Cours d’agriculture (Rozier)/SOURIS

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Hôtel Serpente (Tome neuvièmep. 274-275).
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SOURIS. Consultez l’article Rats. En 1772, les papiers publics annoncèrent l’invention d’un fumoir ou soufflet mécanique, propre à étouffer dans les trous, les familles entières de rats, mulots, taupes, souris & loirs. Ce fumoir est un instrument métallique & portatif, construit de façon à contenir du feu & à fournir un courant de fumée, qui, à l’aide des tuyaux qui s’y adaptent à la longueur nécessaire aux circonstances, étouffe les animaux dans le fond de leur retraite. On garnit le foyer avec des chiffons de toutes espèces, imprégnés de vieille graisse ou huile mêlée de soufre, de poix résine. On allume & on fait jouer le soufflet à deux ames. Ce fumoir se vendoit chez Diodet à Paris, rue S. Honoré, près de l’Oratoire.

Si, au moyen de ce fumoir, on obtenoit réellement l’effet que l’on désire, ce seroit une invention bien précieuse pour nos cultivateurs. Ils viendroient à bout de détruire les souris, les mulots qui font des dégâts énormes dans les prairies & dans les terres semées en blé, & par-dessus tout, dans celles plantées en cannes à sucre. Mais les galeries des mulots sont si multipliées, leurs entrées & leurs sorties sont si nombreuses, qu’il paroit plus que probable que la fumée les forcera de sortir par un trou pour rentrer dans un autre ; ces animaux sont trop rusés pour ne pas fuir un lieu où la fumée les incommode, surtout quand ils ont autant de facilité pour en sortir. Le fumoir produira donc un simple déplacement de ces animaux, d’un champ sur un autre. Enfin, le nombre des souris ou mulots qui périront dans leurs souterrains, sera bien peu considérable.

M. Hell a consigné dans la feuille du cultivateur du 3 novembre 1790, un procédé dont il s’est servi, & dont le soufre est la base. On fait fondre du soufre dans une cuiller de fer. Lorsqu’il est liquide, on y trempe des bandelettes ou tranches de papier de six à neuf lignes, sur 4 à 5 pouces de longueur. On se transporte sur le terrain, muni de charbons ardens ou d’un briquet & des allumettes, & on commence l’opération par un bout de la pièce. On insinue une tranche allumée dans un trou de mulots, & on pose dessus une motte de terre, pour que la fumée ne puisse pas s’échapper. On fait attention qu’il ne tombe point de terre sur la tranche de papier pour ne pas risquer de l’éteindre. La vapeur du soufre suit la galerie souterraine & sort bientôt par les issues auxquelles elle communique. Mais pour qu’elle fasse son effet, on bouche toutes les issues à mesure que la fumée paroît ; lorsqu’il n’en sort plus, on remet une bandelette allumée comme la première, dans le trou le plus près du dernier où la fumée a paru ; on le bouche comme le premier & avec la même précaution ; les trous par lesquels la fumée cherche à s’échapper, sont bouchés successivement, & on continue jusqu’au bout du champ, toujours en plaçant des bandelettes allumées dans les trous par où la fumée n’est pas sortie, & en bouchant ceux par où la fumée a paru. La vapeur du soufre suit non-seulement toutes les directions des galeries souterraines, mais encore elle pénètre dans les cavités où les mulots se retirent & où ils ne tardent pas à être suffoqués. M. Hell a observé que 10 à 30 sols de soufre, suffisent pour détruire tous les mulots répandus sur 15 à 10 arpens, & qu’une seule personne peut soufrer plusieurs arpens par jour.

Cette opération seroit vraiment avantageuse, si tous les propriétaires des champs riverains la pratiquoient tous à la fois & dans le même jour. Sans cette précaution, & en admettant même, comme démontrée, l’efficacité de l’opération, le champ purgé de mulots, ne tarderoit pas à être couvert de nouveau par les colonies d’animaux qui viendroient des champs voisins. Tout le monde connoît la grande fécondité des mulots & des souris.