De Figuris veneris ou les Multiples visages de l’amour/5

La bibliothèque libre.
Editions du chat qui pelote (p. 93-127).

V

DE LA LANGUE

Où il est question d’une linguistique amoureuse qui va de la
« minette » à la « gousse ».

Nous en avons assez dit sur l’œuvre d’amour accomplie par le moyen du membre, il nous reste à voir comment on peut sacrifier à Vénus sans le secours du membre. On le peut grâce à la langue ou au clitoris. Nous parlerons tout d’abord des cunnilingues, et puis des tribades.

De même que l’office d’un fellateur ou d’une fellatrice (suceur ou suçeuse) consiste à sucer le sexe d’un homme, de même l’office du cunnilingue consiste à lécher le sexe d’une femme. Le cunnilingue exécute sa besogne en plongeant sa langue roidie dans le cunnus. Martial a exposé avec suffisamment de clarté et de précision cette opération :

« Manneius, mari par la langue, à la bouche souillée, plus repoussante que celle des putains de remparts ; dès que, de sa fenêtre, une maquerelle de Suburre l’aperçoit, elle ferme son bordel aux femmes nues. Ses baisers préférent le milieu du corps, dédaignant le sommet. Tout à l’heure encore il sondait jusqu’en leurs dernières profondeurs les entrailles d’une femme enceinte et annonçait, de la voix assurée de quelqu’un qui s’est rendu compte, si c’est un garçon ou une fille qu’elle portait dans son ventre. Réjouissez-vous, cunnus, car vous n’aurez plus affaire à lui ; Manneius ne peut plus roidir une langue qui baise. Car tandis qu’il restait plongé au fond d’une vulve brûlante, écoutant les vagissements de l’embryon d’enfant, une maladie honteuse a paralysé sa langue gloutonne : il ne lui est plus possible à présent d’être pur ni impur. »

Le cunnilinguisme n’est donc pas le suçage comme dans l’irrumation, mais le léchage ; les anciens spécifiaient nettement cette distinction, d’autre part le cunnilingue s’adresse surtout au sexe de la femme, au cunnus mais il ne dédaigne pas l’autre orifice, le culus. Quelques-uns de leur poète honoraient le cunnus ou culus de printanières comparaisons ; ils le dissimulaient en effet, sous le nom de « rose » ; quand à la langue lécheuse ils la dénommaient « feuille de laurier ». De nos jours on dit : « feuille de rose ».

Mais revenons à Martial qui nous désigne encore un cunnilingue dans la personne de Béticus, prêtre châtré de Cybèle :

« Qu’as-tu à faire, Béticus, avec le trou de la femme ? Ta langue est bonne à sucer les hommes dans leur milieu. Pourquoi as-tu coupé ta mentule avec une bouteille en poterie de Samos si le cunnus te plaît tant, Béticus ? C’est ta tête qu’il faut couper, car bien que tu sois eunuque par l’aine, tu n’en es pas moins infidèle au culte de Cybèle : tu es homme par la bouche. »

De plus Martial « soupçonnait en effet, Béticus, te nourrir de déjections ? »

Car absorber des choses putrides pouvait aussi bien se dire du fellateur que du cunnilingue ; l’un et l’autre étaient appelés « coprophages ». Mais Béticus a affaire au gouffre féminin, il est homme par la bouche ; donc il lèche, il ne suce pas. Au contraire, la langue adultère de Tongilion, suce, ne lèche pas. La langue du cunnilingue joue en effet le rôle d’un homme adultère puisqu’elle pénètre le sexe de la femme, tandis que la langue du fellateur joue le rôle d’une femme adultère, puisqu’elle est souillée.

Tibère César, dans sa retraite de Caprée, paraît n’avoir pas fait fi des jouissances cunnilingues : cet homme flétri de toutes les turpitudes, de quelle autre, si ce n’est de celle du cunnilingue, le croirions-nous donc accusé dans la chanson atellane que rapporte Suétone et qu’applaudissait si fort le peuple entier : Un vieux bouc lécher le sexe des chèvres » ?

Sextus Clodius lui aussi, à qui Cicéron reproche si souvent l’impureté de sa bouche et la saleté de sa langue semble bien avoir léché des cunnus. De là cette saillie de Cicéron :

« Ma parole, Sextus, tu es devenu logicien, et sur ce sujet aussi tu te mets à lécher. »

Les Grecs non plus ne dédaignaient pas non plus la jouissance du cunnilingue. Ils parlaient souvent d’individus qu’on trouvait cachés contre des femmes « tête baisée » : c’était l’expression qui signifiait la position essentielle du cunnilingue du reste aussi bien chez les Grecs que chez les Romains, cette passion en vint à un point d’exagération tel que, chose incroyable, les cunnilingues ne se contentaient même plus de se livrer à leur dépravation sur des organes à l’état sec, mais qu’ils léchaient aussi des cunnus mouillés, fût-ce des menstrues ou de toute autre humeur ; Aristophane, dans Les Chevaliers, nous parle d’un de ces cunnilingues ;

« Il n’était pas seulement de la dernière perversité ; mais encore il imagina quelque chose de plus. Il souilla en effet sa langue de honteuses voluptés, allant dans les bouges lécher le suc dégoûtant, salissant sa barbe et fatiguant les lèvres des cunnus. »

Fatiguer les vulves, lécher le sperme, souiller sa barbe, voilà bien d’un homme qui ne dédaigne pas de lécher des cunnus mouillés ! voilà bien d’une barbe dans le genre de celle qu’avait le Ravola de Juvénal, quand il fut surpris : « fouillant de sa barbe humide les aines de Rhodope ».

Aristophane revient souvent sur le personnage plus haut cité et qu’il dénomme Ariphrade :

« Or Ariphrade, dit-il, supérieurement ingénieux, au dire de son père, n’avait eu aucun maître, mais par les seules ressources de son génie il avait appris à besogner de la langue, en pénétrant de temps en temps dans les lupanars. »

Nous retrouvons le même personnage dans la Paix, où, sans qu’aucune espèce d’équivoque soit possible, il hume le sperme féminin comme du bouillon :

« Il se précipite et hume en léchant le suc de ses flancs. »

Quant aux Romains voici en quels termes Sénèque signale les qualités linguistiques d’un certain consul :

« Et quoi ! lorsque tu haussas au consulat Mamercus Scaurus, ignorais-tu qu’il humait de sa bouche béante le flux menstruel de ses servantes ? Est-ce que lui-même en faisait mystère ? Prétendait-il à passer pour un homme pur ? »

Il nous cite encore un certain Natalis :

« En ces derniers temps Natalis faisait de sa langue un usage aussi sale que déshonnête, car il recevait dans sa bouche les déjections de ses femmes. »

Ces deux personnages furent d’ailleurs surnommés des buveurs de menstrues.

Pour exprimer cette opération on employait un langage plus ou moins imagé : on disait entre autres : « aller en Phénicie » ou dans la mer rouge ou dans la mer salée. La couleur pourpre, en effet, venait de Phénicie ; expression correspondante à celles d’aujourd’hui : aller aux anglais, les repousser, aller aux affaires…

On disait aussi que les phénicianisants aimaient beaucoup la posture canine pour sucer, c’est-à-dire une posture de chiens, car dans la race animale, les chiens sont de réputés suceurs.

Dans les âges suivants, la passion du cunnilingue ne disparut jamais entièrement. Le poète Ausone dans ses Épigrammes cite fréquemment deux cunnilingues presque célèbres Castor et Eunus, « Castor, dit-il, voulait sucer des membres virils, mais il ne pouvait avoir de clients chez lui. Et pourtant ce suceur a trouvé le moyen de se procurer des engins ; il s’est mis à lécher le membre de sa femme. »

Et quand il fulmine : Contre Eunus le lécheur, il s’écrie :

« Eunus, pourquoi tourmenter ainsi Phyllis, la marchande de parfums ? On dit que tu la lèches en son milieu, mais que tu ne la baises pas. Prends garde à ne pas te laisser tromper par l’appellation des marchandises, prends garde à ne pas te laisser tromper par l’atmosphère des parfums de Séplasia. Tu pourrais croire que le cystos et le costos ont la même odeur, que le nard et la sardine ont saveur pareille, Eunus le malheureux lèche et flaire en divers endroits : son nez et sa bouche n’exhalent pas la même odeur. » Le cystos, en grec, c’est le sexe de la femme ; quand au costos c’était une plante dont la racine offrait une odeur exquise.

Prends garde de croire dit le poète en plaisantant, que les diverses faveurs que tu vas chercher auprès de Phyllis, ta parfumeuse de Capoue (Séplasia était en effet une place publique de Capoue où on vendait des parfums) ont la même odeur et la même saveur. Le costos, en effet, ne sent pas comme le cystos, et le nard n’a pas la même saveur que la sardine, une espèce de petit poisson qu’on conserve ordinairement dans du sel. Et par cette saumure, Ausone fait une allusion analogue à celle de la « mer salée », qu’on trouve si fréquemment dans les épigrammes grecques, c’est ce que lui-même appellera aussi des conserves, c’est l’humeur du cunnus mouillé. Quant à Eunus, peu lui importe qu’il lèche ceci, qu’il flaire cela. Il lèche et il flaire en divers endroits. Il flaire des parfums fleurant bon, il lèche les parties de la femme qui sentent mauvais. Les lois ne sont pas les mêmes pour le nez et pour la bouche d’un homme.

Et encore contre le même Eunus : « Il ne faut pas confondre flueurs et fleurs ; arrière toutes les odeurs. Il ne me plaît ni de sentir bon, ni de sentir mauvais. »

Le poète joue sur les mêmes allusions. Les balsama (fleurs) sont les parfums que vend Phyllis, les salgama (flueurs), ceux qu’exhale son trou. En propres termes, les salgama sont des racines et des herbes conservées dans le sel pour les besoins de l’hiver ; et leur odeur ne convient pas à toutes les narines.

« Eunus, tu lèches l’aine puante de ta femme enceinte, tu te hâtes d’enseigner les langues à tes enfants, avant qu’ils ne soient nés. »

Et comme Eunus était grammairien Ausone joue là-dessus :

Tu sembles, lui dit-il, en roidissant ta glossa, ta langue, vers tes enfants qui ne sont pas encore nés, si bien remplir ton devoir de grammairien, que tu te hâtes de leur enseigner la glosse, c’est-à-dire l’interprétation des expressions obscures. Également Manneius dans Martial, léchait les femmes enceintes. Mais toujours en allusion à la profession d’Eunus, le grammairien lécheur, Ausone équivoque sur les lettres de l’alphabet grec ; en voici un exemple :

« Eunus de Syrie, le lécheur des vagins, docteur opique grâce aux leçons de Phyllis, voit le sexe de la femme sous quatre faces. En l’écartant sur trois coins, il dessine un Delta. Les rides égales de part et d’autres de la vallée des cuisses et la section du milieu sur lequel s’ouvre la fente du vagin, il déclare y trouver la configuration du Psi ; car on dirait un trident. Lorsqu’il y plonge sa langue, il y a le lambda, et l’odeur qu’il y ressent lui indique nettement un phi. Eh quoi ! ignorant, penses-tu qu’un rho est écrit là où il convient de placer un long iota ? Misérable docteur ! Tue le tau reste à ton obscénité, et que ton nom soit marqué du théta barré d’un trait. »

Le poète appelle aussi opicum le lécheur parce que, au dire de Festus, les Osques, autrement dit Opici, firent un usage des plus fréquents des sales débauches. Puis il fait un long jeu de mots ; ou plutôt il présente Eunus jouant sur la forme du sexe de la femme qui lui apparaît comme ayant quatre faces ou trois faces, pour correspondre à la forme du delta grec. Aristophane appelle de même le cunnus un delta, dans Lysistrata : « Le delta épilé. »

Puisqu’il nous arrive de parler de la forme du sexe de la femme, il ne sera pas hors de propos, en raison du plan de notre travail de faire connaître une bonne fois les appellations latines de cet organe ; nous irons en chercher le plus grand nombre dans le trésor d’Aloisia : champ, bague, sillon, caverne, clitoris, conque, cunnus, nacelle, cysthus, fosse, jardin, entrecuisses, barque, huis, truie, porte, fente, précipice, trou, rigole, gaine, virginal, vulve. Et pourquoi n’ajouterions-nous pas les appellations du membre viril ? Les voici : armes du ventre, catapulte, queue, tige, bourses, colonne, bâton, lance à bourses, amulette, pique, aine, braquemart, mentule, mutinus mito, nerf signe de virilité, pieu, pécule, pénis, bouchon, phallus, javelot, arbre, obélisque, tronc, sceptre, membre séminal, alène, taureau, trait, baliote, poutre, thyrse, vase, burette, veine, vérèbre, racloir, raclette, verge, sac, comme l’irrumation ou suçage et même beaucoup plus, la passion de lécher les cunnus se rencontre plus particulièrement chez les vieillards, dont la mentule se refuse à roidir ; Aloisia, nous le masque ainsi :

« Gonzalve de Cordoue était aussi un lécheur, à cause de son âge avancé, on ne me persuadera pas le contraire ; une belle jeune fille de vingt ans servait à sa passion, et il lui léchait les parties médianes. »

Et Martial, proclame : « Pourquoi Blatara lèche-t-il le cunnus ? parce qu’il ne peut plus baiser. » Mais des jeunes gens se sont plu parfois, par un excès bizarre de dissolution, à lécher des cunnus qu’ils eussent bien pu baiser : Martial nous en donne le témoignage :

« Une influence malfaisante a subitement paralysé ta langue, Zoïle, et sans doute pendant que tu léchais. Maintenant, Zoïle, tu baiseras ».

Et toujours dans Martial :

« Sotades cesse de pouvoir bander, il lèche. »

« Tu as trente mignons et autant de jeunes filles ; tu n’as qu’une mentule, et encore ne veut-elle pas se roidir ; que vas-tu faire ? »

« Trop libertine naguère, cette mentule de Linus, que peu de jeunes filles ne connaissent pas, cesse de bander ; prenez garde à sa langue. » Linus, vieilli, léchera donc ; et aussi Sextillus, à qui Martial s’adresse ainsi : « Ris bien fort, Sextillus, de celui qui t’appelle un cinède et tends-lui le doigt du milieu. Mais non, Sextillus, tu n’es ni pédicon ni baiseur ; pas davantage ne te plaît la bouche chaude de Vetustilla. Je l’avoue, tu n’as aucun de ces vices, Sextillus, qu’es-tu donc ? Je l’ignore, mais tu sais qu’il te reste encore deux ressources. »

Les deux ressources qu’il reste à Sextillus sont sucer et lécher, puisqu’il n’est ni baiseur, ni cinède, ni pédicon, ni irrumateur.

Rappelons que chez les Grecs pour appeler les cinèdes ou pédérastes, on tendait le doigt du milieu en recourbant les autres, ce geste voulant signifier un membre en érection avec ses bourses. Pour cette raison ce doigt était qualifié impudique.

Outre les vieillards, les hermaphrodites, les eunuques aimaient beaucoup à lécher. Même un Père de l’Église, Grégoire de Nazianze le note dans l’Épitaphe du Grand Basile : « Ceux du gynécée, qui passent pour des hommes au milieu des femmes, mais pour des femmes au milieu des hommes, qui ne gardent de l’homme que l’impiété, ne pouvant se livrer à la débauche de façon naturelle, souillent leur langue ; c’est tout ce qu’ils peuvent faire. »

Les eunuques étaient du reste très recherchés. En effet, ceux dont les testicules seules sont ou arrachés ou meurtris, mais dont le pénis n’est pas coupé, ne sont pas privés complètement de la jouissance : ils peuvent baiser, et avec d’autant plus de sécurité qu’ils ne reproduisent pas. Les matrones romaines appréciaient bien cet avantage ; Martial, sur ce point, n’est pas hésitant :

« Tu demandes Pannicus, pourquoi ta bonne amie Gellia n’a que des eunuques ? Gellia veut être baisée, mais elle ne veut pas avoir d’enfants. »

Juvénal, pas davantage :

« Il est des femmes qui aiment les eunuques inoffensifs et leurs embrassements mous : elles n’ont pas à redouter le contact d’une barbe ni à préparer d’avortement. » Même, Saint Jérôme note :

Un intendant frisé fait eunuque en vue d’une jouissance longue et sans douleur. »

Afin de s’assurer une jouissance plus grande, les femmes avisées avaient soin de ne faire couper les testicules que lorsque le pénis avait atteint une belle grosseur ; elles craignaient que, si elles faisaient l’opération trop tôt la mentule ne pendit inerte et de volume insignifiant. Elles recherchent les eunuques bien montés, qui puissent rivaliser avec Priape lui même, et au besoin déchirer le podex des patients.

Voilà ceux qu’elles désirent comme partenaires, sûres de ne pas être enceintes ; écoutons là-dessus Juvénal :

« Pour avoir la volupté plus grande, elles ne livrent aux médecins que des engins qui ont atteint leur mûr développement, et déjà ombragés de poils. Jusque-là elles attendent et laissent croître le membre. Dès que les testicules pèsent deux livres. Héliodore les ampute, au seul préjudice du barbier. Ainsi fait eunuque par sa maîtresse, il attire tous les regards en entrant aux bains, et défie hardiment le gardien des vignes et des jardins. Qu’il couche donc avec sa maîtresse ; mais toi, Posthumus, n’aie garde de confier à l’eunuque ton Bromius déjà robuste et dont la barbe réclame déjà le rasoir. »

Mais pas de plaisir sans inconvénient : celui du cunnilinguisme se manifestait par l’odeur ; en effet la bouche des cunnilingues sentait mauvais ; aussi évitait-on aussi soigneusement le baiser des cunnilingues que celui des fellateurs ; Martial, le signale plusieurs fois : « Tu dis que les pédicons sentent de la bouche. S’il en est ainsi, Fabullus, quelle odeur penses-tu qu’exhalent les cunnilingues. »

« Tous les voisins t’embrassent, ton fermier velu t’étreint d’un baiser qui sent le bouc, même le fellateur, même celui qui vient de lécher le cunnus. »

Les cunnilingues et les fellateurs sont appelés boucs par Catulle à cause de l’odeur fétide de leur bouche. Les lécheurs qui avaient désappris à bander à cause de la faiblesse de leurs engins mous et pendants, et, que signalait seule cette puanteur de bouc, mettaient souvent en fuite les embrasseurs. Même ils pouvaient craindre d’éloigner d’eux les convives. Aristophane ne voulait pas boire à leur coupe. En un mot, il valait mieux passer à cette époque, pour un baiseur, pour un gros bandeur que laisser, comme un cunnilingue, pressentir la fatigue des reins et l’exiguité d’un nerf piteusement pendant. Martial les tourne fort souvent en dérision : « Tu lèches, dit-il à l’un d’eux tu ne baises pas ma maîtresse et tu jacasses, comme si tu étais un adultère, un baiseur. »

En outre les cunnilingues aussi bien que les suceurs avaient soin de combattre la saleté de leur bouche par l’odeur des parfums ; c’est dans Martial que nous trouvons la preuve :

« Parce que tu sens toujours la cannelle et le cinname, le parfum du nid de l’oiseau sans pareil et celui du vase de plomb où Nicerotus renferme ses arômes, tu ris de nous, Coracinus, qui n’avons pas de parfums ; j’aime mieux ne rien sentir que sentir bon. » Et Coracinus était bien un lécheur, la suite le prouve clairement :

« Je n’ai pas dit, Caracinus, que tu étais un cinède ; je n’ai pas cette audace ni cette témérité. Ce que j’ai dit est un rien, un souffle ; nous le savons tous, et toi-même ne le nieras pas. J’ai dit Coracinus, que tu étais un cunnilingue. »

Cette passion passait pour être très épuisante ; aussi lécheurs, suceurs et même sucés et léchés portaient sur leur visage une pâleur significative que Catulle n’a pas manqué de noter :

« Comment dire, Gellius, pourquoi tes lèvres rosées deviennent plus blanches que la neige, le matin lorsque tu sors de chez toi et que, dans les longs jours, la huitième heure t’arrache aux douceurs du repos ? J’en ignore la véritable cause ; mais est-ce à juste titre que le bruit court que


tu dévores le membre long et enflé d’un homme ? C’est ce que proclament bien haut les flancs rompus du malheureux Virron et tes lèvres couvertes d’une liqueur séreuse. »

Les flancs épuisés sont ceux de l’irrumateur ou sucé ; les lèvres marquées du sperme laiteux de Virron sont celles de Gellius le suceur :

Donc les patients aussi, comme les fellateurs, devaient être pâles ; Juvénal, nous signalant Hippo, l’un d’eux nous dit qu’il subit les assauts des jeunes gens et que sa pâleur décèle sa double infamie.

Cet Hippo était patient en ce sens qu’il subissait les jeunes gens ; fellateur puisque le poète le met en opposition avec les femmes, qui ne se lèchent pas entre elles les parties secrètes : « Tédia ne lèche pas Cluvia, ni Flora Catulla. »

La suite va nous prouver que sur ce point Juvénal, très bien renseigné par ailleurs, avait complètement tort. Attention, voilà les femmes suçeuses qui s’avancent, les célèbres tribades.

Les Tribades, ainsi appelées du mot (frico, je frotte), autrement dit les frotteuses, sont les femmes chez lesquelles la partie du sexe qu’on dénomme clitoris grossit tellement qu’elles peuvent s’en servir comme d’une mentule pour baiser ou même pour pédiquer. En vérité, chez toutes les femmes le clitoris, qui est un petit morceau de chair très impressionnable, animé de mouvements très vifs, et peu dissemblable d’un pénis, croît non seulement dans le coït, aux délices duquel il aide merveilleusement, dit-on, par un surcroît de chatouillement mais encore par le seul effet des désirs lascifs. Du reste, voici comment Tullia dans un entretien d’Aloisia Sigea, décrit le clitoris.

« C’est, dit-elle, un corps membraneux, situé presque à l’extrémité du pubis, et qui revêt l’apparence d’un pénis. Comme s’il était une verge, il durcit dans l’érection et il enflamme d’une démangeaison si violente les femmes d’un tempérament un peu ardent qu’elles y portent la main instinctivement ; alors si elles s’excitent au baiser, il n’est pas rare que seules, et sans le concours d’un chevaucheur, elles aillent jusqu’à décharger. »

Chez les Tribades, soit par un jeu de la nature, soit à cause de l’usage fréquent, il prend une extension démesurée ainsi Venette, nous décrit d’après le témoignage de Plater une femme dont le clitoris avait la longueur du cou d’une oie, alors que chez les autres femmes cet organe, à son plus haut degré de croissance, n’atteint guère, en longueur plus de la moitié du petit doigt. Qu’y a-t-il d’étonnant à ce que des femmes munies d’un bagage si excessif se trouvent sollicitées de se débarrasser d’une incommodité pareille.

On ne peut pourtant pas le leur couper, car cette sorte d’amputation est périlleuse. Néanmoins Athénée nous conte dans le Banquet des Savants, qu’Adramyte, roi des Lydiens, fut le premier à faire châtrer les femmes pour s’en servir comme d’hommes eunuques. Faut-il voir là un signe de passion pour l’hermaphrodisme ?

Quoi qu’il en soit, ces femmes eunuques ont mis au supplice les commentateurs. Il en est qui songent à des fibules (boucles ou agrafes pour rapprocher les lèvres d’une plaie), remplissant le même rôle que ces ceintures de chasteté dont on dit qu’aujourd’hui encore les Espagnols et les Italiens jaloux forcent leurs femmes de se revêtir ; d’autres croient qu’il s’agit de points de suture, comme ceux par le moyen desquels les indigènes d’Angola et du Congo ont coutume de protéger les cunnus des jeunes filles ; mais je ne sais si cette explication n’implique pas plutôt le désespoir d’une solution. Ces femmes ne paraissent pas davantage avoir subi l’opération qui se pratique certainement sur les jeunes filles chez les Arabes, les Coptes, les Éthiopiens et en certaines contrées de la Perse et de l’Afrique Noire, opération qui consiste à couper le prépuce du clitoris. Nous avons de ce fait de très nombreux témoignages et suffisamment explicites, rapportés dans l’Encyclopédie, de Hersch et Gruber, au mot Beschneidung. Comment en effet pourrait-il se faire qu’une opération exécutée pour rendre les femmes plus fécondes, fût celle précisément qu’Athénée appelle « eunuchiser » ? J’ai pensé un instant que ces femmes étaient des tribades rendues eunuques par l’ablation d’un clitoris démesuré ; mais je suis maintenant porté à croire que le roi appliqua à des femmes ce que nous savons que l’on faisait aux truies ; voici ce que dit Aristote :

« On enlève aussi la caprie chez les truies pour qu’elles ne sentent plus le besoin de coïter, et pour qu’elles engraissent rapidement. On les châtre en les suspendant par les pieds de derrière, après les avoir fait jeûner deux jours, et on coupe l’endroit où se développent chez les mâles les testicules ; c’est là en effet, dans la matrice, que se forme la caprie. »

Pline : « Et aussi on châtre les truies comme les chamelles : après deux jours d’abstinence, on les suspend par les pieds de derrière (la version prioribus « les pieds de devant », plus répandue, doit provenir d’un copiste inintelligent), et on coupe la matrice. De la sorte elles engraissent plus rapidement ». Même opinion chez Columelle :

« Aux truies également on écorche la vulve à l’aide du fer ; les cicatrices se referment et elles ne peuvent plus être fécondes. »

Aujourd’hui encore, le procédé est employé, ainsi que l’a fait remarquer Schneider à propos du passage de Columelle ci-dessus : on châtre les truies, les vaches, les juments, les brebis, en enlevant les ovaires ou la trompe de Fallope. Pourquoi ne croirions-nous pas qu’Adramyte voulait qu’on opérât de même sur le sexe féminin pour rendre les femmes stériles en leur enlevant l’organe où se cachent les ovaires ? Toutefois les anciens Égyptiens qui, au dire de Strabon XVII, page 824, avaient coutume « de se circoncire et de couper aussi les parties de la femme », semblent beaucoup moins avoir imité les mœurs lydienne, c’est-à-dire avoir retranché le siège intime des ovaires, qu’avoir enlevé le prépuce du clitoris, comme cela se pratique encore en ces régions. « Couper les parties de la femme » étant ainsi rapproché de « circoncire », il est raisonnable de comprendre qu’il s’agit d’une opération semblable, plutôt que d’une autre fort différente.

Mais revenons aux Tribades ; la Tribade bande, fouille le cunnus et le culus, ressent les jouissances les plus douces et procure à la femme qu’elle chevauche un plaisir, sinon régulier, du moins certain. Enfin, quoi ? elles font tout ce que fait le baiseur et le pédicon, sauf l’effusion de semence. Mais encore le coït de la Tribade n’est pas absolument sec, puisque toutes les femmes ont coutume d’éjaculer dans l’agitation de la volupté.

Lisons sur ce point, un entretien d’Aloisia :

« Et voilà que, sous les baisers dépravés de Callias c’est Tullia qui parle, par l’effet de ses caresses, de ses attouchements, je me sentis plus d’une fois mouillée de mon propre sperme. Entre ses mains qui se jouaient sans gêne à cet endroit, coule de mon jardin une véritable rosée. Et lui de faire sur moi de multiples plaisanteries, d’ouvrir le champ à ses facéties. Que pouvais-je faire ? Il part d’un éclat de rire, je ris aussi. Je lui fais un reproche de sa vivacité il me fait un reproche de ma lubricité : nous nous moquons l’un de l’autre ; et pendant que nous jonglions avec des mots plaisants, il saute sur moi, me serre bon gré mal gré, me couche sur le dos, me pénètre, et tout le liquide qu’il me reproche en plaisantant d’avoir laissé couler de mon jardin, il le replonge en moi violemment avec le sien, afin que je ne puisse pas me plaindre d’avoir rien perdu par sa faute. »

Et ailleurs « Callias me serrait étroitement (c’est encore Tullia qui parle), il enfonçait dans mon ventre son membre en feu avec tant de force qu’il semblait vouloir pénétrer tout entier en moi. Alors s’écoula dans mes entrailles une pluie délicieuse, et je sentis en même temps que je coulais aussi ; mais j’éprouvai une volupté si grande et tellement incroyable que, laissant désormais toute pudeur, c’était moi qui excitais Callias, qui le fatiguais de mes secousses pressées, qui le suppliais d’aller vite. Ainsi nous tombâmes en défaillance, les membres en quelque sorte brisés, et tous deux au même instant. »

Sosipater spécifie aussi dans une de ses épigrammes :

« Jusqu’à ce que la sève blanche ruisselât à tous deux, et que Doris dénouât ses membres fatigués. »

Il est vrai que Reiske pensait que « la sève blanche » c’étaient des gouttes de sueur.

Mais non, c’est bien la semence qui s’écoule de l’un et de l’autre sexe au dernier période de la jouissance. Aloisia précise ce point nettement : « Comme je disais ces mots (c’est encore Tullia qui parle), il se couche sur moi, de toutes ses forces brandit son dard, m’emplit le ventre d’une rosée fécondante et fait s’écouler en même temps du fond de moi-même la blanche sève. Incapables de supporter une volupté si intense, nous nous fondons l’un et l’autre dans notre étreinte. »

Au demeurant, les écrivains anciens nous apprennent que cet étrange raffinement fut très familier aux femmes de Lesbos. Est-ce à cause de l’influence du climat, ou bien des qualités spéciales du sol et des sources, ou encore pour d’autres motifs ? Il est difficile de le déterminer. Lucien dit au cinquième Dialogue des courtisanes :

« On dit qu’il y a dans Lesbos de ces femmes qui ne veulent rien souffrir des hommes, mais jouissent elles-mêmes des femmes, comme si elles étaient des hommes. »

Si les Lesbiennes en étaient venues à exercer couramment cette volupté, sans doute étaient-elles poussées par la nature elle-même à se soulager d’une intolérable érection.

Les femmes en effet qui ont un clitoris excessif ne peuvent être baisées ; aussi leur passion charnelle peut difficilement se satisfaire autrement que dans le tribadisme.

La plus célèbre de toutes les Tribades, la reine pour ainsi dire, fut, qui l’ignore ? Sapho, Lesbienne elle aussi. Cependant, depuis Maxime de Tyr, nombre d’écrivains ont tenté, dans le plus noble des desseins, de la laver d’une semblable infamie ; mais écoutez-la elle-même repousser ses importuns partisans dans ces vers d’Ovide :

« Ni les jeunes filles de Pyrrha, ni celles de Méthymne, ni la troupe entière des Lesbiennes ne peuvent me plaire. Anactorie est pour moi sans valeur, et la blanche Cydno aussi ; Atthis ne me fait plus plaisir à voir, comme auparavant ; ainsi de cent autres filles que j’ai aimées de façon criminelle. Ingrat, ce qu’ont eu tant de femmes, tu le possèdes seul. »

Et plus loin « Filles de Lesbos que j’ai aimées jusqu’à mon déshonneur. »

D’une façon générale, les filles que caressa Sapho, ce furent donc celles de Pyrrha et de Méthymne, villes de Lesbos ; nominativement ce furent Anactorie, Cydno, Atthis. À ces noms Suidas ajoute ceux de Télésippe et de Mégara :

« Ses favorites, ses aimées furent au nombre de trois, Atthis, Télésippe, Mégara, et pour elles elle éprouva de honteuses passions. »

Ces passages des auteurs anciens étant suffisamment clairs et ne laissant la possibilité d’aucun doute, contribuent à expliquer ceux qui, par ailleurs, ça et là, sont plus obscurs et peuvent laisser place à l’équivoque : par exemple, « la mâle Sapho se plaignant des jeunes filles de son pays », dont parle Horace, ou Ovide dans l’Art d’Aimer :

« Prenez aussi connaissance de Sapho ; est-il rien de plus voluptueux que ses poésies ? » Et ailleurs aussi : « Quelles leçons autres que des leçons d’amour peut donner la Lesbienne Sapho aux jeunes filles ? »

Il est une autre tribade de Lesbos, Mégilla, que le génie très libre de Lucien a rendue célèbre dans le dialogue cité plus haut, ce morceau plein de charmes, sans être cependant bien obscène, puisqu’il coupe court au moment où il allait falloir traiter le nœud de la question.

Le philosophe de Samos met en scène Lééna contant par quels artifices Mégilla l’a soumise à la dernière complaisance. Lééna demande :

« Tu as donc aussi une virilité, et tu fais à Démonossa ce que font les hommes ? » Mégilla besognait en effet en tribade Démonossa. Celle-ci répond : « Cela, ô Lééna, je ne l’ai point ; mais il ne s’en faut guère. Tu me verras m’unir d’une façon spéciale, qui est bien plus voluptueuse. Je suis venue au monde semblable à vous autres, mais j’ai les goûts, les désirs, et tout le reste d’un homme. Laisse-toi faire si tu ne me crois pas, et tu reconnaîtras que je n’ai rien à envier aux hommes. J’ai quelque chose au lieu de la virilité. Allons, laisse-toi faire, et tu verras. » Enfin les prières, des présents, sans doute aussi la nouveauté du fait, tout cela émeut Lééna qui avoue s’être laissé faire. « Je me suis laissé faire, dit-elle, elle me suppliait tant. En outre elle me donnait un collier splendide avec des tuniques de lin le plus fin. Alors moi je l’ai serrée dans mes bras comme un homme. Elle me faisait des baisers, elle agissait en haletant, et elle m’a paru inondée de plaisir. » Mais Clonarion interroge avidement : « Que faisait-elle, ô Lééna, et de quelle manière ? Dis-moi cela surtout. » Elle est déçue. « Ne me demande pas de détails, ce sont des choses honteuses. Par la déesse du ciel, je ne les dirai pas. »

Et le lecteur regrette que son désir de connaître à fond la chose extraordinaire ne soit pas satisfait.

Au nombre des tribades il faut aussi compter Philénis, la même sans doute qui fit un traité des postures, si l’on en croit la tradition rapportée par Lucien, dans Les Amours :

« Que nos gynécées se remplissent donc de nombreuses Philénis, qui se déshonorent par des amours androgynes. »

« Allons, homme de la génération nouvelle, législateur d’étranges voluptés, inventeur de routes nouvelles à la lubricité mâle, accorde donc aux femmes une égale licence. Qu’à l’exemple des hommes elles s’unissent entre elles. Pourvue en dessous d’organes inventés par le libertinage, monstrueuse énigme de la stérilité, une femme baise une autre femme comme le ferait un homme ! Que ce mot qui frappe si rarement nos oreilles et que j’ai honte de prononcer, que l’obscénité de nos tribades triomphe sans pudeur. »

À ce propos remarquons d’abord qu’on entendait rarement parler des tribades, et qu’elles se cachaient ; puis que le clitoris démesuré de la tribade est appelé un simulacre des organes lascifs, dont elle est pourvue en dessous. Sénèque appelle, à peu près dans le même sens, une telle monstruosité « un homme postiche ». Enfin, l’expression « monstrueuse énigme de la stérilité », appliquée au clitoris, fait allusion à la siccité du coït tribadique.

Les poètes anciens, Plaute, Horace parlent fréquemment des femmes atteintes de « pressions masculines » ; même Sénèque, qui note « qu’un homme avait surpris et mis à mort une tribade. » Un autre écrivain reste moins réservé et expose avec netteté et précision l’art tribadique ; écoutons-le ;

« Comme je ne te voyais jamais en compagnie de mâles, Bassa, comme l’opinion publique ne t’attribuait aucun amant, mais qu’un troupeau d’êtres de ton sexe remplissait autour de toi tous les offices sans l’aide d’un seul homme, j’avoue que tu nous paraissais être une Lucrèce ; mais, horreur, Bassa, tu étais une baiseuse. Tu as l’audace d’accoupler entre eux deux cunnus, et une Vénus monstrueuse contrefait le mâle. Tu as imaginé une miracle digne du sphinx de Thèbes : commettre un adultère sans le concours d’un homme. »

N’est-ce pas plus clair que le jour, ce que fait Bassa, dont l’audace va jusqu’à accoupler entre eux deux cunnus ? Il n’en est pas moins vrai que des traducteurs, qui ne sont pas tout à fait à dédaigner, ont interprété ce passage si précis de façon fausse, en prétendant que Bassa frottait avec un pénis de cuir, ou olisbos, les parties des autres femmes. Ce genre de volupté était fort étranger à Bassa qui elle-même contrefaisait l’homme :

Rien ne dépassait en monstruosité le vice de Philénis. Non seulement en effet elle fouillait de son clitoris en érection les cunnus des tribades, comme dit Martial.

« Tribade des tribades elles-mêmes, Philénis, tu as raison d’appeler ta maîtresse la femme que tu baises. »

Mais encore elle baisait à la mode tribadique d’autres jeunes filles, onze par jour, et même elle enculait les garçons, toujours selon le même Martial.

« Elle pédique des garçons, la tribade Philénis, et son érection, plus acharnée que celle d’un mari, dévore onze jeunes filles par jour. »

Enfin elle tâtait aussi du dévergondage des cunnilingues afin de ne rien ignorer des jouissances de l’homme ; même épigramme, à la fin :

« Après tous ces exercices, lorsqu’elle est en rut, elle ne felle pas, jugeant cela indigne de son rôle d’homme ; mais elle dévore à plaisir les jeunes filles dans leur centre. Les dieux puissent-ils te donner, Philénis, les goûts qui sont vraiment tiens, puisque tu juges masculin de lécher les cunnus ! »

Philénis, lorsque le rut la travaillait trop, se faisait aussi lécher ; c’est ce que dit sans détours une épigramme :

« Diodore, après avoir quitté Pharos, se rendait à Rome pour y recevoir la couronne des jeux capitolins. Philénis fit alors, pour assurer le bon retour de son mari, le vœu qu’elle se ferait lécher pour une toute jeune fille, de celles que préfèrent les chastes Sabines. »

Pour le retour de son mari, elle fait le vœu de se faire lécher le cunnus par une jeune fille d’une innocence et d’une pudeur reconnues. Elle avait en effet pris l’habitude de se faire lécher par des langues impudiques ; elle voulait maintenant expérimenter les soins d’une femme pudique : ainsi, chez les hommes, la jouissance emprunte de l’acuité à la nouveauté et à l’étrangeté.

Du reste, quoi de plus parfait, de plus vigoureux, de plus propre à transporter le lecteur en pleine action, comme s’il la connaissait, que ces vers indignés dont Juvénal flagelle sévèrement les orgies tribadiques qu’on célébrait alors coutumièrement la nuit à Rome, dans une de ses satires : « À la nuit elles arrêtent là leurs litières, là elles pissent, arrosant de longs jets l’image de la déesse ; puis à tour de rôle elles se chevauchent en agitant les fesses, à la face de la lune. Puis elles rentrent chez elles ; et toi, au retour de la lumière, tu marcheras dans l’urine de ta femme, quand tu iras saluer les plus importants de tes amis. Nous connaissons les mystères de la bonne déesse, quand la trompette fait s’agiter les reins ; lorsque, étourdies par les sons du cor, enivrées par le vin, les Ménades font voler leurs cheveux épars et hurlent à l’envi le nom de Priape. Ô quelle ardeur les enflamme, quelle fureur d’accouplement ! Quels torrents de vin vieux ruissellent sur leurs jambes ! Tenant en main une couronne, Laufella défie les plus viles courtisanes et remporte la victoire par la souplesse de sa cuisse. À son tour elle se soumet avec admiration au frottement de Médulla, qui remue si bien les fesses. Le mérite seul compte pour la palme, et met au niveau des maîtresses les femmes de basse origine. Là rien n’est feint ; toutes les attitudes y sont d’une telle vérité qu’elles auraient enflammé le vieux Priam et qu’elles auraient fait oublier à Nestor son infirmité. Alors l’érection ne supporte aucun retard, la femme redevient simple femme, et l’antre retentit aussitôt de ces cris unanimes : C’est chose permise, vite des hommes. L’amant dort-il ? Elle lui fait donner l’ordre de revêtir son manteau et d’accourir. Point d’amant ? elle se jette sur des esclaves. Pas moyen d’avoir des esclaves ? que vienne donc un valet de bains. À son défaut, à défaut de tout homme, pas d’hésitation, elle se fera couvrir les fesses par un âne. »

Que faut-il de plus ? Il y avait deux sortes d’orgies tribadiques : dans l’une les dames romaines se permettaient tous les excès, souillaient l’hôtel de la Pudicité ; dans l’autre elles célébraient les mystères de la bonne déesse. Vous voyez tout d’abord les tribades se faire porter la nuit en litière à l’autel de la Pudicité, et pour stimuler, par l’indignité même du forfait, Vénus rassasiée, elles pissent, elles souillent de leur urine l’image de la déesse, en lançant de longs jets tout autour d’elle, et qui sait ? peut-être même sur la face de la déesse. Et au matin les maris marcheront dans cette urine en allant saluer leurs patrons. Puis à tour de rôle elles chevauchent, elles se font chevaucher. Voici donc plus d’une Philénis : tribade des tribades. D’autres se hâtent ensuite d’aller célébrer les mystères de la bonne déesse, mystères bien connus dans le public depuis l’impudence de Clodius. Les sons des cors et des trompettes, l’ivresse du vin, tout les excite à engager énergiquement le combat des cunnus : elles délirent, elles laissent flotter leurs cheveux épars, elles glapissent, elles pissent. Voici qu’un prix est proposé, sans doute comme dans le banquet d’Alexandre VI, à la baiseuse la plus résistante ; Lauféja provoque les servantes à se faire chevaucher ; victorieuse, elle remporte la couronne. Nulle ne se donne mieux que Medullina, très habile dans l’art de crissare et très experte à mouvoir des fesses onduleuses ; là, toute étiquette mise de côté, la palme du mérite obscène égale aux maîtresses les servantes de naissance infime. Rien n’est feint, tout s’y fait pour de bon, à la mode des tribades. Et pourtant la nature triomphe, la tribade disparaît, la femme redevient simplement une femme, et laisse de côté le tribadisme, tout à fait incapable de soulager son prurit. Et de tous côtés les cris retentissent : C’est chose permise, qu’on fasse entrer les hommes, qu’on aille bien vite chercher des jeunes gens de condition libre. Il n’y en a pas ? Des esclaves. Pas même d’esclaves sous la main ? Qu’on ramasse au carrefour les premiers venus. Il n’y a même pas moyen de jouir de ceux-là ? Pas d’hésitation chez ces impudiques, elles feront couvrir leurs fesses par un âne.

On trouvera sans peine chez les auteurs anciens des commentaires fort sérieux sur ces instants passionnels.

Juvenal, tout le premier estime et affirme que la nature veut que les femmes en rut aient envie de pisser :

« Que le lascif Bathyllus, dit-il, figure en dansant la pantomime de Léda, Tuccia n’est plus maîtresse de sa vessie, Appula soupire comme dans les bras d’un amant. »

En effet, Bathyllus jouait en mimant le rôle de Léda recevant les baisers de Jupiter avec des gestes lascifs.

« L’autre sexe éprouve de plus grandes jouissances, il s’enflamme mieux ; et bientôt les yeux et les oreilles étant en feu, voilà l’urine qui se met en mouvement. »

Ainsi Juvénal, en disant que la jouissance est plus grande chez l’autre sexe, entendait que, dans le baiser, la volupté de la femme est plus grande que celle de l’homme ; c’est une idée qu’on retrouve, dans une autre de ses satires : « Que notre jouissance est petite ! », s’écrie-t-il, comme à regret.

De l’avis de Tirésias, dans Lucien, Amours, la jouissance des femmes est de beaucoup plus vive que celle des hommes :

« À moins qu’il ne faille s’en rapporter au jugement de Tirésias qui a déclaré que le plaisir de la femme est double de celui de l’homme. »

Martial, est toujours à l’affût de pareilles sensations :

Il insiste en ces termes : « Que de fois ta veine inguinale roidie soulèvera ta robe, fusses-tu plus austère que les Curius et les Fabricius ! Toi aussi, jeune fille, fusses-tu de Padoue, tu te sentiras mouillée en lisant les lubricités et les plaisanteries de mon livre. »

L’expression « ces longs jets » a beaucoup inquiété les commentateurs. Elle signifie, en effet ou bien les traînées d’urine que les femmes envoient sur l’autel ; ou bien Juvénal veut dire, pour adopter l’opinion de Grange, « l’urine elle-même projetée en longue traînée sur l’image de la déesse ; les femmes impudiques obtenaient ce résultat en pressant avec la main leurs parties et en retenant quelque temps l’urine ; le liquide ainsi comprimé s’échappait ensuite avec une plus grande violence. » En tout cas, dans toutes ces orgies quelques tribades s’affirmèrent avec une éloquence matérielle demeurée célèbre. Ainsi cette joueuse de cithare, qui devant les Maures et les Indiens, réputés pourtant à cause de la grosseur de leur membre, « produisait un membre viril plus énorme que le rouleau des deux Anticatons de César ; — ouvrage de César roulé sur papyrus — tellement évident que les vrais mâles s’enfuyaient, honteux de leurs testicules. » Ces spectacles suggestifs se produisirent longtemps ; même à Paris, en 1791, cela fut représenté au naturel sur la scène d’un théâtre où, d’après l’auteur de la Gynéologie, un homme nu besogna parfaitement une femme également nue, tous deux jouant des rôles de sauvages, et aux vifs applaudissements des spectateurs des deux sexes. Au demeurant, rien de nouveau sous le soleil. Il y avait en effet chez les Romains une vieille coutume : les jeux terminés, afin que les spectateurs eussent dès lors toute facilité de faire ce dont ils venaient de repaître leurs yeux avides, des prostituées étaient amenées sur la scène et publiquement mises à l’encan ; un héraut en faisait à haute voix la proclamation. Tertullien, Sur les spectacles.

« Bien plus ces courtisanes, victimes de l’impudicité publique, sont amenées sur le théâtre, plus misérables qu’elles s’exhibent aux femmes, à qui seules elles se cachaient jusqu’alors. On les expose à la vue des gens de tout âge, de toute dignité, et un crieur public fait connaître, pour ceux qui peuvent en avoir besoin, leur demeure, leur tarif, leur écriteau. » Isidore, dans ses Origines confirme le fait :

« Le théâtre, dit-il, ne diffère pas du lupanar : les jeux terminés, on y prostitue des femmes publiques. » C’est sans doute à un jeu du même genre que se complaisaient les ravisseurs de putains, dont parle Tite Live II :

« Cette même année, à Rome, durant la célébration des jeux, de jeunes Sabins, dans un accès de libertinage, enlevèrent des putains, occasionnant un attroupement suivi d’une rixe qui faillit dégénérer en combat. »

Maintenant si l’on veut remonter jusqu’à l’origine des tribades et en chercher l’explication on la trouvera d’abord dans une fable de Phèdre qui nous la rapporte de la manière suivante : « Un autre demanda quelle était l’origine des tribades et des cinèdes mâles. Le vieillard l’expliqua ainsi. Ce même Prométhée, qui façonna ces créatures d’argile qui se brisaient au moindre heurt de la fortune, avait modelé, un jour durant, les parties naturelles des deux sexes, que la pudeur nous a appris à cacher sous les vêtements, afin de pouvoir les adapter bientôt au corps de l’homme et de la femme. Tout à coup il reçoit de Bacchus une invitation à souper ; là il arrose ses veines d’un nectar copieux et rentre chez lui tard en titubant. Alors la raison à demi endormie, et dans le délire de l’ivresse, il applique le sexe de la femme au genre masculin et le membre viril aux femmes. Voilà pourquoi maintenant le libertinage se plaît à des jouissances dépravées. » Platon a imaginé une origine différente dans le Banquet au passage où il expose la célèbre fiction des hommes coupés en deux par Jupiter :

« Les femmes qui sortent d’un seul sexe, le sexe féminin, ne font pas grande attention aux hommes et sont plus portées pour les femmes ; c’est à cette espèce qu’appartiennent les tribades. »

« Regarde ces louves, qui vendent des jouissances au peuple ; elles sont aussi entre elles des frotteuses. »

Ailleurs, dans La Résurrection de la chair : Tertullien répète encore :

« Je n’appelle pas empoisonnée une coupe dans laquelle un moribond a vomi son dernier hoquet, mais plutôt celle qui est infectée de l’haleine d’une frotteuse ou d’un archigalle, ou d’un gladiateur ou d’un bourreau, et je me demande si l’on doit avoir moins en horreur une telle coupe que les baisers de ces sortes de gens. »

À l’époque d’Aloisia, l’art du tribadisme n’avait pas dépéri :

« Ne va pas m’accuser, dit Tullia, dans un des célèbres entretiens, d’un libertinage excessif. Ces mœurs ont fleuri presque partout : en Italie, en Espagne, en France, les femmes ressentent des passions pour les femmes et, si la pudeur leur faisait défaut, elles se précipiteraient bien vite dans les bras les unes des autres, en rut. »

Au reste, elle cite des exemples de fureur et d’emportement tribadiques : « Enemonda était supérieurement belle ; elle était la sœur de Fernand Portius, et elle avait pour petite amie Francisca Bellina, d’une grande beauté elle aussi. Ces deux femmes ne savaient laquelle des deux aimait le plus, était le plus aimée. Elles couchaient souvent ensemble dans la maison de Fernand. Or ce dernier tendait à Francisca de discrètes embûches, comme les aime Vénus. La jeune fille se savait recherchée, et elle se réjouissait de sa beauté. Un jour, aiguillonné par le désir, le jeune homme s’était levé avec l’aurore, et il apaisait ses ardeurs en respirant l’air frais sur le balcon. Dans la chambre voisine, le lit de sa sœur gémissait et faisait entendre des craquements tremblotants. La porte était ouverte : Vénus, favorable à l’amoureux avait prémédité cette négligence des jeunes filles. Il entre ; mais aveuglées par la jouissance, ivres de volupté, les amoureuses ne l’aperçoivent pas. Francisca chevauchait Enemonda, l’excitant à la course ; elles étaient nues toutes deux. « Les mentules les plus illustres et les plus lubriques circonviennent tous les jours ma vertu, disait Francisca ; je choisirai la plus belle de toutes, ma chérie, mais pour toi. Je veux ainsi satisfaire et tes goûts et les miens. » En disant ces mots, elle accélérait ses mouvements. Fernand se précipite sur le lit, tout nu. Les jeunes filles effrayées n’osent s’enfuir. Il enserre dans ses bras Francisca fatiguée de sa course ; il l’embrasse. « Tu as osé, débauchée, dit-il, souiller ma sœur si pure, si chaste. Tu seras châtiée. Je veux venger l’injure faite à ma maison. Tu vas subir mes ardeurs, comme elle a subi les tiennes. — Mon frère, mon frère, répond Enemonda, pardonne à deux femmes qui s’aiment ; ne nous livre pas au ridicule. — Nul ne le saura, dit-il ; qu’elle livre son cunnus, je vous assure toutes les deux de mon silence. »

Mais plus vigoureux encore et plus vivant est l’entretien d’Octavie et de Tullia la tribade, dans un autre entretien du même ouvrage ; n’omettons donc pas cette citation :

« Tullia. — Ne t’en va pas, je veux t’aimer. Ouvre tes cuisses.

Octavie. — Eh ! tu m’as toute ; ta bouche est sur ma bouche, tes seins sur mes seins, ton ventre sur mon ventre ; je t’embrasse comme tu me serres.

Tullia. — Lève plus haut les jambes, rejette tes cuisses par-dessus les miennes. Je suis pour toi, qui es toute neuve, l’artisan d’un nouveau baiser. Comme tu obéis bien ! ta complaisance répond à merveille à mon désir.

Octavie. — Ah ! ah ! ma chère Tullia, ma maîtresse, ma reine, comme tu me secoues ! comme tu t’agites ! Je voudrais que ces flambeaux fussent éteints. J’ai honte que cette lumière soit témoin de ma complaisance.

Tullia. — Va, applique-toi bien. Quand je m’élance, soulève-toi ; remue tes fesses en tortillant, comme je le fais moi-même, et soulève-les le plus haut que tu peux. Crains-tu que le souffle te manque ?

Octavie. — Tu m’éreintes de tes secousses rapides. Tu m’étouffes. Souffrirais-je d’une autre un si furieux assaut ?

Tullia. — Tiens-moi, embrasse-moi, Octavie, reçois tout. Ah ! ah ! je décharge, je brûle, ah ! ah !

Octavie. — Ton jardin brûle le mien. Retire-toi.

Tullia. — Eh bien, ma déesse, j’ai été ton mari, tu es mon épouse, ma femme.

Octavie. — Oh ! puisses-tu être mon mari ! Quelle femme aimante tu aurais ! Quel mari amoureux j’aurais ! Mais tu as arrosé mon jardin d’une rosée dont je me sens inondée. Quelle ordure as-tu versée en moi, Tullia ?

Tullia. — J’ai parfait le baiser, et de l’obscure sentine de mon navire l’amour, dans un aveugle emportement, a projeté dans ta barque virginale la liqueur de Vénus. »

Léon l’Africain, dans sa Description de l’Afrique, fait mention des tribades de Fez :

« Les personnes d’une raison saine appellent ces femmes (il s’agit de sorcières) sahacat, mot qui correspond au latin fricatrices, parce qu’elles ont la criminelle habitude de faire l’amour les unes avec les autres, ce qu’il m’est impossible d’exprimer en termes plus décents. S’il arrive que de jolies femmes aillent chez elles, ces sorcières s’éprennent d’amour pour elles, tout de même que feraient des jeunes gens, et, sous la forme du diable, elles leur demandent pour salaire les copulations charnelles. Ainsi souvent se fait-il que, tout en croyant avoir obéi à des ordres de diables, elles ont affaire avec des sorcières. Il n’en manque pas non plus qui, ayant pris goût au jeu, et alléchées par la jouissance éprouvée, recherchent l’accouplement des sorcières. Feignant d’être malades, elles font venir auprès d’elles une de ces devineresses ou même lui envoient leur malheureux mari. Dès que ces sorcières s’aperçoivent de leur désir, elles affirment que la femme est possédée de quelque démon et qu’elles ne peuvent l’en délivrer que si elle fait partie de leur association. »

Les tribades ont-elles survécu jusqu’à nos jours ? S’il n’en reste plus, du moins en a-t-il survécu à Paris peu de temps avant la Révolution, si nous en croyons l’auteur de la Gynéologie. Un véritable collège de tribades y existait, sous le nom de Vestales ; elles avaient des réunions à des endroits fixes, les sociétaires étaient en nombre et appartenaient aux plus hautes classes de la société. Elles avaient des statuts, qu’on faisait jurer aux néophytes de respecter. Il y avait trois degrés hiérarchiques : les aspirantes, les postulantes, les initiées. Avant que la postulante ne fût admise à prendre part aux réunions secrètes, il lui fallait subir durant trois jours une épreuve difficile : enfermée dans une chambre délicieusement tapissée des images les plus lascives et de Priapes à la mentule démesurée, elle devait entretenir un feu dressé je ne sais comment, mais de façon que, si l’on y mettait trop ou trop peu de matières, il s’éteignait. Sur les autels du temple, superbement orné de statues de Sapho, des Lesbiennes qu’elle avait aimées, du chevalier Eon, qui si longtemps avait su dissimuler son sexe, et de magnifiques tentures, brûlait un feu perpétuel.

Le même écrivain nous apprend que les Anglaises ne détestent pas absolument le baiser tribadique. Il conte en effet qu’à Londres il existait, un peu avant la fin du siècle dernier, un petit nombre de confréries de tribades qu’on nommait des Alexandrines.

En voilà assez sur les tribades proprement dites. Mais le nom de tribade a pris de l’extension. On appelle en effet aussi de ce nom des femmes qui, à défaut d’une mentule véritable, trompent leur désir de jouissance avec le doigt ou bien un pénis de cuir, qu’elles introduisent dans la vulve, L’Allemagne, je l’ai entendu dire, a tout dernièrement retenti, au sujet de cet abus du doigt, de plaintes qui enfin, comme d’ordinaire, se sont apaisées. Quant au pénis de cuir, qu’on appelait olisbos, on conte qu’il fit autrefois les délices des femmes de Milet, qui l’ont en quelque sorte inventé ; Aristophane, dans Lysistrata, ne leur envoie pas dire. Il s’écrie :

« Depuis le jour où les Milésiens nous ont trahies, je n’ai même pas aperçu un olisbos en cuir de huit doigts de long, qui eût pu nous servir d’auxiliaire. »

Et Suidas, qui fait un dictionnaire, donne la définition très nette du mot olisbos, il écrit :

« Membre viril en cuir dont usent les femmes de Milet, comme tribades et impudiques. Les veuves s’en servent aussi. »

Vous vous demandez si actuellement encore les femmes qui souffrent de voir leurs charmes dédaignés ont recours à cet auxiliaire de cuir. Aloisia Sigea va vous répondre avec franchise, dans un de ses entretiens :

« Les femmes de Milet se fabriquaient des godemichés en cuir, longs de huit doigts et gros à proportion. Aristophane dit que de son temps les femmes s’en servaient. Aujourd’hui encore, chez les Italiennes et les Espagnoles surtout, comme aussi chez les femmes d’Asie, cet instrument est un des plus précieux meubles de la toilette féminine ; on en fait le plus grand cas. »

Il arrivait même que les matrones romaines fissent emploi d’un godmiché en quelque sorte animé et vivant ; ainsi elles trouvaient un délice à posséder une certaine espèce inoffensive de serpents dont la peau très froide leur servait de réfrigérant en été ; Martial, nous en donne d’abord une indication :

« Si Gracilla, dit-il, entoure son cou d’un serpent frais. »

Lucien, nous en parle aussi :

On voit en certains pays des serpents d’une dimension considérable, mais si privés et si doux qu’ils sont nourris par des femmes, dorment avec les enfants, se laissent fouler aux pieds et presser des mains sans colère, et tètent à la mamelle comme des nourrissons. »

Cet usage des serpents faisait même la joie des hommes, Tibère, entre autres.

Suétone nous dit qu’il avait un serpent de l’espèce des dragons qu’il élevait pour son plaisir et qu’il nourrissait de sa main ; il le trouva mangé par des fourmis, et un augure l’avertit alors de redouter les forces de la multitude. »

Cela étant, on ne trouvera pas trop hasardée la conjecture de Boettiger, dans Sabine, ouvrage écrit en allemand et rempli d’une science profonde. D’après lui, ces sortes de serpents ont très bien pu servir d’engins lubriques aux femmes amoureuses. Nous comprendrons mieux ce qui pouvait se passer d’après ce qui arriva à Atia, la mère d’Auguste, et que Suétone a ainsi conté, dans Auguste :

« Je lis dans les traités d’Asclépiade Mendès « Sur les choses divines » que la mère d’Auguste, Atia, s’étant rendue au milieu de la nuit dans le temple d’Apollon pour un sacrifice solennel, y resta endormie dans sa litière, tandis que les autres femmes s’en allaient ; qu’un serpent s’étant glissé auprès d’elle se retira quelques instants après ; qu’à son réveil, elle se purifia, comme si elle fut sortie de la couche de son mari. »

Qu’y aurait-il d’étonnant à ce qu’un serpent de cette espèce fût allé pousser ses investigations, même sans qu’Atia le voulût, en certain endroit que les habitudes des autres femmes lui avaient bien fait connaître, et lui eût laissé, lorsqu’elle s’éveilla, à peu près la même sensation que si elle eût subi un véritable coït ?

Et cela nous amène naturellement à dire quelques mots sur le coït, avec les bêtes et sur quelques autres fantaisies.