Cours d’agriculture (Rozier)/PRUNE, PRUNIER

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Hôtel Serpente (Tome huitièmep. 399-433).


PRUNE, PRUNIER. Tournefort place cet arbre dans la septième section de la vingt-unième classe, qui comprend les arbres & les arbrisseaux à fleur en rose, & dont le pistil devient un fruit à noyau. Il l’appelle prunus domestica. Von-Linné lui conserve la même dénomination, &. il le classe dans l’icosandrie monogynie ; il le place dans le même genre que les cerisiers, les abricotiers, le bois de Sainte-Lucie, &c. La méthode de Linné peut être très-bonne pour les botanistes, comme nous l’avons souvent observé, mais elle est insuffisante aux cultivateurs. Nous ferons donc un genre des pruniers, & nous donnerons le nom despèce aux individus qu’il admet comme des variétés.


CHAPITRE PREMIER.

Caractère du Genre.

La fleur est composée de cinq pétales blancs en-dessus & en-dessous, presque ronds, concaves, grands, ouverts, attachés au calice par leurs onglets ; le milieu de la fleur est garni de 10 à 30 étamines blanches, terminées par des anthères jaunes, au milieu desquelles le pistil est placé ; le calice est d’une seule pièce en forme de cloche, ouvert sur ses bords par cinq découpures obtuses & concaves… Le fruit appellé Prune est formé par le pistil, & il est recouvert d’une peau lisse, sans duvet, mais dans quelques espèces, charges d’une espèce de poussière fine que l’on nomme Fleur. Ce fruit charnu renferme au milieu de sa pulpe, un noyau obrond, aplati & aigu des deux côtés. Il est soutenu dans quelques espèces par un pédicule très court & alongé dans plusieurs autres.

L’arbre est de moyenne grandeur ; tant qu’il est jeune, il pousse de forts & longs bourgeons, & à mesure que l’impétuosité de la sève se ralentit, ses branches s’inclinent, cèdent au poids des fruits & deviennent chiffonnes. La mirabelle en fournit la preuve plus que toute autre espèce ; ses feuilles sont simples, placées alternativement, portées par de forts pétioles ; elles sont ovoïdes, pointues des cieux côtés, & démêlées sur leurs bords. Cet arbre est originaire de la Dalmatie & de la Syrie ; aujourd’hui il est naturalisé dans toute l’Europe.


CHAPITRE II.

Des espèces

Je préviens le lecteur que la description des espèces de pruniers est empruntée du Traité des arbres fruitiers, publié par M. Duhamel.

I. Prune jaune hâtive ou de Catalogne. Prunus fructu parvo, longo, cereo, prœcoci. Planche XXVIII.

Ce prunier est d’une grandeur médiocre ; il est très-fertile ;… ses bourgeons sont menus, très-longs, d’un gris clair ; la pointe est violette ;… ses boutons sont petits & les supports peu saillans ; les fleurs ont des pétales longuets du double plus longs que larges ; ses feuilles sont d’un vert clair, alongées, étroites, dentelées régulièrement & peu profondément. Elles sont un tiers plus longues que larges. Depuis la plus grande largeur qui est à un tiers de son extrémité, elles diminuent considérablement & régulièrement par la queue, qui est longue d’environ dix lignes.

Son fruit est petit, ayant environ quatorze lignes de hauteur sur douze lignes de diamètre, alongé, plus gros du côté de la tête que du côté de la queue ; ordinairement divisé sur sa longueur par une gouttière peu profonde. La queue est très-menue, longue de quatre à cinq lignes, plantée dans une très-petite cavité. La tête du fruit est terminée par un très-petit enfoncement.

La peau est jaune, aigrelette ; tendre ou cassante lorsque le fruit est bien mûr… La chair est mollasse & un peu grossière… L’eau est sucrée, quelquefois un peu musquée, souvent fade & peu abondante… Le noyau est du double plus long que large, épais de trois lignes environ, raboteux ; il quitte la chair presqu’entièrement.

Cette prune, dans le climat de Paris, mûrit au commencement de juillet en espalier au midi, & vers la mi-juillet en plein vent. On en fait d’assez bonnes compotes ; mais comme le fruit n’est pas des meilleurs, & que son mérite consiste dans sa précocité, il suffit d’en cultiver un seul arbre.

2. Précoce de Tours. Prunus fructu parvo, ovato, nigro, prœcoci.

Arbre vigoureux & fertile, dont les bourgeons sont forts, & d’un violet très-foncé.

Les fleurs ont un pouce de diamètre ou environ ; le pétale est bien arrondi par le bord, un peu plus large que long, creusé en cuilleron.

La feuille est longue de près de quatre pouces, large de deux & un peu plus ; beaucoup plus étroite vers la queue où elle se termine en pointe, que vers l’autre extrémité ; dentelée finement & peu profondément ; son pétiole est gros & d’un vert clair.

Fruit, petit, ovale, diminuant également vers la tête & vers la queue, bien arrondi sur son diamètre, sa rainure n’étant presque point sensible ;… son pédicule est menu, placé dans un très-petit enfoncement ;… la peau est noire, très-fleurie, coriace, un peu amère & très-adhérente à la chair ;… la chair tire sur le jaune, elle a quelques traits légèrement teints de rouge le long de l’arète du noyau ;… l’eau est assez abondante & agréable, ayant un peu de parfum lorsque l’arbre est planté dans un terrain sec & chaud… Le noyau est très-raboteux, adhérent à la chair, beaucoup plus large vers la queue du fruit que vers la tête.

Cette prune mûrit avant la mi-juillet & n’est pas à dédaigner pour une prune précoce.

3. Grosse noire hâtive ou Noire de Montreuil. Prunus fructu medio, longo, pulchrè violaceo, prœcoci. Cette prune que l’on confond souvent avec le gros damas de Tours, est de moyenne grosseur & sa forme est alongée sa peau est d’un brun violet, très-fleurie, coriace & très-aigre quand on la mâche ;… sa chair est ferme, assez fine, d’un vert clair tirant sur le blanc ; elle jaunit dans sa parfaite maturité ;… son eau est assez agréable, relevée d’un peu de parfum, qui fait que, quoiqu’elle ne soit pas sucrée, elle n’est pas fade ;… son noyau quitte la chair, excepté au bout & à l’arète où il en demeure un peu.

Elle mûrit vers la mi-juillet, ce qui la fait estimer, quoique sujette aux vers. La jaune hâtive lui est inférieure en bonté.

On donne aussi le nom de grosse noire hâtive à une prune ronde plus grosse que la précédente, de même couleur, presqu’aussi hâtive, mais d’un goût fade & d’une chair grossière.

4. Gros Damas de Tours. Prunus fructu medio, longo, saturè violaceo.

Ce prunier devient grand ; sa fleur est sujette à couler, lorsqu’il est planté à plein vent ;… ses bourgeons sont gros & très-longs, rougeâtres du côté du soleil, verts tirant sur le jaune du côté de l’ombre, couverts d’une fine épiderme blanchâtre ;… ses boutons sont très petits, très-pointus ; les supports sont gros & saillans.

Du même bouton il sort deux ou trois fleurs, souvent avec deux petites feuilles.

Ses feuilles sont d’un tiers environ plus longues que larges, elles se terminent en pointe à la queue qui est violette ; l’autre extrémité est presque elliptique ; la dentelure est assez fine & profonde.

Fruit : de moyenne grosseur, alongé, presqu’aussi haut que large. On n’aperçoit presque point de rainure qui le divise suivant sa hauteur ;… la peau est d’un violet foncé, très-fleurie, aigre, un peu coriace, adhérente à la chair ;… la chair est presque blanche, ferme & fine ;… l’eau est sucrée & a le parfum des bons damas. Si la peau qui ne peut se séparer de la chair, ne communiquoit pas une odeur désagréable à l’eau, cette prune seroit excellente… Le noyau est raboteux, & ne quitte pas bien la chair.

5. Damas Violet. Prunus fructu medio, longo, violaceo. (Planche XXIX) L’arbre est vigoureux, mais il donne petit de fruit ;… le bourgeon est gros & long, rouge-brun tirant sur le violet, plus clair du côté de l’ombre, chargé d’un duvet blanc sale ;… le bouton est couché sur la branche, il est souvent double ou triple dans le gros du bourgeon ; le support est cannelé.

Les fleurs ont des pétales ovales alongés ; il en sort deux ou trois du même bouton, & souvent deux pédicules sont collés ensemble presque dans toute leur longueur.

Les feuilles sont beaucoup plus étroites vers la queue que vers l’autre extrémité où elles s’arrondissent. Leur dentelure est-peu profonde, & forme des segmens de cercle ;… leurs pétioles & une partie de l’arète sont teints de rouge.

Le fruit est de moyenne grosseur, alongé ;… son pédicule assez gros & un peu velu, est placé au fond d’une petite cavité. Le diamètre du fruit est beaucoup moindre vers cette cavité que du côté de la tête. Il n’y a point e gouttière sensible, mais seulement un petit aplatissement sans enfoncement ;… la peau est violette, très-fleurie ; elle peut se détacher de la chair lorsque le fruit est très-mûr ;… la chair est jaune & ferme ;… le noyau n’est adhérent à la chair que par un petit endroit sur le côté.

Cette prune, qui peut être mise au rang des bonnes, mûrit vers la fin d’août.

6. Petit Damas blanc. Prunus fructu parvo, subrotundo, è yiridi cerao. (Planche XXX)

Ce fruit est petit, presque rond, ayant environ un pouce sur chaque dimension ; il est attaché à des pédicules menus qui n’entrent pas dans le fruit. Ordinairement il a un peu plus de hauteur que de diamètre ; il est plus renflé vers la tête que vers la queue ; son diamètre est aplati, de sorte que, pris du côté de la gouttière au côté opposé, il est plus large que sur l’autre sens. Sa gouttière est rarement sensible ;… sa peau est coriace, d’un vert jaunâtre, chargée de fleurs blanches ;… sa chair est jaunâtre, succulente ;… son eau est assez sucrée, mais elle a un petit goût de sauvageon ; cependant elle est agréable ;… son noyau est plus long que large environ de la moitié, & il n’est point adhérent à la chair.

Cette prune mûrit au commencement de septembre.

7. Gros Damas Blanc. Prunus fructu medio, oblongo, è viridi cerœo La figure 2 de la Planche précédente représente cette prune. Ce fruit est de moyenne grosseur, alongé & plus renflé du côté de la tête que du côté dé la queue ; divisé d’un côté suivant sa hauteur par un aplatissement plutôt que par une rainure ; son pédicule est planté dans une petite cavité ;… son eau est plus douce & meilleure que celle du petit damas ;… la peau & la chair sont de même couleur & consistance ;… sa maturité prévient un peu celle du petit damas, qui paroît être une variété du gros.

8. Damas Rouge. Prunus fructu medio, ovato, hinc saturè, indè pallidè rubro.

Ce prunier est peu fertile ;… ses bourgeons sont très-longs, d’une grosseur médiocre, rougeâtres, presque de couleur de laque vers la pointe ;… ses boutons sont petits, pointus, couchés sur la branche, peu éloignés les uns des autres ;… les supports sont assez élevés.

Les fleurs ont leurs pétales ovales, plats, quelques-uns un peu froncés sur les bords.

Ses feuilles sont larges vers L’extrémité, diminuant régulièrement, & se terminant en pointe à la queue qui est d’un vert blanc. Leurs dentelures sont fines, aiguës, peu profondes.

Le fruit est de moyenne grosseur, de forme ovale, assez régulière. Il est un peu plus haut que large, n’a point ou presque point de gouttière qui le partage suivant sa longueur.

Son pédicule est planté à fleur du fruit ou dans un très-petit enfoncement ;… sa peau est bien fleurie, rouge foncé du côté du soleil, rouge pâle du côté opposé, assez fine, peu adhérente à la chair ;… sa chair est jaunâtre, fine, fondante, sans être mollasse ;… son eau est très-sucrée ; … son noyau quitte la chair, & il est petit… Ce fruit, sujet à être verreux, mûrit à la mi-août… Il a un autre damas rouge plus petit, moins alongé, plus tardif que le précédent ; il mûrit vers la mi-septembre.

9. Damas noir tardif. Prunus fructu parvo, longulo, nigricante.

(Planche XXXI, Fig. 4) Cette prune est petite, de forme alongée ;… son pédicule menu, planté dans une cavité peu profonde ;… la rainure qui s’étend de la tête à la queue n’a aucune profondeur, & n’est remarquable que par sa couleur ;… le côté de la tête est un peu moindre que celui de la queue ;… la peau est d’un violet très-foncé, presque noire, très-fleurie, dure, difficile à détacher de la chair ;… la chair tire sur le jaune du côté du soleil, & sur le vert de l’autre côté ;… l’eau est abondante & assez agréable, quoi qu’elle ait un peu d’aigreur ;… le noyau a son côté opposé à l’arète, creusé d’une rainure profonde ; il ne tient point du tout à la chair.

Ce fruit mûrit à la fin d’août ; il est préférable à plusieurs espèces de prunes que l’on cultive davantage.

10. Damas musqué. Prunus fructu parvo, undique compresso, saturatiùs violaceo. (Planche XXXI, fig. 3)

Ce prunier est d’une grandeur & d’une fertilité médiocre ;… le bourgeon est gros, assez long, gris jaunâtre, rouge-brun très-foncé vers l’extrémité ;… les boutons sont petits, pointus, peu éloignés les uns des autres, presque couches sur la branche.

Les pétales des fleurs sont ovales, il en sort deux ou trois du même bouton.

Les feuilles sont un tiers plus longues que larges ; leur plus grande largeur est plus vers l’extrémité que vers la queue où elles se terminent régulièrement en pointe. Leur pétiole & la plus grande partie de la grosse nervure, sont de couleur rouge-cerise.

Le fruit est petit, aplati sur son diamètre & par la tête & par la queue ; une gouttière très-profonde le divise suivant sa hauteur ; son pédicule menu, blanc, est planté dans une cavité peu profonde ;… la peau est d’un violet très-foncé, presque noire, très-fleurie ;… la chair est jaune & assez ferme ;… l’eau est abondante, d’un goût relevé & musqué ;… le noyau quitte entièrement la chair.

Cette prune, que quelques-uns nomment prune de Chypre ou prune de Malthe, mûrit à la mi-août.

11. Damas dronet. Prunus fructu parvo, longo, è viridi flavescente. (Pl. XXXI, Fig. 2)

Petite prune alongée, qui n’a ni rainure ni aplatissement sensible qui la divise suivant sa hauteur, mais seulement une ligne presqu’imperceptible. Son pédicule est menu, planté dans une cavité très-étroite & assez profonde ;… sa peau est d’un vert clair qui tire sur le jaune lorsque le fruit est mûr ; elle est peu fleurie, un peu coriace, mais elle se détache facilement de la chair ;… la chair tire sur le vert, elle est transparente, ferme, fine ;… l’eau est très-sucrée, d’un goût agréable ;… le noyau petit n’est point du tout adhérent à la chair.

Ce petit fruit mûrit vers la fin d’août ; il est très-bon.

12. Damas d’Italie. Prunus fructu medio, propè rotundo, dilutè violaceo. (Planche XXIX, page 401)

L’arbre est vigoureux, fleurit beaucoup & noue bien son fruit ;… ses bourgeons sont gros, d’un violet foncé du côté du soleil, plus clair du côté de l’ombre ;… ses boutons sont gros, & les supports très-saillans & ; cannelés.

Les pétales des fleurs sont alongés ; il sort jusqu’à quatre fleurs du même bouton.

Ses feuilles sont rhomboïdales, de la forme d’un lozange alongé, dentelées finement, régulièrement, peu profondément.

Fruit : de grosseur moyenne, presque rond ; il est un peu aplati du côté du pédicule, qui est placé dans une cavité assez profonde & très-évasée. Le côté de la tête est un peu arrondi, & un peu moins gros que l’autre. La gouttière qui divise le fruit suivant sa longueur, est ordinairement bien marquée, sans être profonde ;… sa peau est coriace, très-fleurie, d’un violet clair, qui brunit beaucoup lorsque le fruit est très-mûr ;., sa chair tire un peu sur le jaune, & plus sur le vert ;… son eau est très-sucrée & de fort bon goût ;… son noyau ne tient, presque point à la chair.

Cette prune est très-bonne ; elle mûrit à la fin d’août.

13. Damas de Maugerou. Prunus fructu magno, propè rotundo dilutè violaceo, punctis fulvis distincto. (Flanche XXIX, page 401)

L’arbre est grand, assez fertile ;… ses bourgeons sont gros, courts, cannelés, de couleur d’amarante ;.. ses boutons sont courts, gros à la baie, peu pointus, appliqués & comme collés sur la branche ; les supports sont saillans & très-larges.

Les fleurs ont leurs pétales ovales, & un peu froncés sur leurs bords.

Les feuilles sont grandes, alongées, beaucoup plus étroites vers le pétiole où elles se terminent en pointe, que vers l’autre extrémité ; leur longueur est le double de leur largeur, & leurs bords sont dentelés, très-peu profondément.

Le fruit est gros, presque rond ; son pédicule menu, d’un vert jaunâtre, s’implante au milieu d’un très-petit enfoncement. On n’aperçoit presque pas de rainure qui divise le fruit suivant sa longueur, mais un aplatissement qui resserre le diamètre du fruit de ce côté. Il est un peu aplati par la tête & par la queue ;… la peau est d’un violet clair, très-adhérente à la chair, à moins que le fruit ne soit très-mûr. Elle est fleurie & semée de très-petits points fauves ;… la chair est ferme, tirant un peu sur le vert ;… l’eau est sucrée & agréable ;… le noyau ne tient point à la chair.

Cette prune, un peu sujette aux vers, est excellente ; elle mûrit vers la fin d’Août.

14. Damas de Septembre. ou Prune de vacance. Prunus fructu parvo oblongo, faturè violaceo, serotino. (Planche XXIX, page 401)

Ce prunier en vigoureux, & manque rarement de donner beaucoup de fruit ;… les bourgeons sont très-longs, médiocrement gros, rougeâtres, couverts d’un duvet blanchâtre ;… ses boutons sont petits ; très-pointus ; les supports peu élevés. Ce prunier a des yeux simples, doubles & triples.

La fleur a ses pétales en forme de raquette.

Ses feuilles sont de grandeur moyenne, minces, dentelées finement, très-peu profondément, plus larges vers la pointe que vers le pétiole.

Fruit : petit un peu alongé, soutenu par un pédicule menu, planté dans une cavité étroite & assez profonde. Un de ses côtés est divisé, suivant sa hauteur, par une gouttière sensible, quoique très-peu profonde ;… sa peau est fine, d’un violet foncé, bien fleurie, adhérente à sa chair ;… sa chair est jaune, cassante, elle a assez d’eau lorsque les automnes sont chauds ;… son eau est d’un goût relevé, agréable, sans odeur ;… son noyau quitte la chair. Le côté opposé à l’arête est creusé d’un filleul profond, comme celui du damas noir tardif ; il est terminé par une pointe très-aigué. Cette prune mûrit vers la fin de septembre.

16. Monsieur hâtif. Prunus fructu magno, globoso, pulchrï violaceo.

(Planche XXXII, Fig. 1, p. 403)

L’arbre est assez grand, vigoureux ; & produit beaucoup de fruit ;… les bourgeons sont gros & forts, leur écorce est d’un rouge brun foncé, tirant sur le violet, presqu’entièrement couverte d’une épiderme blanche du côté du soleil, verte semée de tres-petit, points jaunes du côté de l’ombre ;… les boutons médiocrement gros, très-pointus, sont avec la branche, un angle très-ouvert. Les supports sont larges & élevés.

Les fleurs s’ouvrent bien, leurs pétales sont un peu plus longs que larges ; le sommet des étamines est de couleur aurore.

Les feuilles sont grandes, d’un beau vert, elliptiques, un tiers plus longues que larges, finement dentelées sur les bords.

Le fruit est gros, presque rond, bien fleuri, sa largeur est plus considérable que sa hauteur ; son pédicule est gros, & planté au milieu d’une cavité assez profonde, à laquelle se termine une gouttière peu considérable, qui divisé le finit en deux ;… la peau est d’un beau violet, fine, elle se détache aisément de la chair ; quelquefois elle fend, & fruit n’en est que meilleur ;… la chair est jaune, assez fine, fondante lorsque le fruit a acquis une parfaite maturité ;… l’eau est un peu fade, à moins que ce prunier ne soit planté dans une terre chaude & légère ;… le noyau est un peu raboteux, aplati vers l’extrémité qui répond à la tête du fruit, & ne tient point à a chair.

Cette prune est recherchée, non-seulement à cause de sa beauté, mais encore parce qu’elle mûrit de bonne heure, vers la fin de juillet.

16. Monsieur hâtif Prunus fructu magno, subrotundo, saturè vilaceo, prœcoci. (Pl. XXXI, Fig. 1, p. 403)

Ce prunier est une variété du précédent, qui lui ressemble beaucoup, même par me fruit ; il en diffère principalement par le temps de sa maturité. Le monsieur hâtif mûrit vers la mi-juillet.

Ce fruit est gros, presque rond, quoiqu’il paroisse un peu alongé ; une gouttière profonde s’étend sur un de ses côtés de la tête à la queue. Son pédicule est menu, & planté dans une cavité étroite, assez profonde. À l’autre extrémité du fruit, il y a un petit aplatissement très-peu enfoncé ;… la peau est d’un violet foncé, très-fleurie, très-amère, mais elle se détache facilement de la chair ;… la chair est fondante, d’un jaune tirant sur le vert ;… l’eau est assez abondante, & peu relevée ;… le noyau est jaune & un peu raboteux ; du côté de la queue du fruit, il se termine en pointe obtuse, dans le reste il est ovale.

17. Royale de Tours. Prunus fructu magno, subrotundo-compresso hinc violaceo, indè rubello. (Planche XXXI, Fig. 8, page 403)

Ce prunier est fort & vigoureux, il fleurit beaucoup, & noue bien son fruit ;… ses bourgeons sont très-gros, courts, d’un vert brun, rougeâtres à leur cîme, tiquetés de petits points gris ;… les boutons sont gros, en grand nombre, écartés de la branche ; les supports très-renflés.

La fleur a ses pétales un peu plus longs que larges. Les sommets des étamines sont d’un jaune brun.

Les feuilles sont un tiers plus longues que larges, terminées en pointes presqu’égales dans les deux extrémités. La dentelure est aiguë, assez profonde ; les petites feuilles ont presque la forme d’une raquette.

Son fruit est gros, divisé, suivant sa hauteur, par une gouttière bien marquée quoique peu profonde, qui aplatît son diamètre. Si on le considère du côté de son petit diamètre, il paroît d’une forme un peu alongée.

Son pédicule est d’un vert très-clair, planté dans une petite cavité étroite & peu profonde ; la tête est un peu aplatie & même enfoncée ;… la peau est d’un violet peu foncé, très-fleurie, semée de très-petits points d’un jaune presque doré ; du côté de l’ombre elle est plutôt d’un rouge clair, que violette ;… la chair est d’un jaune tirant sur le vert, fine & très-bonne ; … l’eau est abondante, sucrée, plus relevée que celle de la prune-monsieur ; le noyau est grand, plat, très-raboteux.

Cette prune mûrit vers la fin de juillet. C’est un fort bon fruit lorsqu’il n’a pas acquis toute sa maturité sur l’arbre, ou que l’arbre n’est pas planté à une bonne exposition ; sa peau est d’un rouge assez clair, & non pas violette.

18. Prune de Chypre. Prunus fructu maximo, rotundo, dilutè violaceo.

Cette prune est très-grosse, presque ronde ; une rainure presqu’imperceptible la divise suivant sa longueur, & se termine par un petit enfoncement à la tête, & un autre plus considérable à l’autre extrémité, au milieu de laquelle le pédicule est planté ;… sa peau est d’un violet clair, bien fleurie, coriace, d’un goût très-aigre, elle se détache difficilement de la chair ;… la chair est ferme, verte ;… son eau est allez abondante & sucrée, mais elle a une aigreur & un goût de sauvageon qui est désagréable. Cependant lorsque le fruit est extrêmement mûr, sa chair devient tendre, perd son aigreur, & alors elle est allez bonne ;… son noyau n’est pas gros à proportion du fruit, il tient à la chair par un ou deux endroits, il est raboteux, & un de ses bords est relevé d’arètes saillantes.

19. Prune Suisse. Prunus fructu medio, globoso, pulchrè violaceo, serotino. (Pl. XXXI, Fig. 7, p. 403)

L’arbre est grand & fertile ;… les bourgeons sont menus, violet foncés du côté du soleil, violet clair, couverts d’une poussière jaune-doré, très-fine du côté de l’ombre. Le gros du bourgeon est verdâtre mêlé de gris clair ;… les boutons sont gros, courts, pointus, placés près les uns des autres, faisant presqu’en angle droit avec la branche ; les supports sont gros & saillans.

La dentelure des feuilles est a peine sensible, elles se creusent en bateau, & souvent se recroquevillent en différens sens.

Le fruit est de moyenne grosseur, bien arrondi dans son diamètre, n’ayant ni gouttière, ni aplatissement qui le divise suivant sa hauteur. Son pédicule est planté dans une très-petite cavité. Sa tête est un peu aplatie, & au milieu on remarque une cavité plus évasée & presqu’aussi profonde que celle où le pédicule s’implante ;… sa peau est d’un beau violet, elle est très-fleurie, très-dure, mais elle s’enlève facilement ;… sa chair est d’un jaune clair, tirant un peu sur le vert du côté de l’ombre ;… son eau est très abondante, très-sucrée, d’un goût plus relevé & plus agréable que la prune-monsieur, à laquelle on la compare ordinairement ; son noyau est adhérent dans quelques endroits, son arête est très-large, & le côté opposé est creusé d’un sillon profond, comme le noyau du perdrigon rouge ; mais ses bords sont unis.

Cette prune mûrit au commencement de septembre, & dure presque tout ce mois.

20. Perdrigon blanc. Prunus fructu parvo, ovoidali, è viridi albido, maculis rubris ad solem distincto. (Planche XXVIII, page 400)

La fleur de ce prunier étant sujette à couler, il convient de le planter en espalier ;… ses bourgeons sont gros, courts, bruns, violets à la cîme, couverts d’une poussière ou d’un duvet blanchâtre ;… ses boutons sont gros, peu écartés de la branche ; les supports sont saillans.

Les fleurs s’ouvrent bien, il en sort deux ou trois du même œil ; leurs pétales sont plats & ronds.

Les feuilles sont beaucoup plus étroites vers la queue, où elles se terminent régulièrement en pointe aiguë, que vers l’autre extrémité, qui se termine en pointe obtuse. Leur dentelure est régulière, assez grande & assez profonde.

Le fruit est petit, un peu longuet, & son diamètre est moindre vers la queue que vers la tête. La gouttière, qui le divise suivant sa longueur, n’est presque pas sensible ; son pédicule s’implante au fond d’une très-petite cavité ;… sa peau est coriace, d’un vert blanchâtre, tiquetée de rouge du côté du soleil, chargée d’une fleur très-blanche ;… sa chair est d’un blanc un peu verdâtre, transparente, fine, fondante quoique ferme ;… son eau a un petit parfum qui lui est propre ; elle est si sucrée, que lorsque le fruit est très-mûr, il paroît au goût comme confit ;… son noyau n’est point adhérent à la chair.

Cette prune est très-bonne crue & confite. C’est avec elle que l’on fait les pruneaux séchés au soleil, qu’on nomme brignolles parce qu’ils viennent d’un village de Provence qui porte ce nom. Elle mûrit au commencement de septembre. Lorsque ce prunier se trouve dans un terrain qui lui convient, son fruit est plus gros qu’il ne vient d’être décrit. & sur-tout dans les provinces méridionales.

21. Perdrigon violet. Prunus fructu medio, longulo, è pulchrè violaceo rubescente, punctis flavis distincto. (Planche XXVIII, page 400)

L’arbre noue difficilement son fruit en plein vent, il veut l’espalier ;… ses bourgeons sont longs, forts, leur écorce est d’un violet foncé du côté du soleil, & d’un rouge mêlé de violet du côté opposé ;… le gros bourgeon est jaune vert ;… les boutons sont gros, pointus, écartés de la branche ; vers l’extrémité des bourgeons, il y a souvent des boutons doubles & même triples. Les supports sont médiocrement élevés.

Les fleurs ont leurs pétales ronds, & le sommet des étamines est d’un jaune très-pâle.

La longueur des feuilles est de moitié plus grande que leur largeur ; elles sont plus minces que la plupart de celles des autres pruniers, peu profondément dentelées & surdentelées, beaucoup plus larges vers l’extrémité que vers la queue ou elles se terminent régulièrement en pointe.

Le fruit est un peu alongé, de moyenne grosseur ; le pédicule est placé au fond d’une cavité petite mais profonde. La gouttière est peu marquée, mais le côté sur lequel elle s’étend est un peu aplati ; le côté de la tête est plus renflé que celui de la queue ;… sa peau est coriace & d’un beau violet tirant sur le rouge, semée d’une fleur blanche & comme argentée, tiquetée de très-petits points d’un jaune doré ;… sa chair est d’un vert-clair, fine & délicate ;… son eau est fort sucrée, d’un goût très-relevé, & d’un parfum qui lui est propre ;… son noyau est adhérent à la chair.

Cette prune est une variété de la précédente ; elle n’en diffère presque que par sa couleur & l’adhérence du noyau ; elle mûrit à la fin d’août.

22. Perdrigon rouge. Prunus fructu parvo, ovoilado, pulchrè rubro, punctis sulvis consperso. (Planche XXXI, Fig. 6, page 403)

Ce prunier est plus fertile & moins sujet à couler que les autres perdrigons ;… les bourgeons sont menus, très-alongés, bruns ; leur pointe est d’un rouge foncé du côté du soleil, & d’un rouge vif du côté opposé ;… les boutons sont petits, très-pointus, couchés sur la branche ; les supports sont peu élevés.

Les fleurs sortent deux ou trois d’un même bouton ; leurs pétales sont ovales & plats.

Les feuilles sont médiocrement grandes, de forme elliptique, un peu plus larges vers la queue que vers l’autre extrémité, où elles se terminent en pointe aiguë ; dentelées régulièrement, finement & assez profondément ; elles sont un tiers plus longues que larges.

Le fruit est petit, de forme ovale comme le perdrigon blanc, bien arrondi dans son diamètre, n’ayant ni rainure ni presque d’aplatissement ; son pédicule est planté dans un très-petit enfoncement ;… sa tête est un peu plus obtuse que l’autre extrémité ;… la peau est d’un beau rouge tirant un peu sur le violet, tiquetée de très-petits points fauves ;… elle est très-fleurie ;… la chair jaune-clair du côté du soleil, tire sur le vert du côté de l’ombre ; elle est fine & ferme ;… l’eau en est très-abondante, très-sucrée & relevée ;… le noyau se détache aisément de sa chair. Le côté opposé de l’arête est creusé d’une rainure ouverte & très-profonde.

Cette prune est plus tardive que les deux précédentes ; elle mûrit en Septembre. C’est un excellent fruit.

23. Perdrigon normand. Prunus fructu medio, oblongo, hinc saturè, indè dilutè violaceo, punctis salvis consperso.

Ce prunier, presqu’inconnu dans les environs de Paris, est grand & vigoureux ; son bois est gros & fort caftant ;… ses feuilles sont grandes, épaisses & d’un beau vert ;… ses fleurs sont belles & peu sujettes à couler ;… le fruit est gros, un peu alongé, plus renflé du côté de queue que de la tête. Rarement il est divisé suivant sa hauteur par une gouttière sensible, mais seulement par un aplatissement ;… son pédicule s’implante dans une cavité ronde, étroite, peu profonde ;… sa tête est un peu aplatie Lorsqu’il survient des pluies au temps de sa maturité, il se fend sans que sa bonté en soit altérée ;… la peau est bien fleurie, tiquetée de points fauves ;… le côté du soleil est d’un violet foncé tirant sur le noir ; l’autre côté est mêlé d’un violet clair & de jaune ;… elle est coriace, mais elle se détache facilement de la chair & n’a ni âcreté, ni acidité, ni amertume ;… sa chair est ferme, fine, délicate, d’un jaune très-clair ;… l’eau est abondante, douce, relevée ;… le noyau adhère à la chair par quelques endroits, à moins qu’il ne soit très-mûr ; il est ovale, aplati, presqu’uni.

Cette prune, qu’on peut mettre au nombre des bonnes, mûrit après la mi-août. L’arbre est très-fertile, & n’a pas besoin de l’espalier.

24. Royale. Prunus fructu magno, subrotundo-compresso, dilutè violaceo. (Planche XXVIII, page 400)

Ce prunier devient un grand arbre ;… ses bourgeons sont gros, longs, vigoureux ;… leur écorce est violette avec des taches cendrées ;… le plus communément elle est gris de lin du côté du soleil, & gris vert du côté de l’ombre ;… ses boutons sont très-petits, très-aigus & s’écartent de la branche.

Les fleurs sont belles ; leurs pétales un peu creusés en cuilleron.

Les feuilles sont très-vertes, repliées en gouttière, un tiers plus longues que larges. Si elles se terminoient autant en pointe à l’extrémité que du côté de la queue, elles auroient la forme d’une lozange ou seroient rhomboïdes ; la dentelure des bords est grande, ronde, & très-peu profonde.

Son fruit est presque rond, divisé suivant sa hauteur par une rainure à peine sensible, & un peu aplati dans ce sens ; sa convexité est un peu plus aplatie du côté de la tête que du côté de la queue, lorsqu’on le regarde du côté de son grand diamètre.

Le pédicule est bien nourri, couvert d’un duvet léger, planté dans une petite cavité ;… la peau est d’un violet clair, & si fleurie qu’elle paroît comme cendrée, tiquetée de très-petits points fauves ;… la chair est d’un vert clair & transparent, ferme & assez fine ;… l’eau a un goût très-relevé & semblable à celui du perdrigon ;… le noyau n’est point adhérent à la chair ;… cette prune mûrit à la mi-août.

25. Dauphine. Grosse-Reine-Claude. Abricot vert. Verte-bonne. Prunus fructu magno, paululùm compresso, yiridi, notis cinereis, & rubris compresso. (Planche XXXIII.)

L’arbre est assez vigoureux & charge bien ;… les bourgeons sont forts & très-gros ; leur écorce est brune & lisse ; vers l’extrémité elle est ordinairement rougeâtre du côté du soleil, & verte du côté opposé ;… les boutons sont médiocrement gros & peu éloignés les uns des autres, mais leurs supports sont très-gros & saillans.

Les feuilles sont d’un vert luisant foncé, larges & grandes ; celles des bourgeons ont jusqu’à cinq pouces de longueur sur plus de deux pouces de largeur. Celles des branches à fruit sont beaucoup moindres.

Leurs bords sont dentelés & surdentelés ; la dentelure est grande, assez profonde, régulière & arrondie.

Le fruit est gros, rond, un peu aplati aux deux bouts ; le pédicule, de grosseur médiocre, est planté au milieu d’une cavité assez profonde. Une gouttière peu sensible divise le fruit suivant sa hauteur ; il est aplati du côté de cette gouttière. Lorsqu’il survient des pluies au temps de sa maturité, il se fend, & il en devient meilleur ;… sa peau est adhérente à la chair, elle est fine, verte, marquée de taches grises, & frappée de rouge du côté du soleil, couverte d’une fleur très-légère ;… sa chair est d’un vert jaunâtre, très-fine, délicate, & fondante sans être mollasse ;… son eau est abondante, sucrée, d’un goût excellent ;… son noyau est adhérent à la chair par l’arète & par un endroit de deux à trois lignes sur chacune de ses faces.

Cette prune mûrit au mois d’août. Elle est sans contredit la meilleure de toutes les prunes pour être mangée crue. On en fait de très-bonnes compotes, d’excellentes confitures ; les pruneaux en sont de très-bon goût, mais un peu charnus.

26.Petite Reine-Claude. Prunus fructu medio, rotundo-compresso, è viridi albido.

Ce prunier produit beaucoup de fleurs & de fruits ;… ses bourgeons sont moindres que ceux de la dauphine ; leur écorce d’un rougeâtre foncé du côté du soleil, est verte du côté de l’ombre, & couverte d’un petit duvet blanchâtre ;… ses boutons sont longs, très-pointus, presque couchés sur la branche ;… les supports sont gros.

Les fleurs ont leurs pétales un peu plus longs que larges & creusés en cuilleron ; les sommets des étamines sont fort gros.

Les feuilles sont d’un vert luisant, un peu farineuses en dessous, moindres que celles de la dauphine.

Son fruit est de moyenne grosseur, rond, aplati, sur-tout du côté du pédicule, & divisé suivant sa hauteur, par une gouttière plus profonde que celle de la grosse reine-claude ; son pédicule est reçu au milieu d’une cavité assez profonde ;… la peau est coriace, & d’un vert tirant sur le blanc, très-chargée d’une fleur blanche,… la chair est blanche, ferme, un peu sèche, quelquefois pâteuse, quoique assez fondante, mais un peu grossière ;… l’eau est sucrée mais moins relevée que celle de la dauphine, souvent même elle a un peu d’aigreur ; le noyau n’est pas adhérent à la chair.

Cette prune mûrit au commencement de septembre. Quoique de beaucoup inférieure à la précédente, elle peut être mise au rang des meilleures prunes.

27. Prunier à fleur semi-double. Prunus flore semi-duplici.

Ce prunier est une variété de la dauphine, ; il est aussi vigoureux, mais produit beaucoup moins de fruit ;… ses bourgeons sont gros & forts, d’un violet foncé du côté du soleil, & d’un violet clair, mêlé de vert du côté opposé ;… les boutons sont assez gros, pointus, s’écartent peu de la branche ;… les supports sont gros & saillans.

La fleur est semi-double, composée de 12 à 18 pétales, dont les cinq ou six extérieurs sont presque ronds, plats, non froncés sur les bords ; les intérieurs sont moindres & de diverse grandeur. Le calice est vert en-dehors & en-dedans, ce qui fait paroître vert le centre de la fleur. Le pistil est gros ; les étamines se couchent sur les pétales.

Les feuilles sont d’un vert brillant, assez grandes, d’un tiers plus longues que larges ; beaucoup moins larges du côté de la queue, que vers l’autre extrémité. La dentelure est assez fine, régulière, arrondie, peu profonde.

Le fruit est moins gros que celui de la dauphine, souvent même beaucoup moins que celui de la petite reine-claude dont il a la forme. Sa gouttière n’est pas plus profonde que celle de la dauphine. Son pédicule est planté dans une cavité assez large & profonde ;… sa peau est verte & souvent elle devient jaune au temps de sa maturité ;… sa chair est plus grossière que celle de la petite reine-claude, jaune lorsque la peau prend cette couleur ;… son eau est médiocrement bonne ; elle devient très-fade lorsque le fruit est extrêmement mûr ;… son noyau est adhérent à la chair.

28. Abricotée. Prunus fructu magno, rotundo-compresso, hinc è viridi albido, indè nonnihil rubente. (Planche XXX, page 401)

L’arbre devient grand ;… ses bourgeons sont gros, longs & vigoureux, bruns, couverts d’un duvet blanchâtre. La pointe est d’un violet foncé du côté du soleil, & verte du côté de l’ombre ;… ses boutons sont de moyenne grosseur, peu éloignés les uns des autres, comme collés sur la branche ;… les supports sort larges, cannelés & assez élevés.

La fleur a ses pétales plus longs que larges, & presqu’ovales.

Ses feuilles sont d’un vert luisant, beaucoup plus étroites & plus pointues vers le pétiole, que vers l’autre extrémité. Les feuilles des bourgeons sont figurées en raquette courte. La dentelure en est à peine sensible.

Fruit plus gros & plus alongé que la petite reine-claude à laquelle il ressemble beaucoup. Son pédicule est court, placé presqu’à fleur du fruit, ou dans un très-petit enfoncement, La gouttière, qui le divise d’un côté suivant sa hauteur, est large & profonde, sur-tout du côté de la tête où elle se termine à un petit enfoncement ;… sa peau est aigre, coriace, d’un vert blanchâtre du côté de l’ombre, frappée de rouge du côté du soleil ;… sa chair est ferme, jaune son eau est musquée, assez agréable & abondante lorsque le fruit est bien mûr, mais elle conserve presque toujours un petit goût de sauvageon ;… son noyau n’est point adhérent à la chair.

Cette prune mûrit au commencement de septembre. C’est un fort bon fruit, presque comparable à la reine-claude.

La prune d’abricot est plus longue que l’abricotée. Sa peau est jaune, tiquetée de rouge ;… sa chair est plus jaune & plus sèche.

29. Mirabelle. Prunus fructu parvo, èvuidi flavescente. Tourn. Prunus fructu parvo vel minimo, rotundoe-blongo, succineo colore, (Pl. XXX, page 401)

Ce prunier, d’une taille médiocre, très-touffu, donne beaucoup de fruits par bouquets ;… les bourgeons sont menus, d’un rouge violet à la pointe, gris clair dans le reste ;… les boutons sont assez gros, placés les uns auprès des autres. Ils sont avec la branche, un angle très ouvert ;… leurs supports sont saillans.

Les fleurs sont petites, abondantes, il en sort deux ou trois du même bouton.

Les feuilles sont petites, d’un vert assez foncé, ovales, très-alongées, dentelées finement, attachées par des pétioles assez menus.

Le fruit est petit, rond, assez alongé. Il n’a point de rainure sensible qui le divise suivant sa longueur. Son pédicule est planté à fleur de fruit, ou dans un très-petit enfoncement ;… sa peau un peu coriace est jaune, devient couleur d’ambre dans la parfaite maturité du fruit, elle est tiquetée de rouge lorsque le soleil l’a frappée ;… sa chair est jaune, ferme, un peu sèche, cependant elle acquiert de l’eau en laissant bien mûrir le fruit, & son eau est sucrée ;… son noyau petit & tendre, ne tient point à la chair.

Cette prune mûrit vers la mi-août.

La petite mirabelle est de même forme, un peu plus jaune, plus hâtive ; plus sèche & moins grosse.

30. Drap d’or. Mirabelle double DOUBLE. Prunus fructu parvo rotundo, maculis rubris consperso.

Les bourgeons sont courts, assez gros, d’un vert brun du côté du soleil, verts du côté de l’ombre. La pointe est d’un vert foncé du côté du soleil, & aurore du côté opposé ;… les boutons sont petits, pointus, couchés sur la branche ;… les supports sont très-saillans.

La fleur a ses pétales longs & étroits.

La feuille est ovale, pas tout-à-fait un tiers plus longue que large, d’un vert un peu pâle, dentelée sur les bords.

Le fruit est petit, presque rond, de la forme d’une petite reine-claude. La rainure qui le divise suivant sa hauteur, est presque imperceptible. Son pédicule est planté au fond d’une petite cavité ;… sa peau est fine, jaune, marquetée de rouge du côté du soleil ;… sa chair est jaune, fondante, très-délicate ;… son eau est fort sucrée & d’un goût très-fin ; son noyau est petit, il n’est pas adhérent à la chair, cependant il ne la quitte pas net.

Cette prune, qui paroit comme transparente, mûrit vers la mi-août.

31. Bricette. Prunus fructu parvo longiori, utrinque acuto, è viridi luteo. (Planche XXXI, Figure 5, page 403)

C’est une prune d’un peu plus d’un pouce de grosseur ; elle se termine en pointe aux deux extrémités, mais le côté de la tête est plus alongé que celui de la queue. Elle n’a point de gouttière sensible, seulement le côté où elle devroit s’étendre suivant la hauteur du fruit, est un peu aplati ;… son pédicule est assez nourri, planté presqu’à fleur sur un petit aplatissement, plutôt que dans un enfoncement ;… sa peau est d’un vert-jaune, très-chargée de fleur, ce qui la fait paroître blanche. Elle est dure, mais elle se détache de la chair lorsque le fruit est bien mûr ;… sa chair est ferme ; tirant sur le jaune ;… son eau est assez abondante, & un peu aigrelette ;… son noyau n’est point adhérent à la chair. Cette prune dure long-temps dans certaines années. Les premières mûrissent au commencement de septembre, & les dernières à la fin d’octobre.

31. Impériale violette. Prunus fructu magno, ovato, dìlutè violaceo. (Planche XXXII, page 405)

L’arbre est très-vigoureux ;… le bourgeon est gros, long, rouge brun, tiqueté de très-petits points gris. La cime tire sur le violet clair ;… le bouton est gros, pointu, très écarté de la branche ;… ses supports sont peu élevés.

La fleur a ses pétales ronds ; le style du pistil est très-long ; souvent la fleur a six, sept ou huit pétales ; alors les uns sont ronds, & les autres alongés.

Les feuilles sont un tiers plus longues que larges ; la dentelure est grande, régulière, peu profonde. La forme est elliptique, également pointue aux deux extrémités.

Fruit : gros, long, ovale, un peu plus renflé du côté de la tête que du côté de la queue. Son pédicule est assez menu & long, il s’implante au milieu d’une petite cavité assez profonde. La gouttière, qui le divise suivant sa longueur, est ordinairement très-sensible ;… sa peau est un peu coriace, d’un violet clair, très fleurie, se détache difficilement de la chair ;… sa chair est ferme & un peu sèche, d’un vert blanchâtre & transparent ;… son eau est sucrée & d’un goût relevé ;… son noyau pointu n’est point adhérent à la chair.

Cette prune mûrit vers le milieu d’août. Elle est sujette à cire attaquée des vers.

33. Impériale violette à feuilles panachées. Prunus foliis ex albo variegatis.

Ce prunier est une variété du précédent ;… ses bourgeons sont gros & forts pour un arbre panaché, d’un beau violet du côté du soleil, panachés de vert & de blanc du côté de l’ombre, cannelés au dessous des boutons ;… les boutons sont triples dans toute la longueur du bourgeon ;… les supports sont gros & saillans.

Les feuilles sont petites, elles se terminent en pointe aiguë, elles sont dentelées régulièrement, profondément, & assez finement ; le dedans est panaché, & comme sablé de blanc & de vert ; le dehors est presque tout blanc ; leurs pétioles sont violets d’un côté, & d’un vert blanc de l’autre.

Le fruit est ordinairement difforme, mal conditionné, & comme avorté. Il est d’un violet très-clair, peu fleuri.[1]

Il y a une autre impériale dont le fruit est très-gros, qui a la forme d’une olive, & qui est un peu plus pointu du côté de la queue que du côté de la tête. Sa rainure n’est presque pas sensible ; l’on pédicule est placé presqu’à fleur du fruit ;… sa peau est coriace, mais elle se détache aisément de la chair ;… sa chair est un peu jaunâtre, transparente, & plus fondante que celle de la précédente ;… son eau est sucrée, agréable quoi qu’elle conserve un peu d’aigreur, même dans sa parfaite maturité ;… son noyau quitte bien la chair ; il est raboteux, fort long, pointu & plat ;… cette prune, qui est très-belle, mûrit un peu plutôt que la précédente.

34. Jacinthe. Prunus fructu magno, longiori, dilutè violaceo. (Planche XXXIII, page 410)

Cet arbre est vigoureux ;… ses bourgeons sont de moyenne grosseur, longs & droits, rougeâtres à leur cime ; dans le reste, comme marbrés de diverses couleurs, blancs, verts, jaunes ;… ses boutons sont petits, courts, couchés sur la branche ; leurs supports sont saillans.

Ses fleurs sont de grandeur moyenne, très-abondantes ; souvent il en sort six ou sept du même nœud ; les pétales sont ovales.

Les feuilles sont presqu’en tiers plus longues que larges, un peu moins larges vers la queue que vers l’autre extrémité ; la dentelure est arrondie & peu profonde.

Fruit : gros, alongé, un peu plus renflé du côté de la queue que du côté de la tête, ce qui lui donne presque la forme d’un cœur, lorsque la différence du renflement est considérable, ce qui n’est pas ordinaire. Il est divisé, suivant sa longueur, par une gouttière peu sensible, qui se termine ordinairement du côté de la tête à un petit enfoncement ;… le pédicule vert, court, bien nourri, est attaché au fond d’une cavité étroite, mais assez profonde ;… la peau est d’un violet clair, fleurie, un peu épaisse, dure, & se sépare difficilement de la chair ;… la chair est jaune, ferme, moins sèche que celle de l’impériale ;… l’eau est assez relevée & un peu aigrelette ;… le noyau ne tient à la chair que par quelques endroits sur le côté.

Cette prune, qui ressemble beaucoup à l’impériale, mûrit vers la fin d’août ; vers la mi-août dans les terres chaudes & légères.

35. Impériale blanche. Prunus fructu quammaximo, ovato albo.

Ce prunier produit peu de fruits, & mérite peu d’être cultivé. Il est très-vigoureux ;… ses bourgeons sont gros, forts & blanchâtres ;… ses fleurs sont très-grandes ;… ses feuilles sont grandes & longues.

Son fruit est très-gros, ovale, de la forme & presque de la grosseur d’un œuf de poule d’Inde ;… sa peau est blanche, coriace, adhérente à la chair qui est blanche, tenace & sèche ;… l’eau est aigre, désagréable ;… le noyau long, pointu, ne quitte point la chair.

Ce fruit, que je crois être la grosse datte, n’a d’autre mérite que sa grosseur & sa belle forme. Il ne vaut rien crud ni en pruneaux. Avec beaucoup de sucre, on peut en faire de belles compotes.

36. Diaprée violette. Prunus fructu medio, longiori, violaceo. (Planche XXXIII, page 410)

L’arbre donne beaucoup de fruit ;… ses bourgeons sont gros, médiocrement longs, gris clair, couverts d’un duvet blanchâtre très-épais ;… ses boutons sont gros, triples, quadruples, comme ceux de l’abricotée ;… les supports sont très-saillans.

Les fleurs ont un pouce environ de diamètre ; leurs pétales sont ovales ; souvent le sommet de quelques étamines se développe un peu. Je ne fais si quel qu’autre prunier fleurit aussi abondamment.

Ses feuilles sont terminées en pointe vers la queue, leur plus grande largeur étant vers l’autre extrémité ! Elles sont d’un assez beau vert, dentelées finement & très-peu profondément : elles se recroquevillent & se replient en divers sens ; celles des branches à fruit sont beaucoup moindres.

Son fruit est de moyenne grosseur, alongé, un peu plus renflé du côté de la queue que du côté de la tête. La gouttière, qui s’étend suivant sa longueur, est à peine sensible ; il est soutenu par un pédicule menu, placé presqu’à fleur ;… la peau qui est mince, violette, très-fleurie, se détache facilement de la chair ;… la chair est ferme, délicate, d’un jaune tirant sur le vert ;… l’eau est sucrée & agréable ;… le noyau est fort alongé & quitte bien la chair. Cette prune mûrit au commencement d’août.

37. Diaprée rouge ou Roche-corbon. Prunus fructu medio, longiori cerasi colore, punctis fuscato. (Planche XXXIV, Figure 12)

L’arbre est beau, vigoureux, il fleurit abondamment ;… ses bourgeons sont gros, longs, bien arrondis, couverts d’un duvet fin, d’un velouté sensible au toucher, gris clair, qui cache une couleur d’un brun violet du côté du soleil, & jaunâtre du côté de sombre ;… ses boutons sont petits, larges à leur base, couchés sur la branche ;… ses supports sont élevés.

Les fleurs sortent au nombre de deux ou trois du même bouton ; les pétales sont presque ronds, un peu creusés en cuilleron ; les sommets dès étamines sont d’un jaune aurore.

Feuilles : petites, presque rondes, un peu moins larges vers la queue que vers l’autre extrémité ; leur dentelure est très-peu profonde, & ne forme qu’un petit segment de cercle.

Fruit ; de moyenne grosseur. Il est ordinairement aplati sur son diamètre ; cet aplatissement est sensible sur les deux côtés opposés, & plus considérable vers la tête que vers la queue ; il n’a point de gouttière, mais seulement une ligne qui s’étend de la tête à la queue, & passe sur un côté du grand diamètre, & non pas sur un des côtés aplati. Le pédicule est placé dans une cavité peu profonde ;… la peau est d’un rouge cerise, très-tiquetée de points bruns, qui rendent sa couleur terne ; elle s’enlève aisément ;… la chair est jaune, ferme & fine ;… l’eau est assez abondante, d’un goût relevé & très-sucré ;… le noyau n’est point adhérent à la chair.

Cette prune mûrit au commencement de septembre.

38. Diaprée blanche. Prunus fructu parvo, ovato-longo, è viridi albido. (Pl. XXXIV, Fig. II, page 415)

Les bourgeons de ce prunier sont gros & longs, bien arrondis, d’un violet foncé du côté du soleil, & presque lilas du côté opposé ;… les boutons sont petits, très-pointus, & couchés sur la branche ;… leurs supports sont gros & larges.

Les fleurs ont quelquefois six à sept pétales, dont un n’est ordinairement qu’un sommet d’étamine un peu développé.

Feuilles : longues, étroites, terminées en pointe aux deux extrémités ; cette pointe est beaucoup plus alongée vers la queue, qui est menue ; les bords sont dentelés très-peu profondément.

Le fruit est petit, de forme ovale-alongé. Il est rond suivant son diamètre, n’ayant ni rainure, ni aplatissement, mais seulement une ligne verte qui s’étend de la tête à la queue ; son pédicule est planté à fleur de fruit ;… la peau est d’un vert presque blanc, couverte d’une fleur blanche, dure, amère ; mais elle se détache assez facilement de la chair ;… la chair est d’un jaune très clair, ferme ;… l’eau est très-sucrée, d’un goût relevé & très-fin, lorsque l’arbre est planté en espalier.

Cette prune mûrit au commencement de septembre ; en espalier elle mûrit plutôt.

29. Impératrice violette. Prunus fructu medio, longiori, utrinque acuto, pulchrè violaceo, serotino (Planche XXXIII, page 410)

Ce prunier a quelque ressemblance avec le prunier perdrigons ;… les bourgeons sont médiocrement forts ; leur écorce est rougeâtre ;… les boutons sont gros, pointus, peu éloignés les uns des autres, peu écartés de la branche ; beaucoup sont doubles ou triples ;… les supports sont gros & larges.

Les fleurs sont petites & s’ouvrent bien ; les pétales sont ovales.

Les feuilles sont de médiocre grandeur, leur plus grande largeur est à peu près au milieu, & les deux extrémités se terminent en pointe ; la dentelure est grande & profonde ; les nervures sont couvertes d’un duvet épais.

Fruit : de moyenne grosseur, long, & pointu aux deux extrémités ; souvent son contour n’est pas régulier sur un côté suivant sa longueur ;… son pédicule est bien nourri, planté presqu’à fleur du fruit. Il n’a point de rainure sensible ;… sa peau est d’un beau violet, très-fleurie, un peu dure ;… sa chair est ferme, délicate, elle tire sur le jaune du côté qui a été frappé du soleil, & sur le vert de l’autre côté ;… l’eau est assez douce pour une prune tardive.

Cette prune mûrit en octobre : elle seroit estimée même dans une saison moins avancée. Je crois qu’on doit la regarder comme un perdrigons tardif, plutôt que comme une impératrice. La véritable impératrice violette est presque ronde, violette, très-fleurie, aussi tardive que la prune de princesse avec laquelle plusieurs la confondent ; un peu inférieure en bonté ; assez semblable, quant à la forme, à la suivante.

30. Impératrice blanche. Prunus fructu medio, oblongo, compresso, luteolo.

Cette prune est de grosseur moyenne, un peu alongée, divisée suivant sa hauteur par une rainure peu sensible qui s’étend depuis la tête jusqu’à la queue, où elle se termine par un petit enfoncement ;… le pédicule est planté dans une cavité très étroite, mais profonde ;… la peau est d’un jaune clair, chargée de fleurs, ce qui la fait paroître blanche ;… la chair est ferme, jaune, comme transparente ;… l’eau en est sucrée & agréable ;… le noyau quitte entièrement la chair. Dans les années chaudes & sèches, elle commence à mûrir vers la fin d’août. Cette prune est très-charnue & très bonne ; quelquefois Un peu pâteuse.

31. Dame-aubert. Grosse-luisante. Prunus fructu quâm maximo, ovato, lueto, (Planche XXXIV, Figure 10, page 415)

C’est une très-grosse prune, de forme ovale, très-régulière : elle est divisée suivant sa hauteur par une gouttière large & profonde ;… son pédicule, assez gros, est planté dans une cavité étroite & profonde, au sommet de laquelle il y a ordinairement un petit bourrelet qui embrasse le pédicule sans y être adhérent ;… sa peau est jaune du côté du soleil, tirant sur le vert du côté opposé, couverte d’une fleur très-blanche, coriace, épaisse, mais elle se détache facilement de la chair ;… sa chair est jaune, grossière ;… son eau est sucrée, mais fade lorsque le fruit est mûr. De sorte que cette prune n’est bonne qu’en compote, pourvu qu’on prévienne son extrême maturité. Elle mûrit vers le commencement de septembre.

31. Isle verte, ou île verte. Prunus fructu magno, longissimo viridi. (Pl. XXXIV, Fig. 9, page 415)

Ce prunier ne devient pas grand ;… ses bourgeons sont menus, longuets, d’un gris blanc ; la pointe en est rougeâtre tirant sur le violet ;… les boutons sont peu éloignés les uns des autres, arrondis, peu pointus, écartés de la branche ;… les supports sont petits & saillans.

Les fleurs ont leurs pétales longs & étroits, & un peu creusés en cuilleron.

Les feuilles sont alongées, larges vers l’extrémité supérieure, & se terminant en pointe vers le pétiole, qui est d’un vert presque blanc. Leur dentelure est aiguë, assez grande & profonde.

Fruit ; gros, très-long, souvent mal fait, tantôt un peu piriforme, renflé vers la tête, comprimé du côté du pédicule, qui est long, menu ; ce fruit est tantôt courbé comme un cornichon, ou contourné irrégulièrement. Lorsqu’il est bien conformé, il se termine un peu plus en pointe dans le bas que dans le haut. Son plus grand diamètre est à peu près à la moitié de sa hauteur. Il n’a point de gouttière, mais un aplatissement qui s’étend de la tête à la queue, au milieu duquel on apperçoit une ligne d’un vert plus foncé ; & ce côté est plus convexe, suivant la longueur du fruit, que le côté opposé ;… la peau est aigre, coriace, verte, légèrement fleurie, comme transparente ;… la chair est verte, grossière, mollasse ;… l’eau en est un peu aigre, quoique sucrée, mais ayant un goût de sauvageon qui est désagréable ;… le noyau est très-long, pointu, adhérent à la chair.

Cette prune mûrit au commencement de septembre. Elle n’est bonne qu’en compotes & confitures.

33. Sainte-Catherine. Prunus fructu cerei coloris. Tourn. Prunus fructu medio, oblongo, cereo. (Planche XXX, page 401)

L’arbre est vigoureux & produit beaucoup de fruit ;… les bourgeons sont gros, longs, bien arrondis, d’un brun clair tirant sur le violet, tiquetés de très-petits points gris ;… les boutons sont de grosseur moyenne, pointus, écartés de la branche ;… les supports sont assez élevés.

Les fleurs ont leurs pétales de figure ovale aplatie sur les côtés ; les sommets des étamines sont d’un jaune foncé.

Les feuilles sont un tiers & plus, plus longues que larges ; leur plus grande largeur est au milieu, & les deux extrémités se terminent également en pointe. Les dentelures sont fines & profondes.

Le fruit est de grosseur moyenne, alongé, un peu plus renflé du côté de la tête que du côte du pédicule, qui est menu & planté dans une cavité étroite. Il est divisé, suivant sa hauteur, par une gouttière large & allez profonde vers le pédicule, & vers la tête elle se termine à un petit aplatissement ;… la peau est d’un vert tirant sur le jaune, bien fleurie. Elle devient ambrée dans la parfaite maturité du fruit, & même tiquetée de rouge lorsque l’arbre est en espalier. Elle est toujours un peu coriace & adhérente à la chair ;… la chair est jaune, fondante, délicate lorsque le fruit est bien mûr ;… l’eau en est alors d’un goût très-sucré & d’un goût excellent ;… le noyau ne tient point du tout à la chair.

Cette prune excellente, mais un peu sujette aux vers, mûrit à la mi-septembre.

34. Prune sans noyau. Prunus fructu minimo, nigricante, dine nucleo. (Pl. XXXIV, Figure 14, page 415)

Les bourgeons de ce prunier sont noirâtres, ou d’un violet foncé ; ses fleurs ont leurs pétales ronds & très-creusés en cuilleron ;… les feuilles sont alongées, dentelées finement sur les bords, d’un vert brun en-dessus, & d’un vert pâle en-dessous, terminées en pointe aiguë ; leur plus grande largeur est à peu près au milieu de leur longueur.

Le fruit est petit, il a la forme d’une olive, & est un peu moins gros du côté de la tête, que du côté du pédicule ;… sa peau noire ou d’un violet foncé, est fleurie ;… sa chair est d’un jaune tirant sur le vert ;… son eau est aigre, & lorsque son extrême maturité lui fait perdre cette aigreur, elle devient insipide ;… son amande est amère, grosse, bien formée, sans noyau, elle ne tient point à la chair. Souvent on trouve autour un filet ligneux, comme un demi-cercle, ou comme le chaton d’une lunette.

Cette prune mûrit à la fin d’août, & elle n’est que curieuse.

35. Prunier de Virginie. Prunus fructu rnagno, longulo, ceraso, propè con colore Virginiâ.

Cet arbre nous a été apporté de la côte de Virginie ; il devient médiocrement grand & donne peu de fruit ; il est fort touffu, & ses bourgeons sont assez longs ;… ses feuilles sont alongées, & plus larges vers la pointe que vers le pétiole ;… ses fleurs sont blanches, petites, & en si grand nombre, qu’il paroît tout blanc dans le temps de la fleur ;… son fruit est assez gros, longuet, soutenu par un long pédicule planté à fleur de la peau ;… la peau est rouge presque comme celle d’une cerise ;… la chair est assez blanche, ferme & un peu sèche ;… l’eau a un acide peu agréable ;… le noyau ne tient pas à la chair.

Cet arbre mérite pour sa fleur, une place dans les jardins d’ornement ; mais il est déplacé dans les vergers.

36. Mirobolan. Prunus fructu medio, rotundo, cerasi formâ, & colore. (Pl. XXXIV, Fig. 15, page 415)

L’arbre devient grand & très touffu. Ses bourgeons sont menus, d’un rouge brun clair, très-garnis de boutons. Chaque nœud porte ordinairement un œil à bois entre deux yeux à fruit. Les branches à fruit sont courtes, terminées par un groupe de fruit ou neuf boutons ;… ses boutons sont très-petits, pointus ;… ses fleurs ont cinq, six, sept, huit pétales ; celles qui ont plus de six pétales ont deux pistils ; les échancrures du calice sont en même nombre que les pétales ; les pétales sont blancs, mais les bords inférieurs du calice étant légèrement teints de rouge, le fond de la fleur paroît de cette couleur ; souvent un seul pédicule porte deux fleurs, ces fleurs jumelles & celles qui ont plusieurs pistils, étant en très-grand nombre & coulant ordinairement, cet arbre donne peu de fruit quoiqu’il produise beaucoup de fleurs.

Ses feuilles sont minces, très-petites, d’un vert gai, dentelées très finement & peu profondément ; elles sont très-sujettes à être dévorées par les insectes.

Son fruit est rond, de la forme de la cerise ambrée ; il est aplati vers le pédicule qui est menu & planté dans une cavité unie & peu profonde. La tête est terminée par une petite élévation en forme de mamelon naissant, à l’extrémité de laquelle on apperçoit le reste du style desséché comme une très-petite pointe : ce fruit n’est point divisé par une rainure, mais seulement par une ligne qui ne se distingue que par sa couleur ;… la peau est lisse, très-dure, aigre, de couleur de cerise un peu foncée, semée de très-petits points blanchâtres ;… la chair est d’un jaune très clair, transparente, elle devient mollasse lorsque le fruit est très-mûr ;… l’eau est d’abord très aigre, & ensuite elle devient très-fade ;… le noyau est un peu raboteux, adhérent à la chair en plusieurs endroits, terminé en pointe aiguë.

Cette prune mûrit à la mi-août ; elle n’est bonne ni crue, ni cuite ; c’est un arbre d’ornement.

37. Prune datte. Prunus fructu medio, oblongo, hinc slavo, indè virescente.

La prune datte est de moyenne grosseur, un peu alongée, d’une forme régulière & agréable. Un de ses côtés est divisé, suivant sa hauteur, par une gouttière, ou plutôt par un aplatissement qui n’a presque point de profondeur. Elle se termine du côté de la tête par un très-petit enfoncement, & à l’autre extrémité, par une cavité assez étroite & assez profonde, dans laquelle s’implante le pédicule, qui est bien nourri ;… la peau est d’un beau jaune du côté du soleil, souvent marquée de petites taches d’un rouge très-vif ; le côté de sombre tire sur le vert ; elle est couverte d’une fleur blanche, & est adhérente à la chair, coriace & aigre ;… la chair est jaune, mollasse ;… l’eau est ordinairement fade ;… la surface du noyau est presqu’unie.

Cette prune mûrit vers le commencement de septembre.

38. Prune qui porte deux fois l’an. Prunus bifera. (Planche XXXIV, Figure 13, page 415)

Le fruit de ce prunier, qui mérite moins d’être cultivé pour l’utilité que pour la curiosité, est long, presque de la forme d’une olive, un peu plus pointu vers la tête que vers le pédicule, il est divisé suivant sa longueur, par une gouttière très-peu sensible ; son pédicule est implanté dans un très-petit enfoncement ;… sa peau est d’un jaune rougeâtre, très tiquetée de brun, transparente, très fleurie, facile à détacher de la chair ;… sa chair est grossière, d’un jaune clair, excepté à l’endroit de la gouttière, où elle est verte ;… son eau est très-fade lorsque le fruit est bien mûr ;… son noyau est presqu’unie, terminé par une pointe très-aiguë, & fort adhérent à la chair.

La maturité des premiers fruits est vers le commencement d’août, les seconds sont fort tardifs ; & tous sont à rejeter.


CHAPITRE III.

Époques de la maturité des Prunes[2], & du choix qu’on doit en faire.

Mi-juillet. Jaune hâtive ou prune de Catalogne ;… précoce de Tours ; grosse noire hâtive ou noire de Montreuil ;… gros damas de Tours damas rouge.

Fin de juillet. Prune-monsieur royale de Tours.

Commencement d’août. Impériale violette à feuilles panachées ;… diaprée violette.

Mi-août. Damas musqué ;… ; royale ;… grosse reine-claude ;… mirabelle ;… drap d’or ou mirabelle double ;… impériale violette ;… mirabolan.

Fin d’août. Damas violet ;… ; damas noir tardif ;… damas dronet ;… damas d’Italie ;… damas de Maugeron ;… perdrigons violet ;… perdrigons normand ;… jacinthe ;… impératrice blanche.

Commencement de septembre. Petit damas blanc ;… prune suisse ;… perdrigons blanc ;… perdrigons rouge ;… petite reine claude ;… abricotée ;… bricette ;… diaprée rouge ;… diaprée blanche ;… impératrice violette ; dame-aubert ;… île verte ;… prune datte.

Mi-septembre. Petit damas rouge ;… sainte-Catherine.

Fin de septembre. Damas de septembre.

Octobre. Impératrice blanche.

Choix Des Espèces. Parmi le grand nombre d’espèces cité ci-dessus, & auquel on auroit pu en ajouter beaucoup d’autres, on doit distinguer, celles qui sont vraiment bonnes & excellentes à manger, & celles dont on retire du fruit un très-fort bénéfice en le convertissant en pruneaux on en grignotes. Les autres sent plutôt un luxe de la nature, qu’un présent bien réel ; un propriétaire, même aisé, doit être plus flatté d’avoir de beaux arbres & de bonnes espèces, que de multiplier celles qui, sans une valeur décidée, n’ont de mérite que le nombre.

Les prunes bonnes à manger sont les précoce de Tours ;… damas violet ;… damas rouge ;… damas dronet ;… damas d’Italie ;… damas de Maugeron ;… prune monsieur ;… royale de Tours ;… prune suisse ;… perdrigons blanc ;…. perdrigons rouge ;… royale ;… grosse reine-claude ;… abricotée ;… grosse mirabelle ou drap d’or ;… impériale violette ;… impératrice violette ;… sainte-Catherine. Si on trouve ce nombre trop considérable, on peut le restreindre à celui qui donnera des prunes pendant toute la durée de ces fruits ; la grosse mirabelle ;… la grosse reine-claude ;… le damas violet ;… l’impératrice ;… la sainte-catherine ;… la grosse reine-claude est à préférer à toutes les autres.


CHAPITRE IV.

De la culture du Prunier.

1. Du sol & de exposition. Tous les terrains conviennent au premier, excepté ceux qui sont trop argileux, crayeux, marneux, en un mot qui retiennent trop l’eau. Il réussit mal dans les sels trop sablonneux. Les pruniers se plaisent dans les terrains légèrement frais, & sur-tout dont la couche végétale est profonde & facilement perméable aux racines. Ils ne réussissent pas si bien dans les terres maigres, dans les aquatiques ; leurs troncs, leurs tiges sont chargés de lichens & de mousses (consultez ces mots), & ces plantes parasites les font paroître comme lépreux lorsque la première domine.

Les auteurs ne sont point d’accord entr’eux sur l’exposition qui leur convient. Les uns exigent l’est ou le sud-est, ou le nord, ou l’ouest, & presque tous lui interdisent celle du midi. Ces auteurs ont sans doute été invités à préférer l’une de ces expositions par quelques circonstances locales qui ont influé sur la végétation de l’arbre.

À l’exposition en plein nord la prune mûrit, mais elle est moins savoureuse, moins sucrée, moins colorée, quelquefois plus grosse ; son grand avantage est de mûrir souvent quinze, vingt, & vingt-cinq jours après les autres. Alors l’exposition opère de la même manière que le feroit un climat froid, soit par son élévation, soit par son peu d’intensité de chaleur. Dans un jardin, on a des murs exposés en plein nord, il faut les tapisser de verdure, les pruniers & les pommiers sont en général les arbres qui y souffrent le moins ; il est bon cependant d’observer que la face de ces murs tournée contre le midi, s’échauffe, que la pierre conserve long-temps sa chaleur, & qu’elle la communique en partie à la face exposée au nord. C’est peu de chose à la vérité ; mais ce peu doit être compté, puisqu’on verra une différence dans la végétation d’un arbre placé derrière une maison & en plein nord, & celle d’un autre arbre qui, dans la même exposition, sera appliqué contre un mur de clôture. Je suppose même que la maison, que le hangard, &c ne soient pas plus élevés que le mur de clôture, parce que chacun sait que le prunier aime le grand courant d’air, & qu’il réussit très-mal dans les bas-fonds, soit à cause de la trop grande humidité qui y est concentrée, soit parce qu’il manque de ce courant d’air qui lui est si avantageux.

Après l’exposition au nord, celle à l’ouest est la moins convenable. Le prunier privé de la bénigne influence du soleil levant, ne reçoit ses rayons que lorsque l’air est embrasé par le midi ; & le soleil de deux à trois heures est le plus chaud de la journée. Si l’atmosphère est chargée de vapeurs, il arrive souvent, pendant le gros été, qu’elles font l’effet de la loupe, & qu’un coup de soleil dessèche subitement les feuilles, & fait périr l’arbre qui reçoit tout-à-coup une trop grande masse de chaleur à la fois. Supposons que la chaleur de l’atmosphère soit, à l’ombre, à 20 degrés du thermomètre de Réaumur, elle sera à 25 ou 26 ou 27 du même thermomètre, lorsque l’arbre commencera à recevoir les rayons du soleil ; cette transition sera presque subite & tout à coup trop forte. Pour le prouver, suivons la marche de la nature, & que chacun observe la progression diurne de chaleur dans son climat. Par exemple, au mois de juillet, & près de la méditerranée, la chaleur est ordinairement de 20 degrés lorsque le soleil se lève ; peu à peu elle dissipe la rosée presque toujours abondante dans ces parages, & son évaporation paroit rafraîchir l’air qu’elle embaume. À 9 heures, la chaleur est de 22 degrés, à midi de 25, à 2 heures de 26 à 27 : il est toujours question ici du thermomètre exposé à l’ombre ; mais si on le place au soleil, on trouvera 22 un quart d’heure à près qu’il est levé ; à 9 heures il est à 25 ou 26 ; à midi de 29 à 30 ; à 2 heures de 32 à 34. Ainsi la différence de chaleur que l’arbre éprouvera dans une journée, sera de 14 degrés. Ces données de chaleur varient d’un canton & d’un jour à l’autre ; mais elles sont le résultat, à peu près général, des observations que j’ai faites dans ces climats. Voilà l’extrême pour la France ; actuellement que chacun aille par dégradation de zones du midi au nord, & il trouvera la progression de chaleur à peu près semblable & conforme à la marche de celle du canton qu’il habite. D’où je conclus qu’une exposition qui ne reçoit le soleil que depuis deux heures jusqu’au soir, n’est pas la plus avantageuse pour le prunier. Il faut tapisser un mur de verdure ; voilà l’excuse & elle est légitime. Mais comme il s’agit ici d’apprécier la valeur des opinions des auteurs, il a fallu malgré moi entrer dans cette discussion.

L’exposition à l’est & sud-est, est sans contredit la meilleure & celle où tous les fruits à noyau acquièrent leur plus grande perfection ; il en est d’eux, si on y fait attention, comme des raisins. Les vignes bien abritées du nord, & toutes circonstances égales, qui reçoivent les rayons du soleil du moment que cet astre s’élève sur l’horizon, donnent toujours de meilleur vin : une heure ou deux de soleil plus tard, sur une semblable vigne, opère une différence sensible. La bénigne & douce chaleur de cet astre prépare doucement le fruit à recevoir les impressions pendant la journée, tandis que quelques heures plus tard, cette marche progressive n’a plus lieu ; mais de fortes secousses de chaleur se sont sentir.

Presque tous les auteurs rejettent l’exposition au midi ; mais je suis charmé de trouver de mon avis M. de la Bretonnerie dans son ouvrage intitulé, École du Jardin fruitier, & que j’ai souvent cité avec plaisir.

Miller dans son Dictionnaire des Jardiniers, dit : « Les pruniers n’ont besoin que d’un sol médiocre, ni trop humide, ni trop lourd, ni trop léger, ni sec ; ceux que l’on plante contre un mur, veulent être à l’exposition de l’est ou du sud-est qui leur est plus favorable que celle du plein sud qui fait souvent rider & sécher leurs fruits ; plus ces fruits seront exposés à la chaleur du soleil, plus ils deviendront farineux ». Je ne sais trop ce que l’auteur ou son traducteur entend par ce mot. Veut-il dire sec, coriace, &c ; tout à [’heure je prouverai le contraire.

M. de la Bretonnerie, dans l’ouvrage déja cité, dit : » Quoique le prunier, en général, ne fasse pas un bon effet en arbre nain, il faut en excepter les pruniers de Reine-Claude, de Sainte-Catherine, & de Perdrigon hâtif, quand on les met en espalier au midi. Cette exposition privilégiée pour ces fruits, rend la reine-claude parfaite pour la couleur, si on la découvre à propos, de quelques feuilles, quinze jours avant sa parfaite maturité, & pour la qualité qu’elle acquiert, de même que la sainte Catherine & le perdrigons hâtif ».

Le premier de ces auteurs écrit pour l’Angleterre, & le second dans le climat de Paris. Je vais opposer à ces deux températures, un climat bien différent, celui des bords de la méditerranée, & en prenant les deux extrémités du royaume, on trouvera toutes les modifications de l’intérieur, à l’exception de celle des hautes montagnes. J’avois, près de Beziers, un prunier de reine-claude adossé contre un mur qui recevoit les rayons du soleil depuis son lever jusqu’à quatre heures du soir ; cette exposition dans un angle du mur, réunissoit donc l’est, le sud, & en grande partie le sud-est, au moins pendant la plus forte intensité de la chaleur. Je ne crains pas d’affirmer (même abstraction faite de toute idée de propriété) que je n’ai jamais mangé de reine-claude plus colorée, plus juteuse & plus parfumée. Il faut cependant convenir que le pied de cet arbre se trouvoit planté dans une plate-bande consacrée à la culture des fleurs, & que l’on arrosoit de temps à autre ; cependant, lorsque j’arrivai dans ce pays à la fin de juillet 1780, on n’avoit, pendant toute l’année, ni travaillé, ni arrosé une seule fois le terrain, & cependant ces prunes furent délicieuses. Il est donc démontré que dans un des climats de France le plus chaud, l’exposition du midi ne nuit pas au prunier ; donc elle doit lui être avantageuse dans le centre & dans le nord du royaume. Cette vérité deviendra bien plus palpable, si on se rappelle que cet arbre est originaire de la Syrie & de la Dalmatie ; on objectera qu’il mûrit même dans les pays montagneux, élevés & froids jusqu’à un certain point. Cela est vrai ; mais mûrir pour être simplement mangeable, & mûrir au point d’acquérir sa maturité parfaite qui aromatise & parfume ce fruit, c’est une très-grande différence. Il y a aussi loin de l’un à l’autre, que du goût des raisins de treille de Normandie, à celui des raisins d’Espagne ou des Canaries. Les fruits des pruniers les plus soignés dans les environs de Paris, ne seront jamais à comparer, pour la qualité, à ceux des provinces méridionales, où on ne leur donne presqu’aucune attention. Le soleil, eh quoi encore, le soleil ; voilà le vrai parfumeur des fruits, tels que la pêche, l’abricot & la prune. Si, en Angleterre, le soleil sèche & ride les fruits dans l’exposition du sud, ainsi que le dit Miller, c’est qu’on effeuille l’arbre trop tôt. On doit encore conclure que le prunier est un arbre vigoureux, dont la végétation est décidée & difficile à déranger, puisque cet arbre réussit à merveille dans les bonnes exportions, passablement dans les médiocres ; enfin que les effets des gelées tardives sont moins à craindre pour lui que pour le pêcher & pour l’abricotier. Le prunier se charge quelquefois de gomme ; l’intempérie des saisons y contribue ; mais j’ai observé que souvent elle est causée par le trop grand superflu de la sève, puisqu’elle s’échappe par les pores de l’écorce, sans qu’il y ait eu plaie ni contusion… Le fruit des pruniers à plein vent est sans comparaison meilleur que celui des pruniers en espalier.

II. De la multiplication & de la conservation du prunier.

1. Du semis. La chair ou pulpe qui environne le noyau, est destinée par la nature à le nourrir. On doit donc, pour se procurer des noyaux bien conditionnés, choisir un arbre, & y laisser les prunes jusqu’à ce qu’elles tombent après leur parfaite maturité. Il est temps alors de les ramasser sur terre, & de les porter, sans en détacher le noyau, dans un grenier, de les étendre & de les y laisser sécher. Cette pulpe desséchée soustrait le noyau au contact de l’air, & conserve la fraîcheur dans son amande. J’aimerois cependant mieux avoir une portion de terrein bien fumée & bien défoncée, dont les sillons seroient tout préparés à recevoir les semences. Aussitôt que la prune est tombée, on la plante toute entière dans ces sillons, on espace chaque prune de quatre à six pouces ; enfin le tout est recouvert de terre. On laisse entre chaque sillon l’espace de huit pouces, qui facilite les sarclages, & les deux ou trois petits labours à donner pendant la première année. L’expérience m’a démontré, 1°. que les amandes germent plus promptement au premier retour de la chaleur ; 2°. que la végétation de la plante étant plus longtemps soutenue, le sujet devient plus gros, plus nourri & plus élevé qu’en suivant toute autre méthode ; d’où il résulte qu’on a une excellente pourrette à planter en pépinière l’année suivante. Si on considère les planches de semis des jardiniers ordinaires, on voit que les sillons sont trop serrés, les jets & jeunes plants entassés les uns sur les autres ; & la confusion est bien plus grande lorsqu’ils ont semé à la volée. Il en résulte que les sarclages & les petits binages sont très-difficiles à pratiquer. Une table, une planche, un carreau, sont susceptibles de contenir une si grande quantité de noyaux, que je ne vois pas pourquoi on économise si fort le terrain. Cependant le cultivateur ne doit pas perdre de vue que plus le semis est avancé pendant la première année, plus le sujet deviendra fort quand il sera placé en pépinière, & plutôt il sera en état d’être bien greffé.

Le choix dans l’espèce de prune à semer n’est pas indifférent ; on doit préférer celle dont la végétation est la plus forte en bois. Si on sème des mirabelles, par exemple, on n’aura jamais que des arbres fluets, c’est-à-dire, qu’il ne se trouvera aucune proportion entre la végétation du sujet & celle de la greffe. De là naissent ces bourrelets dans l’endroit où l’insertion de la greffe a été faite. Un tel arbre est toujours défectueux, il prospère rarement, & l’amateur le jette au feu.

Comme il n’en coûte pas beaucoup pour les semis, rien ne s’oppose donc à choisir les espèces de prunes qui produisent des arbres forts, vigoureux, & dont les fleurs nouent facilement & donnent beaucoup de fruit, soit en plein vent, soit en espalier. De ce nombre sont le damas d’Italie ;… les damas de septembre ;… la prune monsieur ;… la royale de Tours ;… la prune suisse ;… la royale ;… la grosse reine-claude ;… l’abricotée ;… l’impériale violette ;… la diaprée rouge & la sainte-catherine. Il n’est point de cultivateur qui ne soit en état de sacrifier quelques paniers de prunes pour se procurer de beaux sujets. Il est bon d’observer que les noyaux de prunes de damas & de perdrihons, perpétuent leurs espèces sans le secours de la greffe. Mais si cette opération retarde en général la forte poussée des arbres (consultez le mot Châtaignier), elle en perfectionne le fruit. Ainsi ce que l’on perd d’un côté, on le regagne de l’autre, & comme le bois de prunier n’est pas destiné à la charpente, il est toujours prudent de greffer ces espèces, afin de s’assurer de la qualité de leurs fruits, de leur bonté & de leur grosseur.

Les pépiniéristes ne seront pas de mon avis sur le choix des noyaux qui doivent ensuite donner des sujets pour la greffe. Presque tous préfèrent les sauvageons des pruniers saint-julien & cerisette… Le baron de Tschoudi, à l’article Prunier, dans le Dictionnaire Encyclopédique, dit, « on ne sème que les pruniers propres à recevoir les greffes des bonnes espèces, savoir, le saint-julien, la cerisette[3], le gros & petit damas noir, & en un mot les pruniers sauvages qui ont l’écorce mince & facile à lever, & qui sont vigoureux & pleins de sève. Les cerisettes & les damas conviennent aux pruniers d’une taille médiocre, & le saint-julien aux grands pruniers & à ceux qui portent de gros fruits. On greffe aussi ces derniers sur des abricotiers, pêchers & amandiers de noyau ; le fruit en est plus beau & meilleur, & les arbres n’ont pas l’inconvénient de tracer, ce qui est très-incommode pour les espaliers. Les pruniers greffés sur sauvageons élevés de noyaux, poussent moins de rejets que ceux greffes sur des sujets provenus de drageons enracinés, auxquels les boutures mêmes sont préférables.»

Je ne contredis point les propositions avancées par M. Tschoudi & par plusieurs autres auteurs très-recommandables ; comme je n’aime pas à juger d’après les autres, mais d’après mon expérience, j’ose affirmer que j’ai greffé tout aussi facilement & tout aussi sûrement sur les sujets de la plupart des Pruniers dont j’ai indiqué ci-dessus les espèces, que ces cultivateurs l’ont fait sur les sujets de cerisette ou de saint-julien. D’ailleurs je ne vois aucune raison valable qui me détermine à avoir des pruniers de taille médiocre. Si leurs bourgeons, leurs rameaux sont foibles, médiocres, pourquoi ne pas leur donner des pieds vigoureux ? la force de leurs bourgeons & de leurs branches ne peut qu’y gagner, & leur fruit n’en sera pas d’une qualité inférieure.

Je conviens que les noyaux des espèces déjà citées ne reproduiront pas leur espèce, & que le sujet qui en proviendra sera sauvageon ; mais ce sauvageon sera bien plus perfectionné que celui de la cerisette ou du saint-julien, &c. il mérite donc la préférence. Quant à la facilité & à la sureté de la greffe, elle est la même, je le répète, au moins quant à moi ; la différence de climat y feroit-elle quelque chose ? Je l’ignore. Je croirois bien plutôt que comme le fruit du saint-julien & de la cerisette n’a point ou presque point de valeur au marché, les pépiniéristes l’ont préféré pour ne rien perdre ; & l’habitude de l’employer est insensiblement venue à dicter la loi. Tout sujet de prunier quelconque, bien constitué, jeune, de grosseur convenable & pris dans la bonne saison, n’a jamais refusé la greffe, jusqu’à présent, du moins, je n’en ai vu aucun exemple.

2. Des drageons ou rejetons. La plupart des pruniers ont le défaut de pousser autour de leurs tiges & par leurs racines beaucoup de drageons ; (consultez ce mot) les pépiniéristes les conservent jusqu’à ce qu’il les jugent enracinés, & avant ou pendant l’hiver, ils les plantent en pépinière, afin d’avoir des sujets à greffer ; ils les ont sous la main ainsi que ceux qui leur en vendent, & la facilité fait qu’on en use ; cependant de pareils sujets devroient être bannis des bonnes pépinières, puisqu’ils fourniront à leur tour des arbres dont les racines & leur collet fourmilleront de drageons. Il n’est pas douteux que ces plantes parasites ne s’approprient la substance de l’arbre aux dépens duquel elles vivent, & ne s’en approprient beaucoup, puisque l’on voit souvent un ou plusieurs de ces rejets grossir & grandir fortement dans une saison, & même si on oublie de les couper, de les extirper, donner dans la seconde année un arbre tout formé. La cause de cette excessive attraction de séve, est que, semblables aux gourmands, (ils en sont effectivement dans leur genre) ils attirent toute la séve, & ils l’attirent vivement, parce que son canal est direct & perpendiculaire. C’est donc d’un côté une économie très-mal entendue relativement à l’arbre, & un objet très-désagréable à voir le long d’un espalier, dans les allées même d’un jardin & sur le sol d’un verger. Mais pourquoi le prunier, plus que tous les autres arbres fruitiers, est-il sujet à pousser des drageons ? La solution de ce problème tient à l’examen de la végétation & de la nature de l’arbre.

Suivant la méthode presqu’universellement adoptée par les pépiniéristes, en sortant le sujet du séminaire, & en le plantant dans la pépinière, on lui coupe le pivot qui est déjà très-long. Cette longueur indique que la nature l’a proportionné au besoin que l’arbre en aura par la suite. Voilà donc la première loi naturelle violée. Le jeune arbre est forcé à produire des racines secondaires & latérales ; ces racines tendent d’elles-mêmes à s’enfoncer en terre, & elles s’y enfoncent effectivement si elles trouvent un fond perméable. Le moment est venu de sortir de la pépinière cet arbre, & de le planter chez le particulier qui l’achète ; mais comme dans les pépinières des marchands d’arbres, chaque pied n’est séparé de son voisin que de 18 pouces, il n’a donc effectivement qu’une largeur de neuf pouces tout autour de la tige qui lui appartienne en propre dans ce terrain ; cependant ces racines doivent s’étendre ; elles s’étendent effectivement en se mêlant & en se confondant avec les racines des arbres voisins. De cette confusion naît l’indispensable nécessité de mutiler & de couper dans cette étroite circonférence, les racines de l’arbre que l’on désire, autrement il faudroit creuser tout autour, & à une certaine distance. Le pépiniériste s’y opposera, parce que pour livrer un arbre, il faudroit déraciner les voisins ; alors il ne trouveroit plus son compte. Voilà donc par ces deux opérations, le pivot coupé & les racines secondaires étalement rompues auprès du collet. Ce malheureux arbre sera donc forcé par la suite de pousser de nouvelles racines d’un troisième ordre ; heureux si quelques-unes acquièrent de la force ; tout le reste ne sera plus qu’un amas de chevelus. Or c’est de ces chevelus qui tracent entre deux terres, que partent en général tous les drageons. Il en sort beaucoup, il est vrai, près du collet de la racine, ceux-ci tiennent en même temps à la constitution de l’arbre & aux défauts des racines.

Le prunier a son écorce, quoiqu’elle paroisse fort lisse, chargée de mamelons. La preuve en est que souvent elle laisse percer des bourgeons qui deviennent de forts gourmands, si on n’a pas, de bonne heure, le soin de modérer leur impétuosité. Dans l’arbre naturel, c’est-à-dire, celui auquel on a conservé son pivot & ses racines secondaires, l’équilibre subsiste entre les branches & entre les racines ; aussi ne voit-on jamais leurs pieds souillés par les drageons, parce que la sève descendant pendant la nuit des feuilles & des branches, aux racines, après s’être, pendant le jour, débarrassée & épurée de sa superfluité par la transpiration, est complètement réabsorbée par les racines ; mais dans l’arbre éduqué les racines ne peuvent recevoir toute cette sève, elle engorge les mamelons du collet des racines, & les force à se développer, c’est-à-dire, à devenir des bourgeons ; cette séve s’engorge également dans les chevelus qui courent entre deux terres presqu’à fleur du sol ; & comme ils reçoivent les impressions du soleil & de l’air qu’ils attirent, ils ne tardent pas à changer leur direction. Au lieu de gagner le bas, ils se portent vers la superficie du sol, ils la percent, & voilà de nouvelles tiges. Il a déjà été dit plusieurs fois dans cet ouvrage (consultez le mot Grenadier) que les racines deviennent des branches, & que les branches deviennent des racines quand les circonstances favorisent cette transformation.

Un arbre naturel, dans un seul cas seulement, produira des drageons ; c’est lorsqu’il trouvera une résistance invincible à prolonger son pivot & enfoncer ses racines ; par exemple, s’il rencontre ce que les paysans appellent gur, gord, ou autrement une couche de cailloux agglutinés ensemble, ou un banc de rocher, ou une couche de craie & d’argile tenace, alors les racines sont forcées à s’étendre par-tout où elles peuvent, & si elles sont trop superficielles, elles produisent des drageons. On peut donc dire que si le prunier en général pousse des drageons, c’est la faute du choix du sujet sur lequel on a greffé, & la faute du jardinier qui a mutilé les racines & coupé le pivot ; enfin on conclura que c’est une absurdité que de greffer sur des drageons, & qu’ils doivent être bannis de toutes les pépinières.

III. De la culture. Elle ne diffère pas de celle des abricotiers, pêchers, &c. soit en espalier, soit en gobelet ou buisson, soit en plein vent. (consultez ces mots) Cependant il n’est pas hors de propos de faire quelques observations à ce sujet.

On se plaint communément que les jeunes pruniers en espalier sont lents à se mettre à fruit, & qu’ils ne donnent que du bois ; & que les pruniers déjà d’un certain âge, sans être vieux, ne donnent que du fruit & plus de bois nouveau ou bourgeons. Ces plaintes sont fondées, mais est-ce la faute de l’arbre ou celle de celui qui le taille ? c’est uniquement.celle de ce dernier ; ceci le prouve.

Vous convenez que le jeune arbre ne donne que du bois, que vous avez beau le tailler très-fort, rabaisser ces bourgeons pour le matter, & que vous ne pouvez venir à bout de le rendre sage. Eh bien, prenez le parti contraire, puisque plus vous lui en supprimez, & plus il en pousse ; il vous indique lui-même ce qu’il demande, ne le contrariez donc pas. Après avoir établi ses quatre membres, étendez & palissez tous les bourgeons qu’il poussera, excepté ceux qui seront placés sur le devant ou sur le derrière de l’arbre. À la taille d’hiver, ne les raccourcissez pas ; au printemps & pendant l’été suivant, palissez les bourgeons venus sur les premiers ; continuez ainsi pendant la seconde, troisième & quatrième année, s’il est nécessaire, & votre arbre sera déjà très à fruit. On ne doit supprimer à la taille d’hiver, que les bourgeons surnuméraires & qui font confusion. Vous éprouverez alors que votre arbre sera sage, qu’il sera matté. Cette taille suppose nécessairement que de tels arbres ne seront pas, suivant l’ancienne & abominable coutume, plantés à six ou à dix pieds les uns près des autres, mais à trente & à quarante. Un arbre ainsi dirigé portera plus lui seul que les six ou huit dont il occupe la place. On dira peut-être qu’on épuise un prunier en se conduisant ainsi ; je réponds, non, & décidément non ; si la nature lui donne la force de produire de longs bourgeons, ce n’est pas pour qu’ils soient abattus, & la preuve en est que plus on les raccourcit, plus il en pousse de nouveaux. Tous ces retranchemens épuisent L’arbre, puisqu’il a travaillé en pure perte à pousser ses bourgeons ; mais lorsque vous verrez l’arbre foiblir, ses branches devenir maigres & chiffonnes, c’est alors le cas d’en diminuée le bois, de ravaler petit à petit ses branches, afin de les forcer à mettre du bois nouveau qui rajeunira l’arbre insensiblement. En suivant, ces procédés, on est assuré de conserver sain & en bon état, les pruniers, pendant une très-longue série d’années.

L’arbre vieux ne donne plus de bourgeons, & il se charge de fleurs ; mais en général, elles aoutent peu.

Ce vice tient à plusieurs causes : 1°. À force d’avoir cassé (consultez ce mot) & sans cesse cassé les bourgeons faits & les nouveaux bourgeons, on a forcé la nature à exécuter dans le cours de la même année, ce qu’elle n’auroit fait q«e dans deux & même trois ans, si on avoit laissé le bourgeon livré à lui-même ; c’est-à-dire, qu’on a forcé ces bourgeons à mettre dans la même saison leurs boutons à fruits, au lieu de donner des boutons à bois, qui, l’année suivante, ou la seconde tout au plus, auroient poussé des boutons, à fruit. On a donc dérangé l’ordre de la végétation, & il ne peut varier sans que l’arbre en souffre beaucoup.

2°. On est content de manière ou d’autre, &, bon gré malgré, on a obtenu des boutons à fruit, enfin ils fleurissent, aoutent & donnent des prunes. Chacune de ces brindilles, de ces rameaux du troisième, & quatrième ordre se couvre de boutons ; l’époque de la fleuraison arrive, ils sont couverts de fleurs & l’arbre en est tellement chargé qu’il en est tout blanc. On s’en applaudit encore & on sourit en le voyant, sans faire attention que cette superfluité de fleurs est un vice nouveau & que très-peu aouteront. L’extrémité de la brindille, du petit rameau s’alonge pendant le reste de la saison, & après la chute des feuilles, elle présente de nouveaux boutons à fruit qui se développeront au retour de la belle saison & ainsi de suite d’année en année. Le jardinier, peu instruit, se garde bien de raccourcir ces rameaux, parce qu’il s’imagine qu’il ne restera plus de fruit. Qu’arrive-t-il ? ces rameaux s’allongent insensiblement, se chargent de aoutons à fruits à leur pointe, tandis que les boutons à fruits de l’extrémité inférieure, couverts de feuilles, se sont épuisés & la sève s’est portée dans les boutons des bouts des branches. Ces rameaux acquièrent donc successivement une longueur de 10, 12, 15 à 18 pouces, & leur totalité ne présente à l’œil qu’un amas confus, de petites branches, & ressemble plutôt à un buisson qu’à celles d’un arbre en espalier. Cette prolongation des rameaux à fruits, couvre de son ombre & de celle de leurs feuilles, les mères branches & les branches secondaires, les prive du bénéfice de l’air & les soustrait à la bénigne action de la lumière, dès-lors les mamelons placés dans l’écorce s’oblitèrent & se dessèchent ; enfin, il ne peut plus percer de boutons à bois pour renouveler ce vieux fouillis de rameaux ; enfin, on condamne l’arbre au feu, parce que ces fleurs, quoique très-multipliées n’aoutent plus, ou en si petite quantité que le produit ne paye pas les frais de la taille & l’intérêt de la place que l’arbre occupe.

On peut remédier à ce second défaut, de trois manières ; la première en coupant l’arbre à un pied au-dessus de la greffe & recouvrant aussi-tôt la plaie avec de l’onguent de Saint-Fiacre. L’expérience de tous les temps a prouvé que si l’arbre conserve encore assez de force, de nouveaux bourgeons s’ouvriront un passage à travers l’écorce de la partie du bois qui reste ; cependant on voit souvent, lorsque l’arbre est trop épuisé, qu’il ne repousse pas du tout. Si au contraire il pousse bien, on choisira dans le temps, les quatre plus beaux bourgeons s’ils sont bien placés & on supprimera tous les autres. S’il ne se présente que deux bons bourgeons & bien placés, les autres seront également supprimés ; & ces deux bourgeons, chacun taillés à deux yeux après la chute des feuilles, & lorsque le bois sera aouté, produiront l’année suivante les quatre mères branches sur lesquelles on doit ensuite établir l’arbre. S’il n’y a qu’un seul bon bourgeon, les autres seront également abattus. L’année suivante on taille à deux ou quatre yeux suivant sa force, enfin on opère comme il vient d’être dit pour établir les quatre mères branches. C’est ici le cas de se garder bien de ravaler ces premiers jets, bien placés & bien disposés ; on doit leur laisser toute leur longueur ; mais leur pointe est menue, foible, fluette, on la recouvrira jusqu’à l’endroit où le bourgeon aura une bonne consistance. Ici les trop grands ravalemens sont bien plus à craindre que sur les jeunes arbres, puisqu’on travaille sur un arbre vieux & très-épuisé.

Ce n’est qu’à la dernière extrémité que l’on doit recourir au recépage du prunier par le pied. Pour peu que les mères branches soient encore bonnes, il vaut mieux s’attacher à supprimer une grande partie des vieux rameaux & à raccourcir les autres à 3 ou 4 pouces près du tronc. On sacrifie par-là, en tout ou en partie, la récolte du fruit pendant un an ou deux ; mais on renouvelle, on rajeunit l’arbre & on le force à produire des bourgeons de ses anciennes branches. De tels bourgeons sont très-précieux, puisqu’à la taille d’hiver, on supprime la partie de la branche qui leur est supérieure & ils la remplacent. Dans le ravalement total des rameaux, il arrive que plusieurs meurent entièrement, on les abat dès qu’on s’aperçoit de leur inutilité ; les voisins les remplacent ; & il vaut mieux avoir quelques vides pendant un an ou deux, & renouveler l’arbre dans toutes ses parties : on fera très-bien encore de supprimer, suivant le besoin, un bon nombre des branches secondaires, ce qui forcera la séve à se porter en plus grande abondance, dans les anciennes, dans les boutons que l’on laisse aux rameaux raccourcis, & la majeure partie de ces boutons à fruit se métamorphose en boutons à bois qui donnent à leur tour & par la suite des boutons à fruit. C’est en suivant cette méthode que j’ai renouvelé un espalier considérable & dont les rameaux s’éloignoient du mur & en avant de plus de quinze pouces. On n’auroit pas dit, deux ans après, qu’on en eût ravalé toutes les branches. Le prunier, à l’exemple de plusieurs arbres fruitiers, charge rarement deux ans de suite, mais pour le forcer à donner chaque année, (toute circonstance égale) il suffit de raccourcir à chaque taille d’hiver une partie des rameaux à fruits & ainsi successivement… Règle générale & dont on ne doit jamais s’écarter, un prunier disposé en espalier ne doit pas s’écarter du mur dans sa surface extérieure, de plus de quatre à six pouces. Il résulte de ce rapprochement : 1°. que la fleur aoute mieux ; 2°. que le fruit en est plus gros ; 3°. qu’il mûrit & se colore beaucoup mieux, parce qu’il profite de toute la chaleur de la réverbération : c’est ce que l’expérience prouve démonstrativement.

Le prunier est susceptible de recevoir toutes les espèces de greffes.

Un moyen bien simple de regarnir un espalier qui se dégrade, ou bien seulement de remplacer quelques arbres qui tirent à leur fin, sans trop découvrir les murs, c’est de choisir un emplacement, & on calcule l’espace que les branches du prunier sont destinées à couvrir par la suite ; là on fait une fosse profonde de trois ou quatre pieds au moins, que l’on laisse ouverte pendant l’été. Si le sol est maigre, de peu de qualité, on garnit le fond de la fosse avec du fumier ou avec des gazonnées, ou avec des feuilles, & on recouvre le tout de terre, sur laquelle on sème de l’herbe quelconque, mais dont la graine ne soit pas dans le cas de mûrir avant le mois d’octobre. Sur la terre qu’on a tirée de la fosse, on répand également de cette graine, afin que toute sa superficie se charge d’herbe. À l’époque où les prunes ont acquis leur parfaite maturité, on en choisit quelques-unes bien saines ; alors on se hâte de remplir la fosse, en ayant bien soin que les herbes soient enfouies pêle-mêle avec la terre & bien recouvertes ; on plante trois ou quatre prunes dans le milieu de la fosse, à trois pouces de profondeur. Ces prunes germeront & pousseront au printemps suivant. On choisira le jet qui se trouvera le mieux placé & le plus fort, & on supprimera tous les autres. Lorsque le pied sera assez fort, il sera greffé à la manière accoutumée ; & à mesure qu’il étendra ses branches, on arrachera les arbres voisins. Cet arbre prospérera à vue d’œil, parce qu’il sera vraiment un arbre naturel, à la greffe près, & parce que ses racines s’étendront dans un sol bien préparé, bien fumé & où, elles trouveront la terre végétale, fournie par la décomposition des herbes qu’on avoit semées. Ce que je dis du prunier s’applique aux pêchers, abricotiers & même aux pommiers & poiriers. On perd du temps, il est vrai, mais on ne se prive d’aucune jouissance, puisque les arbres voisins ne sont supprimés qu’autant que les arbres naturels les remplacent.


CHAPITRE V

Des propriétés des Pruniers.

Propriétés économiques. Le bois de prunier est dur, veiné de rouge. Il seroit très-utile aux menuisiers, tourneurs, tabletiers & ébénistes, si sa couleur rouge se soutenoit, mais elle passe trop vite ; cependant on la rehausse & on la fixe un peu en faisant bouillir le bois dans une lessive de cendres ou dans l’eau de chaux.

L’avantage que l’on en retire est de son fruit que l’on mange crud ou confit, mais sur-tout préparé en pruneau & en brignole.

De la préparation des pruneaux. Presque toutes les prunes que l’on sert sur la table sont susceptibles d’être préparées en pruneaux : celles que l’on choisit par préférence, sont le gros damas de Tours, l’impériale violette & l’impératrice violette. En Suisse, on sèche beaucoup d’île verte, & les pruneaux sont excellens. Ce que je vais dire de leur préparation, est extrait de l’ouvrage déja cité de M. de la Bretonnerie.

« Pour les préparer comme il convient, on les cueille à la main dans leur entière maturité, elles ne peuvent être trop saines ; celles qui sont tombées & verreuses ne sécheroient pas bien & ne valent rien. On les met d’abord au four sur des claies, sans qu’elles se touchent, après que le pain est tiré ; on les change de place, & on les serre après qu’elles sont refroidies, ou bien on achève de les sécher au soleil ; car si on les mettoit plusieurs fois an four, elles ne seroint plus moelleuses, & elles deviendroient trop sèches ; on les serre dans des boites à l’abri de toute humidité. Quand on en achète, on doit choisir les pruneaux nouveaux, moelleux, tendres & charnus. Ils se gardent deux ans & davantage.

« La préparation des brignoles est la même que celle des pruneaux, avec cette différence cependant. On n’emploie que le perdrigons violet ; (qui est fort beau & très-sucré au village de Brignoles en Provence, où l’on a inventé cette préparation) on passe ces prunes à l’eau chaude ; ensuite on les pèle ; on les fend en deux pour en ôter le noyau ; on les met au four, &c. »

Propriétés médicinales. Les prunes sont en général acidules, & quelques-unes qui paroissent les plus douces au goût, développent un acide très-marqué quand on les convertit en pruneaux. Elles sont nourrissantes, rafraîchissantes, délayantes & laxatives. Les pruneaux ordinaires purgent doucement & rafraîchissent. Ceux qu’on a faits avec les damas purgent moins, nourrissent davantage & ne rafraîchissent pas autant. Les brignoles purgent rarement, nourrissent beaucoup & ne rafraîchissent pas d’une manière sensible.

Les pauvres cultivateurs préparent avec les prunes, qu’ils mettent fermenter avec de l’eau, une boisson. Consultez le mot suivant, de la manière de faire le petit vin, inséré à l’article Vin.

Méthode pour conserver en hiver un prunier vert & frais avec ses feuilles & ses fruits, au milieu d’un jardin ou d’un champ.

Cet article est tiré du Journal Économique du mois d’avril 1754, page 167 ; comme je n’ai pas répété cette expérience, je me contente de la transcrire, sans me permettre aucune réflexion, quoique le succès en paroisse douteux. « Choisissez dans votre verger un prunier bien chargé de fruits ; entourez-le d’un treillage de bois, formé de lattes & de contre-lattes, & couvert de même ; couvrez ce treillage de foin bien sec & de l’épaisseur de 8 à 10 pouces ou même davantage, de manière que tout le treillage ne ressemble plus qu’à un tas de foin : il faut observer que les prunes de l’arbre choisi pour cette opération, ne soient pas entièrement mûres, mais qu’elles commencent seulement à devenir un peu bleues. On laissera au bas du treillage une ouverture à pouvoir passer le corps, laquelle on fermera d’une ou deux planches que l’on couvrira de foin comme le reste de l’ouvrage : s’il tombe de la neige sur le foin, il ne faut pas l’enlever, parce qu’elle conserve la chaleur intérieure qui maintient la fraîcheur & la verdure de l’arbre, & au moyen de laquelle les prunes parviennent peu à peu au point de leur maturité, de manière qu’au milieu de l’hiver vous pouvez en entrant sous le treillage cueillir des prunes toutes fraîches avec des rameaux verts.


  1. Note de l’Éditeur. Cet arbre convient mieux dans les jardins d’ornement que dans les vergers. La manie d’avoir des arbres panachés est ridicule, ne voit-on pas que c’est leur parenchyme qui est attaqué, que ces arbres souffrent. Autant vaudroit-il, pour se récréer la vue, considérer la peau d’un homme attaqué de la jaunisse, ou le teint plombé d’un fiévreux.
  2. Ce tableau est pris dans le climat de, Paris & doit varier dans les autres suivant l’intensité de la chaleur.
  3. Note de l’Éditeur. Je n’ai pas parlé de ces deux espèces parce qu’elles ne méritent pas de trouver place contra un espalier ou dans un verger.