Aller au contenu

Cours d’agriculture (Rozier)/PULSATILLE, COQUELOURDE, FLEUR DU VENT, PASSE-FLEUR

La bibliothèque libre.
Hôtel Serpente (Tome huitièmep. 444-446).


PULSATILLE, COQUELOURDE, FLEUR DU VENT, PASSE-FLEUR. À l’article anémone il y a un renvoi pour le mot coquelourde qui a été pourtant omis ; nous allons, y suppléer par celui-ci.

L’anémone & la pulsatille forment deux genres distincts, selon Tournefort qui les range dans la 7e section de la & classe, c’est-à-dire, des plantes qui ont les fleurs en rose, & dont le pistil devient un fruit composé de plusieurs semences ramassées en forme de tête. La différence essentielle que cet illustre botaniste établit entre ces deux genres, est que les anémones ont leurs semences enveloppées d’une matière lanugineuse, & que celles des pulsatilles sont nues, mais surmontées d’un filet ou arête plumeuse.

Linné n’ayant point égard à cette différence admise par tous les botanistes qui l’ont précédé, a réuni les pulsatilles avec les anémones sous ce dernier genre, qu’il classe dans la polyandrie polygamie. Ce Savant a dit que la nature n’avouoit pas une telle division par les semences ; cependant elle est bien sensible & tranchante entre l’anémone commune & la pulsatille ordinaire, pour ne citer que des espèces connues de tout le monde. Tournefort désigne la pulsatille par cette phrase de C. Bauhin, pulsatilla folio crassiore & majore, flore. Linné la nomme anemone pulsatilla. Voici son signalement.

Fleur : rosacée & sans calice fournie de six grands pétales oblongs& droits ou ouverts, velus en dehors seulement, colorés en pourpre, ou violet, ou pâles selon les variétés, car il en est beaucoup. Plusieurs étamines à sommets jaunes.

Fruit. Le pistil s’arrondit en forme de tête, est chargé de semences un peu oblongues, portant leur style alongé comme une queue barbue.

L’ensemble forme une tête chevelue qui joue au moindre vent. C’est un panache purpurin fort agréable.

Feuilles : découpées ou bipinnées & velues, portées sur de longs pétioles velus & rougeâtres à leur base.

Racine : un peu alongée, grosse vers le collet comme le doigt, & chevelue.

Port. La tige ronde, droite, creuse, nue jusqu’à l’involucré qui l’embrasse aux deux tiers environ de sa hauteur, & qui est divisée comme une fraise ; haute de 8 à 10 pouces, verte & velue comme les feuilles. Une fleur solitaire est portée au haut de la tige ; elle fleurit au printemps, périt en hiver jusqu’au collet ; la racine est vivace.

Lieu. Les bois, les montagnes, les lieux incultes & élevés du côté du nord ; on la cultive dans les jardins à cause de ses variétés ; difficile à élever dans les pays chauds.

Propriétés. Un peu amère dans toutes ses parties, principalement dans les feuilles en vigueur, qui sont aussi un peu âcres & nauséeuses. Cette plante passe pour être incisive, détersive, vulnéraire, &c.

Usages. Elle est peu employée dans la médecine : quelques maréchaux s’en servent. Cependant les feuilles écrasées & appliquées sur la peau, sont un bon rubéfiant, elles excitent des ampoules. En cette qualité le peuple en fait un topique en épithème contre les fièvres ; La racine qui est moins âcre, peut servir de sternutatoire & de salivaire. L’eau distillée de coquelourde a réussi quelquefois à déterger les vieux ulcères ; elle est cependant presque insipide. Intérieurement, c’est un remède dangereux, s’il n’est ordonné par un médecin prudent. On en a recommandé l’extrait pour guérir de la folie & des écrouelles. Les fleurs de cette plante entrent dans l’eau hystérique de la Pharmacopée de Paris.

Il est une autre pulsatille d’usage, qu’il ne faut pas confondre avec la précédente ; on la distinguera, sur-tout quand elle est en fleur, par les caractères suivans.

Tournefort l’a nommée d’après C. Bauhin, pulsatilla flore minore nigricante. Linné l’a appelée anemone pratensis. Ce nom trivial ou spécifique est bien capable d’induire en erreur, puisque plusieurs anemones se trouvent dans les prés comme celle-ci. Tout médecin qui ne sera pas botaniste, (& combien ne le sont pas quoiqu’ils prescrivent des simples (voyez ce mot) qu’ils ne connoissent pas ! cette idée fait frémir,) croira avoir trouvé sur ses pas dans le premier pré la pulsatille tant vantée de nos jours pour la cure des maladies psoriques, tandis qu’elle est très-rare. J’avoue qu’avant d’avoir connu cette plante & ses propriétés je m’y suis trompé moi-même en croyant que ceux qui annonçoient ce spécifique s’étoient trompés dans la dénomination de la plante, & qu’ils avoient voulu parler de la pulsatille ordinaire, la seule qui eût été jusqu’ici de quelque usage. Je saisis cette occasion pour relever l’erreur qui s’est glissée dans la note que j’avois fait insérer à ce sujet dans la Gazette de Santé, n°. 32, année 1782. La suite de cet article va servir de correctif à la fausse note, & d’explication sur la plante qu’il faudroit dorénavant désigner par le nom de pulsatille noirâtre ou de Storck, pulsatilla nigricante & non par anémone des prés, ni par celui de pulsa ille & de coquelourde sans l’épithète de noirâtre. Voici en quoi elle diffère de la pulsatille commune, dont quelques botanistes n’ont fait qu’une variété.

Fleur : plus petite, penchée vers la terre, restant long-temps fermée ; les pétales se réfléchissant en dehors vers leurs extrémités. Sa couleur est d’un bleu foncé, ce qui la fait paroître comme noirâtre, car elle n’est point noire comme quelques-uns l’ont dit.

Feuilles : plus divisées, plus obscures, peu ou point velues.

Racine : alongée, inégale, fibreuse, vivace.

Port. Toute la plante a l’air plus sombre que la pulsatille ordinaire, l’aspect de sa fleur est moins agréable ; elle est inclinée sur sa tige, au lieu que l’autre est droite ; cette différence fait leur caractère. La fleuraison de celle-ci est plus tardive.

Lieux : dans les prés, en Allemagne, en Scanie, en France dans le Gévaudan, le Dauphiné, le Lyonnois, &c.

Propriétés. Toute la plante est âcre, la racine l’est moins.

Usages. Ce n’est que de nos jours qu’on a employé cette plante en médecine. Feu M. le baron de Storck, célèbre médecin de Vienne en Autriche, l’a fort vantée dans un petit Traité latin qu’il a fait exprès, où il rapporte des observations sur quelques maladies des yeux, la carie, les ulcères & les dartres guéries par l’usage de cette plante. MM. Bonnel, & de la Bragenesse, médecins à Mende, ont suivi plus particulièrement les effets de cette espèce de pulsatille dans les affections dartreuses ; d’après les observations qu’ils ont recueillies & publiées, ils ont cru pouvoir assurer que c’étoit ici le remède le plus efficace contre le vice psorique.

Toute la plante, hormis la racine, sert à faire un extrait & une poudre qu’on mêle avec du lucre, & qu’on donne de 10 à 30 grains à deux ou trois reprises par jour, en commençant par 3 ou 4 grains : on doit en continuer l’usage pendant quelques mois, suivant le besoin. On en tire aussi une eau distillée fort âcre, & qu’on prescrit chaque fois à la dose de demi-once & pendant long-temps, ce qui peut varier selon le cas & le sujet. M. Bonnel emploie quelquefois la jusquiame & la ciguë en lotion sur les parties affectées de dartre, pour seconder l’effet de la pulsatille noirâtre.

On nous pardonnera si nous avons tant insisté sur ces deux puslatilles. Tout est de rigueur quand il s’agit de distinguer des plantes d’un même genre, qui ont des vertus si différentes ; & quoique la pulsatille noirâtre soit encore peu en usage, elle pourra être un jour plus employée que la pulsatille ordinaire. Nous n’avons pas hésité à lui donner une place dans ce Dictionnaire, parce que c’est une plante que les gens de la campagne auront, en quelques pays, facilement sous la main, & dont ils pourront fournir les apothicaires. Elle peut devenir précieuse au peuple, en tant qu’elle servira à combattre une maladie qui lui est aussi commune que rebelle, & qui se propage dans lei familles par le vice du sang. A. X.