Cours d’agriculture (Rozier)/OSEILLE DES JARDINS

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Hôtel Serpente (Tome septièmep. 339-342).


OSEILLE DES JARDINS. Tournefort la place dans la deuxième section de la quinzième classe des fleurs à étamines dont le pistil devient une semence enveloppée par le calice ; & il l’appelle acetosa rotundifolia hortensis. Von-Linné la classe dans l’hexandrie trigynie, & la nomme rumex scutatus. Cet auteur compte vingt-sept espèces de rumex dont il suffit de faire connoître celles qui sont de véritables oseilles cultivées dans les jardins.

Fleur ; sans pétales, à étamines, composée de six étamines logées dans un calice, découpée en six folioles ovales, obtuses, réfléchies, trois intérieures, trois extérieures. On peut considérer les premières comme des pétales, & les secondes comme le vrai calice. Toutes les fleurs sont hermaphrodites dans cette espèce, & ont trois pistils.

Fruit ; une semence à trois côtés contenue dans les folioles intérieures du calice qui ont pris la même forme.

Feuilles ; en fer de flèche, quelquefois arrondies en forme de cœur.

Racine ; brune en dehors, jaunâtre en dedans, solide, fibreuse.

Port ; tiges hautes de dix à dix-huit pouces, suivant la culture & le sol, & même quelquefois à plus de deux pieds, cannelées, branchues, avec des feuilles opposées ; les fleurs naissent au sommet ; du collet de la racine sort un grand nombre de rejetons.

Lieux. Les jardins potagers, originaire des montages de Suisse & de la haute Provence. La plante est vivace & fleurit en mai & juin.

La culture de cette plante a produit un grand nombre de variétés. L’oiselle de Hollande à feuilles très-larges & très-longues ; l’oseille simple des jardins à feuilles longues ; l’oseille stérile dont les feuilles sont plus rondes que longues & d’un vert blond. On l’a appelée stérile parce qu’on ne la multiplie que par les rejetons ou éclats de son vieux pied. L’oseille à feuilles d’un vert de mer, dont la racine ne pivote pas, mais s’étend à fleur de terre. L’oseille à feuilles rondes presque semblables à celles du coclearia par la forme, (Voyez ce mot) C’est une véritable espèce & non une variété ; elle diffère de celle qui a été décrite plus haut, en ce qu’elle a deux pistils. Linné la nomme rumex digynus. Sa saveur est moins acide plus douce que celle des autres oseilles : elle est originaire des hautes montagnes.

L’oseille que l’on rencontre dans presque tous les prés, peut à la campagne suppléer toutes les autres. Von-Linné la nomme rumex acetosa : dans cette espèce, les fleurs mâles sont séparées des femelles & portées sur des pieds différens. Ne seroit-ce pas le pied femelle de cette oseille que les jardiniers ont cultivé, & qui produit les espèces qu’ils appellentstériles ; cela est vraisemblablement, parce que dans leur voisinage il n’y a pas de pieds mâles pour les féconder ? Je ne puis pas vérifier ce doute, parce que dans le canton que j’habite, on ne trouve dans aucun jardin ces prétendues espèces stériles.

Culture. On multiplie l’oseille & par semences & par rejetons ; par semences, dès que l’on ne craint plus les gelées. Cette époque varie suivant chaque climat ; chaque cultivateur doit connoître le sien. L’amateur la devance en couvrant les semis pour les garantir du froid. Dans le même temps, on sépare les vieux pieds, & on les divise par œilletons, & on les plante à huit à douze pouces de distance les uns des autres.

Le semis demande une terre meuble, bien préparée, la graine doit être recouverte d’un demi-pouce de terreau ou de terre légère. On la sème ou par sillons ou à la volée : la première méthode est à préférer, elle facilite le sarclage des mauvaises herbes & les petits labours : de temps à autre on arrose au besoin, & on replante ensuite quand le pied est assez fort, & on arrose aussitôt. Six semaines après, on peut commencer à cueillir. Il est rare de former des planches entières d’oseille ; elle sert plus utilement de bordure aux quarreaux, elle les dessine à la vue, les circonscrit & en retient la terre. L’oseille ainsi plantée subsiste pendant dix à douze ans, si on a soin de regarnir les places vides. Il vaut beaucoup mieux la renouveler tous les six ans, afin d’empêcher le pied de trop s’étendre, de trop s’élargit & de détruire l’alignement. Dans les provinces du midi la plante se hâte de monter en graine, sur-tout si on la laisse éprouver la sécheresse. Il est donc essentiel de couper les tiges à mesure qu’elles paroissent, & d’arroser souvent, ce qui multiplie les feuilles. Chaque fois que l’on coupe les feuilles, il faut les retrancher très-près du collet de la racine.

Lorsque l’on veut avoir la graine, on permet à la plante de pousser ses tiges, & l’on connaît que la graine est mûre, lorsque le calice qui l’enveloppe est d’un rouge brun. On coupe alors les tiges, on les expose ensuite sur un drap au soleil, enfin on les bat. Cette graine conserve pendant trois ou quatre ans sa vertu reproductive.

Les curieux cherchent de bons abris contre lesquels ils transplantent dans le mois de novembre des pieds d’oseille bien enracinés & avec leur terre. Dès que les froids surviennent, ils les couvrent avec des paillassons : de cette manière ils ont de l’oseille pendant tout l’hiver. Les grands amateurs préparent des couches à cet effet, (Voyez ce mot) ils leur donnent des réchauts au besoin, les couvrent avec des cloches & des paillassons, &c. C’est acheter bien cher une poignée de mauvais herbage… La rareté des fumiers interdit cette amusette dans les provinces du nord, & par le secours des paillassons & des abris, il est facile d’avoir de l’oseille en hiver dans celles du midi.

Propriétés médicinales. Les oseilles des jardins sont les plus communément employées. On peut les suppléer sans crainte par l’oseille des prés, en observant que les feuilles de celle-ci sont plus acides & ses racines plus styptiques.

Les feuilles d’oseille sont légérement nutritives ; elles sont indiquées dans le scorbut, la fièvre inflammatoire, la fièvre putride & dans les espèces de maladies où les humeurs tendent à la putridité. Elles tempèrent la soif & la chaleur de tout le corps, elles tiennent le ventre libre : sous forme de cataplasme, elles diminuent la chaleur des tumeurs phlegmoneuses, & les font dégénérer promptement en abcès, principalement lorsque la chaleur, la rougeur & la douleur sont vives. L’eau distillée des feuilles d’oseille n’a pas plus d’efficacité que l’eau des rivières : le sirop d’oseille est semblable au suc exprimé des feuilles, édulcoré avec le sucre. Le sel essentiel d’oreille est très-bien suppléé par le suc de citron.

On donne avec succès les feuilles, les tiges de l’oseille de jardin aux animaux, ainsi que son suc, qui, étendu dans leurs breuvages, est indiqué dans toutes les maladies inflammatoires, putrides, & sur-tout pendant les grandes chaleurs, dans la vue d’éteindre leur soif.

La dose du suc pour l’homme est de quatre à six onces, & pour les animaux d’une demi-livre.