Description de la Chine (La Haye)/Remède Chinois pour la Dysenterie

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Scheuerlee (3p. 627-628).


REMÈDE CHINOIS,


pour la dysenterie.


Ce remède fut communiqué au père Parrenin par un mandarin du premier ordre, à condition qu’il ne le publierait pas à la Chine, parce qu’il voulait le laisser à ses enfants. C’est assez l’ordinaire que les Chinois, même les grands seigneurs, qui ont des recettes particulières, les regardent comme des secrets de famille, dont ils ne font part qu’à leurs fils. La mort qui surprit ce mandarin, ne lui laissa pas le temps de communiquer ce secret à sa famille.

Lorsqu’il m’en donna la recette, dit le père Parrenin, je n’y eus pas d’abord beaucoup de confiance, parce que la préparation m’en parut longue et embarrassée de conditions, qui ne semblaient propres qu’à rendre le secret plus mystérieux et plus difficile. Cependant j’en voulus faire l’expérience, et j’en donnai la recette au frère Rhodes, médecin et apothicaire, et après sa mort au frère Rousset, qui lui a succédé : l’un et l’autre m’ont assuré, que de cent malades, ils en guérissaient plus de quatre-vingt ; qu’il n’est pas violent comme l’hypecacuana, qui cause des tranchées douloureuses ; que ce remède n’en cause aucune, et ne purge pas comme l’autre, qu’il est aisé à prendre, et qu’on le donne en petite dose.

J’en ai souvent donné moi-même à des riches et à des pauvres, continue le père Parrenin, et presque tous ont été guéris. Deux de nos missionnaires, après avoir tenté inutilement plusieurs remèdes chinois et européens, furent guéris par celui-ci. Voici de quelles drogues il est composé, et quelle en est la préparation.

La première drogue se nomme Mao chan tsang tcheou. Elle est composée, comme on voit, de quatre caractères : les deux premiers, mao chan, signifient le lieu d’où on l’a tirée : c’est une montagne dans la province de Kiang si. Cette drogue doit être trempée un jour et une nuit dans l’eau tiède, où l’on a lavé le riz pour le faire cuire. On y ajoute une poignée de terre jaune, un peu grasse. Le tout ayant été bien mêlé et trempé pendant vingt-quatre heures, on retire la drogue, qu’on fait sécher à l’ombre ; quand elle est sèche, on en fait tomber la terre qui s’y était attachée, en la secouant ou la frottant entre les mains.

Les autres drogues qui suivent, n’ont pas besoin de préparation : il est difficile de faire connaître des racines sèches et étrangères, dont on ne voit ni la tige, ni les feuilles, ni les fleurs, ni le fruit. Je n’ai pu les avoir, parce qu’aucune de ces racines ne se trouve dans les provinces voisines de Peking. Ainsi je ne puis dire certainement, quel nom européen il faudrait leur donner : je ne proposerai que mes conjectures.

La seconde drogue, me paraît une espèce de sureau ou d’yeble.

La troisième, est une racine longue, odoriférante, quand elle est récente, et qu’on tire de la province de Se tchuen. Je ne sais à quoi la comparer. Les Chinois disent, qu’elle dissipe les humeurs, et les évacue par la transpiration.

La quatrième, qui est la rhubarbe, est assez connue.

La cinquième, nommée tsao ou, est une espèce d’aconit.

Les Chinois n’ignorent pas que cette plante est vénéneuse, mais le mélange des autres drogues en émousse le venin, et la rend salutaire. Ils s’en servent assez souvent dans la composition des remèdes, mais en si petite quantité, qu’elle ne peut nuire ; et dans la recette dont il est ici question, il y en entre si peu pour une prise, qu’il n’y a rien à craindre de son venin, qui trouve un bon correctif dans ce mélange.

Enfin on y fait entrer cinquante noyaux d’abricots, dont il faut ôter la partie dure, la pellicule, et la petite pointe, ou le germe, en un mot, les monder et les piler dans un mortier de pierre, en exprimer l’huile, qu’on rejette, pour ne se servir que du marc, qui se mêle avec les autres drogues, qu’il faut piler toutes ensemble, et les réduire en une fine poussière, on en fait des pilules si l’on veut, ou bien l’on conserve cette poussière dans un vase bien fermé.

La prise pour les adultes est depuis vingt à vingt-quatre grains : on en donne jusqu’à trente ou trente-six grains aux plus robustes : elle ne doit être que de dix grains pour les enfants. A l’égard du véhicule, les Chinois disent qu’il faut avoir égard à la couleur des matières : si elles sont rouges, mêlées de sang, le remède doit se prendre dans du bouillon de teng tsao ; si elles sont blanches, dans de la décoction de gingembre ; si elles sont de couleur naturelle, dans de l’eau de riz. Si le malade est dégoûté, et a de la répugnance à manger, il faut lui faire avaler ce remède dans du bouillon, fait d’un os de jambon qui ne soit pas rance. Il n’importe à quelle heure du jour on prenne ce remède. Je crois que ces sortes de véhicules ne servent de rien, ou de bien peu de chose. Je ne l’ai jamais ordonné que dans de l’eau de riz, et il a eu presque toujours son effet dès la première prise.