Critique de la théologie dogmatique/5

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V

chapitre ii. — La Sainle-Trinité, ou Dieu en trois personnes..

Avant d’aborder l’explication du dogme, je m’arrête malgré moi, devant les mots « en personnes », « la personne de Dieu. » J’ai lu et étudié l’exposition du dogme de l’essence de Dieu. On n’y trouve point la définition du mot : la personne ou hypostase, employé pour la définition de la Trinité. (Seulement dans le passage où étaient discutés les anthropomorphistes, il est dit que par « personnes » il faut entendre « les manifestations de Dieu dans les actes». Cela, évidemment, ne se rapporte pas à la Trinité.) Mais cette explication du mot, si nécessaire pour comprendre la Trinité, se dégagera peut-être de l’exposition elle-même. Je lis plus loin. Voici l’introduction.

Les vérités que nous avons exposées jusqu’ici, vérités ayant pour objet Dieu, unique dans son essence et ses attributs essentiels, n’embrassent pas tout ce que le christianisme nous enseigne par rapport à Dieu. En nous bornant à reconnaître l’unité de Dieu, nous n’avons point encore le droit de nous dire chrétiens : l’unité de Dieu est professée aussi par les juifs, qui refusent de reconnaître le Christ Sauveur pour le Messie promis et rejettent la religion chrétienne ; elle est également professée par les Mahométans ; elle l’a été et l’est encore par une foule d’hérétiques anciens et modernes, dans le sein même de la chrétienté. La doctrine complète du christianisme sur ce point capital, cette doctrine qu’il faut nécessairement conserver dans son cœur et professer de bouche pour mériter le nom de chrétien, consiste en ce que Dieu est unique et triple : unique par son essence, triple en hypostases (p. 193).

Que signifie cela ? Tous les attributs divins énumérés dans ce chapitre sur l’essence de Dieu, comme l’infini, l’immensité et les autres, excluent la conception de la personne. Le fait que Dieu est esprit est encore moins d’accord avec les personnes. Que signifie donc « en personnes ? » Il n’y a pas de réponse, et l’exposition se poursuit ;

Cette doctrine constitue le premier des dogmes proprement chrétiens ; il sert de base aux dogmes concernant notre Rédempteur le Seigneur Jésus-Christ et notre Sanctificateur, l’Esprit-Saint, et plus ou moins à tous les autres qui touchent à l’économie de notre salut ; de sorte qu’on ne peut le rejeter sans rejeter du même coup tous les dogmes qui sont posés sur ce fondement.

D’ailleurs, en confessant que Dieu est unique par son essence et triple en hypostases… (p. 193).

Par essence, Dieu est unique, et Dieu, comme il a été dit précédemment, est esprit. En dehors de l’essence, il a, dit-on, quatorze attributs. Et tous ces attributs excluent la conception de la personne. Que signifie donc « en personnes ? » Alors, il existe une troisième division de Dieu ? Tantôt c’était : 1) par l’essence ; 2) par les attributs ; maintenant on ajoute les personnes. Sur quoi est basée cette division ? Il n’y a pas de réponse. L’exposition continue en confessant ceci :

… Nous nous distinguons non seulement des païens, qui admettaient la pluralité des dieux, et de certains hérétiques qui professaient le dualisme, mais encore des juifs et des mahométans, ainsi que de tous les hérétiques qui ne reconnaissaient ou ne reconnaissent encore qu’un seul Dieu (p. 194).

Mais que m’importe de qui je me distingue ! Moins je me distingue des autres hommes, mieux cela vaut. Qu’est-ce que la personne ? Il n’y a pas de réponse, et l’auteur poursuit :

Mais ce dogme, le plus important, ainsi que nous venons de le voir, de tous ceux de la religion chrétienne, est en même temps le plus incompréhensible (p. 194).

Aussi n’attends-je point une explication, mais au moins une expression qui soit compréhensible. S’il est totalement incompréhensible, alors il n’existe pas :

Déjà dans l’exposition que nous avons tracée de la doctrine d’un Dieu unique par son essence et de ses attributs essentiels, particulièrement de son aséité, de son éternité et de son omniprésence, nous avons vu bien des choses qui passent notre faible entendement (p. 194).

Il n’y avait rien là d’incompréhensible, c’était, sous diverses formes l’expression de la première conception sur l’existence de Dieu, de la conception propre à tout croyant. Ces formes d’expression étaient, en général, impropres, mais il n’y avait là rien d’incompréhensible :

Nous en trouverons encore par la suite, dans l’examen des dogmes de l’Incarnation et de la personne de notre Sauveur, de sa mort sur la Croix, de l’éternelle virginité de la Mère de Dieu, des effets de la grâce, etc. Mais le mystère des mystères de la religion chrétienne, c’est sans contredit le dogme de la Très-Sainte Trinité. Comment y a-t-il en un seul Dieu trois personnes ou hypostases ? Comment le Père étant Dieu, le Fils étant Dieu et le Saint-Esprit étant Dieu, n’y a-t-il pas trois Dieux mais un seul Dieu ? Cela surpasse entièrement tout ce qu’il nous est donné de comprendre (pp. 196, 196).

C’est précisément ce que je demande : ce que cela signifie ? Un Père de l’Église dit :

Quelle force de raisonnement, quelle force ou quelle puissance d’entendement, quelle vivacité d’esprit et quelle sagacité d’imagination, nous montreront comment existe la Trinité ?

Et ailleurs :

Au reste, exprimer ce qu’elle est, cela ne se peut pas, même dans la langue des Anges, à plus forte raison dans celle des hommes (p. 195).

La Trinité est Dieu. Qu’est-ce qui est Dieu, et comment existe-t-il ? cela passe mon entendement. Mais si l’essence de Dieu passe mon entendement, je ne puis rien savoir de l’essence de Dieu, et si nous reconnaissons qu’il est trinité, il faut dire aussi ce que nous entendons par cette connaissance, qu’est-ce que signifient ces paroles envers Dieu.

Mais jusqu’ici ces mots n’ont pas reçu d’explication ; et l’auteur poursuit :

Et voilà pourquoi les hérétiques qui tentèrent d’expliquer les vérités de la foi par leur seule raison, ne faillirent sur aucun dogme aussi grièvement que sur le mystère de la Sainte Trinité. Ici donc, c’est le cas, plus que partout ailleurs, de s’en tenir strictement à la doctrine positive de l’Église, qui a gardé et défendu ce dogme contre toutes les opinions hérétiques, et l’a exposé avec toute la clarté possible pour l’instruction des orthodoxes (p. 195).

C’est cette explication que je cherche, c’est-à-dire une explication qui me permette de comprendre ce que signifie Dieu trinité ; Dieu un et trois. Car, si je dis, sans le comprendre, que je crois que Dieu est un et trois, je mens, de même que mentira quiconque dira cela ; parce qu’on ne peut pas croire ce qu’on ne peut pas comprendre. On peut répéter les mots avec les lèvres, mais on ne peut croire les paroles qui n’ont pas de sens, et qui plus est, choquent le bon sens. Cependant l’Église orthodoxe expose cette doctrine d’une façon imperturbable : i. Le symbole de saint Grégoire le Thaumaturge, évêque de Néocésarée :

« Il n’y a qu’un seul Dieu, Père de la Parole vivante, sagesse et puissance existant par elles-mêmes, et image de l’Éternel, Père parfait du Fils parfait ; Père du Fils unique.

« Un seul Seigneur, unité d’unité, Dieu de Dieu, figure et image de la Divinité, Verbe réel, sagesse comprenant l’ensemble de toutes choses, et puissance ayant tout créé ; vrai Fils de vrai Père, invisible d’invisible, incorruptible d’incorruptible, immortel d’immortel, éternel d’éternel.

« Et un seul Saint-Esprit, émané de Dieu, manifesté (aux hommes) par le moyen du Fils ; vie renfermant la cause des vivants, source sainte, sainteté donnant la sanctification. Par lui se manifeste Dieu le Père, qui est sur toutes choses et en toutes choses, et Dieu le Fils, qui est par toutes choses.

« Trinité parfaite, indivisible et inséparable en gloire, en éternité, en domination. Il n’y a donc rien de créé, ni d’inférieur dans la Trinité ; rien d’accessoire qui n’y fût pas auparavant et qui y soit venu plus tard. Le Père n’a jamais été sans le Fils, ni le Fils sans le Saint-Esprit ; mais la Trinité est toujours la même, immuable et inaltérable. »

ii. Le symbole de Nicée et de Constantinople :

« Je crois en un seul Dieu, Père…

« Et en un seul Seigneur, Jésus-Christ, Fils de Dieu, unique, issu du Père de toute éternité, lumière de lumière, vrai Dieu de vrai Dieu, né, incréé, consubstantiel au Père…

« Et au Saint-Esprit, Seigneur vivifiant, émané de Dieu, adoré et glorifié avec le Père et le Fils. »

iii. Le symbole connu sous le nom de saint Athanase d’Alexandrie :

« La foi catholique, c’est que l’on adore un seul Dieu dans la Trinité, et la Trinité dans l’unité, sans confondre les hypostases ni diviser l’essence ; car autre est l’hypostase du Père, autre celle du Fils, autre celle du Saint-Esprit.

« Mais la divinité du Père, et celle du Fils, et celle du Saint-Esprit, ne sont qu’une seule et même divinité ; égalité de gloire, coéternité de grandeur. Tel est le Père, tel le Fils, tel aussi le Saint-Esprit. Ainsi le Père est Dieu, le Fils est Dieu, le Saint-Esprit est Dieu, cependant il n’y a pas trois Dieux, mais un seul Dieu.

« Le Père n’a été ni créé, ni fait, ni engendré par personne. Le Fils a été engendré par le Père même, mais n’a été ni créé, ni fait. Le Saint-Esprit procède du Père sans avoir été ni créé, ni fait, ni engendré…

« Et dans cette Trinité il n’y a ni priorité ni postériorité, ni supériorité, ni infériorité ; mais les trois hypostases sont entières, coéternelles et égales » (p. 195-197).

Voilà l’exposition avec toute l’exactitude possible. Je lis plus loin :

En examinant avec attention cette doctrine de l’Église orthodoxe sur la Sainte Trinité, nous ne pouvons nous défendre de remarquer qu’elle se compose de trois propositions : l’une générale, et les deux autres particulières, dérivant immédiatement de celle-là et lui servant d’explication.

Proposition générale : En Dieu, qui est unique par son essence, il y a trois hypostases ou personnes : le Père, le Fils et le Saint-Esprit.

Première proposition particulière : Dieu étant unique par son essence, ses trois personnes ou hypostases sont égales et consubstantielles ; le Père est Dieu, le Fils est Dieu, le Saint-Esprit est Dieu ; ce ne sont néanmoins pas trois Dieux, mais un seul Dieu.

Seconde proposition particulière : Cependant, comme il y a en Dieu trois personnes, elles se distinguent entre elles par des caractères individuels : le Père n’a été engendré par personne ; le Fils a été engendré par le Père ; le Saint-Esprit procède du Père (p. 197), Je n’ai rien omis, attendant l’explication ; et quoi ? L’auteur non seulement ne croit pas nécessaire d’expliquer ce qui vient d’être dit, mais en étudiant attentivement il a trouvé même ici la subdivision, et il va plus loin :

En conséquence, le dogme de la Sainte-Trinité, représenté dans ses parties, comprend les trois dogmes suivants : 1° celui de la trinité des personnes dans l’unité de l’essence ; 2° celui de l’égalité et de la consubstantialité des personnes ; et 3° celui de la différence des personnes selon leurs caractères individuels (p. 197).

N’ayant reçu ni la définition des personnes de la trinité, ni même la définition du mot « personne » alors que la question de l’essence et des attributs de Dieu était inutilement traitée en détail, je commence malgré moi à soupçonner que l’auteur et l’Église n’ont pas la définition de ce mot, et parlent sans savoir ce qu’ils disent. Ce soupçon se confirme avec le paragraphe suivant (§ 25).

Comme toujours, après l’exposition du dogme incompréhensible, suit l’exposition de la discussion d’où est né ce dogme. Et ici, il est dit :

Que Dieu, unique par son essence, soit triple en personnes, c’est ce que l’Église orthodoxe a toujours et invariablement professé depuis son principe, comme l’attestent les symboles et d’autres témoignages irrécusables (p. 197-198).

Quel est ce principe, cela reste inconnu. Mais d’après le bon sens, d’après les données, historiques, et même ici, d’après l’exposition de ce même paragraphe et du § 28, des diverses opinions contraires, on voit qu’il n’y a pas de principe pareil et que ce dogme s’est formé peu à peu. Suit aussitôt la confirmation que ce dogme est venu non d’un principe quelconque, mais qu’il date d’une période très définie de l’histoire de l’Église :

Mais dans les premiers siècles cette vérité fut différemment exprimée même par les docteurs orthodoxes. Les uns employaient les mots : οὐσία, φύσις, substantia, natura, pour désigner l’être ou l’essence de Dieu. D’autres, en fort petit nombre du reste et fort rarement, se servaient des mêmes mots pour désigner les personnes divines. Plusieurs se servaient, dans le même but, des mots : ὐπόστασις, ὐπαρσις, ou τρόπος. Il y en avait, au contraire, qui comprenaient, sous ces expressions, l’essence de Dieu, et désignaient les personnes sous celle de πρόσωπον, persona. Cette différence dans l’emploi du mot hypostase suscita déjà de violentes disputes en Orient, principalement à Antioche, et mit pendant quelque temps la désharmonie entre les Églises d’Orient et d’Occident, qui enseignaient, les unes, de crainte d’être accusées de sabellianisme, qu’il y a en Dieu trois hypostases ; les autres, une seule, pour échapper au reproche d’arianisme. Pour résoudre ce doute, on convoqua à Alexandrie un concile, dans lequel siégèrent, avec saint Athanase, des évêques d’Italie, d’Arabie, d’Égypte et de Lybie. Là furent entendus les représentants des deux opinions, et il fut reconnu que les deux partis avaient identiquement la même croyance, exprimée seulement en des termes différents ; on déclara orthodoxes et ceux qui soutenaient « qu’il y a en Dieu une essence unique et trois hypostases », et ceux qui affirmaient « qu’il n’y a en Dieu qu’une seule hypostase et trois personnes », par la raison que le mot hypostase était employé par les premiers au lieu du mot πρόσωπον, persona, et par les derniers pour οὐσία, substantia, essence (p. 198, 199.)

Il est dit ensuite que si, au commencement, on emploie différemment, ou plutôt indifféremment les mots οὐσία et ὑπόστασις, au vie siècle et dans les siècles suivants il paraît tout à fait admis d’employer ὑπόστασις envers trois et, οὐσία envers un. De sorte que si j’avais la moindre espérance de recevoir l’explication du mot « personne », de la façon de comprendre comment 1 = 3, après cette exposition des Pères, j’ai compris qu’une telle définition (nécessaire pour comprendre la Trinité) n’existe pas, qu’il n’y en a pas. Les Pères employaient des mots sans leur attribuer aucune importance, c’est pourquoi ils se servaient indifféremment tantôt de l’un, tantôt de l’autre, et enfin se mirent d’accord non sur les conceptions mais sur les mots.

C’est ce que confirme le passage suivant :

Mais pendant que les docteurs orthodoxes de la foi ne différaient entre eux que sur des mots, professant invariablement un Dieu unique dans la trinité, et la trinité dans l’unité (p. 200).

C’est-à-dire que sans aucune explication, on admet une fois pour toutes que 1 = 3 et 3 = 1. Alors que les Saints Pères confessaient ainsi :

Les hérétiques renversaient jusqu’à la pensée du dogme, les uns niant la trinité des personnes en Dieu, les autres reconnaissant trois Dieux (p. 200).

De nouveau les uns disaient noir, les autres blanc. Les uns et les autres ont tort. Et nous disons : le noir est blanc ; le blanc est noir. Et pourquoi cela ? Parce que l’Église l’a dit, c’est-à-dire la tradition des hommes qui croient en cette même tradition. Voici la conception des « hérétiques » qui niaient la trinité :

Déjà du temps des apôtres, Simon le Magicien, qui enseignait que le Père, le Fils et le Saint-Esprit n’étaient que des manifestations et des formes d’une seule et même personne ; que le seul vrai Dieu s’était révélé comme Père aux Samaritains, comme Fils, en Jésus-Christ, aux Juifs, comme Saint-Esprit aux païens. Au onzième siècle, Praxée soutenait que le seul vrai Dieu était Père, en tant que caché, mystérieux, concentré en Lui-même, et Fils ou Christ, en tant que manifesté dans l’œuvre de la création d’abord, puis dans celle de la Rédemption. Au troisième siècle parurent Noet, reconnaissant aussi le père et le Fils pour une seule et même personne, pour le seul vrai Dieu qui s’incarna, souffrit et mourut ; Sabellius, enseignant que le Père, le Fils et le Saint-Esprit n’étaient que trois noms ou trois actes (ἐνέργειαν) d’une seule et même personne de Dieu, qui s’était incarné et avait souffert la mort pour nous ; Paul de Samosate, pensant que le Fils et le Saint-Esprit n’étaient en Dieu que ce que sont en l’homme la raison et la force ou la puissance. Au quatrième siècle, Marcellus d’Ancyre et son disciple Photius, prêchèrent, à l’exemple de Sabellius, que le Père, le Fils et le Saint-Esprit n’étaient point autre chose que les dénominations d’une seule et même personne en Dieu ; comme Paul de Samosate que le Fils ou le Verbe était l’esprit ou la raison de Dieu, et le Saint-Esprit, sa puissance (p. 200, 201).

Voici la conception des autres hérétiques :

Voici quelle était leur commune pensée : les personnes divines, le Père, le Fils et le Saint-Esprit, bien que d’une même essence, ne sont pourtant point une seule et même par l’essence ; elles ont une même nature, mais la possèdent chacune à part, comme font, par exemple, trois personnes de l’espèce humaine ; elles forment donc trois Dieux, et non point un seul Dieu (p. 202).

Sans résoudre la question de la vérité ou de la fausseté des doctrines des hérétiques, je ne puis céler que je comprends ce qu’ils disaient, de même que sans discuter s’il est juste que Dieu soit un et trois, je ne puis céler que je ne comprends pas ce que cela signifie, bien que le dogme soit exposé dans toute son ampleur, comme dit l’auteur.

En toute son ampleur ce dogme est exposé comme suit :

Qu’il faut adorer le seul Dieu dans la Trinité et la Trinité dans l’unité, sans confondre les hypostases ni diviser l’essence.

Sans confondre les hypostases, c’est-à-dire qu’il faut reconnaître le Père, le Fils et le Saint-Esprit, non point comme trois dénominations seulement, trois formes ou trois manifestations du seul et même Dieu, ainsi que l’ont fait les hérétiques ; ni comme trois attributs, trois forces ou trois actes ou effets de son essence unique ; mais comme trois personnes divines subsistant par elles-mêmes, en tant que chacune d’elles, le Père, le Fils et le Saint-Esprit, avec l’intelligence de Dieu et ses autres attributs, possède aussi son attribut particulier, personnel ; « car autre est l’hypostase du Père, autre celle du Fils, autre celle du Saint-Esprit. »

Ni diviser l’essence, c’est-à-dire en admettant que le Père, le Fils et le Saint-Esprit ne forment qu’un par leur essence, qu’ils existent l’un dans l’autre, inséparables, distingués entre eux par leurs attributs personnels uniquement, mais ayant une parfaite identité d’intelligence, de volonté et de tous les autres attributs divins, autrement toutefois qu’existent trois individus d’une classe quelconque d’êtres créés ayant une même nature. « Parmi les êtres créés », dirons-nous avec saint Jean Damascène, « la commune nature des individus ne se découvre que par la raison ; car les individus n’existent point les uns dans les autres, mais chacun d’eux existe à part, c’est-à-dire par lui-même, et chacun d’eux a nombre de particularités qui le distinguent de tout autre. Ils sont séparés par le lieu et le temps ; ils diffèrent entre eux par les dispositions de la volonté, par la solidité, par la forme ou l’apparence extérieure, par les habitudes, par le tempérament, par le mérite, par le genre de vie et par les autres caractères distinctifs, mais principalement parce qu’ils existent à part et non point les uns dans les autres ; c’est pour cette raison qu’on dit : deux hommes, trois hommes, plusieurs hommes. Nous voyons tout autre chose dans la sainte, consubstantielle, sublime et incompréhensible Trinité ; ici, la communauté et l’unité se remarquent, en effet, par la coéternité des personnes, par l’identité de l’essence, de l’activité et de la volonté, par l’accord des déterminations, par l’identité, je ne dis pas par la conformité ou ressemblance, mais par l’identité (ταυτότητα) de force, de pouvoir et de bonté, et par l’unité de direction du mouvement. Chacune des hypostases est une avec chacune des deux autres, autant qu’elle l’est avec elle-même ; c’est-à-dire que sous tous les rapports, sauf ceux de l’incréation, de la naissance et de la procession, le Père, le Fils et le Saint-Esprit ne sont qu’un et ne sont distincts que dans les conceptions de notre entendement (ἐπίνοια). En effet, nous connaissons un seul Dieu, et ce n’est que dans les attributs de paternité, de filialité et de procession que nous voyons entre eux une différence… Dans la Divinité, qui est infinie, on ne saurait admettre, comme en nous, ni distance, parce que les hypostases existent l’une dans l’autre, non confondues, mais unies, suivant la parole du Sauveur : « Je suis en mon Père et mon Père est en moi » (Jean, xiv, 11) ; ni différence de volonté, de détermination, d’action, de force, et de quoi que ce soit qui constitue en nous une différence réelle et intégrale ; à cause de cela, nous reconnaissons le Père, le Fils et le Saint-Esprit, non pour trois Dieux, mais pour un seul Dieu en la très sainte Trinité. Là aussi est renfermée toute l’incompréhensibilité du mystère de la très sainte Trinité, consistant en ce que les trois personnes divines, indépendantes l’une de l’autre, ne fait qu’un par leur essence et sont tout à fait inséparables ; mais si elles existaient chacune à part, comme font trois individus choisis à volonté parmi les créatures, il n’y aurait là pour nous rien d’incompréhensible. La Divinité est unité et trinité, ô glorieuse relation ! Unies par leur essence, les personnes se distinguent par leurs attributs individuels ; ce qui est indivisible se divise ; ce qui est un se triple ; ceci est le Père, le Fils et l’Esprit vivant, conservant toutes choses » (p. 202-204).

Voilà donc toute cette doctrine, toute cette vérité révélée par Dieu, révélée dans toute sa plénitude « pour mon salut. » « La divinité est unité et trinité ; ô glorieuse relation ! » Et l’exposition est terminée ; il n’y a aura pas d’autres explications… Et c’est ce que, par l’intermédiaire de l’Église, me dit mon Père, Dieu, à moi son fils, qui cherche de toutes les forces de mon âme la vérité et le salut. À mes supplications, à mes larmes de désespoir, il répond : « Ce qui est indivisible se divise, ce qui est un se triple, ceci est le Père, le Fils et le Saint-Esprit vivant, conservant toutes choses. » Et à la réclamation de ma raison, qui m’est donnée pour comprendre Dieu, il n’y aura pas de réponse. Dire que je l’ai compris, je ne le puis ; et nul ne le peut. C’est pourquoi je ne puis dire que je crois. Je puis prononcer, avec mes lèvres : Je crois que « la divinité est unité et trinité, ô glorieuse relation ! » Mais si je le dis, je serai un menteur, un athée, et c’est ce qu’exigent de nous l’Église et les hommes qui affirment croire cela. Mais ce n’est pas vrai ; ils n’y croient pas et jamais personne n’y a cru. Chose extraordinaire : chez nous, en Russie, le christianisme existe depuis bientôt mille ans ; durant mille années, les prêtres ont enseigné à leurs fidèles les fondements de la religion. Le fondement de la religion, c’est le dogme de la trinité. Demandez à un paysan, à une femme, ce que c’est que la trinité ? À peine un sur dix vous répondra ; et l’on ne peut attribuer cela à l’ignorance. Demandez en quoi consiste la doctrine chrétienne, chacun répondra. Cependant le dogme de la trinité n’est ni compliqué ni long, pourquoi donc personne ne le connaît-il ? C’est parce qu’on ne peut connaître ce qui n’a pas de sens.

Après, ce sont les preuves que ces vérités, — c’est-à-dire que Dieu est trinité, — sont révélées aux hommes par Dieu. Les preuves sont tirées, les unes de l’Ancien, les autres du Nouveau Testament. Dans l’Ancien Testament, qui est la doctrine des Juifs — ces Juifs qui considèrent la trinité comme le plus grand sacrilège — on cherche les preuves que Dieu révéla aux hommes sa trinité.

Voici ces preuves de l’Ancien Testament : lo Dieu a prononcé : « Faisons » et non : « Je ferai » c’est-à-dire qu’il causait avec le Fils et le Saint-Esprit ; 2o « Adam devenu comme l’un de nous », par « nous » il faut comprendre trois : le Père, le Fils et le Saint-Esprit ; 3o Il est dit : « Confondons leurs langages » et non : « Je confondrai », c’est-à-dire Dieu en trois personnes a voulu confondre leurs langages ; 4o Trois anges sont venus trouver Abraham ; c’est-à-dire que le Père, le Fils et le Saint-Esprit sont venus visiter Abraham ; 5o Dans le livre des Nombres, il est ordonné de répéter trois fois le mot « seigneur » ; 6o Dans les Psaumes, il est dit : « Toute leur armée » ; « leur » est la preuve de la trinité ; 7o Isaïe a dit trois fois : « Saint, saint, saint. » ; 8o Enfin, il faut regarder également comme preuves tous les passages de l’Ancien Testament où se trouvent les mots : « le Fils et l’Esprit. (Psaumes cix, 1 ; ii, 7 ; xlviii, 16 ; xi, 2, 3 ; lxi, 1 ; xxxii, 6.) « Le Seigneur m’a dit : Vous êtes mon fils ; je vous ai engendré aujourd’hui » ; « J’ai été envoyé par le Seigneur mon Dieu et par son Esprit, et l’Esprit du Seigneur se reposera sur lui, » etc.

Et voilà toutes les preuves de l’Ancien Testament. Je n’en ai pas omis une seule.

L’auteur voit lui-même que ces preuves sont faibles, et que de pareilles preuves, on en peut trouver autant ou même d’avantage dans n’importe quel livre. Il se croit donc tenu à quelques explications. Plus loin il dit :

Mais pourquoi cette idée n’avait-elle pas toute la clarté et la précision désirables ? Pourquoi Dieu ne voulut-il révéler qu’en partie dans l’Ancien Testament, le mystère de la sainte Trinité ? Les raisons en sont cachées dans les plans de son infinie sagesse. Les théosophes en ont assigné deux principales : la première, c’était le caractère général de la nature humaine, bornée et corrompue, qui ne devait être amenée à la connaissance des sublimes mystères de la Révélation que graduellement, suivant la mesure de son développement et de l’accroissement de ses facultés et de son aptitude à concevoir. « Il n’eût pas été sans danger », dit saint Grégoire le théologien, « que l’on nous prêchât clairement le Fils avant que la divinité du Père fût confessée, et qu’avant que le Fils fût invoqué (qu’on me passe la hardiesse de l’expression) on nous surchargeât de la prédication du Saint-Esprit, c’eût été sévèrement compromettre nos dernières forces, comme il arrive à ces gens qui se surchargent l’estomac d’aliments pris outre mesure ou qui, d’une vue faible encore, regardent la lumière de l’astre du jour. Il fallait donc que la lumière de la Trinité éclairât les hommes par degré, les élevât de plus en plus, comme dit David, les fît marcher de gloire en gloire et aller de progrès en progrès, « jusqu’au lieu que le Seigneur a établi. » (Ps. lxxxiii, 6). La seconde raison alléguée par ces mêmes Docteurs, c’était le caractère particulier ainsi que la faiblesse du peuple juif, auquel la révélation de l’Ancien Testament était adressée. « Dieu, dans son infinie sagesse, dit Théodoret, ne voulut pas que les Juifs, enclins comme ils étaient aux impiétés de l’Égypte, eussent une connaissance parfaitement claire de la Sainte-Trinité, de crainte qu’ils n’y trouvassent un prétexte pour adorer plusieurs dieux ; et voilà pourquoi, après la captivité de Babylone, lorsqu’ils commencèrent à se sentir de l’aversion pour la pluralité des dieux, on rencontre, dans leurs livres sacrés et même profanes, des passages plus nombreux et plus clairs qu’auparavant concernant les personnes divines. » Remarquons enfin que, en recherchant tous les passages de l’Ancien Testament qui contiennent des allusions au mystère de la Sainte-Trinité, nous avons eu en vue, principalement, de montrer que la doctrine de ce mystère n’est point une innovation dans le Nouveau, comme le prétendent les Juifs de nos jours ; que les Justes de l’Ancien Testament croyaient, comme nous faisons, à un seul Dieu en trois hypostases, Père, Fils et Saint-Esprit. « Néanmoins, les fondements capitaux de ce dogme, le plus important de tous ceux de la religion chrétienne, se trouvent incontestablement dans l’Évangile (p. 213-215).

Et voici les preuves du Nouveau Testament : L’orthodoxie trouve la première dans l’entretien du Christ avec ses disciples : chapitres xiv, xv, xvi, de l’Évangile de saint Jean :

a) « Croyez-moi que je suis en mon Père et que mon Père est en moi ». « Et quoi que vous demandiez en mon nom, je le ferai, afin que le Père soit glorifié par le Fils. » (Jean, xiv, 11, 13). Du fait que Jésus-Christ s’appelle le Fils de Dieu le Père, lui qui enseignait à tous les hommes à se considérer comme fils de Dieu, on tire la conclusion que Jésus-Christ est la deuxième personne de Dieu. On dit :

Ici, évidemment sont distinguées l’une de l’autre les deux premières personnes de la Sainte-Trinité, le Père et le Fils (p. 215).

b) Une autre preuve est tirée de ce passage (Jean, xiv), où Jésus Christ dit à ses disciples : « Si vous demandez quelque chose en mon nom, je le ferai. Si vous m’aimez, gardez mes commandements ; et je prierai mon Père, qui vous donnera un autre consolateur, afin qu’il demeure éternellement avec vous. » (Jean, xiv, 14, 15, 16, 17.) On ne cite pas le dernier verset, on le remplace par le verset 26 du même chapitre : « Mais le consolateur qui est le Saint-Esprit, que le Père enverra en mon nom, vous enseignera toutes choses, et vous remettra en mémoire toutes celles que je vous ai dites ».

D’où l’auteur conclut :

« Ici sont distinguées toutes les trois personnes de la Sainte-Trinité, et nommément le Fils, qui dit en parlant de lui-même : « Je prierai » — le Père : « Je prierai mon Père ; » — le Saint-Esprit qui est nommé un autre consolateur, et qui, par conséquent, est différent du Fils ; il sera envoyé par le Père ; il est donc différent du Père ; il devra enfin être auprès des Apôtres le remplaçant du Fils et leur enseigner toutes choses, il est donc une personne telle que le Fils » (p. 216).

Le fait que paraclet, c’est-à-dire le consolateur que Christ promet à ses disciples après sa mort, est nommé une fois dans cet entretien, Saint-Esprit, ce fait est donné comme preuve que le Christ a révélé là le mystère de la Sainte Trinité. Mais on ne fait aucunement attention au sens qu’a ce mot dans le reste de l’entretien, et que ce même consolateur est appelé par Christ « l’esprit de vérité », terme par lequel Christ dénomme toute sa doctrine. « Je m’en vais et je reviens à vous » (Jean, xiv, 28) ; « Je ne vous laisserai point orphelins, je viendrai avec vous » (Jean, xiv, 18) ; « Vous connaîtrez que je suis en mon père » (Jean, xiv, 20) ; « Si quelqu’un m’aime, il gardera ma parole et mon père l’aimera ; et nous viendrons à lui, et nous ferons notre demeure chez lui. » (Jean, xiv, 23). « C’est lui qui me glorifiera, parce qu’il prendra de ce qui est à moi et vous l’annoncera. » (Jean, xiv, 14).

Ces passages, qui expliquent tout le sens de l’entretien, ne sont pas cités, mais le mot « saint » appliqué comme épithète à l’esprit, est considéré comme preuve que Christ a parlé ici de la troisième personne de la trinité.

c) Plus loin ces paroles de Jean (xvi, 26) : « Mais lorsque le consolateur sera venu, lequel je vous enverrai de la part de mon père, savoir l’Esprit de vérité, qui procède de mon père, c’est lui qui rendra témoignage de moi » qui disent tout simplement et clairement : « Quand je ne serai plus vivant, et que vous serez pénétré de l’esprit de vérité, de cette vérité que je vous ai enseignée et qui vient de Dieu, alors vous vous convaincrez de la vérité de ma doctrine », sont prises comme une nouvelle preuve de ce que :

« Ici les trois personnes de la Trinité, le Père, le Fils et le Saint-Eprit, sont aussi clairement distinguées que dans les textes cités plus haut ; mais on y découvre en outre la consubstantialité du Saint-Esprit avec le Père ; cet Esprit est l’Esprit de vérité qui procède du Père » (p. 216, 217).

d) Les paroles de Jean ; « C’est lui qui me glorifiera, parce qu’il prendra de ce qui est à moi, et qu’il vous l’annoncera» (Jean, xvi, 14), qui indiquent clairement l’esprit de la doctrine enseignée par Jésus-Christ servent de preuve que :

« Dans ce passage est clairement marquée la consubstantialité de l’Esprit avec le Fils » (p. 217).

e) Les paroles : « Je suis venu de Dieu… » « Je suis issu du Père ». (Jean, xvi, 27, 28) qui ne peuvent signifier rien d’autre que le rapport filial de chaque homme envers Dieu — ce qu’enseignait Jésus-Christ — sont la preuve que :

« Nous retrouvons ici la pensée de la consubstantialité du Fils avec le Père, exprimée avec une nouvelle force » (p. 217)» La deuxième preuve du Nouveau Testament, ce sont les paroles finales de l’évangile de Matthieu : « Allez donc et instruisez toutes les nations, les baptisant au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit ; » (xxviii, 19), prononcées par Jésus-Christ lorsqu’il apparut à ses disciples après la résurrection.

Laissant momentanément de côté l’importance et le caractère particulier de l’Évangile, après la résurrection, ces paroles signifient que, comme le comprend l’Église, à l’entrée dans le christianisme, il était nécessaire de reconnaître le Père, le Fils et le Saint-Esprit, comme les bases de la doctrine. Mais il n’en résulte point que Dieu consiste en trois personnes, c’est pourquoi l’obligation de dire : le Père, le Fils et le Saint-Esprit ne peut nullement avoir rien de commun avec les preuves de l’existence de Dieu en trois personnes.

La théologie elle-même reconnaît que la forme habituelle du baptême ne saurait être considérée comme la preuve de la Trinité de Dieu. Aussi nous explique-t-elle pourquoi, sous ces mots, il faut comprendre Dieu en trois personnes. Les explications sont les suivantes.

« Or, précédemment déjà le Sauveur avait plus d’une fois exprimé à ces derniers que, sous le nom du Père, il entendait proprement Dieu le Père, qui l’avait envoyé dans le monde (Jean, vi, 38-40 ; vii, 16-28 ; xi, 42, etc.), et qu’il désignait en disant : « Il y en a un autre qui me rend témoignage » (Jean, v, 32) ; que, sous le nom de Fils, il se comprenait lui-même, en qui les Apôtres reconnaissaient déjà réellement le Fils de Dieu, issu de Dieu même (Matthieu, xvi, 16 ; Jean, xvi, 30) ; qu’enfin sous le nom de l’Esprit il entendait un autre consolateur qu’il avait déjà promis de leur envoyer en sa place de la part de Dieu (Jean, xiv, 16 ; xv, 26).

Qu’en disant « Père » Christ ait pensé à Dieu, il n’est point besoin de prouver cela, tous l’admettent. Mais que par « Fils, » il comprit soi-même, et par « Esprit », une nouvelle personne de la Trinité, de cela il n’y a pas de preuves, et il n’en peut être. Comme preuve qu’il est la seconde personne, on cite le verset 10 du chapitre xvi de Matthieu, où Pierre dit au Christ, ce que ce dernier disait toujours de tous les hommes : qu’ils sont les fils de Dieu ; et Jean, xvi, 30, où ses disciples lui disent la même chose et ce qu’il enseigne à tous les hommes. Pour prouver la distinction de la troisième personne, on répète de nouveau les versets de Jean : xiv 16 et xv 26, qui signifient tout autre chose.

Jésus-Christ, en disant : consolateur, entend l’esprit de vérité, et ne saurait désigner par là aucune des trois personnes. C’est pourquoi dans les évangiles, sauf ce passage qui ne prouve rien, on ne peut trouver aucune autre preuve. Mais la théologie ne s’embarrasse pas pour si peu. Elle tient sa thèse pour démontrée et dit :

« Par conséquent aussi ; dans la présente circonstance, vu que le Sauveur ne jugea point nécessaire d’ajouter une nouvelle explication des paroles citées, il n’entendait lui-même, et les Apôtres ne pouvaient non plus entendre, sous le nom de Père, de Fils et de Saint-Esprit, que les trois personnes divines (p. 218).

La troisième preuve du Nouveau Testament, la dernière et la principale, est fournie par les paroles de Jean, dans la première Épitre : « Car il y en a trois qui rendent témoignage dans le ciel : le Père, la Parole et le Saint-Esprit ; et ces trois-là sont un » (v. 7).

La théologie dit :

« Ici la trinité des personnes divines et leur unité d’essence sont exprimées plus clairement encore que dans les passages précédents : la trinité des personnes ; car le Père, le Verbe et le Saint-Esprit sont nommés les trois témoins ; il y a donc entre eux une différence, il ne faut donc pas voir simplement dans le Verbe et l’Esprit, désignés comme témoins à l’égal du Père, deux de ses attributs ou forces, ou opérations ; ce sont des personnes telles que le Père. L’unité d’essence des trois personnes : en effet, si le Verbe et le Saint-Esprit n’avaient pas la même nature divine, la même essence que le Père, qu’ils fussent au contraire d’une nature inférieure, créée, il y aurait entre eux et le Père une distance infinie, et il serait impossible de dire que ces trois là ne font qu’un » (p. 220, 221).

Ces passages, si faibles qu’ils soient, pourraient servir sinon de preuves, du moins de prétextes pour affirmer que Dieu est un et trois, malheureusement tous ne sont pas d’accord avec la théologie :

« C’est sans raison que l’on veut amoindrir la force de ce passage en disant qu’ici les trois témoins célestes : le Père, le Fils et le Saint-Esprit, sont représentés comme un, non par rapport à l’essence ou nature, mais seulement quant à l’unanimité de leur témoignage, ainsi que les trois témoins terrestres cités dans le verset suivant : Il y en a trois qui rendent témoignage sur la terre : l’esprit, l’eau et le sang, et ces trois sont un (Jean, v, 8). Sont un, sans doute, non au point de vue de l’essence, mais seulement à celui du témoignage. Il faut remarquer, en effet, que le Saint Apôtre lui-même distingue clairement l’unité des témoins célestes de celle des témoins terrestres ; de ceux-ci, qui sont en réalité différents entre eux, ou divisés par l’essence, il dit simplement : Et les trois sont un (littéralement : en un ou pour un, οἱ τρεῖς εἰς τὸ ἕν εἰσιν) par rapport au témoignage, au lieu qu’en parlant de ceux-là il dit : Et ces trois sont un ({{lang{grc|καὶ οὗτοι οἱ τρεῖς ἕν εἰσιν}}, un, et non, en un ou pour un) ; ils sont donc un bien plus que les témoins terrestres ; ils le sont non seulement quant à leur témoignage, mais aussi quant à leur nature. Cela est d’autant plus incontestable que, dans le verset qui suit, le saint Apôtre lui-même nomme, sans aucune distinction, le témoignage de ces derniers, témoignage de Dieu : « Si nous recevons le témoignage des hommes, celui de Dieu est plus grand ; » il suppose donc que les trois témoins célestes sont un, proprement au point de vue de la Divinité, ou sont trois personnes divines. Enfin ce qui porte la certitude au plus haut point, c’est que, précédemment déjà, le même Apôtre avait mentionné dans son Évangile chacun des trois témoins célestes, le Père, le Fils ou le Verbe, et le Saint-Esprit ; et cela comme trois personnes divines, consubstantielles entre elles, en exposant les paroles du Sauveur. « Quoique je me rende témoignage à moi-même, mon témoignage est véritable, parce que je sais d’où je viens et où je vais ; mais pour vous, vous ne savez d’où je viens et où je vais. Je me rends témoignage à moi-même, et mon père qui m’a envoyé me rend aussi témoignage » (Jean, viii, 14, 18 ; comp., v, 32, 37). Et : « Lorsque le Consolateur sera venu, cet Esprit de vérité qui procède de mon Père, et que je vous enverrai de la part de mon Père, et rendra témoignage de moi. » (Ibid., xv, 26.) « C’est lui qui me glorifiait parce qu’il prendra de ce qui est à moi et vous l’annoncera. » (Ibid., xvi, 14, 15) (p. 221, 222).

Malheureusement, cet unique passage, qui, bien que faiblement, confirmait dans une certaine mesure le dogme des trois personnes en un seul Dieu, d’après le témoignage de la théologie, est discuté : toute la critique savante le déclare faux.

« C’est également sans raison que l’on veut rendre suspecte l’authenticité du passage en question, sous prétexte qu’il fait défaut dans quelques exemplaires grecs du Nouveau testament et dans quelques versions orientales surtout, et qu’il n’a été cité ni par les anciens Pères de l’Église, comme saint Grégoire le Théologien, Ambroise, Hilaire, ni par les Conciles de Nicée, de Sardique et autres, réunis contre les Ariens, quoique ce verset eût été une arme importante contre ces hérétiques et que quelques Pères aient employé contre eux les versets 6 et 8 du même chapitre, bien que moins forts et moins concluants. Toutes ces preuves négatives contre l’authenticité du verset que nous venons d’examiner sont insuffisantes pour leur but ; bien plus, nous en avons de positives qui les mettent à néant ; et ces preuves, les voici :

Si ce verset manque dans quelques-uns des exemplaires grecs du Nouveau Testament parvenus jusqu’à nous, en revanche il s’est toujours trouvé et il se trouve encore dans nombre d’autres (pp. 222, 223).

Si ce même verset manque dans quelques versions, orientales principalement, en revanche il se trouve dans d’autres, par exemple, dans l’ancienne version latine, ou italique…

Que s’il est enfin des Pères qui n’aient pas cité ce verset, il y a en compensation d’autres Pères et Docteurs de l’Église qui l’ont fréquemment cité…

D’ailleurs, pour peu qu’on examine ce verset dans le corps du discours dont il fait partie, on se convaincra bientôt de son authenticité — et l’on ne croira pas qu’il ait été intercalé plus tard…

Enfin gardons-nous d’oublier que, dans la question de l’authenticité ou de la non-authenticité de tel ou tel passage de la Bible, il ne peut y avoir de juge suprême que la Sainte Église, en tant qu’elle est chargée à tout jamais par le Seigneur lui-même, de la conservation de la parole divine et préservée par le Saint-Esprit de toute erreur en matière de foi. Or, toute l’Église orthodoxe a reconnu et reconnaît comme authentique le texte de l’Épître de saint Jean que nous venons d’examiner et le propose à tous ses enfants pour leur commune instruction. Et voilà notre principale raison pour reconnaître l’authenticité de ce passage ! — (p. 224-228).

Voilà toutes les preuves de la Sainte Écriture, de l’Ancien et du Nouveau Testament. Le seul passage où se trouve un semblant d’affirmation que Dieu est un et trois est discutable et sa réalité n’est confirmée que par la polémique de l’auteur.

Mais il y a encore les preuves de la tradition sacrée.


§ 28. CONFIRMATION DE LA MÊME VÉRITÉ
PAR LA TRADITION SACRÉE


Malgré le nombre et la lucidité des passages de l’Écriture, du Nouveau Testament surtout, enseignant la trinité des personnes en un Dieu unique, nous avons encore à interroger la tradition sacrée, qui s’est conservée dans l’Église depuis sa fondation. C’est un travail indispensable, parce que tous ces passages de l’Écriture ont été de tout temps et sont encore aujourd’hui l’objet de différentes interprétations et de controverses qui ne peuvent être définitivement résolues, pour le fidèle du moins, que par la tradition apostolique et l’ancienne Église. Il est indispensable aussi, cet examen, pour défendre l’Église même contre une injuste accusation des incrédules, qui prétendent que cette doctrine des trois hypostases en Dieu ne fut enseignée qu’à dater du quatrième siècle ou du premier concile œcuménique, et que, avant cette époque, elle était ou tout à fait inconnue, ou tout autrement enseignée. Il nous suffira donc de suivre le fil de la tradition jusqu’au quatrième siècle ou jusqu’au premier concile œcuménique, et de montrer si, dans les trois premiers siècles, l’Église chrétienne enseigna le dogme de la Sainte-Trinité, et de quelle manière elle le fit (pp. 235, 236).

Ainsi donc, non seulement la théologie nous a appris qu’il n’y a aucune preuve de la trinité dans l’Écriture, sauf la polémique de l’auteur de la théologie, elle nous a appris en outre qu’on ne peut pas affirmer que l’Église ait toujours suivi la tradition, que la seule base de cette affirmation est l’art polémique de l’auteur de la théologie. J’ai lu toutes les preuves du § 28, tendant à établir que l’Église professa toujours la trinité. Mais ces preuves ne m’ont pas convaincu, non que j’aie lu les preuves du contraire, plus exactes et plus convaincantes, mais parce que le sentiment se révolte en moi, parce que je ne puis croire que Dieu ait pu se révéler à moi par cette expression insensée et grossière : « Je suis un et trois ; je suis le Père, le Fils et le Saint-Esprit », et ne me donner ni dans son Écriture, ni dans sa tradition, ni en mon âme, le moyen de comprendre ce que cela signifie. Je ne puis croire que Dieu, pour résoudre la question le concernant, concernant mon salut, ne m’ait laissé que la croyance aux arguments de la théologie. J’étais sur le point d’en finir avec le dogme quand, pour couronner le tout, je suis tombé sur le paragraphe 29 : Rapport du dogme de la Sainte-Trinité avec la saine raison.

Nous nous permettrons aussi de dire quelques mots sur son rapport avec la saine raison, dans le but, d’un côté, de réfuter les fausses idées à ce sujet, et, de l’autre, de signaler et de préciser pour nous la seule vraie…

En effet, suivant le christianisme, Dieu est tout à la fois triple et unique, non point dans un seul et même rapport, mais dans des rapports différents : il est unique par l’essence, et triple en personnes ; et autre est l’idée qu’il nous donne de la nature de l’essence divine, autre celle qu’il nous donne des personnes divines ; de façon que ces idées ne s’excluent point l’une l’autre. Où y a-t-il donc ici contradiction ? (p. 251.)

Le christianisme nous donne une conception de l’essence et une conception des personnes de Dieu. Mais c’est précisément ce que j’ai cherché, précisément « cette autre » conception des personnes et de l’essence ; elle n’est nulle part. Et non seulement elle n’existe pas, mais elle ne peut être puisque les mots οὐσία et hypostases signifient tantôt des choses différentes, tantôt les mêmes choses et s’emploient indifféremment :

Si le christianisme enseignait que Dieu est unique par son essence et triple par cette même essence, où qu’il y a en Lui une seule personne et trois personnes, ou même qu’en Lui la personne et la nature sont identiques, alors il y aurait réellement contradiction. Mais, répétons-le, ce n’est point cela qu’enseigne la religion du Christ, et quiconque ne confondra pas volontairement les idées chrétiennes sur l’essence et les personnes divines n’aura jamais l’idée de chercher une contradiction intime dans le dogme de la sainte Trinité, (p. 251).

« Ne pas confondre volontairement ! »

Mais j’ai tendu toutes les forces de ma raison pour trouver dans la doctrine une différence quelconque entre les conceptions de l’essence et des personnes, et je n’ai rien trouvé, et l’auteur sait qu’il n’y en a pas :

En second lieu, pour appeler une proposition quelconque contradictoire avec la saine raison et avec elle-même, il faut au préalable concevoir parfaitement cette proposition, bien saisir la signification de son sujet et de son attribut, et voir l’incompatibilité de l’un avec l’autre. Or, pour ce qui concerne le mystère de la sainte Trinité, personne ne peut jamais se flatter d’avoir satisfait à ces conditions ; ce n’est que par rapport aux créatures que nous connaissons le sens des mots nature ou essence, et ce que c’est qu’une personne ; mais nous sommes hors d’état de comprendre pleinement et l’essence ou la nature et les personnes dans la Divinité, qui est infiniment au-dessus de toutes les créatures. En conséquence, nous ne sommes pas non plus en état de juger si les idées d’un Dieu unique par essence et d’un Dieu triple en personnes sont en effet compatibles ou incompatibles l’une avec l’autre ; nous ne sommes point en droit d’affirmer que l’idée d’un Dieu unique par essence et triple en personnes implique réellement contradiction. Est-il donc raisonnable de juger de ce que nous ne comprenons pas (pp. 251, 252).

Dans les passages précédents, il était question d’une conception de l’essence et d’une conception des personnes, enseignées par le christianisme ; et cela ne se trouve nulle part. Mais supposons, sans lire ce qui précède, sans étudier tout l’ouvrage, sans nous convaincre qu’une telle différence n’existe pas, supposons que cela soit. Eh bien ! Dans la seconde citation il est dit que nous ne pouvons pas, que nous n’avons pas le droit, de dire « que cette proposition est contradictoire avec la saine raison, sans saisir la signification de son sujet et de son attribut ». Le sujet est un ; l’attribut, trois. Cela on peut le comprendre. Si le sujet est un Dieu, et l’attribut trois Dieux, alors selon les lois de la raison, la contradiction reste la même. Si, après l’introduction de la conception « Dieu » un peut devenir égal à trois, alors avant de juger raisonnablement de ce que nous ne comprenons pas, nous dirons irraisonnablement ce que nous ne comprenons pas. On voit le point de départ. Ces paroles déraisonnables, de l’aveu de la théologie, c’est la suprême raison, la suprême bonté, qui les dit en réponse aux supplications de ses enfants qui cherchent la vérité !

Tout au contraire, la saine raison ne peut se défendre de reconnaître cette idée comme éminemment vraie et exempte de toute espèce de contradiction. Elle n’en saisit point la signification intrinsèque ; mais des témoignages extérieurs la lui montrent clairement enseignée par le Très-Haut lui-même dans la révélation chrétienne, et elle sait que Dieu est le Dieu de vérité (p. 252).

On ne peut comprendre ce qui est dit, mais c’est « ce que montrent clairement des témoignages extérieurs », de sorte qu’on peut, sans comprendre, répéter les paroles que dit la théologie. Mais dans ce cas, comme nous le voyons, nous ne trouvons ni ces témoignages sûrs, ni même aucun témoignage. Nulle part, dans la Sainte Écriture, il n’est dit que l’Esprit de Dieu est la troisième personne. Que Moïse ait écrit que Dieu a dit de lui-même : « Créons. » cela ne peut s’appeler un témoignage sûr. Le fait que dans l’entretien de Jésus-Christ, chez Jean, le mot Saint-Esprit est dit une fois, en parlant de la vérité, ce n’est pas là non plus un témoignage sûr. Le fait qu’on baptise au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit, n’est pas non plus un témoignage. Le verset faux, de l’Épitre de Jean, non seulement n’est pas un témoignage au profit de la trinité, mais la preuve claire qu’il n’y a pas et qu’il n’y avait pas de preuves semblables, et que ceux qui l’ont voulu prouver le sentaient eux-mêmes. Des témoignages extérieurs, il ne reste que la polémique de l’auteur avec ceux qui nient le verset de Jean et avec les rationalistes, sur le fait que l’Église, jusqu’au quatrième siècle, n’admettait pas le dogme de la trinité.

Mais, supposons que je sois si stupide et si ignare que je me rende aux polémiques de l’auteur et veuille croire que le dogme de la trinité est reconnu par l’Église une, sainte, apostolique et infaillible. Je ne puis le croire, parce que je ne puis nullement comprendre ce que l’on me dit de Dieu en trois personnes. Ni moi, ni personne, ne pouvons connaître ce dogme du fait que les paroles, telles qu’elles étaient exprimées au commencement, sont restées, après de longs discours, de soi-disant explications et preuves, sans aucun sens pour un homme dont la raison n’est pas oblitérée.

En se basant sur la tradition sainte de l’Église, on peut affirmer tout ce qu’on veut, et si la tradition n’est pas ébranlée, on ne peut méconnaître la vérité de ce qu’on dit. Mais… il faut affirmer quelque chose. Et ici on n’affirme rien. Ce sont des paroles sans lien.

Supposons qu’on affirme que Dieu vit sur l’Olympe ; que Dieu est en or ; qu’il n’y a pas de Dieu ; qu’il y a quatorze dieux ; que Dieu a des enfants ou un fils. Toutes ces affirmations sont bizarres, barbares, mais chacune est liée à une idée, une conception. Mais quand on dit : Dieu est un et trois, on ne peut rapporter à cela aucune conception, aucune idée. C’est pourquoi, quelle que fût l’autorité me l’affirmant, — tous les patriarches vivants et morts d’Alexandrie et d’Antioche, ou même une voix du ciel me criant sans cesse : « Je suis un et trois », — je resterais dans le même état, non d’incrédulité (il n’y a rien ici en quoi l’on puisse croire) mais d’étonnement, me demandant ce que signifient ces paroles, en quelle langue et d’après quelles lois elles peuvent recevoir un sens quelconque.

Pour moi, homme élevé dans l’esprit de la religion chrétienne, qui ai gardé après toutes les erreurs de ma vie la conscience vague de ce qu’il y a en elle de vérité ; pour moi qui, par les errements de la vie et les écarts de la raison, suis arrivé à la négation de la vie et à un désespoir terrible ; pour moi qui ai trouvé le salut en m’associant à l’esprit de cette religion que je sentais seule capable de mouvoir l’humanité par la force divine ; pour moi qui cherche l’expression supérieure, accessible à moi, de cette religion ; pour moi, qui crois avant tout, en Dieu, mon Père, en celui par la volonté de qui j’existe, souffre et cherche péniblement sa révélation ; pour moi, admettre que ces paroles sacrilèges sont l’unique réponse, qu’à ma prière je ne puis apprendre de mon Père comment je dois le comprendre et l’aimer : pour moi, c’est impossible.

Il m’est impossible de croire que Dieu, mon Père, si bon (d’après la doctrine de l’Église), sachant que mon salut ou ma perte dépend de sa compréhension, de sa connaissance la plus essentielle, s’exprimerait de telle façon que ma raison, donnée par lui, ne puisse le comprendre ; qu’il cacherait (d’après la doctrine de l’Église) toute cette vérité, la plus nécessaire aux hommes, sous des allusions, et en tout cas sous l’interprétation double et obscure des mots : Saint-Esprit et Fils, dans l’entretien d’adieu de Jésus à Jean, et dans le verset discuté des Épitres, et que ma connaissance de Dieu et mon salut, et le salut de milliards d’hommes, dépendraient de l’habileté dialectique plus ou moins grande de Renan et de Macaire et de la qualité des arguments. Je ne puis croire cela. Non. S’il en était ainsi, Dieu m’aurait donné une raison qui me permît de comprendre que 3 = 1, tandis que maintenant cela m’est impossible ; il m’aurait donné un cœur selon lequel l’existence de trois Dieux me serait agréable, tandis que, précisément, elle me révolte. Ou, au moins, il me l’aurait transmis, en termes nets et simples et non en des paroles discutables et ambiguës. En outre, Dieu ne pouvait pas m’ordonner de croire. Je ne crois pas justement parce que j’aime, respecte et crains Dieu. Je crains de croire au mensonge qui m’entoure et de perdre Dieu. C’est impossible. Il est même clair que la vérité n’est pas du tout là, que je me suis trompé en pensant trouver dans l’Église la réponse et la solution de mes doutes. Je pensais aller à Dieu et me suis engagé dans une boue puante et cela ne fait que provoquer en moi les sentiments que je redoute le plus : le dégoût, la colère, l’indignation.

Dieu, Dieu incompréhensible, mais existant, Dieu par la volonté de qui je vis ! Tu as introduit en moi cette aspiration à te connaître et à me connaître. J’ai erré, j’ai cherché la vérité là où elle n’était point. Je savais que j’errais. J’assouvissais mes mauvaises passions tout en les sachant mauvaises, mais je ne t’oubliais jamais. Je t’ai senti toujours, même dans mes pires moments. J’ai failli périr t’ayant perdu. Mais tu m’as tendu la main. Je l’ai saisie et la vie s’est éclairée pour moi. Tu m’as sauvé, et je ne cherche maintenant qu’à m’approcher de toi, à te comprendre, si possible. Aide-moi, instruis-moi. Je sais que je suis bon, que j’aime, que je désire aimer le genre humain, aimer la vérité. Toi, Dieu d’amour et de vérité, rapproche-moi encore de toi, révèle-moi tout ce que je puis comprendre de moi et de toi.

Et ce Dieu bon, ce Dieu de vérité, me répond par la bouche de l’Église : « Dieu est unité, Dieu est trinité ! » « Ô glorieuse relation ! »

Mais allez à votre père, à satan, vous qui avez pris la clef du royaume du ciel, n’y entrez pas et empêchez les autres d’y entrer ! Ce n’est pas de Dieu que vous parlez, mais de quelque chose d’autre.