De l’Imitation de Jésus-Christ (Brignon)/Livre 3/36

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Traduction par Jean Brignon.
Bruyset (p. 214-216).


CHAPITRE XXXXVI.
Contre les vains jugemens des hommes.
Le Maistre.

MOn fils, attachez vôtre cœur à Dieu ; & lorsque vous n’avez rien à vous reprocher, n’apprehendez point ce que le monde peut juger de vous.

Tenez à bonheur qu’on fasse peu de cas de vous. Le mépris n’est point une peine pour une ame humble, & qui se confie en Dieu plus qu’en elle-même.

Il se dit beaucoup de choses en l’air ; & il ne faut guéres y ajoûter foi.

D’ailleurs il est impossible de contenter tout le monde.

Quoique l’Apôtre s’étudiât à plaire à tous, selon Dieu, & qu’il se fit tout à tous[1], il disoit pourtant qu’il se mettoit peu en peine que le monde le condamnât[2].

Il faisoit tout ce qu’il pouvoit pour l’édification & pour le salut du prochain, & neanmoins il ne sût jamais se défendre de la médisance.

Mais quelque mépris qu’on eût pour lui, il ne perdoit rien de sa confiance au Seigneur à qui rien n’étoit caché : il se reposoit de tout sur la divine bonté, & n’opposoit qu’une humble patience à ceux qui tâchoient de le noircir : qui formoient des jugemens desavantageux de lui, & qui en parloient selon leur passion.

Il crût cependant devoir quelquefois répondre à leurs calomnies, de crainte que son silence ne fût pour les ames foibles une occasion de scandale.

Qui étes-vous ? & qu’avez-vous à apprehender d’un homme mortel ?[3] vous le voyez aujourd’hui, demain vous ne le verrez plus.

Craignez Dieu, & vous ne craindrez point les hommes.

Quel mal vous peut faire un homme par les injures & ses railleries piquantes ? il se fait sans doute à lui-même beaucoup plus de tort qu’à vous, & de quelque condition qu’il soit, il faudra qu’il rende compte au souverain Juge, de ses plus secrettes pensées.

Ayez toûjours Dieu devant les yeux, & ne vous amusez point à disputer, ni à vous plaindre.

Que si maintenant vous semblez vaincu, & si vous souffrez une confusion que vous n’avez point méritée, ne vous fachez pas pour cela, ne diminuez pas vôtre couronne par vôtre impatience.

Mais levez les yeux au Ciel : adressez-vous à celui qui peut vous faire justice, & rendre à chacun selon ses œuvres[4].

  1. 1. Corinth. 9. 22.
  2. 1. Corinth. 4. 3.
  3. Isai. 51. 22.
  4. Rom. 2. 6.