Description d’un parler irlandais de Kerry/5-5

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Cinquième partie, chapitre V. Composition et dérivation verbales.


CHAPITRE V
COMPOSITION ET DÉRIVATION VERBALES

§ 199. Bien plus que le nom, le verbe apparaît comme un mot inanalysable.

La composition, peu développée, est limitée à un petit nombre de préverbes, exprimant pour la plupart l’aspect ou l’intensité du procès. Encore ce mode de composition est-il plus développé dans les formes nominales du verbe que dans les formes personnelles.

ɑh- (ath‑) exprime la répétition : ʃi:r- (síor‑), la continuité, souvent avec une nuance péjorative ; bɑrə- (barra‑) et sgœh- (scoith‑) une action superficielle : ɑhənɑsgəmʹ (athnascaim) « je répète », souvent « je parodie » ; ʃi:rχɑinʹtʹ (síorchainnt) « parler sans arrêt » ; bɑrəǥo:mʹ (barradhóghaim) « je brûle superficiellement, je flambe ».

§ 200. Dérivation. On peut former automatiquement un verbe causatif ou inchoatif sur n’importe quel nom (substantif ou adjectif) à l’aide du suffixe ‑i:/​‑əgʹ‑/ futur ‑o:‑ : αrt (ceart) « justice, droit », αrti:mʹ (ceartuighim) « je corrige », etc. Ces formations manifestent principalement leur vitalité en empiétant sur les dénominatifs à flexion brève : αhəni:mʹ (leathnuighim), à côté de αhənəmʹ (leathnaim), etc. ; voir §§ 163, 164.

Le suffixe dénominatif, sans signification propre, ‑ɑ:lʹ‑, ‑ɑ:l‑, substantif verbal ‑ɑ:lʹ, gén. ‑ɑ:lə (‑áil, ‑ála), adj. verb. ‑ɑ:ltə, parfois ‑ɑ:lʹtʹə (‑álta, ‑áilte) se développe considérablement dans la langue actuelle. En dehors de son rôle proprement dénominatif il sert à naturaliser tout verbe ou nom d’action emprunté. En face de verbes où le suffixe n’est plus senti comme tel, comme tɑ:stɑ:ləmʹ (tástálaim) « j’essaie », les verbes de formation récente, de valeur souvent familière ou expressive, vont en se multipliant : po:rʃɑ:ləmʹ (póirseálaim) « je furette », de po:rʃə (póirse) « recoin » ; ʃlʹimʹədɑ:ləmʹ (slimideálaim) « je lambine », de ʃlʹimʹədʹə (slimide) « escargot » ; ce suffixe permet de donner une flexion commode aux nombreux verbes anglais que la fantaisie individuelle introduit dans le parler de façon arbitraire et d’ailleurs souvent éphémère : ri:nʹʃɑ:ləmʹ « je rince », anglais I rinse ; mʹi:tʹɑ:lʹ anglais I meet, etc. ; il arrive souvent qu’en face de substantifs verbaux très usuels les formes personnelles ne le soient guère : ainsi de bu:rdɑ:ləmʹ (búrdálaim) « je roue de coups » en face de bu:rdɑ:lʹ (búrdáil) « une raclée » ; on usera le plus souvent de tours comme hug ʃe bu:rdɑ:lʹ do (thug sé búrdáil dó) « il lui a donné une raclée » ; et de même pour beaucoup de verbes de ce type.

Une série comme pʹlʹi:αsgəmʹ (pléascaim) « j’éclate, je fais éclater », pʹlʹi:αsgi:mʹ même sens, pʹlʹi:αsgɑ:ləmʹ (pléascálaim), même sens, pʹlʹi:αsgərnɑ:lʹ (pléascarnáil) « faire un bruit de détonations (en parlant des vagues, etc.) » donne un aperçu de la façon dont le thème tend à s’alourdir de formations diverses, qui souvent n’en modifient en rien le sens, dont les unes sont senties comme expressives, mais dont d’autres n’ont pour effet et pour but que de grossir le corps du mot. Tendance qui apparaît dans ce cas comme caractéristique d’une langue parlée et d’une langue populaire.