Dictionnaire administratif et historique des rues de Paris et de ses monuments/Ferronnerie (rue de la)

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Ferronnerie (rue de la).

Commence à la rue Saint-Denis, no  87 ; finit aux rues des Déchargeurs, no  20, et de la Lingerie, no  2. Le dernier impair est 39 ; le dernier pair, 14. Sa longueur est de 120 m. — 4e arrondissement, quartier des Marchés.

Avant saint Louis, c’était la rue de la Charonnerie (vicus Karonnorum). Ce roi ayant permis à de pauvres ferrons (marchands de fers) d’occuper les places qui régnaient le long des Charniers, la rue prit à cette occasion le nom de la Ferronnerie. Un titre de l’abbaye Saint-Antoine-des-Champs, de 1229, constate cette dénomination. Ces ferrons bâtirent quelque temps après des boutiques en bois. En 1474, Louis XI accorda ce même emplacement aux marguilliers des Saints-Innocents, et leur permit d’y faire construire plusieurs petits bâtiments en bois, ayant la même largeur que les auvents qu’ils devaient remplacer. À ces constructions légères succédèrent bientôt de véritables maisons qui obstruèrent tellement cette rue, que le roi Henri II voulut y remédier par son édit du 14 mai 1554. La négligence des prévôt des marchands et échevins causa plus tard un grand malheur. Le vendredi 14 mai 1610, à quatre heures après midi, le roi Henri IV se rendait du Louvre à l’Arsenal, et passait par la rue de la Ferronnerie. Un embarras de voitures ayant arrêté son carrosse, ses valets de pied quittèrent la rue et passèrent par une des galeries du charnier des Innocents. Dans ce moment, le roi se penchait pour causer avec le duc d’Épernon ; alors un homme s’avance, monte sur les roues de la voiture, porte au roi, à l’endroit du cœur, un coup de couteau qui lui arrache ces mots, les derniers qu’il ait prononcés : « Je suis blessé ! » Sans se déconcerter, l’assassin donne un second coup ; le premier était mortel, le second ne l’était pas ; un troisième est encore porté, mais le roi parvint à l’esquiver. — « Chose surprenante (dit l’Estoile), nul des seigneurs qui étaient dans le carrosse n’a vu frapper le roi, et si ce monstre d’enfer eût jeté son couteau, on n’aurait su à qui s’en prendre, mais il s’est tenu là pour se faire voir et pour se glorifier du plus grand des assassinats. » — Par une coïncidence bizarre, l’édit de Henri II, qui prescrivait l’élargissement de la rue de la Ferronnerie, avait été rendu le 14 mai 1554, et Henri IV fut assassiné le 14 mai 1610. Cette perte cruelle ne servit pourtant pas de leçon, et la rue ne fut élargie qu’en 1671, conformément à l’arrêt du conseil dont nous transcrivons un extrait :

« Le roi ayant aucunement esgard aux requestes qui luy ont esté présentées par les doyens, chanoines et chappitre de Saint-Germain-l’Auxerrois, a ordonné et ordonne que suivant leurs offres, ils feront travailler incessamment à leurs dépens, à l’ouverture et eslargissement de la rue de la Ferronnerie en toute sa longueur, et à la construction des maisons qui termineront lad. rue du costé du cimetière des Saincts-Innocents, et pour cet effet, ordonne sad. Majesté, que lad. rue sera eslargie et conduitte en droitte alignement, depuis l’extrémité et encoignure de lad. rue de la Lingerie jusqu’à l’autre extrémité du costé de la rue Saint-Denis, à chacune desquelles extrémitez aura lad. rue trente pieds de largeur, et pour ce faire seront démolies les petites maisons, boutiques et échoppes qui sont en lad. rue de la Ferronnerie, adossées contre les murs du charnier dud. cimetière, etc…, et pour terminer lad. rue de la Ferronnerie, du costé dud. cimetière, sera faitte une fassade de bastiment de pierre de taille de douze corps de logis double, outre un demy qui sera à chaque bout, lesquels corps de logis seront de trente trois pieds de profondeur chacun hors d’œuvre par bas et outre ce auront trois pieds de saillie audedans dud. cimetière et au-dessus du charnier, desquels corps de logis la face du costé de la rue de la Ferronnerie sera accompagnée d’ornement d’architecture, conformément au plan et dessein qui sera paraphé, etc… Ordonne sad. majesté qu’au lieu des charniers qui sont présentement, en seront bastis d’autres au-dessous desd. corps de logis, etc. Fait au conseil d’État du roy, le 18e octobre 1669. Signé Pussort, Séguier, Colbert. »

Avant la révolution, près de l’endroit où l’assassinat de Henri IV fut commis, dans la rue Saint-Honoré, un propriétaire plaça sur sa maison, qui porte le no  3, le buste du Béarnais, au bas duquel il fit graver l’inscription suivante :

Henrici-Magni recreat presentia cives,
Quos illi æterno fœdere junxit amor.

Enlevée pendant la révolution, elle fut replacée vers 1816. — Une décision ministérielle du 28 messidor an V, signée Benezech, avait fixé à 12 m. la moindre largeur de la rue de la Ferronnerie. En vertu d’une ordonnance royale du 9 décembre 1838, cette moindre largeur est portée à 16 m. 60 c. Les maisons de 1 à 15 devront reculer de 4 m. 10 c. à 6 m. 60 c. ; celles nos 17, la maison à l’encoignure gauche de la rue Sainte-Opportune et les propriétés 27, 33 et 35 ne sont pas soumises à retranchement. Toutes les constructions du côté des numéros pairs, exécutées suivant l’arrêt du 18 octobre 1669, sont alignées. — Égout. — Conduite d’eau. — Éclairage au gaz (compe Anglaise).