Cours d’agriculture (Rozier)/GRAS-FONDU, GRAS-FONDURE

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Hôtel Serpente (Tome cinquièmep. 339-341).


GRAS-FONDU, GRAS-FONDURE, Médecine vétérinaire. Cette maladie se manifeste dans le cheval par le dégoût, l’agitation, l’inquiétude, l’action de cet animal qui se couche, se relève & regarde sans cesse son flanc, & le battement plus ou moins violent de cette partie ; mais le signe qui lui appartient essentiellement, est une excrétion de mucosité, ou des glaires tamponnées & épaisses, que le cheval rend par le fondement, & qui, sous la forme d’une espèce de toile, enveloppe & coiffe, pour ainsi dire, les parties marronnées des excrémens. C’est le symptôme univoque qui en a imposé à certains maréchaux, lorsqu’ils se sont persuadés que cette mucosité & cette prétendue membrane n’étoient autre chose que de la graisse fondue, qui se fondoit & qui sortoit par le fondement, comme si les intestins en étoient entièrement & considérablement garnis, & comme si, du tissu cellulaire dans lequel elle est répandue, elle pouvoit, en se fondant, se frayer une route dans le tube intestinal, & être dès-lors & par ce moyen évacuée comme la fiente.

Pour concevoir une juste idée du génie du caractère de cette maladie, il faut l’envisager sous l’aspect d’une affection inflammatoire des intestins, & spécialement de leur membrane veloutée, occasionnée assez souvent par un exercice outré. Cette inflammation provoquant l’épaississement de l’humeur intestinale, le gonflement des glandes, & entretenant l’inflammation, il doit en résulter nécessairement des contractions fréquentes dans les intestins. La nature faisant des violens efforts pour chasser l’humeur qui engorge les glandes, on doit bien comprendre que, par cette contraction répétée, une partie de l’humeur intestinale est exprimée ; de-là l’excrétion de mucosité & des glaires tamponnées & la gras-fondure.

L’affection inflammatoire des intestins dans la maladie dont il s’agit, est, le plus ordinairement, l’effet des purgatifs drastiques, ou trop violens, ou donnés à trop fortes doses, sur-tout par les maréchaux de la campagne. L’expérience nous apprend que ces remèdes n’agissent qu’en irritant ; ils doivent donc par leur action agacer, picoter les fibres des intestins & des glandes intestinales, les exciter à de fréquentes contractions, & obliger les mêmes glandes à séparer une plus grande quantité d’humeur. L’irritation qui en est la suite, est-elle trop vive ? il en résulte l’inflammation, & de-là la gras-fondure. L’inflammation engorge-t-elle les vaisseaux au point d’en rompre quelqu’un ? le sang se mêlant alors avec les glaires, l’éjection en devient sanguinolente.

La gras-fondure est quelquefois accompagnée de quelqu’autre maladie. La phlogose qui se manifeste avec violence dans les régions abdominales, est un signe qu’elle est jointe à la courbature, (voyez Courbature) ou à quel qu’autre maladie aiguë. Les engorgemens qui ont lieu dans le tissu vésiculeux dont nous avons déjà parlé, sont-ils encore accompagnés de celui des vaisseaux lymphatiques des parties membraneuses qui enveloppent les articulations ? On peut dire alors qu’il y a fourbure & gras-fondure en même temps. (voyez Fourbure).

La gras-fondure est plus ou moins dangereuse, selon les diverses complications. Lorsqu’elle est simple, il est rare que les suites en soient funestes ; elle cède néanmoins dans tous les cas à un traitement méthodique, lorsque les secours qu’elle exige ne sont point tardifs. Ces secours consistent uniquement & en général en des saignées plus ou moins répétées, pour désemplir les vaisseaux, les dégorger & abattre l’inflammation ; dans l’adininistration d’un plus ou moins grand nombre de breuvages & de lavemens émolliens & rafraîchissans. On doit absolument proscrire tous remèdes cordiaux & purgatifs, que les maréchaux sont dans l’habitude d’administrer dans cette maladie. Ils sont capables d’enflammer & d’irriter encore davantage les intestins, & d’occasionner la mort de l’animal.

Du reste, c’est une erreur de croire que les chevaux chargés de graisse, soient les seuls qui puissent être exposés à la gras-fondure. Quoique la masse des humeurs contienne une très-grande quantité de parties sulphureuses & très-susceptibles d’alcalisation & d’explosion, l’expérience nous a néanmoins prouvé, d’une autre part, que la force & la rigidité des solides dans les chevaux maigres, ne les y rend pas moins sujets. M. T.