Cours d’agriculture (Rozier)/PIE

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PIE, (Corvus pica Lin.) oiseau du genre du corbeau (Voyez ce mot) et de l’ordre des pies qui ont le bec en couteau et convexe en dessus.

Caractères spécifiques : La queue en forme de coin, le plumage varié de blanc et de noir.

La pie offre la plupart des habitudes et les traits les plus caractéristiques du naturel du corbeau. Voleuse, rusée, avide et dévoratrice, si d’un côté elle détruit un grand nombre d’insectes nuisibles à l’agriculture, d’un autre, son goût omnivore rend son voisinage redoutable aux vignes, aux vergers, aux champs semés de pois, fèves et autres grenailles. Les chasseurs la redoutent aussi et la poursuivent, parce qu’elle mange les œufs du gibier et même ses petits. On prétend que pour l’éloigner d’un champ, il suffit d’y planter quelques bâtons et d’y attacher des pies mortes.

Cet oiseau, que nous appelons voleur, et qui, dans l’ordre de la nature, n’est que prudent et précautionneux, cache avec soin en terre les provisions qu’il amasse. Il est plus admirable encore dans la construction de son nid, et dans les soins qu’il prend de sa famille. Ce nid est un véritable fort, auquel travaillent le mâle et la femelle dès les premiers jours de février. Lorsque ces oiseaux choisissent pour ce travail un arbre isolé ou les avenues, ils placent leur édifice dans les branches les plus élevées ; mais, en plein bois, ils nichent plus bas et même sur de simples buissons. Ce nid placé au centre d’un embranchement, est d’abord rendu presque invisible par les jeunes pousses et le feuillage ; de plus, il est fortifié en dehors d’une palissade de petites branches liées ensemble avec de la terre mouillée ; il est recouvert d’une haie épineuse ; une seule ouverture pratiquée, encore sur le point le mieux défendu, permet à la pie d’entrer comme en rampant dans ce fort, dont l’extérieur a deux pieds de diamètre, mais qui en dedans ne forme qu’une chambre d’environ six pouces, matelassée de racines de chiendent et autres plantes molles et flexibles.

Les pies commencent deux ou trois nids ; si on trouble le travail du premier, elles vont vite en achever un second. Trop poursuivies, elles s’emparent aussi d’anciens nids de corneilles. Elles ne font qu’une couvée si on ne les dérange pas : dans le cas contraire, elles en entreprennent jusqu’à trois ; mais la dernière est moins nombreuse que la seconde, et celle-ci moins que la première. La ponte ordinaire est de sept à huit œufs, d’un vert bleu, semés de taches brunes, sur-tout vers le gros bout. Le mâle et la femelle couvent alternativement, et soignent long-temps leurs petits, qui ne parviennent que lentement à se passer des secours paternels. Une fois adultes, les pies s’accouplent et ne se quittent point. On ne les voit en bandes qu’en famille, ou par accident et momentanément. Celles que l’on prend au nid s’élèvent facilement, parlent bien, sur-tout si on leur coupe le filet. Leur mot favori est margot ; il est devenu leur second nom. On les nourrit avec du pain, du fromage mou, dit à la pie. Leur chair est un médiocre manger, et bien inférieure à celle des jeunes freux ; cependant, mise au pot, elle donne au bouillon un fort bon goût.

La chasse aux pies n’est autre que la tendue de divers pièges. Les collets à ressort de fil de fer, pour Canards, (Voyez cet article) ou la pince d’Elvaski, en arrêtent beaucoup. Les rejets, sauterelles ou raquettes, tels qu’on les tend pour les geais, amorcés de pois ou de fruits, sont aussi très-convenables pour prendre les pies, selon quelques auteurs ; mais celui de l’Aviceptologie assure que la méfiance dont elles sont douées les en écarte, et que jamais elles n’ont posé sur un piège, quelque bien appâté qu’il fût.

Les collets traînans attachés à des piquets dans un champ semé de pois ou de fèves, trempés dans l’eau, sont employés avec un succès plus généralement reconnu. Les pies donnent aussi plus volontiers dans des gluaux. Leur cri est un de ceux qu’un pipeur doit savoir contrefaire pour attirer et encourager les autres oiseaux. Cependant leur arrivée dans une pipée est peu désirée du chasseur, parce que leur mobilité, et la vivacité de leurs mouvemens, détend une partie des gluaux avant qu’elles se trouvent prises. Elles accourent d’ordinaire avec les geais, quand elles entendent crier les pinsons.

On peut aussi les empoisonner avec des yeux d’écrevisses, réduits en poudre et mêlés avec de la graisse. Cette même préparation est encore un poison pour les corbeaux. (S.)