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Danaë ou Le malheur

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Danaë

ou

Le malheur
1895


A Ferdinand Herold







Ce jour-là, il faisait beau.

La tristesse laissée par le conte de la veille s’évanouit avec la brume ; les femmes coururent dans les bois ; il y eut sur le chemin de grands éclats de rire.

L’exubérance de ce printemps faisait plier les branches des arbres et déborder les prairies le long des sentiers étroits. Les larges fleurs frôlées en passant laissaient des traces jaunes au bas des tuniques. Une mer de violettes baignait le pied des cèdres : les promeneuses s’y couchèrent en rond.

Et comme l’heure était venue de peupler cette forêt déserte de personnages fabuleux, Rhéa, jeune fille sans détours, pour qui les mots n’avaient pas de sens profond, crut exprimer le désir de toutes en demandant à Thrasès « un conte sur le bonheur ».

« Oui, oui », s’écria Lampito.

Mais Amaryllis s’élança :

« Non ! oh non ! pas cela, surtout ! Il ne faut pas parler du bonheur. Celui qui parle de sa joie l’abandonne mot par mot. Celui qui parle de la joie des autres augmente son propre chagrin. C’est un conte sur le malheur, que je vous conterai aujourd’hui. Le malheur ne sème que la pitié, qui est douce et bienfaisante. Dans le malheur de Danaë chacune de vous reconnaîtra le sien, et vous vous sentirez heureuses au souvenir des chagrins perdus ».

Tous, sans répondre, firent cercle autour d’elle, et elle continua ainsi :