Des délits et des peines (trad. Collin de Plancy)/Des délits et des peines/Chapitre XXXIV

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Traduction par Jacques Collin de Plancy.
Brière (p. 223-225).

CHAPITRE XXXIV.

DE L’OISIVETÉ.


Les gouvernemens sages ne souffrent point, au sein du travail et de l’industrie, une sorte d’oisiveté qui est contraire au but politique de l’état social : je veux parler de ces gens oisifs et inutiles, qui ne rendent à la société ni travail ni richesse, qui accumulent toujours sans jamais perdre, que le vulgaire respecte avec une admiration stupide, et qui sont aux yeux du sage un objet de mépris. Je veux parler de ces gens qui ne connaissent pas la nécessité de ménager ou d’augmenter les commodités de la vie, seul motif capable d’exciter l’activité de l’homme, et qui, indifférens à la prospérité de l’état, ne s’enflamment avec passion que pour des opinions qui leur plaisent, mais qui peuvent être dangereuses.

D’austères déclamateurs ont confondu cette sorte d’oisiveté avec celle qui est le fruit des richesses acquises par l’industrie. C’est aux lois seules et non à la vertu rigide (mais resserrée dans des idées étroites) de quelques censeurs, à définir l’espèce d’oisiveté punissable.

On ne peut regarder comme une oisiveté funeste en politique celle qui, jouissant du fruit des vices ou des vertus de quelques ancêtres, donne pourtant le pain et l’existence à la pauvreté industrieuse, en échange des plaisirs actuels qu’elle en reçoit, et qui met le pauvre à portée d’exercer cette guerre paisible, que l’industrie soutient contre l’opulence, et qui a succédé aux combats sanglans et incertains de la force contre la force.

Cette sorte d’oisiveté peut même devenir avantageuse, à mesure que la société s’agrandit et que le gouvernement laisse aux citoyens plus de liberté[1].


    se changer en vice. En lui demandant compte de son inaction, il lui coupera tout d’un coup le chemin du crime ; il fera sentir au citoyen oisif que, devenu suspect, il est à moitié criminel, et que désormais victime dévouée à la justice, il ne cessera d’être investi de ses regards. Que peut devenir l’oisiveté à qui l’on ôte l’espérance de mal faire ? Il faut qu’elle se corrige, ou qu’elle abandonne une terre qui ne nourrit que ceux qui la rendent féconde. » (Servan, Discours sur l’administration de la justice criminelle.)

  1. « Vous voyez un citoyen qui refuse à la société le tribut de ses forces ou de son industrie ; un homme oisif est un méchant commencé. Semblable à ces liqueurs qui se corrompent dans le repos, et rongent bientôt le vase qui les contient, il faut ou les jeter sans délai, ou les faire fermenter de nouveau. — L’homme public, s’il est vigilant, ne laissera pas à l’oisiveté le temps de