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Cours d’agriculture (Rozier)/MIASME

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Hôtel Serpente (Tome sixièmep. 529-532).


MIASME. Médecine rurale. On entend, par ce mot, des corps extrêmement subtils, qu’on regarde comme le principe & les propagateurs des maladies épidémiques.

Leur nature & leur manière d’agir sur les corps, sont encore inconnues. L’on a pensé jusqu’ici, que ces petites portions « de matières, prodigieusement atténuées, s’échappoient des corps infectés de la contagion, & la communiquoient à ceux qui ne l’étoient pas, en les pénétrant, après s’être répandus dans l’air, ou par des voies plus courtes, en passant immédiatement du corps affecté, dans un corps non-malade. Ce n’est que par leurs effets qu’on est parvenu à en soupçonner l’existence. »

C’est ainsi qu’un homme attaqué de la peste peut répandre cette maladie dans plusieurs pays. La petite vérole en fournit encore un autre exemple. Personne n’ignore que, quoiqu’elle se communique par le contact immédiat, soit en rendant des soins à celui qui en est attaqué, soit en habitant dans la même chambre & dans la même maison, elle se communique encore par l’air, qui étant le véhicule des corps les plus subtils, & de plusieurs qui sont seulement divisés ou atténués jusqu’à un certain point, transporte & répand de tous côtés les miasmes varioliques. Bientôt ils infectent un village, un bourg, une ville ; il naît une épidémie plus ou moins violente, qui s’étend principalement sur les enfans, sans cependant épargner les adultes qui ne l’ont pas eue.

On peut assurer, que les maladies épidémiques se propagent plus par les miasmes dont l’air est infecté, que par le contact immédiat ; car on sait que quoiqu’on s’éloigne des endroits où elles règnent, & qu’on n’aborde point les appartemens où sont des malades infectés de la contagion, on peut cependant être attaqué de cette maladie.

Quelques médecins ont observé & prédit qu’une épidémie étoit prochaine, parce qu’il souffloit un vent d’une ville où elle règnoit, & leur prédiction s’est trouvée juste. Comment, en effet, prévenir, s’écrie M. Fouquet, célèbre médecin de Montpellier, la subitanéité avec laquelle le venin, c’est-à-dire le miasme destructeur, vous frappe à l’improviste ? C’est l’air ou le vent qui l’apporte des pays très-lointains ; c’est un oiseau qui, franchissant l’intervalle immense des terres & des mers, vient d’une région inconnue, infecter vos contrées. On peut se rappeller que la peste fut apportée, il y a quelques années, en Italie, par une corneille. Dans la dernière peste de Marseille, les oiseaux quittèrent le pays, & n’y revinrent qu’après qu’elle fut entièrement dissipée. C’est l’air qui, en Égypte, est comme le premier réceptacle, la première matrice où se dépose la pestilence, un des produits naturels de cette contrée mal-saine, & le vent en est le rapide messager, qui la transporte & la répand au loin, sur tous les corps animés. Nous sommes cependant bien éloignés de dissuader les personnes qui n’ont pas eu la petite vérole, de prendre toutes les précautions que la prudence leur dicte à cet égard. (Voyez Contagion) M. Ami.

Personne ne respecte plus que moi les décisions de MM. les médecins ; mais il est permis d’avoir un avis différent, quand il a pour base l’expérience. J’ose le dire, l’air n’est pas plus le véhicule de la peste, des maladies vénériennes, de la phtisie pulmonaire, de la gale, de la lèpre, du cancer, du charbon dans les animaux, &c. que de la petite vérole pour l’homme, & du claveau ou clavettée pour les moutons ; le contact seul, est son véritable véhicule. Un cordon de troupes bien serrées, est le meilleur préservatif contre la peste ; jamais elle ne passe la ligne de démarcation. On peut dire que pendant plus de la moitié de l’année il y a des pestiférés dans les lazarets de Marseille, de Livourne, de Gênes, &c. & cependant ces villes ne sont pas infectées de la peste. Or, si l’air en étoit le promoteur, elles seroient bientôt désertes, & la maladie deviendroit endémique dans les hôpitaux ; ceux qui traitent les malades vénériens, cancéreux, galeux, n’y prennent pas le germe de ces maladies, quoiqu’ils y respirent le même air qui est rendu plus impur encore par la transpiration des malades ; mais si ces virus touchent & sont portés sur la plus légère égratignure du garçon chirurgien, cette petite plaie devient vénérienne, cancéreuse, &c. & galeuse, s’il manie & touche sans précaution la main d’un galeux ; le contact seul, soit des vêtemens, soit de la peau, est susceptible de communiquer les maladies dont on parle. Il y a plus ; on avoit pratiqué dans une même grande chambre, une double séparation, avec des planches criblées de trous faits avec une petite vrille, & on avoit laissé un pied de distance entre chaque séparation. D’un côté, douze enfans chargés de petite vérole furent placés, & de l’autre, douze enfans du même âge, qui ne l’avoient pas eue : aucun de ces derniers n’en fut attaqué, quoiqu’ils fussent certainement dans le même bain d’air que les premiers : ils ne pouvoient ni communiquer ni se toucher en aucune manière. Voilà quel fut le vrai, le seul & l’unique préservatif. Il seroit absurde de dire qu’aucun de ces enfans ne devoit avoir la petite vérole, parce que plusieurs personnes ne l’ont jamais ; ce nombre est peu considérable, & quand il le seroit davantage, comment supposer qu’on eût été assez habile, ou que le hasard eût procuré douze sujets de cette classe si peu nombreuse ? Ce seroit, en vérité, pousser bien loin le septicisme !

Il faut cependant convenir que dans les mines, dans les hôpitaux, dans les salles de spectacle ; dans les vaisseaux, &c., l’air est plus ou moins méphitique, (Voyez Méphitisme & Air fixe) & que les personnes qui le respirent pendant longtemps, sont attaquées de maladies de langueurs, ou meurent subitement, s’il est trop méphitique. La raison en est simple ; c’est qu’il n’est pas assez renouvellé, & parce que l’air fixe méphitise essentiellement l’air athmosphérique. Mais faites changer d’air aux malades, ils sont aussitôt remis.

Le nombre & l’étendue des étangs, sur-tout ceux de mer qui reçoivent de l’eau douce, exhalent, en proportion, des miasmes dangereux pendant l’été, & portent le germe de l’insalubrité dans tous les lieux de la circonférence, suivant la direction des vents. Mais ces courans d’air ne procurent ni la peste, ni la petite vérole, ni la maladie vénérienne, ni la gale, ni le scorbut, ni le charbon ; il en résulte une fièvre tierce ou quarte, purement & simplement symptomatique, & qui, peut-être, est souvent renouvelée par les habits portés pendant la fièvre de l’année précédente, & qui n’ont pas été rigoureusement lavés. J’admets cette dernière assertion comme purement hypothétique, & je dis qu’il n’y a aucune proportion entre les miasmes d’une ville pestiférée, & ceux qui s’élèvent des marais, des étangs, où le foyer de la putridité & du méphitisme est immense & sans cesse existant, & où enfin il se développe en raison de intensité de chaleur de la saison. Le vent change, les pluies, les froids surviennent, alors la cause cesse ainsi que les effets. Que tous les enfans d’un village soient atteints de petite vérole, ceux du village voisin en seront exempts, si dans ce cas on prend les mêmes précautions que pour la peste. J’ai ainsi circonscrit dans deux métairies une maladie charbonneuse & pestilentielle, qui en avoit attaqué les bêtes à corne ; & dans les mêmes métairies, les animaux sains en furent préservés par une simple, mais rigoureuse séparation. Au surplus, je présente ces observations pour ce qu’elles sont, pour ce qu’elles valent, c’est au public à en juger.