De l’Imitation de Jésus-Christ (Brignon)/Livre 3/35

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Traduction par Jean Brignon.
Bruyset (p. 211-214).


CHAPITRE XXXV.
Qu’on est toujours exposé à la tentation en cette vie.
Le Maistre.

Mon fils, vous n’êtes jamais exempt de danger en cette vie : tant que vous vivrez, vous aurez besoin d’armes spirituelles.

Vous êtes environné d’ennemis qui vous attaquent à droit & à gauche.

Si donc vous ne vous servez de la patience comme d’un bouclier, pour parer leurs coups, vous ne serez pas long-tems sans blessure.

De plus, si vous ne vous attachez constamment à moi, bien résolu de tout souffrir pour l’amour de moi, vous ne soutiendrez jamais leurs violens efforts, ni ne pourrez parvenir à la couronne de gloire.

Il faut donc qu’avec un courage mâle, vous vous ouvrez un passage au milieu d’eux, & que vous rompiez tout ce qui s’oppose à vous :

Car la manne se donne au vainqueur[1], & le partage des lâches est la misere & la confusion.

Si vous cherchez à vous reposer en ce monde, de quel droit prétendez vous que l’on vous reçoive un jour dans le repos érernel ?

Songez plutôt à acquerir beaucoup de patience, qu’à vous procurer beaucoup de repos.

Cherchez la vraye paix, qu’on ne trouve point sur la terre, mais dans le Ciel ; & regardez-la comme un bien qui ne peut venir des hommes, ni de quelque créature que ce soit, mais de Dieu seul.

Vous devez souffrir courageusement pour Dieu ici-bas toutes sortes de tentations, de fatigues, de douleurs, de peines d’esprit, une extrême pauvreté, des maladies, des injures, des outrages, des affronts, des contradictions, des réprimandes, des mépris, des penitences, & en general tout ce qu’il y a de plus humiliant.

Tout cela ne sert pas peu pour croitre en vertu ; c’est par là que les nouveaux soldats de Jesus-Christ sont exercez, & c’est aussi ce qui fait la matiere de la couronne des bienheureux dans le Ciel.

Je donnerai à mes serviteurs une récompense éternelle pour un travail de peu de durée, & une gloire infinie pour une humiliation passagere.

Pensez-vous, que quand vous voudrez, vous ayez toûjours des consolations spirituelles ?

Ce n’est pas ainsi qu’ont vécu mes Saints : ils ont au contraire été éprouvez en bien des manieres, par de rudes tentations, & par de fâcheuses secheresses.

Mais se confiant beaucoup plus en moi qu’en eux-mêmes, ils ont tout souffert avec une constance heroïque, persuadez que toutes les peines & tous les travaux présens n’ont nulle proportion avec la gloire future, qui en est le prix.

Voudriez-vous avoir tout d’un coup, & sans qu’il vous en coûtât rien, ce que tant d’autres ont pû à peine obtenir, apres bien des larmes & de rudes mortifications ?

En attendant que le Seigneur vous visite, faites voir que vous avez du courage ; ne perdez point la confiance ; ne reculez point, mais exposez genereusement vôtre vie pour moi.

Je vous recompenserai liberalement, & je serai avec vous dans toutes vos peines.

  1. Apoc. 2. 17.