Croc-Blanc/Chapitre 3

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Traduction par Louis Postif, Paul Gruyer.
Les éditions G. Crès et Cie (p. 26-38).

III

LE CRI DE LA FAIM


La journée débuta sous de meilleurs auspices. Les deux hommes n’avaient pas perdu de chien durant la nuit et c’est l’esprit le plus léger qu’ils se remirent en chemin, dans le silence, le noir et le froid, Bill semblait avoir oublié ses sinistres pressentiments et quand, à midi, les chiens renversèrent le traîneau, à un mauvais passage, c’est en plaisantant qu’il accueillit l’accident.

C’était pourtant un effrayant pêle-mêle. Le traîneau, sens dessus dessous, demeurait suspendu entre le tronc d’un arbre et un énorme roc. Il fallut d’abord déharnacher les chiens, afin de les dégager et de démêler leurs traits. Ceci fait et tandis que les deux hommes s’occupaient de remettre sur pied le traîneau, Henry aperçut N’a-qu’une-Oreille qui était en train de se défiler en rampant.

— Ici, toi, N’a-qu’une-Oreille ! cria-t-il, en se retournant vers le chien.

Mais le chien, au lieu de lui obéir, fit un bond en avant et se sauva, en courant de toutes ses forces, ses harnais traînant derrière lui.

Tout là-bas, sur la piste, la louve l’attendait. En s’approchant d’elle, il parut soudain hésiter et ralentit sa course. Il la regardait fixement, avec crainte et désir à la fois. Elle semblait l’aguicher et lui sourire de toutes ses dents, puis fit un pas vers lui, en manière d’avance. N’a-qu’une-Oreille se rapprocha, mais en se tenant encore sur ses gardes, la tête dressée, les oreilles et la queue droites.

Quand il l’eut jointe, il essaya de frotter son nez contre le sien ; mais elle se détourna, avec froideur, et fit un pas en arrière. Elle répéta plusieurs fois sa manœuvre, comme pour l’entraîner loin de ses compagnons humains. À un moment (on eût dit qu’une vague conscience du sort qui l’attendait flottait dans sa cervelle de chien), N’a-qu’une-Oreille, s’étant retourné, regarda derrière lui ses deux camarades de trait, le traîneau renversé et les deux hommes qui l’appelaient. Mais la louve lui ayant tendu son nez, pour qu’il s’y frottât, il en oublia aussitôt toute autre idée et se reprit à la suivre au bout de quelques minutes, dans un prude et nouveau recul qu’elle effectua.

Bill, pendant ce temps, avait songé au fusil. Mais celui-ci était pris sous le traîneau et quand, avec l’aide d’Henry, il eut mis la main dessus, le chien et la louve étaient trop éloignés de lui, trop près aussi l’un de l’autre pour qu’il pût tirer.

Trop tard, N’a-qu’une-oreille connut son erreur. Les deux hommes le virent qui revenait vers eux à fond de train. Mais déjà une douzaine de loups maigres, bondissant dans la neige, fonçaient à angle droit sur le chien, afin de lui couper la retraite. La louve avait, quant à elle, cessé ses grâces et ses pudeurs, et s’était jetée sur son amoureux, avec un rauque grognement. Il l’avait bousculée d’un coup d’épaule et elle s’était jointe aux autres poursuivants. Elle le talonnait de près.

— Où allez-vous ? cria Henry, en posant sa main sur le bras de Bill.

Bill se dégagea, d’un mouvement brusque.

— Je ne puis, dit-il, supporter ce qui se passe. Ils ne doivent plus avoir, si je puis l’empêcher, aucun de nos chiens.

Le fusil au poing, il s’enfonça dans les taillis qui bordaient le sentier.

— Attention, Bill ! lui jeta Henry, une dernière fois. Soyez prudent !

Henry, assis sur le traîneau, vit disparaître son compagnon. N’a-qu’une-Oreille avait quitté la piste et tentait de rejoindre le traîneau en décrivant un grand cercle. Henry l’apercevait par instants, détalant à travers des sapins clairsemés et s’efforçant de gagner les loups en vitesse, tandis que Bill allait essayer, sans nul doute, d’enrayer la poursuite. Mais la partie était perdue d’avance. D’autant que de nouveaux loups, sortant de partout, se joignaient à la chasse.

Tout à coup, Henry entendit un coup de fusil, puis deux autres succéder rapidement au premier, et il connut que la provision de cartouches de Bill était finie. Il y eut un grand bruit, des grondements et des cris. Henry reconnut la voix du chien, qui gémissait et hurlait. Un cri de loup lui annonça qu’un des animaux avait été atteint. Et ce fut tout. Gémissements et grognements moururent et le silence retomba sur le paysage solitaire.

Henry demeura longtemps assis sur le traîneau. Il n’avait pas besoin d’aller voir ce qui était advenu. Cela il le savait comme s’il en eût été spectateur. Il se dressa pourtant, à un moment, avec un tressaillement, et, dans une hâte fébrile, chercha la hache qui était parmi les bagages. Puis il se rassit et songea longuement, en société des deux chiens qui lui restaient et qui demeuraient à ses pieds, couchés et tremblants.

Il se leva, à la fin, en proie à une immense faiblesse, comme si toute force de résistance s’était anéantie en lui, et se mit en devoir d’atteler les chiens au traîneau. Lui-même passa sur son épaule un harnais d’homme et tira, de concert avec les deux bêtes. L’étape fut courte. Dès que le jour commença à baisser, Henry se hâta d’organiser le campement. Il donna aux chiens leur nourriture, fit cuire et mangea son dîner, et dressa son lit près du feu.

Mais il n’avait pas encore fermé les yeux qu’il vit les loups arriver et, cette fois, s’avancer tellement près qu’il n’y avait pas à songer même à dormir. Ils étaient là, autour de lui, si peu loin qu’il pouvait les regarder, comme en plein jour, couchés ou assis autour du foyer, rampant sur leurs ventres, et tantôt avançant, tantôt reculant. Certains d’entre eux dormaient, couchés en rond dans la neige, comme des chiens. Il ne cessa pas, un seul instant, d’aviver la flamme, car il savait qu’elle était le seul obstacle entre sa chair et leurs crocs. Les deux chiens se pressaient contre lui, implorant sa protection. De temps à autre, le cercle des loups s’agitait, ceux qui étaient couchés se relevaient, et tous hurlaient en chœur. Puis ils se recouchaient ou s’asseyaient, le cercle se reformant plus près.

À force, cependant, d’avancer d’un pouce, puis d’un pouce, un instant arriva où les loups le touchaient presque. Alors il prit des brandons enflammés et commença à les jeter dans le tas de ses ennemis. Ceux-ci bondissaient en arrière, d’un saut hâtif, accompagné de cris de colère et de grognements peureux, quand une branche, bien lancée, atteignait l’un d’eux.

Le matin trouva l’homme hagard et brisé, les yeux dilatés par le manque de sommeil. Il cuisina et absorba son déjeuner. Puis quand la lumière eut dispersé la troupe des loups, il s’occupa de mettre à exécution un projet qu’il avait médité durant de longues heures de la nuit. Ayant abattu, à coups de hache, de jeunes sapins, il en fit, en les liant en croix, les traverses d’un échafaudage assez élevé, dont quatre autres grands sapins, restés debout, formèrent les montants. Se servant ensuite des courroies du traîneau comme de cordes, et les chiens tirant avec lui, il hissa au sommet de l’échafaudage le cercueil qu’il avait convoyé.

— Ils ont eu Bill, dit-il, en s’adressant au corps du mort, quand celui-ci fut installé dans sa sépulture aérienne, et ils m’auront peut-être. Mais, vous, jeune homme, ils ne vous auront pas.

Le traîneau filait maintenant derrière les chiens, qui haletaient d’enthousiasme, car ils savaient, eux aussi, que le salut était pour eux dans le chenil du Fort M’Gurry. Mais les loups n’avaient pas été loin et c’est ouvertement qu’ils avaient, désormais, repris leur poursuite. Ils trottinaient tranquillement derrière le traîneau, ou rangés en files parallèles, leurs langues rouges pendantes, leurs flancs maigres ondulant sur leurs côtes, qui se dessinaient à chacun de leurs mouvements. Henry ne pouvait s’empêcher d’admirer qu’ils fussent encore capables de se tenir sur leurs pattes, sans s’effondrer sur la neige.

À midi, vers le Sud, ce ne fut pas seulement un reflet du soleil qui apparut, mais l’astre lui-même, dont la partie supérieure émergea de l’horizon, pâle et dorée. Henry vit là un heureux présage. Le soleil était revenu et les jours allaient grandir. Mais sa joie fut de courte durée. La lumière, presque aussitôt, se remit à baisser et il s’occupa, sans plus tarder, de s’organiser pour la nuit. Les quelques heures de clarté grisâtre et de terne crépuscule qu’il avait encore devant lui furent utilisées à couper, pour le foyer, une quantité de bois considérable.

Avec la nuit, la terreur revint, à son comble. Le besoin de sommeil, pire que les loups, tenaillait Henry. Il s’endormit malgré lui, accroupi près du feu, les couvertures sur ses épaules, sa hache entre ses genoux, un chien à sa droite, un chien à sa gauche. Dans cet état de demi-veille où il se trouvait, il apercevait la troupe entière qui le contemplait, comme un repas retardé, mais certain. Il lui semblait voir une bande d’enfants réunis autour d’une table servie, et attendant qu’on leur permît de commencer à manger.

Puis, comme machinalement, ses yeux retombaient sur lui-même, et il examinait son corps avec une attention bizarre, qui ne lui était pas habituelle. Il tâtait ses muscles et les faisait jouer, s’intéressant prodigieusement à leur mécanisme. À la lueur du foyer, il ouvrait, étendait ou refermait les phalanges de ses doigts, émerveillé de l’obéissance et de la souplesse de sa main qui, avec brusquerie ou douceur, trépidait à sa volonté, jusqu’au bout des ongles. Et, comme fasciné, il se prenait d’un incommensurable amour pour ce corps admirable, auquel il n’avait, jusque-là, jamais prêté attention, d’une tendresse infinie pour cette chair vivante, destinée bientôt à repaître des brutes, à être mise en lambeaux. Qu’était-il désormais ? Un simple mets pour des crocs affamés, une subsistance pour d’autres estomacs, l’égal des élans et des lapins dont il avait tant de fois, lui-même, fait son dîner.

À quelques pieds devant lui, la louve aux reflets rouges était assise dans la neige et le regardait, pensive. Leurs regards se croisèrent. Il comprit sans peine qu’elle se délectait de lui, par anticipation. Sa gueule s’ouvrait, avec gourmandise, découvrant les crocs blancs jusqu’à leur racine. La salive lui découlait des lèvres, et elle se pourléchait de la langue. Un spasme d’épouvante secoua Henry. Il fit un geste brusque, pour se saisir d’un brandon et le lancer à la louve. Mais celle-ci, non moins rapidement, s’était éclipsée. Alors il se remit à contempler sa main, avec adoration, à examiner, l’un après l’autre, tous ses doigts et comme ils s’adaptaient avec perfection aux rugosités de la branche qu’il brandissait. Puis, comme son petit doigt courait risque de se brûler, il le replia délicatement, un peu en arrière de la flamme.

La nuit s’écoula cependant sans accident et le matin parut. Pour la première fois, la lumière du jour ne dispersa pas les loups. Vainement l’homme attendit leur départ. Ils demeurèrent en cercle autour de lui et de son feu, avec une insolence qui brisa son courage, revenu avec la clarté naissante. Il tenta cependant un effort surhumain pour se remettre en route.

Mais à peine avait-il replacé son traîneau sur le sentier et s’était-il écarté, de quelques pas, de la protection du feu, qu’un loup, plus hardi que les autres, s’élança vers lui. La bête avait mal calculé son élan ; son saut fut trop court. Ses dents, en claquant, se refermèrent sur le vide, tandis qu’Henry, pour se préserver, faisait un bond de côté. Puis, reculant vers le feu, il fit pleuvoir une mitraille de brandons sur les autres loups, qui, excités par l’exemple, s’étaient dressés debout et s’apprêtaient déjà à se jeter sur lui.

Il demeura assiégé toute la journée. Comme son bois menaçait de s’épuiser, il étendit progressivement le foyer vers un énorme sapin mort, qui s’élevait à peu de distance et qu’il atteignit de la sorte. Il abattit l’arbre et passa le reste du jour à préparer, pour la nuit, branches et fagots.

La nuit revint, aussi angoissante que la précédente, avec cette aggravation que le besoin de dormir devenait, pour l’homme, de plus en plus insurmontable. Henry, dans sa somnolence, vit la louve s’approcher de lui à ce point, qu’il n’eût qu’à saisir un brandon allumé pour le lui planter, d’un geste mécanique, en plein dans la gueule. La louve hurla de douleur, en un brusque ressaut. Il sentit l’odeur de la chair brûlée et regarda la bête secouer sa tête, avec fureur.

Puis, de crainte de s’abandonner trop profondément au sommeil, Henry attacha à sa main droite un tison de sapin, afin que la brûlure de la flamme le réveillât lorsque la branche serait consumée. Il recommença plusieurs fois l’opération. Chaque fois que la flamme, en l’atteignant, le faisait sursauter, il en profitait pour recharger le feu et envoyer aux loups une pluie de brandons incandescents, qui les tenaient momentanément en respect. Un moment vint pourtant où la branche, mal liée, se détacha de sa main sans qu’il s’en aperçût. Et, s’étant endormi, il rêva.

Il lui sembla qu’il se trouvait dans le Fort M’Gurry. L’endroit était chaud et confortable, et il jouait avec l’agent de la factorerie. Le Fort était assiégé par les loups, qui hurlaient à la grille d’entrée. Lui et son partenaire s’arrêtaient de jouer, par instants, pour écouter les loups et rire de leurs efforts inutiles. Mais un craquement se produisit soudain. La porte avait cédé et les loups envahissaient la maison, fonçant droit sur lui et sur l’agent, en redoublant de hurlements, tellement qu’il en avait la tête comme brisée. Il s’éveilla, à ce moment, et le rêve se relia à la réalité. Les loups hurlants étaient sur lui. Déjà l’un d’eux avait refermé ses crocs sur son bras. D’un mouvement instinctif, Henry sauta dans le feu et le loup lâcha prise, non sans laisser dans la chair une large déchirure.

Alors commença une bataille de flammes. Ses épaisses mitaines protégeant ses mains, Henry ramassait les charbons ardents, à pleines poignées, et les jetait en l’air dans toutes les directions. Le campement n’était qu’un volcan en éruption. Henry sentait son visage se tuméfier, ses sourcils et ses cils grillaient, et la chaleur qu’il éprouvait aux pieds devenait intolérable. Un brandon dans chaque main, il se risqua à faire quelques pas en avant. Les loups avaient reculé.

Il leur lança ses deux brandons, puis frotta de neige ses mitaines carbonisées, et dans la neige il trépigna pour se refroidir les pieds. Des deux chiens il ne restait plus trace. Ils avaient, de toute certitude, continué à alimenter le repas inauguré par les loups, il y avait plusieurs jours, avec Boule-de-Suif, et que lui-même, vraisemblablement, terminerait sous peu.

— Vous ne m’avez pas encore ! cria-t-il d’une voix sauvage, aux bêtes affamées, qui lui répondirent, comme si elles avaient compris ce qu’il disait, par une agitation générale et des grognements répétés.

Mettant à exécution un nouveau plan de défense, il forma un cercle avec une série de fagots, alignés à la file et qu’il alluma. Puis il s’installa au centre de ce rempart de feu, couché sur son matelas, afin de se préserver de l’humidité glaciale et de la neige fondante, que liquéfiait sur le sol la chaleur du brasier, et demeura immobile. Les loups, ne le voyant plus, vinrent s’assurer, à travers le rideau de flammes, que leur proie était toujours là. Rassurés, ils reprirent leur attente patiente, se chauffant au feu bienfaisant, en s’étirant les membres et en clignotant béatement des yeux. La louve s’assit sur son derrière, pointa le nez vers une étoile et commença un long hurlement. Un à un, les autres loups l’imitèrent, et la troupe entière, sur son derrière, le nez vers le ciel, hurla à la faim.

L’aube vint et le jour. La flamme brûlait plus bas. La provision de bois était épuisée et il allait falloir la renouveler. Henry tenta de franchir le cercle ardent qui le protégeait, mais les loups surgirent aussitôt devant lui. Il leur lança, pour les écarter, quelques brandons, qu’ils se contentèrent d’éviter, sans en être autrement effrayés. Il dut renoncer au combat.

L’homme, vacillant, s’assit sur son matelas et ses couvertures. Il laissa tomber sa poitrine sur ses genoux, comme si son corps eût été cassé en deux. Sa tête pendait vers le sol. C’était l’abandon de la lutte. De temps à autre, il relevait légèrement la tête, pour observer l’extinction progressive du feu. Le cercle de flammes et de braises se sectionnait par segments, qui diminuaient d’étendue et entre lesquels s’élargissaient des brèches.

— Je crois, murmura-t-il, que bientôt vous pourrez venir et m’avoir. Qu’importe à présent ? Je vais dormir…

Une fois encore, il entr’ouvrit les yeux, et ce fut pour voir, par une des brèches, la louve qui le regardait.

Combien de temps dormit-il ? Il n’aurait su le dire. Mais, lorsqu’il s’éveilla, il lui parut qu’un changement mystérieux s’était produit autour de lui. Un changement à ce point étrange et inattendu que son réveil en fut brusqué sur-le-champ. Il ne comprit point, d’abord, ce qui s’était passé. Puis il découvrit ceci : les loups étaient partis. Seul, le piétinement pressé de leurs pattes, imprimées sur la neige, lui rappelait le nombre et l’acharnement pressé de ses ennemis. Puis, le sommeil redevenant le plus fort, il laissa retomber sa tête sur ses genoux.

Ce furent des cris d’hommes qui le réveillèrent, cette fois, mêlés au bruit de traîneaux qui s’avançaient, à des craquements de harnais, à des halètements époumonés de chiens de trait.

Quatre traîneaux, quittant le lit glacé de la rivière, venaient en effet vers lui, à travers les sapins. Une demi-douzaine d’hommes l’entouraient, quelques instants après. Accroupi au milieu de son cercle de feu, qui se mourait, il les regarda, comme hébété, et balbutia, les mâchoires encore empâtées :

— La louve rouge… Venue près des chiens au moment de leur repas… D’abord elle mangea les chiens… Puis elle mangea Bill…

— Où est lord Alfred ? beugla un des hommes à son oreille, en le secouant rudement.

Il remua lentement la tête.

— Non, lui, elle ne l’a pas mangé… Il pourrit sur un arbre, au dernier campement.

— Mort ? cria l’homme.

— Oui, et dans une boîte… répondit Henry.

Il dégagea vivement son épaule de la main du questionneur.

— Hé ! dites donc, laissez-moi tranquille ! Je suis vidé à fond. Bonsoir à tous.

Ses yeux clignotants se fermèrent, son menton rejoignit sa poitrine et, tandis que les nouveaux arrivés l’aidaient à s’étendre sur les couvertures, ses ronflements montaient déjà dans l’air glacé.

Une rumeur lointaine répondait à ses ronflements. C’était, affaiblie par la distance, le cri de la troupe affamée des loups, à la recherche d’une autre viande, destinée à remplacer l’homme qui leur avait échappé.