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Description d’un parler irlandais de Kerry/3-2

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Troisième partie, chapitre II. Le pronom personnel.


CHAPITRE II
LE PRONOM PERSONNEL

§ 74. Le pronom personnel a deux types d’emplois : d’une part il peut avoir tous les emplois du nom : sujet ou prédicat d’une phrase nominale, sujet ou complément d’une phrase verbale, complément du substantif ou de l’adjectif. Dans tous ces emplois c’est un mot plein, accentué : ʃinʹ iəd iəd « les voici ». D’autre part le pronom personnel joue dans la flexion verbale un rôle parallèle à celui des désinences caractéristiques de la personne et du nombre ; il est alors atone.

Le pronom mot plein peut être sujet du verbe, comme serait un nom : il apparaît alors sous une forme emphatique par quoi il se distingue du pronom sujet morphème : dʹinʹən tu (deineann tu) « tu fais », parallèle à dʹinʹəmʹ (deinim) « je fais » en face de dʹinʹən tœsə « toi, tu fais » (deineann tusa), parallèle à dʹinʹən ə fʹαr (deineann an fear) « l’homme fait ».

La flexion du pronom personnel ne présente aucune des oppositions caractéristiques du nom, ou les présente de façon indépendante, et différente.

Seul le pronom de la troisième personne du singulier, qui occupe une position intermédiaire entre le pronom personnel et les démonstratifs, comporte des oppositions de genre ; encore distingue-t-il non deux genres, comme le nom, mais trois : masculin, féminin, neutre : ʃe (sé), ʃi (sí), ʃαh (seadh). Par ailleurs cette opposition, lorsqu’il s’agit d’êtres animés, recouvre non celle des genres (grammaticaux), mais celle des sexes. Un nom désignant un être femelle peut être du masculin, mais un pronom renvoyant à ce nom sera du féminin : is dʹαs ə kαˈlʹi:nʹ i: (is deas an cailín í) « c’est une jolie fille ».

Le pronom personnel ne comporte pas les oppositions de cas du nom. Cependant les 3e personnes du singulier et du pluriel opposent au cas sujet le cas régime du verbe. Cette opposition manque précisément dans le nom. On conçoit qu’elle apparaisse dans une forme aussi étroitement associée au système verbal que le pronom personnel.

Cette opposition se rencontre aussi, quoique non pas rigoureuse, à la deuxième personne du singulier : on a l’aspiration de l’initiale du pronom au cas régime : buelʹən tu (buaileann tu) « tu frappes » mais buelʹhə mʹe hu (buailfidh mé thu) « je te frapperai ».

Possessifs et formes prépositionnelles suppléent à l’absence de la flexion casuelle (voir § 104 sq.). Il n'existe pas de formes tenant lieu du vocatif, qui n’est pas représenté dans l’ensemble des formes pronominales.

Le nombre s’exprime par l’opposition de pronoms différents, et cela même à la troisième personne. Le pronom connaît deux nombres, comme le verbe, et non trois, comme le substantif.

§ 75. Formes.

SINGULIER PLURIEL
1re pers. mʹe: (mé) ʃinʹ (sinn)
2e pers. tu: (tú), hu: (thú) ʃivʹ (sibh)
3e pers. M. ʃe: (sé), e: (é)
ʃiəd (siad), iəd (iad).
F. ʃi: (sí), i: (í)
N. ʃαh (seadh), αh (eadh)

Toutes les formes comportant une voyelle longue sont abrégées lorsqu’elles apparaissent comme particules verbales, enclitiques.

Formes avec adjonction des particules personnelles emphatiques :

SINGULIER PLURIEL
1re pers. mʹiʃə (mise) ʃinʹə (sinne)
2e pers. tœsə (tusa) ʃivʹʃə (sibhse)
3e pers. M. ʃiʃən (seisean)
e:ʃən (éisean)
ʃiədsən (siadsan), iədsən (iadsan).
F. ʃiʃə (sise),
i:ʃə (íse)
§ 76. Les formes qui se rattachent au pronom personnel, adjectifs possessifs ou formes fléchies des prépositions, comportent également un degré emphatique, obtenu en ajoutant soit à la préposition fléchie, soit au nom ou au groupe nominal, une particule emphatique, variant avec la personne : 1re et 2e personnes du singulier, 2e pers. du plur. : ‑sə (‑sa) après finale vélaire, ‑ʃə (‑se), après finale palatale ; 3e pers. du masc. sing. et du pluriel : ‑sən (‑san) ; 3e pers. fém. sing. : ‑ʃə (‑se) ; 1re pers. du plur. ‑nʹə (‑ne), ‑nə (‑ne). Ces particules apparaissent également après les formes verbales, pour renforcer la désinence personnelle (§ 215).

is tœsə mo vʹαn-sə (is tusa mo bhean-sa) « c’est toi ma femme » ; ə χlɑun vɑk sən (a chlann mhac-san) « ses fils à lui ».

On peut aussi renforcer le pronom, comme on ferait pour le nom, à l’aide de fʹe:nʹ (féin), fʹe:nʹəgʹ (féinig) ou he:nʹəgʹ ou e:nʹəgʹ « même ». fʹe:nʹ souligne le mot, globalement, tandis que la particule emphatique discrimine la notion personnelle, et oppose une personne aux autres personnes: hug ʃe ǥom e (thug se dhom é) « il me le donna » ; hug ʃe ǥom fʹe:nʹəgʹ e (thug se dhom féinig é) « il me le donna à moi-même, en mains propres » ; hug ʃe do:sə e (thug se domh-sa é) « c’est à moi et à nul autre, qu’il l’a donné » ; fʹe:nʹ peut par ailleurs avoir le sens réfléchi, et s’oppose à la particule emphatique, qui marque au contraire l’introduction d’une personne nouvelle : is mʹnʹikʹ ə vʷinʹ bʹαn slɑt ə vuelʹhəχ i: fʹe:nʹ (is minic a bhain bean slat a bhuailfeadh í féin) « souvent femme a cueilli des verges pour se faire battre (prov.) ».

fʹe:nʹ se place, comme la particule emphatique, après le groupe nominal, compléments compris : do hrʹu:r klinʹə fʹe:nʹ (do thriúr cloinne féin) « tes trois propres enfants ».