Curiositez inoüyes/Édition 1629/13

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Jacques Gaffarel
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Chap. ⅩⅢ.
Que les Estoilles, selon les Hébreux, sont rengees au Ciel en forme de lettres, & qu’on y peut lire tout ce qui arrive de plus important dans l’univers.


SOMMAIRE.
  1. Configuration celeste des Grecs soufferte par l’Eglise, quoy que perilleuse. Doctrine nouvelle de la lecture des Estoilles non repugnante à la foy.
  2. Ceste lecture prouvée par l’Escriture saincte interpretation de divers passages sur ce subjet.
  3. Croyance des Anciens Hebreux , Grecs, & Latins sur ce mesme subjet.
  4. Pourquoy peu d’Autheurs du siecle passé s’y sont occupez? Autheurs Modernes comme Reuchlin, Pic Comte de la Mirande, Agrippa Kunrat, Banelli, & Flud, qu’en ont ils descrit?
  5. Intention de Postel pour l’introduire dans l’Europe,
  6. Estoilles rengées non en forme de characteres Arabiques, ny Samaritains, mais Hebraiques. Superstition des Arabes en la lecture de certains
      mots: leurs lettres tirées des Hebraiques.
  7. Animaux Hieroglyphiques des Egyptiens logez au Ciel non pour servir de lettres. Constellations imparfaites.
  8. Quelles choses faut observer pour sçavoir lire au ciel. Estoilles à quel dessein paroissent elles de nouveau suivant les Rabbins?
  9. Suite des moyens qu’il faut tenir pour entendre ceste Escriture. Estoille de la queue de la grand’ Ourse comment indice des Empires.
  10. Par quel costé on doit commençer à lire au Ciel, & comment il faut interpreter les mots qu’on y trouve,
  11. Lettres celestes qui ont monstré tous les plus grands changemens. Declin de deux puissants Royaumes de l’Orient leu dans le Ciel par R.Chomer.
  12. Sentiment de l’Autheur sur ceste lecture des Cieux.


Ceux qui ont diligemment examiné la doctrine curieuse des Anciens, ont trouvé qu’il n’y avoit rien de plus absurde en apparence que la peinture ou configuration des Cieux : Car quelle consusion (disoient-ils) de loger en ces lieux, qui ne sont destinez qu’aux esprits bien-heureux, des animaux si effroyables, qu’on ne peut les admettre à nostre souvenir sans horreur. Que si on y avoit donné place à des mortels, & si on y faisoit regner un Castor & Polux, il en falloit accuser l’amour qui ne nous permet pas de souhaitter des petits biens à ceux que nous aimons. Ceste consideration contentoit pareillement ceux qui se plaignoient que les Cieux n’estoient depeints que des crimes de Jupiter, & que par tout on ne voyoit que marques de ses incestes; de façon que si on excusoit ces Signes amoureux, ce n’estoit que pour ne pas blasmer la plus douce de nos passions. L’excuse aussi de ceux qui attachoient à ces corps incorruptibles des Animaux les plus subjects à corruption, voire des choses inanimees, estoit tres-juste, puis qu’ils n’avoient point d’autre objet que la Religion: ainsi y voyoit-on des poissons, des Encensoirs, & des Epics à la main d’une Vierge ; & ceux qui sont sçavans aux secrets de l’ancienne Theologie, cognoissent assez que ce n’estoit pas sans mystere qu’on mettoit une couronne au Midy, brillante en treize estoilles, & une autre au Septentrion composee de huict : Mais d’y loger des Dragons, des Serpens, & des Hydres, la raison ne le pouvoit souffrir ; Et toutesfois, chose estrange! bien que les anciens eussent ansi remply les cieux d’animaux, & que par leur doctrine, on, s’imaginast plustost le Paradis une demeure des Monstres & un desert affreux, qu’un sejour des Bienheureux, & un lieu de delices, l’Église neantmoins ne les a jamais repris, ny les anciens Peres desadvoüez. Or la matiere que nous traitons est bien moins scandaleuse, & par consequent plus tolerable : car quel danger y peut-il avoir d’asseurer que la diverse figure des Estoilles represente & compose la diversité des lettres de l’Alphabet Hebreu ? & que comme ces lettres signifient quelque chose aussi bien separees que jointes, de mesme ces Estoilles seules ou conjoinctes à d’autres, nous marquent quelques mystères ? Mais bien loin que ceste doctrine soit suspecte, qu’au contraire elle enseigne les infinies merveilles de Dieu, & monstre que tous ces Astres ne sont pas rengez en vain, que leur mouvement & leur divers aspect n’est pas inutile, & sans quelque dessein; de façon que de l’asseurer autrement c’est à mon advis un blaspheme; comme aussi de dire qu’ils ne sont seulement que pour l’embellissement du Ciel, & pour esclairer & non pour autre chose. Mais quelle folie de borner ces lumieres admirables à une seule operation, puis que outre l’experience qui nous apprend que la Lune est maistresse des humeurs, le Soleil principe de vie, Saturne malin; Jupiter favorable; la constellation du Taureau froide & seiche ; celle des Gemeaux chaude & humide, celle du Belier chaude & seiche, & ainsi des autres, nous voyons tous les jours qu’un mesme Simple icy bas sert à divers effects, & que les properitez ne sont point renfermees dans l’estenduë d’une seule operation, mais de plusieurs, pourquoy ne conclurons-nous pas le mesme des estoilles ? Disons donc, qu’outre les merveilles que nous en cognoissons, elles peuvent encore representer par leur divers aspects certaines figures ou characteres par lequels nous pouvons apprendre les plus grands changemens qu’arrivent icy bas. Prouvons maintenant ceste verité par l’Escriture saincte.

2. Si nous pouvons trouver que le Ciel dans ces divines Escritures ait esté nommé par le S. Esprit Livre, il n’y a nulle doute qu’il ne faille conclurre que dans ce livre, il y a des lettres & characteres intelligibles à quelques uns. Or qu’il soit appellé Livre, nous le voyons dans le Prophete Isaye, Isaye 34. v.4. lequel parlant du dernier des jours auquel toutes choses se reposent, dit: complicabuntur sicut liber cœli ונגלו כספר השמים où le כ Caph en Hebreu, que les Latins ont tourné en sicut, signifie dans l’original quia. De façon que si Isaye dit que les Cieux seront pliez, il en donne à mesme temps la raison, parce qu’ils sont un livre. Que si on dit que le כ Caph peut signifier aussi sicut, on respond, que les moins versez aux Escritures saintes, sçavent assez que ce mot Latin n’est pas tousjours marque de similitude, facti sumus Sicut consolati, nous avons esté (chante le peuple revenant de captivité) comme des hommes consolez, est ce à dire qu’ils ne le fussent pas veritablement? non, mais ce mot de comme sicut est là mis comme s’il n’y estoit pas, le mesme en est-il du passage transivimus sicut per ignem, & d’un bon nombre d’autres; doncques complicabuntur cœli quia liber sunt. Que si on insiste encore que puis que le כ Caph signifie quelque fois sicut dans l’original Hebreu, on n’aura pas plus de raison de l’interpreter en quia que en sicut, & par consequent il sera veritable que les Cieux ne seront pas un livre, mais comme un livre. A cela on peut respondre que l’Escriture saincte definit parfaictement ceste controverse, puis qu’en d’autres endroits, parlant du ciel elle fait mention de lignes, & de lettres, qui sont mots qui conviennent essentiellement à un livre, sans qu’elle mette le mot de comme sicut : marque infallible que ces mots ne sont pas de similitude dans ce passage advancé: complicabuntur sicut liber cœli. Or que l’Escriture saincte parlant du Ciel, nomme expressément le nom de LETTRE, on le peut voir au premier verset de la Bible dans l’original Hebreu qui est בראשית ברא אלהים את השּמים Berechit bara Elohim ET haschamain, c’est à dire, au commencement Dieu crea la LETTRE, ou CHARACTERE du ciel : Ainsi le porte le mot את ET ou אות aot qui signifie LETTRE. Pour le mot de LIGNE, il est encore plus nettement exprimé dans le dix-septiesme Pseaume, verset 5. In omnem terram exivit קום kavam linea eorum : Je ne veux pas maintenant entrer dans ceste grande dispute, A sçavoir s’il faut lire קלם Kolam sonus eorum, plustost que קום Kavan, linea eorum, & qu’ainsi le passage des Septantes Interpretes pris par S.Paul, soit falsifié, ou bien l’original Hebreu. Dans nostre advis sur les langues Orientales, je monstre avec Titelmanus, Bredembachius, Malvenda, Mercerus, & Genebrard, que les passages des uns, & des autres, ne sont en aucune façon corrompus, mais que les Septante, & S. Paul, ont eu plustost esgard au sens qu’à la lettre, disant, sonus eorum, pour accommoder avec plus de douceur les parolles suivantes: Et in fines orbis terræ verba eorum, à cause que le son, la voix, & les paroles s’accordent & conviennent ensemble. Adjoustez qu’ils prenoient un sens sublime, & allegorique, accommodant ces paroles à la predication des Apostres. Ainsi S. Paul, & les Septante, estant parfaictement concilier avec l’original Hebreu, nous pouvons hardiment suyvre la lettre, & dire literalement קום Kavam, linea eorum entendant des Estoilles qui sont rangees au Ciel, comme des lettres dans un livre ou sur un parchemin; à raison dequoy l’Escriture dit que Dieu estend les Cieux comme une peau, appellant ceste extension רקיע Rachia, d’où les Grecs auroient paradventure tiré leur ράϰός qui signifie une peau ou un cuir, estant le propre d’une peau d’estre estenduë. Or sur ceste extension comme sur une peau Dieu a rangé les estoilles, comme des characteres qui racontent comme un livre sacré, les merveilles de Dieu à tous ceux qui les sçavent lire Cœli enarrant gloriam Dei, dit le Psalmiste. Paradventure on pourra dire que les Cieux annoncent les merveilles de Dieu par leur prodigieuse estenduë, harmonie, clarté, ordre, & mouvement admirable, & non par quelque escriture. Mais R. Moses tres-sçavant Theologien , asseure que ספר saphar RACONTER, ne s’attribue jamais aux choses inanimees, c’est pourquoy il auroit asseuré que les Cieux ne sont point destituez de quelque ame, qui n’est autre que les bien-heureuses intelligences, qui conduisant les Estoilles, & les disposantes lettres que Dieu a ordonné, monstrent aux hommes par ceste escriture ce qu’il leur doit arriver: & c’est la raison que ceste mesme escriture est appellee de tous les Anciens, כתב המלכים chetab hamelachim, c’est à dire, Escriture des Anges: & remarquez que ce passage Cœli enarrant gloriam Dei, s’entend clairement de ceste escriture celeste, puis qu’il suit incontinent; In omnem terram exivit linea eorum. Je sçay bien que suyvant Saint Paul & les Septante, on peut entendre par les Cieux les Apostres, ou suyuant quelques autres, les Prophetes : mais si pour suivre l’Alegorie, on vouloit nier le sens literai, ce seroit un crime que les Peres n’estiment pas petit, Scripturæ verba, dit toute l’eschole, propriè accipienda sunt quando nihil inde absurdi sequitur. De façon que nous tenant à la lettre, ce passage, comme plusieurs autres que je laisse pour passer en matiere, nous confirment merveilleusement ceste escriture.

3. Or apres les Prophetes tous les plus habiles des Anciens ont à leur imitation appellé les Cieux LIVRES SACREZ, comme des Hebreux, R. Simeon Ben-Iochay dans le Zohar, sur la Session Temourah, qui est le 25. Chapitre de l’Exode, chiffre 305. où il parle amplement de ceste escriture celeste, mais fort obscurement: Abraham dans son Ietsira, ou livre de la Creation, en advance aussi des Mysteres, & apres eux R. Moses l’Egyptien, Moses fils de Nachman, Abraham fils de Dior son contemporain, Aben Esra, David Chimchi, Jom Tof fils d’Abraham, Joseph fils de Meir, Levi fils de Gerson, Chomer, Abarbanel, & un bon nombre d’autres que je ne cotteray point pour venir aux Grecs, & aux Latins qui seront par adventure mieux receus. Le sçavant Origene interpretant à sa façon, c’est à dire subtilement, & curieusement, ce passage du Genese. Et erunt in signa, dit au rapport d’Eusebe, que les Astres n’ont point esté rangez au Ciel, que pour monstrer par leurs divers Aspects, conjonctions & figures, tout ce qu’il doit arriver dans la duree des siecles, tant en general qu’en particulier ; non pas toutesfois qu’ils en soient la cause, jamais ce sçavant homme n’y a pensé, bein loin de l’avoir escrit : car ainsi que les Propheties couchees dans les livres ne sont pas cause de ce qu’il doit arriver, mais seulement un signe : de mesme, dit-il, les Cieux sont justement comme un livre dans lequel Dieu a descrit tout ce qui est, a esté & sera: A raison dequoy il cite un livre, dont le tiltre est, Narratio Ioseph, fort estimé de tous ceux de son temps, dans lequel le Patriarche Jacob donnant la benediction à ses Enfants, leur dit qu’il a leu dans les tables du Ciel tout ce qu’il leur devoit arriver, & à leurs Enfants, Legi, dit-il, in tabulis cœli quecumque contingent vobis & filijs vestris, d’où le mesme Origene conclud tant en son traicté qui est : Utrum stellæ aliquid agant, qu’en son livre de Fato, qu’on peut asseurément lire quelque mysteres dans le ciel, les Estoilles y estans rangees en forme de Characteres. La conclusion de ce sçavant Pere est d’autant plus puissante que là où nostre Traduction porte, sint in signa, l’Original Hebreu dit והיו לאתת vehaiov leotot, c’est à dire de mot à mot: & sint in litteras. Ceste doctrine est si importante, que Julius Sirenus a pris à tasche à la defendre, & soustient qu’elle est vraye, & nullement dangereuse, puis que mesme les plus Religieux l’ont embrassee. Neque, dit S. Augustin, in illis corporibus cœlestibus hic latere posse cogitationes credendum est, quemadmodum in his corporibus latent, sed sicut nonnulli motus animorum apparent in vultu, & maximè in oculis, sic in illa perspicuitate ac simplicitate cœlestium corporum omnes omnino motus animi latere non arbitrer. Je sçay bien que Pererius tasche de donner un autre sens à ces mots, mais il est bien aisé de dire ce qu’on veut quand on interprete les paroles d’un Trepassé. Or ceste Escriture celeste d’autant plus veritable dans ce docte Pere, que plusieurs des autres l’ont puissamment confirmee, comme S. Ambroise, & Prosper qui appellent les Cieux PAGES ET INSTRUCTIONS MERVEILLEUSES; Albert le Grand, LIVRE UNIVERSEL; & S. Jean Damascene passe plus avant : car il les nomme CLAIRS MIROIERS, comme si on voyoit distinctement jusques aux mouvemens plus importuns de nostre ame, d’où S. Augustin auroit pris sujet de dire ce que dessus. Presque tous les Platoniciens estaient pareillement dans ceste creance, c’est pourquoy Porphyre asseure que lors qu’il estoit en resolution de se tuer, Plotin leut aux Astres son intention, & qu’il l’en destourna. Orphee avoit aussi cognoissance de ces secrets puis qu’il chante

Σὴ μὲν ἐν ἄστροις
Τάξις ἀναλλάκτοισιν ἐφημοσύναισι τρέχουσα.
Certus tuus ordo.
Immutabilibus mandatis currit in astris

4. Pour les Autheurs modernes on pourroît s’estonner que d’un si grand nombre qui ont remply nos Bibliotheques de leurs livres à peine s’en est il trouvé cinq ou six qui ayent parlé de ceste curieuse Escriture. Je sçay bien que l’ignorance respond que la vanité du suject en est la cause; mais pourquoy donc auroit on traicté une infinité de sottises mille fois plus ridicules en effet que celle matiere ne l’est en apparence, au contraire il n’y a point d’Astrologue à qui ceste science ne soit necessaire, ny point de Theologien curieux à qui pareillement elle ne soit utile (posé qu’elle soit veritable.) J’ayme donc bien mieux dire ce que la raison juge tres certain, que les langues de l’Orient estant negligez, ces curiositez qui en dependent necessairement ne pouvoient aucunement estre expliquees, ny entendues ; mais depuis que les Polyglotes les ont introduictes à nostre Europe, on a veu à mesme temps ces mysteres au jour: Capnion fut le premier dans un siecle Barbare qui commença d’en descouvrir quelque chose ; Pic Comte de la Mirande, comme il estoit le Phœnix de son temps, ne manqua pas aussi d’en chercher les secrets, & d’en proposer l’affaire en ces termes : Utrum in cœlo sint descripta & significata omnia cuilibet scienti legere : Corneille Agrippa s’efforca pareillement d’en dire sa pensee. Pierius Valerianus parmy ses Hieroglyphes en advança ses mots : Illa extensio in modum pellis tanquam literis inscriptæ luminaribus & stellis dicitur Rakia &c. Blaise, de Vigenere en ses chiffres en parle assez au long : Banelli Italien en dit plus qu’entre tous les autres sur ces mots de S. Luc: Gaudete quòd nomina vestra scripta sint in cœlis. Kunrat comme il estoit resveur en a faict une Enigme In quo sunt pueri quot quot in orbe viri. Il semble que pareils Autheurs n’escrivent à point d’autre intention que pour se rendre obscurs, faisant la guerre à la Nature qui ne nous a donné la langue, & la parole que pour nous faire entendre, & eux tout au contraire ils ne s’en servent que pour n’estre entendus. Robert Flud, qui fait un Plaidoyer pour les Illuminez ou freres de la Rose-Croix, s’est beaucoup advancé dedans ceste lecture, dont les characteres à ce qu’il en asseure, sont faicts à la façon des autres: In cœlo, dit-il, inserti, & impreßi sunt huiusmodi characteres, qui non aliter ex stellarum ordinibus conflantur quam lineæ geometricæ, & literæ vulgares, ex punctis, superficies ex lineis, & corpus ex superficiebus, concluant par apres que si on peut lire ces mesmes characteres on ne cognoistra pas seulement les choses advenir, mais tout ce qu’il appartient à la philosophie. Quibus huiusmodi linguæ & scripturæ arcanæ characterumque abditorumq; cognitio à Deo concessa est; his etiam datum erit veras rerum naturas mutationes, alterationes, & proprietates siderum, omnesque alias operationes & executiones oculis quasi illuminaitis legere, & legendo intelligere.

5. Mais de tous les Modernes qui ont parlé de ces characteres cœlestes, Postel a esté le seul qui en a eu une plus grande cognoissance, ainsi qu’on peut voir en la pluspart de ses livres, dont celuy qu’il a faict sur le Iethzira porte l’experience qu’il en avoit faite, si dixtro me in cœlo vidisse in ipsis linguæ sanctæ characteribus ab Esra primum publicè expositis, ea omnia quæ sunt in rerum natura constitua, ut vidi non explicite sed implicite, vix ullus mihi crediderit, tamen testis Deus & Christus eius, quia non mentior. Or ce qu’il me faict croire que ce sçavant homme parloit si asseurément de ces Curiositez, c’est qu’outre l’experience qu’il en avoit peu faire, il avoit souvent esté en Orient où il avoit veu sans doute les livres Arabes qui en sont tous pleins, & Jehan Leon en son Histoire de l’Affrique dit qu’il n’y a rien plus commun en Maroc, & le premier volume qu’il cite d’Elboni Arabe dont le tiltre est ELLYMAH EMORAMITH ne traite presque d’autre chose, enseignant la façon de crayonner proprement toutes les Constellations en lettres Arabesques, & les dépeindre dans des petits Tableaux que les Hermites Arabes portent volontiers, pour appliquer par apres aux regles de leur Zairagia, ou Divination. Cecy confirme ce que nous rapporterons cy apres, que les Sectateurs de Mahomet ne cherchent point d’autre figure au Ciel qu’en leurs characteres, y lisant tout ce qu’il doit arriver d’une façon fort curieuse, d’où le mesme Postel dit sur le mesme livre de la Creation : Decreti itaque sunt demum delineati, suisque figuris adumbrati igne divino in aquis Cœli scilicet expresso sancti characteres, & tanta virtute in cœlis expressi, ut poßit etiam veritas futurorum haberi, cuius scientiæ adhuc vestigium in Marocho, & multis aliis Ismaëlitarum civitatibus licet sint apud eos admodum depravatæ & adulterate figuræ sanctæ. Je pèse qu’afin que ceste science fut plus heurensement receuë des Europeens, il avoit tout exprez mis au jour son livre De Configuratione Signorum Cœlestium, pour servir de disposition : Car ayant monstre que toutes les Estoilles au lieu d’Animaux ne representoient autre chose que figures carrees, on eut par apres facillement creu que ces figures n’estoient autres que les lettres Hebrayques dont la figure approche fort à la carree; Autrement s’il eust simplement introduit ces lettres célestes, on l’eut peu juger imposteur; & il estoit desja assez descrié, sans qu’il se fut exposé davantage à la calomnie par des nouvelles propositions qu’on eust peu gouster, s’il n’en eut donné auparavant quelque avant-goust. Ceste probabilité estant monstree, il avoit fait dessein d’en descouvrir entierement les secrets dans ses commentaires sur le Zohar, où il avoit advancé tant de curiositez, comme luy mesme tesmoigne en divers endroit de ses livres imprimez, que ce s’est point sans raison qu’il recommandoit avec tant de passion cét excellent œuvre dans son Testament escrit de sa main: Mais puis que je fais icy mention des lettres Arabesques & Hebraïques, on pourroit douter à bon droit quelles sont, celles de ceste Escriture Celeste, & quelle langue elles composent ; c’est pourquoy je juge à propos de vuider ce different avant que de passer plus avant.

6. Les Ismaëlites ou Arabes qui n’ont point eu faute d’hommes tres-sçavans & curieux, mais souvent ridicules, poussez de vaine gloire pour obscurcir ceste verité que leur langue despend de l’Hebraique, ils n’ont pas seulement alteré leurs Characteres fort semblables aux Hébraïques avant l’alteration, mais mesme ils en ont desguisé le nom, & pour mieux couvrir leur malice, ils en ont adjousté quelques uns que les Hebreux n’ont pas, comme le Sfim, le Dsal, le Thsdsa,ou Tsa, &c. C’est pourquoy un sçavant homme en leur langue dit : Arabes versutissimum hominum genus, & planè ismaëliticum, id est adulterinum, postquam cognoverunt suas litteras ortum ducere ab Hebraicis, satagerunt non tantum absolute dißimiles forma reddere, sed ordinem etiam perturbare, & nominum bonam partem mutare studverunt. Ils ont esté bien plus osez d’asseurer que leurs lettres sont les premieres qui ayent jamais esté, & que s’il falloit croire quelques mysteres tant en la signification que figure des Characteres, on ne les devoit chercher en point d’autres qu’à ceux de leur langue ; à raison dequoy interpretans leur Alphabet tirent de la premiere lettre qui est aliph ce verbe coniungere, de BA qui est la deuxiesme inire, de TA qui est la troisiesme producere, & ainsi des autres formans une oraison qu’on ne peut trouver à leur conte à point d’autre alphabet, de façon que je ne m’estonne pas s’ils tirent divers sens suivans ces interpretations, puis que, Integra volumina, dit Kierstenius, de solis nominibus literarum Alphabeti Arabici confici queunt, sed longè adhuc plura de ordine, figura aliisque accidentibus conscribi possent. Ceste recherche a rendu les Arabes si superstitieux en la prononciation de leurs lettres, que lors qu’il se rencontre plusieurs mots unis par le moyen de l’Aliph, ils les prononcent tous d’une haleine fussent-ils cent de suite, & deussent ils rendre l’ame en les prononçant. Les curieux pourront voir pareilles superstitions dans les Institutions Arabiques imprimees à Rome. Or comme toute superstition est suivie d’une folle creance, aussi tiennent ils pour tout asseuré que leurs lettres depeintes au Ciel (& non les Hebraïques) monstent toutes les choses à venir, c’est pourquoy ce n’est pas sans raison qu’outre la division qu’ils font en Gutturales, ou celles qui se prononcent du gosier; de la gorge que les Latins appellent Vuales; du palais; des gencives; des levres; des dens, & de la langue tout ensemble; & en celles aussi qui ne Dse prononçent qu’en sifflant, d’autres en begayant, d’autres en tournant doucement la langue, appellees Dsalqijetun, & par les Latins Flexa, en d’autres pareillement qui sont breves, longues, radicales, ou trancales, & servantes: qu’outre, dis-je, toutes ces divisions, ils les divisent encore (pour s’accommoder aux mysteres de ceste Escriture celeste) en Schemsijun, & Kumriium, c’est à dire en Soleres, & Luneres, cogneuës particulierement par ceux qui observent les regles de Zairagia, ne leur estant pas permis de les deviser; & je ne sçay si suivant ceste doctrine, les Mahometans n’escriroient jamais le commencement d’un mot à la fin d’une ligne, & le reste au commencement de l’autre, comme font les Grecs & Latins, ains si l’espace n’est suffisante pour sa longueur, ils alongent une ligne du dernier mot, au bout de laquelle ils escrivent la derniere lettre; Mais disons que bien que ces lettres soient grandement alterées, & corrompuës, on ne laisse pas pourtant à cognoistre par la figure de plusieurs d’icelles qu’elles sont tirées des Hebraïques, & les Enfans mesme jugeront de ceste verité s’ils viennent à conferer le Hha des Arabes avec le He des Hebreux; le Cha avec le Chet; le Ra, avec le Resch; le Zain, avec le Zain; le Sin, avec le Scin; le Tha, avec le Theth; le Ain, avec le Aghin; le Pha, avec le Pe; le Caph, avec le Caph; le Lam, avec le Lamed; le Vav avec le Vav, &c. Et par consequent s’il faut rechercher des mysteres en ces lettres, il faut les chercher non en la coppie corrompuë, mais en l’original. Le mesme en est il des Characteres Samaritains corrompus des Hebraïques, mais si certainement que c’est estre opiniastre que d’en douter, comme nous monstrons ailleurs contre Scaliger.

7. La raison des Ethiopiens, ou Egyptiens donne davantage de peine en ce sujet que celle des Arabes & Samaritains, puis que leurs lettres n’estant que Hieroglyphes exprimant la figure d’un Bœuf, d’un Cheval, d’un Lyon, d’un Ours, d’une Aigle, & presque de tous les autres animaux, representent parfaictement au Ciel, disent ils, tout ce qu’il doit arriver en ce monde, & par mesme raison s’il faut lire là-haut quelque chose par le moyen des Astres, il faut le lire en ces Hieroglyphes, & en cette langue, & non pas en aucune autre, puisque mesme anciennement au lieu de lettre on se servoit de la figure des Animaux. A cecy on respond ce que nous avons advancé cy devant que ces animaux n’avoient esté representez au ciel que par certain rapport que les estoilles qui les composent ont avec les animaux de la terre, & toutes les autres raisons qu’on en apporte ne sont point exemptes de resverie, comme sont celles du susdit Lazaro Banelli qui accommode les proprietez des animaux du ciel, aux Royaumes sur lesquels ils dominent, comme la constellation du Mouton preside sur la France, Allemagne, Angleterre, Syrie, Palestine mineure, Sueue, & la Silesie superieue: Celle du Taureau sur la Perse, Isles de l’Archipel, Cypre, les parties maritimes de l’Asie mineure, Pologne majeure, Russie Blanche, Suisse, pays des Rhetres, Franconie, Hibernie, Lorraine, Irlande, & partie de Suesse. Mais laissons resver à son aise cet Italien, comme aussi F. Albert de Marchesis de Cottignola Cordelier qui moralise l’Astrologie à sa façon, & disons que tous ces Animaux celestes ne signifient autre chose que ce que nous en avons dit, concluant par mesme moyen suivant les Rabbins, qu’il ne faut point rechercher des mysteres, ny point d’autres characteres, que Hebraïques, en la diverse assiette des Estoilles, & par consequent point d’autre signification qu’en la langue Saincte, estant tres-convenable que la premiere langue du monde, & que Dieu mesme a parlé, fasse entendre là haut ce qui est à venir, puis qu’icy bas elle a fait sçavoir dedans nos Escritures tout ce qui s’est passé. Ceste conclusion est tres certaine, disent les mesmes Rabbins, puisqu’en une nuict seraine & claire on peut voir dans le Ciel, tous les characteres Hebreux parfaictemet figurez, ce qu’on ne peut pas faire des divers Animaux qu’on y loge, puis que l’imagination ne peut estre contente, veu que par exemple, aux estoilles qui composent le Belier, on en void cinq aux environs qui pour n’estre comprises dans la figure de l’Animal troublent incontinent la figure qu’on s’imagine. De mesme en est-il du Taureau: car on void encore onze Estoilles, qui sont essentielles à ce Signe, & toutefois elles ne sont point comprises en sa peinture: On en void pareillement onze en la constellation des Jumeaux, qui ne sont point renfermees avec les dix-neuf qui les representent : comme aussi en Cancer quatre brillent separees des neuf qui font la figure de l’Animal; Mais pour les lettres Hebraïques il n’y a rien qui empesche de les recognoistre distinctement, & si on y loge les Arabesques & Samaritaines, ce n’est que pour revenir tousjours à l’original d’où elles sont tirees.

8. Premierement donc il faut sçavoir que les Estoilles qui composent ces lettres ne sont point disposees à l’adventure, ny avec confusion bien qu’elles nous semblent telles : mais avec dessein & un ordre divin, Dieu n’ayant rien faict qu’avec perfection. Celuy qui ne sçait point le jeu des Eschez, voyant les pieces diversement logees, jugeroit sans doute qu’on les a ainsi dressees à l’adventure, puis qu’il en void en un endroit plusieurs ensemble, & en un autre fort peu, ce costé du damier tout à faict descouvert, cestui-cy entierement remply, un autre qui n’en a que deux ou trois ; bref ceste diversité si grande le feroit asseurément conclurre que tout cela est sans dessein, bien que le tout soit rangé avec ordre, & qu’il n’y ait pas jusques à la moindre piece qu’elle ne face effect. Tout du mesme en est-il des Estoilles que nous voyons au Ciel : car bien qu’en un endroit on en remarque plus, &en un autre moins, & que cét ordre semble ridicule, il est pourtant en soy-mesme admirable, & sorty d’un merueilleux dessein, tres cogneu à ceux qui par leur saincte vie s’eslevent par dessus tout ce qui est icy bas. Ainsi dit-on que S. Anthoine entendoit parfaictement ceste Escriture celeste.

Secondement, que bien que les Estoilles du huictiesme Ciel (s’il en y a un huictiesme) soient fixes, elles ne composent pourtant pas tousjours mesmes lettres, au moins la plus part, mais elles changent selon le divers aspect des Planettes: ainsi celles qui composoient il y a dix ans par exemple un Thet. composeront aujourd’huy un Mem, ou bien un Lamed A raison dequoy ceste Escriture, disent les Rabbins ne sert jamais que pour l’advenir.

En troisiesme lieu ils disent qu’il faut prendre garde sur tout és Estoilles, & nouveaux Astres qui paroissoient nouvellement parce qu’ils monstrent les plus grands changemens, Dieu s’en servant pour faire, par leur aspect & conjonction, des nouvelles lettres, afin de nous monstrer ou son courroux ou ses misericordes, suivant qu’il avoit dessigné conditionnellement de nous chastier si nous vivions tousjours dans nos mesfaicts, ou bien de nous donner ses graces si nous nous repentions. Ainsi devant les plus grands changemens a-t’on presque tousjours remarqué de ces nouveaux Astres qui naissent reellement dans le ciel, comme celuy observé par Hipparque, l’an devant nostre Redemption 125. annonçant la fin de la Monarchie des Grecs. Voyez aussi celuy qui parut du temps de Claudian, en l’an de JESUS CHRIST 388; celuy du temps de Messahala, Haly, & Albumazar Astrologues Arabes, qui parut au 15. degré du Scorpion, produisant autant de lumière en terre que la quatriesme partie de la Lune eust peu faire : celuy du temps de l’Empereur Adrian, & celuy aussi soubs l’Empire d’Othon, qui fut veu entre les Constellations de Cephee, & Cassiopee: Celuy pareillement de 1264. non loin de Cassiopee devers le Septentrion; & celuy en suite qui apparust sur la Chere de la mesme constellation sur le commencement de Decembre, en l’an 1572, & dura 16. mois: Celluy de l’an 1596. en la constellation de la Baleine : Un autre de la troisiesme grandeur, observé dans le Cygne en l’an 1600. & un autre, deux ans apres veu au signe des Poissons : un autre aussi appellé Serpentaire apparut de mesme deux ans apres en l’an 1604. dans la constellation du mesme nom. Quelqnes autres sont advancez par Licetus apres Homere, Varron, S. Augustin, Pline, Albumazar, Pherecides, Athenee, Eustathius, Germanicus, Cyprianus Leovitius, Cardan, Paulus Haiazelius, Galilee, Thomas Fienus, Cuspianus, Tycho Brahé, Guillelmus Jansonius qui estoit son disciple, Joannes Kepler, Alpetragius, David Chytrærus, Fabricius, Hieronymus Munosius, Vuenceslaus Pantaleo, Beyerus, Pyrgius, Michaæl Coignetus, Cornelius Frangipanus, &c. dont quelques uns ont particulierement remarqué ceste verité desja advancee que tous ces nouveaux Astres ont esté les Avant-coureurs des plus grands changemens, & à leur deffaut on a veu les Comettes, lesquelles soit qu’il ne faille pas les distinguer des veritables Astres, ou les loger dans l’air tousjours par leurs divers aspects ont peu representer suivant les Rabbins, d’autres lettres, & monstrer les malheurs qui sont arrivez, estant tres-necessaire, disent-ils, de prendre garde à ces nouvelles lumieres qui sont comme une lettre laquelle adjoustee à un mot fait varier le sens, comme par exemple en ce mot AME, si on y adjouste F. ce ne sera plus AME, mais FAME; ou bien si dans le mesme mot AME on interpose un R, il changera le mot & fera ARME; par ainsi on void qu’une seule lettre F, ou R, change entierement tout le sens. Le mesme en est-il des Estoilles, ou une nouvelle adjoustee varie & le sens & l’Escriture.

9. En quatriesme lieu pour sçavoir parfaictement entendre ceste Escriture Celeste, il faut exactement remarquer les Estoilles verticales : car celles qui sont sur un Royaume, dit Abiudan, monstrent ordinairement ce qu’il luy doit arriver : & en ce sens on n’aura point de peine a comprendre ce que Cardan dit de la queuë de la grand’ Ourse qu’elle a monstré le changement de tous les grands Empire: entendant ceste verité en ce sens, suivant ceste doctrine, que ceste Ettoille seule, & separée, n’a pas monstré ces changemens, mais bien conjoincte, & assemblee à d’autres, faisant par ceste conjonction des mots tous entiers qui composoient la décadence ou le commencement de ces Empires, soit par un sens clair, & cogneu, ou bien secret, & mystique comme nous dirons cy apres. Or comme en toute sorte d’escriture il y a tousjours une lettre dans les noms & verbes qui est plus frequente, & tient le dessus dans les diverses conjugaisons ou declinaisons : de mesme en ceste Escriture celeste on a plustost remarqué aux changemens des Empires, ceste Estoille de la queuë de la susdite Constellation, que non pas une autre, puis qu’elle est plus frequente dans le discours des Monarchies qu’une autre? ou bien qu’elle est comme la lettre Capitale des mots plus significatifs, ainsi que nous voyons en tous les noms propres de presque toutes les langues de l’Univers, comme par exemple, au nom de Pierre, la premiere lettre est plus grande que les autres qui suivent ; par ains on respond à la demande qu’on pourroit faire, pourquoy dans ceste Escriture celeste il y a des petites, & des grandes Estoilles ? Que si on dit encore pourquoy en un mesme mot dans ceste mesme Escriture il y a des grandes & petites lettres ou Estoilles ? on respond que c’est pour faire prendre garde aux lettres du mot qui sont plus significatives, ceste façon estant tres-cogneuë dans l’art d’anagramatizer, comme si dans le mot Empereur, je veux remarquer cestui-cy PERE, j’escriray le mot d’Empereur en ceste façon emPEREur, où les lettres du mot PERE sont plus grandes que les autres, le mesme en est il dans ce mot, Royaume, dans lequel si je veux remarquer ROME, j’escriray le mot tout entier comme il s’ensuyt, ROyauME. Il ne faut donc point s’estonner si dans le Ciel nous voyons souvent deux ou trois grandes Estoilles composer un mot où il s’en trouve aussi des petites, & c’est enquoy il faut particulierement prendre garde sur tout, comme nous venons de dire, quand elles sont verticales & en cette façon on peut donner raison de ce qui est incogneu; comme quand les Astrologues asseurent que lors que la teste d’Algol, ou Meduse estoit verticale sur la Grece, les Estoilles luy predirent les malheurs qui luy arriverent par la tyrannie des Mahometans, sans néantmoins en donner aucune raison; non plus que d’asseurer que la mesme constellation qui sera dans peu de temps verticale à l’Italie, monstre une estrange desolation qui doit arriver à ce beau pays; Tous ces malheurs, dis-je, bien que trop certains, ne sont appuyez que sur l’experience, & n’en sçauroit-on donner communement autre raison : mais par ceste Escriture celeste on sçait que ces changemens arrivent en terre, puis qu’ils sont escrits dans le ciel. C’est pourquoy R. Chomer asseure que la mesme teste de Meduse, ou bien les Estoilles qui la composent, annoncerent à la Grece sa piteuse desolation puis que cinq des principales verticales composerent un assez long temps ce mot charab qui dans la deuxiesme conjugaison signifie estre desolé, entendant particulierement de la Grece sur lesquelles elles brilloient, puis que le nombre de ses lettres qui sont Iod, vav, Zain, & qui assemblées font יוז javan c’est à dire GRECE, rendent mesme nombre que celles de charab comme on peut voir icy. [Image à insérer]

Suivant ces principes chascun pourra voir en l’assemblage des estoilles de la mesme constellation, les malheurs dont l’Italie est menacée, & quoy qu’il en soit, Jonctin prestre Italien, tres-sçavant Astrologue, n’a pas eu crainte d’en advancer ces mots: Illud vero, dit-il, parlant de ce chef de Meduse, Toleto nunc, Apuliæ, & Neapolitanorum regno est verticale, moxque Italian invadet : quibus suam quoque cladem allaturum esse maximopere est verendum. Or combien de temps auparavant ces lettres Celestes monstrent les changemens qui doivent arriver, aucun Autheur que je sçache ne l’a precisément definy, seulement disent ils qu’auparavant qu’elles soient verticales monstrent ce changement, & tout ce qui le doit suivre, Dieu le voulant ainsi pour nous preparer aux malheurs qui nous doivent assaillir; & puis quand elles sont tout à fait verticales, si nostre repentir trouve quelque place en sa misericorde, il fait naistre quelque nouveau astre pour monstrer, comme nous avons dit, toute autre chose qu’auparavant.

10. En cinquiesme lieu, les Autheurs susnommez asseurent que pour entendre avec perfection ceste Escriture celeste, il faut diligemment sçavoir distinguer, toutes les Estoilles qui sont Orientales, Occidentales, Meridionales, & Septentrionales, puis que ces parties sont essentielles en ceste lecture : car si on veut sçavoir, & cognoistre, disent-ils, les biens & les prosperitez d’un Royaume, ou de quelque autre chose, il faut lire les lettres qui luy sont verticales, ou qui n’en sont pas loin, de l’Occident à l’Orient; & si c’est les malheurs, & les infortunes qu’on desire sçavoir, il faut commencer à lire du Septentrion à l’Occident. Or pourquoy les mal-heurs se lisent plustost de l’Occident à l’Orient que de l’Orient au Midy, & pourquoy les malheurs se lisent pareillement du Septentrion à l’Occident, je n’en ay iamais sceu trouver aucune raison. Je mets ces conjectures à l’adventure que puis que la Nature estant libre & non violentée se porte tousjours au meilleur, & que mesme, dit Aristote, elle produiroit tousjours des masles, comme plus parfaicts que les femelles, si elle n’estoit empeschee par quelque cause repugnante, il est tres convenable de lire les biens & les perfections de l’Occident à l’Orient, puis que ce mouvement est le libre, & le naturel des Estoilles ; l’autre au rebours luy estant repugnant & contraire. Pour les malheurs on les pourroit lire par ce principe de l’Orient à l’Occident, si l’Oracle qui ne peut mentir, n’eust advancé ceste verité merveilleuse : à Septentrione pandetur malum, que tous les mal-heurs viennent du Septentrion: mais pourquoy du Septentrion plustost que d’un autre endroit du monde, la cause en est encore bien cachée : toutefois j’estime que c’est en bonne Philosophie, à raison des tenebres & de l’air obscurci de ces lieux, le Soleil en estant fort esloigné, & les Demons causes de tant de mal, habitant les tenebres, on peut dire à bon droit que les mal-heurs viennent du Septentrion rempli de cès Esprits malings, au rapport des Histoires. Et d’icy je n’ay plus de peine à comprendre pourquoy les Anciens ont figuré à ces parties Septentrionales du Ciel, un Serpent ou Dragon, tout auprez de deux Ourses, puis que ces Animaux sont les vrais Hieroglyphes de Tyrannie, de saccagement, & de toute sorte d’oppression : & de fait parcourez les Annales, & vous verrez que tous les plus grandes desolations qui ont jamais arrivé, sont venues des parties du Septentrion: les Assyriens ou Chaldeens animez par Nabuchodonosor, & Salmanasar ont assez faict voir; ceste verité à l’embrazement d’une ville, & d’un Temple le plus sumptueux & le plus sainct de l’univers, & à l’entiere ruyne d’un peuple dont Dieu mesme en avoit pris une singuliere protection, & s’en disoit particulierement Pere : Et l’autre Jerusalem l’heureuse Rome, n’a-t’elle pas encore souvent esprouvé les furies de ceste maudite race du Septentrion, lors que par la cruauté d’Alaric, Genseric, Totyla, & le reste des Princes Gots, Huns, Vandales, & Alains, elle a veu ses Autels renversez, & les sommets de ses superbes edifices esgalez au niveau des chardons, & ses habitans consommez par le feu, & le fer ? ainsi ceste nation n’a pas mesme espargné les deux Espouses du Dieu vivant, & tourmente encore la derniere par la tyrannie des Ottomans sortis du Septentrion. Tres bien doncques dans les secrets de cette Escriture céleste on lit du costé d’Aquillon les malheurs & les infortunes, puis que à Septentrione pandetur omne malum; Ou bien on pourroit dire qu’on lit de ce costé, puis que le verbe תפתח tipatach qui marque dans la traduction de ceste Prophetie Pandetur, signifie aussi dans l’original Depingetur, de façon qu’on pourroit ainsi traduire la mesme Prophetie : Les malheurs seront descrits du costé du Septrion; Si dépeints, doncques leus de ce mesme costé.

Or ceste escriture celeste ne rapporte pas souvent tout au long ce qui doit arriver, mais compendieusement, & par abreviation, comme celle cy qui fit entendre à Baltazar, par la bouche de Daniel, la desolation de son Royaume: MANE, THECEL, PHARES. Et comme il n’appartint qu’à Daniel qui estoit juste devant Dieu, de l’interpreter, de mesme disent les Hebreux, il n’appartient qu’aux gens de bien, & non pas à toutes sorte de personnes d’interpreter celle qu’on voit au Ciel, qui est le plus souvent obscure & difficile, estant tres-necessaire pour l’interpreter parfaictement de sçavoir la GEMATRIE, NOTARICON & TEMURAH, qui sont les trois parties de la Cabale, dont la premiere, le mot de laquelle גמטריא Gematria, est corrompu du Grec γεωμετρία, ou bien cestui-cy de l’autre, considere les nombres qui sont contenus és lettres, & les conferant avec d’autres semblables, resulte l’explication de ce qui estoit obscur ; comme lors qu’il est dit dans la Genese Genes 49. 10. de la venuë du Messie יבא שילה Iavo Schilo Schilo viendra, ces lettres Hebraïques rendent en nombre 358. qui est le mesme nombre des lettres du Messie משיח Maschich, à raison dequoy le prophete disant: Donec venerit Schilo, c’est autant comme s’il eust dit: Donec venerit Meßias. La seconde partie est, lors que les lettres d’un mot representent chascune des mots touts entiers, comme en ceste devise des Romains, S.P.Q.R., Senatus Populusque Romanus, & en ce nom Hebreu de l’homme אדם Adam, dont la premiere signifie אפר epher, poudre : la deuxiesme, דם dam le sang ; la troisiesme מרה marah Amertume, comme si l’homme n’estoit rien qu’amertume, & douleur, que sang de corruption & de vice, & apres tout, que poudre, & que cendre. La troisiesme & derniere partie, (dont le nom Notaricon est pareillement pris du Latin Notarius, ou bien cestui-cy de l’Hebreu נתר Natar, transferer mot qui convient fort bien à l’art d’Anagrammatifer,) est lors qu’un ou deux mots s’unissent ensemble, ou se lisent à rebours, ou autrement à la façon des Anagrammes, ou bien se divisent en plusieurs autres par la transmutation des lettres, comme lors que Dieu dit aux Enfans d’Israel ילך מלאכי לפניך Ielec Malachi lephanecha: Mon Ange marchera devant vous. Surquoy on demande qui estoit cét Ange? & on respond que c’estoit Michael, à cause que les lettres du mot מלאכי Malachi transposées le portent. Voyez plusieurs de ces exemples dans nostre Advis sur les langues, & dans nostre Apologie pour la Cabale, dont le tiltre est Abdita divinæ Cabalæ mysteria contra Sophistarum Logomachiam defensa.

11. Descouvrons maintenant suivant ces regles quelques secrets de ceste Escriturc celeste advancez par R. Kapol, Chomer, & Abiudan qui sont les trois qui en ont davantage parlé. Nous avons dit pourquoy les Estoilles de la teste d’Algol estant verticales à la Grece, avoient monstré la desolation. Le mesme en est il des autres estoilles verticales au reste des Royaumes, quoy que rengées & entenduës autrement. Ainsi un peu auparavant que le Temple de Jerusalem fut bruslé, & entierement consommé par Nabuzardam, on veit que les unze Estoilles qui luy estoient plus verticales composerent quelque temps ces cinq lettres,

lesquelles joinctes composoient ce verbe, à le lire du Septentrion à l’Occident Hicschich, qui signifie, Rejetter & delaisser sans aucune mercy ; & le nombre des trois ensemble est 423 qui est le temps que cet admirable Edifice dura. Pareillement un peu devant que les Juifs vissent leur Sceptre abbatu, & leur liberté captive en Babilone, cinq estoilles composerent un assez long-temps ces trois mystiques lettres Nataq, mot qui marque ces autres; Rompre Abbatre, & Exterminer, & leur nombre qui est 505. deffinit parfaictement la durée du Royaume des Hebreux, depuis Saül jusques au deplorable Sedecias. Or le peuple Juif n’a pas esté seul qui a esté adverty par ceste Escriture celeste de tous les malheurs qu’on a veu naistre; tous les autres peuples du Monde, disent les susdits Autheurs, ont peu lire de mesme les changemens qui leur sont arrivez.

Ainsi les Persans ou Assiriens qui avoient renversé tant d’autres Monarchies des Juifs, virent la leur finie, apres que quatre Estoilles verticales eurent composé ces trois lettres Rob qui rendent en nombre 208. conformément au nombre des ans de ceste Monarchie, establie par Cyrus.

La fin de celle des Grecs fut semblablement monstrée par quatre Estoilles qui composerent le verbe Parad, qui signifie Diviser; mais avec ceste merveille, que les mesmes lettres portent le nombre des ans que ceste Monarchie dura, dont le commencement, fut lors qu’Alexandre le Grand subjugua le dernier Darius.

Celle des Atheniens ne dura que 490 ans, qui est le nombre de ces trois lettres que quatre estoilles composerent sur ce Royaume Tsarar, qui veut dire angustiis affici. Avec ces quatre Estoilles, dit Chomer, on en voyoit encores quatre autres qui composoient deux ככ Caph, je ne sçay pourquoy dit-il, ou ce seroit que ces lettres sont fatales & lugubres. J’adjouste que paraventure elles monstroient ces deux noms Cecrops & Codrus, qui sont les deux Roys soubs lesquels ce puissant Royaume commença, & prit fin.

Le Consulat Romain, ne peut estendre son pouvoir au delà de cinq cens ans, parce que c’estoit là son terme, & sa fin, escrite dans ce livre Celeste par huict Estoilles verticales qui composoient ce mot Raasch, qui porte ce sens & ce nombre cacumen 501.

La Monarchie de Jules Cæsar, qui s’estoit fondee par l’oppression du Consulat, comme le Consulat par celle des Roys, fut presque de mesme duree, & dont la fin fut pareillement escrite dans le Ciel par six Estoilles rengees en ces lettres Shavar qui signifient rompre, & dont ce nombre en est tiré 502.

Mais pour dire quelque chose de l’advenir, R. Chomer asseure qu’il y a desja quelque temps que ceste Escriture celeste monstre le declin de deux grands Empires de l’Orient. Le premier est celuy du Turc, sur lequel on void sept Estoilles verticales, lesquelles leuës de l’Occident à l’Orient (car ce sera un bon-heur que ce Royaume perisse) composent ces lettres caah, qui signifient estre battu, foible, malade, & tirant à la fin. Mais comme on pourroit douter à quel temps ce Royaume sera en ceste extermité, ces mesmes lettres le monstrent sans Enigme : car celle du milieu qui est Aleph[1] ayant ses estoilles plus brillantes que les autres, monstre, dit Chomer , que son nombre est plus grand, de façon qu’elle toute seule rendant 1000, & la premiere 20, & la derniere 5. font en tout 1025. Par ainsi quand ce Royaume aura accompli 1025. ans, il sera pour lors abbatu, & destruit. Or à conter de l’an 630. (qui fut l’an, suivant nostre supputation vulgaire, auquel il jetta ses fondements) nous trouverons qu’il doit dans les encore durer jusques en l’an de la mesme supputation 1655, pour accomplir le susdit nombre 1025. & contant de ceste annee 1629. ce Royaume ne devroit plus durer que vingt-six ans.

L’autre Royaume de l’Orient dont le declin est monstre par les Estoilles, au rapport de R. Chomer, est celuy de la Chine : Mais cét Hebreu deduit ceste derniere Escriture avec tant d’obscurité, que si je ne la comprends mieux, je ne sçaurois la rapporter. Il en advance encore plusieurs autres qui definissent, la durée particulierement de plusieurs Royaumes de nostre Europe, que nous pourrons faire voir, apres que nous aurons veu le jugement qu’on fera de ces Curiositez.

Or pour dire franchement mon sentiment touchant cette Escriture celeste, il faut que j’advance les difficultez que j’y ay trouvé autresfois. La premiere, que s’il estoit veritable que ceste Escriture fit sçavoir tous les grands changemens, elle annonceroit pareillement la fin du monde, comme le plus grand, & le plus important de tous, de façon que les hommes le pourroient naturellement sçavoir, ce qui est contre l’Escriture saincte. La deuxiesme, que les Astrologues n’ont pas laissé de predire avec verité plusieurs de ces changements, sans toutesfois qu’ils ayent jamais entendu ceste Escriture, doncques vaine, & imaginaire. La troisiesme, que la disposition des Estoilles n’est point si essentielle à la figure de la lettre qu’on luy donne, qu’une mesme estoille ne puisse aussi bien composer, par exemple, un Resch, qu’un Daleth, & ainsi de tous les autres, & par consequent chacun se formant divers caracteres, on pourra tirer un sens tout contraire à celuy qu’un autre aura trouvé. Mais en toutes ces difficultez, on peut respondre en ceste façon. A la premiere, qu’il ne s’ensuit pas qu’il faille, que ceste Escriture celeste monstre la fin du monde, parce que Dieu peut avoir reservé ce secret : ou bien qu’elle le monstrera veritablement lors que les autres signes couchez dans les Evangelistes, Math. 24. 29.Marc 13. 24.Luc 21. 25.Card. 1. Asphorismorum. l’annonceront, n’y ayant pas plus de repugnance de dire que les Estoilles le monstreront par quelque escriture, que le Soleil & la Lune par quelque obscurcissement. A la deuxiesme, que les quatre causes qui produisent, selon les Astrologues, les plus grands changemens, dont la premiere est le changement des appogées, & perigees des planettes: la seconde, le mesme changement de l’exentricite du Soleil, de Venus, de Mercure, de Saturne, de Jupiter, & de Mars : la troisiesme, la diverse figure de l’obliquité du Zodiaque : & la quatriesme, la conjonction, principalement la plus grande des Superieurs Planettes; que toutes ces quatre causes, dis-je, peuvent estre le plus souvent comprises dans ceste Escriture celeste: c’est à dire qu’il est arrivé assez souvent, qu’au temps que ceste Escriture celeste monstroit quelque changement, il y avoit conjonction des planettes superieurs, ou bien une des autres trois susdites causes; de façon que n’entendant point ceste mesme escriture ils rapportoient les changemens qu’ils voyoient arriver à ces quatre raisons : Mais pour cognoistre clairement comme elles n’ont pas tousjours esté veritables, il ne faut que suivre les Chronologies, & les Annales particulieres de chasque Royaume, & les adapter avec l’Astrologie, & on verra que la pluspart de tous les grands changemens sont arrivez sans qu’il y eust ny conjonction des grandes Planettes, ny rien de ce que dessus : par ainsi il faut recourir à quelque autre moyen plus asseuré, par lequel nous puissions cognoistre par l’aspect & mouvement des Astres, tous ces evenemens: Or ce moyen ne peut estre, ce semble, que ceste Escriture celeste. A la troisiesme difficulté, qui semble la plus forte, on peut encore respondre, que voirement on peut former un Resch à la mesme Estoille, sur laquelle un autre aura formé un Daleth ; Mais en cecy comme en plusieurs autres choses, il faut suivre la tradition, & s’arretter à ce que les Anciens ont ordonné, autrement il n’y auroit rien de certain dans tout le reste des scienccs, & principalement dans l’Astrologie, laquelle veut que les Estoiles qui composent par exemple la Constellation du Belier, soient depeintes plustost en figure de cet animal, que non pas en celle d’un Bœuf, ou d’un Cheval, & ainsi de tous les autres : de façon que tout ainsi que celuy qui voudroit depeindre dans les Estoilles du Belier un Taureau, & dans celles du Taureau un Belier, destroiroit les principes d’Astrologie, quoy que celle du Taureau souffriroit aussi bien la figure du Belier, que celle du Taureau: de mesme celuy qui voudroit composer sur une Estoille un Resch, au lieu d’un Daleth, quoy qu’il le peut, il s’escarteroit des principes de ceste Escriture celeste. Que si on demande à qui appartient-il de juger d’une infinité de nouvelles lettres qui se font tous les jours par le divers aspect des Planette? On respond que c’est à ceux qui sont pieusement versez à ceste escriture, & non pas à tous indifferemment, comme nous avons dit. Par ainsi je suspends encore mon jugement, tant sur ces Curiositez que sur toutes les autres advancees dans ce livre, jusques à tant que j’aye trouvé des raisons ou plus foibles, ou plus puissantes.


  1. Le mesme Aleph, qui marque 1. dans les nombres, marque aussi 1000. & ainsi des autres qu’on peut voir dans les Grammaires.
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