Dictionnaire administratif et historique des rues de Paris et de ses monuments/Célestins (quai des)

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Célestins (quai des).

Commence à la rue de Sully et au quai Morland ; finit à la rue Saint-Paul, no  2. Le dernier numéro est 30. Sa longueur est de 170 m. — 9e arrondissement, quartier de l’Arsenal.

Son nom lui vient des religieux Célestins qui s’y établirent en 1352. Ce quai fut refait et pavé en 1705. — Une décision ministérielle du 5 vendémiaire an IX, signée L. Bonaparte, avait déterminé pour cette voie publique un alignement qui faisait subir aux propriétés riveraines un retranchement considérable. Cet alignement a été modifié en vertu d’une ordonnance royale du 4 août 1838, et les constructions ne devront éprouver aucun retranchement. Les maisons nos 16 et 18 sont seules assujetties à un léger redressement. — Égout. — Conduite d’eau depuis la rue Saint-Paul jusqu’à la borne-fontaine.

La principale entrée de l’hôtel de Saint-Paul se trouvant anciennement sur le quai des Célestins, nous allons tracer l’historique de cette maison royale. Son vaste emplacement s’étendait depuis le cours de la Seine jusqu’à la rue Saint-Antoine, et depuis la rue Saint-Paul jusqu’aux fossés de l’Arsenal et de la Bastille. Le dauphin Charles, régent du royaume pendant la captivité du roi Jean, acheta plusieurs hôtels, maisons et jardins, dont il forma un ensemble auquel il donna le nom d’hôtel de Saint-Paul, en raison du voisinage de l’église ainsi appelée. Par lettres datées de juillet 1364, Charles V réunit l’hôtel de Saint-Paul au domaine de la couronne, et l’érigea en habitation du roi pour tenir rang après le Palais-Royal (aujourd’hui le Palais-de-Justice). Dans le préambule de l’acte de réunion, on lit : Considérant que nostre hostel de Paris, l’hostel Saint-Paul, le quel nous avons acheté et fait édifier de nos propres deniers, est l’hostel solemnel des grands esbatements et auquel nous auons eu plusieurs plaisirs, etc. Le même roi agrandit sa demeure, de l’hôtel des archevêques de Sens, situé sur le quai des Célestins, de celui de l’abbé de Saint-Maur et de celui de Put-y-Musse. Charles son fils occupa l’hôtel de Saint-Maur, situé sur l’emplacement où depuis a été percée la rue Neuve-Saint-Paul. Sur ces vastes terrains, il fit aussi construire l’hôtel de la Reine, les bâtiments dits de Beautreillis, des Lions, de la Pissotte, et l’hôtel neuf du Pont-Perrin. Ces constructions, d’un genre différent, réunies dans une même enceinte et élevées à diverses époques, ne purent jamais former un ensemble régulier. Charles V logeait dans l’hôtel de l’archevêque de Sens, qui se trouvait sur le quai des Célestins. Les historiens nous ont conservé quelques détails assez curieux sur l’appartement du roi. Il consistait d’abord en une vaste antichambre et une chambre de parade appelée la chambre à parer. Cette pièce, qui avait 30 m. de longueur sur 12 de largeur, était aussi nommée chambre de Charlemagne. À la suite de cette pièce on trouvait successivement celle du gîte du roi, celle des nappes, la chambre d’étude, celle des bains, etc. Les poutres et solives des principaux appartements étaient ornées de fleurs de lys d’étain doré. Il y avait des barreaux de fer à chaque fenêtre, avec un treillage de fil de fer pour empêcher les oiseaux de venir faire leurs ordures dans les chambres. Les vitres, peintes de différentes couleurs et chargées d’armoiries, de devises et d’images de saints, étaient semblables aux vitraux de nos anciennes basiliques. On n’y voyait d’autres sièges que des bancs ou des escabelles ; le roi seul avait des chaises à bras garnies de cuir rouge avec franges de soie. Les lits, qu’on nommait couches alors, étaient recouverts d’un drap d’or. Les mémoires du temps nous apprennent que les chenets de fer de la chambre du roi pesaient 180 livres. Dans l’hôtel de Saint-Maur, aussi nommé de la Conciergerie, où logeaient le Dauphin Charles et Louis, duc d’Orléans, on remarquait une pièce appelée le retrait où dit les heures Monsieur Louis de France. Les jardins n’étaient point plantés d’ifs et de tilleuls, mais de pommiers, de poiriers, de vignes et de cerisiers. On y voyait la lavande, le romarin, des fèves, de longues treilles. On sait que c’est d’une belle treille qui faisait le principal ornement de ces jardins et d’une belle allée plantée de cerisiers, que l’hôtel, la rue Beautreillis et celle de la Cerisaie ont pris leurs noms. Les basses-cours étaient flanquées de colombiers et remplies de volailles que les fermiers des terres et domaines du roi étaient tenus de lui envoyer, et qu’on engraissait pour sa table et pour celle de ses commensaux. On y voyait aussi une volière, une ménagerie pour les grands et petits lions. Cet hôtel, comme toutes les maisons royales de ce temps, était flanqué de grosses tours ; l’on trouvait alors que ces constructions massives donnaient à de tels édifices un caractère de puissance et de majesté. Le roi, la reine, les enfants de France, les princes du sang, les connétables, les chanceliers et les grands en faveur, y avaient d’immenses appartements, accompagnés de chapelles, de jardins, de préaux, de galeries ; on y comptait plusieurs grandes cours, une entre autres si spacieuse qu’on y faisait les exercices de chevalerie et qu’elle en avait pris le nom de cour des joûtes. Dans la suite, l’hôtel de Saint-Paul où l’on respirait un air fétide, produit par le voisinage des égouts et des fossés de la ville, fut abandonné par nos rois, qui préférèrent le palais des Tournelles. L’hôtel de Saint-Paul abandonné tombait en ruine lorsqu’on 1516 François Ier voulut en vendre une partie à Jacques Genouillac, dit Gaillot, grand-maître de l’artillerie. Sur cet emplacement on établit dans la suite l’Arsenal. Toutes les autres parties de cette habitation furent successivement vendues, et aux XVIe et XVIIe siècles on ouvrit sur leur terrain des rues dont les noms rappellent les principaux ornements du palais de Charles V.