Cours d’agriculture (Rozier)/SANG (Maladie du)

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Hôtel Serpente (Tome neuvièmep. 69-76).


SANG (Maladie du) Médecine vétérinaire. En 1782, je présentai un mémoire sur la maladie du sang, à la société royale de médecine ; ce mémoire n’étant pas assez détaillé, j’ai cru devoir placer ici les observations de M. l’abbé Tessier, relatives à cette maladie. La tâche que je me suis imposée est d’être de la plus grande utilité aux cultivateurs, auxquels il importe de faire connoître tous les moyens de remédier aux pertes de bétail qu’ils essuyent, parce qu’ils en ignorent les causes.

À examiner, dit M. l’abbé Tessier, les différentes causes des maladies les plus communes des bestiaux, il semble qu’il y ait toujours quelque chose à redouter pour eux dans le sol & dans le climat qu’ils habitent. Les terrains humides de la Brie, de la Sologne, & de plusieurs autres provinces, donnent la pourriture aux bêtes à laine. Sur les coteaux arides & dans les plaines sèches, elles sont sujettes à la maladie du sang. C’est à la vigilance des propriétaires ou gardiens des troupeaux, à les mettre, autant qu’il est possible, à l’abri de l’influence du local, par des compensations, des soins bien entendus. La peine qu’il en doit coûter, & l’intelligence nécessaire pour en rendre la dépense peu considérable, y mettront sans doute des obstacles pendant longtemps ; mais il faut espérer qu’insensiblement on pourra les vaincre. Il est donc du devoir des hommes, qui s’occupent de l’examen des maladies des bestiaux, d’en indiquer les causes, & de présenter les moyens les plus faciles & les plus sûrs pour les prévenir ; quelques cultivateurs en profiteront les premiers, & serviront d’exemples aux autres.

J’ai plusieurs fois été témoin des ravages que faisoit la maladie du sang ou de chaleur sur les bêtes à laine dans un certain nombre de paroisses de la Beauce. Ce fut en 1775 que j’y fis attention pour la première fois ; alors elle y étoit considérable. Depuis ce temps-là je l’ai vu reparoître souvent & causer plus ou moins de pertes. Il peut y avoir toute l’année, dans certains troupeaux, des bêtes à laine qui périssent du sang ; mais, en général, c’est en été que cette maladie règne sensiblement. Elle commence quelquefois au mois de juin, on la voit dans toute sa force pendant les mois de juillet & d’août ; elle décline en septembre. Plus commune dans les années sèches que dans les années pluvieuses, elle enlève un plus grand nombre d’animaux les jours où il fait le plus chaud, & sur-tout les jours d’orage, & il semble que la mortalité se ralentisse par un temps frais & après les pluies. Elle attaque les moutons, les béliers, les agneaux, les antennois. Plus un animal est bien constitué, moins il en est à l’abri. On remarque que les moutons y sont le plus sujets.


Symptômes & effets de la maladie du sang

Lorsque j’ai fait voir la différence de la maladie rouge & de la maladie du sang, j’ai rapporté une partie des symptômes de cette dernière. Je ne puis m’empêcher de les rappeler ici, afin d’en présenter l’ensemble. Soit que les bergers ne sachent pas ou ne puissent distinguer les premiers signes de la maladie du sang, soit qu’elle produise subitement ses funestes effets, on ne prévoit pas d’avance qu’un animal en doit être frappé. Il s’arrête tout à coup, paroît étourdi, chancelant, trébuchant sur les quatre jambes ; il rend du sang par le fondement & par le canal des autres. Bientôt il tombe à la renverse & meurt en peu de temps, quelquefois dans l’espace d’un quart d’heure ou d’une demi-heure. Alors on voit sortir de sa gueule & de ses narines un sang noir & épais ; son corps ne tarde pas à se gonfler & à se putréfier. Malgré l’appât du gain, on ose à peine en écorcher la peau, dans la crainte que quelques gouttes de sang, en jaillissant sur le visage ou sur les mains, n’occasionnent des maux dangereux.[1]

Lorsqu’on ouvre le corps d’une bête morte de cette maladie, les vaisseaux de la peau, & ceux qui sont les plus superficiels, paroissent remplis de sang, & les chairs sont violettes. On trouve les intestins & la caillette vides. Il n’en est pas de même des trois autres estomacs, qui sont toujours pleins. Les matières que contient le feuillet sont desséchées ; la rate, plus volumineuse que dans l’état ordinaire, est, ainsi que le cerveau, gorgée de sang. Ce qui a fait donner aussi le nom de sang de rate.[2]


Perte occasionnée par la maladie du sang.

Il m’est aussi difficile d’estimer au juste la perte causée par la maladie du sang, que celle qui est occasionnée par la maladie rouge. Ce que je puis assurer par un témoignage certain, c’est que, dans une paroisse, sur 800 bêtes à laine, année commune, la maladie du sang en enlève 80. Un fermier d’une autre paroisse, & dont le troupeau étoit de 350 bêtes à laine, en perdit 80, de la même maladie, en 1780. Quoique la perte varie selon les années, il paroît qu’on peut l’estimer à un neuvième ou un dixième au moins. En supposant un troupeau composé de 300 bêtes, sur lesquelles il en meurt 30, ou un dixième, savoir, un tiers en moutons, un tiers en brebis & un tiers en agneaux ; le fermier auquel il appartient, perd sur cet objet 140 livres ; prix moyen de la valeur des moutons & des agneaux.

Je n’ai point essayé de faire faire du parchemin ni de la colle avec les peaux des bêtes mortes de la maladie du sang ; je sais seulement qu’elles ne sont pas estimées des mégissiers ni des parcheminiers. Si l’on en prépare quelques-unes pour en former des housses aux colliers des chevaux de trait, la laine n’y reste pas long-temps. Employée dans des matelats, ou à d’autres usages, elle se remplit d’insectes.


Causes de la maladie du sang.

Les causes qui déterminent la maladie du sang sont, à ce qu’il me semble, 1°. La constitution des bêtes à laine de Beauce ; 2°. leur régime pendant toute l’année & sur-tout à l’époque de la maladie ; 3°. la sécheresse ou la chaleur de la saison où elle se manifeste.[3]

Les bêtes à laine élevées & conservées en Beauce, sont plus sujettes à la maladie du sang, que celles qu’on amène des pays humides, car leurs fibres sont sèches, leur sang est épais & contient peu de sérosité. Elles ont le jarret fort & résistent vigoureusement lorsqu’on les prend par la jambe. Leurs yeux sont vermeils ; tout annonce en elles un tempérament sanguin. La pourriture ne les attaque jamais tant qu’elles restent dans le pays.

On a observé que plus les troupeaux sont nourris abondamment & long-temps à la bergerie, plus ils sont exposés à la maladie du sang. Communément on commence à leur donner à manger vers la Saint-Martin, quelquefois plutôt ; & l’on continue ainsi jusqu’à la mi-avril, & même beaucoup plus tard, selon qu’il y a plus ou moins d’herbe aux champs. D’abord on ne les nourrit qu’en partie ; ensuite on les nourrit en entier, & on diminue par degré les alimens qu’on leur donne. En réunissant le temps de la nourriture en partie, & celui de la nourriture en entier, on peut estimer qu’on les nourrit en entier pendant cinq mois. Lorsqu’il ne s’agit que de suppléer à ce qu’il faudroit de plus de nourriture aux troupeaux, ou, ce qui est la même chose, de ne les nourrir qu’en partie, on se contente de mettre dans leurs râteliers du froment en gerbe, qui a été presque tout à-fait battu ; mais si on veut les nourrir entièrement, on y ajoute le matin des gerbes de froment qui n’ont pas été battues, & le soir des bottes de vesce qui contiennent tous leurs grains.

On mène en Beauce les bêtes à laine aux champs en tout temps, excepté quand la terre est couverte de neige. On les retient encore à la bergerie les jours où il tombe de la grêle ou de la pluie froide. Vers la Toussaint on commence à façonner les terres qui ont rapporté du froment, afin de les disposer à recevoir des grains de mars. Ces façons ne se donnant que successivement, les troupeaux paissent dans celles de ces terres qui ne sont pas encore labourées. Ils sont conduits en même temps dans les champs qui ont récemment produit des grains de mars, mais moins fréquemment d’abord, afin de les leur conserver comme une ressource pour le temps où toutes les terres qui ont produit du froment sont labourées.

À cette époque, les bêtes à laine ne trouvant que très-peu d’herbe à brouter, on les nourrit de la manière que je viens de détailler.

C’est peu de temps après Pâques qu’on donne la première façon aux terres qui ont rapporté des grains de mars ; ce qui se continue jusqu’à la mi-mai, temps où se donne, mais lentement, la seconde façon appelée binage. La troisième ne doit se donner qu’après la moisson, immédiatement avant les semailles.

S’il vient un temps favorable, il croît de l’herbe dans les labours de première & seconde façon. Cette herbe propre à rafraîchir les bêtes à laine, corrige les effets de la nourriture sèche & échauffante qu’elles prennent à la bergerie. Aussi est-elle fort recherchée ; mais s’il ne tomba point d’eau, en sorte que l’herbe ne puisse pousser sur les jachères, on nourrit encore plus ou moins les troupeaux en leur donnant des gerbes de froment presqu’entièrement battu, & en leur faisant paître sur les champs de la vesce en herbe, sur-tout à l’approche de la moisson.

Dans les cantons où j’ai observé la maladie du sang, on ne parque ordinairement que pendant environ trois mois, depuis la moisson, qui commence à la mi-juillet, jusqu’à la Toussaint. C’est parce qu’il n’y a que très-peu ou point d’herbe sur les jachères, que les fermiers ne veulent pas parquer plutôt. Il est à remarquer qu’en Beauce les parcs s’établissent au milieu des plaines, où il n’y a nul abri contre l’ardeur du soleil, qui tombe à plomb sur les bêtes à laine qu’on y renferme au milieu du jour.

Pendant que la moisson se fait, on conduit les troupeaux, d’abord dans les chaumes du froment ; où ils trouvent beaucoup d’herbes & des épis de froment ; c’est alors que la maladie du sang est dans toute sa force : on les mène ensuite dans les champs où l’on a récolté des grains de mars. Ils n’ont point d’autre pâturage jusqu’à la Toussaint.

À ces circonstances, capables de déterminer sans doute la maladie du sang, il s’en joint une autre qui dispose les bêtes à laine à la contracter ; c’est l’état des bergeries de la Beauce, toujours trop étroites, trop basses, trop peu aérées. On y laisse amonceler des fumiers qu’on n’enlève qu’une ou deux fois par an, en sorte qu’en tout temps il y a une chaleur & une fermentation considérables.

Enfin, plus les mois qui précèdent la moisson sont secs, plus il fait chaud dans les mois de juillet & d’août, & plus on perd des bêtes à laine de la maladie du sang. Lorsqu’elle se déclara en 1775, année où elle fut meurtrière, il faisoit depuis long-temps une grande sécheresse qui avoit tari les mares & empêché les herbes de pousser. En 1780 & en 1781 les circonstances ayant été les mêmes qu’en 1775, on éprouva une mortalité aussi funeste dans les fermes où l’on ne prit aucune précaution.

Moyens de guérir la maladie du sang.

Quoiqu’il soit généralement vrai que la maladie du sang tue les bêtes à laine aussitôt qu’elle les attaque, j’en ai vu quelquefois qui en paroissoient menacées d’avance, & auxquelles il étoit utile d’appliquer des remèdes convenables. On doit préférablement, dans ce cas, faire usage de la saignée, plutôt à la tête que dans d’autres parties du corps, afin de ne pas gâter la laine ; mais il faut n’en attendre du succès qu’autant qu’elle est employée de bonne heure, avant que l’engorgement soit fait dans le cerveau. M. Daubenton conseille de la pratiquer à une veine qui est au bas de la joue, à l’endroit de la racine de la quatrième dent mâchelières, la plus épaisse de toutes. (Voyez l’article Saignée où il est traité au long de la manière de la pratiquer dans les moutons) Les autres remèdes qui conviennent aussi, étant plutôt des préservatifs que des remèdes curatifs, se trouveront à l’article suivant.

Préservatifs de la maladie du sang.

Puisque la maladie du sang des bêtes à laine de Beauce dépend, pour ainsi dire, de deux sortes de causes, dont les unes sont éloignées & les autres prochaines, c’est en les arrêtant toutes à leurs sources, qu’on peut espérer d’en prévenir les effets, ou de les rendre peu sensibles.

Les causes éloignées de la maladie du sang, sont la constitution propre des bêtes à laine de Beauce, la nourriture qu’on leur donne, & l’état de leurs bergeries. On doit regarder comme causes prochaines la chaleur du soleil, la sécheresse de l’été, & les épis de froment qui se trouvent dans les chaumes où paissent les animaux lorsqu’ils sent le plus sujets à être frappes de cette maladie.

Pour remédier aux premières, il faudroit changer la constitution des bêtes à laine, leur procurer d’autre nourriture, & corriger les vices de leurs habitations. La constitution primitive n’est susceptible que de quelques modifications ou changemens ; & ce sont les alimens qui peuvent seuls l’opérer. Au lieu donc de ne donner aux bêtes à laine que du froment en gerbe, ou de la vesce en grain, je conseille d’y substituer quelquefois, sur-tout vers la fin du temps où on les nourrit à la bergerie, du son délayé dans de l’eau, ou de l’avoine, moins échauffante que le froment & la vesce. On aura soin que ces animaux ne manquent jamais d’eau pour boire.

M. Daubenton parle d’une espèce de chou qui se multiplie facilement de boutures, & résiste à la gelée. Si des fermiers intelligens vouloient prendre la peine de le cultiver en Beauce, ils en jetteroient de temps temps des feuilles dans les râteliers de leurs troupeaux. On suppléeroit encore aux pâturages naturels dont la Beauce est privée, comme je l’ai déja dit, en employant un plus grand nombre de champs qu’on n’en emploie pour y semer des pois, qu’on feroit manger en herbe. Au reste, je ne propose ces moyens de prévenir les effets des causes éloignées de la maladie du sang, qu’autant qu’après des calculs exacts, on y trouvera de l’avantage.

Les conseils que je crois devoir donner sont d’autant mieux fondés, qu’ils se trouvent confirmés par un usage utile, introduit depuis longtemps dans la Beauce. Des fermiers de cette province louent sur les bords & au milieu de la forêt d’Orléans, des pâturages frais & abondans, pour y mettre à la fin de mai leurs moutons seulement, qu’ils en retirent à l’approche de la moisson. Cette petite émigration a deux avantages ; 1°. de corriger par des alimens aqueux la constitution des moutons, & les effets de la nourriture sèche qu’on leur donne pendant cinq mois ; 2°. de réserver pour les brebis & les agneaux les herbes qui croissent sur les jachères, & de prévenir ainsi la maladie du sang dans les uns & dans les autres. Ces pâturages étant bornés, il n’y a qu’un petit nombre de fermiers qui puissent en profiter, & beaucoup n’y ont pas de confiance, parce qu’en voulant éviter à leurs moutons la maladie du sang, ils leur ont quelquefois procuré la pourriture. (voyez ce mot) Mais on préviendroit ce dernier inconvénient, qui n’est dû qu’à l’ignorance & à l’inattention des bergers, si on exigeoit d’eux qu’ils ne conduisissent qu’avec réserve leurs moutons dans les endroits les plus humides de ces pâturages, & qu’ils leur fissent paître de temps en temps des herbes moins aqueuses.

Il est indispensable d’enlever souvent le fumier des bergeries, & d’y pratiquer assez de fenêtres pour entretenir des courans d’air, avec l’attention de les laisser ouvertes même en hiver. On évitera de mettre ensemble un trop grand nombre de bêtes à laine relativement à l’étendue des bergeries.

L’influence des causes prochaines de la maladie du sang peut aussi, se corriger. On préservera les bêtes à laine du soleil & de la grande chaleur, si on les mène aux champs de bon matin, & si elles n’y retournent que tard ; mais au lieu de les tenir dans leurs parcs au milieu du jour, on les ramènera à la ferme, pour les mettre sous un hangar ou sous des arbres, ou le long d’un mur à l’ombre.

Les bergers ne conduiront leurs troupeaux dans les chaumes de froment nouvellement coupé, que quelques jours après l’enlèvement des gerbes, sur-tout au commencement de la moisson, parce qu’on a remarqué que les épis des fromens les premiers coupés étoient dangereux, vraisemblablement parce qu’ils ne sont pas dans une maturité parfaite.

Je ne puis mieux indiquer les remèdes qu’il convient de donner aux bêtes à laine, lorsque la maladie du sang se déclare dans un troupeau, qu’en exposant les moyens que je vois réussir sous mes yeux depuis quelques années, & pour lesquels mes conseils n’ont pas été inutiles.

En 1775, on se contenta d’établir dans un parc, où la mortalité étoit considérable, des baquets qu’on remplit d’eau, dans laquelle on fit dissoudre quelques poignées de sel marin. Les premiers animaux qui en burent y revinrent plusieurs fois, & accoutumèrent les autres à s’abreuver de cette eau salée, en sorte que dans le troupeau auquel on ne donna que ce remède simple, la maladie du sang cessa, tandis qu’elle continua à exercer ses ravages dans les troupeaux voisins livrés aux soins de gens peu instruits.

Cette manière d’arrêter les effets de la maladie du sang n’a été employée d’abord que par un seul fermier. Les autres l’emploient maintenant & s’en applaudissent.

En 1781, un troupeau étant attaqué de la maladie du sang, on fit bouillir plusieurs poignées d’oseille de jardin dans vingt-cinq pintes d’eau ; on y fit dissoudre une livre de sel de nitre & une livre & demie de sel marin. On en fit avaler à chaque bête à laine un petit gobelet tous les matins à jeun, & on en mit dans l’eau qui servoit de boisson ; on vit bientôt la mortalité s’apaiser. Il seroit utile, avant l’usage de ces remèdes, de saigner les bêtes les plus vigoureuses.

Quelques fermiers, à cette époque, conduisent une fois seulement leurs troupeaux à la petite rivière de Juine, dont ils ne sont qu’à quelques lieues. Là, ils font passer chaque bête dans l’eau, l’une après l’autre, au-dessous de la vane d’un moulin. Cette espèce de douche ne leur est pas salutaire, puisque la mortalité continue après. En effet, on ne doit attendre aucun avantage des bains de rivière, que je ne conseille, dans ce cas, pour les troupeaux qui font dans le voisinage, que lorsqu’ils sont répétés plusieurs fois par jour & pendant quelque temps[4].

De tout ce que j’ai exposé jusqu’ici, sur la maladie du sang, il résulte, 1°. qu’elle a des symptômes qui la caractérisent, & qu’elle ne peut être confondue avec aucune autre, ni par rapport à la manière dont elle attaque les bêtes à laine, ni par rapport à ses effets ; 2°. qu’elle cause des pertes considérables aux fermiers, dans les troupeaux desquels elle se déclare ; 3°. qu’elle dépend des causes éloignées & prochaines, dont les premières sont la constitution des animaux, leur régime, & l’état de leurs bergeries ; & les dernières, la chaleur du soleil, l’aridité de la terre, & les grains nouveaux ; 4°. que la connoissance de ces causes en indique les moyens préservatifs, presque toujours les seuls qu’ils convient d’employer ; 5°. que ces moyens sont la plupart simples, d’une exécution facile, & exigent, ou seulement quelques soins, ou très-peu de dépenses ; 6°. enfin, que l’expérience a prouvé qu’on pouvoit prévenir, au moins en grande partie, la maladie du sang dans la Beauce, & vraisemblablement dans d’autres pays ; car je ne doute pas que les conseils que je donne ici, ne soient applicables à beaucoup d’endroits très-éloignés les uns des autres. M. T.


  1. On agit bien différemment dans le diocèse de Lodève, en bas-Languedoc, où la maladie dont il s’agit est enzootique dans un certain nombre de paroisses. Nous pouvons citer S. Jean de la Blaquière, le Bosc, le Puech, Celles, Veton, Sacelles, la Roquette, &c. Les paysans lèvent les peaux de tous les moutons qui périssent, sans en excepter un seul ; aussi sont-ils souvent la victime de leur imprudence. En 1784, j’en vis quelques-uns enlevés dans l’espace de trois jours, par une espèce d’Anthrax, appelé dans le pays, lou vilain (Le charbon). Note de M. Thorel.
  2. On l’appelle, en bas Languedoc, lou mal de la melso.
  3. Cette maladie est commune dans le bas-Languedoc aux bêtes à laine, aux bêtes à cornes, & aux chevaux même. Elle dépend de la constitution des animaux qui sont plus sanguins les uns que les autres ; de la chaleur générale de l’air, & de la chaleur particulière qu’éprouvent certains animaux, soit dans leurs bergeries soit dans leurs parcs, soit ailleurs ; des alimens plus capables d’échauffer que de rafraîchir ; telles sont les plantes aromatiques, communes dans cette partie de la province ; de la manière dont sont conduits certains troupeaux, qu’on mène aux champs par la chaleur, qu’on presse en chemin, enfin confiés à des bergers ou des bouviers peu soigneux, &c. La race étant un viscère lâche, le sang s’y amasse plus aisément que dans un autre. Note de M. Thorel.
  4. L’observation suivante vient à l’appui de celle de M. l’Abbé Tessier. Le 18 juin 1784, la maladie, du sang faisoit les plus grands ravages dans la paroisse du Puech, au diocèse de Lodève. Requis par les Consuls du lieu, je m’y rendis le 20 du même mois. Sur un troupeau composé de cent douze moutons gras & de belle taille, j’en trouvai quarante morts de la maladie. J’appris que le pain béni que les paysans ont coutume de donner pour remède, n’avoit produit aucun effet. J’ordonnai la saignée aux veines des yeux, au bout des oreilles, à la queue, &c. suivie des bains dans la rivière de Lergue, distante d’un quart de lieue de l’endroit. Le reste du troupeau fut entièrement conservé-, depuis ce temps les paysans sont dans l’usage de conduire tous les ans, à la même époque, leurs troupeaux plusieurs fois à cette rivière, pour les faire baigner, & ils ont la satisfaction de voir leurs moutons à l’abri de cette maladie enzootique. (Note de M. Thorel.)