Description de la Chine (La Haye)/Du Chameau

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Scheuerlee (3p. 598-599).


DU CHAMEAU


Les chameaux sauvages et domestiques, naissent dans les lieux qui confinent avec la Chine du côté du Septentrion, et qui sont à l’Occident du fleuve jaune. On emploie indifféremment dans la médecine la graisse qui se trouve dans l’une et l’autre des bosses qu’ils ont sur le dos. Maintenant les chameaux sauvages ne se trouvent que dans les pays qui sont au nord-ouest de la Chine.

Chi tchin dit : Le chameau ressemble assez au cheval par le corps : il ressemble par la tête au mouton : il a le col long, et les oreilles pendantes ; il a trois articulations aux jambes, et deux bosses de chair sur le dos, qui forment comme une espèce de selle. Il rumine, il souffre sans peine le froid, et craint naturellement la grande chaleur ; de là vient qu’au solstice d’été il mue entièrement, sans qu’il lui reste aucun poil. Il peut porter jusqu’à mille livres chinoises pesant, et faire deux à trois cents lys par jour. Son instinct naturel lui fait connaître les veines d’eau, cachées dans la terre, et le vent qui est prêt de s’élever. En fouissant dans l’endroit où le chameau bat du pied, on découvre les eaux qui coulent sous terre. Il s’élève assez ordinairement durant l’été des vents chauds, qui étouffent en un instant les voyageurs : lorsque les chameaux s’attroupent en criant, et enterrent leur museau dans le sable, c’est une marque certaine que ce vent est sur le point de souffler. Il dort sans que son ventre touche à terre. Ceux par dessous le ventre desquels on voit le jour, après qu’ils se sont couchés sur leurs jambes pliées, se nomment min to, ou chameaux transparents, et ce sont ceux qui peuvent faire les plus longs voyages. Il y en a qu’on nomme fong kio to, ou chameaux à pieds de vent, à cause de leur extrême vitesse ; ils peuvent faire mille lys en un jour.


De la graisse de chameau.

On entend ici la graisse qui se trouve dans les bosses : on la nomme huile des bosses : celle des chameaux sauvages est la meilleure pour la composition des remèdes.

Ses qualités et ses effets.

Elle est douce, tempérée, et n’a point de qualité nuisible. Elle guérit l’engourdissement des membres, les ulcères, les apostumes, les chairs mortes, les rétrécissements de peau et de nerfs. Il faut pour cela la faire rôtir au feu, et en frotter la partie malade, afin que la chaleur serve de véhicule aux esprits, pour les faire pénétrer dans les chairs.

On en peut faire de petits pains, en la mêlant avec de la farine de riz, et après les avoir fait cuire, les manger, pour se guérir des hémorrhoïdes. Son effet spécifique est pour l’inanition, la phtisie, les vents, et les amas de matières endurcies que le froid a formés au dedans. Il faudra la prendre assaisonnée avec de l’eau-de-vie.

Pour l’engourdissement universel de tous les membres, prenez une livre de graisse de chameau sauvage, bien purifiée, mêlez-la avec quatre onces de beure. Il en faut prendre trois fois le jour ; chaque prise sera depuis une demie cuillerée jusqu’à une cuillerée entière.


De la chair de chameau.
Ses effets.

Elle chasse les vents, elle rend la liberté de la respiration, elle fortifie les nerfs, elle donne du suc aux chairs, elle guérit les froncles et les apostumes.


Du lait de chameau.
Ses effets.

Il rétablit la poitrine, il ranime et augmente les esprits, il fortifie les os et les nerfs.


Du poil de chameau.
Ses effets.

Le poil de dessous le menton guérit les hémorrhoïdes internes. Il faut le faire brûler, et en prendre la cendre dans du vin. La prise est d’une cuillerée ou environ.


De la fiente de chameau.
Ses effets.

Il faut la faire sécher et la réduire en poudre, en la soufflant dans le nez, elle arrête l’hémorrhagie. Quand on la brûle, la fumée qui s’exhale, fait mourir les cousins, et toutes sortes de vermines.