Cours d’agriculture (Rozier)/TRÉBUCHET

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TRÉBUCHET, (Chasse.) Les chasseurs donnent le nom de trébuchet à plusieurs machines qui, soutenues en l’air dans un état de ressort et de gravitation, enferment ou tuent, en s’abattant, le gibier qui, attiré par un appât sous la machine, en fait jouer la détente. Les filets à ressort et les fossettes, pièges décrits à leurs lettres, sont des sortes de trébuchets. Mais il semble qu’on applique plus spécialement cette dénomination seule, et non accompagnée d’un adjectif caractéristique, à l’espèce de panier ou cage pyramidale qu’on tend à l’aide du quatre de chiffre, pour toutes sortes d’oiseaux, et particulièrement pour les perdrix. Ce trébuchet, que d’autres appelent mue ou tombereau, est d’un très-bon service. Voici comment on le fabrique.

On a quatre bâtons, longs d’environ trois pieds, plus ou moins, gros comme le doigt, que l’on assemble carrément, en les perçant tous d’un trou à chaque bout, à un pouce environ de chaque extrémité. On pratique de plus des entailles ou coches, pour évider l’épaisseur des bâtons vis-à-vis de chacun des trous. Ces entailles sont larges du diamètre même du bâton : par là, on conçoit qu’en les assemblant par leurs entailles, tournées face à face, on forme un châssis carré et plan. Les trous qui se trouvent alors aux quatre coins servent à recevoir d’autres verges de bois souple, et proportionnées à la grosseur du trou. Il y en a qui ne se servent que de deux de ces verges, qu’ils prennent longues de cinq ou six pieds, et qu’ils courbent en croix l’une sur l’autre, en engageant les deux extrémités de chaque baguette, dans les trous du châssis, opposés diagonalement, c’est-à-dire, d’angle à angle ; cela forme comme les arcs-boutans de l’édifice, et ils établissent le long de ces baguettes leurs branches de clôture. D’autres fichent obliquement quatre baguettes, moitié moins longues que les précédentes, dans les quatre trous du châssis, et ils rapprochent l’extrémité supérieure, qu’ils assemblent dans quatre autres bâtons disposés en châssis carré comme celui de la base, — mais plus petit, n’ayant environ que huit pouces de côté. Ceci forme la pointe de la pyramide, et sert de plus à ménager une ouverture, qu’on ferme par une petite claie ou planche, par laquelle on tire le gibier enfermé sous le trébuchet. Ce que je viens d’en dire n’indique que la carcasse du piège : quelle que soit celle des deux méthodes ont je viens de parler, que l’on emploie, il faudra toujours clore les quatre faces à claire-voie, ce qui se fait en coupant un certain nombre de baguettes de quelque bois léger, dont les quatre premières, égales entr’elles, soient un peu moins longues que les quatre qui forment le châssis ; les quatre suivantes aussi égales entr’elles, encore moins longues que les précédentes, et ainsi de suite, jusqu’au sommet de la pyramide ou du trébuchet. Ces couches de bâtons se posent alternativement l’une sur l’autre, et se réunissent par les angles qu’ils forment, contre les côtés montans du trébuchet ; ils s’y attachent avec des cordes ou du fil de fer souple. Cette construction achevée, on ferme, comme je l’ai dit, la petite ouverture supérieure avec une planchette ou autre chose équivalent ; on ajoute au châssis d’en bas une tringle ou morceau de bois plat ; c’est ordinairement un bâton gros comme l’un des quatre qui forment la base, qu’on aplatit grossièrement des deux côtés. Ce bâton est plus long de trois ou quatre pouces que ceux de cette base ; c’est-à-dire que, si le trébuchet a trois pieds d’ouverture, la tringle ou marchette aura trois pieds quatre ou cinq pouces. Il s’attache par une de ses extrémités, au moyen d’une ficelle nouée lâche, et qui lui laisse du jeu ; il s’attache, dis-je, sur le milieu d’un des deux bâtons ou côtés du châssis, et déborde par conséquent, étant tendu droit, par le milieu du côté opposé. De plus, cette machine qui déborde le châssis, est terminée par une coche ou entaille tournée en l’air, et dont le biseau s’étend en mourant selon la longueur de cette marchette. C’est là ce qui détermine le devant de la machine.

Lorsqu’on veut la tendre, on la pose par terre sur sa base, on plante au ras du côté par-dessous lequel sort le bout de la marchette, et contre cette marchette même, un piquet long d’un pied et demi ; au haut de ce piquet tient une ficelle à laquelle est attaché un triquet ou petit morceau de bois, long de six ou huit pouces, échancré par un bout, taillé en coin par l’autre. Ceci disposé, on soulève le devant du trébuchet, c’est-à-dire le côté qui frotte contre le piquet ; on engage sous ce côté l’échancrure du triquet pendu après le piquet, et son extrémité en coin presse la coche qui termine la marchette ou tringle décrite plus haut. Alors le trébuchet est tendu ; mais si on place dessous des grains ou des appâts appropriés au gibier que l’on veut y attirer, il est immanquable que ce gibier, se jetant sous le trébuchet, passera par-dessus cette marchette, qu’il dégagera par là le triquet cunéiforme, qui pèse sur la coche de cette même marchette, et soutient ainsi en l’air un des côtés du trébuchet, lequel privé de son appui, retombera et enfermera la proie. Ces pièges multipliés, pendant l’hiver, dans une ferme, ne laissent pas de se garnir d’oiseaux. On peut les faire sur de plus grandes ou plus petites dimensions ; la précaution essentielle à prendre, c’est que l’arrêt soit bien léger et la détente très-douce. Lorsqu’on les tend pour de gros oiseaux, il est bon de mettre quelque chose de lourd sur le sommet ; car plusieurs oiseaux un peu forts pourroient, en se déballant, renverser la cage sur le côté.

Vient ensuite le trébuchet battant, destiné aux oisillons, et où l’on prend quantité de pinsons, verdiers, mésanges, etc., etc. Ce trébuchet n’est autre chose qu’une cage ou coffret carré long, de proportions indéterminées. Il se fait de bâtons plantés verticalement, et à claire-voie, le long des quatre côtés d’une planche, aux quatre angles de laquelle quatre bâtons plus forts soutiennent les traverses qui forment les côtés supérieurs du coffret, et soutiennent tout l’assemblage. Le dessus est ouvert et se recouvre par une espèce de trape ou porte de cage, formée de baguettes transversales assemblées dans trois bâtons montans, rangés parallèlement. Les deux montans de cette porte, qui en forment les deux côtés, ne sont pas plus longs que les côtés mêmes de la cage ; mais celui du milieu dépasse cette longueur d’une quantité égale à la profondeur de cette même cage, c’est-à-dire que, supposant cette porte élevée verticalement sur le bout du coffret, le montant du milieu doit en toucher presque le fond. Pour tendre cette porte, et lui donner du ressort, on passe en double, au bout de la cage et dans le sens de sa largeur, une forte ficelle que l’on tord sur elle-même, au moyen d’un petit morceau de bois, comme on fait quand on veut monter une scie ; la corde suffisamment raidie, on engage à la place du petit morceau de bois dont on s’est servi pour tordre, l’excédant du montant du milieu de la porte, lequel sert de levier au ressort de cette porte, que la corde, par ce moyen, rabat naturellement. On sent que l’autre extrémité de cette porte doit battre sur le bout opposé de la cage, et s’y arrêter. Pour tenir la porte tendue, on a une marchette longue comme la longueur intérieure de la cage, et qui puisse entrer dedans. Cette marchette est un bâton traversé en croix par de plus petits, un peu moins larges que l’intérieur de la cage ; au bout de cette marchette est une coche tournée en l’air ; on engage dans cette coche l’extrémité du levier, qui se prolonge du milieu de la porte, et le piège est tendu. On sème des grains au fond ; les oiseaux y descendent, pèsent sur la marchette, dont la coche abandonne le bout du levier, et la porte se rabat. On fait ces trébuchets doubles, c’est-à-dire, qu’entre deux trébuchets simples, tournés bout à bout, on élève une cage fixe, dans laquelle on place des appelans, ce qui rend la chasse plus fructueuse.

Le mécanisme de cette porte ou recouvrement ressemble beaucoup à celui d’une autre espèce de trébuchet, dit assommoir du Mexique.

Pour construire cet assommoir, on assemble deux morceaux de bois qu’on nomme arbres, dans deux autres qui servent de montans ou tenons, et se placent à quelque distance, mais sur un seul bout des arbres. La machine ainsi montée, présente en petit la forme des timons d’une voiture. On a de plus une planche, moins large et moins longue que l’espace compris entre ces deux arbres ou timons ; une des largeurs de cette planche est armée, à son milieu, d’un bout qui dépasse et forme une sorte de tenon ou mentonnet. Ce mentonnet s’engage dans le double d’une bonne corde, qui va d’une extrémité d’un arbre à l’autre, et on tord cette corde, en faisant faire à la planche, entre les deux arbres, autant de révolutions qu’on le juge nécessaire. On peut monter ce piège, ainsi tendu, sur une planche qui sert de base, on le laisse tel quel, en le posant par terre, où on arrête les montans avec des piquets à crochets. On sent que selon le sens qu’on a tordu la corde, la planche qui fait assommoir se détend ou en dehors ou en dedans des arbrets ; cela est indifférent, seulement on posera la marchette ou détente, en dehors ou en dedans, selon le jeu de l’assommoir. Pour arrêter cette planche, on a un piquet passablement fort, percé d’une mortaise et garni d’un ressort en crémaillère, comme celui que j’ai décrit à l’article Filet à ressort. Cette crémaillère mord sur un triquet qui tient au bout de l’assommoir, et passe par la mortaise : un fil au bout duquel est l’appât, est attaché à la crémaillère ; il ébranle le ressort qui laisse échapper le triquet et l’assommoir. On pourroit combiner une détente plus simple, sur les principes du quatre de chiffre, excepté que la pièce dite support devroit accrocher, par son extrémité supérieure, le bord de l’assommoir, et être accrochée elle-même à son autre extrémité par la marchette. On tend l’assommoir pour des oiseaux, et aussi pour des bêtes malfaisantes ; on peut lui donner les plus fortes dimensions, et même garnir la planche de pointes de fer.

La mesangette est encore, strictement parlant, une espèce de trébuchet. C’est une cage carrée longue, comme celle du trébuchet battant ; mais les bâtons, au lieu d’être perpendiculaires, sont couchés horizontalement les uns au dessus des autres, comme dans le trébuchet ; ils diffèrent de ceux employés pour celui-ci, en ce qu’étant tous égaux, ils forment une sorte de petit coffre dont la base est une planche ; une autre planche en ferme l’ouverture ; elle est suspendue en l’air, au moyen de deux planchettes appuyées en croix contre un pivot ou bâton vertical, implanté au milieu de la planche qui sert de base. Ce pivot est plus court d’un pouce que la profondeur de la mesangette, qui n’en a ordinairement que trois. Sur le croisement des planchettes, on élève un second petit bâton mobile, long comme le doigt, lequel tient la porte ouverte. On pourroit aussi se servir de quatre de chiffre. On sème dans la mesangette des grains, du chènevis et autres, et il s’y prend beaucoup de gourmands. (Voyez Quatre de chiffre, Filet à ressort, Fossette, Tendue.)

Je terminerai cet article par la description du trébuchet sans fin, machine fort ingénieuse, en ce qu’elle se retend d’elle-même à chaque oiseau qui se prend, et fait un grand nombre de captures, avant qu’on ait besoin d’y toucher pour remonter le poids qui lui sert de mobile, (Consultez la Planche VI, pour mieux suivre le détail des pièces qui composent ce piège.) La figure représente la carcasse de la cage dégagée de sa clôture, pour mieux saisir la disposition des pièces intérieures ; 1, 2 sont deux agrafes de fil de fer, au moyen desquelles on suspend la cage qu’on peut placer à la fenêtre d’un grenier ou d’une volière ; V est l’ouverture par laquelle s’engage l’oiseau ; L, une trape à claire-voie et mobile, sur laquelle venant à poser, il dégage le battant A, fig. 1 et 2, dont une des branches est prise par son extrémité dans l’arrêt E, qu’on voit à part, fig. 3. Ce battant, dont la figure seule indique le jeu tournant sur lui-même par l’action du poids M, rabat sa partie A sur l’oiseau qu’il force d’entrer dans le compartiment S : en même temps le battant achevant sa révolution, vient s’arrêter de nouveau dans la pièce E. L’oiseau, dans le compartiment S, vient percher sur la trape H, laquelle étant aussi mobile, se baisse sous lui, et il descend encore dans le compartiment P, lequel communique à la chambre ou volière, où il est définitivement prisonnier. Le compartiment p est séparé, à demeure, de tous les autres, et une porte extérieure sert à y introduire un appelant.

Il me semble que la seule inspection des figures doit donner tous les détails de la construction. Les baguettes des trapes et du battant doivent être de menu bois ou de fil de fer. La claire-voie s, qui ferme le dessus du compartiment S, n’étend ses branches que jusqu’au rouleau ou axe du battant. Ce ballant, vu à part, fig. 2, est donc un axe Th, traversé de baguettes ou fils de fer égaux à l’ouverture intérieure de la cage. La poulie T reçoit une corde, au bout de laquelle un poids M fait tourner cet axe engagé sur deux coches, qu’on peut fermer avec un petit recouvrement, comme on fait aux auges des meules à repasser. Les poids oo, placés derrière les bascules ou trapes L et H, fig. 3 et 4, servent à les mettre en équilibre ; ces poids doivent être tels, que ces bascules puissent se mouvoir sur leurs pivots par la simple pesanteur d’un oiseau. La pièce E fig. 2, qui sert d’arrêt, est une double branche de fil de fer, qui mord, dans sa courbure, les deux branches du milieu du battant. Il faut que le poids o de cette bascule ne la relève que d’une ligne ou deux, au plus, pour que l’arrêt E ne s’engage pas plus avant et parte plus prestement. Un peu au dessous de cette même bascule L, on place dans le compartiment qui lui est inférieur, un petit plateau de fer-blanc, à bords relevés, où l’on jette des grains qui, outre l’appelant, servent d’appât aux oiseaux. On pourroit aussi faire en planchettes légères cette espèce d’auge ; cela même vaudroit mieux peut-être, en ce que l’éclat du fer-blanc, s’il n’étoit pas bruni, pourroit effaroucher les oiseaux. Plus cette machine est attachée haut, plus le poids agit long-temps, sans qu’il soit besoin de le remonter. La figure doit aussi faire sentir qu’on doit placer l’axe du battant, de manière que les branches qui le traversent, passent sans frottement entre les espaces du grillage s. (S.)