Cours d’agriculture (Rozier)/PHTHISIE

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Hôtel Serpente (Tome septièmep. 627-637).


PHTHISIE. Médecine rurale. Maladie de la poitrine qui attaque, consume & détruit le poumon. Elle a été connue des anciens médecins. Hippocrate en a donné une description assez étendue & assez exacte. Les observations & les aphorismes qu’il a laissés, sont si vrais, qu’il semble avoir deviné le secret de la nature. On distingue la phthisie en héréditaire & en accidentelle, en sèche & en humide ; on la distingue encore, à raison de la cause qui l’a produite, en phthisie nerveuse, écrouelleuse, historique, scorbutique, arthritique & vénérienne.

Nous ne ferons mention que de la phthysie héréditaire ou confirmée, & de l’accidentelle. Et sans nous arrêter aux autres espèces, nous indiquerons, le plus succinctement qu’il sera possible, les secours que l’on doit mettre en usage pour les combattre ; ou bien, nous renverrons le lecteur aux maladies où elle n’est que symptomatique.

La phthysie ne se manifeste jamais avant l’âge de seize ou de dix-huit ans ; mais à cette époque elle commence à exercer ses ravages sur tous ceux qui ont contracté en naissant une disposition à cette maladie. Pour l’ordinaire ils sont d’une stature haute & grêle ; ils ont les épaules relevées & la poitrine voûtée, resserrée & mal conformée. Ils éprouvent quelquefois des crachemens de sang, avec une douleur fixe à la poitrine. La respiration est gênée, mais elle devient beaucoup plus difficile & laborieuse à mesure que la maladie fait des progrès. C’est alors qu’ils ont dans le jour plusieurs quintes de toux sèche ; pour l’ordinaire, ils expectorent des matières muqueuses. La moindre marche, la moindre fatigue les rend essoufflés, & augmente la gêne dans la respiration. En général, leur visage est d’une couleur cendrée, mais il s’anime après le repas, & leur joues sont colorées d’un rouge vif & purpurin ; d’autres fois elles ont des taches blanches & de couleur d’amande. Ils ressentent des douleurs aux épaules & à l’épine du dos. Rarement ils dorment de plat, ils se couchent toujours sur un côté, la toux augmente ou survient tout à coup, s’ils reposent sur l’autre, le sommeil est alors interrompu. Ils ont le creux de leurs mains très-chaud ; leur pouls est petit, dur & entrecoupé. La fièvre survient, elle redouble tous les soirs & ses redoublemens sont toujours précédés de quelques frissons. Le dégoût rend encore leur état plus insupportable. Ils mangent forcément, & les digestions qui ne tardent point à se vicier, accélèrent bientôt cet état de maigreur & de consomption qui constitue le premier degré de cette maladie.

À tous ces symptômes en succèdent d’autres plus graves, qui annoncent la décomposition & la dépravation des humeurs, tels que les crachats qui prennent une couleur verte, blanche ou mêlée de quelques stries de sang, une consistance plus épaisse, & qui exhalent une odeur fétide & insupportable à ceux qui par état sont obligés de rester dans l’appartement des malades ou de leur donner des soins assidus. La fièvre qui les consume, devient plus forte, & ses redoublemens plus longs & plus accablans. Il survient des sueurs colliquatives qui se manifestent le matin autour du front & du col. Ils sont encore épuisés par le cours de ventre & un flux excessif d’urine ; leur maigreur est extrême ; ils ne peuvent vivre que courbés sur la poitrine, afin de trouver quelque soulagement à leur situation. Leurs doigts s’amincissent sensiblement, les ongles deviennent, pour ainsi dire, crochus, & les cheveux tombent.

Les malades ne tardent pas longtemps à passer de ce second degré au troisième : dans celui-ci, les symptômes qui le caractérisent sont beaucoup plus fâcheux ; la perte totale des forces & du peu qui leur reste pour cracher, l’insomnie, le délire, l’enflure des pieds & des jambes, la voix rauque & plaintive, les yeux enfoncés & brillans, & les paupières luisantes, le froid des extrémités, la difficulté d’avaler, jointe au sifflement de la poitrine, ou à un souffle stertoreux, que les malades traînent avec la plus grande peine, sont l’annonce d’une mort prochaine ; telle est la marche ordinaire de cette cruelle maladie, si commune en Angleterre, & qui enlève en France le douzième des personnes qui meurent dans une année. La phthisie a toujours son siège dans le poumon ; c’est ce viscère qui offre les plus grands délabremens. On le trouve adhérent dans toutes les parties voisines. On trouve sa substance épaisse, calleuse, & très-dure. Il recèle des abcès considérables, des tumeurs anomales, des tubercules, des concrétions pierreuses & des ulcères. Il renferme des épanchemens sanieux & purulens. On a vu le larinx ; la trachée-artère, & les bronches, rongés d’ulcères ; leurs membranes détruites, & des érosions aux vaisseaux qui avoient donné lieu à des hémorragies.

Mais ce qui prouve que dans les phthisiques de naissance les glandes lymphatiques du poumon, & le parenchyme de ce viscère, sont engorgés d’un suc scrophuleux, c’est que presque toujours on trouve chez eux de pareilles congestions dans les parties que le virus scrophuleux affecte spécialement. M. Portal a vu chez les phtisiques de naissance les plus maigres, des concrétions graisseuses, d’une consistance cartilagineuse, tantôt autour du cœur, tantôt dans l’épiploon & dans le médiastin, & quelquefois parmi le peu de graisse qui restoit dans les interstices du tronc.

La phthysie reconnoît des causes prochaines & des causes éloignées.

Dans les causes éloignées on doit comprendre la disposition héréditaire, une mauvaise conformation de poitrine, tout ce qui peut gêner les poumons, & s’opposer à leur accroissement, & à celui des organes que la poitrine renferme ; les fréquentes inflammations, & sur-tout celles qui se terminent par toute autre voie que par la résolution simple ou excrétoire ; l’exposition a un air froid & humide ; la foiblesse naturelle des fibres & du poumon ; la suppression de transpiration, & des évacuations périodiques en répercutant sur le poumon quelque humeur qui couloit par quelque émonctoire artificiel ; l’usage prématuré & l’abus du café & autres liqueurs échauffantes ; la mauvaise nourriture, l’usage habituel des alimens salés, épicés, & de haut goût ; les veilles immodérées, les jeûnes excessifs, les vives passions de l’ame, l’excès & la jouissance précoce des plaisirs amoureux ; les évacuations excessives de toute espèce ; l’abus des remèdes purgatifs ; enfin tout ce qui peut détourner les humeurs des endroits qu’elles ont accoutumé d’affecter pour se jeter sur le poumon affoibli.

Les pollutions nocturnes, & surtout la masturbation, sont deux causes très-énergiques de phthisie, & qui y mènent bien vite les jeunes gens : il seroit aisé de s’en convaincre en rappelant ici les observations que Tissot rapporte dans son excellent ouvrage intitulé, l’Onanisme, & dont on ne sauroit assez recommander la lecture aux jeunes personnes qui ont contracté cette mauvaise habitude.

Les causes prochaines ne sont point aussi nombreuses, & peuvent être réduites à tout ce qui peut occasionner la stase & congestion dans l’intérieur même du poumon, & exciter par là des tubercules, telles sont l’épaississement de la lymphe, la répercussion d’une humeur âcre & mordicante sur la poitrine, la dissolution du sang dont les principes foiblement unis, ou mal combinés, n’ayant presque aucune cohésion entr’eux, se coagulent dans le poumon, & y produisent fréquemment une obstruction.

La phthisie héréditaire ou confirmée, est incurable ; celle qui dépend d’une péripneumonie, ou de la petite vérole, ou de la suppression des évacuations ordinaires, est plus facile à guérir.

La phthisie dans laquelle la vomique se rompt tout à coup, & dans laquelle on crache un pus blanc, cuit, & dont la quantité répond à l’ulcère, sans soif, avec appétit, est à la vérité difficile à guérir, cependant elle n’est pas absolument incurable.

La phthisie qui vient de l’empième, est incurable ; quand les crachats sont solides, pesans & de mauvaise odeur, il n’y a plus d’espérance.

Les meilleures méthodes préservations de la phthisie héréditaire, pour les personnes qui y sont exposées des leur naissance, seroient 1°. de faire attention à cette considération générale, qu’il y a fluxion & catarrhe, suivi d’une inflammation lente à laquelle succède la dégénération purulente, l’affaissement, la colliquation & le marasme ; 2°. de combattre l’acrimonie générale qui se manifeste dans la masse des humeurs, & la foiblesse du poumon, relativement aux autres organes qui existent quelque temps avant le développement de la phthisie.

De petites saignées, le quinquina comme tonique, l’usage des délayans, des émolliens, arrêteroient les progrès de l’âcreté, fortifieroient les poumons, & donneroient au sang & aux autres humeurs un caractère doux & balsamique.

Salius diversus a obtenu de bons effets des bains, des vapeurs d’eau douce, des boissons tempérantes, de l’usage du lait & des légers diaphoniques, tels que l’oignon de scille. La continuation de ces remèdes peut changer l’altération des humeurs, & donner au principe vital des mouvemens opposés à ceux que contracte le mode phtisique. Ce même auteur recommande parmi ces divers diaphorétiques doux, & propres à chasser les parties alcalescentes des humeurs, la décoction des santaux ; à laquelle il ajoutoit quelque peu de vin, si le malade étoit trop foible. Il assure non-seulement avoir guéri par cette méthode des phthisies commençantes, mais encore d’autres maladies causées par une fonte d’humeurs. En même temps il faisoit changer d’air & de régime, en substituoit un plus tonique & plus doux, & quand les forces du malade ne permettoient point un changement d’habitation, il en corrigeoit les vices par les vapeurs des végétaux.

1°. La dominance de la fluxion, ou de l’inflammation lente du poumon ; 2°. les vices locaux qui s’opposent à la consolidation de l’ulcère ; 3°. l’altération diverse des humeurs qui entretiennent l’ulcère, doivent fixer toute l’attention du médecin dans le traitement de la phthisie ulcéreuse essentielle.

1°. On saignera, & on répétera les saignées assez près l’une de l’autre, dans le principe, sur-tout si les sujets sont robustes, pléthoriques. S’ils sont au contraire foibles, peu sanguins, & s’ils ont le sang & les autres humeurs altérés, on pourra pratiquer une saignée peu copieuse, & on donnera ensuite des remèdes propres à changer & à dénaturer le caractère de ce sang dépravé, ressaigner encore, & faire prendre aux malades de bons sucs pour renouveler la masse du sang.

Tissot ordonne, outre les saignées, le nitre, le régime végétal, les fomentations, les acides minéraux, tels que l’esprit de soufre si la fièvre est considérable, & sur-tout si les acides végétaux ne suffisent pas, & enfin le quinquina. Pringle assure qu’il n’y a pas de meilleur remède pour abattre le mode inflammatoire, que les boissons pectorales avec les acides végétaux & minéraux. L’usage de plusieurs fruits mûrs est aussi très-avantageux, & a guéri plusieurs phtisiques. Borel rapporte l’exemple d’une femme qui fut guérie en mangeant du melon. Hoffman parle d’une autre qui se guérit en mangeant des fraises, & Cursel a vu une autre femme qui fut guérie en mangeant des concombres.

Les évacuans révulsifs conviennent principalement lorsque la fluxion catarrhale domine. Les vésicatoires abaissent le pouls, diminuent la fièvre, & font une impression plus avantageuse sur le principe de la vie, que les cautères. Ces derniers sont bien indiqués pour soutirer le pus qui surabonde dans la masse des humeurs.

Fabrice de Hilden a guéri des semi-phtisiques par l’application d’un séton dans les espaces intercostaux. Hippocrate & Celste se servoient avec succès des brûlures & des mèches ; sous ce point de vue l’application du moxa pourroit être très-avantageuse.

On doit encore procurer une augmentation d’excision de mucosité par le nez, en prescrivant l’usage du tabac, & en en faisant fumer dans cette intention aux malades.

Les émétiques ne peuvent convenir que quand les malades ont de fréquentes nausées, des rapports nidoreux, qu’ils rendent des glaires, & qu’il existe d’autres signes d’orgasme, sur-tout quand, il se fait périodiquement une fonte d’humeurs sur les poumons. L’ipécacuanha peut alors être donné avec succès ; mais on doit prendre garde qu’il n’y ait pas de dureté dans le pouls, ni d’autres signes qui pourroient faire craindre l’hémophthisie, & quand cet émétique a produit son effet, il faut le modérer par l’usage des narcotiques.

2°. On doit procurer la rupture de l’abcès du poumon, & une fois qu’il est ouvert, on donnera des expectorans plus actifs, des détersifs plus efficaces, afin d’évacuer le pus dont l’accumulation pourroit se faire sur les bords de la plaie ; on en prescrira de moins énergiques, à mesure que le pus s’évacuera. Wansvieten recommande les détersifs aromatiques vulnéraires, tels que le camædris, le lierre terrestre & l’hylope pour les tempéramens froids, tels que ceux des vieillards, & la bourrache & la scabieuse pour les malades jeunes & d’un tempérament chaud. Le miel, le sucre rosat, ont guéri plusieurs phthisies ; mais ils pourroient être nuisibles dans les sujets scorbutiques, en relâchant les solides & en attendrissant trop les chairs. L’humidité du poumon est souvent le vice local qui s’oppose à sa consolidation ; d’après cela, on ne doit pas abuser des humectans. Les décoctions des santaux, de la racine de squine, & du gayac, sont plus avantageuses, parce qu’elles opèrent la guérison en desséchant sensiblement par l’évacuation révulsive qu’elles procurent en augmentant la transpiration & en évacuant les humeurs superflues. Lorsque les crachats commencent à beaucoup diminuer, & qu’en n’a pas à craindre la suppression de la transpiration, en peut donner avec avantage des plantes balsamiques, comme l’hypéricum, le tussilage, les pilules de Morton qui peuvent opérer la cicatrice, quoiqu’elles réagissent qu’accidentellement, en changeant seulement le mode inflammatoire. Les baumes, en général, sont nuisibles quand il y a éréthisme ; pour l’ordinaire ils l’augmentent & causent des ardeurs, des pesanteurs. Raft a très-bien vu qu’ils ne conviennent point aux phthisies avec fièvre, aux tempérament sanguins, bilieux & irritables, mais bien aux pituiteux qui ont les glandes engorgées, chez qui l’urine coule lentement, & dont l’état du poumon demande de pareils échauffans. Les baumes naturels & sur-tout les plantes balsamiques sont préférables aux artificiels, qui enflamment, échauffent & conservent une huile empyreumatique. Il faut donner en même temps des caïmans & des narcotiques modérés, tels que le sirop de diacode, les pilules de Styrax, pour procurer un repos avantageux au poumon, & faciliter la consolidation de l’ulcère. D’ailleurs, la matière de l’abcès est mieux cuite & mieux digérée dans l’état de sommeil que dans celui de veille.

3°. On corrigera l’altération générale des humeurs qui perpétuent l’affection du poumon, par un bon régime de vie & par l’usage des alimens farineux auxquels on soumettra les malades. Cardan a guéri une fille phthisique dont l’état paroissoit désespéré, avec la décoction des farineux. La nourriture végétale est en général beaucoup plus avantageuse que les alimens pris des animaux qui ont une disposition à l’âcreté & l’alcalescence, & peuvent d’autant plus exalter les humeurs. Le pain, les farines, les racines, les fruits peuvent varier agréablement le régime végétal. On pourra aussi donner des décoctions de pain sucrées, les crèmes d’orge adoucies avec de la cassonade, l’infusion de salep, les crêmes de sagou & autres alimens adoucissans. On a toujours regardé le lait comme le meilleur remède dans la phthisie. Il est certain qu’il convient très-bien dans le premier degré de phthisie, il peut même empêcher la maladie de devenir incurable : la diète blanche à laquelle on réduit les malades, est très-avantageuse, elle calme la toux, & est quelquefois préférable aux narcotiques ; mais elle est encore plus salutaire quand on la combine avec le quinquina, qui est le tonique par excellence, & les eaux martiales, surtout chez les hypocondriaques. Le lait doit être donné récemment trait, & tout chaud autant qu’il est possible. Il auroit beaucoup plus de succès si on nourrissoit les animaux dont on le tire, avec les plantes appropriées a cette maladie, telles que les aromatiques.

L’état avancé de l’ulcère du poumon, contr’indique l’usage du lait. C’est alors qu’il s’altère, qu’il cause des vomissemens, des oppressions & des cardialgies, si on s’obstine à le faire prendre aux malades. Les absorbans pourroient à la vérité prévenir cette dégénération. Mais ces correctifs sont toujours impuissans, quand la phthisie est parvenue au plus haut degré, que la fièvre hectique & l’état de consomption ont fait les plus grands progrès, le lait occasionne alors des sueurs nocturnes, des défaillances, des engorgemens & des diarrhées colliquatives qui entraînent les malades au tombeau.

Lorsque l’ulcère provient d’un catarrhe, & sur-tout d’une obstruction sensible du poumon, (la constitution étant foible & languissante) le lait augmenteroit les symptômes, bien loin de les diminuer. On ne sauroit assez recommander l’exercice à cheval dans un air sec. Les anciens vouloient beaucoup que les malades fissent de petits voyages sur mer, qui sont toujours salutaires en altérant le mode phthisique & en imprimant sur tous les viscères du corps, des mouvemens doux, constans & uniformes.

L’exercice à pied peut être nuisible en augmentant la toux & l’oppression ; l’équitation est préférable. La perte des forces, procurée par le mouvement du cheval, est plus uniforme ; toutes les parties du corps travaillent successivement, tandis qu’en marchant, ce sont principalement les extrémités inférieures qui fatiguent & qui reçoivent une distribution presque entière des forces organiques, ce qui épuise les malades.

L’ulcère du poumon est souvent entretenu & même occasionné par une dégénération lente du poumon, ou par la purulence de la masse des humeurs ; le quinquina est singulièrement approprié pour prévenir cette dégénération. Son usage s’étend encore aux phthisies qui ont succédé aux fièvres intermittentes, comme l’a observé Morton ; il agit comme antipériodique. Il ne faudroit pas le donner dans la seule vue d’arrêter la fièvre lente, à moins que cette fièvre n’eût le génie rémittent bien marqué ; sans cela il pourroit être dangereux.

Le quinquina convient sur-tout dans la phthisie, lorsqu’il faut rétablir les forces languissantes de la constitution. On objecte contre son usage, qu’il échauffe & qu’il rend la respiration gênée. Cet inconvénient ne sauroit avoir lieu, pourvu qu’on le donne a une dose modérée. Si cependant il venoit à arrêter l’expectoration, il faudroit en suspendre l’usage pendant quelque temps, donner de l’oximel avec un léger calmant & revenir ensuite au quinquina. Une expérience heureuse a appris que ce remède seroit utile plus souvent, en en modérant les doses, en le combinant avec divers remèdes, tels que les vulnéraires, les balsamiques & la gentiane : Guarin l’a combiné avec succès, avec l’extrait aqueux de myrrhe.

La phthisie peut se communiquer en habitant assiduement dans l’atmosphère des phthisiques, sur-tout en couchant avec eux. On sait aussi qu’elle se communique tous les jours en faisant usage des vêtemens, linges & draps des personnes infectées de cette maladie. On en trouve trois observations dans le Journal de médecine du mois d’août 1785, page 595. On y lit de plus, qu’un matelassier & sa femme furent employés, à rebatre les laines des matelas d’une grande maison. Mais étant venus aux laines des lits sur lesquels un an auparavant des domestiques avoient essuyé des fièvres de mauvais caractère, la femme du matelassier fut attaquée d’une fièvre de même nature. Swieten rapporte des faits encore plus positifs & plus concluans. Il a vu la sœur & la domestique d’un pulmonique, mourir toutes deux phthisiques, victimes de l’assiduité de leurs soins. Enfin, il assure qu’une femme pulmonique & mourante, ayant imprimé un baiser sur le menton de son mari, il n’y repoussa plus rien, quoique le reste du visage demeurât couvert d’une barbe fort épaisse.

À l’appui de ces autorités, je citerai deux autres faits consignés, le premier dans le Journal de Paris du 10 octobre 1780 ; l’autre, qui se trouve dans celui du 20 octobre de la même année, est attesté par M. A…… médecin à Groningue. Cinq enfans nés de père & mère vigoureux & sains, ont été successivement les victimes de la phthisie. L’un d’eux âgé de 45 ans, est mort au mois de juin 1779. Son fils unique âgé de 20 ans, a cru pouvoir se servir des linges & hardes de son père, & sur-tout d’une espèce de witchourats ou pelisse doublée de peau. Sa santé s’est altérée dès le commencement de l’hiver dernier, & malgré les remèdes & un bon régime, il est dans un état de marasme qui donne les plus vives, alarmes.

Il est encore certain que dans plusieurs villes d’Italie il existe desloix qui ordonnent que les vêtemens & les linges des malades de ce genre, seront brûlés après leur mort : Voyez le journal de Paris du 10 octobre 1780.

Nous finirons en disant que la phthisie pulmonaire est souvent symptomatique, & qu’elle dépend des maladies de la peau, de la suppression des dartres & des maladies vénériennes. Il faut alors combattre la maladie primitive qui y a donné lieu. Dans la phthisie vénérienne, il ne faut point s’abstenir des mercuriaux, par la crainte que les malades ne succombent à leurs effets. On a vu des phtisies véroliques, qui paroissoient désespérées, céder à un bon traitement mercuriel. Il faut néanmoins être plus réservé que si la maladie étoit seule, & commencer par de plus petites doses & insister long temps sur cet usage, sans négliger les remèdes appropriés à l’état du poumon.

L’ulcère du poumon peut être entretenu par la fluxion de différentes humeurs, par leur métastase sur sa substance. Il peut être encore accompagné d’obstructions considérables, & même y être subordonné ; il est aisé de voir que, relativement à ces différentes complications, on doit suivre un traitement différent. Raulin dit avec raison, qu’on guériroit plus de phtisies qu’on ne fait, si on n’avoit pas la manie de croire qu’elles sont toutes incurables, si on remontoit à leur véritables causes & si on employoit un traitement convenable, à moins qu’elles ne reconnurent pour cause un vice de conformation. M. AMI.

M. Cailleas, docteur en médecine, rapporte dans le Journal de Paris du 2 octobre 1783, un traitement qui mérite d’avoir la plus grande publicité. Il s’explique ainsi : Ayant épuisé tous les remèdes pour le traitement de la phthisie pulmonaire, & n’en ayant obtenu aucun succès avantageux, je me déterminai à faire respirer de l’air véritablement pur, autrement dit déphlogistiqué, à un phthisique sur la fin du deuxième degré. Je vis comme par enchantement, le malade revenir peu à peu & se rétablir en très-peu de temps. Ce fut l’affaire de dix jours pendant lesquels tous les symptômes disparurent. Il prit de l’embonpoint, des forces, de l’appétit, & il jouit aujourd’hui de la meilleure santé.

J’ai employé depuis le même moyen & avec beaucoup de succès dans cette maladie, entre autres chez une personne dans cet état, qui avoit depuis quelque temps ou des sueurs colliquatives ou le dévoiement. Elle a eu beaucoup de bonheur, j’en conviens ; car je ne crois pas qu’au troisième degré de cette maladie, ce moyen puisse réussir, sur-tout si le sang est en dissolution, si le pus est continuellement entraîné dans la masse des humeurs, & si la substance des poumons est détruite. Mais il est certain qu’il est capable de consolider l’ulcère, & qu’on peut vivre long-temps quoiqu’il y ait déperdition de la substance des poumons.

Du reste c’est un air que les malades respirent toujours avec plaisir, & s’ils sont dans un état totalement désespéré, il prolonge leur vie ; il diminue les douleurs, facilite l’expectoration & donne de la force aux malades ; car je crois que c’est ainsi qu’il guérit. Ils voudroient toujours en respirer, tant ils s’en trouvent bien, quoiqu’il ne faille en respirer que quelques fois dans la journée.

Je crois très-peu à l’efficacité des remèdes appelés spécifiques, & je pense même qu’aucun de ceux qu’on donne pour tels, ne mérite ce nom ; on convient, malgré cela, qu’ils peuvent réussir assez souvent. Il est facile de voir, d’après cette profession de foi, que je ne regarde donc pas comme spécifique le sirop dont je vais donner la composition, quoique je puisse assurer que par son secours j’ai rendu la santé à un grand nombre de phthisiques & qu’il a toujours eu un succès décidé dans les phthisies commençantes, lorsqu’elles n’étoient pas la suite d’une maladie accessoire ; je dis plus ; j’ai sauvé la vie à plusieurs phthisiques, dont la maladie étoit au second degré. Boerhave est l’auteur de ce sirop ; un de ses disciples m’en a communiqué la recette, & je l’ai donnée à M. Mitouard, apothicaire rue de Beaune, fauxbourg S. Germain, à Paris ; ceux qui ne voudront pas prendre la peine de composer ce sirop, peuvent s’adresser avec confiance à ce célèbre démonstrateur de chimie. Son usage produit les meilleurs effets dans toutes les espèces de rhumes, même les plus opiniâtres.

Bétoine, aigremoine, buglose, sanicle, consoude, pulmonaire, de chacun une poignée… ; mélisse deux poignées… ; ache, quatre poignées. Nettoyez bien toutes ces herbes, & les ayant coupées menu, mettez les dans un pot neuf vernissé ; mesurez l’eau que vous verserez dessus, jusqu’à ce qu’elle surpasse de la hauteur d’un travers de doigt les herbes… ; joignez-y ensuite autant de miel de Narbonne qu’il y aura de pintes d’eau… ; faites bouillir ensemble jusqu’à ce que les herbes soient réduites en pâte… ; lutez au surplus parfaitement le pot avant de le mettre sur le feu, afin d’empêcher l’évaporation des principes volatils… ; passez ensuite le tout dans un linge bien net, & exprimez fortement les herbes, afin qu’elles rendent tout ce qu’elles contiennent… ; mettez ensuite dans cette décoction, & coupez en petits morceaux, sebestes, jujubes, dattes, raisins de damas, de chacun six onces… ; graines d’orties, une once… ; fleur de sauge & de romarin, de chacune demi-once… ; faites cuire ensemble pendant une demi-heure ; exprimez de nouveau… ; mesurez cette décoction, & ajoutez-y autant de livres de sucre raffiné qu’il reste de pintes de décoction… ; faites recuire le tout ensemble jusqu’à consistance de sirop que vous garderez ensuite dans des bouteilles bien bouchées.

De trois en trois heures on en prend une cuillerée à bouche, & sur chaque prise un petit bouillon fait avec le bœuf & le veau ; il suffit de manger dans la journée deux petites soupes. Lorsque le mal n’est pas fort, on diminue la quantité du sirop, & on n’en prend que de quatre en quatre heures, afin de pouvoir dans l’intervalle donner une nourriture plus solide. Lorsque le malade est hors de danger, il doit continuer de prendre de ce sirop trois fois par jour, quatre heures avant chaque repas.

Pour les rhumes, on en prend comme du sirop ordinaire, dans suffisante quantité d’eau légèrement chaude.

Phthisie-pulmonie, Médecine vétérinaire. La pulmonie est une ulcération du poumon, avec écoulement de pus par les naseaux du bœuf & du cheval.

L’animal est pour l’ordinaire gai jusqu’à ce qu’il soit devenu phthisique ; il tousse ; parvenu à ce dernier état, il est triste, languissant, il mange peu, il tousse davantage ; il rend par les naseaux une matière purulente, que chaque expiration sonore fait sortir en plus grande quantité ; le poil est terne & tombe facilement ; en s’approchant de la tête de l’animal, on sent qu’il sort des naseaux une odeur fétide, la maigreur augmente tous les jours, de même que la foiblesse, le pouls qu’on sent à l’artère maxillaire est petit & fréquent.

Le principe le plus fréquent de cette maladie est sans contredit l’inflammation des poumons ; souvent aussi la pulmonie est produite par le transport d’une humeur purulente ; le virus de la morve, le farcin, la gomme, (voyez ces mots) déterminent la suppuration dans les poumons du cheval ; c’est sans doute pour cette raison que l’on a établi quatre espèces de pulmonie ; savoir : 1o . la pulmonie simple, qui succède à l’inflammation des poumons, produite par des fatigues outrées, par le passage subit d’une grande chaleur, à un froid vif, &c ; 2o . la pulmonie de morve causée par le virus morveux ; 3o . la pulmonie de farcin, provenant du farcin ; 4o . la pulmonie de gourme, formée par un dépôt de gourme ; il y a donc quatre espèces de pulmonie, à raison des causes qui la produisent.

On doit bien comprendre que ces trois dernières espèces de pulmonie n’offrent aucune espérance de guérison, & qu’il seroit très-inutile de proposer ici un traitement qui pourroit jeter les fermiers dans des dépenses infructueuses ; le miel, le lait, les baumes, le soufre, l’eau de chaux, les parfums balsamiques, n’ont jamais eu de succès ; l’expérience prouve qu’il est seulement possible de tenter la guérison de la pulmonie survenue à la suite de la courbature ou de la pleurésie, encore faut-il se hâter ; pour cet effet, favorisez l’expectoration ou l’éjection du pus, par les breuvages délayans & adoucissans faits avec la réglisse, la guimauve, la chicorée, la bourrache, &c ; ensuite faites une légère décoction avec deux poignées d’hysope ou de lierre terrestre, dans environ deux pintes d’eau, & faites-la avaler au bœuf ou au cheval, tous les matins. Sur la fin du traitement administrez tous les jours, le matin à jeun, à l’animal, trois pintes de décoction détersive, pectorale, vulnéraire & astringente ; pour cela prenez racine de grande consoude deux onces, racines de guimauve une once ; feuilles de bugle & de lierre terrestre, de chacune une demi poignée ; faites bouillir dans une suffisante quantité de décoction d’orge, & réduisez-là à six livres, ou trois pintes ; passez-là, & ajoutez à la colature une demi-once de baume de copahu, ou bien substituez à ce baume une demi-once de soufre térébenthine ; continuez ce breuvage pendant quinze jours, & par ce moyen vous parviendrez quelquefois à la guérison de la pulmonie qui succède aux maladies qui reconnoissent pour cause une inflammation simple des poumons.

Mais quant à celle qui est causée par des tubercules suppurés, par la gourme, la morve, le farcin, nous le répétons, elle est incurable.

On connoît que l’écoulement du pus qui se fait par les naseaux, vient seulement des poumons ; lorsque cet écoulement est simplement purulent, que l’animal tousse, & qu’il n’est pas glandé. Il arrive cependant avec le temps, que le pus, en passant par le nez, ulcère quelquefois la membrane pituitaire, & cause la morve proprement dite, dans laquelle le cheval devient glandé, & la pulmonie est alors composée. (Voyez Morve quant aux autres signes qui la caractérisent) M. T.