Description de la Chine (La Haye)/De la Province de Quang si

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Scheuerleer (Tome Premierp. 242-247).


TREIZIÈME PROVINCE
DE L'EMPIRE DE LA CHINE.

QUANG SI


Cette province est située entre les provinces de Quang tong, de Hou quang, de Koei tcheou, d’Yun nan et le royaume de Tong king. Elle contient douze villes du premier ordre, et quatre-vingt autres villes, tant du second, que du troisième ordre. Elle produit du riz en si grande abondance, qu’elle en fournit pendant six mois à la province de Quang tong, qui, sans ce secours, n’aurait pas de quoi faire subsister le grand nombre de ses habitants.

Cependant elle n’est point comparable à la plupart des autres provinces, ni pour la grandeur, ni pour la beauté, ni pour le commerce. Bien qu’elle soit arrosée de plusieurs grosses rivières, elle n’est bien cultivée que dans les endroits qui approchent de l’orient et du midi, où le pays est plat, et où l’air est plus doux. C’est presque partout ailleurs, et principalement vers le septentrion, un terroir rempli de montagnes couvertes d’épaisses forêts.

Il y a dans cette province des mines de toutes sortes de métaux, et surtout d’or et d’argent, mais dont la politique chinoise a toujours défendu l’ouverture, de crainte qu’elle ne devînt une occasion de troubles. On savait depuis longtemps, que dans une chaîne de montagnes, il se trouvait tout à la fois des mines d’or, d’argent, d’étain, de cuivre, et de plomb. Il y a quelques années qu’un gouverneur d’une ville du premier ordre, dans le district duquel sont ces mines, présenta un mémorial à l’empereur, où il entrait dans le détail des précautions qui se pouvaient prendre, pour parer aux inconvénients qu’on avait à craindre dans l’ouverture de ces mines. Il marquait entre autres choses, que les gens du territoire s’offraient à les ouvrir à leurs frais, que nul ne serait admis pour ce travail, soit de la province, soit des provinces voisines, qui n’eût une patente de son mandarin, et qui ne donnât quatre personnes qui répondissent de sa conduite.

L’empereur renvoya ce mémorial au Hou pou, qui est la Cour des finances, pour l’examiner. Cette Cour souveraine après avoir délibéré, approuva ce qui était contenu dans le mémorial, à condition que, suivant ce qui s’est pratiqué d’autres fois en pareille occasion, on donnerait quarante pour cent à l’empereur, et cinq pour cent aux officiers et aux soldats qui présideraient à l’ouvrage. Dans la suite l’empereur s’est réservé la mine d’or, dont il fait lui-même les frais.

Il croît dans cette province un arbre assez singulier : au lieu de moelle il a une chair molle, dont on se sert comme de farine, et dont le goût n’est pas mauvais.

On y voit quantité de ces petits insectes dont j’ai parlé ailleurs, qui produisent de la cire blanche. La cannelle qu’on y trouve, répand une odeur plus agréable que celle de l’île de Ceylan. On y fabrique des toiles de soie qui sont presque aussi chères que les étoffes de soie ordinaires. Enfin ce pays produit des perroquets, des porc-épics, et des rhinocéros.


Première ville, capitale de la province.
QUEI LING FOU.


C’est sur le bord d’une rivière qui se jette dans le Ta ho, que cette capitale est située. Quoique la rivière soit considérable, elle coule avec tant de rapidité au travers de vallées si étroites, qu’elle ne peut être navigable, ni d’aucune utilité pour le commerce.

La ville a cela de singulier, qu’elle est bâtie en partie sur le modèle de nos anciennes fortifications : mais elle est beaucoup inférieure à la plupart des autres capitales.

Son nom Quei ling, signifie forêt de fleurs de quei, parce qu’en effet cette fleur appelée quei, bien qu’elle soit assez commune dans toute la Chine, se trouve en bien plus grande quantité dans cette province, et surtout dans le territoire de cette ville ; elle naît sur un fort grand arbre dont les feuilles ressemblent à celle du laurier.

Cette fleur est petite, jaune, et vient par bouquets ; elle ne se conserve pas longtemps sur l’arbre ; lorsqu’elle est tombée, l’arbre après quelque temps en porte d’autres. Il en est tout couvert en automne, et elle exhale une odeur si agréable, que tout le pays en est parfumé.

C’est dans ce pays qu’on trouve les meilleures pierres, que les lettrés emploient à préparer leur encre, dont ils peignent leurs caractères avec le pinceau. On y prend des oiseaux, dont le plumage est varié de diverses couleurs très vives : on les entrelace dans des étoffes de soie.

Cette ville capitale ne compte sous sa juridiction particulière que deux villes du second ordre, et sept du troisième ; elle est presque toute environnée de peuples sauvages et barbares, qui sont cantonnés dans leurs montagnes. J’ai déjà parlé de leurs mœurs, et j’ai fait la distinction de ceux qui avaient rapport aux mandarins chinois, et de ceux qui vivaient dans l’indépendance.


LIEOU TCHEOU FOU. Seconde ville.


Le territoire de cette ville est d’une grande étendue ; les eaux qui l’arrosent sont très belles, mais le pays est fort montagneux : on trouve dans ces montagnes beaucoup de simples, dont les médecins font un grand usage. Deux villes du second ordre, et dix du troisième dépendent de sa juridiction.

Parmi ces dernières Vou fuen hien est célèbre par la réputation qu’ont ses habitants d’avoir l’esprit extrêmement vif et subtil. On ne fait point à Peking d’examen pour le doctorat, qu’on n’élève plusieurs lettrés de cette ville au rang de docteur, qui sont employés ensuite dans les gouvernements et les magistratures.


KIN YUEN FOU. Troisième ville.


Cette ville quoique bâtie sur une grosse rivière, n’en a pas plus d’agrément : outre qu’elle est environnée de montagnes horribles à la vue, elle a encore dans son voisinage, celles de la province de Koei tcheou, qui sont inaccessibles, et habitées par des peuples à demi sauvages.

Les vallées qui se trouvent entre ces affreuses montagnes, sont semées de villages et de forts. On amasse de l’or dans ses rivières, et l’on trouve partout de l’areca. Elle compte sept villes dans son ressort, dont deux sont du second ordre, et cinq du troisième.


SE NGUEN FOU. Quatrième ville.


Le district de cette ville n’est pas d’une grande étendue : elle ne commande qu’à une ville du second ordre, et à deux villes du troisième. Elle est environnée de montagnes ; ces peuples qui étaient autrefois grossiers et demi barbares, se sont civilisés peu à peu, depuis qu’ils ont été incorporés à l’empire.


PING LO FOU. Cinquième ville.


Cette ville est située sur les bords d’une grosse rivière, mais peu navigable ; elle coule entre des vallées très étroites, entrecoupées de rochers, et par cette raison, elle est pleine d’un grand nombre de sauts. Sa juridiction comprend une ville du second ordre, et sept du troisième.

Ces villes sont toutes environnées de montagnes, qui rendent le pays désagréable ; quelques-unes néanmoins sont couvertes d’orangers. On y trouve quantité de cette cire blanche que font certains petits insectes, dont j’ai parlé plus d’une fois.


OU TCHEOU FOU. Sixième ville.


Toutes les rivières de la province se réunissent auprès de cette ville, qui confine avec la province de Quang tong ; c’est pourquoi elle est regardée comme la plus considérable pour le trafic, et comme la plus importante, parce qu’elle est la clef de cette province. Elle compte dans son ressort une ville du second ordre, et neuf du troisième.

Le pays est plat en partie, et en partie plein de montagnes ; on en tire du cinabre, et l’on y trouve un arbre assez singulier, nommé quang lang : au lieu de moelle il renferme une chair molle, qu’on emploie aux mêmes usages que la farine, et dont le goût est assez bon.

Outre les animaux qui sont communs à la Chine, on y voit des rhinocéros, et une espèce de singe, dont le poil est de couleur jaune, et qui, par sa figure, et par son cri aigu, ressemble assez aux chiens ordinaires.


SIN TCHEOU FOU. Septième ville.


Cette ville est située au confluent de deux rivières dans un pays assez agréable, si on le compare au reste de cette province ; les forêts et les montagnes, dont elle est environnée, ont je ne sais quoi de gai et de riant, surtout à l’égard de ceux qui sortent du milieu de ces montagnes escarpées, lesquelles ne présentent rien à la vue que d’affreux et de triste.

Le pays produit une espèce de cannelle, mais qui n’approche pas de celle de l’île de Ceylan pour la bonté et pour l’odeur. On y trouve de ces arbres, dont le bois est extrêmement dur, et que pour cette raison on a appelé bois de fer. On y fabrique des toiles d’une certaine herbe, qui se vendent quelquefois plus cher que les étoffes de soie commune. On tire aussi une terre jaune, qu’on prétend être un remède souverain contre toute sorte de venins. Le district de cette ville n’est pas considérable ; il ne contient que trois villes du troisième ordre.


NAN NING FOU. Huitième ville.


Ce lieu où cette ville est située, est presque environné de rivières et de petits lacs ; elle a dans sa dépendance quatre villes du second ordre, et trois du troisième. Le pays qui en dépend, est mêlé de plaines et de montagnes.

On y trouve de gros perroquets, qui apprennent aisément à parler ; une espèce de poule, qui jette des filets de coton par le bec, et des porc-épics fort grands, qui dardent et lancent de longs aiguillons très piquants contre ceux qui les approchent. Il y a des mines de fer dans quelques-unes de ses montagnes.


TAI PING FOU. Neuvième ville.


Cette ville est située dans le coude que fait une assez grosse rivière ; elle en est enfermée de trois côtés, et du quatrième côté elle est fortifiée par une muraille, qu’on a conduit d’un bras de cette rivière à l’autre.

Le pays qui en dépend, est le meilleur de toute la province ; le terroir en est fort fertile, il est fort peuplé, et également bien cultivé. On y trouve un grand nombre de forts, parce qu’il confine avec le royaume de Tong-king.

Les peuples qui l’habitent, passent pour barbares dans l’esprit des Chinois, parce qu’ils ont peu de politesse, et qu’il y a dans leurs mœurs une certaine rudesse, bien éloignée de la douceur et des manières chinoises. Le district de cette ville contient douze villes du second ordre, et deux du troisième.


SE MING FOU. Dixième ville.


C’est pareillement dans le voisinage du royaume de Tong king, qu’est bâtie cette ville, dans un pays rempli de montagnes, et peu éloigné de cette colonne que les Tong kinois ont élevée pour servir de limites à leur royaume, ainsi que je l’ai expliqué ailleurs. Ses montagnes fournissent beaucoup de bois. Elle n’a dans son ressort que quatre villes du second ordre.

Le pays ne laisse pas de produire tout ce qui est nécessaire pour les besoins de la vie : mais il s’en faut bien que les peuples y soient aussi civilisés qu’ils le sont dans tout le reste de l’empire.


TCHIN NGAN FOU. Onzième ville.


Une grande partie du district de cette ville, est dépendant du royaume de Tong king, aussi ne commande-t-elle qu’à une seule ville du second ordre. Ce n’était autrefois qu’une méchante bourgade, qu’on a ensuite agrandie et fermée de murailles, pour en faire une ville du premier ordre.

Les mœurs de ses habitants ne sont pas fort différentes des mœurs chinoises. Le pays produit tout ce qui est nécessaire à la vie, et entre autres choses beaucoup de miel et de cire.


SE TCHIN FOU. Douzième ville.


Le ressort de cette ville est peu considérable, car il ne comprend que deux villes du second ordre. Elle est située presque à la source de deux petites rivières qui se réunissent auprès de ses murailles. Le pays est partie plat, partie montagneux ; il confine avec la province d’Yun nan et est rempli d’un grand nombre de bourgades fort peuplées.