Cours d’agriculture (Rozier)/MULTIPLICATION ET AMÉLIORATION DES CHEVAUX

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MULTIPLICATION ET AMÉLIORATION DES CHEVAUX. Nos pays, qui fournissoient ordinairement le plus de chevaux, en sont aujourd’hui singulièrement dégarnis. Quelques personnes imputent à la guerre de la révolution notre dénuement actuel, et l’on ne peut contester qu’on n’en ait fait réellement une plus grande consommation : les circonstances pressantes ont fait employer tous les moyens pendant plusieurs années, sans que la sagesse eût bien calculé tous les détails. Mais le pilote entraîné quelque temps par la tempête, une fois échappé de l’orage, consulte sa boussole et reprend sa route. Une nouvelle guerre, quelque mortalité peuvent nous en enlever encore : il est de même constant qu’on a dérogé à l’habitude de soigner autant les formes des poulains. Notre mal vient toujours de ce que nous n’avons point de système de réparation en activité.

Ainsi, quand la cause d’une plus grande destruction des chevaux a cessé, peut-être la seule calamité ruineuse qui nous resteroit à craindre, seroit que l’administration publique s’en tînt à une espèce d’indifférence qui empêcheroit d’en faire naître.

Au contraire, avec un bon plan, on aura des chevaux pour tous les usages ; et quand il surviendra quelque malheur, ou qu’il se trouvera quelque nécessité d’en faire une consommation extraordinaire, des mesures bien calculées, un bon système, répareront nos pertes, entretiendront en cela notre puissance, et nous permettront d’être toujours redoutables.

L’amélioration et la multiplication des chevaux sont désirables, relativement à la puissance de l’État, relativement au commerce et à l’agriculture ; elles sont possibles avec du choix, de l’ordre et de la patience ; elles sont certaines et doivent être perpétuelles, si, outre ce que pourra faire l’administration publique, on charge la légion d’honneur de donner des exemples pour atteindre ce but : tels sont les motifs et le plan de notre travail. Nous présentons aussi un projet économique pour encourager les haras, et nous en calculons les dépenses et l’efficacité. Nous avons tâché que la précision et l’ordre nous fissent pardonner de ne pas rapporter plus de détails.


CHAPITRE PREMIER.

Importance de l’amélioration et de la multiplication des chevaux.

§. Ier. Elles sont désirables relativement à la puissance de l’État.

Le relevé des registres des douanes porte le nombre des chevaux étrangers entrés en France, pour l’an 4, à 5,265, estimés 1,574,000 fr.
La loi du 24 nivose an 5 n’ayant imposé les chevaux étrangers qu’au droit de quinze centimes par cent francs de valeur, les douanes n’ont consigné depuis que la valeur déclarée et non le nombre ; ainsi, en il est entré des chevaux
en l’an 5, pour une valeur de 659,800 fr.
6, idem 1,018,700
7, idem 835,500
8, idem 730,800
9, idem 1,253,000
10, idem 1,366,000
Le produit du droit d’entrée aux douanes, pour les sept années, est de 7,437,800 fr.
La valeur d’une année moyenne est de 1,062,500 fr.

Mais cet apperçu est bien loin d’être exact, s’il est vrai que dans le siècle dernier, « l’importation des chevaux s’élevoit, année commune, à trente millions de livres, dont dix à douze étoient payés à l’Angleterre[1]. »

Quoi qu’il en soit, les chevaux estimés sur le pied de l’an 4, c’est-à-dire à la valeur la plus basse qu’a pu énoncer le déclarant, valeur qui est d’environ trois cents francs, on peut évaluer l’importation à 24, 792 chevaux…

La France n’a jamais eu précisément de haras de chevaux de trait. Avant la révolution, on achetoit un très-grand nombre de poulains de cette espèce dans les marchés voisins des frontières, d’où ils étoient importés dans l’intérieur.

L’éducation étoit au profit des Français ; mais le prix des poulains encourageoit, chez l’étranger, l’entretien des poulinières, les soins des pâturages, et faisoit fleurir cette branche de commerce chez nos voisins. Il faudroit établir des haras de chevaux de trait dans les pays où l’on fait cette sorte d’élèves.

Le projet est facile à exécuter, aujourd’hui que plusieurs pays d’où l’on tiroit beaucoup de chevaux de trait, sont devenus français : telle est la West-Flandre, qui comprend les départemens des Deux-Nèthes, de l’Escaut, de la Lys, etc.

Les remontes de beaucoup de nos troupes à cheval se font, suivant une longue habitude, en pays étranger.

Les chevaux allemands ont alimenté notre cavalerie dans presque toutes les guerres que nous avons eues à soutenir, et l’on s’est toujours plaint que notre balance de commerce éprouvoit alors un déficit de quatre-vingts ou cent millions.

Ces chevaux coûtent ordinairement un peu moins que les chevaux français ; ils paroissent brillans, et ils séduisent ; mais la plupart sont sans énergie ; arrivés en France, ils y éprouvent des accidens multipliés ; ils sont ruinés ou périssent beaucoup plus vite que les chevaux français. On en a vu un grand nombre, même d’un choix recherché, être réformés au bout de quatre ans d’usage, tandis que les chevaux français duroient, dans les mêmes circonstances, dix à douze ans, et même davantage. Dans la guerre, ils ne peuvent résister aux marches soutenues, pour peu que les chemins soient mauvais, et que le fourrage vienne à manquer, ce qui n’est pas rare.

Le bas prix des chevaux étrangers est un piège ; nos pertes et notre dépendance sont le résultat de nos déterminations indiscrètes ; c’est pour nous une ruine, plutôt qu’une économie.

Les sommes qui sortent de l’Empire, pour cette destination, auroient servi, dans les mains de beaucoup de nos Français, à acquitter leur part des charges de l’État.

Il suit de là que les achats de chevaux en pays étrangers sont funestes aux haras, autant d’onéreux pour le trésor public.

La multiplication, chez nous, diminuera chaque jour le nombre des chevaux étrangers qui nous auroient été nécessaires ; et bientôt nous parviendrions à suffire à nos besoins par nos propres ressources.

Il faut venir au point d’acheter, par degrés, pour les remontes, les chevaux en France ; on les paiera d’autant plus cher qu’il y en aura moins d’abord ; mais ce sera une raison pour qu’ils deviennent plus nombreux, et le prix modéré sera le résultat des encouragemens et de la perfection de notre industrie.

Cependant si nous permettions simplement l’importation chez nous, nos rivaux ne manqueroient pas, sans doute, de continuer à nous vendre leurs animaux, dussent-ils perdre, pendant quelque temps, sur le prix de l’achat ou de l’éducation ; leur commerce général finiroit encore par gagner, si ce sacrifice momentané avoit pour résultat de diminuer le zèle chez nous, pendant que cette opération l’exciteroit chez eux. Il faut prendre des moyens pour que l’étranger ne conserve pas ainsi son empire : ce qui feroit que nos citoyens resteroient chargés de leurs productions, la demande ne s’en faisant pas ou étant trop basse ; ce qui décourageroit le commerce des animaux, et la partie de l’agriculture qui leur est relative.

Il faudroit, pour s’opposer à ces inconvéniens, établir une autre base pour les droits des douanes ; au lieu de les percevoir, d’après la déclaration des valeurs, déclaration toujours peu sincère, on pourroit faire un terme moyen des valeurs de tous les chevaux étrangers, les plus beaux, et faire payer les droits par chaque cheval, en raison de ce terme moyen.

Les montures mêmes et les chevaux de voitures qui entrent en France, seroient soumis à ce même droit, qui augmenteroit en proportion de l’élévation du prix des chevaux français : le taux en seroit toujours tellement calculé, qu’en supposant des qualités égales, le cheval français se trouvât le moins cher. Le gouvernement pourroit se faire rendre un compte fréquent du prix des chevaux français et de celui des chevaux étrangers, de manière à maintenir toujours la balance en équilibre.

Quand le goût et le commerce auroient produit tous leurs bons effets chez nous, ils ne manqueroient pas d’étendre leur influence chez l’étranger ; alors il pourroit nous être donné de nous livrer à notre tour à un commerce d’exportation, et nous verrions enfin pencher la balance à notre avantage.

Mais, qu’on ne s’y méprenne pas, quand nos approvisionnemens en étalons et jumens, pour les haras publics ou particuliers, seront faits, l’exportation ne pourra que nous être favorable ; elle fera donner à nos chevaux de la considération, du prix chez l’étranger, et ne manquera pas d’exciter le zèle chez nous, et d’y apporter la richesse. Mais, dira-ton, l’étranger, avec des souches, multipliera nos races chez lui, et les chevaux nés en France cesseront de lui être nécessaires. Au contraire, il est constant que le nouveau climat modifiera, altérera les formes ; et si nos vœux étoient remplis, on n’exporteroit le plus souvent que des chevaux bien dressés au manège, de sorte que nous aurions moins à craindre que l’étranger n’en produisît de pareils.

§. II. L’amélioration et la multiplication des chevaux sont désirables, relativement à l’agriculture ainsi qu’au commerce. Le cheval est aujourd’hui le principal aide de l’homme dans les travaux de l’agriculture ; les bœufs n’y sont plus employés que dans les pays où l’on en élevé, ou dans ceux qui en sont voisins. Le cheval seconde beaucoup mieux l’homme ; l’intelligence, la vivacité de cet animal, s’accommodent très-bien aux vues de son conducteur. Il est plus courageux que le bœuf ; il fait la moitié plus d’ouvrage, et il consomme beaucoup moins. Il est vrai que quand il est devenu impropre au travail, on n’a pas la ressource de l’engraisser et de se nourrir de sa chair ; mais il dure le double des années qu’on y emploie le bœuf. La chair du cheval ne se mange pas ; mais les produits de ses travaux nourrissent des bœufs et des moutons, pour des valeurs qui l’emportent beaucoup sur ce qu’il pourroit fournir de viande. Le bœuf ne vit le plus généralement que dans les pays où la terre produit sans effort, tandis qu’il est réservé au cheval de faire fructifier un sol ingrat qui, sans lui, fût demeuré stérile.

Si dans quelques pays l’on avoit un plus grand nombre de chevaux, au lieu de faire travailler les bœufs, on les sacrifieroit à la boucherie dès qu’ils sont développés complètement, et on ne les nourriroit pas, comme on le fait aujourd’hui, quatre ou six ans sans que leur valeur augmentât en proportion des dépenses qu’ils occasionnent et du temps qu’ils font perdre : on se procureroit ainsi deux bœufs pour un, avec la quantité d’alimens que les adultes consomment sans profiter. On pourroit cependant associer au cheval les bœufs jusqu’à quatre à cinq ans pour les travaux.

Le cuir des animaux sacrifiés à la fin de leur jeunesse, est plus élastique, plus propre au tannage et à la plupart des usages économiques ; la chair en est plus tendre, plus succulente. En remplaçant de plus en plus les bœufs par des chevaux pour travailler, on tend à doubler presque les produits en viande.

Dans la plupart des pays de labour, la terre ne rapporte que deux années sur trois ; le cultivateur manque à lui faire rendre un tiers de ses productions ; des jachères ruineuses tiennent la place de récoltes nécessaires. Cependant divers points de la France ont une pratique contraire, mieux raisonnée, et toujours productive.

L’art consiste à faire succéder dans le même champ, les plantes qui engraissent le sol à celles qui épuisent ses sucs. Pour avoir les succès de nos compatriotes plus adroits, il suffit donc d’imiter leur méthode.

Les instrumens aratoires sont les mêmes depuis des siècles, une forme de charrue exécute ici avec un homme et deux chevaux, ce à quoi la routine emploie, en d’autres lieux, deux hommes et six et même huit bêtes de trait[2].

Est-il vrai, comme le dit le vulgaire, que chaque espèce d’instrument, chaque usage, soient appropriés, au suprême degré, à la localité dans laquelle ils existent ? L’esprit humain n’a point, sans doute, produit ainsi en détail le plus haut degré de perfection que l’on puisse atteindre ; plusieurs arts, où l’évidence est encore plus sensible qu’en agriculture, font chaque jour de nouveaux pas. La méthode et les instrumens doivent en agriculture marcher à la perfection comme dans tous les arts ; si la terre se repose tant, en tant d’endroits, c’est, n’en doutons pas, parce que les chevaux n’y sont pas meilleurs et en plus grand nombre. Multiplier les chevaux pour les travaux des champs, c’est un moyen d’avoir un plus grand nombre d’autres animaux, et par conséquent plus d’engrais, et de se procurer plus de matières premières pour les arts et les manufactures, ainsi qu’une plus grande abondance de subsistances.

Le cheval étant aussi un des principaux instrumens du commerce, la circulation des marchandises deviendroit plus active. Mais les chevaux oisifs, les chevaux de luxe consomment sans produire : ce sont ceux-là qu’on accuse encore plus d’être nuisibles. Cependant, pour sentir la fausseté de ce raisonnement, il faut faire attention qu’un État n’est pas florissant seulement parce qu’il a beaucoup d’hommes capables d’être soldats, mais encore parce qu’il a un rand nombre de personnes industrieuses de toutes les classes qui produisent plus qu’elles ne consomment, fournissent aux besoins de ceux qui protègent et exercent tous les emplois. Les capitalistes qui ne secourent l’État ni de leur personne ni par leur industrie, les capitalistes animent par l’appât de leur argent, tous les hommes laborieux à fournir les objets qui peuvent être nécessaires ou agréables dans l’agriculture, l’industrie, le commerce et les arts.

Si la force de l’État consiste dans le nombre des hommes, elle consiste autant dans les combinaisons et dans la fécondité de leur emploi. Les diverses espèces de chevaux contribuent de même à la richesse et à la puissance de l’État.

D’ailleurs, la destruction des chevaux de luxe a été dernièrement le commencement de l’époque où l’on a vu augmenter notre pénurie de chevaux.

Un cheval qui a des qualités distinguées vaut assurément un plus grand prix, et cependant il ne mange pas plus qu’une bête commune ; à la rigueur il n’exigeroit pas de soins plus considérables ; mais il provoque l’affection du propriétaire et les attentions qui en sont la conséquence.

Les plus beaux chevaux ne sont pas plus délicats que les chevaux communs ; ils ont sur eux l’avantage d’être plus intelligens, plus dociles, plus attachés au cavalier ; il y a plus de facilité à les soigner que des chevaux foibles, lâches, méchans et difformes ; il faut donc faire tous ses efforts pour empêcher qu’on ne fasse rapporter de productions à cette espèce dégénérée ; il faut donc améliorer nos races. Et peut-on craindre de multiplier les chevaux quand nous en achetons de l’étranger !… C’est l’argent qui sort de chez nous qui nuit à la population, et l’introduction des chevaux exotiques, qui rend les fourrages moins nécessaires chez nous, qui décourage de nourrir des poulinières et d’élever des poulains, qui diminue l’emploi des hommes dans notre pays pour le multiplier chez nos rivaux.

De tout ce que nous avons exposé, il nous semble qu’on peut tirer maintenant la conséquence bien déduite, qu’en encourageant tout ce qui tient au cheval, on encourage l’agriculture, le commerce intérieur qui a pour objet les chevaux ; qu’on augmente la force de l’État, et qu’un bon système de haras entretiendra cette branche essentielle de la puissance nationale.

Mais ce ne sera point à des écrits qu’on devra ces succès, c’est à des faits mêmes, c’est à des exemples frappans.

L’obstination de la routine cédera généralement à une meilleure expérience, et les animaux plus perfectionnés, plus multipliés, contribueront à rendre plus abondantes les productions de la terre ; l’homme sera mieux nourri et il pourra rendre encore ces animaux plus nombreux.

C’est ainsi que ces richesses serviront à s’augmenter l’une l’autre.


CHAPITRE II.

L’amélioration et la multiplication des chevaux sont possibles en France.

§. Ier. Le territoire français peut-il fournir des chevaux excellent pour la beauté comme pour les autres qualités ? Le fonds des qualités d’un cheval, sont la force, l’énergie, la vitesse, la docilité, le courage, la durée.

Les formes les plus parfaites ne sont que celles qui servent à procurer ces avantages ; le reste est de caprice et ne peut être d’une utilité bien solide. Or, nous pensons qu’il existe aujourd’hui même, en France, un certain nombre de chevaux où l’on trouve assez de qualités pour qu’ils puissent servir à la multiplication et à l’amélioration de nos races.

Notre sol fournit des chevaux excellens pour les cinq espèces d’armes de la cavalerie et pour tous les services ; ils n’ont point perdu les bonnes qualités dont les anciens ont fait l’éloge ; elles ont été même augmentées par l’art que nos hommes de cheval ont mis à en tirer parti.

C’est sans preuve que les partisans d’une philosophie inquiète, mécontente, ont avancé que l’altération des formes, la diminution de l’énergie et des autres qualités, sont inévitables dans la succession des générations propres à chaque climat.

Les qualités de nos chevaux sont très-susceptibles d’être mises en évidence ; et si l’on n’en est pas singulièrement frappé, c’est que les preuves en sont trop fréquentes.

Le vainqueur de Marengo, à qui la modestie a fait garder le silence sur ses périls et sur son courage, pourroit, ainsi que tous nos généraux et nos cavaliers qui ont vu le cheval français au champ d’honneur, nous révéler des traits nombreux de son dévouement et de son intrépidité. Nos écuyers donneront leur témoignage à l’adresse et à l’intelligence du cheval de nos races, quand la mauvaise éducation ne lui pas ôté ses bonnes qualités ; il est bien constant même que les écuyers étrangers lui donnent la préférence pour leurs exercices.

Enfin, la foule innombrable de laboureurs, de marchands que le travail du cheval enrichit, peut convaincre les plus incrédules de l’estime que méritent nos chevaux. Et cependant, combien de Français, enthousiastes de ce qu’ils voient chez nos ennemis, croient faire un effort de raison en proposant d’imiter, comme des choses avantageuses, les vices mêmes inhérens au climat, aux productions, et aux localités étrangères !

Nos voisins, plus justes appréciateurs, en cela, que nous-mêmes, seroient bien satisfaits qu’on leur permît d’amener de France des animaux de plusieurs de nos races. Les qualités de nos chevaux nous semblent donc mériter qu’on ne dédaigne pas d’en procréer de leur espèce. Nous pensons même qu’on ne doit pas croiser nos races entre elles, mais les conserver, les épurer séparément, sans cependant exclure quelques expériences peu nombreuses.

Les variétés qu’offre le climat de la France, et les productions déjà très bonnes qu’il fournit, garantissent de celles qu’on peut obtenir pour tous les services.

Mais la nature qui multiplie quelquefois d’elle-même, ne peut produire seule une amélioration rapide. Pour réussir, il faut saisir la méthode convenable, rassembler les individus qui ont déjà des perfections, et chercher, en les combinant, les meilleurs résultats.

Dans l’exécution, il faut débuter par une exactitude rigoureuse, répudier les êtres frêles, disproportionnés, sans vigueur, sans caractère ; dédaigner le médiocre qui amuseroit nos pas, et chercher les vraies perfections : elles sont éparses, tâchons de les réunir pour produire le beau, le bon, le parfait, dont nous possédons déjà plusieurs germes.

Il faut rappeler à leur état de pureté celles de nos races que les étrangers recherchent ; il faut les améliorer toutes, unir dans chaque race les individus des deux sexes qui approchent le plus de la pureté ; leurs productions, en se multipliant, se rapprocheront de plus en plus du véritable type. Après avoir perfectionné nos races, en réglant bien les alliances, en combinant, dans l’association des sexes, les qualités et figures qui donnent de bons résultats, on multipliera les individus en proportion de nos besoins, et on les perfectionnera en leur donnant un régime et des soins qui favorisent leur développement et qui ajoutent à leurs qualités, loin de les altérer.


§. II. Le sol français peut-il nourrir un plus grand nombre d’élèves ? On n’élève des poulains en nombre que dans les pays de pâtures, et il faut convenir que les lieux dont le fonds est assez excellent pour produire presque sans culture, ne permettent guères d’espérer qu’on les fasse produire davantage ; mais dans beaucoup d’autres endroits, de pâtures en partie, on néglige les prairies artificielles ; il faudroit les y multiplier.

Un autre inconvénient, c’est qu’on nourrit des poulains et des pouliches jusqu’à quatre ans dans les lieux où l’herbe abonde ; tandis que ces animaux seroient élevés d’une manière beaucoup plus avantageuse pour la formation de leur tempérament, pour leur vigueur, leur énergie, dans des pâturages moins humides, dans les pays de culture, où ils mangeroient des pailles, des grains et des foins, et où ils seroient employés à de légers travaux qui ne seroient que favorables à leur constitution. Les pays de pâtures, débarrassés ainsi de ces bouches nuisibles, resteroient libres pour les poulinières et les poulains jusqu’à l’âge d’un an ou deux ; méthode qui permettroit d’y entretenir plus de poulinières et plus de poulains.

Les améliorations dans l’agriculture, qui ont été précédemment démontré devoir résulter de la multiplication du cheval, deviendroient à leur tour des causes qui donneroient la facilité de perfectionner et de multiplier les chevaux ; mais il faut cependant que ceux-là seuls qui ont l’occasion d’améliorer et de multiplier, fassent des entreprises de ce genre. Ce soin doit être sur-tout abandonné à ceux qui ont suffisamment de pâturages. Les consommateurs qui, sans avoir la commodité de la nourriture, voudroient élever des chevaux, ne pourroient le faire ni aussi bien, ni avec la même économie. C’est ce qui a fait regarder à quelques personnes ces entreprises comme ruineuses.


CHAPITRE III.

Moyens généraux. Ces moyens consistent à relever le goût pour les chevaux de selle, et à encourager les manèges.

S. Ier. Il faut relever le goût pour les chevaux de selle. Le goût pour les voitures a beaucoup diminué celui qu’on avoit pour les chevaux de selle.

C’est aux Français qu’est due l’invention des carrosses ; il n’en existoit que deux sous François Ier. Les conseillers de la cour et les présidens alloient au palais sur des mules, même encore au commencement du dix-septième siècle. En 1758, il n’y avoit, dit-on, à Paris que trois cents chaises et carrosses ; en 1788 on y en comptoit quatorze mille. §i dans toutes nos grandes villes, les courses, les visites se font en carrosse, et généralement on ne voyage qu’en voiture. Le nombre ne s’en est ainsi accru que parce qu’en même temps on a ouvert des routes nouvelles et qu’on les a toutes rendues commodes ; le commerce y a gagné de la célérité, de l’agrément ; les mœurs ont pris une tendance à l’uniformité, la France est devenue de plus en plus civilisée. Mais la voiture marche simplement par la force des chevaux et par l’attention du cocher, Il n’y a, dans les personnes traînées, que à la masse et du volume ; point de graces particulières, point de talent difficile à montrer pour occuper le siège d’un carrosse ; l’homme traîné voit moins les chevaux, il ne compâtit pas à leur peine, il ne sent point leurs difficultés, il ne les apprécie pas autant, et il ne leur accorde qu’une très-légère affection.

Le cavalier, au contraire, prend plaisir à diriger sa monture, il sent à chaque pas qu’elle obéit à ses volontés sans intermédiaire ; il met son corps en harmonie avec le sien, et tous deux semblent être d’intelligence. L’écuyer aime les beaux chevaux, et le prix qu’il y met encourage l’industrie et l’agriculture. Ce goût se communique, et le besoin plus étendu de beaux chevaux en fait naître en abondance, si ce n’est avec de brillantes qualités, au moins avec une perfection suffisante qui les rend excellens pour les affaires, pour la guerre, et un mot, pour toutes les espèces de services.

§. II. Utilité d’encourager les manèges. Beaucoup de nos jeunes Français, dans les grandes villes, ont des montures et un trop petit nombre en tire parti avec avantage ; quelques-uns même, pour déguiser leur maladresse, on adopté le soubresaut, trop facile et trop peu naturel des Anglais.

Il faut établir des manèges et encourager ceux qui existent. L’intelligence de nos jeunes gens, leur âge susceptible de souplesse, font espérer qu’ils profiteront de ces établissemens pour acquérir, à cheval, un maintien sûr et gracieux.

Du moins la génération qui s’élève pourra-t-elle s’y former plus tôt, et ces exercices disposeront nos jeunes citoyens à devenir officiers, et à commander avec plus de distinction dans nos corps de troupes à cheval.

« Ne parlons point, dit M. Bourgelat[3], de ces exercices, de ces défis, de ces ballets jadis en vigueur dans nos manèges. Rappelons-nous la splendeur de ces fêtes où le monarque, supérieur par un air majestueux et imposant, et par son adresse, se livroit aux plaisirs de son âge, sans leur immoler le plus léger de ses devoirs, et se montroit lui-même dans un carrousel à la tête d’un quadrille. Représentons-nous-le, d’une part, remportant quatre fois le prix des jeux, et les abandonnant aux autres chevaliers qui se les disputoient de nouveau ; et de l’autre, le vainqueur recevant des mains de la reine la récompense de sa victoire. Croira-t-on que de tels spectacles, dans lesquels Louis XIV déployoit toute sa grandeur et sa magnificence, n’étoient pas capables d’élever l’esprit de la nation ? et que les fêtes, les courses de tête et les courses de bagues, images toujours nobles et instructives de la guerre, n’étoient pas plus propres à faire juger de la vigueur, de la force, de la souplesse des chevaux et du mérite du cavalier, que des courses à toutes brides, destituées de tout ensemble et exécutées sous de simples piqueurs, dont l’infidélité peut encore être nuisible à ceux mêmes qui les gagent et les emploient ? »

§. III. Influence des courses de chevaux et de chars. « C’est, dit encore M. Bourgelat[4], en établissant des jeux publics, dont les courses de chevaux étoient une des parties principales, que plusieurs anciens peuples de l’antiquité parvinrent à une grande habileté dans l’art de manier le cheval. La victoire y étoit disputée non seulement par des écuyers, mais encore par les personnes les plus recommandables, même par des princes et par des rois.

» Chez les Romains, les courses de chars, les courses de chevaux étoient les spectacles ordinaires du cirque et des jeux funèbres. Ces exercices avoient pour but de donner de l’activité à la jeunesse, de fortifier le corps, de l’assouplir, et de faire prendre l’habitude des grandes fatigues. L’appareil seul de ces jeux excitoit l’émulation et inspiroit le respect. On consignoit dans les registres publics les noms des combattans et ceux de leurs chevaux. De l’or, de l’argent, des habits, des chevaux furent souvent la récompense de la victoire ; et le juge attachoit en même temps, au son bruyant des trompettes, une palme sur la tête des coursiers. Leurs signalemens par noms, pays, poils, étoient gravés sur des tables de marbre, et leurs exploits étoient chantés par les poëtes.

» N’est-ce pas pour perfectionner et pour étendre les différentes branches de commerce que les courses de chevaux ont été instituées chez les Anglais ? Les prix donnés par le roi sont de cent guinées ; ceux qui sont accordés par les villes, ou conséquemment à des souscriptions particulières, sont de cinquante, et ne peuvent être moindres, par acte du parlement. Un même cheval a gagné dans une année, en différens lieux, treize prix, montant à la somme de cinq mille huit cent quarante guinées ; quel appât et quel encouragement ! Le cheval vainqueur est annoncé comme étalon dans les papiers publics, et le prix des sauts est toujours en raison des qualités connues de l’animal et de sa progéniture. Les sauts de l’Éclipse, fameux cheval qui avoit gagné par-tout où il avoit couru, furent d’abord portés à vingt-cinq guinées par chaque jument ; mais ensuite plusieurs de ses poulains coururent, et gagnèrent ; alors le prix de ses sauts monta à cinquante-deux guinées. Il en a été de même de Snap, de Chrysolite, de Mask : les sauts de Mask et Chillaby furent à cent guinées. Ils servirent chacun trente-deux jumens, et valurent à chacun de leurs maîtres trois mille deux cents guinées.

» Un esprit d’ordre et de suite peut perfectionner nos races, au moyen d’une attention à consigner la généalogie et la filiation dans des registres, et à s’opposer constamment à toutes souillures qui pourroient résulter des mésalliances et de mélanges. Ainsi nous parviendrons à obtenir des productions d’un ordre supérieur, et à multiplier l’espèce en proportion de tous nos besoins.

» Les courses offrent d’ailleurs un moyen de juger, par l’épreuve, de la vigueur et des qualités des chevaux, et de choisir, sans se tromper, ceux qui méritent d’être préférés pour le service des cavales. »


CHAPITRE IV.

L’industrie des particuliers, par elle-même, est incapable d’améliorer les chevaux.

Nous avons démontré que l’amélioration ne peut se faire que par de bons choix, et par des alliances bien combinées. Or, ces choix, ces combinaisons exigent la connoissance de la structure intime des parties, l’estimation du degré d’importance dont chacune est dans la perfection de l’organisation. Cet objet embrasse les qualités physiques et morales des animaux, la connoissance des moyens qui ont sur eux des influences favorables ou contraires, et l’estimation du degré de puissance de ces moyens divers ; ce qui est relatif aux climats, aux alimens, aux tempéramens, aux âges, à la dentition difficile, aux sexes, aux travaux, aux qualités qui se transmettent aux descendans, soit en bien, soit en mal, et aux moyens de les modifier.

Il est vrai qu’à travers les pratiques bisarres, parmi la foule des animaux sans qualités qu’on ne produit pas au grand jour, on voit sortir par intervalles quelques animaux excellens, qui font beaucoup de bruit ; mais il n’est pas moins certain que si l’on agit sans méthode, la plupart des animaux se trouvent manqués, et que pour en obtenir promptement beaucoup de bons et beaux, on ne pourra jamais réunir trop de connoissances positives, et que l’efficacité des mesures dépendra toujours de la sagesse du plan, et de la perfection de la science qui aura dirigé les soins.

L’impuissance de l’industrie particulière, abandonnée à elle-même, n’est bien sentie que par les personnes instruites qui ont parcouru ou habité les pays d’élèves, et qui ont vu l’ignorance admirer et renouveler ses fautes. Il faut avoir vu de près le vulgaire des nourrisseurs, pour savoir combien il est loin de saisir les véritables points d’utilité, soit la préférence qu’il donne à des frivolités sur des choses importantes, soit par les bonnes choses qu’il omet, ou par les choses déraisonnables qu’il pratique ; que les chevaux, chez les consommateurs, sont victimes de beaucoup de défectuosités qui ne sont dues qu’à l’ignorance des nourrisseurs, ou qu’à l’insuffisance de l’industrie particulière. Il faut que les lumières dirigent le goût : il faut aussi dans le cheval, pour ainsi dire, une vérité de formes, une proportion, un rapport des parties, tant pour les fonctions de l’animal en lui-même, que relativement à son usage pour nos différens besoins : dans cet objet, comme dans les autres, la perfection du goût vient de la perfection des lumières. (Voyez Bonté, Beauté.)


CHAPITRE V.

Nombre d’étalons et de jumens nécessaire en France.

Le nombre de chevaux qu’il est nécessaire de faire naître en France, doit être en proportion de l’emploi et de la consommation qu’on en fait. Nous allons tâcher d’obtenir un apperçu de ce nombre, par les calculs suivans :

1°. Emploi.

Nous comptons qu’on emploie pour l’agriculture, dans vingt-cinq mille communes agricoles, terme moyen, trente chevaux par commune, ci 750,000 ch.
Pour le roulage 100,000
Pour les diligences de terre et les coches d’eau 150,000
Pour la poste 70,000
Pour le luxe 100,000
Dans les troupes 80,000
Pour les fiacres, etc., et les manufactures des principales villes 200,000

Total 1,500,000

Peut-être ce nombre approche-t-il de deux millions.

2°. Défaut de conception et mortalité. Les saillies qui ne sont pas fécondantes, tous les chevaux qui meurent naturellement, ou qu’on sacrifie parce qu’ils deviennent incapables de servir, peuvent s’élever, par an, à un dixième, terme moyen, entre les divers emplois, en y comprenant les poulains qui périssent, soit dans le ventre de la mère, soit avant d’être propres au service. Ce dixième est donc de cent cinquante-un mille.

3°. Il faut donc avoir cent cinquante un mille jumens poulinières.

4°. Nombre d’étalons. Un étalon peut saillir de vingt-cinq à trente jumens par an, ce qui rendroit nécessaires cinq à six mille étalons.

Il y en avoit trois mille trois cents en 1789, suivant le dernier recensement, dans lequel ne sont point compris les étalons des haras particuliers, et ceux de plusieurs provinces qui n’étoient point dépendantes de l’administration des haras.


Moyens particuliers.

§. Ier. Exemples et récompenses. Le gouvernement ne doit point chercher à faire naître lui-même tous les chevaux nécessaires en France. Ce projet demanderoit des mesures trop compliquées et trop dispendieuses. La tâche qu’il doit exécuter est celle de faire assez pour porter les particuliers à faire le reste.

Il encouragera par des distributions d’étalons et de jumens, par des primes et par des prix.

Pour satisfaire aux vues d’encouragement proposées, et pour servir d’exemple, le gouvernement devroit être propriétaire de douze à quinze cents étalons. En 1789, il en avoit onze cent soixante-seize, et la France est agrandie depuis cette époque ; une partie de ces animaux seroit soignée dans des haras appartenans à l’État ; l’autre partie seroit déposée chez des particuliers, aux conditions dont il va être parlé.

En 1789, il y avoit dans les haras de l’État trois cent soixante-cinq étalons ; on pourroit porter ce nombre à cinq cents.

On désigneroit, dans les pays d’élèves, deux ou trois mille communes qui seroient obligées d’acheter et d’entretenir, à leurs frais, un étalon approuvé par l’inspecteur des haras.

Les étalons, au moment d’être distribués, seroient signalés, puis estimés à une valeur moyenne. Le procès-verbal de cette opération seroit remis au particulier, en même temps que l’étalon qui lui seroit abandonné en propriété, à condition de donner à l’administration des haras une bête de remplacement, à choisir parmi les trois premières productions mâles qui naîtroient de l’étalon d’une jument déterminée appartenance au particulier à qui l’on donne cet étalon.

Ces productions ne seroient reçues en remplacement qu’à l’âge de quatre ans ; alors le particulier seroit totalement acquitté.

Mais si la bête répartie venoit à périr par la faute du particulier, sans laisser de productions en remplacement, il seroit tenu de la payer au prix de l’estimation.

L’administration des haras se procureroit, aux frais de l’État, six à sept cents étalons, qu’elle distribueroit aux propriétaires des jumens les plus distinguées ; l’approvisionnement du reste des étalons, pour atteindre le nombre de cinq à six mille, seroit abandonné à l’industrie des particuliers, que l’on exciteroit par divers encouragemens.

Le premier acte de l’administration seroit d’acheter d’abord les six à sept cents étalons à distribuer, et d’en faire la répartition le plus tôt possible. Ces étalons seroient pris de l’âge de trois, quatre et cinq ans.

Les sujets destinés à remplacer ceux-ci seroient achetés avec plus de précaution. L’administration des haras les feroit choisir étant poulains, et acheter à l’âge de six mois, d’un an, ou de dix-huit mois, à condition de ne s’en livrer qu’à quatre ans, et de prescrire la manière ont ils devroient être soignés jusque là.

Les bêtes reçues en remplacement seroient réparties avec les mêmes formalités et aux mêmes conditions.

Par ce moyen, l’administration des haras n’auroit point de frais à faire autres que ceux d’achat ; les frais de nourriture et de soins seroient faits par les particuliers qui recevroient en compensation le prix des saillies, et qui auroient enfin la propriété de la bête, en livrant une de ses productions.

Ce moyen d’amélioration et de multiplication se perpétueroit ainsi sans efforts.

Nous verrons ailleurs quelle en seroit l’influence au bout de quelques années.

Ces chevaux étant répandus dans beaucoup d’endroits, n’auroient point l’inconvénient d’amaigrir le terrain, comme il arrive sur un fonds où l’on ne nourrit pas des bœufs et des moutons qui compensent le tort que font les chevaux.

L’administration auroit soin de placer les étalons et les jumens chez des particuliers dont les fonds fussent abondans et non marécageux ; de même qu’elle veilleroit à ce que les poulains achetés et ceux admis en remplacement fussent mis sur des terrains secs et assez fertiles, le tout suivant l’âge et le tempérament des animaux, l’excès ou le défaut de sucs pouvant faire manquer le développement des productions.

§. II. Du personnel de l’administration. À diverses époques, n’a-t-on pas vu des hommes qui avoient à cœur l’amélioration et la multiplication des chevaux, créer des établissemens, faire des entreprises considérables ? Mais dans cette partie les progrès sont lents, les produits sont éloignés ; et dans l’intervalle la patience manque à l’homme ; des avis inconsidérés ébranlent ses résolutions ; de faux calculs, qu’il n’a pas le temps de corriger, et le plus souvent l’ignorance et la négligence lui font abandonner son entreprise ; ou bien c’est une mort inattendue qui l’enlève à ses projets ; son zèle descend avec lui dans la tombe ; ses enfans, héritiers de son établissement, ne partagent point ses goûts. Les plans du défunt sont décriés, l’édifice élevé à grands frais se trouve bientôt ruiné de fond en comble, les débris en sont disséminés, et deviennent, pour la multitude, une occasion de publier que l’entreprise étoit folle.

Le zèle d’un ministre d’état a des effets plus étendus dans le moment ; il multiplie les moyens qu’il juge capables de remplir ses vues. Mais, outre que le ministre est mortel aussi, il arrive quelquefois que, passager dans son emploi, quoiqu’il ait ouvert une mine féconde, ses successeurs en retirent bientôt les ouvriers ; ou bien un système fait place à un autre. Il n’y a point de plan, quelque bien fait qu’il soit d’abord, qui puisse être suivi constamment. Le passé fournit la preuve de ces vérités.

Pour remédier à ces inconvéniens, pour obtenir les plus grands avantages, il faudroit qu’une institution d’un esprit permanent fût associée à la tâche de diriger les haras.

Pour que cette institution fît le bien, il faudroit qu’elle agît librement, qu’elle gérât ses moyens comme un particulier citoyen d’un pays libre.

Ses succès, amenés par le calcul et la patience, serviroient d’exemple ; et comme cette institution seroit toute dévouée au bien public, ses bienfaits seroient sa récompense, son principal objet étant de faire le plus possible de sacrifices utiles.

L’institution ne pourroit atteindre ce but, si, par son caractère, elle n’attiroit l’attention de tous les particuliers qui eu quelque influence dans l’objet, si elle n’étoit répandue sur tous les points de la France, si elle n’étoit environnée de toute la confiance du gouvernement. Il faut enfin que dans ce corps on trouve des hommes qui aient pour cette tâche une vocation naturelle, c’est-à-dire, le goût du cheval et une certaine habitude d’administrer.

Or, l’énoncé de ces conditions a suffisamment montré qu’elles se trouvent dans la légion d’honneur. Il importe donc encore au bien public que la légion d’honneur entretienne des haras à son compte. Il y auroit aussi sous l’influence du ministère, une administration des haras, composée, par exemple, d’un commissaire des haras, de trois ou quatre inspecteurs, et de deux ou trois cents visiteurs.

La légion d’honneur auroit simplement son commissaire des haras et ses trois ou quatre inspecteurs.

Le ministère et la légion d’honneur formeroient un nombre d’établissemens de haras suffisant pour entretenir de part et d’autre deux cents étalons et deux cent cinquante jumens environ ; ce qui feroit les cinq cents étalons qui, joints aux sept cents ou mille répartis, formeroient les douze ou quinze cents dont nous avons parlé.

Il y auroit un conseil des haras composé des deux commissaires et des six ou huit inspecteurs. Ce seroit sur la proposition de ce conseil que le ministère et le grand conseil de la légion d’honneur arrêteroient les lieux où les établissemens devroient être formés, et la quantité d’étalons et de jumens qu’on entretiendroit dans chacun, suivant les localités. Les règlement d’exécution et de détails seroient arrêtés par le ministère et par le grand conseil, chacun pour la partie qui le concerne.

$. III. Croisement : Expériences. Les croisemens et les expériences ne seroient exécutés que dans les établissemens appartenant à l’administration. Les productions qui en résulteroient ne seroient consacrées à la génération, dans les haras des particuliers, qu’après que les avantages eu auroient été bien constatés.

Le premier but de l’administration seroit de conserver la race de chaque pays, et de l’améliorer par des alliances entre les plus beaux animaux de cette même race.

Cependant les chevaux arabes sont les premiers chevaux du monde pour la finesse, l’énergie, l’intelligence, la docilité. Tout le monde est d’accord que c’est la race par excellence pour améliorer les chevaux de selle. C’est par des animaux de cette race, importés au temps des Croisades, que nos chevaux limousins, normands, navarrains, etc., ont reçu un degré de perfection dont on retrouve encore les traces. Ce sont les chevaux arabes qui ont amélioré les races en Angleterre : ce sont des chevaux arabes, sur-tout, qu’il faut avoir pour placer dans nos établissemens.

D’ici à ce qu’on puisse s’en procurer directement d’Arabie, soit par nos commissaires des relations commerciales, soit par des personnes envoyées exprès, il seroit avantageux au bien public que tous les chevaux arabes amenés d’Égypte fussent employés à l’amélioration de nos races, et placés dans les établissemens des haras soit du ministère, soit de la légion d’honneur. Il suffiroit sans doute que Sa Majesté Impériale manifestât le désir de les y voir consacrés, pour que tous ceux qui les possèdent les livrassent à ce service d’une utilité générale. Cet acte de patriotisme seroit mentionné dans les mémoires des haras ; on paieroit le prix des animaux cédés, ou bien on donneroit dans quelques années, aux propriétaires, des productions de leurs animaux.

Les particuliers feroient sans doute volontiers le sacrifice de leur jouissance actuelle, étant sûrs de voir ces animaux devenir la souche de la multiplication de cette race si excellente.

§. IV. Primes. Il seroit accordé une prime de mille francs à la présentation d’une bête arabe, mâle ou femelle, importée en France, avec son acte de généalogie ; elle seroit marquée, et acte en seroit dressé et délivré au propriétaire.

Il seroit payé pour un premier métis d’arabe né en France, une prime de 300 fr.
Pour un second 600
Pour un troisième 900
Pour un quatrième et suivans 1200

§. V. Prix. Défis. Il y auroit chaque année, dans une ville voisine de chaque haras ou de manèges, six prix :

Un pour les plus belles formes d’un cheval de selle : il seroit de 600 fr.
Un pour la vitesse au galop 600
Un pour le trot le plus vite et le plus long-temps continué 600
Un pour la force au trait 600
Un pour les airs les plus gracieux du manège, exécutés par un cheval bien conservé 1000
Un pour l’âne le plus parfait ou la plus belle ânesse 300

On ne pourroit présenter au concours que des jumens ou des chevaux entiers, nés en France, et jamais moins âgés que de quatre ans.

Les vainqueurs seroient marqués d’une marque particulière, et l’extrait de l’acte du prix seroit inscrit au livret du propriétaire.

§. VI. Mesures de police relatives aux races et aux importations. L’administration ministérielle des haras auroit, dans ses attributions, l’encouragement de tous les haras particuliers, et la surveillance des mesures de police qu’il est nécessaire d’établir.

Les fonctions de visiteurs pourroient être confiées avec bien de l’avantage aux vétérinaires, parce qu’un grand nombre sont capables de les bien remplir, et qu’en exerçant leur art en même temps, ils pourroient se contenter de modiques honoraires.

Saillies. Tout propriétaire de jument poulinière en feroit constater la saillie par un acte signé par le propriétaire ou l’administrateur de l’étalon, et par deux témoins. Les signalemens et la généalogie de l’étalon et de la cavale y seroient inscrits par un visiteur. L’acte de saillie seroit le premier sur la feuille que nous nommons livret, et qui passeroit aux mains des divers propriétaires des chevaux.

Naissances. Dans les dix jours de la naissance d’une pouliche ou d’un poulain, le propriétaire porteroit au maire l’acte de saillie, et se feroit accompagner par deux témoins qui certifieroient que le jeune animal est bien né de la mère signalée en l’acte de saillie. Le maire inscriroit cette déclaration et la date de la naissance sur le registre, et les trois déclarans le signeroient ; le maire donneroit acte de la naissance de l’animal à la suite de l’acte de saillie, et le signeroit, ainsi que les deux témoins. Les deux témoins dresseroient, sur une feuille à part, le signalement du poulain ; ce signalement seroit signé aussi par le maire.

Âge adulte. Tous les ans, à une époque fixée pour chaque arrondissement, un visiteur des haras appliqueroit au fer rouge la marque de son arrondissement à tous les chevaux ou jumens de l’âge de six mois ; il tiendroit registre de cette opération, et en délivreroit extrait à la suite de l’acte primitif’, en y inscrivant le signalement de chaque animal, et en faisant mention qu’il se rapporte au signalement du poulain, dressé lors de la naissance.

Il feroit mention sur son registre des actes qui, dans le livret, auroient précédé le sien.

Chaque visiteur dresseroit un état particulier de cette opération chaque année, et le transmettroit à l’inspecteur.

Ventes. Les ventes des chevaux, jumens, pouliches ou poulains seroient déclarées par le vendeur au maire ou à un officier de police du lieu où elles se feroient. Celui-ci en prendroit acte sur un registre à ce destiné, et l’inscriroit de même sur le livret du cheval vendu.

L’acquéreur rempliroit les mêmes formalités en revendant les animaux.

Recensement. Tous les ans, les maires feroient le recensement de tous les chevaux de leurs communes, et mentionneroient les lieux où ils sont nés, suivant les livrets.

Morts. Quand il mourroit un cheval, jument ou poulain, le propriétaire, avec deux témoins, seroit tenu d’en faire la déclaration au maire ou à l’officier de police qui l’inscriroit au registre de la commune, et détruiroit le livret du propriétaire.

§. 7. IMPORTATION ET EXPORTATION.

Importation. Tout cheval ou jument étrangers, à leur entrée en France, seroient marqués au fer rouge d’une marque particulière, par un officier des douanes ou par un visiteur requis par lui ; il en prendroit acte sur un registre, et en délivreroit au conducteur un extrait, qui seroit l’acte primitif pour le cheval importé.

Exportation. Lorsqu’un cheval français, ou un cheval étranger introduit en France, sortiroient du territoire, l’acte de sortie seroit inscrit au livret et au registre, aussi par un officier des douanes.

Marque. Tous les chevaux et jumens actuellement en France, seroient marqués d’une marque particulière.

Et ceux qui se trouveroient en France sans marque après cette opération, seroient confisqués, à la diligence des maires, officiers de police, visiteurs et des percepteurs des douanes, comme importés en fraude.

Les marques seroient déterminées par des règlemens ultérieurs, et les bêtes issues des haras auroient des marques particulières. Elles seroient réappliquées par les visiteurs toutes les fois qu’elles seroient effacées. Les particuliers seroient tenus, à cet effet, de les présenter à la visite annuelle : acte seroit dressé et donné de cette réapplication.

Registres. Les maires ou officiers de police, et les percepteurs des douanes, auroient un registre particulier pour y inscrire les livrets des chevaux.

Ils n’y en inscriroient qu’un extrait ; mais il contiendroit toujours le signalement, à moins que le déclarant ne jugeât à propos de requérir l’inscription toute entière, dans la crainte de perdre son livret, et afin d’en obtenir un duplicata.

En cas de demande de duplicata, il n’y seroit jamais mentionné que le texte de l’inscription au registre : et, pour obtenir un duplicata, il faudroit en signer la demande au registre, et être appuyé de deux répondans dignes de confiance, qui y signeroient pareillement.

Chaque officier tenant un registre pourroit donner aussi les duplicata.

Livret. Le livret seroit une feuille double de papier fort et timbré.

Si cette feuille devenoit insuffisante, il en seroit ajouté une seconde dont il seroit fait mention au bas de la première, sans rappeler le signalement en tête de la seconde. Quand elle seroit usée elle pourroit être transcrite, sur papier timbré, par les maires et les officiers de police, et elle resteroit jointe au registre. Le propriétaire actuel du cheval seroit toujours porteur du livret.

Les maires ou les officiers de police et les officiers des douanes, feroient tous les ans un relevé de leurs opérations inscrites au registre des chevaux, et le feroient parvenir à leurs administrations supérieures, qui le transmettroient au ministère.

Les états sommaires des recensemens annuels seroient de même adressés aux administrations supérieures.

Les saillies, naissances, ventes, morts, dans les haras, tant ministériels que légionnaires, seroient constatées par les administrateurs sans la participation des maires ou des officiers de la police.

Contravention. Les déclarations omises dans l’intérieur pour saillies, naissances, ventes et morts, seroient punies par vingt francs d’amende, et par le double à chaque récidive. Ces amendes seroient inscrites sur le livret.

Les contraventions pour les importations seroient punies par la confiscation. Ces dispositions ont pour but de faire valoir nos races, de faire bien connoître nos ressources, d’établir la bonne foi exclue jusqu’ici du commerce des chevaux, et de nous garantir de l’influence du commerce étranger en ce qu’il a de nuisible à nos intérêts.

Dépense pour l’achat des étalons, et recettes en compensation. Les douze cents étalons, à trois mille francs pièce, coûteroient trois millions six cent mille francs.

On pourroit faire cette dépense par portions en six ans ; de manière à consacrer par an six cent mille francs ; c’est-à-dire trois cent mille francs par le ministère, et les trois cents autres mille francs par la légion d’honneur.

On n’auroit ensuite à faire pour les étalons dans les haras, de dépense autre que celle de leur entretien, parce que leur renouvellement pourroit très-bien s’opérer au moyen des étalons fournis en remplacement de ceux qui auroient été distribués.

Cet entretien, évalué à huit cents francs par an par chaque animal, nécessiteroit de la part du ministère une dépense annuelle de deux cent mille francs, et une dépense pareille de la part de la légion d’honneur.

En 1780, l’administration générale des haras, dit M. Huzard, faisant moins de chevaux qu’elle n’en avoit jamais fait, dépensoit quatorze cent douze mille liv. par an, sans compter la dépense des autres administrations particulières[5].

Pour éviter de faire subitement des dépenses considérables, on peut arrêter d’abord un plan, puis en exécuter quelques portions chaque année, de sorte que dans peu de temps l’ensemble résulteroit du rapport des différentes parties.

Mais voici un moyen de tirer de la chose même la plus grande partie des fonds nécessaires à l’établissement proposé, ainsi qu’à son entretien. Les mesures de police qui exigeroient que les propriétaires de chevaux eussent un livret timbré pour chaque cheval, auroient pour but de bien faire connoître, d’accroître et de conserver nos richesses : elles ne sont point une invention fiscale. Cependant le premier établissement des livrets produiroit, à deux francs par cheval, une recette de trois millions ; et les livrets à délivrer chaque année, en raison d’un dixième de ce premier nombre, fourniroient trois cent mille francs. Cette recette, obtenue à la fois, permettroit d’organiser aussi tous les haras en même temps, ce qui seroit bien préférable.

Il est assez juste que les propriétaires de chevaux fassent les frais de mesures qui tendent à perfectionner une espèce d’animaux qui sert à leur fortune et à leur jouissance. L’augmentation des recettes, pour les importations des chevaux de races étrangères, fourniroit sans doute au delà de ce qui manque pour compléter les frais qu’exigeroient l’établissement et l’entretien des haras ; parce que, le plus souvent, la taxe seroit probablement de 25, 50, ou 100 francs par tête, et quelquefois au-delà, Or, s’il entre en France 1000 chevaux par an, on pourroit compter encore, terme moyen, une recette annuelle de trois cent mille francs.


CHAPITRE VII.

Évaluation de la multiplication des bêtes de choix, résultant des moyens proposés.

Un vingtième des jumens saillies ne retient pas, ou leurs poulains éprouvent des accidens qui les font périr. Mais ce déficit est compris ans le calcul donné précédemment, de manière que nous devons compter ici toutes les saillies comme heureuses.

Nous avons supposé que l’on entretiendroit dans les haras ministériels et légionnaires 500 étalons
Et qu’on en répartiroit chez des propriétaires, à charge de remplacement 700

Ce qui fait en tout 1200 étalons
Si l’on mettoit tout ce projet en activité, il naîtroit, la deuxième année, des saillies faites la première année, 1200 productions, au nombre desquelles il y auroit sis cents femelles et six cents mâles. Tenons compte seulement des mâles.
Ils sont, cette année, au nombre de six cents, ci 600 2400
La troisième année 600
La quatrième année 600
La cinquième année 600
On feroit saillir cette année les 600 jumens nées la seconde année, et qui auroient alors trois ans.
La sixième année, il naîtroit des premières jumens 600 900
Plus, des jumens nées la seconde année 300

3,300
La septième année, des premières jumens 600 1200
Plus, des jumens nées la seconde année 300
Plus, des jumens nées la troisième année 300
La huitième année, les premières jumens, trop vieilles, n’engendreroient plus,
mais les jumens nées la seconde armée donneroient 300 900
Celles nées la troisième 300
Celles nées la quatrième 300
La neuvième année, les jumens nées la seconde donneroient 300 1200
Celles nées la troisième 300
Celles nées la quatrième 300
Celles nées la cinquième 300
La dixième année, les jumens nées la seconde donneroient 300 1500
Celles nées la troisième 300
Celles nées la quatrième 300
Celles nées la cinquième 300
Celles nées la sixième 300

8,100


On voit que dans dix ans il seroit né des jumens choisies, saillies chez les particuliers par des étalons de choix, huit mille cent mâles. En supposant qu’à cause des lenteurs ordinaires dans les premiers établissemens, et que beaucoup de mâles n’étant pas propres à devenir étalons, on dût réduire ce nombre à la moitié, qui seroit de quatre mille cinquante, nous avons vu que ce nombre seroit à peu près capable de suffire à la saillie de toutes les jumens qu’il est nécessaire d’entretenir, afin de faire naître chez nous tout le nombre de chevaux que nos besoins exigent.

À l’époque de la cinquième armée les particuliers auroient déjà rendu sept cents étalons en remplacement de ceux qu’on leur auroit distribués ; à l’époque de la dixième année, ils rendroient encore un pareil nombre d’étalons ; de sorte que l’amélioration et la multiplication feroient le double de progrès, parce que les étalons abandonnés en propriété, et qu’on auroit achetés jeunes n’auroient pas dix ans, et qu’ils seroient encore capables de service.

Conclusion. Multiplier et perfectionner nos chevaux, voilà les deux points qui doivent occuper l’attention. L’administration des haras nationaux et la légion d’honneur, auroient surtout le soin du perfectionnement. Cependant quelques propriétaires deviendroient en cela leurs rivaux, mais le plus grand nombre se borneroit à la multiplication.

Le système proposé est un plan d’encouragement par des exemples ; il n’y auroit nulle prohibition, nulle gêne ; on y respecte le goût, le zèle des particuliers ; on y provoque même leur concurrence avec l’administration publique et avec la légion d’honneur : il ne pourroit y avoir ni vexations, ni plaintes.

Dans vingt ans, les avantages de ce système seroient en train de se consolider, tant sous le rapport des haras que sous celui de l’agriculture.

L’ordre, la méthode, la sagacité, le zèle, doivent être les sources de la prospérité des établissemens projetés. C’est par des faits répétés, multipliés, plutôt que par des livres, qu’il faut porter l’instruction dans la classe de nos cultivateurs. Ils lisent peu, tandis que les exemples donnés par l’administration des haras et par la légion d’honneur ne manqueroient pas de les frapper.

On voit que les chevaux, en raison de leurs qualités et de leur nombre, donnent lieu à des considérations importantes par rapport à l’agriculture, au commerce et à la puissance de l’État.

Depuis quelques années, plusieurs personnes de mérite[6] ont présenté leurs vues sur les moyens de multiplier et d’améliorer les chevaux en France.

Il y a déjà quelque temps, le général Mathieu Dumas, conseiller d’état, nous a demandé nos idées sur cet intéressant objet : nous les lui avons soumises et nous les avons améliorées d’après ses conseils. Le général Lacuée, conseiller d’état, le général Kellermann, sénateur, maréchal d’Empire ; le général Duprat, le sénateur Lacépède, grand-chancelier de la légion d’honneur, nous ont aussi encouragés dans notre travail. Nous l’avons resserré dans un cadre plus étroit, pour le publier aujourd’hui, pour l’offrir à la pensée du gouvernement et à sa sollicitude.

Le moment est venu, sans doute, où il portera ses regards sur cette partie.

Le projet qu’il adoptera pourroit être mis en activité par portion chaque année. Ces opérations se faisant ainsi successivement, il n’y auroit ni embarras, ni dépenses considérables à faire subitement. D’un autre côté cependant, les livrets timbrés et l’augmentation des recettes aux douanes, fourniroient à peu près suffisamment pour le début et pour l’entretien de chaque année. L’ensemble se trouveroit résulter des parties coordonnées peu à peu. Enfin, nous avons pensé qu’il est digne du grand homme, l’honneur de la nation par ses armes et par la sagesse de son gouvernement, d’embrasser aussi dans ses bienfaits les haras et l’agriculture. C’est encore un monument à ajouter à sa gloire.

(Chabert, Chaumontel, et Fromage.)
  1. Instruction sur les Haras. Par M. Huzard, gage 13.
  2. Voyez le Rapport sur le perfectionnement des charrues, fait à la Société impériale d’Agriculture. Paris, Bossange, et chez M. Huzard. An 11.
  3. Physique des haras.
  4. Physique des Haras, de M. Bourgelat.
  5. Instruction sur l’amélioration des Chevaux en France. Par M. Huzard, page 23.
  6. Voyez les Ouvrages du général Collot, Paris, Pougens, an 10 ; de M. Huzard, membre de l’Institut, an 10 ; de M. Maleden, ancien officier de cavalerie, Paris, Bossange, an 12 ; M. Lafresnaye sur les haras du Pin, Paris, Batilliot le jeune, an 11 ; du feu baron de Bohan, colonel de dragons, publié par M. Delalande, Paris, Courcier, an 13.