Description de la Chine (La Haye)/Dynasties/Première Dynastie, Hia

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Scheuerleer (Tome Premierp. 281-293).


PREMIÈRE DYNASTIE


APPELÉE HIA


qui compte dix-sept empereurs dans l’espace de quatre cent cinquante-huit ans.


YU. Premier empereur.
A régné seul dix ans.


L’année 11e de ce troisième cycle, c’est-à-dire, l’année avant Jésus-Christ 2217, Yu ou Ta yu, c’est-à-dire, le grand Yu, gouverna seul l’empire, et tint sa cour dans la province de Chan si. Un des enfants de Chun, chagrin de voir un étranger sur le trône de son père, voulut remuer ; mais il fut abandonné des Grands et du peuple, et ses efforts ne servirent qu’à affermir davantage la couronne sur la tête d’Yu, que son grand génie et ses vertus avaient rendu infiniment cher à la nation.


Cycle III. Année avant J. C. 2217.

La connaissance qu’il eut de la nature des terres, par le soin qu’il prit d’en faire écouler les eaux, le mit en état de composer un excellent traité de l’agriculture, où il enseigne la manière de cultiver et d’ensemencer les terres, et les différentes sortes de fumier dont on doit les engraisser : il en fit ensuite niveler les pentes et les hauteurs, pour donner du cours aux eaux vers les endroits qui en auraient le plus de besoin.

Il partagea toute l’étendue de ses États en neuf provinces, et il fit faire neuf grands vases d’airain ; sur chacun de ces vases il fit graver la carte d’une province. Ces vases devinrent dans la suite très précieux, et l’on crut que la sûreté de l’État était attachée à leur conservation. Quiconque pouvait s’en saisir, était comme assuré de la couronne. Elle devint héréditaire sous ce prince, de même que le sacerdoce, qui était déjà uni à la couronne, et qui y a été depuis ce règne inviolablement attaché ; car il n’y a que l’empereur qui puisse offrir des sacrifices, et il est défendu à tout autre, sous peine de la vie, de faire l’office de sacrificateur.


Cycle III. Année avant J. C. 2217.

C’était faire la cour à l’empereur Yu que de lui donner des avis sur sa conduite, et il ne croyait point qu’il y eût d’occupation plus digne d’un monarque, que celle de rendre la justice aux peuples. Pour cela il se rendait accessible à toute heure ; afin qu’on pût facilement lui parler, il fit attacher aux portes de son palais une cloche, un tambour, et trois tables, l’une de fer, l’autre de pierre, et la troisième de plomb ; et il y fit afficher une ordonnance, par laquelle il enjoignait à tous ceux qui avaient à lui parler, de frapper sur ces instruments, ou sur ces tables, suivant la nature des affaires qu’on voulait lui communiquer.

La cloche était destinée aux affaires civiles ; le tambour devait être frappé pour celles qui concernaient les lois et la religion ; la table de plomb servait aux affaires propres du ministère et du gouvernement ; si l’on avait à se plaindre de quelque injustice commise par les magistrats, on frappait sur la table de pierre ; et enfin sur la table de fer, lorsqu’on avait reçu quelques traitements trop rigoureux.

L’empereur recevait toujours avec bonté, et même avec une sorte de reconnaissance, ceux qui venaient, ou lui donner des avis, ou implorer sa justice. On rapporte qu’un jour il quitta deux fois la table au son de la cloche, et qu’un autre jour il sortit trois fois du bain, pour recevoir les plaintes qu’on venait lui faire.

On trouve dans le livre canonique nommé Chu king, les instructions qu’il donna aux princes pour gouverner sagement leurs États, et les règles qu’il prescrivit dans la distribution des charges, et dans la levée des impôts.

Il avait accoutumé de dire, qu’un souverain doit se conduire avec autant de précaution que s’il marchait sur la glace ; que rien n’est plus difficile que de régner ; que les dangers naissent sous les pas du monarque ; qu’il a tout à craindre, s’il se livre tout entier à ses plaisirs ; qu’il doit fuir l’oisiveté, faire un bon choix de ses ministres, suivre leurs avis ; et que quand il a une fois pris sagement une résolution, il doit l’exécuter sans le moindre délai.

Ce fut sous son règne qu’un nommé Y tie inventa le vin chinois : c’est un breuvage qui se fait avec le riz. L’empereur n’en eut pas plutôt goûté, qu’il en témoigna du chagrin : cette liqueur, dit-il, causera les plus grands troubles dans l’empire.

Il bannit de ses terres l’inventeur de ce breuvage, et défendit, sous de grièves peines, d’en composer à l’avenir. Cette précaution fut inutile ; on conserva le secret de composer cette liqueur et elle fait encore maintenant les délices des tables chinoises.


TI KI. Second empereur.
A régné neuf ans.


Tout l’empire applaudit à un si digne successeur du grand empereur et les peuples retrouvant dans le fils les mêmes qualités qu’ils avaient admirées dans le père, se consolèrent plus aisément de la perte qu’ils venaient de faire.

Le commencement de son règne fut troublé par la guerre, que lui déclara un prince tributaire, qui traitait durement ses sujets, et qui avait pris le dessein de rendre son autorité indépendante. L’empereur se mit à la tête de son armée, et avec le secours de six princes tributaires, dont elle fut fortifiée, il réduisit le rebelle, et le mit hors d’état de causer du trouble.

Les peuples ne jouirent pas longtemps du bonheur, qu’ils commençaient à goûter sous le gouvernement d’un si sage prince : ils le perdirent l’année vingt-neuvième du cycle, et son fils Tai kang lui succéda.


TAI KANG. Troisième empereur.
A régné vingt-neuf ans.


Il commença son règne par ériger plusieurs terres en principautés, qu’il partagea entre les cinq frères, afin de diminuer la jalousie qu’ils pouvaient avoir de la préférence qu’on lui avait donné sur eux. Mais ce fut-là le seul trait de sagesse qui lui échappa pendant son règne.

Bien différent de ses prédécesseurs, qui étaient tout occupés du gouvernement de l’État, il en abandonna absolument le soin, pour se livrer avec fureur à la passion du vin et des femmes. Son palais était rempli de femmes débauchées. Il passait les jours entiers dans les bois à poursuivre les bêtes fauves : ses chevaux et ses chiens désolaient les campagnes, et ravageaient les moissons : ce fut un cri général de tout le peuple, que cette tyrannie réduisait au désespoir. Enfin les cris et les remontrances ayant été inutiles, la révolte devint générale.

Ce fut un de ses principaux officiers nommé Y, qui entreprit de lui ôter la couronne. Il était à la tête des troupes, qui avaient toute confiance en lui ; de concert avec les Grands de l’empire, il se saisit de la personne du prince, dans le temps que depuis plus de trois mois il n’habitait que les forêts ; il l’envoya en exil, et mit sur le trône son frère cadet, nommé Tchong kang. Cette révolution, qui arriva la quarante-septième du cycle, se fit fort paisiblement, et il ne se trouva personne qui prit les intérêts du prince dépossédé.


TCHONG KANG. Quatrième empereur.
A régné treize ans


On ne compte point parmi les années du règne de cet empereur, toutes celles qui s’écoulèrent jusqu’à la mort de son frère, parce que tant que ce prince vécut, Tchong kang refusa constamment de prendre le titre d’empereur.

Il y eut autant de prudence que de modestie dans cette conduite. Il craignit qu’un ministre, qui avait eu assez d’autorité et de crédit pour détrôner son frère, ne conçût un jour le même dessein à son égard. Néanmoins comme il lui était redevable de la couronne, il trouva un expédient pour ne pas manquer ni à la reconnaissance qu’il lui devait, ni à sa propre sûreté.

Il témoigna qu’il ne pouvait se passer des conseils d’un ministre aussi habile que l’était Y, et qu’il souhaitait de l’avoir auprès de sa personne. Y donna dans le piège, et ne douta pas qu’il ne se rendît bientôt maître de l’esprit du prince, et que sous son nom il ne gouvernât l’empire. Cet emploi était incompatible avec celui qu’il avait de commander l’armée. Tchong kang donna un emploi si important à Tcheou, officier habile, et d’une fidélité pour le prince à toute épreuve. Ce trait de prudence servit beaucoup à l’affermir sur le trône.

Y s’apercevant dans la suite qu’il n’avait nulle part, ni à la faveur, ni à la confiance de Tchong kang, jura de s’en venger, et d’éteindre la famille impériale ; il cacha néanmoins son ressentiment ; mais comme il ne lui était pas possible d’exécuter son projet, tandis que Tcheou serait à la tête des troupes ; et que d’ailleurs il ne pouvait pas espérer de corrompre un fidèle sujet, il s’efforça plusieurs fois de le rendre suspect au prince ; n’ayant pu réussir, il chercha, mais inutilement, le moyen de faire périr Tcheou.

Toutes ces tentatives furent vaines. Ainsi il se borna à gagner sous main les Grands de l’empire par ses bienfaits, et il eut l’adresse de s’insinuer par mille complaisances dans l’esprit et les bonnes grâces du prince héritier, jusqu’à ce qu’il eût la facilité de commettre sans aucun risque le crime qu’il méditait.

Tai kang mourut sur ces entrefaites la cinquante-huitième année du cycle, et ce fut alors que Tchong kang prit le titre d’empereur. IV. 2157.

La deuxième année de ce cycle, ou la sixième, comme d’autres l’assurent, il y eut une célèbre éclipse de soleil, au temps de la conjonction de cet astre avec la constellation nommée Fang. Deux astronomes qui avaient soin du tribunal des mathématiques, appelés Hi et Ho, noms qui paraissent plutôt des noms d’emploi que de famille, furent punis de mort, parce que s’étant plongés dans le vin, ils n’avaient pas prédit cette éclipse ; et que par une pareille négligence à supputer et à observer le mouvement des astres, ils avaient troublé l’ordre du calendrier, dont l’empereur leur avait confié le soin : ce qui est un crime digne de mort. Il y en a qui croient, ce qui est vraisemblable, que ces mathématiciens favorisaient secrètement la trahison que le ministre tramait sourdement, et que c’est en partie pour cela qu’il leur en coûta la vie. Tchong kang mourut la treizième année du cycle, et Ti siang son fils lui succéda l’année suivante.


Cycle IV. Année avant J. C. 2117


TI SIANG. Cinquième empereur.
A régné vingt-sept ans


L’imprudence de ce prince fut la cause de sa perte, et il s’en fallut peu qu’elle n’entrainât la ruine de toute sa famille. Loin de suivre l’exemple de son père dans la conduite qu’il avait tenue à l’égard du ministre, en l’écartant de tout emploi qui donne du crédit, Ti siang mit toute sa confiance en un homme si dangereux ; il s’aveugla même jusqu’au point d’ôter au fidèle Tcheou le commandement des troupes, et de mettre en sa place le traître, qui par ses souplesses et ses flatteries était devenu son favori.

Y se voyant dans le poste important qu’il avait occupé autrefois, et dont Tchong kang avait eu l’adresse de le dépouiller, songea à exécuter le projet qu’il méditait depuis tant d’années. Il commença par gagner l’amitié des soldats, et par se les attacher uniquement il les accoutuma peu à peu à ne pas tant déférer aux ordres de l’empereur qu’aux siens, et à les détacher de son service enfin il mit en œuvre tant d’intrigues et de complots, que l’empereur se vit forcé de chercher un asile chez deux princes tributaires ses parents.

Y pendant sa faveur s’était fait une infinité de créatures, qu’il avait élevées aux premiers emplois de l’empire ; néanmoins dans la crainte où il était, que d’autres princes tributaires ne se joignissent à l’empereur, il n’osa pas faire éclater sitôt sa révolte. Il eut recours à ses ruses et à ses artifices ordinaires : il écrivit à l’empereur une lettre très soumise et remplie de protestations de fidélité ; il le suppliait de revenir dans son palais, en l’assurant qu’il connaîtrait bientôt par lui-même, qu’il n’avait point de sujet plus dévoué que lui à ses intérêts et à son service ; il ajoutait que les plus grands ennemis du prince étaient ceux qui lui avaient inspiré un défiance si mal fondée, et il supposa plusieurs crimes, pour lesquels ils furent, ou bannis, ou condamnés à mort, et remplacés par de créatures du traître.

Il comptait de jouir bientôt du fruit de tant d’attentats, lorsqu’il périt lui-même par une perfidie également noire et détestable. Parmi ses créatures, il y avait un nommé Han tso homme double et artificieux, qui avait le plus de part à sa confiance, et à qui il avait donné toute autorité dans l’armée. L’ambition s’empara du cœur de ce scélérat, et il crut pouvoir se frayer le chemin au trône, s’il faisait périr tout à la fois et son bienfaiteur et son souverain ; il avait dressé son plan de telle sorte, que le succès lui parut indubitable. Il confia son dessein à des soldats, dont il était absolument le maître, et en leur ordonnant d’assassiner Y, lorsqu’il irait à la chasse, il les assura qu’en même temps il publierait, qu’ils n’avaient fait qu’exécuter les ordres exprès de l’empereur. Tout réussit ainsi qu’il le souhaitait, et cette mort fut regardée comme un juste châtiment que méritait un sujet rebelle.

Il ne s’agissait plus que de se défaire de l’empereur. Voici comme il s’y prit : il fit venir le fils aîné du rebelle, c’était un jeune homme vif et impétueux, nommé Kiao ; il l’anima sans peine à venger la mort de son père et lui en fournit les moyens, en détachant secrètement une partie des troupes dont il était le maître. Kiao marche vers l’empereur, qui n’avait pu former qu’à la hâte une armée peu nombreuse, lui livre le combat, défait entièrement ses troupes, tue le prince de sa propre main, et extermine ensuite toute sa famille.

Il n’y eut que l’impératrice qui échappa à sa fureur ; elle était enceinte, et ce fut avec bien de la peine qu’elle se réfugia dans les montagnes. Han tso s’empara aussitôt de la couronne, et pour récompenser celui qui avait si bien servi ses vues ambitieuses, il érigea des terres en principauté, dont il le gratifia.


HAN TSO. usurpateur.
A régné quarante ans.


L’impératrice réfugiée chez les bergers dans les montagnes, y mit au monde un fils nommé Chao kang, qu’elle éleva sans le faire connaître.

La naissance de ce prince fut ignorée pendant quelques années, et il était déjà parvenu à un âge mûr, lorsque l’usurpateur en eut connaissance. Il le fit chercher de tous les côtés, mais le jeune prince informé des démarches du tyran, se retira chez un prince tributaire, et entra dans sa maison en qualité de domestique ; il n’y était regardé que comme le fils d’un berger.

Cependant son maître aperçut dans la physionomie et dans les manières du jeune homme, je ne sais quel air de noblesse et de grandeur, qu’une basse naissance, et une éducation champêtre ne donnent guère. Il le fit venir un jour, et étant seul avec lui, il lui fit plusieurs questions sur sa famille, avec cette bonté qui attire toujours la confiance.

Chao kang ne crut point devoir dissimuler qui il était : il fit ingénuement le détail de tous les malheurs de sa maison, dont la princesse sa mère l’avait parfaitement instruit. Le prince, qui en était instruit lui-même, embrassa tendrement Chao kang, lui fit épouser sa fille, et pour dot il lui donna une partie de sa principauté, où le jeune prince développant bien mieux ses grades qualités, fit connaître combien il était digne du trône.

Le beau-père ne perdit point de temps : il écrivit à tous les ministres et à tous les Grands de l’empire, qui étaient attachés au dernier empereur ; il forma une armée, et s’étant assuré du suffrage des peuples, qui détestaient le tyran, et soupiraient après leur légitime souverain, la dix-huitième année du cycle, il alla attaquer l’usurpateur. Han tso ne résista pas longtemps ; son armée fut défaite ; on le fit prisonnier, et une mort infâme termina sa détestable vie. En même temps Chao kang fut établi sur le trône de ses ancêtres avec un applaudissement général.


Cycle V. Année avant J. C. 2067.


CHAO KANG. Sixième empereur.
A régné vingt-deux ans.


Aussitôt que Chao kang fut sur le trône, il donna ordre au général de ses troupes, de poursuivre le complice de l’usurpateur et le meurtrier de son père. Kiao se mit en défense, mais sa petite armée fut taillée en pièces : on le fit prisonnier, et on lui trancha la tête.

La mort de ces rebelles rétablit le calme et la tranquillité dans l’empire : les lois reprirent leur première vigueur ; l’empereur convoqua souvent l’assemblée des princes tributaires, pour réformer les abus qui se glissaient, et mettre l’ordre dans toutes les parties de l’État ; ses ordonnances furent exactement observées, et les peuples vécurent contents sous une si sage administration. Sa réputation lui attira même des ambassades des princes étrangers, et son règne fut glorieux que paisible. Il mourut la quarantième année du cycle, et la quarante-unième Ti chu son fils lui succéda.


TI CHU. Septième empereur.
A régné dix-sept ans.


Ce règne ne présente rien de remarquable : l’autorité souveraine, si bien affermie par le dernier empereur, et la réputation que le prince régnant s’était faite dans les armes, contint les princes, les Grands, et le peuple dans la plus parfaite obéissance. L’empire jouit d’une paix profonde, et il n’y eut personne qui osât la troubler. Il y eut à la vérité quelques mouvements du côté de la mer, mais ils furent assoupis presque au moment qu’ils s’étaient élevés. Ce prince mourut la cinquante-septième année du cycle, et son fils Ti hoai monta l’année suivante sur le trône.


Cycle VI. Année avant J. C. 2037.


TI HOAI. Huitième empereur.
A régné vingt-six ans.


La paix et le bon ordre qui régnait dans l’empire, l’avait rendu si florissant, que des nations voisines envoyèrent l’année 60e du cycle, des ambassadeurs vers le nouvel empereur, pour se mettre sous sa protection, en s’obligeant de lui payer un tribut annuel. Il paraît par l’histoire que les ambassadeurs vinrent par mer, et que par conséquent l’art de la navigation était connu.

L’oisiveté causée par les douceurs d’une longue paix, amollit le cœur de ce prince, et lui inspira l’amour des plaisirs, dont il devint l’esclave. Il passa le reste de sa vie enfermé dans son palais au milieu de ses femmes et de ses eunuques, sans se montrer jamais à ses peuples, et se reposant sur ses ministres du gouvernement de son État. Il mourut l’année 23e du cycle, et l’année 24e son fils nommé Ti mang lui succéda à l’empire.


TI MANG. Neuvième empereur.
A régné dix-huit ans.


Ce règne fut assez semblable au précédent ; ce prince ne fut pas à la vérité aussi livré à ses plaisirs que son père, mais il s’abandonna comme lui à une vie indolente et oisive. Tout ce qu’il fit de particulier, fut de transférer sa cour vers le fleuve Jaune, et de visiter quelques parties de les États du côté de la mer. Il mourut la quarantième année du cycle, et il eut pour successeur son fils nommé Ti sie, qui commença son règne l’année suivante.


TI SIE. Dixième empereur.
A régné seize ans.


Ce prince fut recommandable par son amour de la justice, et par son attention à prévenir les troubles, et à maintenir la paix dans ses États. Les petits souverains des nations voisines, qui s’étaient rendus tributaires de l’empire, vinrent en personne lui rendre leurs hommages, et se mettre eux et leurs sujets sous sa protection. Il les honora de quelques titres de dignité et de distinction, pour récompense de leur fidélité. Il mourut la cinquante-septième année du cycle, et laissa la couronne à son fils Ti pou kiang.


Cycle VII. Année avant J. C. 1977.

TI POU KIANG. Onzième empereur.
A régné cinquante-neuf ans.


Il est surprenant que pendant un si long règne, il ne se soit rien passé qui ait mérité d’avoir place dans l’histoire chinoise. On n’y loue que l’équité de cet empereur, et la tranquillité dont l’empire continua de jouir pendant son règne.

Il finit sa vie l’année cinquante-sixième du cycle. Son fils Kong kia, qu’il avait nommé son successeur, succomba sous le crédit de son oncle, nommé Ti kiong, qui usurpa le pouvoir souverain, chassa son neveu l’héritier légitime, et se déclara empereur. Ce neveu règnera dans la suite après quarante-trois ans.


TI KIONG. Douzième empereur.
A régné vingt-un ans.


Cet usurpateur monta tranquillement sur le trône la cinquante-septième année du cycle, et pour ôter à son neveu Kong kia toute espérance d’y être jamais rétabli, il nomma pour successeur son fils Ti kin. C’est tout ce que dit l’histoire d’un prince, que son ambition rendit injuste et dénaturé.


Cycle VIII. Année avant J. C. 1917.

La dix-septième année du cycle il mourut, et son fils lui succéda.


TI KIN. Treizième empereur.
A régné vingt-un ans.


L’usurpation du père fut soufferte également dans le fils, et son règne fut d’une égale durée ; mais ses débauches le rendirent méprisable et odieux aux peuples, ce qui fut cause que quelques-uns des princes feudataires, cherchèrent à remuer : il conserva cependant la couronne jusqu’à sa mort, qui arriva la trente-huitième année du cycle ; mais il ne put l’assurer à son fils : elle fut donnée à l’héritier légitime, qui en avait été dépouillé par son propre oncle.


KONG KIA. Quatorzième empereur.
A régné trente-un ans.


Ce prince, qui était né pour le trône, répondit bien mal à l’idée qu’on s’était formée de lui. Quarante ans et plus d’adversités auraient dû lui apprendre à modérer ses passions. Aussitôt qu’il eut l’autorité en main, il s’y livra tout entier, et la débauche en fit le prince le plus efféminé qu’on ait encore vu.

Il abandonna le gouvernement de l’État à ses ministres, encore se mit-il peu en peine d’en faire un bon choix. Il accordait des places importantes à la flatterie, plutôt qu’au mérite ; et c’était assez d’applaudir à ses désordres, pour être digne des premières charges de l’empire.

Une pareille conduite le mit dans un tel décri, que les princes tributaires refusèrent de lui rendre leurs hommages, sans qu’il osât user de son autorité pour les rappeler au devoir, tant il était affaibli par les délices d’une vie molle et voluptueuse.


Cycle IX. Année avant J. C. 1857.

La cinquième année de ce cycle arriva la naissance de Tching tang, fondateur de la dynastie suivante.

La neuvième année, Kong kia céda par sa mort la couronne à son fils Ti cao.


TI CAO. Quinzième empereur.
A régné onze ans.


Les vices du dernier empereur avaient déjà rendu la couronne chancelante dans sa famille, son fils ne travailla pas à l’affermir. Trop fidèle imitateur de son père, il fit de son palais le séjour des plus infâmes plaisirs. Ses débauches poussées à l’excès, abrégèrent ses jours, et il mourut l’année vingtième du cycle ; son fils nommé Ti fa lui succéda.


TI FA. Seizième empereur.
A régné dix-neuf ans.


L’histoire ne dit rien, ni des vertus, ni des vices de cet empereur : elle ne parle que des hommages que lui rendirent les princes tributaires à son avènement au trône, et du malheur qu’il eut de donner le jour au plus méchant de tous les hommes, qui fut son successeur, et avec lequel la dynastie Hia fut éteinte. Ce prince nommé Kié succéda à Ti fa son père, l’année quarantième du cycle, l’empereur étant mort la trente-neuvième.


KIE. Dix-septième empereur.
A régné cinquante-deux ans.


La cruauté et les infamies de cet empereur l’ont fait regarder comme un monstre. Son nom est encore aujourd’hui dans la même exécration, que l’est en Europe celui de Néron, et l’on ne peut donner à un mauvais prince de titre plus infamant, que de dire que c’est un autre Kié.

Il était né avec d’assez belles qualités, et avec une force de corps extraordinaire ; mais ces qualités furent entièrement obscurcies par l’assemblage de tous les vices auxquels il s’abandonna.


Cycle X. Année avant J. C. 1797.

Il avait une femme encore plus méchante et plus cruelle que lui, et il obéissait aveuglément à ses ordres. Le sang de ses sujets ne lui coûtait rien à répandre pour lui complaire : et on n’entendait parler que d’exécutions sanglantes, ordonnées par le caprice de cette princesse barbare. Ils portèrent l’un et l’autre la brutalité à des excès qui faisaient rougir.

Kié fit creuser un assez grand espace de terre, en forme d’étang, et après l’avoir fait remplir de vin, il ordonna à trois mille de ses sujets de s’y plonger. Il y avait dans son palais un appartement secret, où par l’ordre de l’empereur et de l’impératrice, et en leur présence, on se livrait aux plus abominables débauches.

Ces affreux scandales révoltèrent tout l’empire : les princes, les Grands, le peuple étaient sur le point de prendre les armes ; ils furent arrêtés par les ministres du prince, qu’un reste de tendresse attachait encore à sa personne. Ils lui représentèrent, avec respect, ses désordres, et le danger prochain où sa conduite licencieuse et tyrannique l’exposait ; mais ces remontrances ne servirent qu’à le rendre plus furieux. Un de ces ministres, qui avait porté la parole, fut condamné à mort, et exécuté en sa présence.

La colère de l’empereur ne ralentit pas le zèle de ces sages ministres : ils adressèrent un mémorial à ce prince, où ils lui reprochèrent librement ses meurtres, sa cruauté, et les horreurs de sa vie. A peine en eut-il fait la lecture que transporté de rage, il prit la résolution d’en faire mourir les auteurs.

Tching tang, l’un des princes tributaires le plus respecté pour sa sagesse et sa vertu, et qui descendait de Hoang ti, ayant joint ses remontrances à celles des plus fidèles ministres, vit récompenser son zèle par la prison, où il fut enfermé l’année vingt-unième du cycle, et où néanmoins il ne demeura que peu de temps. Ces violences, qui ne faisaient que croître chaque jour, réunirent tous les ordres de l’État contre le tyran. D’un commun consentement ils choisirent Tching tang pour remplir sa place, et le forcèrent à lui déclarer la guerre.

Ce prince vertueux et désintéressé, déclara qu’il n’avait nul droit à la couronne, et que s’il prenait les armes, ce ne pouvait être que pour obliger l’empereur à se reconnaître, et à rentrer dans le devoir. Son armée fut bientôt prête, et chacun des princes lui fournit des troupes.

L’empereur en voulut lever de son côté mais il ne put rassembler qu’une poignée de ses sujets, tant la défection était générale. Il eut recours aux Tartares, et tâcha, par de belles promesses, de les engager à son service. Ce fut avec aussi peu de succès, il en était également détesté.

Dans un abandon si universel, il eut recours à la feinte et à la dissimulation ; il avoua ses crimes, et parut se repentir : la seule grâce qu’il demanda, c’est qu’on lui accordât la vie.

Tching tang se laissa fléchir, et persuadé que le changement de l’empereur était sincère, non seulement il le laissa vivre, mais il lui rendit aussi sa couronne. Il quitta aussitôt le commandement de l’armée, et retourna dans son petit État, donnant par là un exemple de modération et de désintéressement, qui fut admiré de tout l’empire.

A peine l’empereur se vit-il rétabli sur le trône, qu’il se replongea dans ses vices ordinaires ; il fit plus, car il leva à la hâte une armée contre Tching tang qu’il traitait de traître et de rebelle.

Tching tang se mit aussitôt à la tête de ses troupes pour se défendre. Mais lorsque les deux armées furent en présence, les soldats de l’empereur l’abandonnèrent, et passant dans l’armée de Tching tang, ils jetèrent leurs armes à ses pieds, et le reconnurent pour leur souverain.

Kié n’eut plus de ressource que dans la fuite : il se bannit lui-même en sortant de l’empire, et après trois années d’exil, il finit sa criminelle vie, qui a rendu son nom et sa mémoire exécrables à la postérité.