De la sagesse/Livre III/Chapitre XXXIII

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LIVRE 3 CHAPITRE 33


contre l’envie.

contre ceste passion considerons ce que nous estimons bien et envions à autruy. Nous envions ez autres volontiers des richesses, des honneurs, des faveurs : c’est faute de sçavoir ce que leur couste cela. Qui nous diroit, vous en aurez autant à mesme prix, nous n’en voudrions pas. Pour les avoir, il faut flatter, endurer des afflictions, des injures ; bref, perdre sa liberté, complaire et s’accommoder aux voluptez et passions d’autruy. L’on n’a rien pour rien en ce monde. Penser arriver aux biens, honneurs, estats, offices autrement, et vouloir pervertir la loy, ou bien la coustume du monde, c’est vouloir avoir le drap et l’argent. Pourquoy, toy qui fais profession d’honneur et de vertu, te fasches-tu, si tu n’as ces biens-là, qui ne s’acquierent que par une honteuse patience ? Ayez donc plustost pitié des autres qu’envie. Si c’est un vray bien qui soit arrivé à autruy, nous nous en debvons rejouyr, car nous debvons desirer le bien les uns des autres : se plaire au bien d’autruy, c’est accroistre le sien.