Dictionnaire de Trévoux/6e édition, 1771/Tome 2/141-150
pages 131 à 140
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qui choque également le bon sens & la nature. Suivant la coutume d’Espagne, l’un des cadets des grandes maisons prend d’ordinaire le nom de la mere, quand il est illustre. P. Verjus.
On dit branche cadette d’une maison, par opposition à branche aînée, & il signifie une branche de cette maison, sortie d’un cadet. Branche cadette de Bourbon. Branche cadette de Lorraine. Acad. Fr.
Ce mot vient de capitetum, comme qui diroit petit chef de famille. On écrivoir autrefois capdet, & on le prononce ainsi en Gascogne. Ménage. Borel confirme cette pensée, & dit qu’en Gascogne on appeloit les aînés capmas, comme qui diroit, chefs de maison, & capdets, quasi minora capita. Dominicus dit que ce mot vient quasi a majori natu cadant, & sint veluti catheti, aut normales lineæ ab ipso dependentes.
Cadet se dit aussi, par extension, en parlant de deux hommes, dont l’un est moins âgé que l’autre, sans qu’il soit question de fraternité. Cet homme dit qu’il est de mon âge, mais je lui montrerai qu’il est mon cadet de plus de dix ans.
Cadet se dit dans le même sens à l’égard de la réception des Officiers dans une profession, soit de guerre, soit de justice, sans considération de l’âge. Un Officier se plaint avec raison, quand on a fait monter son cadet devant lui.
Cadet, en terme de guerre, se dit d’un jeune homme qui se met volontaire dans les troupes, sans prendre de paye, pour apprendre le métier de la guerre, & se rendre capable de quelque emploi. Miles voluntarius. Cadet aux Gardes, est un jeune homme volontaire dans le Régiment des Gardes. Il ne doit y avoir que deux Cadets dans chaque compagnie, âgés au plus de dix-huit ans, par l’Ordonnance de 1670. ☞ Les Cadets d’Artillerie sont de jeunes gens de famille, que le Grand Maître reçoit pour les faire instruire dans les écoles d’artillerie, & les rendre capables de devenir Officiers. En 1682, le Roi établit en son Royaume des compagnies de jeunes gens, à qui l’on donna le nom de cadets. Les enfans des Gentilshommes, ou de ceux qui vivoient noblement, y étoient instruits dans tous les exercices militaires, & lorsqu’on les trouvoit capables de commander, on les faisoit Sous-Lieutenans, Enseignes, ou Cornettes. Medailles du Roi 191. La médaille qui fut faite à ce sujet représentoit au revers une troupe de jeunes hommes, avec un Officier qui leur met l’épée au côté, & pour légende militæ tyrocinium : & dans l’exergue, nobiles educati munificent. Princ. m. dc. lxxxii. On fit aussi une dévise sur cet établissement. Le corps de la dévise étoit un chataigner, dont les fruits jeunes & tendres paroissent armés de pointes ; ces paroles faisoient l’ame. Teneros armat fœtus. Cet établissement s’est renouvellé sous le règne de Louis XV. On a frapé à cette occasion une médaille du Roi, gravée dans le Mercure de Janvier 1728, & dont le revers représente Pallas debout, tenant sa pique d’une main, & montrant de l’autre de jeunes gens qui tracent des plans de fortifications, & qui font d’autres exercices, avec cette devise,
Nobilum Epheborum institutio militaris renovata.
Mais on a depuis licencié, par ordre du Roi, la Compagnie des 600 Cadets, que S. M. entretenoit à Metz, dont la plupart ont été faits Lieutenans ou Sous-Lieutenans dans les Régimens de Milice. Merc. Janv. 1734. C’est en parlant de ces jeunes gens que Boileau a dit :
Eprise d’un Cadet, yvre d’un Mousquetaire.
☞ On dit proverbialement d’un jeune homme qui aime à faire bonne chère, à faire de la dépense, c’est un cadet de haut appétit.
CADÉTES. s. m. pl. Nom d’un ancien peuple des Gaules. Voyez plus bas dans l’art. de Caen.
CADETTE. s. f. Pierre de taille pour paver. Lapis quadratus.
CADETTER. Paver avec des pierres appelées cadettes. Lapidibus pavimentum sternere. Ces deux mots se trouvent dans Pomey & dans Richelet. Le premier se trouve aussi dans le Dict. de l’Acad.
CADI. s. m. Terme de relation. C’est le nom qu’on donne aux Juges des causes civiles chez les Sarasins & les Turcs. d’Herbelot écrit Cadhi, & les Cadhis. Ce n’est pas l’usage en françois. Voyez ce que cet Auteur rapporte au mot Cadhi, pour montrer ce que c’est que les Cadis, & quelles sont leurs rapines.
Ce mot est arabe, קדי, ou קאדי, Kadi, Jude de קדי, Kadai, qui signifie juger. Il se prend ordinairement pour les Juges d’une ville ou d’un village : ceux des provinces s’appellent Mollas, Moula-Cadis, ou Grand-Cadis. Les Cadis connoissent aussi des affaires de Religion dans le Biledulgérid en Afrique.
CADIASCHER. s. m. Voyez Cadilesker. C’est la même chose ; il n’y a de différence que l’article al qui est à Cadilesker, n’est pas dans Cadiascher. Il faut prononcer Cadi-asker.
CADILESKER, ou CADILESQUER, ou CADILESQUIER. Chef de la Justice chez les Turcs. Chaque Cadilesquier a son district particulier. M. Ricaut les déduit à trois pour tout l’Empire. Le Cadilesquier d’Europe, d’Anatolie & du grand Caire.
Le Cadilesquier, dit Vigenère, dans sa Traduction de Chalcondyle, est comme Grand Prévôt de l’Hôtel. Voyez encore cet Auteur sur les droits des Cadileskers, dans ses Illustrations sur l’Histoire de Chalcondyle, par. 332, 333.
Cadhil-asker, ou comme les Turcs l’appellent Cadhilesker, est le Juge de l’armée, que nous appellerions Intendant. Aujourd’hui c’est le nom d’une grande dignité dans l’Empire-Ottoma, où il n’y a que deux personnes qui en soient revêtues, dont l’un est le Cadhilesker de Romelie, c’est-à-dire d’Europe, & celui d’Anatolie, c’est-à-dire, de l’Asie. d’Herb. Ricaut en ajoute un troisième, qu’il appelle Cadilesker du Kaire.
Le mot Calileschker est arabe, composé de קדי, Kadi, qui signife-ie Juge, & אפכר, Aschar, & avec l’article אלפכר, Alaschar, c’est-à-dire, armée d’où s’est formé Kadilascher, Juge d’armée, parce que d’abord il étoit Jude des Soldats. Selon cette étymologie, il faudroit écrire Cadilescher, parce qu’en Arabe & en Turc c’est un Kef, c’est-à-dire, un son semblable à celui du Χ des Grecs, & en notre langue tel que le Ch dans Charon, Chorévêque, Chelidoine : mais l’usage est d’écrire Cadilesker, ou Cadilesquer.
CADILLAC. Ville de France en Guienne, dans le Bazadois, près de la Garonne, Catelliacum.
CADIS, CADIZ, ou CADIX. Petite Île sur la côte d’Andalousie, province d’Espagne. Gades, Gadira. Solin dit que les Tyriens s’étant embarqués sur le golfe Arabique, ou mer Rouge, firent le tour de l’Afrique, & vinrent surgir à cette Île, qu’ils nommerent Erythrée, c’est-à-dire, Rouge, du nom de la mer de laquelle ils étoient partis. Ensuite les Carthaginois la nommerent Gadir, qui en leur langue signifie Septum, c’est-à-dire, un lieu clos, palissadé. C’est-là, que selon la fable, Hercule vainquit Géryon. L’Île de Cadix a environ quatre ou cinq lieues de long, & depuis une jusqu’à trois de large. Elle n’est séparée de la terre ferme que par un canal que l’on passe sur le pont de Suaco. La différence du méridien de Cadis à celui de Paris, est, selon l’Académie des Sciences de 9° 45′ occid. par conséquent Cadis est au 10e degré 15’ de longitude.
Ce mot vient du latin Gades, qui s’est formé du Punique Gadir, qui, comme nous l’avons dit, signifie Septum, & vient de l’hébreu גדר, sepire.
Cadis. Ville dans l’Île de même nom, dont nous venons de parler. Cette ville n’est pas bien grande, mais elle est bien bâtie & forte ; elle a un très-bon port. Cadis est encore très-considérable par le commerce de l’Amérique. C’est-là où aboutissent toutes les marchandises que les Espagnols portent aux Indes, & toutes les richesses qu’ils en rapportent en Europe. Cadis est une ville Episcopale. Nous ne disons jamais Calis. En Angleterre & dans les Pays-Bas on dit Calis Malis.
Cette ville est au 36° 33′ 30″ de latitude, & sa différence de la longitude de Paris est 8° 27′ 0″. Cassini. C’est-à-dire, qu’elle est au 11° 24′ 20″ de longitude.
Le Golfe de Cadis, Sinus Gaditanus, Oceanus Gaditanus. Il comprend toute la partie de l’Océan Atlantique, qui est renfermée entre les côtes de l’Algarve, & de l’Andalousie, vers le nord, & celles du Royaume de Fez & de Maroc au midi, jusqu’à une ligne tirée du Cap de S. Vincent en Europe, à celui de Camin en Afrique. Il prend son nom de Cadis, parce que c’est le port le plus considérable qui soit sur ces côtes. Maty.
La Baie de Cadis. Sinus Gaditanus ; c’est une petite partie du Golfe de Cadis, renfermée entre l’Île de Cadis au midi, & les côtes d’Andalousie au nord & au levant. La Baie de Cadis a environ douze lieues de circuit, & deux de large.
Cadis. s. m. Sorte de petite étoffe de laine de bas prix. Un lit de Cadis. Une tapisserie de Cadis.
CADISÉ. s. m. ou plutôt adj. employé substantivement. Espèce de droguet croisé & drapé, dont il se fabrique plusieurs sortes en divers lieux du Poitou.
CADIZADELITE. s. m. Nom d’une secte Musulmane. Cadizadelita. Les Cadizadélites sont une espèce de Stoïciens Mahométans, qui fuient les festins & les divertissemens, & qui affectent une gravité extraordinaire dans toutes leurs actions. Ceux des Cadizadélites qui habitent vers les frontières de Hongrie & de Bosnie, ont pris beaucoup du Christianisme, qu’ils mêlent avec le Mahométisme. Ils lisent la traduction Esclavone de l’Evangile, aussi-bien que l’Alcoran. Ils boivent du vin, même pendant le jeûne du mois de Ramazan ; mais ils n’y mêlent point de cannelle, ni de liqueurs. Ils aiment & protégent les Chrétiens. Mahomet est, selon eux, le S. Esprit qui descendit sur les Apôtres le jour de la Pentecôte. Ricaud parle de cette secte dans son livre de l’Empire Ottoman.
CADMIE. s. f. Terme de pharmacie. Cadmia. C’est une espèce de minéral qui est de deux sortes. Il y a la cadmie naturelle & de l’artificielle. La cadmie naturelle est encore de deux sortes : l’une contient des parties métalliques, & l’autre n’en contient point. La première, qu’on appelle cobaltum, est un minéral terrestre, de couleur presque noire, & qui contient quelques parties de cuivre ou d’argent. On en tire beaucoup d’Allemagne : elle est fort caustique & corrosive, de sorte qu’on la met au rang des poisons. La cadmie naturelle, qui est privée des parties métalliques, est autrement appelée calamine, ou pierre calaminaire. Voyez Calamine. La cadmie artificielle se fait dans les fournaises de cuivre, dont il y a de cinq sortes. La première est appelée botrytis, parce qu’elle a la forme d’une grappe de raison ; la seconde ostracitis, qui est faite comme un test ou coquille : la troisième placitis, parce qu’elle ressemble à de la croute ; la quatrième capnitis : la cinquième calamitis ; celle-ci s’attache autour des perches de fer, avec lesquelles on remue la matière de cuivre dans la fournaise, laquelle étant secouée, a la figure d’une plume, qu’on nomme en latin calamus. La cadmie botrytis se trouve à la partie moyenne de la fournaise ; l’ostracitis dans la partie basse ; la placitis dans la partie la plus brute, & la capnitis à la bouche de la fournaise. La cadmie est dessicative & détersive : on s’en sert dans les ulcères humides & puants, qui se cicatrisent par son moyen. La botrytis & la placitis sont aussi très-bonnes dans les maladies des yeux.
☞ La cadmie, disent les Encyclopédistes, est une substance semi-métallique, arsénicale, sulfureuse & alcaline, qui s’attache comme une croûte aux parois des fourneaux où l’on fait la première fonte des minéraux. On la nomme cadmia fornacum. Cadmie des fourneaux, pour la distinguer de la pierre calaminaire qu’on appelle quelquefois cadmia fossilis, cadmie fossile, parce qu’elle a toutes les propriétés de la cadmie, avec cette différence que la pierre calaminaire est une production de la nature, au lieu que la cadmie des fourneaux est une production de l’art.
☞ La différence des cadmies vient de la diversité des minéraux dont les vapeurs les produisent.
☞ Il semble que les Auteurs qui ont écrit sur la cadmie aient cherché à la défigurer par les différens noms grecs que nous avons rapportés dans le premier article, qui ne marquent dans leur étymologie que la figure différente qu’elle prend, & la place qu’elle occupe dans le fourneau. C’est un plus grand mal encore de la confondre avec d’autres substances avec lesquelles elle n’a que quelques points de conformité, comme la Tutie, le Pompholie, &c. La Tutie est un bon remède pour les maux d’yeux ; la Pompholie pour dessécher les plaies. Où en seroit-on si on employoit pour ces usages la cadmie, qui est presque toujours mêlée de parties arsénicales ?
CADMUS. s. m. Nom d’homme. Cadmus. C’est un Dieu des habitans de Gortyne, ville de Créte, où Europe sa sœur fut aussi honorée comme une Divinité. Ce Cadmus, est ce Phénicien fils d’Agenor, Roi de Tyr, selon quelques-uns, & selon d’autres, Roi de Sidon. Les Sidoniens disent encore dans Euhemère de Cos, cité par Athénée, que Cadmus n’étoit pas fils du Roi, mais cuisinier du Roi de Sidon, c’est-à-dire, chef, Prince des Cuisiniers, שר הטבחים, tels qu’étoient dans l’Ecriture Putiphar, Arioch & Nabuzardan. C’étoit un de ces Cedmonéens, dont parle Moïse, Gén. XV, 19, c’est-à-dire un de ces Phéniciens Orientaux, ou de ceux qui habitoient la partie orientale de la terre de Chanaan, apparemment proche du mont Hermon : car on dit que sa femme s’appeloit Hermione, ou Harmonie, probablement du Phénicien, חרומני, habitant du mont Hermon. Tout le reste de l’histoire de Cadmus s’explique de même par le moyen du Phénicien. Car 1°, il fit, il produisit des soldats : c’est une expression Phénicienne, pour dire, il leva, il assembla. 2°. Ces soldats devinrent serpens : c’est qu’ils étoient Hévéens, היוים, & qu’en Phénicien, aussi-bien qu’en Chaldéen, ce mot signifie un serpent. 3°. Ils furent produits des dents d’un serpent ; c’est, dit Bochart, qu’en Phénicien שני נבש, dents de serpens, signifie aussi lances d’airain ; c’étoient les armes dont Cadmus arma ses gens, car il passe pour être l’inventeur de l’airain, dit Hygin, ch. 274 ; vraisemblablement parce qu’il en apporta en Grèce de Phénicie, ou peut-être de Chypre, & l’y fit connoître. 4°. Enfin, on dit que ces soldats s’entretuerent, de sorte qu’ils furent réduits à cinq ; c’est une mauvaise explication du mot חמש, qui signifie cinq, & encore expeditus, accinctus, &c. prêt au combat, déterminé, alerte. Ainsi, au-lieu de dire qu’il avoit une troupe de cinq hommes seulement, il falloit dire une troupe de gens fort aguerris, déterminés, alertes au combat, comme Exode XIII, 18. C’est ce Cadmus qui apporta les lettres en Grèce, au moins seize, α, ϐ, γ, δ, ε, ι, κ, λ, μ, ν, ο, π, ρ, σ, τ, υ.
CADO. Voyez Cazou.
CADOLE, s. f. C’est le nom que les Serruriers donnent au loquet d’une porte, & à une espèce de pêne qui s’ouvre & se ferme en se haussant, ou se baissant avec un bouton, ou une coquille. Pessulus.
CADORE, s. f. Petite ville de l’Etat des Vénitiens en Italie. Parochia Cadorini, ou Cadorina. Elle est située sur la rivière de Piève, dont on lui donne quelquefois le nom ; la Piève, ou la Piève de Cadore. Plebs, ou Castrum plebis. Cadore a été la patrie du célèbre Titien. Corn.
CADORIN, s. m., ou CADORINE, s. f. Maty dit le premier, & M. Corneille le second. Cadorinus ager, Cadubrium. Petite Province de l’Etat de Venise en Italie, qui prend son nom de Cadore qui en est la capitale. Le Cadorin est borné au Levant par le Frioul propre, au Midi & au Couchant par le Bellunois, & au Nord par l’Évêché de Brixen. Ce pays est fort montagneux.
CADOUIN. La Congrégation de Cadouin est une Congrégation de Religieux, qui eut pour fondateur le P. Giraud de Sales, vers l’an 1115. Il lui donna les Coutumes de Cîteaux.
CADRAN, s. m. Terme de Joaillier. Espèce d’étau, ou de main de fer qui sert à tenir les diamans, quand on les taille, pour changer leur situation suivant les diverses faces qu’on leur veut donner. Pour les autres pierreries les cadrans sont de bois. Quadrans vel scalper, scalptoris gemmarum. Cet Instrument porte la pierre horizontalement & verticalement sur la roue, on la tourne suivant le sens de sa facette. Les pierreries taillées au cadran sont plus estimées que les autres. La couleur des pierres taillées au cadran est satinée : celle des pierres qui sont en table ronde, ou en cabochon, est veloutée.
Cadran. Instrument de Mathématique, qui est un quart de cercle divisé en 90°, qui a un plomb au centre, une alhidade & des pinnules, qui sert à observer les hauteurs tant sur mer que sur terre. Quadrans circuli Mathematicus. On l’appelle ordinairement quart de cercle, ou quart de nonante. L’étymologie demanderoit qu’on écrivît QUADRANT. Cependant communément on écrit Cadran.
Cadran solaire, ou au soleil, est une délinéation sur un plan ou une muraille de certaines lignes qui marquent l’heure par le moyen de l’ombre d’un style qui est élevé au milieu. ☞ Surface sur laquelle on trace certaines lignes qui servent à mesurer le temps par le moyen de l’ombre de l’aiguille ou style sur ces lignes.
☞ On définit plus exactement le Cadran, disent les Encyclopédistes, la description de certaines lignes sur un plan, ou sur la surface d’un corps donné, faite de telle manière que l’ombre d’un style, où les rayons du Soleil passant à travers un trou pratiqué au style, tombent sur de certains points à certaines heures. Solarium horologium, vel sciathericon. Le cadran horisontal, est celui qui est sur un plan parallèle à l’horison ; l’équinoctial, celui qui regarde l’équateur, & qui est élevé selon le pôle du lieu vertical ; Méridional, Septentrional, Oriental & Occidental, sont ceux qui regardent directement les quatre points cardinaux. Le Cadran polaire, est celui qui se fait sur un plan parallèle à l’axe du monde, ou, ce qui est la même chose, à quelque horison de la sphère droite. Le Cadran vertical, est celui qui se fait sur un plan vertical. Le Cadran régulier, est celui qui se fait sur la surface d’un plan qui regarde droit l’une des quatre parties du monde. Cadran vertical déclinant & réclinant, celui qui n’est pas tout-à-fait à plomb, ou qui ne regarde point précisément l’un des quatre points de l’horison. On appelle Cadran Astronomique, celui qui montre les heures Astronomiques, c’est-à-dire, depuis minuit, ou midi. Cadran Babylonique, celui qui montre les heures Babyloniques, ou depuis le lever du Soleil. Cadran Italique, celui qui montre les heures Italiques, ou depuis le coucher du Soleil. Cadran Antique, ou Judaïque, celui qui montre les heures Judaïques. Cadran sidéréal ou aux Étoiles, celui qui montre de nuit les heures par le moyen des Étoiles qui ne se couchent point. On se sert ordinairement des Étoiles de la grande Ourse. Cadran lunaire, ou à la lune, celui qui indique l’heure de la nuit par le moyen de la lumière de la lune. Cadran portatif, celui que l’on porte avec soi pour voir les heures aux rayons du Soleil quand on veut. Cadran particulier, celui qui est fait pour une latitude particulière. Cadran universel, celui par le moyen duquel on peut connoître les heures par toute la terre. Le plus commode est celui qu’on appelle l’anneau universel. Voyez Anneau. On appelle aussi tous ces Cadrans, sciatériques, parce que l’ombre sert à marquer les heures : du mot Grec σκία, qui signifie ombre. M. De la Hire a donné une manière universelle pour faire des Cadrans solaires.
Anaximène, Milésien, disciple de Thalès, fut, au rapport de Pline, le premier qui fit un Cadran solaire à Lacédémone, qu’il appela sciatéricon. L’Écriture fait mention de l’horloge solaire du Roi Achaz, dans le temps que Romulus jetoit les fondemens de la ville de Rome. Vitruve est le premier qui en a laissé par écrit la construction ; Hérodote assure que les Grecs ont reçu des Babyloniens les Cadrans solaires & l’aiguille : c’est Anaximandre, mort vers la fin de la captivité de Babylone, qui leur en enseigna l’usage, qu’il avoit appris des Chaldéens. Pline dit que ce fut Anaximène disciple d’Anaximandre, mort le jour que Cyrus prit Sardes. Les Hébreux, plus voisins de Babylone, ont connu plutôt une invention si utile, comme il paroît par l’horloge d’Achaz.
☞ Cadran, dans un Horloge, une Montre, est une plaque sur laquelle sont peintes ou gravées les heures, les minutes, les secondes, & tout ce que la disposition du mouvement lui permet d’indiquer. Le Cadran des Montres est fait d’une plaque de cuivre recouverte d’une couche d’émail. Ces Cadrans doivent être bien divisés, & toutes les patries bien distinguées.
☞ Cadran anémonique, instrument qui indique la direction du vent, comme une girouette.
Cadran. Terme de Conchyliologie. Nom d’une espèce de coquillage de mer, qu’on appelle autrement Escalier. Scala concha.
CADRATURE. s. f. En termes d’horlogerie, on donne ce nom en général à l’ouvrage qui est entre le Cadran & la platine d’une Montre, c’est-à-dire, entre les deux plaques qui sont sous le Cadran. Le mouvement de la Cadrature est conduit par un pignon de rapport qui est sur l’axe de la roue qui fait sa révolution en une heure. Dom Jacques Alexandre dans son Traité des horloges, au paragr. 4, du ch. 7, pag. 247, explique la Cadrature des Montres simples ; & au ch. 8e paragr. 3, page 263, il explique la Cadrature des pendules à répétition.
CADRATURIER. s. m. Nom que les Horlogers donnent à celui qui fait des Cadratures des Montres à répétition. Pour les Cadratures des Pendules, il n’y a point d’Ouvrier particulier, c’est-à-dire, qui ne fasse que cela. Encyc.
CADRE. s. m. Bordure, chassis d’un tableau. Quadratus margo. Un Cadre de cheminée. On le dit du rond, aussi-bien que du carré. On le dit aussi des bordures de menuiserie, qui sont sur les panneaux des cabinets, & qui renferment les panneaux des portes. Un Cadre est toute bordure carrée, qui renferme un bas relief, un panneau, un tableau, &c. Daviler.
Cadre se dit aussi d’un assemblage en carré, fait de quatre grosses pièces de bois au milieu d’un plancher, d’un dôme, ou au haut d’un escalier, pour y faire des plafonds, ou y mettre d’autres ornemens. Quadrata figura, vel res figuræ quadratæ.
On le dit aussi d’un morceau de cuir ou de carton enjolivé & doré, au milieu duquel il y a une ouverture ronde ou carrée, où l’on enchâsse une image en vélin, un reliquaire, &c. Quadrum tabellæ.
☞ Cadre se dit en architecture d’une bordure de pierre ou de plâtre traîné au calibre, laquelle dans les compartimens des murs de face, & les plafonds renferme des ornemens de sculpture.
☞ En marine, c’est un chassis formé par quatre pièces de bois mises en carré & des cordes entrelacées, sur lequel on met un matelas pour se coucher.
☞ Cadres, terme de manufacture de papier, sont des chassis composés de quatre tringles de bois jointes par les extrémités à angles droits, & ayant un drageoir, comme les cadres des miroirs & tableaux. L’ouvrier fabricant les applique sur la forme pour lui servir de rebord & empêcher que la pâte ne tombe, quand il égoute la forme. Encyc.
CADRER. v. a. Faire un carré qui contienne précisément autant d’espace qu’un cercle, un triangle, ou autre figure. Quadrare. On n’a sû encore trouver le moyen de cadrer un cercle, une parabole, une ellipse, ou autre figure curviligne. Dans ce sens, il faut dire carrer.
Cadrer, v. n. signifie convenir, se rapporter justement à quelque chose. L’Acad. écrit quadrer. Ad, vel in aliquid quadrare, vel convenire ad. Il faut que nos actions cadrent avec nos paroles. Ces deux passages se contrarient, ils ne cadrent pas ensemble. Cette garniture ne cadre pas bien avec cet habit, n’est pas bien assortie. Sa vie ne cadre pas avec sa doctrine. Les livres ne cadrent pas bien avec le mariage. Mol. Ne cadrer ni avec Dieu, ni avec le monde. Lombert
CADRILLE. Voyez Quadrille.
CADRITES. s. m. Sorre de Religieux Mahométans. Les Cadrites ont eu pour Fondateurs un habile Philosophe & Jurisconsulte, nommé Abdul Cadri, de qui ils ont pris le nom de Cadrites. Les Cadrites vivent en Communauté, & dans des espèces de monastères, qu’on leur permet néanmoins de quitter s’ils veulent, pour se marier, à condition de porter des boutons noirs à leur veste pour se distinguer du peuple. Dans leurs monastères ils passent tous les Vendredis une bonne partie de la nuit à tourner, en se tenant tous par la main, & répétant sans cesse Hhai, c’est-à-dire, Vivant, qui est un des noms de Dieu. Pendant ce temps-là un d’eux joue de la flûte, pour les animer à cette danse extravagante. Rigaud parle des Cadrites dans son Empire Ottoman.
☞ CADROUSE ou CADOROUSSE, Voyez Cadorousse.
CADRUPLE. Voyez Quadruple.
CADUC, UQUE. adj. Il y en a qui écrivent caduque, aussi-bien pour le masculin, que pour le feminin : ce qui est mal. Qui a perdu ses forces, soit par l’âge, soit par les maladies, & qui en perd tous les jours davantage. Age caduc. Santé caduque. Quand on a passe 60 ans, on est dans un âge caduc.
Ce mot vient du Latin caducus, sujet à cheoir, de cadere.
Caduc, se dit par extension, des bâtimens qui menacent ruine. Il faut étayer une maison caduque, de peur qu’elle ne tombe.
Caduc se dit figurément. La faveur de ce Courtisan est bien diminuée ; sa fortune est fort caduque. On appelle biens caduques les biens de la terre, les biens de ce monde, par opposition aux biens du Ciel, qui durent toujours : caduc en ce sens veut dire une chose qui se détruit, qui passe, qui n’est pas de longue durée.
Caduc, en termes de Jurisprudence, se dit d’un legs, d’une institution d’héritier qui n’ont point d’effet. Ce legs est devenu caduc par la mort du légataire avant le testateur. Cette succession est devenue caduque, parce que personne ne s’est porté héritier. Il y a un titre dans le Droit, de caducis tollendis.
☞ On appelle voix caduque, celle qui par quelque raison particulière n’est point comptée dans un suffrage.
En termes de Médecine, on appelle le mal caduc, le haut mal, le mal de Saint Jean, ou l’épilepsie, morbus comitialis, sacer, major, sonticus. Voyez Épilepsie. Alexandre II. dans sa XXXVIe Epître, décide qu’un Prêtre attaqué de mal caduc ne doit point dire la Messe, jusqu’à ce qu’il soit guéri, à moins que les accès ne soient pas fréquens.
CADUAD. Voyez Cazou.
CADUCEATEUR. s. m. Caduceator. Ancien Officier de la République Romaine. Servius dit que c’étoient les Caduceateurs qui traitoient de la paix, & les Fécialiens qui dénonçoient la guerre. Vigenere sur Tile Liv. t. 1, p. 1335. On les appeloit ainsi, parce qu’ils portoient en main un caducée. Nous les nommons Hérauts : mais parce que ce nom est générique, & qu’il est quelquefois besoin de distinguer les espèces, le Caducéateur, & le Fécial ou Fécialien ; on ne doit point faire difficulté de se servir de ces mots, sur-tout dans des ouvrages d’érudition.
CADUCÉE. s. m. Verge de Mercure : c’est un bâton entortillé de deux serpens. Caduceus. Les Poëtes attribuent plusieurs vertus au Caducée de Mercure, d’endormir les hommes, de ressusciter les morts, &c. C’étoit aussi le symbole de la paix, & de la concorde. Les Romains envoyèrent aux Carthaginois une javeline & un caducée, pour choisir lequel des deux ils voudroient, ou la guerre, ou la paix. Vigenere. Apollon le donna à Mercure, qui lui avoir fait présent de la lyre.
Ce mot vient du Latin caduceum, ainsi appelé à cadendo, quia contentiones, & bella cadere facietat. Chez les Romains ceux qui dénonçoient la guerre s’appeloient Feciales ; & ceux qui alloient demander la paix s’appeloient Caduceatores. Il seroit plus à propos de faire venir ce mot du Grec κηρύκειον, qui signifie la même chose, & qui vient de κῆρυξ, un Heraut. Le caducée qui se marque sur diverses médailles, est un symbole commun : il signifie la bonne conduite, la paix & la félicité. Le bâton, marque le pouvoir ; les deux serpens, la prudence ; & les deux aîles, la diligence ; toutes qualités nécessaires pour être heureux dans les entrepris où l’on s’engage.
Caducée, se dit aussi d’un bâton couvert de velours fleurdelisé, que portent les Hérauts d’armes dans les cérémonies. Celui du Roi d’armes a une fleur de lis d’or au bout, que quelques-uns nomment sceptre.
☞ Caducée. En Physique. Voyez Baguette divinatoire.
CADUCITÉ. s. f. État de ce qui menace ruine. Il se dit tant des hommes que des bâtimens. Res caduca, Ætas caduca, viribus defecta, infirmitas. La mort qui prévient la caducité arrive plus à propos, que celle qui la termine. La Bruy.
☞ Les Encyclopédistes font une observation sur le mot caducité que je crois fausse. Caducité, disent-ils, état d’une personne caduque. On dit cette personnes approche de la caducité ; d’où l’on voit que la caducité se prend pour l’extrême vieillesse ; mais il n’en est pas de même de caduc : on dit d’un jeune homme qu’il est caduc, & d’un vieillard qu’il ne l’est pas.
☞ Il n’est pas vrai que le mot de caducité, même dans l’exemple cité, signifie extrême vieillesse. Là, comme ailleurs, il désigne l’état d’un homme caduc, qui menace ruine, qui a perdu de ses forces, & qui en perd tous les jours davantage. Or on est caduc à tout âge. On dit d’un jeune homme qu’il est caduc ; & l’on dit d’un vieillard qu’il ne lest pas. Ainsi le mot de caducité ne signifie jamais essentiellement une extrême vieillesse. Si le mot de caducité convient ordinairement à l’extrême vieillesse, qu’il ne renferme pourtant pas dans son idée, c’est qu’en général, c’est le temps où l’on est plus caduc, où l’on a perdu, & où l’on perd plus de ses forces, quoique cela ne soit pas vrai dans tous les cas.
On le dit aussi en style de Palais. Caducité d’un legs, c’est lorsqu’un legs devient caduc.
CADURCIEN, ENNE. s. Nom d’un Ancien peuple de l’Aquitaine. Cadurcus. Les Cadurciens occupoient le pays que nous nommons aujourd’hui le Quercy, & étoient, selon Strabon, un des quatorze peuples qui habitoient entre la Loire & la Garonne. Les Cadurciens furent les inventeurs des lits, ou matelas, culcitæ. Liv. XIX, c. 1. De Cadurci, on a fait dans la suite Catursi, Catorsi & Cadorsi, qui se trouve, dans des Auteurs de la basse Latinité, & de-là Cahorsin & Caorsin, qui s’est dit autrefois, & ensuite Caursin, & puis enfin Querci. Voyez Valois. Not. Gall.
CÆADE. s. m. Gouffre ou abyme où les Lacédémoniens jetoient les criminels. Καιάδας (Kaiadas). On en attribue l’ouverture immense à un tremblement de terre. Pausanias rapporte, Liv. IV, ch. 18 que le Messénien Aristomène, y ayant été précipité, appercut un renard qui rongeoit un cadavre, & que l’ayant saisi, (apparemment par la queue) il le suivit par toutes les routes obscures de ce gouffre, que quand cet animal vouloit se jeter sur lui, il lui présentoit sa robe à mordre, qu’il arriva enfin à une ouverture par où cet animal avoit passé, & l’ayant élargie, il se sauva de la sorte.
CÆCALE. adj. Epithète qu’on donne à une veine qui reporte le sang dans l’intestin cæcum dans le tronc mésentérique.
CÆCILIA. s. f. Petit serpent dont parle Jonston, qui tire son nom de ce qu’il paroît aveugle. Sa peau brune, parsemée de tâches noirâtres & purpurines, est noire sous le ventre. À peine peut-on discerner ses dents, tant elles sont menues. Il a la langue fourchue, & rampe d’une grande vitesse. Sa morsure est dangereuse, si on n’y applique les mêmes remèdes qu’à la piquure de vipère. Dale fait mention d’après Gesner d’une thériaque préparée avec ce Serpent, & d’une eau thériacale qu’il donne pour un sudorisque dans la peste. Dict. de James.
CÆCILIUS. s. m. Nom d’homme. Ce mot est purement Latin, mais on le retient en françois, & il faut l’écrire ainsi, & non par Cécilius. Les Cæcilius étoient une des plus illustres familles de Rome. La famille des Cæcilia. Voyez Cécile.
CÆLESTIEN, ENNE. s. Nom d’hérétiques. Cælestianus, a. Les Cælestiens sont les mêmes que les Pélagiens. Voyez l’Epître de S. Jérôme à Alypius & à S. Augustin, où il appelle cette hérésie, Hæresis Cælestina, par où il semble qu’il faudroit dire Cælestin, & non pas Cælestien, mais ce pourroit être une faute de copiste, & le nom de Cælestius, l’un des principaux chefs du parti Pélagien, duquel ils ont pris ce nom, demande que l’on dise Cælestien, & non pas Cælestin. Aussi S. Augustin, de hæres. c. 41, & c. 88, les appelle-t-il Cælestiani, Cælestiens.
CAEN. Ville de Basse-Normandie, dont elle est capitale. Ce mot est monosyllable, prononcez Can, Cadomum. Caen est sur l’Orne, à trois lieues de la mer. Caen n’est pas une ville ancienne ; mais elle est belle, grande, & bien peuplée. M. Huet a fait les Antiquités de Caen, où il montre que Caen n’est point l’Otlinga ou Autlinga, dont il est fait mention dans les Capitulaires de Charles le Chauve, & dans la vie d’Aldric, Evêque du Mans, parce que l’Otlinga Saxonia est appelée pagus & pagellus, c’est-à-dire, un pays, un petit pays, & que Caen n’étoit guères alors qu’un village. Quelques Poëtes ont donné à Caen des Fondateurs illustres, comme Cadmus, Caius César, qui, à ce que l’on a prétendu, l’appeloit en raillant Caii domum, d’où s’est fait Cadomum ; ou bien un autre Caius, Maître d’Hôtel du Roi Arrus. C’est le sentiment de Guill. le Breton. Paul Emille & quelques autres Historiens ont débité ces fables comme des vérités. Le Président Fauchet a cru que Quentovicum où Charles le Chauve permet la fabrique de la monnoie dans ses Capitulaires, est Caen ; il ne savoit pas que c’étoit une ville de l’Artois à l’embouchure de la Quanche. M. de Bras veut que Caen soit le Corocotinum de Ptolomée ; mais c’étoit un port de mer, & immédiatement après avoir marqué Corocotinum, il met à l’embouchure de l’Orne. M. Huet dit que Caen paroît avoir été ville sous les premiers Normands qui s’établirent en Normandie vers le commencement du Xe siècle ; mais que l’on ignore quand elle a commencé de l’être, & qu’elle semble avoit été l’ouvrage du hazard, comme beaucoup d’autres villes, dont la situation & d’autres avantages ont obligé des hommes à s’y établir. Il croit au reste qu’il faut remonter au temps de Saxons, qui vers le VIe siècle occupèrent presque toute la côte Septentrionale des Gaules, peut-être jusqu’aux Romains ou même jusqu’aux Gaulois. Car qui peut savoir, dit-il, quand la première maison, la première hutte été bâtie à Caen ? Quoi qu’il en soit, Caen n’a eu aucune réputation avant les premiers Ducs de Normandie ; mais dès-lors ce fut une ville importante, & selon Guillaume le Breton, qui a vécu vers le milieu du XIIIe siècle, Caen étoit alors une ville si peuplée & si bien bâtie, qu’elle pouvoit presque aller de pair avec Paris.
Caen a une Université. Elle fut fondée d’abord par Henri VI, Roi d’Angleterre, en 1431, confirmée par Eugène IV en 1437, & érigée en second lieu par Charles VII, Roi de France, en 1450, quand il eut chassé les Anglois de Normandie. Il y a aussi une Académie de belles-lettres & de Physique commencée en 1652, par M. Brieux, continuée par M. Segrais, & après sa mort, érigée par lettres-patentes du Roi en compagnie réglée l’an 1705 par les soins de M. Foucault, alors Intendant de Caen. Il y a aussi à Caen une Vicomté, un Bailliage, un Presidial, un Bureau des Finances, une Election, un Grenier à sel, une Amirauté, & une Chambre des Monnoies.
Selon Messieurs de l’Académie des Sciences, Caen est au 17° 15′ de longitude, & au 49° 11′ de latitude septentrionale. Selon les astronomiques de M. Cassini, la latitude de cette ville est 49° 10′ 50″, sa longitude 17° 6′ 20″, ayant pour différence de la longitude de Paris 2° 45′ 0″ occidentale. Caen portoit autrefois de gueules au château donjonné d’or, & j’ai vu des sceaux portant ces armes. C’est visiblement une peinture de Caen, lorsque Charles VII reprit cette ville sur les Anglois, pour reconnoître sa fidélité, il changea ses armes, & lui fit porter coupé d’azur & de gueules aux trois fleurs de lys d’or ; apparemment pour être le symbole de la fortune de Caen, qui avoit été long-temps sujette aux Anglois ; car le rouge est la couleur de leur écu ; mais la ville retournant sous la domination françoise, l’azur & les fleurs de lys avoient repris le dessus. Huet. Voyez les recherches & antiquités de Caen par De Bras in-4°, à Caen 1688, ou plutôt celles de l’illustre M. Huet, qui sont beaucoup plus exactes & plus savantes. Du Chesne parle aussi de Caen dans ses antiquités des villes de France, Liv. VII, ch. 10.
Le nom ancien de Caen étoit Cathim. Il est ainsi nommé dans la charte de donation de Richard III, Duc de Normandie, datée de l’an 1026. M. Valois a cru qu’il falloit lire Cathem ; mais Cathim, Catheim, Cathem & Cathom, sont différentes prononciations d’un même mot. Cathim & Cathem étant donc la même chose, de Cathem s’est formé Cahem ; le t & le th souffrant souvent élision dans le milieu des mots, comme dans ceux de pere, mere, frere, qui sont formés de patre, matre, fratre, & comme du mot ἐσθλὸς (esthlos), les Doriens faisoient ἐσλὸς ; de Cahem s’est fait celui de Caen, le mot Cahem, se trouvant écrit dans les augmentations faites à Sigebert par Robert de Torigni, Abbé du Mont S. Michel, & imprimées par D. Luc d’Achery. Cela se prouve encore par l’ancienne prononciation du mot de Caen, qui n’étoit pas monosyllabe, comme maintenant, mais qui étoit un mot de deux syllabes, où les deux voyelles a & e étoient marquées par une prononciation distincte, comme les vers du Poëte Waice, qui vivoit vers le milieu du XIIe siècle, & les vigiles de Charles VI en font foi.
De Cathom, on a fait Cadom, le t s’étant changé en d, comme de Θεὸς, on a fait Deus. Je crois même que dans le temps qu’on a dit Cathom, d’autres, & peut-être le plus grand nombre, prononçoient Cadum ; car il se trouve dans la chartre de fondation de l’Abbaye de la Trinité, dans la vie de S. Lanfranc, & dans la chronique du Bec. De Cadom, le mot Caen a pu se former dans la suite, aussi bien que de Cathem, par une analogie fort ordinaire dans notre langue, comme de Laudunum, s’est fait Laon, de Lugdunum, Lyon, d’Audomarus, Omer, & d’Audoenus, Ouen.
M. Bochart croit que Cadom, en vieux gaulois, signifie demeure de guerre. Il est vrai que ca en bas breton signifie guerre ; mais hom, qui signifie demeure, est un mot d’origine allemande, comme il le reconnoît lui-même : ce mot, selon les divers dialectes de cette langue, se prononce hom, comme en plusieurs lieux de Normandie. Car les villages nommés le homme, suhomme, robéhomme, le hommet, le hommel, viennent du Saxon hom ; comme hameau, & hamel viennent de ham. De sorte que M. Bochart fait ce mot hybride, moitié gaulois, moitié Saxon. Pour moi, j’estime qu’il faut rapporter ce nom à celui de Cadetes, peuples célébrés par César, & situés apparemment vers le lieu où Caen est situé, & que Cadom, signifie demeure des Cadetes ; de même que Cabourg, petit bourg assez voisin de Caen, appelé dans les vieux titres Cateburgum, & Cadburgum, signifie bourg des Cadetes. Du reste, ces Cadetes, peuples Gaulois, peuvent bien avoir pris leur nom, de Cad, mot gaulois, qui signifie guerre. Ainsi Cadetes signifie Belliqueus. Huet.
D’autres ont formé le nom Cadomum, Caen, de Cadmus, comme si ce Prince Phénicien, en cherchant sa sœur par le monde, eût jeté les fondemens de Caen. Les autres de Caii domus ; comme nous avons dit ci-dessus. D’autres de Campodomus, comme ayant pris ce nom de sa situation entre deux campagnes. Quelques-uns de Quentovicum, comme si ce nom, qui appartient à une ville d’Artois, étoit celui de Caen. Les autres du grec Καινὸς δόμος, nouvelle demeure ; & quelques-uns de Cademoth, ville de la Terre-Sainte. M. de Bras de Crociatonum}, ou Cassiatonum, ou Caradinan, ou Casta domus. D’autres à canitie. Toutes ces étymologies sont fausses.
CÆNÉE, s. m. Nom d’un ancien promontoire de la mer Ægée, sur la côte de Grèce, au nord du canal de Négrepont. Cænum promontorium. De-là (du bourg de Talanda) malgré une grosse bourasque de vent, ayant doublé de promontoire Cænée, dit à présent Cap Martel, où se trouvoit cette pierre Amiantus dont les anciens faisoient de la toile, qui se blanchissoit au feu, nous entrâmes dans le canal que fait la longueur du Négrepont. Duloir, p. 249.
CAENOIS, OISE, s. m. & f. Qui est de Caen, habitant de Caen. Cadomensis. Prononcez Canois dissyllable, ou même Canais, comme on fait dans le pays. M. Huet, dans ses antiquités de Caen, ch. 24e, fait un dénombrement de 137 Caenois, qui ont été hommes illustres dans l’Eglise & dans les Lettres. Il faut y ajouter M. Huet lui-même. M. de Cahaignes a donné les éloges des Caenois, ses contemporains.
Ce mot aujourd’hui n’est que du discours familier. M. Huet dit toujours habitans de Caen, homme de Caen, &c. Les habitans de Caen sont gens d’esprit, studieux, polis. Huet. Des hommes de Caen, illustres dans l’Eglise & dans les Lettres. Id. Je n’entreprends pas dans ce chapitre, de donner la liste de tous les Citoyens de Caen qui ont acquis du nom dans le monde. Id. Roger, natif de Caen. Idem. Guillaume Acarin étoit Citoyen de Caen. Id.
☞ CAERDIGAN. Voyez Cardigan.
☞ CAERDIGANSHIRE. Voyez Cadiganshire.
☞ CAERLEON. Anciennement Isca, Ville d’Angleterre, en Monmoutshire, sur l’Usk : c’est une Ville très-ancienne, & une des trois premières Métropoles que les Chrétiens établirent en Bretagne.
☞ CAERMARTHENSHIRE ou CARMARTENSHIRE. Province d’Angleterre, dans le diocèse de Saint David. C’est une des plus fertiles du pays de Galles.
☞ CAERNARVAN. Ville d’Angleterre, au pays de Galles, sur le Menay, capitale de Carnarvanshire, Province du diocèse de Bangor.
CÆSALPINE. s. f. C’est le nom que le P. Plumier a donné à une plante qu’il découvrit dans l’Amérique, en mémoire d’André Cæsalpin, célèbre Botaniste. ☞ Sa fleur est monopétale, irrégulière, en forme de masque, divisée en quatre parties inégales ; du fond de la fleur, s’élève un pistil environné d’étamines recourbées. Ce pistil devient dans la suite une silique remplie de semences oblongues. On ne lui connoît point de propriétés médicinales.
☞ ET CÆTERA. Terme emprunté du latin, qu’on abrége dans l’écriture, & qu’on met avec un &, un c & un point, &c. Il signifie le reste d’un discours qu’on ne dit point, qui est sous-entendu, & que le Lecteur peu supléer facilement de lui-même.
☞ On dit proverbialement, Dieu nous garde d’un et cætera de Notaire ; parce que, sous prétexte de ces mots qu’ils mettent au bout des Obligations, promettant, &c, obligeant, &c, renonçant, &c, ils etendent si loin ces clauses, en grossoyant les actes, que cela va souvent au de-là de ce que les parties ont cru consentir. Ce mot vient du grec καὶ ἕτερα & alia.
CÆSAR. Voyez Cesar.
CAFARD, ARDE. adj. Souvent employé substantivement. Bigot, hypocrite. Il se dit particulièrement des gens qui font leurs affaires sous prétexte de religion, en abusant de la simplicité & de la confiance des autres. Religionis, probitatis simulator. Vanæ pietatis affectator, hypocrita. Il a l’air cafard, l’humeur cafarde. C’est un vrai cafard.
Ménage dérive ce mot de l’Arabe caphar, qui se dit par les Arabes proprement d’un homme, qui de Chrétien s’est fait Turc, ou de Turc Chrétien. Il a été fait de l’Hébreu caphar, qui signifie renier. כפר. Caphar en Arabe, signifie aussi un infidèle, un impie. Les Turcs & les Arabes, d’après l’Alcoran, donnent ce nom aux Chrétiens. Les Anciens ont eu une espèce de couverture de tête qu’ils appeloient caphardum. Du Cange.
Ce mot vient apparemment des Arabes. Cafara, signifie en leur langue nier, d’où les Rabbins ont sans doute pris leur verbe cafar pour dire nier ; le Targum de Jérusalem s’en sert souvent en ce sens-là. Ces mêmes Rabbins appellent un Renégat Caferan. Consultez le Dict. Rabbinique de David de Pomis, & le grand Dict. de Buxtorf.. Quelques-uns croient qu’on a aussi donné le nom de Cafres aux peuples d’Afrique, qui habitent vers le Cap de Bonne-Espérance ; parce qu’ils n’ont aucune religion.
Cafard, se dit d’une espèce de damas ou de satin. Damasceni operis bombycinus pannus. Le véritable damas cafard est tout de fil ; mais le damas cafard ordinaire est celui dont la trame est seulement de fil, & les chaînes de soie, & qui se manufacture en Flandres.
CAFARDERIE. s. f. Hypocrisie, fausse dévotion. Hypocrisis. Ce mot n’est pas d’usage.
CAFÉ. s. m. Cafœum Semence qui nous est apportée de l’Arabie-Heureuse. On estime davantage celui qui nous vient par le levant ; il est plus vert, plus pesant,& paroît plus mûr que celui de Moka, lequel est plus gros, plus léger & plus blanchâtre. On appelle café en coque, cette même semence renfermée dans ses enveloppes propres & communes & café mondé, celle qui en est dépouillée. L’épargne fait quelquefois substituer à cette semence celle de pois, de fêves, de seigle, d’orge, espèces de semences qui étant rôties ne fournissent pas une matière huileuse aussi agréable, & en aussi grande quantité que le café. L’arbre qui donne cette semence se peut nommer Cafier. Voyez ce mot.
Café, se prend aussi pour une sorte de boisson qui est devenue familière en Europe depuis quelque temps, & qui est en usage en Turquie depuis plus d’un siècle. Cafœum, cafœa, cafœus liquor. On ne sait pas au vrai son origine. Le café fut découvert, au rapport de Maronite Fausto Nayronne, par le Prieur de quelques Moines, après qu’il eut été averti par un homme qui gardoit des chèvres ou des chameaux, que quelquefois son bétail veilloit & sautoit toute la nuit après avoir mangé du cafe. ☞ Ce Supérieur en fit boire l’infusion à ses Moines pour les tirer de l’assoupissement où ils étoient aux offices du chœur pendant la nuit. Cette origine de l’usage du café approche fort de la fable. D’autres disent qu’il en faut attribuer la découverte à la piété d’un Mufti, qui, pour faire de plus longues prières, & pousser les veilles plus loin que les Dervis les plus dévots, en fit le premier l’expérience.
Abdalcader, dont le manuscrit est à la bibliothèque du Roi, & M. Galand, d’après lui, en rapportent une autre plus croyable, prise de Sehehabeddin, Auteur plus ancien & plus proche de l’origine de l’usage du café. Il dit qu’au milieu du IXe siècle de l’Egire, c’est-à-dire, du XVe de l’ère Chrétienne, un certain Gemaleddin, qui étoit de Bhabhan, petite ville de l’Arabic-Heureuse, & qui demeuroit à Aden, ville & port fameux.à l’orient de l’embouchure de la mer Rouge, faisant un voyage en Perse, y trouva des gens de son pays qui prenoient du café, & qui vantoient cette boisson. De retour à Aden, il eut quelque indisposition, dont il se persuada qu’il seroit soulagé, s’il prenoit du café. Il en prit, & s’en trouva bien. Il reconnut, par expérience, qu’il dissipoit les fumées qui appesantissent la tête, qu’il inspiroit de la joie ; qu’il rendoit les entrailles libres ; qu’il empêchoit de dormir sans qu’on en fût incommodé. Gemaleddin étoit Mufti d’Aden, & avoit accoutumé de passer les nuits en prières avec les Dervis. Pour y vaquer avec plus de liberté d’esprit, il leur proposa de prendre du café. Leur exemple mit le café en vogue à Aden. Les gens de loi, pour étudier ; les artisans, pour travailler ; les voyageurs, pour marcher la nuit ; enfin tous les habitans d’Aden en prirent. De-là il passa à la Mecque, où les dévots d’abord, puis tout le monde en prit. De l’Arabie-Heureuse, il fut porté en Egypte & au Caire. L’an 917 de l’Egire, 1511 de l’ère Chrétienne, Khaie Beg le défendit, parce qu’il crut qu’il enivroit, & qu’on lui persuada qu’il portoit à des choses défendues. Sultan Cansou leva presqu’aussitôt la défense. Le café passa d’Egypte en Syrie, & de-là à Constantinople. Les Dervis déclamerent contre, parce que l’Alcoran dit que le charbon ne peut être mis au nombre des choses que Dieu a créées pour la nourriture de l’homme. Le Mufti ordonna que les maisons à café seroient fermées. Un autre Mufti déclara que le café n’étoit point du charbon. Les assemblées des Nouvellistes, qui parloient trop librement des affaires d’Etat dans les cabarets à café, obligerent le Grand-Visir Cuproli, pendant la guerre de Candie, de supprimer ces maisons de café à Constantinople seulement. Cette suppression, qui dure encore, n’empêche pas qu’on n’en prenne publiquement dans cette capitale. Quant à la France, c’est Thevenot le Voyageur qui a le premier apporté le café à Paris.
Le nom de Café que nous donnons à cette liqueur & à sa semence avec laquelle on la fait, est originairement Arabe. Les Turcs, dit M. Galland, le prononcent Cahuch, & les Arabes Cahouah, où Cahoue. C’est de ce dernier que nous avons fait le mot Café, en changeant l’ouaou, ou l’u Arabe, en f. Pour ce qui est de l’origine, ou plutôt de la signification primitive de ce mot, on varie jusqu’à dire les deux contraires. Cahouah, ou cahoueh, n’est pas un nom propre, c’est un nom générique, ou appellatif, selon M. Galland, dans le petit Traité que nous avons cité. Cahouah, vient d’un verbe, qui signifie avoir du degoût, n’avoir point d’appétit ; & c’est un des noms que les Arabes donnent au vin, à cause qu’il ôte l’appétit quand il est pris avec excès. Ainsi il faut que Cahouah vienne de קוי, ou קי, ou קהי, qui est la même chose, & qui en Arabe & en Turc signifie avoir de l’aversion, du dégoût pour quelque chose ; & qui se dit des viandes, & de tout ce qui le prend par la bouche. Au contraire Golius, Meninski & Castel disent que Cahouah signifie ce qui donne de l’appétit, quod appetentiam cibi adducit. Si après de telles autorités il étoit permis de proposer un autre sentiment, on diroit qu’il ne signifie ni ce qui donne de l’appétit, ni ce qui l’ôte, & qu’il ne vient point de קיי, ou קי, ou קהי, qui signifie, avoir ou donner du dégoût, mais de קוי, ou קוה, qui signifie donner de la vigueur & de la force, fortifier, corroborare, roborare, confirmare ; & que Cahouah en Arabe & en Turc n’est autre chose que ce qui fortifie, ce qui donne de la vigueur ; signification qui convient très-bien au vin & au café ; & c’est un mot ordinaire chez les Turcs aux gens de guerre qui boivent tous du vin sans scrupule, de dire qu’ils le font, parce qu’il fortifie. Quoi qu’il en soit, de ce mot Cahoueh s’est formé en Europe le nom de café, en changeant, comme il arrive très-souvent, le ו, c’est-à-dire, l’u en f. Au reste, les Mahométans distinguent trois sortes de Cahoueh, ou Cahouah. La première est le vin & toute autre boisson qui enivre, dit M. Galland ; Golius, Gastel & Meninski n’y mettent que le vin. La seconde se fait avec les gousses ou les enveloppes qui renferment le fruit du café, ou le bunn. La troisième se fait avec ce fruit-là même. C’est celle qui est en usage en Europe, parce que les gousses ou enveloppes ne sont pas propres à être transportées, ou ne se transportent point ici ; car on dit qu’on en porte en Turquie, Voyez ci-dessous café à la Sultane. La couleur brune & foncée de cette boisson l’a fait appeler d’abord syrop de Mûre des Indes, & c’est sous ce nom spécieux qu’on commença à débiter à Paris cette boisson.
La préparation du café consiste dans le juste degré de sa torréfaction & de son infusion. On brûle, ou plutôt l’on rôtit cette semence, ou dans une poële de fer, ou dans un plat de terre, jusqu’à ce qu’elle ait acquis également de tous côtés, une couleur tirant sur le brun ; on en mout ensuite dans un moulin à café jusqu’à la quantité dont on doit se servir sur le champ. On fait bouillir dans une cafetière de l’eau à proportion du nombre & de la grandeur des tasses que l’on doit en remplir, dans laquelle on jette le café moulu. Certaines maisons ont des mesures à café pour la juste quantité des tasses d’eau dans laquelle on doit l’infuser. Lorsqu’il a bouilli suffisamment, on retire la cafetière du feu, & on laisse pendant quelque temps reposer l’infusion pour la verser à clair dans les tasses ; la coutume est de l’avaler le plus chaud que l’on peut ; les uns le boisent sans sucre, & les autres y en mettent plus ou moins. Les Turcs ne se mettent pas en peine d’en adoucir l’amertume avec du sucre. Les grands Seigneurs mettent dans chaque tasse une goutte d’essence d’ambre. D’autres le font bouillir avec deux cloux de girofle ; d’autres avec un peu d’anis des Indes, & d’autres avec du cacouleh, qui est la graine du Cardamomum minus. Le café est une des choses nécessaires que les Turcs sont obligés de fournir à leurs femmes.
Beaucoup de gens déjeunent avec une tasse de café & un morceau de pain. Dans la plûpart des maisons on sert le café immédiatement après le repas. Le café se prend pour différentes intentions : les uns en usent par amusement, par coutume ; les autres pour résister au sommeil ; beaucoup de gens pour faciliter la digestion ; souvent différentes personnes d’une même compagnie le prennent pour se procurer des effets tout opposés. Il sert d’amusement & d’entretien dans une longue conversation, ou de prétexte pour se taire avec bienséance. Mais les qualités les plus réelles que les Médecins lui reconnoissent, sont de mettre le sang en mouvement, moyen par lequel il tient éveillé ; de dissiper les migraines, & d’absorber les aigreurs de l’estomac. Le bon café contient des sels, des soufres & des huiles capables de produire ces effets, & de rétablir un estomac dérangé. L’expérience a appris qu’il convient aux personnes qui ont de l’embonpoint ; & qu’il nuit à celles qui sont sèches, maigres, & d’un tempérament bilieux, à ceux qui digèrent trop vîte, à ceux dont le sang circule trop vîte, à ceux qui ont un crachement de sang provenant de quelques extrémités de veines, ou d’artères trop ouvertes, ou d’un sang trop subtil & trop acre. Simon Pauli, Médecin Danois, a prétendu qu’il énerve les hommes & les rend inhabiles à la génération. Une personne qui a demeuré quinze ans en Turquie m’a dit que les Turcs attribuent au café le même effet, & qu’ils pensent que le grand usage qu’ils en font est la cause pour laquelle les provinces qu’ils occupent, autrefois si peuplée, le sont aujourd’hui si peu. Dufour réfute cette opinion dans son Traité du Café, du Thé & du Chocolat.
Les personnes qui ne sont pas accoutumées à cette boisson, la trouvent amère, & sont obligées d’y mettre beaucoup de sucre.
On n’a pas toujours roti le café pour faire cette boisson : il y a toute apparence qu’on s’est servi d’abord de cette semence bouillie dans de l’eau sans autre préparation, & qu’on n’a pas eu de peine à abandonner cette première, puisque le café roti est beaucoup plus efficace & plus agréable.
Le premier qui a écrit du café vers le IXe siècle, a été Zacharie Mahomet Rases ou Rasis, célèbre Médecin Arabe, puis Ebensina, dit Avicenne, Prosper Alpinus, au Livre des Plantes d’Egypte, qui est le premier qui en a donné des nouvelles aux Européens il y a plus d’un siècle. Avicenne en parle dans le second Livre de son Canon, & en explique les qualités. Vestingius dans ses Observations, Bauhin dans son Pinax. Olaüs Wormius, Oléarius, & Leonard Rauwolf dans leurs Itinéraires ; Mollembrok, Piétro della Valle, Thévenot dans leurs Relations. Simon Pauli en a condamné l’usage dans un Commentaire contre le Thé & le Tabac, & il objecte qu’il énerve les hommes, comme témoigne Oléarius, & comme on l’a dit ci-dessus.
Les instrumens & les vaisseaux propres à préparer le café, sont une poële, ou un moulinet pour le rotir, un moulin à moudre, une boëte à conserver celui qui est moulu, une cafetière, un petit fourneau, & un cabaret à café, composé de tasses avec leurs soucoupes, d’un sucrier, de petites cuillières & des serviettes à café. Quelques gens font cuire le café à un feu de lampe, & quelques autres à un feu d’esprit de vin. Le plus ordinairement c’est au feu, ou bien sur un petit fourneau de fer dans lequel on allume du charbon.
Philippe Sylvestre du Four, dans son Traité, du Café, Thé, Chocolat, se sert du terme de torréfier le café. Dans l’usage ordinaire, on dit brûler le café. Votre café n’est pas bien brûlé ; il est trop brûlé ; vous brûlez mal le café. Vous ne savez pas brûler le café. On dit aussi rotir le café, du café bien roti. On dit que le café est trop grillé, lorsqu’on l’a réduit en charbon, & qu’il sent l’eau froide, lorsqu’on l’a versé dans l’eau sans qu’elle ait bouillie suffisamment. On appelle un café fort, lorsqu’on a mis dans l’eau une quantité de café moulu plus grande qu’à l’ordinaire : & lorsqu’on n’en a pas mis assez, ou qu’il est éventé, ce qui en rend l’infusion moins chargée, on l’appelle café foible.
Café au lait est ou l’infusion que font quelques-uns du café moulu dans du lait, ou le mêlange d’une certaine quantité de lait chaud sur une partie d’infusion du café à l’eau, en y joignant si l’on veut du sucre.
On appelle café chocolaté, une infusion de café dans laquelle on a fait fondre & cuire un morceau de chocolat. Quelques Casuistes soutiennent que le café ne rompt pas le jeûne.
Café à la Sultane est l’infusion des coques qui servent d’enveloppe au café, laquelle est en usage en Turquie, où les Sultanes en ont introduit la mode, par l’expérience qu’elles ont qu’il échauffe moins que l’infusion de la semence même, & qu’il tient le ventre libre. Les coques ont été appelées improprement fleurs de café par nos François qui les ont apporté de Mocha. Voyez la Bibliothèque Orientale d’Herbelot au mot Cahua.
On mêle quelquefois avec le Café de la pellicule fine qui couvre immédiatement la féve, ensorte que quand le tout est bien préparé, on estime que nulle boisson n’est comparable à celle-là. Nos François qui, à la cour du Roi d’Yemen, chez les Gouverneurs & les gens de considération, n’ont point pris d’autre café, avouent que c’est quelque chose de bon & de délicat. Ils ajoutent qu’il n’est pas nécessaire d’y mettre du sucre, parce qu’il n’y a aucune amertume à corriger, & qu’au contraire on sent une douceur moderée qui fait plaisir. Il y a beaucoup d’apparence qu’on ne peut guère la faire avec succès que sur les lieux ; car pour peu que les écorces de café qui déjà n’ont pas beaucoup de substance, quand elles sont trop séches, soient transportées ou gardées, elles perdent beaucoup de leur qualité, qui consiste principalement dans la fraicheur. Pour préparer le café à la Sultane, on prend l’écorce du Café parfaitement mûre, on la brise & on la met dans une petite poële ou terrine, sur un feu de charbon, en retournant toujours en sorte qu’elle ne se brûle pas comme le café, mais seulement qu’elle prenne un peu de couleur. En même temps on fait bouillir de l’eau dans un cafetière ; & quand l’écorce est prête, on la jette dedans avec un quart au moins de la pellicule, en laissant bouillir le tout comme le café ordinaire. La couleur de cette boisson est semblable à celle de la meilleure bierre d’Angleterre. On garde ces écorces dans des lieux fort secs & bien enfermés ; car l’humidité leur donne un mauvais goût. Voyage de l’Arabie Heureuse, p. 287 & suiv.
Les Orientaux prennent le café sans sucre & dans de fort petites tasses. Il y en a parmi eux qui font envelopper la cafetière d’un linge mouillé en la retirant du feu ; ce qui fait précipiter le marc incontinent, & rend la boisson plus claire ; il se fait aussi par ce moyen-là une petite crême au-dessus, & lorsqu’on le verse dans la tasse, il fume beaucoup davantage, & forme une espèce de vapeur grasse, qu’ils se font un plaisir de recevoir, à cause des bonnes qualités qu’ils lui attribuent.
Voici une nouvelle manière de préparer le café, inventée par M. Andry, docteur de la faculté de Paris, & expliquée dans son Traité des alimens de Carème. Jusqu’ici on n’a reconnu qu’un moyen de se servir du café, qui est de la brûler. Il y en a un autre néanmoins auquel il est étonnant qu’on n’ait pas encore pensé, c’est de tirer la teinture du café, comme celle du thé, & d’en faire, par cette méthode toute simple, une boisson d’autant plus salutaire, qu’on n’y peut rien soupçonner d’aduste ; & que de plus elle doit contenir un extrait naturel de ce qu’il y a dans le café de moins fixe & de plus éthéré, c’est-à-dire, la partie la plus mercurielle, la plus légère, & en même temps la plus douce de ce mixte ; au lieu qu’en le brûlant, on est cause qu’il se dissipe beaucoup de cet esprit doux & subtil. Toujours est-il certain que par la préparation ordinaire le café perd considérablement de son poids ; & si l’on veut l’éprouver, on verra que le déchet est de 120 grains sur une once, c’est-à-dire, de près de deux gros ; diminution trop grande pour que les dissipation des esprits volatils, qui sont les premiers à s’évaporer, n’y ait beaucoup de part. Quoi qu’il en soit, voici comment on doit préparer cette boisson.
Il faut prendre un gros de café en féve, bien mondé de son écorce, le faire bouillir l’espace d’un demi-quart d’heure au plus, dans un demi-setier d’eau, ensuite retirer du feu la liqueur, qui sera d’une belle couleur citrine, & après l’avoir laissée reposer quelque temps, bien bouchée, la boire chaude avec du sucre. Cette boisson exhale une odeur douce qui se dissipe aisément, elle a un goût agréable : elle fortifie l’estomac, elle corrige les crudités, & débarrasse sensiblement la tête. Mais une qualité particulière qu’on y trouve, c’est qu’elle adoucit l’âcreté des urines, & soulage la toux la plus opiniatre. Nous en avons fait l’expérience sur plusieurs malades.
Le même café qu’on a employé la première fois, retient encore assez de qualité pour pouvoir s’en servir une seconde, & même une troisième ; ce qui vient de ce que ce fruit qui ne se ramollit presque point en bouillant, est d’une tissure extrêmement compacte, qui empêche que ce qu’il contient de plus subtil, ne s’évapore tout d’un coup.
Si on laisse bouillir long-temps le café, sa couleur se charge, & la liqueur devient verte comme du jus d’herbe : elle est moins bonne alors, parce qu’elle est trop remplie de parties terrestres ; elle laisse même au fond du vaisseau, un peu de limon vert, ce qui marque assez la grossiereté de ces mêmes parties. Il faut donc prendre garde de la faire trop bouillir. Avec cette précaution on peut s’assurer d’avoir une boisson merveilleuse, pour produire les effets salutaires que nous venons de marquer. Il y a même lieu de croire que, si l’usage s’en introduit, ce ne soient pas-là les seuls avantages qu’on en pourra retirer. Andry.
Nous remarquerons qu’ayant fait usage de cette boisson, nous avons découvert qu’outre les qualités qu’on vient de rapporter, elle a celle de soutenir les forces contre l’inanition ; ensorte qu’étant prise à jeun, on peut se passer plus long-temps de nourriture, sans en être incommodé. C’est de-quoi se convaincront aisément ceux qui en voudroient faire l’expérience. Journal des Sav, 1716, p. 283.
Pour qu’on ne soit pas obligé de peser chaque fois le café, nous ajoutons que 28 grains de café, mondé font un gros. Observons encore qu’il y a 128 gros dans une livre, & que comme le café peut servir trois fois, il y aura 384 prises de café dans une livre. Une personne qui n’en prendra qu’une fois le jour, n’en dépensera pas une livre en un an. Il s’en faut beaucoup qu’il en soit de même en le brulant. Un homme tombé en apoplexie en fut tiré par plusieurs lavemens de café. Acad. 1720, Hist. p. 29.
Café mariné. C’est du café, qui a été mouillé de l’eau marine, & puis séché. On estime peu cette sorte de café, à cause de l’âcreté que lui donne l’eau marine, & que ne lui ôte pas même la torréfaction.
On appelle aussi café, un lieu destiné à prendre du café, une maison où l’on va prendre le café, pour de l’argent. Il demeure près d’un café. Nouvelle de café. On dit qu’il y a trois mille cafés à Londres. Il y a en Turquie des cabarets exprès pour vendre du café, comme on fait le vin en France.
Café. Couleur de café. C’est la couleur, non pas de la fève, ou rotie ou non rotie ; mais celle de cette fève rotie & réduite en poudre, ou de l’eau dans laquelle elle a bouilli ; c’est-à-dire, un châtain foncé. Cafœi color. Rufus. J’ai levé un habit couleur de café. On dit quelquefois, en abrégeant, un drap café ; son habit est café ; ou de café ; c’est cet homme vêtu de café. On sousentend la couleur.
CAFETAN ou CAFFTAN. s. m. Robe longue de camelot, agrafée & bordée par-devant avec des courtes manches, que portent ordinairement les principaux Officiers Militaires Turcs. On accorda par une distinction particuliere aux Officiers des Vaisseaux du Roi, douze Kerckes, outre dix Cafetans… Merc. Déc. 1724. Le mot de Kercke est Grec, & a différentes significations, exposées dans le Jardin des Racines Grecques, art. 91, n°s 11 & 12 ; mais je n’y vois rien qui puisse convenir ici. Sa Majesté Czarienne voulant marquer sa considération à Donduk Ombro ; lui a envoyé le cafetan & le Sabre, suivant l’usage établi parmi les Princes Mahométans. Merc. Juill. 1736.
CAFETIER. s. m. Prononcez Caftier. Richelet dit qu’on appelle ainsi un homme qui ne vend que du café en semence, ou, comme on dit, en fève.
☞ Nous entendons, aujourd’hui, par Cafetier, celui qui vend du café, du chocolat, des liqueurs froides & chaudes. Voyez Limonadier, qui se dit plus ordinairement.
CAFETIÈRE. s. f. Petit vaisseau fait en forme de coquemar, dans lequel on prépare le café. Vasculum coquendo Cafœo indoneum. Cafetière de terre, cafetière de faïance, cafetière de fer blanc, ou de cuivre, cafetière d’argent. Prononcez comme s’il étoit écrit caftière, ou presque de la même manière.
CAFIER. s. m. Espèce de Jasmin d’Arabie dont la semence nous est connus sous le nom de café. Jasminium Arabicum, Lauri folio, cujus semen apud nos café dicitur, Act. Ac. R. Pan. Cet arbre a été apporté en Europe en 1707 par les Hollandois, & en 1709 il donna des fruits au jardin d’Amsterdam ; avant ce temps-là on ne connoissoit point son caractère ; & les différens sentimens des Auteurs qui avoient traité du café, faisoient naître des doutes qu’on ne pouvoit résoudre que par la vue & la culture de cette plante. Celui qui en a le mieux parlé, est M. Galland, dans une lettre qu’il imprima en 1699 à Caen, & qui contient une Traduction d’un Traité sur le café, composé par Abdalcader Ben Mohammet, qui vivoit l’an 996 de l’Egire, c’est-à-dire, 1587 de J. C. Cet Auteur, à la fin de cet ouvrage, témoigne qu’il a vû à Constantinople les rejetons d’un arbre de café. Un Turc qui avoit pris soins de le cultiver, voyant qu’il avoit gêlé, le coupa par le pied ; mais il poussa des rejetons. Il ajoute que ses feuilles sont vertes toute l’année ; qu’elles ressemblent à celles du Laurier, excepté qu’elles ne sont pas si pointues, mais plus épaisses, & d’un vert plus foncé. M. Nointel, Ambassadeur du Roi, le fit peindre. Le Cafier, qui est garni en tout temps de feuilles, donne beaucoup de branches un peu horisontales, toujours opposées, & chargées d’espace en espace de feuilles opposées deux à deux, à queue fort courte. La figure de ces feuilles est pareille à celle du Laurier, avec cette différence, qu’elles sont plus larges, plus pointues, d’un vert gai & luisant en dessus, plus pâle en dessous, & qu’elles n’ont qu’un goût douceâtre & d’herbe, sans odeur particulière. De l’aisselle de la plûpart de ces feuilles naissent des fleurs jusqu’au nombre de cinq, soutenues par un pédicule fort court. Ces fleurs sont à peu près de la figure & du diamètre des fleurs du Jasmin d’Espagne ; mais elles sont toutes blanches ; leur tuyau est plus court, & leurs découpures plus étroites ; les étamines, outre cela, se trouvent en nombre pareil à celui des découpures de la fleur, ce qui n’est pas ordinaire aux Jasmins. L’odeur de ces fleurs est légère, douce & agréable. Le calice qui soutient la fleur est à quatre pointes, & environne un embryon ou jeune fruit surmonté d’un style fourchu qui enfile la fleur. Ce jeune fruit est terminé par un petit nombril, & devient de la grosseur d’un Bigarreau moyen, vert clair d’abord, puis rougeârre, ensuite d’un beau rouge, & enfin rouge obscur dans sa parfaite maturité. La chair de ce fruit est mince, blanchâtre, glaireuse, & d’un goût assez fade. Ce goût se change en celui de nos petits pruneaux, lorsque cette chair est desséchée. Cette chair sert d’enveloppe commune a deux coques minces, dures cependant, étroitement unies, &c qui gardent la figure de la semence qu’elles contiennent, qui est ovale, plate d’un côté, & creusée de ce même côté, & dans son milieu par un sillon assez profond, arrondie & voûtée du côté opposé. Si une de ces deux semence vient à avorter, celle qui restera, occupera tout le fruit, qui pour lors n’aura qu’une loge. Cette semence, quoique dure & de substance comme de corne, veut être mise en terre aussi-tôt qu’elle est mûre, autrement elle a peine à germer, &c ne sauroit profiter. Cette observation, qui est très-certaine, disculpe les habitans du Royaume d’Iémen, où cet arbre se cultive, de la malice qu’on leur imputoit, de tremper dans l’eau bouillante, ou de passer au four tout le café qu’ils vendent aux étrangers, dans la crainte de perdre un revenu très-considérable que leur produit sa culture. On assure qu’ils en débitent pour plus de cinq millions d’argent chaque année, ce qu’on n’a pas peine à croire, lorsqu’on fait attention à la grande consommation qui s’en fait en Turquie & en Europe. Comme il n’y a point d’hiver dans le Royaume d’Iémen, on est obligé en Europe de conserver le Cafier dans des serres où l’on fait du feu pour y entretenir une chaleur douce. Cet arbre porte beaucoup de fruits, lorsqu’il est jeune. Les Hollandois ont à Batavia des Cafiers qui ont près de 40 pieds de haut, & à Amsterdam ils en ont qui ont déjà 13 à 14 pieds. M. Pancras, Bourguemestre, Régent de la ville d’Amsterdam, envoya au Roi en 1714. un Cafier haut de cinq pieds, qui donna dans la même année des fleurs & des fruits. Prosp. Alp. Commelin, Dufour, Gallant, & Transactions Philos. d’Angleterre. Bligni, Malp.
M. De Jussieu a fait le mot de Cafier pour signifier cet arbre ; mais communément on dit café. Arbre de café, ou à café. Les Malouins ont fait au commencement de ce siècle deux voyages à Moka, pour en apporter du café. Au second voyage, quelques-uns furent députés à la Cour du Roi d’Iémen, à Mouab. On a donné une Relation de ces deux voyages en 1616. à la fin de laquelle on a joint un mémoire concernant l’arbre & le fruit du Café, dressé sur les Observations de ceux qui ont fait le dernier voyage. Voici un précis de ce qu’ils en disent. L’arbre qui produit le café s’éleve depuis 6, jusqu’à 12 pieds de hauteur ; sa grosseur est de dix, douze, jusqu’à quinze pouces de circonférence. Quand il a atteint son état de perfection, il ressemble fort pour la figure à un de nos pommiers de 8 à 10 années. Les branches inférieures se courbent ordinairement, quand cet arbre est un peu âgé, & en même-temps s’étendent en rond, formant une manière de parasol. Le bois en est fort tendre, & si pliant, que le bout de sa plus longue branche peut être amené jusqu’à deux à trois pieds de terre. Son écorce est blanchâtre, & un peu raboteuse. Sa feuille approche fort de celle du Citronier, quoiqu’elle ne soit pas tout-à-fait si pointue, ni si épaisse ; la couleur en est aussi d’un vert un peu plus foncé. L’arbre du café est toujours vert, & ne se dépouille jamais de toutes ses feuilles à la fois : elles sont rangées des deux côtés des rameaux, à une médiocre distance, & presque à l’opposite l’une de l’autre.
Presque dans toutes les saisons de l’année, on voit un même arbre porter des fleurs & des fruits, dont les uns font encore verts, & les autres mûrs ou près de leur maturité. Ses fleurs sont blanches, &. ressemblent beaucoup à celles du jasmin, ayant de même cinq petites feuilles assez courtes ; l’odeur en est agréable, & a quelque chose de balsamique, quoique le goût en soit amer. Elles naissent dans la jonction des queues des feuilles avec les branches.
Quand la fleur est tombée, il reste en sa place, ou plutôt il naît de chaque fleur, un petit fruit fort vert d’abord, qui devient rouge en mûrissant, & est fait à peu près comme une grosse cerise. Il est fort bon à manger, nourrit & rafraîchit beaucoup. Sous la chair de cette cerise, on trouve au lieu de noyau, la fève ou la graine que nous appelons café, envelopée d’une pellicule très-fine. Cette fève est alors extrêmement tendre, & son goût est assez désagréable ; mais à mesure que cette cerise mûrit, la fève qui est dedans, acquiert peu à peu de la dureté, & enfin le soleil ayant tout-à-fait desséché ce fruit rouge, sa chair que l’on mangeoit auparavant, devient une baie, ou gousse de couleur fort brune, qui fait la première écorce, ou l’écorce extérieure du café, & la fève est alors solide, & d’un vert fort clair : elle nage dans une espèce de liqueur épaisse, de couleur brune, & extrêmement amère. La gousse qui est attachée à l’arbre par une petite queue fort courte, est un peu plus grosse qu’une graine de laurier, & chaque gousse ne contient qu’une seule fève, laquelle se divise ordinairement en deux moitiés.
Cette fève est entourée immédiatement, comme nous l’avons dit, d’une pellicule fort fine, qui en est comme la seconde écorce, ou l’écorce intérieure. Les Arabes font beaucoup de cas de l’une & de l’autre, pour composer ce qu’ils appellent leur café à la Sultane.
Les arbres de Café viennent de semaille & non pas de hergne, ou de bouture, comme quelques-uns l’ont dit, par les gousses, c’est-à-dire, le fruit entier, & dans sa parfaite maturité, mis en terre, dont on élève ensuite les plans en pepinière, pour les replanter où l’on veut.
Le pied des montagnes, & les petites collines, dans les cantons les plus ombragés, & les plus humides, sont les lieux destinés aux plantations des cafés. Leur plus grande culture consiste à détourner les eaux de sources, & les petits ruisseaux, qui sont dans les montagnes, & à conduire ces eaux par petites rigoles, jusqu’au tour du pied des arbres ; car il faut nécessairement qu’ils soient arrosés & bien humectés pour fructifier, & pour porter leur fruit à maturité. C’est pour cela qu’en replantant le café, les Arabes font une fosse de trois pieds de large & de cinq pieds de profondeur, qu’ils revêtissent de cailloux, afin que l’eau ait plus de facilité à entrer bien avant dans la terre, dont cette fosse est remplie, & y entretienne la fraîcheur convenable. Cependant quand ils voient sur l’arbre beaucoup de café mûr, ils détournent l’eau de son pied, afin que le fruit sèche un peu sur les branches, ce que la trop grande humidité pourroit empêcher. Dans les lieux exposés au midi, ou qui sont trop découverts, ces arbres se trouvent plantés sous d’autres grands arbres, qui sont une espèce de peupliers, qui leur fervent d’abri, & les mettent à couvert de l’ardeur excessive du soleil. Sans cet ombrage qui entretient la fraîcheur dessous, la fleur du café seroit bientôt brûlée, & ne produiroit jamais aucun fruit. Dans les lieux moins chauds, ils sont à découvert, viennent & rapportent à merveille sans le secours de ces grands arbres qu’on n’y voit point. En quelques endroits, comme sur la route de Moka à Mouab, & dans le canton de Redia, les cafés sont plantés par ordre & en alignement à une même distance l’un de l’autre.
A l’égard de la récolte du café, comme l’arbre qui le porte, est chargé tout à la fois de fleurs, de fruits imparfaits & de fruits mûrs, c’est une nécessité qu’elle soit faite en trois tems différens ; & à cet égard on peut dire qu’il y a trois saisons dans l’année propres à la cueillette du café ; mais