De Figuris veneris ou les Multiples visages de l’amour/4

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Editions du chat qui pelote (p. 75-90).

IV

DE LA MASTURBATION

Où l’on verra que la jouissance n’est pas un rêve car la main
peut y atteindre.

Masturber, c’est frotter la mentule avec la main jusqu’à ce que le sperme jaillisse. Ce mot est une corruption de l’expression manu stuprare (souiller de la main).

On peut se masturber soi-même ou avoir recours à la main d’autrui. Dans le premier cas, on fait généralement usage de la main gauche. De là l’expression « courtisane de gauche », employée par Martial.

« Parce que tu ne baises jamais, Ponticus, mais que tu as comme putain ta main gauche, qui sert complaisamment à tes lubricités, tu es d’avis que cela n’a aucune importance. C’est un crime, crois-moi, un crime abominable, tel que tu ne peux en concevoir l’énormité. Pour avoir baisé un coup, Horace a donné naissance à trois enfants ; d’un seul coup aussi Mars a rendu la pudique Ilia mère de deux enfants. C’en était fait de toute cette génération, si chacun de ces hommes, se masturbant, eût demandé à ses mains de sales jouissances. Crois-en la nature elle-même qui te dit : ce que tu gaspilles avec tes doigts, Ponticus, c’est un homme. »

Et dans le même sens une autre épigramme :

« Tu me jures toujours, Lygdas, que tu vas te rendre à mon appel : tu fixes l’heure, l’endroit. Et lorsque, en pleine érection, j’ai langui dans une longue et vaine attente, ma main gauche vient à mon secours et te remplace. »

De même ce passage du sixième livre de Ramusius :

« Que fais-tu ? ta main gauche est-elle saine et valide ? Sers-t-en donc, tu n’as pas besoin d’autre putain. Ne va pas acheter ce que pour rien ta main gauche peut te procurer. »

Cependant certaines personnes se servaient de la main droite ; témoin Ramusius de Rimini :

« Je suis oppressé, Donat, par l’érection au point que, si tu ne viens pas à mon secours, ma mentule va choir. Je ne peux m’administrer le remède avec ma main droite, elle est blessée. Je n’ai pas d’argent, je n’ai pas de bel Hylas, pas de cunnus à ma disposition, aucun moyen de baiser. Pour me conserver la vie, apaise Vénus, tu le peux pour un as. »

De même Pacificus Maximus dit dans une élégie :

« Que faire maintenant ? Je suis brisé par une longue érection, et j’emplirais trois ou quatre fois de grosses outres. Depuis déjà longtemps ma mentule n’a connu de cunnus, depuis longtemps elle n’a pas fouillé les entrailles d’un garçon. Elle bande le jour, elle bande la nuit, et jamais ne pend ; sa tête jour et nuit est roide. Nul garçon, nulle jeune fille n’entend mes prières, personne ne vient à mon secours ; ma main droite, une fois de plus, va remplir l’office accoutumé. »

Nous avons vu tout à l’heure avec quelle sévérité Martial gourmande le masturbateur Ponticus pour gaspiller un homme avec ses doigts : et pourtant ce même censeur n’hésitait pas à employer l’office de sa main lorsque l’érection le brisait :

« À défaut de Ganymède, dit-il ma main vient à mon secours. »

« À ton défaut, j’ai souvent recours à ma main gauche. »

Et l’homme sévère ne songe pas à se lamenter lorsqu’il donne des instruction au cinède Télesphore, en ces termes :

« Quand tu vois que j’ai envie de toi, Télesphore, quand tu sens que je bande, tu manifestes des exigences ; tu supposes que je ne saurais rien te refuser. Et si je ne te promets pas par serment de te contenter, tu me dérobes ces fesses qui te donnent tant d’empire sur moi. Que deviendrais-je, si l’esclave qui me rase me réclamait sa liberté et une fortune, en tenant le rasoir sur ma gorge ? Je promettrais, car ce ne serait plus alors au barbier, mais à un voleur, que j’aurais à faire. La peur est un grand tyran. Mais lorsque le rasoir serait rentré dans son étui, je romprais bras et jambes au barbier. À toi pourtant je ne ferai rien, mais lorsque j’aurai lavé ma main gauche, ma mentule dira à ton insatiable avarice de lécher. »

Il voulait dire : « Ma main gauche viendra au secours de ma mentule en travail ; et dès que, la besogne terminée, ma main sera humide du flot de sperme. »

Notre censeur ne se laissait pas moins surprendre par sa femme avec un garçon. Et quand il avait envie de Thélésina il disait : « Thélésina se donne à des garçons, j’en veux alors. » Il n’enjoignait aussi pas moins à je ne sais qui de se servir du culus de Galésus comme de la partie qui lui revenait :

« La nature a destiné les mâles à deux fins : ils sont créés partie pour les filles, partie pour les hommes ; sers-toi de la partie qui te revient. »

Or la semence que le pédicon gaspille dans le culus est-elle moins de la substance d’homme que celle que le masturbateur gaspille avec ses doigts ?

Comme la mentule se roidit tout naturellement à la seule présence d’une jolie femme nue, le prurit demande souvent alors et impérieusement à être soulagé : car « l’homme en érection n’est pas du tout sage. » Voilà pourquoi, après avoir rejeté les lourds vêtements de sa bonne amie, « invité à commettre un adultère en cachette, haletant d’impatience, il tire son prépuce, » dit Juvénal ; Martial nous dit aussi :

« Les esclaves phrygiens se masturbaient derrière la porte, chaque fois que l’épouse montait à cheval sur son Hector. »

Ce n’était point par libertinage, mais par pudeur que se faisaient recouvrir le prépuce ceux qui, abandonnant la nationalité juive pour se mêler aux autres peuples, supportaient avec peine de passer pour circoncis et de s’entendre traités de mutilés : ils s’appliquaient alors à recouvrir leur gland dénudé ; en somme « ils se refaisaient des prépuces. »

Et Celse, dans son ouvrage « Sur la médecine » :

« Ceux qui ont le gland découvert et qui, par bienséance, veulent le recouvrir, peuvent le faire ; mais plus facilement l’enfant que l’adulte, plus encore celui chez qui cette conformation est naturelle que celui qui fut circoncis, conformément à l’usage de certaines nations. »

Après avoir exposé le traitement convenant à ceux chez qui la conformation est naturelle, Celse continue ainsi :

« Quant à celui qui fut circoncis, il faut détacher la peau de l’intérieur de la tige au-dessous de la couronne du gland. Cette opération n’est pas très douloureuse, parce que le sommet du prépuce étant détaché, on peut avec la main le ramener jusqu’au pubis sans effusion de sang. La peau ainsi détachée est alors étendue de nouveau jusqu’au-delà du gland ; puis on laisse tremper la verge dans une grande quantité d’eau froide, on l’entoure d’un emplâtre suffisant pour combattre l’inflammation. Dès que celle-ci a disparu, on lie la verge au pubis à la couronne, en ramenant la peau au-dessus du gland, duquel on la sépare par un nouvel emplâtre. Ainsi se fait-il que les parties d’en bas se cicatrisent, tandis que en haut la guérison s’opère sans produire d’adhérence.

Ce passage nous laisse comprendre que, à l’époque de Celse, la coutume n’existait pas encore de dénuder la tête du pénis, comme on le fit peu de temps après chez les Juifs. Suivant Buxtorf, « Dictionnaire Talmudique, » une fois le prépuce enlevé, ce qui restait de peau était saisi entre les ongles effilés du pouce de l’opérateur et tiré violemment en arrière. Si cette pratique avait été en usage, il eût été inutile de prescrire de détacher la peau du tronc avec le scalpel. On croit donc que les Juifs étaient appelés recutiti parce que la peau du pénis était ainsi ramenée en arrière, faute de quoi la circoncision eût été réputée incomplète. Mais Celse s’y oppose.

Du reste, on goûtait beaucoup à cette époque certaines danses lascives, en particulier celles des jeunes Gaditanes, originaires de Cadix parce qu’elles incitaient à la masturbation et que les membres ridés des vieillards eux-mêmes s’émouvaient, comme nous l’avons souvent lu ; dans Martial et Juvenal.

« Habile à prendre les poses lascives au son des castagnettes de la Bétique, à imiter la souplesse des danseuses de Cadix, Téléthusa mettrait en érection le tremblant Pélias, et réveillerait les sens du mari d’Hécube jusqu’auprès du bûcher d’Hector. »

« Tu espères sans doute que la danseuse Gaditane va commencer à te mettre en rut au rythme de sa voix et que, encouragées par les applaudissements, des jeunes filles vont incliner jusqu’à terre leurs fesses trémoussées, puissant aiguillon pour Vénus défaillante. »

Il convient d’ajouter ici quelques détails : agiter par soubresauts les fesses et les cuisses se dit en latin crissare. Les femmes exécutent ces mouvements soit dans le coït, pour augmenter le frottement et par conséquent le plaisir, soit dans la danse, en vue d’exciter les désirs des spectateurs. Les jeunes Gaditanes jouissaient, à cet égard, d’une grande réputation ; Martial le dit, à plusieurs reprises :

« Et des jeunes filles venues de Cadix la dépravée, en proie à un rut sans fin, ne secoueront pas d’un souple trémoussement leurs reins lascifs. »

« Elle a des mouvements si lubriques, elle est si lascive et si voluptueuse qu’elle eût fait se masturber Hippolyte lui-même. »

Elles avaient ce talent, la Quintia et la Telethusa des « Priapées » :

« Célèbre au grand cirque, faisant les délices du peuple, Quintia est experte à mouvoir ses fesses vibrantes. »

« Quand donc Téléthusa la bateleuse qui, dépouillée de tout vêtement, remue les fesses plus à propos et les élève plus haut qu’un désossé, tortillera-t-elle pour toi ses reins roulants ? si bien qu’elle émouvrait non seulement toi, Priape, mais encore le beau-fils de Phèdre. »

En effet, elle paraît comme désossée, la jeune fille qui, les fesses et les hanches soulevées, apprend à rouler lascivement ses reins tortillants ? Apulée et Lucrèce emploient souvent cette expression :

« Et bientôt la jeunesse, à force de danser dans les comédies, devient sans énergie et totalement désossée. »

« Voici qu’un garçon se lève, célèbre pour sa souplesse ; et en des flexions tortueuses il développe une danse efféminée et désossée. »

« Et de toute la force de sa poitrine désossée elle aspire le flot. »

Au reste ce n’est pas seulement devant une belle femme nue que le membre se met en érection ; il suffit aussi souvent des suggestions de la pensée, et surtout pendant la nuit (qui l’ignore ?) pour aller jusqu’à produire une agréable décharge de sperme. Priape lui-même s’est laissé surprendre à éjaculer ainsi :

« Parce que vous apercevez de l’humidité sur la partie de mon individu à laquelle je dois mon appellation de Priape, n’allez pas croire que ce soit de la rosée, non plus de la neige ; c’est que de lui-même mon membre a coutume de se soulager, lorsqu’en mon esprit vient le souvenir d’une jeune fille qui m’a servi de patiente. »

Diogène le Cynique a acquis une certaine renommée pour s’être masturbé. On rapporte qu’il disait, en se frottant avec ardeur les parties en public : Puissé-je de même façon me frictionner le ventre quand il crie la faim ! »

Lorsque le masturbé a recours à une main étrangère, il peut se faire que non seulement lui-même jouisse, mais aussi l’opérateur.

En vérité cela fait partie de l’art des courtisanes, de se servir des doigts pour provoquer un membre languissant. Or cette langueur peut avoir pour cause le grand âge de la femme, nous explique Martial :

« Tu ordonnes, Lesbie, que mon membre soit toujours roide pour toi ; mais, crois-moi, la mentule n’est pas aussi facile à tendre que le doigt. Tu as beau la presser de tes doigts en prononçant de douces paroles ; ta face dure produit un effet contraire à celui que tu recherches. »

Et ailleurs : « Quand ta vieille main se met à manier mon membre languissant, tes doigts, Phyllis, assurent sa mort. »

Cette langueur peut être aussi causée par le grand âge de l’homme, toujours selon Martial :

« Mévius, tu ne bandes plus qu’en rêve, et ta verge n’éjacule plus que jusqu’à tes pieds ; tes doigts se lassent à secouer ta mentule en guenilles qui, sollicitée en vain, ne relève plus qu’une tête flétrie. »

De même en était-il de la mentule de Bassus ; habitué à se rompre les flancs sur de jeunes chevelus, il rapportait au lit conjugal un engin languissant, que les doigts de l’épouse travaillaient à éveiller ;

« Tu te romps les flancs, dit encore Martial, Bassus,


mais sur de jeunes chevelus que tu t’es procurés avec la dot de ta femme. Et voilà pourquoi tu rapportes à ta femme une mentule glacée, que ces luttes lascives et coûteuses ont épuisée ; alors ni les tendres paroles, ni les douces étreintes des doigts ne parviennent à roidir. »

Aristophane, est du même avis :

« Je le nourrirai, je lui donnerai tout ce qui convient à un vieillard, une courtisane qui lui frotta les reins et la verge. »

« Cette corde est usée, mais elle aime encore assez qu’on la frotte. »

Il est aussi des hommes, dans la fraîcheur de l’âge, encore fort aptes à contenter les jeunes filles, et auxquels il ne déplaît pas d’avoir de bonnes amies dont les mains ne restent pas inoccupées au lit. Ils aiment que leurs doigts sachent ce qu’ils ont à faire dans ces parties où en cachette l’amour enfonce ses flèches. Martial se plaignait que sa femme, grave à se faire détester, ne voulût pas s’acquitter de cet office :

« Tu ne daignes pas faire un mouvement ni m’aider d’un mot ou d’une main complaisante. On dirait que tu prépares l’encens et le vin du sacrifice. »

Pénélope rendait bien ce service à Ulysse :

« Et même quand Ulysse ronflait, la pudique Pénélope ne manquait jamais d’y avoir la main. »

Ainsi faisait également, avec Ovide, mais en vain, sa maîtresse, dans cette malheureuse nuit où la plus chétive partie de lui-même, suivant son expression, resta comme frappée de mort par une divinité hostile, et où la jeune fille, pour que ses servantes ne soupçonnassent pas qu’elle n’avait pas été touchée, dissimula cet affront en se plongeant dans l’eau ;

« La jeune fille ne dédaigna même pas d’exciter ma mentule d’attouchements délicats. »

Et Juvénal avait sous les yeux un exemple de cette puissance des doigts dans l’amour, lorsqu’il écrivait :

« Eh quoi, une parole douce ne parvient pas à faire relever l’engin ? N’a-t-elle donc pas des doigts ? »

L’auteur d’une Priapée, n’ignorait pas davantage l’efficacité du procédé :

« Elle n’est pas assez longue, ma mentule, elle n’est pas bien grosse, mais si tu la manies, tu verras qu’elle peut grossir. »

Janus Dousa était également au courant, lui dont Scioppius dit, avec une grande pénétration, à l’occasion de cette même Priapée :

« Dousa, commentant Pétrone, nous apprend, avec sa science familière, que cet objet grossit et s’allonge quand une masseuse y touche. »

Voilà qui nous fait comprendre pourquoi chez les anciens, on avait une si grande considération pour les masseurs et les masseuses chargés de malaxer, non sans art, les articulations, de pétrir doucement et d’allonger peu à peu les doigts, de caresser enfin tous les membres d’une main délicate que l’usage de gants préservait des atteintes du soleil ; Sénèque, le philosophe, s’exprime ainsi :

« Ferai-je mieux de confier mes articulations à assouplir à mes exolètes ? dois-je confier à une petite femme, ou à un homme dévirilisé, mes doigts à détirer ? Pourquoi n’estimerais-je pas plus heureux Mucius, qui mania le feu comme un masseur auquel il tendrait la main pour donner ses soins ? »

Martial, naturellement pense de même :

« Une masseuse parcourt tout le corps avec son habileté légère, elle promène sa main savante sur chacun des membres. »

Jean de Salisbury, dans son Policraticus dit, d’après quelque auteur ancien, Cléarque peut-être, de l’avis de Juste Lipse :

« Lorsque le luxe d’un riche débauché l’entraîne vers la dépravation, il confie, pendant qu’il est couché, ses pieds à un jeune garçon aux cheveux bien frisés, lequel, devant tout le monde, les lui masse ainsi que les jambes, pour n’en pas dire davantage. Ce dernier porte toujours les mains serrées comme en de véritables gaînes, afin de les garer des atteintes du soleil et de les assouplir à l’usage des riches. Puis la licence croissant peu à peu, l’opérateur parcourt le corps tout entier d’attouchements impudiques, provoque l’érection par ses grattements et allume les feux de l’amour chez les engourdis. »

Il est amusant de rapporter ici cette figure du baiser pour l’exécution de laquelle un homme a recours à la main officieuse d’une seconde femme experte dans le métier, pour lui presser doucement les testicules et lui caresser délicatement les fesses ; rien, assure-t-on, n’est plus voluptueux, rien n’est plus agréable. Ainsi firent l’amour Octavie et Robert, avec le concours de Manilia ; l’inépuisable génie d’Aloïsia nous a décrit cette scène avec une richesse, une variété de style, une abondance oratoire dignes d’admiration. C’est Octavie qui parle :

« Manilia me conduisit ensuite au combat, me déshabilla et nue me coucha dans le lit. Robert y saute : « Me voilà, sois à moi, dit-il en m’embrassant, mon souverain bien, mon tout. Monté sur ton char, Octavie, à travers ce chemin ténébreux (il me pinçait le pubis) j’irai à la gloire ». Il promenait ses mains sur mon ventre, mes jambes, mes seins, passant une inspection minutieuse. Enfin le nerf du garçon s’enfla : « Sois-moi complaisante, dit-il, ô mon amour. » Il me donna un baiser. « Je te serai complaisante, répondis-je, tout ce que tu désireras de moi, tu l’auras. — Ô que de frivolités, s’écrie Manilia en accourant, il faut agir, non parler. Je veux vous apporter mon concours, à l’un et à l’autre, et grâce à mon aide j’ajouterai à votre volupté de nouvelles jouissances. Tu bandes superbement, Robert, allons étends-toi sur le corps de neige d’Octavie, et développe tes ardeurs. » À peine Manilia a-t-elle parlé que Robert s’élance ; de son bélier il me frappe le ventre. Mais comme son membre s’égare et se dérobe, Manilia avance une main officieuse et le saisit. « Viens, fuyarde, dit-elle, viens dans le domaine de Vénus, qui sera ta prison ; c’est là que t’appelle la besogne que tu dois à ta maîtresse. » Alors, la main appliquée sur les reins du jeune homme, elle pousse ; en un instant je le dévore, je l’absorbe, pour roide qu’il soit. Manilia m’interdit tout mouvement. « Soulève ta jambe gauche, Octavie, me dit-elle, allonge l’autre. » Je lui obéis. « Et toi, Robert, secoue tes amours de mouvements doux et prolongés. Quant à toi, Octavie, embrasse-le, mais sans remuer. » Ainsi fîmes-nous. « Lorsque l’un et l’autre, ajouta-t-elle, vous sentirez sortir de la veine en prurit l’écume prurigineuse et salée, toi, Octavie, tu pousseras un soupir ; toi, Robert, tu mordilleras doucement Octavie. » Mon partenaire donne alors des secousses sur un rythme énergique, mais lent et doux. Je resserre mon étreinte, je l’embrasse, mais sans bouger. Je sens que j’éjacule, je pousse un soupir. « Allons, Robert, reprend la savante directrice du combat, allons, seconde Octavie, seconde-la. Travaille des reins avec ardeur et rapidité. » Il presse, il besogne. Bientôt il tâte mon cou des dents ; il me pince la peau, je pousse un gémissement. « Allons, allons, répète Manilia, aide Robert d’une secousse nerveuse, soulève les reins, secoue leste. C’est bien, mon enfant. Je ne crois pas que Laïs ait développé, pour l’enchantement de ses amants, plus de souplesse. » L’aimable enfant commence à éjaculer, et je sens les flots brûlants de l’amour allumer en moi l’incendie. Je n’épargnai ni mes flancs ni mon souffle. Jamais je n’allai d’une course plus rapide vers la borne de la volupté. D’une main Manilia me caressait les fesses, de l’autre celles de Robert. En même temps elle serrait du bout des doigts mes lèvres qu’elle avait saisies, et par une douce pression elle trayait les testicules de mon partenaire couché sur moi. L’enfant tomba en défaillance, et la nourrice se retira en applaudissant : la pièce était jouée. »

Cléopâtre maniait d’une main douce les parties de Jules César et de Marc Antoine ; Livie gratifiait de la même complaisance Auguste ; souvent les bacchantes faisaient le même office aux faunes. Une jeune fille prêtait souvent à Tibère pédiquant Othon le concours d’une main officieuse.

Mais il arrive aussi que des hommes dissolus se plaisent à secouer de la main les parties viriles d’autrui ; Martial déclarait que rien n’est plus indigne :

« Tu écorches de tes lèvres rudes les baisers patients de Galésus blanc comme neige ; tu couches à côté de Ganyméde tout nu, et tout le monde estime que c’en est beaucoup trop. Mais au moins que cela te suffise, cesse de secouer de ta main chevaucheuse les engins. Cette main fait plus de mal aux jeunes garçons, tes cinèdes, que ta mentule ; tes doigts créent et gaspillent de la substance humaine. Dès lors ils sentent le gousset, un duvet précoce se manifeste, puis une barbe qui fait l’étonnement de leur mère ; on n’a plus de plaisir à les voir au grand jour du bain. La nature a destiné les mâles à deux fins : ils sont créés en partie pour les hommes ; contente-toi de la part qui te revient. »

Il veut dire que le membre a été donné aux mâles pour satisfaire les jeunes filles, le cul pour satisfaire les hommes. Qu’il use donc du cul plutôt que du membre de Galésus. Dans le même sens, il s’attaquait à Tucca, qui voulait vendre des jeunes garçons :

« Ô forfait ! sous la tunique qui s’ouvre des deux côtés s’étale l’engin ; et tu fais examiner la mentule que tes mains ont mise au point. »

Il est honteux, dit le poète, de mettre en vente ces enfants que l’infâme Tucca a élevés pour la volupté, et de faire remarquer aux acheteurs leurs membres à point et qui, maniés par la main du maître, grossissent au commandement. De la même façon Eumolpe frictionnait la verge d’Encolpius ; selon Pétrone :

« En disant ces mots (c’est Encolpius qui parle), je lève ma tunique, et je me fais voir tout entier à Eumolpe. Tout d’abord il frémit, puis, pour se convaincre davantage, il palpe des deux mains le gage de la faveur divine (le nerf roidi). »

Il nous reste, enfin, afin de ne forfaire à aucune de nos promesses, à parler de la volupté, d’espèce analogue, qui va chercher sa source dans les autres cavités du corps. Nous le ferons en peu de mots. Pour ce qui concerne les tétons, nous aurons le plaisir de recourir à Aloisia, dont le récit est toujours plein de charmes.

« Par les deux coquilles de Vénus, dit Octavie, je me sens rougir de honte. Je me souviens, non sans confusion, que ce golfe séparant mes tétons a servi de route à la volupté. Il y a dans notre maison une galerie qui a vue, tu le sais, sur de superbes parterres couverts de toutes sortes de fleurs. Je me promenais à cet endroit avec Caviceus. Il m’enlaçait, me baisottait, me mordillait les lèvres. Tout à coup il plonge sa main gauche dans son sein et se prend à dire : « Je médite quelque polissonnerie. Ôte ta robe, mon petit cœur. » Que faire ? Je lui obéis. Il attache ses yeux sur ma poitrine nue. « Je vois, continue-t-il, je vois entre tes seins Vénus qui dort. Veux-tu que je l’éveille ? Ce disant, il me fait tomber sur le lit et introduit entre mes tétons sa mentule enflammée (il bandait à merveille). Comment aurais-je pu me soustraire à son ardeur ? Je n’avais qu’à supporter de gré ou de force toutes ses volontés. D’une douce pression des mains il palpe et fait se rejoindre mes deux seins, afin de procurer à son nerf une route moins large pour aboutir à cette nouvelle jouissance. Que dire de plus ? Bien que je restasse interdite devant ce simulacre insolite d’un baiser ridicule, il m’arrosa, m’inonda d’une chaude rosée ; il alla jusqu’au bout. »

Pour les autres cavités du corps, je veux dire les aisselles, les cuisses, les jarrets, les fesses (je dis bien les fesses, non pas l’anus), il nous suffira de citer Héliogabale :

« Comment supporter un prince, dit Lampridius, qui se faisait administrer le plaisir par toutes les cavités du corps, alors qu’on ne supporterait pas une bête qui en ferait autant ? »

L’empereur Commode en usait également ;

« Il n’hésitait pas à se livrer à l’infamie des jeunes gens qui lui donnaient l’assaut, souillant toutes les parties de son corps, voire même la bouche, sur l’un et l’autre sexe (c’est-à-dire en suçant, comme en léchant les cunnus) ».

N’est-ce pas aussi le lieu de parler de ces dissolus qui souillent jusqu’aux cadavres de femmes ou même jusqu’aux statues ? En réalité, il n’est pas de vrai coït sans deux participants. Hérodote rapporte qu’en Égypte on surprit un homme souillant dans un accès de débauche le corps d’une femme récemment morte :

« L’un (des embaumeurs) a été surpris, dit-il, souillant le corps d’une femme récemment décédée, et son compagnon en a porté l’accusation contre lui. »

À la suite de quoi une loi fut votée ; établissant que le corps des femmes belles et de haute origine ne serait livré aux fossoyeurs que trois ou quatre jours après leur mort.

Qui ne connaît l’accident survenu à la Vénus de Gnide, œuvre de Praxitèle ?

« Un individu, dit-on, s’éprit d’amour pour cette statue, se tint caché pendant la nuit dans le temple, s’accoupla avec elle et laissa la trace de son ardeur amoureuse. »

Elle est du même genre l’erreur de ce taureau qui, au dire de Valère Maxime, « s’enflamma, à Syracuse, d’une passion violente pour une génisse en airain, dont la parfaite ressemblance irritait son désir d’accouplement. »

Mais sans insister autrement sur ces cas de bestialité quittons les jouissances manuelles pour parler plus longuement sur celles inestimables que l’on obtient avec la langue.