Cours d’agriculture (Rozier)/TÉNESME

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Hôtel Serpente (Tome neuvièmep. 387-389).


TÉNESME. Médecine rurale. Fréquente envie d’aller à la selle sans rendre, tout au plus que quelques glaires muqueuses, & quelquefois sanguinolentes.

Le ténesme est idiopathique, ou symptomatique : le premier a son siège dans l’extrémité de l’intestin rectum, ou sur le sphincter de l’anus, & reconnoît pour cause une inflammation dans cette partie. Il dépend souvent des tumeurs qui se forment dans le rectum, ainsi que des hémorroïdes internes. Ceux qui en sont attaqués, ressentent une douleur égale à celle que pourroit exciter un noyau de pêche qui irriteroit cette partie. On sait que les femmes grosses y sont fort sujettes.

On doit rapporter au ténesme idiopathique, le ténesme qui est occasionné par la présence des vers dans le rectum, & qu’on ne sauroit méconnoître par les évacuations qui portent toujours avec elles quelques vers ; par un prurit que le malade ressent dans cette partie, surtout le soir, lorsqu’il est au lit, & dont il n’est soulagé que lorsqu’il rend quelque vent.

Les anciens prétendoient qu’il ne pouvoit y avoir de ténesme, sans qu’il y eût un ulcère dans le rectum : on peut dire qu’ils étoient dans l’erreur, & l’observation journalière démontre bien clairement qu’il y a des fistules à l’anus, sans qu’il y ait ténesme : l’erreur vient de ce qu’ils prenoient la matière muqueuse du ténesme pour du pus.

Aux causes locales qui agissant sur la partie affectée, constituent le ténesme idiopathique, on peut ajouter celles qui produisent dans d’autres parties une irritation qui se communique par sympathie au sphincter de l’anus, & qui établissent le ténesme symptomatique. Tels sont l’inflammation & l’ulcère des prostates du col de la vessie, de la matrice ; les tumeurs de cet organe, les efforts d’un accouchement laborieux ; un cancer situé entre le rectum & la vessie. Il faut encore ajouter à toutes ces causes, la présence de la pierre dans la vessie. Le muscle qui détermine l’excrétion des matières fécales, étant irrité, doit entrer dans de fréquentes contractions, & donner lieu par là aux efforts répétés, & à l’envie presque constante de cette excrétion. Mais ces mêmes efforts en apparence, ne font que rendre la maladie plus opiniâtre & plus douloureuse.

Le ténesme est quelquefois une maladie épidémique, & devient souvent contagieuse en automne. Rarement il est accompagné de fièvre, à moins que la cause qui lui donne naissance ne soit très-âcre ou inflammatoire. En général, c’est une maladie plus douloureuse que dangereuse, à moins qu’elle ne soit compliquée de dissenterie, d’ulcère au sphincter ; mais lorsqu’elle dépend de toute autre cause, ou qu’elle n’est point entretenue par un principe malin, elle se dissipe assez promptement.

Il faut toujours excepter une circonstance dans laquelle elle peut être très-fâcheuse, c’est lorsqu’une femme enceinte en est attaquée ; elle excite alors l’avortement, comme l’a très-bien observé Hyppocrate.

Quand le ténesme est malin, il est aisé de le distinguer du ténesme ordinaire ; il s’annonce toujours par des symptômes graves ; la fièvre est presque toujours de la partie. Les malades sont tourmentés par un grand mal de tête, une douleur très-vive, & un sentiment de prurit, qui deviennent insupportables ; ils sont excessivement fatigués, & ne peuvent point dormir ; leur anus, quoique bien dilaté & aussi ouvert qu’un cloaque, prend une couleur livide & plombée. Le sang & le pus sortent par cette partie. Enfin la corruption de l’anus est accompagné d’un ulcère qui ronge toujours. À cet état succède bientôt une prostration générale des forces, & les malades ne tardent pas longtemps à succomber.

Les indications que l’on doit se proposer dans le traitement du ténesme, doivent se rapporter aux causes locales & aux causes symptomatiques qui le produisent : cela posé, l’administration des remèdes doit nécessairement varier. On combattra le ténesme par inflammation, par l’usage des rafraîchissans, des adoucissans & des émolliens, pris & administrés sous toutes les formes possibles, tels que la saignée, la limonade, l’eau de poulet nitrée, le petit-lait, les bains & les lavemens avec les fleurs de bouillon blanc, la racine de guimauve & les têtes de pavot. On employe encore dans pareils cas, avec beaucoup de succès, la décoction des intestins des jeunes poulets, ou des tripes de mouton. Ces mêmes remèdes peuvent convenir dans le ténesme symptomatique, causé par l’inflammation de la vessie ou du col de la matrice.

Hyppocrate parle d’un ténesme spontané, que Sauvages regarde comme l’effet des purgatifs drastiques, ou de l’usage des eaux minérales trop purgatives ; le traitement consiste à faire baigner l’anus, à faire extérieurement des linimens gras & huileux, & à procurer l’évacuation de ce qui peut être resté dans l’intérieur par des purgatifs doux.

Dans le ténesme malin, avec ulcère à l’extrémité du rectum, on insistera sur l’usage du quina, & on lavera souvent le rectum avec un dilutum de céruze, l’eau rose, le sucre rouge, le blanc d’œuf & le lait, auquel on doit combiner l’opium. On emploiera les vapeurs d’une décoction de citron avec le sel marin, ainsi que les pessaires faits avec la tranche du citron, ou des suppositoires faits avec le miel & l’extrait d’absinthe, contre les vers qui entretiennent le ténesme ; l’application des sangsues à l’anus est un remède héroïque contre le ténesme qui survient aux hémorroïdes aveugles.

Enfin, on doit combattre le ténesme idiopathique qui accompagne les dissenteries, par les lavemens de lait & la thériaque. Baglivi veut qu’on fasse recevoir par le fondement les vapeurs de térébentine, & qu’on applique des fomentations faites avec la camomille, la fleur du sureau & le lait, auquel on ajoute quelquefois le laudanum, sur-tout lorsque les douleurs sont aiguës. Degner vante beaucoup le suc mucilagineux du bouillon blanc. Osterdtsch se sert de la valerianella & de l’argentine. Mais le meilleur remède est la répétition d’un laxatif approprié, tel que la teinture aqueuse de rhubarbe, ou prise en lavement. Huxam fait souvent boire de l’eau froide, mais en petite quantité chaque fois, & le soir il donne un calmant. Cette méthode est digne d’imitation, sur-tout dans les campagnes où l’on est quelquefois privé des soins des gens de l’art. M. Ami.

Ténesme, épreinte. Médecine vétérinaire. Ces deux mots sont synonymes, & ne signifient autre chose qu’un effort que le cheval & les autres animaux font pour fienter.

L’animal qui en est atteint, sent une continuelle tension au fondement ; il a de fréquentes envies de fienter, mais c’est en vain, & dans cet état il ne rend tout au plus qu’une petite quantité de matières mucilagineuses, visqueuses, sanguinolentes ou purulentes.

On y remédie pour l’ordinaire par des lavemens composés de bouillon blanc, de guimauve & de graine de lin. On peut même y ajouter des têtes de pavot avec leurs graines coupées en quatre, avec deux onces d’huile d’olive pour chaque lavement.

Le ténesme étant pour l’ordinaire un des symptômes de la dissenterie, de la diarrhée, &c., on doit bien comprendre que pour le guérir, on a à combattre la maladie principale. (Voyez dissenterie, diarrhée) M. T.