourrissent peu, développent beaucoup d’air dans les premières voies, causent souvent des coliques ; le sucre qu’on y ajoute, est leur correctif. Si on veut s’en servir comme remède, il vaut mieux préférer les fraises.