Dictionnaire administratif et historique des rues de Paris et de ses monuments/Notre-Dame (église métropolitaine)

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Notre-Dame (église métropolitaine).

Située entre le quai de l’Archevêché, la rue du Cloître et le Parvis Notre-Dame. — 9e arrondissement, quartier de la Cité.

Un voile mystérieux, des traditions incomplètes, entourent le berceau de Notre-Dame. Il n’est pas croyable que cette église ait été placée, dans le principe, sous l’invocation de Notre-Dame. On sait que le culte de la Sainte-Vierge n’a été ni promptement répandu, ni généralement adopté dans les premiers temps. On ne trouve aucune trace des fêtes célébrées en son honneur, avant le concile d’Éphèse, tenu en 431. Plusieurs actes des années 690, 700, 829 et 861 nous apprennent que la cathédrale de Paris a d’abord porté le nom de Saint-Étienne, premier martyr. La cathédrale était sans doute composée de deux édifices, dont l’un était la basilique de Notre-Dame, et l’autre celle de Saint Vincent. Cet état de choses existait dans le VIe siècle. Grégoire de Tours, en parlant de l’incendie qui consuma toutes les maisons de l’île de Paris, vers l’année 586, dit que les seules églises furent exceptées. Ces églises, dans la Cité, ne peuvent être que celles qui formaient depuis peu la cathédrale. Saint-Étienne avait été le premier de ces édifices ; ensuite, d’après l’usage où l’on était de bâtir de petites églises autour des basiliques, il est à présumer qu’on en avait élevé une à côté sous l’invocation de la Vierge. Ce monument, devenu insuffisant par suite de l’accroissement de la population, on l’aura rebâti et agrandi sous le règne de Childebert Ier ; alors sans doute la nouvelle basilique est devenue la cathédrale, par une autre coutume de cette époque, de donner aux églises neuves un vocable différent du premier patron. Paris, devenu le siège de la monarchie, la cathédrale se trouva encore trop petite. Il fallut songer à sa reconstruction. Vers 1163, Maurice de Sully, que ses vertus et son intelligence avaient élevé à l’épiscopat, entreprit cette reconstruction. Le pape Alexandre III, réfugié en France, posa la première pierre, et, en 1182, le grand autel fut consacré par Henri, légat apostolique. En 1185, la construction de l’église était assez avancée pour qu’il fut possible d’y célébrer l’office divin. Héraclius, patriarche de Jérusalem, qui vint à Paris prêcher la Croisade, célébra, le 17 janvier, la messe dans cette église, en présence de Maurice de Sully et de son clergé. Les travaux de Notre-Dame avaient été entrepris sur une si grande échelle, qu’il fut impossible de les terminer en même temps. En 1257, Jean de Chelles, maître-maçon, commença le portail méridional. En 1312, le portail septentrional fut bâti avec une partie des biens enlevés aux Templiers. Les chapelles du chœur et la délicieuse porte du cloître furent ensuite construites enfin, en 1447, Charles VII donna des sommes considérables pour l’achèvement de Notre-Dame. La cathédrale une fois terminée, parut si belle à nos pères, et produisit sur eux tant d’effet, qu’ils regardaient ce monument comme le plus majestueux de la chrétienté. — Aux xiiie, xive et xve siècles, on était dans l’usage de jeter du haut des voûtes de Notre-Dame, des pigeons, des fleurs, des étoupes sous la forme de langues de feu, et des pâtisseries appelées oblayes (oublies). À l’instant où l’on entonnait l’hymne Veni Creator, un pigeon blanc s’échappait du haut des voûtes, pour figurer la descente du Saint-Esprit. Le peuple se plaisait à ces spectacles, qui flattaient son imagination par des images vives et frappantes. On pensait autrefois que l’église Notre-Dame, voisine de la rivière, avait été construite sur pilotis. En 1756, on reconnut que les fondations reposaient sur un gravier ferme ; ces fondations étaient formées de quatre assises de pierre de taille excessivement dure faisant retraite les unes sur les autres. Dessous étaient mêlés de gros moellons, du mortier, de la chaux et du sable, formant un corps continu et sans vide, plus solide que la pierre. Sur une plaque scellée dans le mur, à côté de la porte d’entrée, on lisait autrefois l’inscription suivante :

« Si tu veux savoir comme est ample
De Notre-Dame le grand temple,
Il y a dans œuvre pour le seur
Dix-et-sept toises de hauteur ;
Sur la largeur de vingt-quatre
Et soixante-cinq sans rabattre
A de long ; aux tours haut montées
Trente-quatre sont bien comptées ;
Le tout fondé sans pilotis
Aussi vray que je te le dis. »

Majestueusement assise, l’église Notre-Dame a longtemps bravé les siècles et les hommes, qui n’ont pu que noircir ses murailles et dégrader ses sculptures. Autrefois il fallait monter treize marches pour arriver à cette aïeule de nos églises. Le degré, le temps l’a fait disparaître, en élevant d’un progrès irrésistible et lent le sol de la Cité ; mais, tout en faisant dévorer une à une, par cette marée montante du pavé de Paris, les marches qui ajoutaient à la hauteur majestueuse de l’édifice, le temps a rendu à l’Église plus peut-être qu’il ne lui a ôté, car c’est lui qui a répandu sur ces pierres cette sombre couleur des siècles. Les grands monuments ne sont en pleine beauté qu’à l’instant où leur vieillesse commence. L’aspect de la façade est imposant et sévère ; les trois portiques, de formes irrégulières, mais enrichis d’une foule de petites statues et d’ornements admirablement travaillés, ont été en partie mutilés pendant la révolution. Le portail du nord est remarquable par son zodiaque ; au 12e signe, à la place de Cérès, a été exécutée la Vierge-Marie. Les ferrures des portes ouvrages de Biscornet, parurent si extraordinaires, que le peuple voulut absolument reconnaître dans ce merveilleux travail la coopération du diable. Trois galeries se déploient sur la façade. La galerie des Rois, celle de la Vierge et celle des Colonnes. La galerie des Rois contenait vingt-huit statues hautes de 4 m. 50 c. ; elles représentaient les rois de France, depuis Childebert jusqu’à Philippe-Auguste. La seconde galerie devait son nom à une statue de la Vierge. Entre la galerie des Rois et celle de la Vierge, se trouve une des trois grandes fenêtres ou roses formées de vitraux éclatants. Le péristyle de la troisième galerie est enrichi de trente-quatre colonnes, remarquables par leur hauteur et leur gracieuse légèreté. Une grande quantité d’arcs-boutants partent des bas-côtés de l’église et viennent aboutir à la voûte. Des gargouilles nombreuses et admirablement travaillées en forme d’animaux fantastiques, s’échappent de tous les côtés de l’édifice. L’intérieur de Notre-Dame a la forme d’une croix latine. La voûte est supportée par cent-vingt colonnes dans le style roman. Ces colonnes devaient être surmontées d’arcs à plein-cintre mais la construction de l’édifice, souvent interrompue, il en résulta, suivant l’expression de M. Victor-Hugo : « que l’architecte achevait de dresser les premiers piliers de la nef, quand l’ogive, arrivant de la Croisade, vint se poser en conquérante sur les larges chapiteaux romans qui ne devaient porter que des pleins-cintres ; maîtresse dès lors, l’ogive a construit le reste de l’édifice » — Au-dessus des bas-côtés se déploie une fort belle galerie ornée de cent-huit colonnes d’une seule pièce. Cette galerie s’arrête à la croisée. On y monte par trois escaliers : deux qui sont à l’entrée de la nef, et l’autre à droite du chœur, du côté de la chapelle de la Vierge. À ces tribunes ou galeries on attachait, en temps de guerre, les drapeaux enlevés à l’ennemi. — En 1693, un Te Deum fut chanté dans Notre-Dame, en actions de grâces de la bataille de la Marsaille. Le prince de Conti entrant dans l’église, décorée des drapeaux de Fleurus, de Steinkerque et de Nerwinde, prit le maréchal de Luxembourg par la main, et dit en écartant la foule : « Place, messieurs, laissez passer le tapissier de Notre-Dame. » — La première pierre du grand autel fut posée, en 1699, par le cardinal de Noailles, archevêque de Paris. À cette même époque, le chœur fut commencé sur les dessins d’Hardouin Mansart ; il ne fut terminé qu’en 1714, par de Cotte. La sculpture qui embellit Notre-Dame est le plus magnifique travail que le moyen-âge ait produit. Chacune des figures qui décorent cette église est un chef-d’œuvre. Il est à regretter que Soufflot, en restaurant ces figures, en ait abymé plusieurs. Il faut monter 389 marches pour arriver au sommet des tours. La vue embrasse alors un des plus merveilleux panoramas. La charpente des voûtes, appelée la forêt est entièrement construite en bois de chêne. Sa hardiesse et sa solidité sont admirables. Le bourdon, la plus grosse cloche de France, se trouve dans la tour méridionale. Cette énorme cloche fut fondue en 1685, et baptisée en présence de Louis XIV et de la reine. Sa voix puissante domine tous les bruits de la ville, et se répand en sons majestueux dans les campagnes environnantes.

L’église Notre-Dame ne fut pas épargnée pendant la révolution.

Séance du 2e jour du second mois de l’an II de la république Française une et indivisible (23 octobre 1793). — « Le conseil général, informé qu’au mépris de la loi il existe encore dans plusieurs rues de Paris des monuments du fanatisme et de la royauté ; considérant que tout acte extérieur d’un culte quelconque, est interdit par la loi ; considérant qu’il est de son devoir de faire disparaître tous les monuments qui alimenteraient les préjugés religieux, et ceux qui rappellent la mémoire exécrable des rois, arrête que dans huit jours les gothiques simulacres des rois de France, qui sont placés au portail de l’église, seront renversés et détruits et que l’administration des travaux publics sera chargée sous sa responsabilité de lui rendre compte de l’exécution du présent arrêté, etc… Arrête de plus, que toutes les autres effigies religieuses qui existent dans les différents quartiers de Paris, seront enlevées ; que tous les marbres, bronzes, etc… sur lesquels sont gravés les arrêts des parlements contre les victimes du despotisme et de la férocité des prêtres, seront également anéantis. » (Reg. de la commune, t. 21, p. 13 145).

Extrait des registres du Comité du salut public de la Convention Nationale du 23 floréal, l’an II de la république une et indivisible (12 mai 1794). — « Le Comité du salut public, arrête qu’au frontispice des édifices ci-devant consacrés au culte, on substituera l’inscription Temple de la Raison, ces mots de l’article 1er du décret de la Convention nationale du 18 floréal : Le peuple Français reconnaît l’Être suprême et l’immortalité de l’âme. Le Comité arrête pareillement que le rapport et le décret du 18 floréal seront lus publiquement les jours de décade, pendant un mois dans ces édifices, etc. Signé au registre Robespierre, Billaud-Varennes, Couthon, Carnot, C.-A. Prieur, B. Barrère, Robert-Lindet et d’Herbois. »

L’empereur Napoléon fit restaurer l’église Notre-Dame pour la cérémonie de son sacre. Le nouveau grand autel a été construit en 1803. La grille qui sépare le chœur de la nef a été exécutée en 1809, sur les dessins de MM. Percier et Fontaine. C’est un travail du plus-grand mérite.

Plusieurs chapelles entouraient la basilique de Notre-Dame ; celles de Saint-Étienne, de Saint-Jean-Baptiste surnommé le Rond, de Saint-Denis-du-Pas, ainsi nommée parce qu’elle était séparée de la cathédrale par un étroit sentier. Saint-Jean-le-Rond et Saint-Denis-du-Pas traversèrent presque toute notre histoire. Le premier de ces oratoires fut démoli en 1748, le second en 1813.