Court Traité/Première partie/Chapitre VIII

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Traduction par Paul Janet.
Germer Baillière (p. 44-45).

CHAPITRE VIII


DE LA NATURE NATURANTE.


Avant d’aller plus loin et de passer à un autre sujet, nous diviserons toute la nature en deux parties, la nature naturante et la nature naturée.

Par nature naturante, nous entendons un être qui, par lui-même et sans le secours d’aucune autre chose (comme les propriétés ou attributs que nous avons déjà décrits), peut être connu clairement et distinctement, tel qu’est Dieu : c’est en effet Dieu que les Thomistes[1] désignent par cette expression ; mais la nature naturante comme ils l’entendaient était un être en dehors de toute substance.

La nature naturée se divisera en deux parties, l’une générale, l’autre particulière. La première se compose de tous les modes qui dépendent immédiatement de Dieu (nous en traiterons dans le chapitre suivant) ; la seconde consiste dans les choses particulières qui sont causées par les modes généraux, de telle sorte que la nature naturée, pour être bien comprise, a besoin d’une substance.




  1. Cette expression se trouve, en effet, dans la Somme de saint Thomas ; mais saint Thomas la cite seulement comme ayant été employée par d’autres philosophes : Deus a quibusdam dicitur natura naturans. Il l’explique du reste dans un sens péripatéticien : peut-être trouverait-on l’origine de cette formule dans l’averroïsme. Voici la phrase complète de saint Thomas : « … Natura vero universalis est virtus activa in aliquo universali principio naturæ, puta in aliquo cælestium corporum vel alicujus superioris substantiæ, secundum quod etiam Deus a quibusdam dicitur natura naturans ; quæ quidem virtus intendit bonum et conservationem universi, ad quod exigitur alternatio generationis et corruptionis in rebus ; et secundum hoc corruptiones et defectus rerum sunt naturales, non quidem secundum inclinationem formæ quæ est principium essendi et perfectionis, sed secundum inclinationnem materiæ quæ proportionaliter attribuitur tali formæ, secundum distributionem universalis agentis. » (Summa theol. pars 2, quæst. 85, art. 6.)