Des colonies françaises (Schœlcher)/VI

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Pagnerre (p. 72-82).

CHAPITRE VI.

MARIAGES.

Le Mariage est incompatible avec la servitude. — Les blancs enseignent le concubinage. — On accuse à tort les maîtres de violenter leurs esclaves femelles. — Profonde corruption des esclaves. — Les maîtres sont loin de favoriser le mariage des esclaves. — Pourquoi beaucoup de nègres refusent le mariage. — La famille est impraticable pour l’esclave. — Fécondité ou stérilité sur les habitations. — Les esclaves ne vivent pas dans une promiscuité absolue. — Piété filiale chez les nègres.


Le degré de moralisation auquel des hommes esclaves peuvent atteindre, est en rapport exact avec les faits extérieurs qui ont été décrits dans les chapitres précédens. Il n’existe presqu’aucune union légitime parmi les nègres. Des habitations de deux cent-cinquante et trois cents individus, n’en comptent pas une seule. Dans les notices statistiques officielles déjà citées, il est dit que la proportion des mariages d’esclaves, relativement à leur population, est pour la Guadeloupe de un sur six mille huit cent quatre-vingt, et pour la Martinique, de un sur cinq mille cinq cent soixante dix-sept !

Nous croyons avoir prouvé dans un autre ouvrage[1] que le mariage est incompatible avec la servitude. L’esclave mâle ou femelle, au milieu de la vie animale qu’on lui a faite, au sein de la profonde obscurité intellectuelle et morale où on le laisse plongé, ne conçoit guère l’association matrimoniale, et encore moins conçoit-il, avec ses ardentes passions sensuelles que rien ne réprime, la pénible obligation de la fidélité. Le nègre prend une femme avec laquelle il vit maritalement, et dont il accepte les enfans pour siens, mais il veut se conserver la faculté de séparation, comme J.-J.-Rousseau, et cela ne l’empêche pas d’avoir autant de concubines qu’il peut en entretenir, comme beaucoup de ses maîtres.

De là les ennemis de la race noire ont pris texte pour la déclarer incapable de s’approprier nos liens sociaux, lui faisant honte de n’avoir pu acquérir depuis deux cents ans ni l’idée du mariage, ni celle de la famille. — Calomnie, et de plus calomnie inintelligente.

Les maîtres sont seuls responsables de toutes les ignorances de l’esclave. Les hommes sont ce qu’on les faits ; ils n’apprennent que ce qu’on leur enseigne, et nous sommes bien obligé de le dire, les blancs aux colonies, géreurs, économes, négocians, jusqu’aux propriétaires, sont les premiers à enseigner l’immoralité. La plupart passent leur vie en état de mariage libre. Ici nous devons ajouter que l’on accuse à tort les colons d’abuser de leur puissance vis-à-vis des esclaves femelles. Le planteur, malheureusement, n’a rien à forcer sous ce rapport ; tout est à sa disposition, le père et la mère d’une jeune fille à peine nubile, recherchent eux-mêmes pour elle presque comme un honneur les bontés du maître.

Lorsque vous arrivez sur une habitation, souvent des négresses touchant presque encore à l’adolescence se glissent chez vous sous un prétexte quelconque. Du temps de la servitude, c’était à la Jamaïque une des offres de l’hospitalité de vous proposer une compagne de nuit.

Une esclave assez belle
Est dans mon atelier, voulez-vous qu’on l’appelle ?

Nous tenons le fait du docteur Spalding, riche créole, dont la sévérité de mœurs s’en indignait en nous le racontant. Nous n’exagérons rien. La servitude engendre plus de vices encore que l’oisiveté ! — Mais nous le demandons, comment en pourrait-il être autrement ? Quelle pudeur chez les femmes, quelle retenue chez les hommes pourraient exister dans un pays ou un maître peut d’un signe obliger une vierge à se coucher par terre, à lever ses vêtemens, et à présenter son corps aux regards et aux coups de son possesseur ? Cela, non-seulement le maître le peut faire, mais aussi le géreur, mais aussi économe, mais aussi le commandeur ; le commandeur ! un esclave qui a nécessairement des passions d’esclave, quelque soit d’ailleurs sa supériorité intellectuelle sur ses camarades ! Il y a quatre hommes sur chaque habitation des colonies qui ont le droit d’y mettre nues toutes les femmes, et de les exposer aux regards de tout l’atelier…

(Il n’existe pas en France une seule société de femmes pour l’abolition de l’esclavage des noirs !)

Comment les lois de la pudeur seraient-elles connues à de pauvres créatures, pour qui la pudicité est impossible ?

Voilà de quelle façon l’esclavage moralise la race noire ?

Tous les colons, mêm lorsqu’ils sont mariés, usent des facilités d’un aussi horrible régime ; car « les hommes ne sont pas du tout raisonnables dans ce pays », ainsi que nous disait une vieille dame créole. Aux colonies, les mœurs sont à la lettre véritablement patriarchales, le rôle de la femme, comme épouse, est encore plus sacrifié que celui de la femme européenne, elle ne s’offense pas même que son mari prenne une concubine dans la couleur, elle ferait presque pour lui ce que Sarah fit pour Abraham[2]. Le mari ne cache que fort peu ses amours étrangers, et augmente sans scrupule la population des sang-mêlés. Rien n’est plus commun aux îles que d’entendre parler, devant des jeunes filles de quinze et dix-huit ans, du bâtard de monsieur tel ou tel. Toutes les servitudes se touchent, et les mêmes causes produisent partout les mêmes effets.

À part cet exemple, que leur donne les sévères détracteurs de la race noire, les nègres sont loin d’être encouragés au mariage ; on a plutôt pris à tâche de les en éloigner. On pensa un jour, en Europe, que l’autorisation de l’administration publique pouvait suffire, sans le consentement des maîtres, aux mariages des esclaves. Le ministère sourit la proposition en 1838, aux conseils coloniaux, ceux-ci la rejetèrent nettement. Le mariage gêne les maîtres dans leurs allures absolues, il restreint leurs droits ; car la loi ne permettant pas de séparer l’homme de la femme, il les empêche de disposer à leur fantaisie de leur propriété. Nous nous rappelons un planteur de Puerto-Rico qui disait : « Je ne voudrais point que mes nègres se mariassent autrement que derrière l’église, comme ils font ; j’aurais trop de peine à les envoyer chacun d’un côté, lorsqu’ils ne s’entendent pas. » Le Code noir a pris soin de placer sous la garantie de la loi cette délicatesse des colons ; il défend aux curés de marier les esclaves sans le consentement de leur maître. Le Code hollandais est plus naïf, il prononce une amende de 500 piastres et la destitution contre le curé qui marierait des esclaves.

« En Europe, un fils, une fille majeure, peuvent se marier malgré la volonté de leurs parens ; aux colonies, un esclave ne peut se marier malgré la volonté de son maître[3]. »

Il est de l’essence de la servitude de démoraliser l’esclave ; la conservation du maître veut que l’esclave soit un être avili, pour qu’il ne puise jamais d’idées généreuses dans la conscience d’une vie régulière.

On enlève aux femmes la pudeur ; aux pères le droit paternel, aux fils le respect filial. À ce nègre barbare qui vendait son enfant en Afrique, le maître arrache ce même enfant, qu’il vend à son gré et à son profit !

C’est ainsi que l’esclavage civilise le noir !

Et le conseil colonial de Bourbon dit, en style mystique, que « l’asservissement des nègres aux blancs est la première visite de Dieu à la race africaine ! » Ô blasphème !

Le petit nombre d’unions légitimes que l’on observe chez les nègres, ne tient pas seulement aux raisons prépondérantes que nous venons d’exposer, il en est beaucoup d’entre eux qui refusent le mariage, bien qu’ils en connaissent la valeur. Pourquoi nous le refusons, disent-ils ? parce que nous ne voulons pas voir notre femme, pour une faute légère, pour un caprice du géreur, du maître, d’un grossier économe, livrée aux mains du commandeur, et taillée nue, en présence de tout l’atelier ; parce que nous n’aurions aucun droit de faire respecter sa pudeur, aucun moyen de nous opposer sans danger à l’agression des hommes blancs ; parce qu’on nous enlèverait nos enfans pour les vendre. J’atteste avoir entendu des nègres parler ainsi.

Les blancs ont pu avilir les nègres, et leur donner des vices, mais il n’ont pu leur enlever à tous l’intelligence et le sentiment que la nature leur accorde, comme aux autres hommes. Les noirs éprouvent la faim, comme nous ; ils éprouvent aussi la douleur et la jalousie comme nous. Il en est qui, jusque dans l’esclavage, pensent et sentent. Ceux-là, voyez-les chefs de famille, et flagellés en présence de leurs fils ; époux, pères, et ne pouvant défendre leur femme, leur jeune fille, les êtres de leur amour que l’on dépouille et auxquelles on inflige le profane supplice !

Tout concourt à éloigner l’esclave des unions durables. La famille n’est point praticable pour lui, jusqu’à un certain point ; le père n’y saurait avoir aucun caractère, l’autorité du maître est toujours au-dessus de la sienne ; quand il dit à son fils : « Vous ferez cela, » et que le maître dit : « Tu ne le feras pas, » le fils doit obéir, non point au père, mais au maître. L’enfant est esclave avant d’être fils.

Plaignez-vous encore que le mariage ne soit pas constitué parmi les esclaves ! Que peut-il être dans un mode d’existence où le père et la mère n’ont point les droits de père et de mère, où le mari et la femme ne sont point investis des droits de mari et de femme, où l’enfant, sorte de bétail doué de la parole, peut être détaché de la famille à un certain âge, comme le poulain et le veau qui n’ont plus besoin du lait maternel ?

Une autre raison, qui s’oppose à la possibilité du mariage pour eux, c’est la presqu’impossibilité où est l’esclave d’une habitation, d’épouser tel ou tel esclave d’une autre habitation, car ils demeureraient alors toujours séparés. En effet, non seulement ils ne pourraient se réunir à leur gré, mais encore le maître ayant droit de vendre son esclave, cette vente pouvant avoir lieu sans sa volonté, par suite de saisie ou de décès, le mari ou la femme seraient toujours exposés à être envoyés à cent milles l’un de l’autre. Les embarras dont nous parlons renaîtraient sans cesse de l’habitude qu’ont la plupart des nègres d’aller chercher leurs fréquentations hors de l’atelier auquel ils appartiennent[4].

Les lois espagnoles qui prévoient tout, ont décrété que « si un esclave d’une habitation veut se marier avec une femme d’une autre habitation, le maître du mari doit acheter la femme, et le maître de la femme est obligé de la vendre, le prix étant fixé à l’amiable ou par arbitre[5]. » Malheureusement les lois espagnoles, en faveur des esclaves, ne sont que des mots. Il n’y a point de nation qui traite mieux ses nègres législativement ; il n’y a que les Américains chez lesquels les nègres soient plus maltraités en fait. Il serait peut être impossible de trouver quarante mariages dans la population esclave de Puerto-Rico. Chez nous, du moins, plusieurs maîtres excités par des sentimens de bienveillance où de pitié, sont arrivés à force de soins et de récompenses à faire légitimer quelques unions libres. Nous avons trouvé vingt-deux ménages réguliers sur l’habitation Gradis. MM. Gradis, à la vérité, pour encourager leurs nègres, donnent 120 francs de dot et font les frais de la noce ; puis, en outre, comme hommage à la pureté du lien consacré, ils ont décidé que les femmes mariées qui mériteraient un châtiment ne seraient plus couchées par terre, ni déshabillées pour le subir, mais le recevraient debout par dessus les jupes.

Lorsqu’on admet le fouet, il faut considérer ces modifications comme un bienfait plein de lumière.

Il serait à désirer que MM. Gradis fussent plus imités qu’ils ne le sont, car il a été observé que les femmes esclaves changent de conduite dès qu’elles se marient, et conçoivent plus de respect pour elles-mêmes. L’idée du devoir qu’elles ont embrassé les relève et les fortifie. Toute idée du devoir est bonne, parce qu’elle amène le recueillement. Serait-ce ainsi qu’il faudrait expliquer la remarque faite, que le nombre des enfans d’une habitation est en rapport d’accroissement avec celui du nombre plus grand des mariages légitimes ? MM. Gradis, par exemple, qui ont vingt-deux mariages, possèdent quatre-vingt cinq enfans au-dessous de quatorze ans dans leur propriété de deux cent-vingt esclaves ; tandis que d’autres n’en peuvent obtenir la moitié sur une population souvent plus considérable. Doit-on croire que les mœurs régulières du ménage inspirent aux mères des soins plus éclairés pour leurs enfans ? Ce serait possible. Cependant, l’explication ne nous paraît pas suffisante, car des propriétés sans mariages sont également favorisées. Ici encore se présente une énigme, celle de la fécondité ou de la stérilité, plus ou moins grande, que l’on observe sur certaines habitations. On serait tenté d’attribuer ces différences à des influences locales, si l’on ne devait supposer plus rationnellement qu’elles tiennent à des traditions, et que sans doute il est des ateliers dont les négresses ne voulant pas avoir d’enfans, usent de moyens connus d’elles seules, pour étouffer le fruit de leur conception, ou détruire leur progéniture à sa naissance. Est-ce la peine de naître, disent ces malheureuses, dont le ventre donne la servitude avec l’existence, est-ce la peine de naître, pour vivre dans l’esclavage ? Le fait est que sur deux plantations voisines, de nombre égal, gérées uniformément et dont les femmes en couche sont traitées de même manière, il arrive que l’une a beaucoup d’enfans, et l’autre presque pas. Cet affreux état de l’esclavage est tellement anormal, que plusieurs de ses effets restent encore impénétrables, même pour l’observateur le plus sagace et le plus attentif.

En résumé, il ne faudrait pas conclure de ce que l’on vient de lire, que les nègres des colonies vivent dans une promiscuité absolue, sans lois, ni ordre. Ils n’ont pas le mariage comme leurs maîtres, mais ils ont des liaisons ou se retrouve la fixité des relations conjugales. « Leur concubinage est un lien puissant, auquel viennent le plus souvent se rattacher les obligations du mariage[6]. »

Même dans l’état bestial auquel ils sont condamnés, le sentiment de la famille s’est développé chez eux à un très haut degré. Ils conservent sur leurs enfans toute l’autorité compatible avec la servitude, ils honorent profondément leur père, leur mère ; surtout leurs parrain et marraine. Cette seconde paternité a beaucoup plus de force chez eux que chez nous, et constitue de véritables obligations. On voit souvent une mère remettre un enfant à sa marraine, parce que l’influence de celle-ci paraît plus capable de dompter le petit rebelle. Une femme est condamnée au fouet, on appelle le commandeur qui, en l’apercevant, se trouble et change de visage. « Qu’as-tu dit le maître ? » — « Je ne puis la frapper, c’est ma marraine. »

Les colons d’un esprit distingué ne s’abandonnent pas aux petites passions qui troublent le cerveau des autres, et ne dénient point au nègre ses qualités morales, celles même qui, par leur élévation, attestent plus directement la cruauté de l’esclavage ; ainsi nous tenons de M. Levassor Delatouche, que la piété filiale citée par tous les voyageurs comme une qualité distinctive des Africains, ne s’est pas perdue dans la servitude. « Souvent, nous a-t-il dit, un nègre en mourant laisse à son fils des dettes à acquitter, et jamais le legs ne demeure en souffrance. » La dernière volonté du mort, que ne sanctionne ni testament ni notaire, est exécutée comme le serait celle d’un Dieu ; la parole est toute la loi, et quoique la parenté soit généralement fort étendue, les contestations entre héritiers sont tellement rares qu’il serait exact de dire qu’il n’y en a jamais. Les maîtres sont d’accord sur ce point. L’amour filial, dont nous parlons, va quelquefois jusqu’aux plus sublimes sacrifices. Lors des premières évasions qui suivirent l’affranchissement des îles anglaises, quatorze individus de la même famille, appartenant à l’habitation Caritan (de Sainte-Anne, Guadeloupe), résolurent d’aller chercher la liberté. Savez-vous ce qui compromit la fuite presqu’assurée de ces quatorze personnes ensemble ? C’est qu’elles emportaient leur aïeule attachée sur sa chaise ; une paralytique de quatre-vingt sept ans ! À ce propos, nous ne craignons pas d’ajouter que les nègres ont bien plus de considération pour la vieillesse que les blancs. Cinq ou six fois, dans le cours de notre voyage, nous avons vu des nègres rencontrant une vieille femme dans la rue, s’arrêter respectueusement, lui parler d’un air bon et soumis, avec les manières câlines qu’ils savent avoir, et baiser en forme d’hommage la main ridée qu’ils pressaient dans les leurs. La bonne vieille négresse recevait ces marques de vénération fort simplement, d’une façon presque digne et comme chose qui lui était due. Un peintre ferait avec ce que l’on voit aux îles, en ce genre, un beau tableau d’expression.

Dans toutes les colonies, chose bizarre, à quelque nation qu’elles appartiennent, on n’admet point que les gens libres puissent jamais avoir besoin de la charité publique, et les hospices ne sont ouverts qu’aux soldats et aux marins. Nous demandions à M. Lemaire, entrepreneur directeur des deux superbes hôpitaux-de la Martinique, qu’est-ce que devenaient les libres trop pauvres pour se soigner. « Oh ! répondit-il, l’état n’a pas besoin de s’occuper d’eux ; dès qu’un homme de cette classe est malade, ses parens les plus éloignés accourent, se relaient pour le veiller, et trouvent moyen de lui procurer des médicamens. » — Parmi les nègres, on le voit, les liens de famille, tout illégitimes qu’ils puissent être selon le Code, sont légitimés et sanctionnés par la moralité naturelle de leur cœur. Les affections paternelles et filiales restent vivaces, quoiqu’elles ne soient pas fortifiées par l’idée d’une obligation réciproque. Que les amis des noirs aient pleine confiance au régime libre, les mœurs se régulariseront d’elles-mêmes et par la force des choses, comme il arrive déjà dans les colonies anglaises, ou les nègres se marient tous à l’envi. Il ne sera pas plus difficile chez nous qu’il ne l’a été chez nos voisins, de faire comprendre aux femmes noires que la promiscuité leur est dangereuse en cela surtout qu’elle rend la paternité incertaine. Entourées d’enfans, aux besoins desquels elles devront pourvoir, il sera facile de leur montrer, ainsi que l’a dit M. Dreveton, aujourd’hui juge-de-paix à la Pointe-à-Pitre[7], « combien il leur importe de s’attacher par des liens durables le père de leurs fils et de leurs filles, pour qu’il partage les charges de l’éducation. »

Ce sont des faits authentiques, à la connaissance des créoles, signalés par eux-mêmes, que nous avons cités, mais leurs défenseurs n’en répèteront pas moins que cette race est antipathique à l’esprit de famille, et incapable de concevoir le mariage ! Les créoles sont bien mal défendus !

Après tout, ce mariage indissoluble qui a causé depuis des siècles tant de douleurs, de désordres, de trahisons et de crimes, nous avons besoin de dire que nous sommes loin de le regarder comme la dernière formule des rapports de l’homme et de la femme, comme le nec plus ultra de la constitution sociale à venir, notre pensée est au contraire que la raison le réprouvera, de même qu’elle réprouve maintenant les vœux de célibat que l’on eût la démence de regarder long-temps comme un acte méritoire. Le mariage indissoluble n’est pour nous qu’un élément de transition, propre à passer de la promiscuité ou de la polygamie à des attaches sévèrement régularisées par la loi, mais libres, qui purifieront les liens entre les deux sexes, de la contrainte, du mensonge et de l’adultère. Si nous conseillons, si nous souhaitons aujourd’hui pour les nègres le mariage tel qu’il est, c’est qu’ils en sont encore, comme hommes sociaux, à l’état de polygamie, presque de promiscuité, et que le mariage alors ne peut produire pour eux que des effets moraux salutaires.


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  1. Abolition de l’esclavage, 1839
  2. « Deviennent-ils chefs de maison, père de famille ; leurs femmes délaissées, sont les tristes compagnes de la nouvelle Agar qu’ils leur associent. » (Voyage aux Antilles. Léonard, poète créole de la Guadeloupe.)
  3. Considérations sur le système colonial, etc.
  4. Il y courent le soir à la nuit tombante. L’amour du nègre ne redoute ni la fatigue, ni l’obscurité, et l’on en sait qui sans que cela dérange leur travail font, chaque nuit, trois, quatre, jusqu’à cinq et six lieues, pour aller voir leurs concubines. Il faut tout dire, il leur arrive quelquefois, afin de rendre la course plus facile, de prendre les chevaux de l’écurie du maître qui, le lendemain quand il sort, devine bien pourquoi sa monture est fatiguée.
  5. Règlement de don Miguel de la Torre, 12 août 1826. Puerto-Rico.
  6. Rapport d’une commission du conseil de li Martinique. Séance du 1er octobre 1838.
  7. Mémoire manuscrit sur l’abolition. L’auteur ne serait pas un homme fort spirituel, qu’un séjour de vingt années aux colonies suffirait à donner du poids à son opinion.