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Des délits et des peines (trad. Collin de Plancy)/Des délits et des peines/Chapitre XXXI

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Traduction par Jacques Collin de Plancy.
Brière (p. 211-213).

CHAPITRE XXXI.

DE LA CONTREBANDE.


La contrebande est un délit véritable qui offense le souverain et la nation, mais dont la peine ne devrait pas être infamante, parce que l’opinion publique n’attache aucune infamie à cette sorte de délit.

Pourquoi donc la contrebande, qui est un vol fait au prince, et par conséquent à la nation, n’entraîne-t-elle pas l’infamie sur celui qui l’exerce ? C’est que les délits, que les hommes ne croient pas nuisibles à leurs intérêts, n’affectent pas assez pour exciter l’indignation publique. Telle est la contrebande. Les hommes, sur qui les conséquences éloignées d’une action ne produisent que des impressions faibles, ne voient pas le dommage que la contrebande peut leur causer. Ils en retirent même quelquefois des avantages présens. Ils ne voient que le tort fait au prince, et n’ont pas, pour refuser leur estime au coupable, une raison aussi pressante que contre le voleur, le faussaire, et quelques autres criminels qui peuvent leur nuire personnellement.

Cette manière de sentir est une suite du principe incontestable que tout être sensible ne s’intéresse qu’aux maux qu’il connaît.

La contrebande est un délit enfanté par les lois même, parce que plus on augmente les droits, plus l’avantage de la contrebande est grand ; la tentation de l’exercer est aussi d’autant plus forte, qu’il est plus facile de commettre cette espèce de délit, sur-tout si les objets prohibés sont d’un petit volume, et s’ils sont défendus dans une grande circonférence de pays, que son étendue rend difficile à garder.

La confiscation des marchandises prohibées, et même de tout ce qui se trouve saisi avec des objets de contrebande, est une peine très-juste. Pour la rendre plus efficace, il faudrait que les droits fussent peu considérables ; car les hommes ne risquent jamais qu’en proportion du profit que le succès doit leur amener.

Mais faudra-t-il laisser impuni le coupable qui n’a rien à perdre ? Non. Les impôts sont une partie si essentielle et si difficile dans une bonne législation, et ils sont tellement intéressés dans certaines espèces de contrebande, qu’un tel délit mérite une peine considérable, comme la prison et même la servitude, mais une prison et une servitude analogues à la nature du délit.

Par exemple, la prison d’un contrebandier de tabac ne doit pas être celle de l’assassin ou du voleur ; et sans doute le châtiment le plus convenable au genre du délit, serait d’appliquer à l’utilité du fisc la servitude et le travail de celui qui a voulu frauder les droits.