De l’Homme/Section 8/Chapitre 9

La bibliothèque libre.
SECTION VIII
Œuvres complètes d’Helvétius, De l’HommeP. Didottome 11 (p. 9-11).
Chap. X.  ►


CHAPITRE IX.

De l’acquisition plus ou moins difficile des plaisirs, selon le gouvernement où l’on vit, et le poste qu’on y occupe.

Je prends encore le plaisir des femmes pour exemple. En Angleterre, l’amour n’y est point une occupation, c’est un plaisir. Un grand, un riche, occupé dans la chambre haute ou basse des affaires publiques, ou chez lui de son commerce, traite légèrement l’amour. Ses lettres ou ses envois expédiés, il monte chez une jolie fille, jouir, et non soupirer. Quel rôle joueroit à Londres un sigisbée ? À-peu-près le même qu’il eût joué à Sparte ou dans l’ancienne Rome.

Qu’en France même un ministre ait des femmes, ou le trouve bon ; mais qu’il perde son temps auprès d’elles, on s’en moque. On veut bien qu’il jouisse, non qu’il soupire. Les dames sont donc priées de se prêter avec égard à la triste situation du ministre, et d’être pour lui moins difficiles.

Peut-être n’a-t-on rien à leur reprocher sur ce point. Elles sont assez patriotes pour lui épargner jusqu’à l’ennui de la déclaration, et sentent que c’est toujours sur le degré de désœuvrement d’un amant qu’elles doivent mesurer leur résistance.