Aller au contenu

Dictionnaire apologétique de la foi catholique/Jansénisme

La bibliothèque libre.
Dictionnaire apologétique de la foi catholique
Texte établi par Adhémar d’AlèsG. Beauchesne (Tome 2 – de « Fin justifie les moyens » à « Loi divine »p. 583-602).

JANSÉNISME. — Le Jansénisme est tout à la fois un système théologique et un parti.

En tant que système théologique. c’est la doctrine de Jansénius — plusieurs fois condamnée par l’Eglise — sur la grâce et la prédestination. Tel est le sens propre du mot. Au figuré, c’est une sorte de rigorisme dans la conduite de la vie et dans l’application des principes de la morale. Dans cette seconde acception, Pon parle de la morale et des principes jansénistes.

Au sens propre, cette doctrine peut se résumer comme il suit : depuis la chute d’Adam, la volonté de l’homme est soumise tantôt à la grâce, tantôt à la concupiscence ; intérieurement, elle n’est donc pas vraiment libre, et sa liberté consiste simplement

Terne II.

en ce qu’elle est exemple de toute contrainte extérieure. L’homme ne résiste jamais à la grâce : si Dieu nous la donnait toujours, nous ne pécherions jamais. Il nous la refuse parfois et laisse dominer la concupiscence qui nous porte invinciblement au mal. La grâce du salut n’est pas accordée à tous ; car Jésus-Christ n’a pas répandu son sang pour tous. Il est mort pour les seuls prédestinés. A ce Jansénisme proprement dit, austère et sombre par lui-même, les Jansénistes joignaient d’ordinaire, dans la morale, en pratique comme en théorie, une austérité minutieuse et rigide, ennemie du probabilisme et des solutions accommodantes. Selon eux, les confesseurs devaient différer l’absolution au pécheur, l’éprouver par de longues pénitences même

37

1155

JANSENISME

1156

publiques, et par l’habitude de la charité. Quant à la communion, ils exigeaient des dispositions exceptionnelles, comme un amour de Dieu pur et sans mélange ou une satisfaction proportionnée aux péchés commis. Voir parmi les 31 propositions proscrites par Alexandre Vlll, 7 déc. 1690, les prop. 22* et 2’i' qui se trouvent cquivalemment dans la Fréquente communion d’Arnauld, Dknzingeu *", nn. 1312 (1179) et 1313 {1180). Plus facilement reconnaissable au vulgaire que les théories sur la grâce et la prédestination, le rigorisme est devenu l’un des traits caractéristiques de la phj’sionomie janséniste. A cause de cela, la morale sévère est souvent nommée Jansénisme.

En tant que secte ou parti, le Jansénisme est le groupe de ceux qui, depuis 16^0 environ jusqu’à la Un du xviiio siècle, se sont obstinés à soutenir, en dépit des condamnations ponliûcales, la doctrine de Jansénius. Jamais ils n’ont reconnu leur erreur et ils ont persisté, malgré tout, à se dire orthodoxes. Le centre de la secte a été en France, de iG^oà 1710, l’abbaye de Port-Royal, asile des religieuses et des solitaires dits de Port-Royal. Elle s’est aussi développée dans les Pays-Bas et, entre 1704 et 1728, elle y a formé un schisme qui subsiste encore aujourd’hui sousle nomd’Eglisevieille-catholiqued’Utrecht. C’est l’histoire du parti, en même temps que celle de la doctrine, que nous allons retracer.

Sommaire. — I. Les antécédents du Jansénisme : Baius (1513-1589) et le Baïanisme (1567-1579). — II. I.a première période : le Baïanisme après Baïus et le Jansénisme jusqu’aux cinq Propos it ions (b8cj-16^ij).

— III. La deuxième période : le Jansénisme depuis les cinq Propositions jusqu’à ta Paix de Clément IX (1649-1668). — IV. La troisième période : le Qiiesne /Z ; 5/ne (1671-1728). — V. La dernière période : le déclin (1728-1795). — VI. Conclusion. — VII. Bibliographie.

I. — Les antécédents du Jansénisme. Baïus (1313-1589) et le Baïanisme (1567 1879).

La véritable origine du Jansénisme doit être cherchée dans le Baïanisme. On appelle de ce nom un système Ihéologique, renfermé dans 76 ou, suivant la division actuelle, 79 propositions qui ont été condamnées par la bulle Fx omnibus de saint Pie V ( r’oct. j 067). Ces propositions sont, pour la plupart, extraites des écrits de Baïus ou recueillies de ses leçons.

A. Histoire. — Michel de By, ou, comme l’on dit d’ordinaire, Baïus, naquit près d’.lh en Hainaut (1513). Devenu principal du Collège Adrien, puis professeur d’Ecriture sainte, à Louvain, il commença, dès lors, de dogmatiser avec son ami Jean Hessels. Leur but, tout apologétique, était de gagner à l’Eglise les hérétiques contemporains ; comme méthode, ils i>rétendaicnt surtout ramener l’étude de la théologie à l’Ecriture cl aux anciens Pères, principalement à saint.ugustin. Mallieureusemenl, ils tirent fausse route. Dix-huit de leurs propositions furent déférées à la Sorbonne qui les censura (27Juiii 1560). La même année, un bref de Pie IV enjoignait au cardinal de Granvelle d’imposer le silence sur ces questions. Cependant, en 1563, Baïus publia ses premiers opuscules : De libero hominis arbilrio et e/us polestate : De justitia et juslificatione : be sacrifuio : publication qu’il continua au retour du concile de Trente, où il avait été député avec Hcsscls et Jansénius (celui (|ni devint évêque de Gand et mourut en 1576), par l’édition des traités : T)e meritis operum ; De prima hominis justitia et lirtutibus impiorum ;

De sacramentis in génère ; De forma baptismi (ib6b) ; De peccato originis ; De charitate ; De indulgentiis ; De oratione pro defunciis (1566). Sa doctrine fut bientôt dénoncée à Rome, examinée, et enfin condamnée par la bulle de saint Pie V Ex omnibus (1" oct. 1067).

La constitution fut communiquée à Baïus, non sans ménagements, et acceptée à Louvain par la Faculté de théologie (29 déc. 1567). Toutefois, notre théologien prélendit s’expliquer et transmit à Rome des apologies (1569). Un second e.xamen aboutit de nouveau à une condamnation (bref du 13 mai 1669). Baïus se soumet, mais, comme peu après il tente encore de se défendre, la bulle de 1567 est publiée à Louvain (16 nov. 1670). La Faculté de théologie rédige des conclusions contre le Baïanisme et dresse un acte d’acceptation de la buUe, que Baïus souscrit a[)rès la délibération de l’assemblée (29 août 1571). Pendant quelque temps, il paraît docile et devient chancelier de l’Université. Mais, à la suite d’entreprises contre la censure de Pie V et sur des démarches adressées à Rome, Grégoire XIII donne la bulle Prot’isionis noslrue, dans le but évident de conlirmer la décision portée par son prédéeesseur(2gjanv. 1579). Cette constitution ayant été promulguée à Louvain, le chancelier se rétracta (2^ mars 1580), et reçut du Pape un bref laudatif. Cependant, malgré sasotunission, il lui arrivait de laisser échapper des paroles compromettantes. De leur côté, ses partisans tendaient à éluder la portée des condamnations : déjà commençait de s’élaborer la théorie, plus tard fameuse, du silence respectueux. C’est ce qui amena une intervention du nonce à Cologne. Celui-ci, de concert avec l’archevêque de Malincs, ’donna ordre à la Faculté de théologie de former un corps de doctrine cai>able de faire loi dans ces inalières controversées. Le document énonce des oi)inions contradictoires aux propositions condamnées (1586). Baïus le signa, semble-t-il, et ne fut certainement jamais accusé d’y avoir contredit.

Il mourut le 16 sept. 1589. Avant sa mort, un nouvel incident vint troubler la paix. Lessrs enseignait alors la théologie, avec leP.IIamelius, chez lesjésuiles de Louvain. Il réfutait, à l’occasion, les erreurs de Baïus. En même temps, il proposait sur la prédestination et la nature de la grâce des thèses où les docteurs de l’Université découvrirent des attaques contre la doctrine et l’autorité de saint Augustin. De là, en 1087, la censure de Louvain contre Lessius, et la controverse qu’elle souleva (.Sommervogel. Hibliothèqne de la Compagnie de Jésus, liililiographie, tom. IV, art. I.essius). Cette alTaire, dont Baïus fut l’insligat <ur et dans laquelle il déployason acti ité, nerentre pas proprement dans le Baïanisme, tel qu’il est contenu dans les propositions proscrites. Plusieurs croient pourtant que le chancelier protita de l’occasion pour proposer certains principes qui forment comme une seconde ]iartie de son sjstéine, i)artie non condamnée alors il laissée indécise par le.Saint-Siège, jusqu’à ce qu’elle eût été examinée et jugée. Os principes ont un caractère de calvinisme mitigé, analogue à la doctrine qu’adopta plus tard le synode lie Ilordreclit. Encore une fois, ils n’ont pas été censurés avec ceux du Baïanisme. Tout ce qu’on ]ieut dire, c’est que Jansénius y a puisé de quoi compléter son système. Rien qu’à les rapprocher des 79proposilions de 1667, l’on a’comme l’abrégé exact de V.iueusiinus ("du Ches.ne, Jlistoirc du Baïanisme, liv. ill).

Du précédent exposé, il ressort que Baïus ne fut ni un liérésiarque, ni un sectaire, mais qu’il en eut quchine peu l’étolTe ; avecde grandes et belles qualités, de la dignité dans la vie, de l’ardeur dans le 1157

JANSENISME

1158

travail, il fut remarquable par les dons de l’esprit mais il s’avan(, ’a dans une voie périlleuse, et demeura, trop obstinément attaché à ses idées. De là des alternatives de soumission et de demi-révolle qui ont l’ait croire à d’artilicieux déguisements ou à de la mauvaise foi. Malgré tout, cependant, il ne s’est jamais séj)aré de l’Eglise.

Avant de résumer les théories de Baïus, ajoutons simplement que les bulles dressées contre lui ont été vivement attaquées par ses partisans et par ceux de Jansénius(/>iSApr/rt<ion sur les huiles contre Uuius). Ils ont nié qu’elles eussent été promulguées et acceploes même tacitement. Celle de Pie V leur a paru informe et irrégulière, ambiguë (la censure est respect’ue et portée in ^luho), inutile et préjudiciable à l’Eglise, en conlradiclion avec l’enseignement des anciens Pères. Ils ont discuté sur la prétendue interpolation d’une virgule, dont l’omission leur donnait droit d’allirmer que les propositions llétries n’étaient pas, au moins en partie, condamnées dans le sens de Uaïus. C’est le débat célèbre du coinma pianum. Quant à la constitution de Grégoire XllI, ils l’ont réduite à la plus mince signilication : selon eux, en effet, elle indiquait seulement que la censure de 1667 était inscrite dans le Re^este, mais elle ne la ratifiait aucunement..A. ces allégations, on a donné des réponses solides (or Chesne, Histoire du liaiaiiisme. Eclaircissements I-IV. — Le Bac.hblei, art. Sains), et l’on a conclu sans conteste ijue les deux bulles doivent être respectées et regardées comme des lois dogmatiques de l’Eglise.

B. Expose de l. docthine. — Le point de départ parait avoir été d’expliquer la première corruption de la nature et sa réparation dans la grâce du Christ, par la recherche de ce qu’était à l’origine l’intégrité naturelle de l’homme et de ce qu’il faut penser des vertus des impies. Le système se ramène au triple état du genre humain : état de nature innocente, état de nature déchue, état de nature réparée par la grâce.

1° £tat de nature innocente. — considérer normalement les choses. Dieu n’a pu créer l’homme innocent pour une antre tin que la jouissance du souverain bien dans le royaume éternel ; il doit donc le destiner à cette lin et ne peut lui refuser les moyens d’y atteindre. En conséquence de la création, l’homme innocent a droit à recevoir ces niojens ou secours. Ce sont des apanages de sa nature. Et les mérites qu’il acquiert par eux demeurent dans le même ordre. Dans la justice primitive, il n’est pas question d’élévation gratuite, de grâce et de surnaturel ; tout est normalement dû, lin et moyens, récompense et mérites. Nulle distinction à faire entre ce qui est de la nature et ce qui en dépasse les exigences. Bien plus, dans cet état, le mal n’a aucune place. Ce ne peut être que la punition du péché.

2° Etat de nature déchue. — Le péché originel consiste dans la concupiscence habituelle dominante. En effet, la concupiscence et ses mouvements indélibérés sont, par eux-mêmes, de vraies désobéissances à la loi, de vrais péchés, mais ils nous sont imputés seulement lorsqu’ils dominent en nous. Quant à la transmission de cette faute d’origine, elle ne cache aucun mystère ; indépendamment de tout pacte, sans nul égard à la volonté d’-dam, elle passe dans ses descendants comme passeraient la goutte ou d’autres maladies, et elle est en eux péché formel. Chez l’enfant, elle est volontaire, d’une volonté habituelle qui domine tant qu’il ne lui oppose pas d’acte contraire. Elle dépouille notre nature de tout ce qu’elle a de bon, à l’essence près ;

de ces secours de Dieu, dus à l’homme innocent, qui seuls lui permettent de bien agir, de mériter et d’atteindre à sa destinée. Impuissante désormais en face du bien, noire volonté est déterminée au mal. Elle est libre cependant, quoiqu’elle soit nécessitée, car ce qui s’accomplit sans contrainte et volontairement, bien que nécessairement, est encore libre.

3'> Etat de nature réparée. — Jésus-Christ est mort, aûn de mériter aux hommes la rémission de leurs péchés et la grâce de l’obéissance à la loi par les bonnes œuvres. La mort du Rédempteur ne rend pourtant pas ces œuvres dignes de la rélribulion de la vie éternelle. Elles le sont, en effet, par elles-mêmes, entant qu’accomplissement de la loi, indépendamment des mérites du Sauveur et de sa grâce. La justilication des adultes consiste dans la ])ratique des bonnes œuvres et la rémission des péchés. C’est l’obéissance à la loi qui justilie proprement, mais sans remettre la peine éternelle. Dès lors, la justice précède la rémission des péchés. Celle-ci s’obtient par les sacrements. Elle n’est pas la justice au sens propre, mais l’Ecriture la désigne souvent sous ce nom, et même on ne peut dire justes les catéchumènes et les i)énitents, tant qu’ils n’ont j as reçu la rémission de leurs péchés par le baptênje ou la pénitence. Puisque c’est par l’obéissance actuelle à la loi que l’homme est formellement justitié, il n’y a pas de véritable obéissance à la loi, en dehors de celle qui vient de la charité,.ucun milieu dans l’amour de la créature raisonnable, entre la charité méritoire et la cupidité vicieuse. C’est là, pour le Baïanisme, un principe capital dans lequel quelques-uns ont vu le fondement même du système. Les œuvres des inlidèles sont dès lors des péchés, et tant qu’ils demeurent dans l’inlidélité, l’accomplissement des préceptes dépasse leur pouvoir. Bien plus, Dieu refuse parfois à des fidèles ou même à des justes la grâce qui permet de résister aux tentations. Il commande donc parfois des choses impossibles.

Enfin, dans l’état de nature relevée, le mérite nous est conféré gratuitement : nous en sommes indignes ; si donc il est nôtre, c’est parce que Jésus-Christ nous le donne. Par leur nature même, les œuvres mauvaises sont dignes de l’enfer ; les bonnes, du ciel. Celles-ci, pour la plupart, ne valent pas aux hommes l’augmentation des vertus ; elles sont incapables de satisfaire à Dieu pour les peines temporelles qui demeurent, même après la rémission des péchés. La condonation de ces peines doit être attribuée aux seuls mérites de Jésus-Christ, pas même aux souffrances des Saints ou à la Sainte Messe. Notons d’ailleurs que, selon Baïus, la Messe n’est que très improprement un sacrifice.

Tel est ce système, simple vraiment, lié et soutenu. Tout sort de deux conceptions opposées, l’une optimiste, celle de l’état normal de la créature raisonnable, l’autre pessimiste, celle de l’élat de la nature tombée. L’invention en revient à Hfsseis et à B.Vius, mais Jansémus le reprendra et y mettra la dernière main. Tous trois présentent cette théorie comme augustinienne, mais on doit légitimement douter qu’ils aient saisi et rendu la pensée du saint docteur ; d’autant plus que, d’une part, sur des points importants, leur doctrine est inconciliable avec celle du concile de Trente et rejette dans l’ombre des vérités que les Pères assemblés ont placées en bonne lumière ; de l’autre, dans ces mêmes matières, ils s’accordent avec Liither et Calvin, ou tout au moins s’approchent de leurs positions. Cette partie du système forme le Baïanisme proprement dit, celui qui a été censuré d’abord par la Sorbonne, puis condamné dans les deux bulles dogmatiques de Pie V et de Grégoire XIII.

1159

JANSENISME

1160

Quant à ce qu’on a nommé la seconde partie du Baïanisme — celui qui n’a pas été proscrit du vivant de Baïus — ce sont les éléments d’un traité de la prédestination et de la grâce, qui résument les vues de son école, touchant la volonté de Dieu et la mort de Jésus-Christ pour le salut des hommes, l’opération divine sur les volontés humaines et la liberté dans l’état présent.

Voici les six points auxquels on les peut ramener : i" C’est un dogme de foi que la prédestination gratuite antérieure à la prévision absolue des mérites surnaturels, ainsi que la réprobation positive et absolue en vue du péché originel. 2° Il s’ensuit que, depuis le péché originel prévu, Dieu ne veut sincèrement sauver pour toute l’éternité que les seuls élus, et que Jésus-Christ n’est mort et n’a prié pour le salut éternel que des prédestinés seulement. 3° La grâce médicinale est une inspiration de charité, et elle n’est jamais purement suffisante, mais, toujours efficace, elle se distingue en grande grâce (produisant un effet parfait) et en petite (produisant un effet imparfait, et donc insuflisante à produire l’efTet parfait). L’ellicacité de la grâce consiste dans sa prédominance sur la cnpidité. Il s’ensuit : que les infidèles qui persévèrent dans leur infidélité sont exclus du bienfait de la grâce ; que les pécheurs qui ne se convertissent pas, et même certains justes sont privés de la grâce suffisante ; que ceux des justes qui ne persévèrent pas n’ont pas la grâce suffisante pour persévérer. 40 Il y a certains préceptes dont l’accomplissement est impossible, faute de grâce, non seulement aux infidèles ou aux pécheurs, mais encore à des justes. 5° Dans l’état présent, la grâce est irrésistible, aussi bien que la cupidité prédominante : l’homme, privé de toute giàce ou enrichi seulement de la petite grâce, suit nécessairement la cupidité ; s’il possède la grande grâce, il se liTe nécessairement à elle. 6" Pour mériter ou démériter, dans l’étal présent, il n’est pas requis qu’on soit exempt de nécessité, ce qui revient à supprimer le vrai mérite.

Tels sont les principes de Baïus sur la prédestination et la grâce. Il ne les a pas développés dans ses opuscules ; ce que nous en avons se trouve dans les Censures de Louvain et de Douai, et dans la Justification qui les a suivies. Nous les retrouverons dans VAugustinus où, renouvelés par Jansénius, ils remplissent les dix livres f>e gratia Christi saUatoris (’du Cuksnb. Histoire du Baïanisme, liv. III, § 2, et liv. IV, § 81. — Annales des soi-disans Jésuites, Paris, 176^, t. i, p. 109-454).

II. — La première période : le Baïanisme après Baïus et le Jansénisme jusqu’aux cinq Propositioas (1889-1649).

A. IIisToiiiR. — Les erreurs de Baïus ne finirent pas avec lui. P<uir les soutenir, un parti s’était formé à Louvain, dont, à la mort du maître, le disciple préféré, Jacques Janson (-j- 1626), prit la tête. Ce fut Janson qui endoctrina ses deux élèves Cornélius Janséxius et Jean du Vkrgteb de Haurannb. En même temps, il leur montra les Jésuites comme les anciens et redoutables adversaires du Baïanisme. Liés d’une étroite amitié dès leurs études, Jansénius et du Vergier vécurent ensemble, à Paris, puis à Bayonne, travaillant avec acharnement. En 1617, Jansénius regagna Louvain. mais la séparation ne mit pas un terme à leur commerce. Ils avaient, en effet, conçu comme le dessein de réformer l’Eglise, dans sa doctrine qui s’était altérée, pensaient-ils, en s’éloignant de celle de saint Augustin et des Pères, sous l’infiuence fâcheuse des scolustiques et surtout sous celle des Jésuites ; dans sa morale et dans sa discipline

qui, avec le temps, étaient devenues lâches et accommodantes, toujours par le fait des Jésuites. Le plan, concerté entre eux, comportait la composition d’un ouvrage qui accréditerait leur système et, sous l’autorité de saint Augustin, propagerait sur la prédestination et la grâce, avec les idées de Baïus, la doctrine des censures de Louvain et de Douai. Jansénius se chargea du travail. Pendant vingt ans, il s’y consacra, lisant et relisant saint Augustin, s’acharnant à y retrouver la pensée de son maître. Janson et les Baïanistes de Louvain l’encourageaient au labeur. Elu évêque d’Ypres, en 1635, il ne s’interrompit pas. .A.ussi la tache était terminée, lorsqu’il mourut dans sonévèehé (1638), laissant à des amis le soin d’éditer VAugustinus, mais le soumettant par avance aux décisions du Saint-Siège.

De son côté, du Vergier, nommé en 1620 abbé de Saint-Cyrax. ne néglige pas l’exécution du programme. Dans ce but. à plusieurs reprises, il prend à partie les Jésuites, sm-tout par la publication du Petrus Aurelius (1682). Il travaille à recruter des I partisans, et l’influence qu’il acquiert sm- l’abbaye de Port-Rojal, autour de iG34, sur la Mère Angélique en particulier, sur ses proches et sur ses amis, l’aide fort dans son recrutement. Les religieuses et les solitaires qui, à partir de 1638, commencent à se retirer près d’elles, deviennent l’àmedu groupement. Enfin, l’austérité de Saint-Cyran favorise son action, et la rigidité morale qu’il conseille n’est pas sans en imposer. Aussi, lorsqu’en 1638 il est incarcéré sur l’ordre de Richelieu, il est trop tard pour rompre ses desseins. La petite église prospère dans l’ombre : elle l’accueille à sa sortie de prison (6 fc-*Tier 1643), et à sa mort, qui suit de près (1 1 octobre), elle le vénère comme un saint ; on peut donc dire, sans exagérer, que, s’il n’a pas établi le Jansénisme comme doctrine, il est au moins le fondateur du parti.

Déjà, sous la protection de l’Université de Louvain, l’.-i((_KHs((>ius avait été édité par les mandataires de Jansénius, Fromond et Calénus (1640). En dépit d’une défense de l’internonce, d’un décret et de lirefs d’UKB.*x.>i VIII, malgré les efl’orts des Jésuites qui, dès avant la publication, ont dénoncé le péril, malgré les thèses qu’ils dressent pour le conjurer (21 mars 164 1). l’ouvrage se répand de toutes parts. Il est même imprimé, une seconde fois, à Paris, avec l’approbation de docteurs de la Sorbonne (104 O-En vue de remédier au mal, le Pape donne l’ordre d’examiner le livre, qu’on juge condamnable comme imprimé sans permission et traitant des choses de la grâce, en même temps que ressuscitant les propositions de Baïus. Sa Sainteté le censure donc par la bulle In eminenti. Cette bulle, expédiée le 6 mars 164a et publiée le ig juin 1643, confirme les constitutions de Pie V et de Grégoire XIII contre Baïus, et le décret de Paul V sur les matières De auxiliis [lùirmula pro finicndis dispulationibus, h sept. 1607. Dbnzi.ngkb’", 1090 (964)]. Quant à l’AugusIinus, elle le proscrit comme contenant et renouvelant ce qui a été condamné par les susdites constitutions. Elle interdit en outre les thèses des Jésuites et les écrits suscités, des deux côtés, dans la controverse. La publication de la bulle rencontre plus d’une difficulté ; elle se fait même avec tant de ménagements qu’elle ne produit pas tout son effet.

De part et d’autre, dans les Pays-Bas comme en France, l’on s’agite et l’on discute ; la lutte religieuse est commencée. Dès lors,.

toine.

NAii, n — le

grand Arnauld. comme diront ses admirateurs — a pris la place de Saint-Cyran, et il la garde jusqu’à sa mort, cinquante ans environ (6 août 1094).."^ous la direction du fameux abbé. Arnauld s’était lancé dans la théologie et, dans les thèses de sa tentative, IIGI

JANSENISME

1162

il avait donné comme une sorte li’Jugtistiiuis avant la lettre (1636). De plus en plus imbu des idées de son directeur, dans les choses du dogme et dans celles de la morale, il saisit l’occasion de les aflirrær publiquement par son livre De la fréquente communion (|6’|3), et par ses Apologies de.lanscnius, publiées en réponse aux sermons d’Isaac Hadkrt, alors théologal de Paris et plus tard évêque de Vabres (De la fréquente roniniKHio « , Paris, Vitré, 1643. Arnauld, Œurres, t. XXVII, p. 71. —’Apologie de M. Jansénius, 161/|, et’Seconde apologie pour M. Jansénius, 16.’(5. Arnauld, Œurres, t. XVI, p. ^9 et l. XVII, p. i). Jusque-là, le Jansénisme n’était guère qu’un parti secret et comme une science occulte qui se répandait dans l’ombre. Ce sont les premiers ouvrages d’Arnauld qui le manifestent au public et, par le fait, en divulguent les principes.

Dès le début de cette alTaire, il y a lieu déclaircir un doute. D’aucuns ne voient, dans la longue dispute, qu’une question de rivalité. Les Jésuites auraient craint — pensent-ils — d’être supplantés par les Jansénistes qui. tout à la fois par la doctrine et la manière de concevoir la vie chrétienne, s’opposaient à eux : du côté de Jansénius, saint Augustin et saint Thomas, avec le rigorisme et la morale sévère ; chez les Jésuites, Lessius et Molina, avec la morale accommodante et le probabilisme. C’était presque pour eux un problème de vie ou de mort. Eniin, les Petites Ecoles de Port-Royal les auraient elfrayés ; ils tenaient tant à s’assurer comme un monopole d’éducateurs. Dès lors, ils se seraient acharnés : ils auraient crié à l’hérésie et seraient parvenus à faire censurer leurs adversaires.

En tout cela, un fait est indéniable, c’est que la querelle du Jansénisme a été une guerre prolongée entre les Jansénistes et les Jésuites, guerre sans merci, mais dans laquelle les Jésuites n’ont pas pris l’olTensive. Mis en cause — et non pas seuls — par Baius d’abord, puis par Jansénius et ses gens, ils se sont défendus, et ce qu’ils ont protégé, ee n’est pas une doctrine propre de leur Ordre, mais la doctrine commune de l’Eglise, battue en brèche par les novateurs, doctrine augustinienne dans le sens vrai du saint docteur et que respectaient les Thomistes autant au moins que les Molinistes (Maynahd, Les Provinciales et leur réfutation, t. I, p. 1-8 et t. ii, p. 287292). Aussi bien, le système de Baius, que renouvelait Jansénius, avait été condamné à Rome dès 15C7, longtemps avant la Concorde de Molina (1588) et la censure de Lessius (1687). Depuis cette première condamnation de Pie V jusqu’à la Constitution Auctorem fidei{l^gll), les décisions dogmatiques se sont succédé, toujours défavorables aux partisans de Jansénius. Il y avait donc, dans leur affaire, autre chose qu’une chicane mesquine soulevée par des religieux jaloux dont, en 179^, l’Ordre n’existait plus depuis vingt ans.

Quant à la morale, les Jansénistes ont excédé dans l’austérité au point de rendre impossible l’observation de ses préceptes et d’écarter les lidclesdes ^_. sacrements. Aussi, tout en proscrivant les exagérait Uoiïs de casuistes trop accommodants, jésuites ou autres, Rome, dans l’ensemble, n’a pas. loin de là. donné raison à l’école aiistère de SaintCyran. Le décret de Pie X sur la Communion fréquente (20 dé-H

  • l cembre igo5) en est une preue récente. C’est assez

^, { dire qu’après deux cent cinquante ans le Saint-Siège continue de prononcer en faveur des Jésuites et de leur morale prétendue relâchée. De même, les succès trop grands de Messieurs de Port-Royal dans l’éducation ne sont pas, pour ceux du moins qui ont quelque souci des dates, une explication suffisante à l’hostilité des Jésuites ; le commencement des Petites

Ecoles est de 1687 au plus tôt, mais elles ne se développent guère qu’après iG43. En 1654-1655, elles ne comptent pas plu^ de cincjuante écoliers. Or les discussions de Louvain sur la prédestination et la grâce datent de 1587, les thèses contre VAugusiinus de 1641, et les premiers travaux du P. Dkchami-s, Disputatio theologica de libère arbitrio. Secret du Jansénisme, De hæresi janseniana de iG45 à 1654. (Ju’étaient d’ailleurs les cinquante écoliers de Port-Royal, en comparaison des deux mille élèves qui fréquentaient, en 1662 par exemple, le seul collège de Clermont ? ("Saintk-Bbuvk, Port-Boyal, t. I, p. 433 ; t. III, p. 469-479-)

Une autre erreur, enfin, serait de découvrir partout la main des Jésuites, obstinée contre Port-Royal, dans tous les écrits de polémique et toutes les dénonciations, dans toutes les mesures de rigueur et toutes les censures. Il faut prouver ce qu’on avance. L’allégation d’un gazetier pamphlétaire ou d’un écrivain de parti qui plaide pro domo, ou encore un mot méchant emprunté aux jVe’moires de Saint-Simon, ne suffit pas à former une conviction en histoire. Nous autres catholiques, ne soyons pas moins prudents que les tenants du Jansénisme qui savent bien, dans leur cause, récuser à l’occasion le témoignage des Jésuites, ou du moins demandent à le contrôler.

Que ces religieux pourtant aient souvent apporté trop d’acharnement dans la querelle, la chose n’est certainement pas niable. Les supérieurs généraux qui, seuls, engagent proprement la responsabilité de l’Ordre, en ont plus d’une fois blâmé leurs inférieurs et toujours leur ont recommandé la modération. Ce qui explique, sans la justifier d’ailleurs, cette excessive virulence, c’est que les Jansénistes étaient au moins aussi violents, et ressuscitaient au besoin maintes calomnies inventées par les pamphlétaires protestants (Maynabd, Les Provinciales et leur réfutation, t. I, p. 32-33. — Biion, Les Jésuites de la Légende, i’" partie, ch. x).

B. L’AuGusTiNi ; s et sa doctrine, — Cet in-folio de plus de deux mille pages est longuement intitulé : Augustinus, seu doctrina Sancti Augustini de liumanae naturæ sunitate, aegritvdine, medicina adversus Pelagianos et Massilienses. tribus tomis compreliensa. C’est un traité de la grâce et de la prédestination, dans lequel Jansénius prétend exposer la doctrine de saint Augustin, mais il en a pris le premier projet dans les théories de Baius. Il a, en outre, beaucoup emprunté aux hérétiques des xvi’et xvii’siècles. C’est donc son système à lui — un vrai Baianisme

— qu’il développe sous le nom de saint Augustin. Aussi, quoi qu’en aient dit si souvent les Jansénistes, ceux qui le condamnent ne censurent pas par le fait la doctrine du grand docteur. L’ouvrage est divisé en trois tomes, ou plus exactement en trois parties. La première contient l’histoire des Pélagiens, exposée de telle façon que le Pélagianisnie ressemble trait pour trait à la doctrine des Jésuites (8 livres). C’est une sorte de préambule sans lequel on ne peut comprendre les deux autres parties qui 1 enferment la matière principale. Dans le tome second, l’on trouve la doctrine de saint Augustin sur les trois états d’innocence, de nature corrompue et de nature pure. Ses neuf livres sont un commentaire fidèle des opuscules de Baius : /Je prima hominis justifia. De meritis operum, De peccato originis. De libero hominis arbitrio et de firtutibus impiorum. Le dernier tome expose les vues du saint docteur sur la grâce médicinale du Rédempteur et la prédestination des hommes et des Anges. C’est dans ces dix livres De gratia Chrisii SaWatoris que Jansénius défend les censures de Louvain et de Douai ; il y propose, IIOG

JANSÉNISME

1164

en complétant son précurseur, la seconde partie du Baïanisiue. Ces détails montrent comment le P. du Chesnea pu, sans peine, établir une exacte concordance entre la doctrine de VAugustinus et le système de Baïus, pris dans son ensemble. La conclusion est que Jansénius a suivi, de son devancier, plan et erreurs, comme la glose suit le texte. Primitivement d’ailleurs, il avait eu le dessein d’intituler son livre Apologie de Baïus (’Histoire du Baïanisme, liv. IV, § Lxxviii-Lxxxi et xix). Le P. Rapin donne une analyse détaillée de VAugusiinus, dans son Histoire du Jansénisme (Vivre X, p. 479-^84).

Le fond du livre est la doctrine de la délectation relativement victorieuse, c’est-à-dire de la délectation qui se trouve actuellement supérieure en degré à celle qui lui est opposée. Depuis la chute d’Adam, la délectation est l’unique ressort qui remue le cœur de l’iiomme, inévitable quand elle vient et invincible quand elle est venue. Si cette délectation est céleste, elle porte à la vertu ; si elle est terrestre, elle détermine au vice, et la volonté se trouve nécessairement entraînée par celle des deux qui est actuellement la plus forte. L’homme fait donc invinciblement, quoique volontairement, le bien ou le mal, selon qu’il est dominé par la grâce ou la cupidilé. Sa volonté est nécessairement soumise à la délectation actuellement prépondérante. De là sortent les autres parties de l’ouvrage, comme autant de suites ou de corollaires, formant dans leur ensemble le système que nous avons brièvement résumé au début de cet article.

.insi en découlent les cinq fameuses propositions qui sont la quintessence ou, comme Bossubt l’a écrit dans sa lettre au maréchal de Bellefonds (vers 30 sept. 1667. Edit. Lâchât, t. XXVI, p. 209), l’âme du livre. Pour achever de faire connaître VAugustinus, rien de mieux que de les citer :

I. Quelques commandements de Dieu sont impossibles à des justes qui désirent et qui tâchent de les garder, selon les forces qu’ils ont alors ; et ils n’ont point de grâce par laquelle ils leur soient rendus possibles.

IL Dans l’état de nature corrompue, on ne résiste jamais à la grâce intérieure.

III. Pour mériter et démériter, dans l’état de nature corrompue, on n’a pas besoin d’une liberté exemple de la nécessité d’agir ; mais il suffit d’avoir une liberté exempte de contrainte.

IV. Les serai-pélagiens admettaient la nécessité d’une grâce intérieure et prévenante pour chaque action en particulier, même pour le commencement de la foi ; et ils étaient hérétiques en ce qu’ils prétendaient que cette grâce était de telle nature que la volonté de l’homme avait le pouvoir d’y résister, ou d’y obéir.

V. C’est une erreur des semi-pélagiens de dire que Jésus-Christ soit mort, ou qu’il ait répandu son sang pour tous les hommes sans exception.

Liées comme elles sont à la théorie fondamentale de la délectation relativement victorieuse, il n’est pas malaisé de montrer que ces cinq propositions sont bien de Jansénius. Elles se lisent d’ailleurs dans VAugustinus, toutes les cinq, sinon mot à mot ou quasi mot à mot, comme la i" (t. III, I. 11, c. 13), au moins dans des termes équivalents, comme les quatre dernières (la 2’. t. III, 1. 11, c. 24 ; la.3’, t. III, 1. VI, c. 38 ; la 4*, t. I, I. viii, c. 6 ; la 5’, t. III, I. iii, c. ai). C’est seulement aux approches de la condamnation que les Jansénistes ont commencé d’émettre des doutes à cet égard (Mavnabd, f.es Provinciales et leur réfutation, t. II, p. 280 et suiv. — De Mas, Histoire des cinq pm/iosilions, Edit de 1702, t. I, liv. i, p. 65 et suiv. ; t. III, i" Eclaircissement, p. i).

Postérieurement, l’on a eu l’idée de distinguer entre le Jansénisme grotesque, celui qui a été condamné dans les cinq propositions, et la doctrine de Port-Royal, adoucie encore dans les Réflexions momies de QuBsxEL. C’est un subterfuge ou un leurre. D.ms le fond, il n’y a eu qu’un seul Jansénisme, nettement démasqué dans les cinq propositions, ou dissimulé habilement par le parti sous des expressions équivoques, mais demeuré toujours le même, le Jansénisme de VAugustinus. C’a été aussi celui d’Arnauld et de Port-Royal, et Quesnel l’a revêtu des dehors de la piété dans ses Uéflexions morales. Si on veut l’étudier à fond, on peut consulter V Histoire du Jansénisme du P. Rapin (liv. X), et surtout l’excellent ouvrage du P. Dbchami’s : De hæresi janseniana. Ce que nous avons dit montre assez comment la théologie jansénienne renverse complètement, avec l’espérance chrétienne, toute morale raisonnable, toute liberté dans l’homme, toute justice en Dieu (Pluqcet et Claris, Dictionnaire des hérésies, art. Jansénisme. — Maynari>, Les Provinciales et leur réfutation^ t. I, p. 14-21 ; t. II, p. 287-292).

III. — La deuxième période : le Jansénisme depuis les cinq Propositions jusqu’à la Paix de Clément IX (1649-1668).

A. La qiestion nn droit (i" juil. iG41j-31 mai iG53).

— Au début de cette période, les esprits sont tout entiers à la question de droit, qui consiste à établir que les cinq ])ropositions sont vraies ou qu’elles sont fausses.

Nicolas Cornet, syndic et docteur de Sorbonne, dénonce à la Faculté sept propositions théologiques dont les cinq premières renferment ce qu’il y a, dans VAugustinus, de plus contraire à la foi ("juillet 1649). O"* décide de les examiner, et des commissaires en préparent la censure. Mais, une intervention du Parlement ayant suscité des difficultés, une autre voie est prise : la cause est déférée à Rome par une lettre approuvée et signée de quatrevingt-cinq évêques, auxquelstrois autres sejoignent dans la suite. L’évêque de Vabres (Isaac Habert) l’avait composée (1650). De leur cùté, ceux de Port-Rojal font présenter au Pape une supplique en sens opposé (10 juillet iG51), mais, parmi les évêques de France, onze prélats seulement l’ont souscrite. Innocent X avait déjà formé une congrégation (12 avril)G51) ; après un sérieux examen, il donne la bulle Cum occasione, par laquelle il censure et qualilie chacune des cinq propositions (31 mai 1653). Il la fait afficher le 9 juin.

D’après leur conduite et leur ?* écrits, il paraît bien que, jusqu’au moment où l’affaire fut portée devant le Saint-Siège, les Jansénistes, tout en répétant que les propositions étaient équivoques et forgées à plaisir, s’accordaient avec leurs adversaires sur le sens propre de ces propositions (le dogme de la grâce nécessitante), lequel, selon eux, était celui de Jansénius. Ce sens, affirmaient-ils aussi, exprimait la doctrine de saint Augustin, qu’ils ne distinguaient jamais de celle de Jansénius ou de la leur. C’est alors du droitqu is disputaient. Plus tard, au cours du procès, quand ils pressentirent la condamnation, leurattitude changea : les meneurs et leurs députés à Rome cherchèrent, par des expédients, à éterniser les débats : ils réclamaient des disputes, comme au temps des controverses de auxiliis, dont ces discussions, disaient-ils, étaient une suite naturelle ou une reprise. Dans chacune des propositions incriminées, ils découvraient des sens multiples, dont l’un, le sens i)ropre et légitime, celui qu’ils entendaient, contenait leur  ! l(15

JANSENISME

116r>

système, mais ils le proposaient d’une manière enveloppée et dans des termes ambigus. De Jansénius et lie son livre ils ne souillaient plus mol, mais ils parlaient sans cesse de saint Augustin, de saint Thomas et de sa grâce elTicace par elle-même, de la doctrine catholique mise en péril par une machination des raolinistes. Malgré tant d’elTorts, ils ne réussirent pas à traîner indéfiniment les clioses en longueur, et le jugement fut enfin rendu [Histoire des cinq propositions, t. I, liv. I, p. C8 et suiv. ; t. III, i"’et 2 Eclaircissements, en confirmant par D. TuLifLLiER, Histoire de la constitution L’nigenitus (Ms), l. I, p. 208-210 (Bibliotb. Nation., Ms. fr. 17731).

— H.J1.VIS, Mcrnoires, 1. 1 et II, liv. iv-viii. — Bouk/.eis (..bbé uk), Propositiones de gratia. —’Brevissima ijninqtie propositioriiim in iarios sensiis distinctio ou flislinction abrégée des cinq propositions].

B. La question de fait. Son premier temps : LB F.UT DB Janskxius quillet 1653-29 sept. 1654). — La bulle reçue en France quillet 1653), les Jansénistes se soumettent, mais, à eu juger par leurs lettres secrètes plutôt que par leurs écrits publics, leur soumission n’est qu’extérieure. Passant, en apparence du moins, condamnation sur le point de droit, et admettant que les propositions, dans leur sens propre, sont légitimement censurées, ils se retranchent dans la question de fait. C’est de leur part une évasion habile, préparée d’ailleurs par leur précédent changement d’attitude ; elle leur permet d’éluder, sans révolte ouverte, la décision de l’Eglise. Leur nouvelle position est celle-ci : par la manière dont elle parle de Jansénius et de son livre, la Constitution donne à entendre que les propositions sont tirées de VAugustinus. Or, d’une part, la 1* proposition, la seule qu’on trouve mot à mot dans l’ouvrage — ce qui est exact, nous l’avons vu, — n’a pas, étant prise en elle-même, le sens qu’elle présente dans l’endroit d’où on l’a extraite ; d’autre part, on ne rencontre dans le livre aucun texte dont le sens naturel se confonde avec le sens des cinq propositions prises en elles-mêmes. Tout en se soumettant, et en admettant le bien fondé de la condamnation, si on considère les propositions en elles-mêmes, ils ne peuvent reconnaître ni qu’elles sont de Jansénius, ni qu’elles ont été condamnées dans le sens de Jansénius. D’après eux, ce sens est celui de la grâce eflieace par ellemcme, nécessaire à tout bien. Ainsi cette doctrine, qui est celle de saint Augustin et de l’école de saint Thomas, combat seulement la grâce sullisante de Molina, mais non pas celle des Thomistes. Leurs adversaires insistaient à l’encontre, et leur rappelaient qu’avant 1601 ou 1652, alors que la dispute roulait sur la qualité des propositions et non pas sur leur sens, ils avouaient que ce sens propre et naturel était celui de Jansénius.

Néanmoins, le déplacement de la controverse ne laissait pas d’être erabariassant : en efïet, ces termes mêmes de fait ou de sens de Jansénius claienl équivoques. Us pouvaient signifier, soit le sens exprimé dans l’ouvrage de Jansénius considéré en lui-même et sans égard à la pensée qu’avait, en le composant, l’évêque d’Ypres (attribution de la doctrine des propositions au texte du livre : sens objectif de Jansénius), soit le sens qu’avait dans l’esprit l’auteur lorsqu’il écrivait, et qu’il cherchait à rendre dans son texte (attribution delà doctrine des propositions à Jansénius lui-même : sens subjectif de Jansénius ou son intention personnelle). Entre ces deux acceptions, les Jansénistes, consciemment ou non, ne distinguaient pas, et c’était là, dans les discussions, une cause perpétuelle de confusions. D’autant plus qu’à Rome, l’expression de question de fait était

généralement restreinte à la dernière des deux acceptions, la première étant regardée comme question de droit, tandis qu’en France, spécialement dans l’usage de ceux du parti, l’une et l’autre étaient indistinctement traitées de question de fait.

Pour couper court à l’évasion, les évêques assemblés à Paris déclarent (28 mars 1654) que, par la bulle Cum occasione, les cinq propositions ont été censurées comme étant de Jansénius et dans le sens de Jansénius. Leur déclaration est confirmée par un bref d’iNNOCENT X (29 septembre). En France, la décision est respectueusement accueillie, etla Sorbonne s’y conforme dans son jugement sur la Seconde lettre de M. Arnauld à un duc et pair (31 janvier 1656).

Ce jugement est, dans l’histoire du Jansénisme, un événement. En effet, dans les diseussions sur le droit et sur le fait, Arnauld a donné le branle et tenu le premier rang. Dès le temps des dénonciations de Cornet, il avait crié qu’on en voulait à la doctrine de suint Augustin et il s’était dressé pour la défendre (Considérations sur l’entreprise de M. Cornet. 16^9, Apologie pour les SS. Pères de l’Eglise…, 1651. Arnauld, OKuvres, t. XIX, p. I et t. XVIII, p. 1). En 1655, il publie deux lettres, l’une « une personne de condition (24 février), l’autre (10 juillet) à un duc et pair Ç Lettre à une personne de condition sur cequi s’est passe… et’Seconde lettre à un duc et pair de France pour servir de réponse… Œuvres, t. XIX, p. 3 Il et 335). La seconde d’entre elles, la plus fameuse, met en cause le fait et le droit, et, en dépit de protestations multiples, tend à rétablir la doctrine proscrite par Rome. On en tire deux propositions, la première dite de droit, la deuxième de fait, qui sont déférées à la Sorbonne et, après trois mois de contestations, censurées. Arnauld se défend vigoureusement, trois ou quatre opuscules au moins en font foi [Dictionnaire des Jansénistes, art. Arnauld (Antoine), c. 266-67], et il est soutenu par les soi-disant disciples de saint Augustin. Il n’en est pas moins condamné, mais il refuse de souscrire au jugement rendu et est, avec nombre d’autres qui l’imitent dans son refus opiniâtre, exclu de la Faculté.

C. Intervention de Pascal : Les Provinci.^lbs (23 janv. 1656-24 mars 1657). — C’est alors que l’intervention de Pascal change les affaires. Dans ses Petites lettres, il tourne en plaisanterie les débats de la Sorbonne sur les propositions d’Arnauld et la censure qui en est faite. Ce sont les quatre premières Provinciales, après lesquelles l’auteur, s’en prenant à la morale des Jésuites, laisse de côté le Jansénisme proprement dit. Il n’y revient que dans la 17’et la 18’sur la question défait, par où il prétend justifier les Jansénistes. Dans les douze autres, il attaque le relâchement des casuistes. C’est en somme une digression, ou plus exactement une diversion adroite, la morale des Jésuites et les Jésuites eux-mêmes n’étant point directement en cause dans la lettre d’Arnauld et les cinq propositions. A prendre ainsi rigoureusement les choses, Pascal a quitté la question. Toutefois le parti considérait les Jésuites comme les adversaires qui, entre tous, s’opposaient au progrès de ses idées tliéologiques ; il estimait donc qu’abattre les Jésuites ou ruiner leur influence, c’était encore travailler au triomphe de sa doctrine. En outre, la diffusion de la morale sévère, toujours chère aux Jansénistes, entrait, au même titre que les thèses de VAugustinus, dans le programme de réforme concerté dès le début entre Jansénius et Saint-Cyran. C’est ce que montreraient bien les lièglemenis et instructions de Messieurs les disciples de saint Augustin de l’union, extraits par le P. Uapin des registres du Saint-Office et rapportés 1167

JANSENISME

116g

dans ses Mémoires (t. III, p. Si-Sg), si l’on établissait incontestablement l’origine jansénienne de ce document curieux. Ainsi Pascal, par son apparente digression, ne sortait pas à strictement parler du terrain de la lutte : il changeait plutôt de méthode d’attaque. Du Jansénisme proprement dit — la doctrine de Jansénius condamnée par Innocent X et défendue par Arnauld — il ne faisait que passer à l’autre sorte de Jansénisme, celui du rigorisme et de l’austérité, qui, dès les jours de Saint-Cyran, en -avait si fort imposé au vulgaire et avait été pour la meilleure part dans le succès du novateur.

Sans insister sur l’inexactitude réelle et l’injustice des développements de Pascal, ou encore sur la valeur mince de son témoignage [Brou, les Jésuites de la Légende, I’= partie, chap. x-xii, p. 305-430,

— Mayn.^rd, Les Provinciales et leur réfutation, en comparant avec Moli>ter, Les Provinciales, t. I, Introduction, spécialement p. xxvm-xxxi ; liii-lxx ; cxxxv-cxxxvi ; cxLni-cxLiv ; et aA-ec Strowski, Pascal et son temps, III « partie, ch. ni-viii, p. 60-210 et cb. xiit, p. 354-3^2, spécialement § rv, p. 366-369 (cf. abbé Urbain, dans lievue du Clergé français, i déc. 1908, t. LVI, p. 569), — Histoire des cinq propositions, t. I, liv. ii, p. 168-181 et liv. iii, p. 260262], constatons que la diversion fut pour les Jansénistes d’un heureux effet : elle mit les rieurs de leur côté. Tandis que Pascal combat ainsi en plaisantant, Arnauld, soutenant la cause plus sérieusement, cherche à prouver que son système ne diffère pas de celui des Thomistes.

D. SbCOND TEAtrS DB LA. QUESTION DE FAIT : l’aUTO RiTÉ DB l’Eglise dans la décision des faits. L’insk-PARABiLiTiî DU FAIT ET DC droit (29 sept. 1654-19 janv. 1669) — En vue d’assurer l’exécution de la bulle Cum occasione, l’Assemblée du clergé examine et approuve ce qui a été fait contre le Jansénisme (i' et 2 sept. 1656). Elle se déclare donc sur le fait de Jansénius, qu’elle affirme, en l’entendant, cela va sans dire, dans le sens de l’attribution de la doctrine au texte du livre de Jansénius, sans égard à l’intention personnelle de l’auteur. Prononçant ensuite l’infaillibilité de l’Eglise dans la décision des faits dogmatiques (faits inséparables des matières de foi ou des mreurs générales, comme par exemple que tel concile est général ou légitime, ou que tel est le vrai sens de tel ou tel d’entre les Pères sur tel ou tel dogme ; on les désigne ainsi par opposition aux faits révélés dans l’Ecriture ou la Tradition, et aux faits personnels, dont l’Eglise juge, non pas sur l’examen des textes, mais sur le seul témoignage des hommes, par exemple que tel auteur avait dans l’esprit tel sens, lorsqu’il écrivait tel texte, ou encore qu’il était ou n’était pas de bonne foi, lorsqu’il enseignait telle erreur), elle résout dans le sens aflirmatif le problème de l’inséparabilité du fait et du droit, fameux dans les polémiques du temps, et sur lequel les gens du parti eux-mêmes ont été partagés. Voici à quoi revient sa déclaration, qui résume le sujet de la dispute : quoiqu’on puisse discerner le point de droit (lescinq propositionscontiennent une doctrine hérétique ) du point de fait (cette même doctrine est contenue dans le texte du livre de Jansénius), comme deux choses distinctes et séparables en elles-mêmes, on ne peut, après la décision de l’Eglise, révoquer en doute le fait, qui est un fait dogmatique, sans recourir à un principe qui rend douteux le droit même. (Ce principe serait que l’Eglise n’est pas nécessairement infaillible dans l’intelligence du sens de Jansénius : d’où il suivrait qu’elle n’est pas nécessairement infaillible dans l’inlelligence du sens des auteurs qu’elle approuve ou condamne, en

particulier de saint Augustin et des Pères sur nos différents dogmes ; elle ne pourrait donc, par son autorité, nous assurer de la tradition d’aucun dogme contesté par les hérétiques. Le droit lui-même serait ainsi rendu douteux). Ainsi expliquée, la croyance du point de fait est inséparable de celle du point de droit (Histoire des cinq propositions, t. I, liv. iii, p. 187-19 ;). Les actes de l’Assemblée ayant été communiqués au Pape, Alexandre VII donne la bulle ^rf.s-flcram (16 oct. 1656), qui conflrme, en l’insérant, la constitution d’Innocent X et décide affirmativement le fait de Jansénius, c’est-à-dire l’héréticité du texte de son livre ; quelques mois plus tard (mars 1607), l’Assemblée du clergé reçoit cette bulle et arrête des mesures pour en assurer l’observation.

Alors vraiment, on peut le dire, la question défait a pris un nouvel aspect. Elle est dans son second temps. Tranché nettement par le bref du 29 septembre 1 654 et surtout par la dernière bulle (iG octobre 1606), le fait de Jansénius n’est plus douteux. Rome a certainement entendu condamner les cinq propositions comme étant de Jansénius et dans le sens de Jansénius. Ce dont les partisans de cet auteur disputent désormais, c’est de l’autorité même de l’Eglise dans la décision des faits qui, comme celui de Jansénius, ne sont pas immédiatement révélés de Dieu. La question de fait, dans son second temps, retombe donc en réalité dans une question de droit. D’un côté, les Jansénistes nient que l’Eglise soit infaillible dans l’espèce, qu’il s’agisse du fait dogmatique (sens objectif du texte) ou du fait personnel (intention personnelle de l’anteur), deux points qu’ils ne distinguent jamais, lis nient par conséquent qu’une soumission intérieure soit due aux décisions pontificales. D’autre part, l’Assemblée du clergé, nous l’avons vu, par sa déclaration de 1656, sur l’inséparabilité du fait et du droit, est d’un avis contraire. La controverse se prolonge, et ce sera seulement dans les conditions de paix imposées par Clkment IX aux quatre évêques (1668), que nous trouverons les éléments d’une solution définitive, solution qui, tout bien éclairci, et malgré qu’ils en aient, ne donne pas gain de cause aux Jansénistes.

E. Le FoRMULAinE(25 janv. 1661-19 janv.’^Gg). — Au milieu de ces discussions, l’Assemblée du clergé reprend un de ses projets antérieurs, celui de faire signer un formulaire de foi. Dès 1656, une première fois, puis à nouveau en 165^, en vue peut-être de remplacer un texte joint à la constitution.Id sacram {Rxpiy, Mémoires, t. ii, p. 440-441, 460-464 ; t. III, p. 128-136), elle en avait établi la formule, en des termes qui exprimaient la condamnation de coeur et de bouche de la doctrine des cinq propositions de Jansénius, contenuedans VAugustirius. C’est ce qu’on appelle le Formulaire du clergé. L’assemblée en était alors restée là. En 1661 seulement, le 25 janv-ier, elle prescrit aux ecclésiastiques de souscrire la formule dressée. Cette injonction, autorisée par le roi (13 avril), suscite des divergences de vues parmi les Jansénistes. Ils ne s’enten<lent pas sur la façon de signer, mais il est un point sur lequel ils s’accordent tous, c’est qu’en souscrivant l’on ne doit point, par un acte de soumission intérieure, condamner le livre (le Jansénius. Précisément, c’est là ce qui rend leur foi douteuse.

Une négociation fut entamée entre l’évêque de Comminges et le P. Ferrier, jésuite, d’une part, et les Jansénistes de l’autre ; elle n’.nmène rien, d’ailleurs, sinon l’envoi à Rome de cinq articles équivoques sur lesquels le Pape décide de ne pas prononcer (1662-1663). C’est le fait des cinq articles (voir 1169

JANSENISME

1170

Histoire des cinq propositions, liv. iv, 1. 1, p. aG^-SiG). Entre temps on se relâche quelque peu sur la signature du Formulaire, mais, après l’échec de la tentative d’accommodement, on s’j' rattache inviolablement, malgré les récriminations du parti. Les Jansénistes se plaignent surtout qu’à l’égard des faits, comme est celui de Jansénius, on veuille, par la souscription d’un formulaire de foi, exiger d’eux autre chose qu’une soumission extérieure ou silence reapectueur. A ce moment, Alexandre VII, qui n’avait encore jamais approuve, par une mention expresse, le Formulaire du clergé, publie, sur la demande du roi, sa constitution liegeminis a^os(o//c((15fcvrier 1665), laquelle contient un formulaire équivalent pour le fond à celui du clergé, et en enjoint la signature.

Par une déclaration du 29 avril 1665, Louis XIV ordonne que la bulle soit reçue et le nouveau formulaire — Formulaire du Pape — souscrit sans aucune X distinction, interprétation ou restriction. Lui-même se rend au parlement pour faire enregistrer sa déclaration. . l’occasion de la conslitutionpontilicale, l’archevêque de Paris, M. un PiiRÉKixiî, donne un mandement où il marque que l’Eglise a toujours exigé une soumission de foi divine pour les dogmes, et, quant aux faits non révélés, une véritable soumission par laqiielle on acquiesce sincèrement et de bonne foi à la condamnation de la doctrine censurée (13 mai 1665). C’est toujours le sens de son ordonnance pour la signature du Formulaire du clerj^é (j juin 166^) : adhésion de foi divine sur le droit, de foi humaine et ecclésiastique sur le fait non révélé.

Les autres prélats ne distinguent pas expressément entre le fait et le droit, à l’exception des quatre Efêques, MJI. d’Alel, d’Angers, de Beauvais et de Pamiers. Ceux-ci excluent, dans leurs mandements, toute soumission intérieure de jugement à la décision de l’Eglise sur le fait, et ne demandent que le silence respectueux quin-juillet 1665). Tant d’obstination porte le roi à des mesures plus rigoureuses : neuf prélats sont désignés par le Souverain Pontife pour instruire le procès de leurs quatre collègues, ’mais les lenteurs de la procédure, quelque peu embarrassée dans les exigences des principes gallicans, donnent au parti le temps de se fortitier. Après la mort d’Alexandre VII (22 mai 16C>-j), par une lettre du i"^ décembre, dix-neuf évêques mandent au nouveau Pape, Clément IX, qu’ils sont dans les mêmes sentiments que les récalcitrants. Une adhésion si nombreuse fait craindre qu’on ne puisse achever, sans complications, l’affaire des quatre Evêques.

F. La Paix de Cmiment IX (septembre 1668-janvier 1669) — Sur ces entrefaites, une négociation est tentée, qui aboutit à un accommodement, pompeusement appelé par les Jansénistes Paix de l’Eglise ou de Clément IX, mais ce n’est en somme que la réconciliation des prélats rel)elles. M. de Cliàlons-sur-Marne, Félix Vialart, avait été chargé par LeTellier de chercher un moyen d’accommoder cette fâcheuse afTaire. Dans son œuvre de médiation il s’adjoint d’abord M. de Sens, Louis-Henri de Gondrin, puis, sur la demande du nonce Bargellini, M. de Laon, le futur cardinal d’Estrées. Après des démarches préalables près du nonce, MM. de Sens, de Laon et de Chàlons obtiennent des quatre Evêques une nouvelle acceptation du formulaire, avec une lettre soumise et respectueuse à l’adresse du Pape. Signature et lettre parviennent à Home, le 26 septembre ifiôS, et, le 28. Clément IX écrit à Louis XIV qu’il a reconnu la soumission îles prélats à leur souscription pure et simple. Bargellini ayant en outre aflirmé que

Sa Sainteté était satisfaite, le roi arrête le procès Comme il convenait au chef du parti et même plus qu’il ne convenait, Arnauld avait eu sa place et son rôle dans les arrangements : lui aussi signa selon sa conscience et rentra en grâce. Bien plus, au cours des négociations, il avait été comme le conseil ou le théologien des parties ; et ce serait à lui qu’avec une conliance peut-être excessive, le principal médiateur, l’évêque de Chàlons, aurait laissé le soin de dresser le projet de lettre au Pape, ainsi que le mémoire destiné à renseigner les quatre évêques et à régler leur conduite. Plus tard, Arnauld intervint encore pour donner son témoignage et enlever les doutes qui restaient au Souverain Pontife (Déclaration de M. de Chàlons, souscrite par Antoine Arnauld et, dit-on, rédigée par lui, 3 décembre 1668). Telle est cette Paix, que confirme enfin le Pape, en adressant aux quatre évêques une lettre bienveillante (ig janvier 1669).

Toutefois, au moment d’apposer leur signature et de recevoir celle de leurs prêtres, les prélats avaient réuni des synodes dans lesquels ils avaient déclaré

— les procès-verbaux de ces synodes, au pied desquels ils ont signé, le portent expressément — qu’à l’égard du fait, la souscription du formulaire n’obligeait qu’à une soumission de respect et de discipline, qui consiste à ne point s’élever contre la décision qui en a été faite, et à demeurer dans le silence. Quoique ce terme de fait, il n’est pas besoin de le répéter, soit ici encore andjigu et se puisse entendre, suivant le sens romain, de l’attribution à l’intention personnelle de Jansénius, il paraît bien qu’ils avaient continué, dans leurs synodes, de le prendre comme dans leurs mandements, selon leur acception ordinaire ; ils persistaient donc à maintenir cette même distinction entre le fait, soit dogmatique, soit personnel, de Jansénius, et le droit, pour laquelle précisément leurs mandements avaient été poursuivis. Les procès-verbaux, demeurés quelque temps secrets, ne parvinrent certainement à Rome qu’après l’envoi du bref au roi (28 septembre 166°"- Dès lors, une question se pose : Clément IX a-t-il connu à l’avance leur contenu et l’a-t-il approuvé, avouant de la sorte comme légitime et bien fondée la distinction qui s’y trouvait maintenue, — ou bien, n’en ayant eu aucune connaissance, croyait-il de bonne foi, lorsqu’il écrivait à Louis XIV, que les quatre évêques avaient souscrit, purement et simplement, sans distinction, son formulaire ? Problème historique, désigné sous le nom de fait de Clément /.V. Peu après la paix, sinon dans son temps même, ceux du parti ont protesté que la première hypothèse est la vraie, et quelques-uns probablement l’ont fait en toute sincérité : parmi les conditions préalablement consenties parle Pape, ont ils dit, se trouvait le maintien de la distinction des mandements dans le secret des procès-verbaux. Ainsi Clément IX, se désistant des prétentions de ses prédécesseurs, se serait contenté, sur le point de fait, du silence respectueux, et, par son désistement, aurait implicitement reconnu que l’Eglise n’a pas l’infaillibilité dans la décision des faits non révélés, non seulement dans celle des faits personnels, ce qui n’était pas contesté, mais dans celle des faits dogmatiques, les seuls qui fussent en cause. Ce n’est pas là cependant la vérité. Tout montre, au contraire, que le Pape ne savait rien de cette condition prétendue, et qu’à la date de sa lettre au roi, il pensait que les prélats avaient fait une soumission sincère, de bouche et de crpur, sur le point du fait, dans l’acception précise où l’on <lisputnit, autant que sur celui du droit. Déjà, cependant, il avait reçu des avis, portant qu’on le dupait, mais ces avis étaient sans preuves ; il désirait vivement 1171

JANSENISME

1172

conclure l’affaire, et M. de Lyonne insistait fort pour qu’on en flnil. Sa Sainteté croyait qu’il pressait ainsi de la part même du roi ; elle jugea donc pouvoir, sans imprudence, se lier à la lettre des quatre évêques, aux assurances de son nonce et à celles de Vialart, qu’Arnauld contirmait. Sans nul doute, le Pape comprit que des réserves avaient clé formulées toucliant l’attribution des propositions au livre de J.nnscnius ; cependant il estima, c’est le cardinal Rospigliosi qui l’atteste, qu’il s’agissait du fait entendu dans l’acception romaine de l’intention personnelle de Jansénius, mais non pas dans celle du sens objectif de l’ouvrage. Comme, sur le premier point, l’Eglise n’exigeait rien de plus que le silence respectueux. Sa Sainteté n’approfondit point et se déclara satisfaite. C’est ainsi qu’elle accorda la paix. Plus lard, sur de nouveaux bruits, plus consistants encore, et sur le contenu des procès-verbaux entin connu. Clément IX s’enquil soigneusement. Il lit examiner les choses dans une congrégation de cardinaux. Ceux-ci blâmèrent la mauvaise foi des prélats, mais jugèrent qu’il valait mieux ne pas reprendre le fond du débat. Il sullirait que, dans son bref de réponse aux quatre évéques. Sa Sainteté aflirmàt qu’elle n’aurait jamais admis à cet égard ni exception ni restriclion quelconque, étant très attachée aux constitutions des papes ses prédécesseurs. C’est ce qui fut fait (19 janvier iG6g).

La conclusion sur le fait de Clément l. est donc que le Pape a été trompé, sinon tout à la fois par Louis XIV et Lyonne, par le nonce, les prélats médiateurs, Arnaubi et les quatre évéques. au moins par quelques-uns d’entre eux. Lyonne paraît le plus responsable. Probablement aussi, le roi et le nonce ont été joués, mais Bargellini avait en quelque sorte bien voulu l’êtTe. s’étant par avance engagé à se cacher de ceux qui pouvaient voir clair, comme l’archevêque de Paris ou le P. Annat. Enlin, parmi ceux de l’autre camp, il y eut peut-être de même des dupes, Vialart par exemple ou l’un ou l’autre des quatre évéques. El ce qui facilitait cette duperie universelle, c’est que, de tous côtés, à Paris et à Rome, l’on était fatigué de disputer, et l’on soupirait après un accommodement. On redoutait tout retard et, pour ainsi dire, tout éclaircissement sur ce qu’il restait d’équivoque dans les termes.

Celte conclusion étant admise, on voit que le Pape, sur la question de fait prise dans son second temps, c’est-à-dire sur le point de l’autorité de l’Eglise dans la décision des faits dogmatiques, a toujours maintenu l’infaillibilité et n’a aucunement donné dans les vues des Jansénistes (Rapix, Mémoires, l. III, liv. xx.

— Histoire des cinq propositions, t. II, liv, vi. — FÉNRLON, Autre lettre au P. Quesnel louchant la relation du card nal Ilospigliosi, — en notant le témoignage de Valloni — du Vaucel — agent du parti à Rome (p. 433). — Boirlon, M. Vialart, étéque de Cliàlons. et la paix clémentine. L’auteur essaie de dégager la responsabilité du médiateur, lequel — selon lui — aurait de fait (d)lenu que les quatre évéques restreignissent leur distinction sur le fait à l’intention personnelle de Jansénius. Phis lard, leurs amis auraient abusé de l’ambiguïté des termes.

— CocniN, Etude sur Henri Arnauld, étéque d’Angers, dans ses rapports arec le funsénisme, dans Ecole nationale des Chartes. Positions des thèses soutenues par les étct’es de la promotion de 1907. Màcon, Prêtât, 1907, pp. 3--50. — " I.n Paix de Clément /.V).

G. La. siGNATrHE nu Foumilaire kt les RklirilRL’SKS DF PoBT-RoYAL. — En dépit des plaisanteries qu’on a faites, il y avait, la chose saute aux yeux, (les motifs sérieux d’exiger que les Religieuses de

Port-Royal souscrivissent le Formulaire. On avait toutes les raisons de douter de leur croyance. De 1 66 1 à 1661, elles avaient obstinément refusé la souscription qu’on demandait ; elles avaient seulement consenti à signer en général la comlamnation des propositions condamnées, Arnauld les avait encouragées et soutenues dans leur résistance : aidé de Nicole et de quelques autres, il était intervenu dans leur cause par toutes sortes de lettres et de mémoires, et il avait fait leur apologie [Dictionnaire des Jansénistes, art. Arnauld (Antoine), c. 267-270]. M. de PéréUxe, devenu archevêque de Paris, prit en main leur affaire : après plusieurs démarches et plusieurs mesures de rigueur, comme la dispersion des plus opiniâtres dans diverses communautés, il réunit, sous la direction d’ecclésiastiques de son choix et la garde exacte du lieutenant civil, les récalcitrantes à Port-Royal des Champs, séparé désormais de Port-Royal de Paris, et il mit le monastère en interdit. Peu après la paix clémentine, les religieuses remirent à l’archevêque une déclaration de soumission, dont il se contenta. L’interdit fut levé et l’absolution des censures accordée (18 février 1669). Dès lors, les deux Porl-Ptoyal demeurèrent désunis (Rapin, Mémoires, t. III, p. 25t>257 : 263-276 ; 297-324 ; 375-877 ; 485-48’J — Gaillardin, Histoire de /.unis A/I’, t. lU, p. 89-93 et 303. — * S.ixtk-Bfuve, Port-Royal, t. IV, liv. v). Nous louchons ainsi au terme de la seconde période du Jansénisme, l’époque que nombre d’historiens dépeignent comme grande et splendide, celle d’Arnauld et de Nicole, de Pascal, des solitaires et des Petites Ecoles, où finit la Mère.Angélique (-[- 6 août 1C61). — (Voir Gallia Clirisiiana, t. VII, c. 917-921. — * SAiNTE-BErvB, Port-Hoyal, t, IV, liv. v, p. 153 et suiv. ^ R.pix, Mémoires, t. III, p. 109-164.) Le grand.rnauld et son influence se retrouvent partout, dans les discussions sur le droit et plus lard, jusqu’à la veille sinon jusqu’au lendemain de la paix, dans les chicanes sur te fait, dans l’affaire des quatre évéques et dans ces négociations pour l’accommodement où, par une étrange aventure, il joue le rôle de médiateur en même temps i|ue de partie (Bri cher Jos., Arnauld, Antoine). Ce sont les beaux jours de la secte, durant lesquels les interminables contestations sur les cinq propositions et le sens de Jansénius, le fait et le droit, la grâce ellicace et la morale relâchée, sont menées avec un incontestable talent et parfois avec une réelle grandeur littéraire. Malheureusement, les brillants dehors de l’esprit et de la vertu dissimulent mal l’orgueil et l’obstination ; et l’on est surpris de voir ces chrétiensaustères, ces saints, comme donneraient à penser leurs nécrologes {.Xécrologe des plus célèbres Défenseurs el Confesseurs de la vérité, par l’abbé Cerveau, 7 vol. 1760-1778), ergoter sans lin, en résistant aux évidentes décisions de l’Eglise et en s’entèlant à prouver qu’ils sont, quoi qu’il paraisse, ses enfants sincèrement soumis.

IV. — La troisième période : le Quesnellismo (1671-1788).

.Après la paix de (.’.lément IX, les disputes sont suspendues, et Louis XIV tient la main à ce qu’elles ne recommencent pas (Edit du cnmp de.inoie, 30 mai 1676, rendu à l’occasion d’un mandement de l’évêque d’.Vngers, Henri.Vrnauld, du 4 "lai 1O76, lequel interprétait l’accommodement au sens de l.i distinction marquée dans les procès-verbaux, — et Circulaire de (^olbert aux intendants, 1677), En 1679, il prend des mesures contre l’ort-Royal trop fréquenté, en renvoie les pensionnaires et disperse les Messieurs. Les meneurs sortent alors de France. 1173

JANSENISME

1174

Arxauld esl à leur tête. Pendant un exil de quinze années, il continue de diriger le parti : des Pays-15as ou de Hollande, il jette au public maints éciits anonymes, celui entre autres dont il est le plus content et dont il espère le plus, le Phaniome du Jansénisme, dans lequel il prétend établir que, puisque personne ne soutient les propositions condamnées et qu’il n’est nullement défendu de discuter si elles se trouvent dans Jansénius, le prétendu Jansénisme n’est ni plus ni moins qu’un fantôme. Dans ce libelle, les conditions de la paix sont, une l’ois de plus, remises en cause et expliquées, la chose va sans dire, d’une favon favorable aux amis d’.Vrnauld (Phaniome du Jansénisme un J, isli/ication des prétendus Jansénistes, Cologne. 168C, Arnauld, Of : nres. t. XXV, p. i). Tandis qu’il défend les siens sur le terrain du droit et plus encore sur celui du fait, le vieux lutteur s’en prend à leurs irréconciliables ennemis, les Jésuites (t. Ill-Vlll de /.a Morale pratique, lôSg-iCgô, Abnauld, Œutres, t. XXXll-XXXV). C’est en les combattant qu’il meurt à Bruxelles, à l’âge de quatre-vingt-trois ans, laissant à QiBSXEi. la direction de la secte. Sous l’impulsion de celui-ci, plus active et plus intrigante, le Jansénisme qui n’a jamais, à vrai dire, cessé de croître et de travailler, se répandra de plus en plus ; il achèvera de conquérir l’opinion publique, au point de pouvoir, à la mort de Louis XIV. se jeter dans l’opposition violente.

Dans les dernières années du xvn’siècle, les débats renaissent : c’est la troisième période, celle du Quesnellisnie, durant laquelle on agite à nouveau la question de droit et la question de fait : la question de droit par les lié/Jexions morales, contre lesquelles Clkment XI donnera la bulle l’nigcnitus (i^13) ; la question de fait par le Cas de conscience, qui provoque la constitution Vineam Doniini (i-oô) .V. Les Rkflexions mor.^i.rs (1668-1692) et le Problème KCCLiisiASTiQUE (1699). — L’ouvragc fameux que sont les 7ïe/7e.r(on, ’ ; mora/es. l’oratorien ou depuis 1684 l’ex-oratorien Qiesnel mit vingt-cinq ans à le composer. Il est malaisé d’en écrire l’histoire, tant il se présente sous des titres et des dimensions diverses, dans des éditions multiples : iGOS, Les Paroles de la Parole incarnée J.-C..V.-5., tirées du Aouicaa Testament, in-24 ; i&’ji,.4hrégé de la Morale de l’Evangile ou Pensées chrétiennes sur le texte des IV Eang les, un volume in- 12 ; puis en 16-g, avec le même titre, trois volumes in-12, que complète, en 1687, VAlirégé de la Morale des Actes, des Epilres et de r Apocalypse, deux volumes in-12 ; sous les dates de 1692, 169.3, 16gl ou 16yô, l’édition en quatre gros volumes in-8°, portant l’intitulé définitif : Le .outeau Testament en français mec des Reflexions morales sur chaque i’erset ; en 1699, nouvelle édition ou réimpression avec les corrections de M. de .Noaillcs, ainsi qu’en i"02et 1 ~o5 ; en 172- et de nouveau en 1736, huit volumes in-12. C’est l’édition la plus complète, et l’oiivrage, depuis lors, n’a pas été réimprimé. Enfin, outre de nombreux extraits sous des formes ingénieuses et variées, il y eut au moins une traduction latine : Cumpendium Moralis E^angelicr, Actuum, Epistolarum et Apocahpseos. L’énumération est longue, et néanmoins dans cette liste, tous les tirages ne sont pas indiqués (Mailvailt, Béperloire de Port-Lloral, p. 226, art. Réflexions morales).

Ce qu’on peut dire, c’est que le livre, ébauché depuis 1668, n’atteint que vers 1698 son développement complet. Il y a donc loin du petit in-21 de 1O68 ou de l’unique in-12 de 1651 — la seule impression qu’ait approuvée Vialart, l’évêque de Cliâlons — aux quatre in-8’compacts de iCgS — les quatre frères — ou

aux huit in-12 de i "2- et 1^36. Pourtant, dans les premières éditions presque autant que dans les suivantes, le Jansénisme est répandu avec une affectation marquée, tout habilement déguisé qu’il esl sous les couleurs de la piété..V cause de ces dissimulations, on a écrit qu’il n’y avait là qu’un Jansénisme adouci, qui ressemble de très loin au Jansénisme grotesque des cinq propositions : ce n’en est pas moins le Jansénisme, et il porte les traits caractéristiques de cette hérésie. Les Jansénistes ont allirmé de même que, durant quarante ans(16711711), le livre a joui d’une approbation universelle. C’est une exagération manifeste. Toutefois, si nous nous en tenons aux documents dès lors mis aux mains du public, rien ne montre que, de 1671 à 16g8, on ait aperçu des erreurs dans le ^Voiænu Testament ou qu’on ail osé les lui reprocher. De la part des gens bien intentionnés, tant de crédit ne s’explique guère que par l’apparente beauté de l’ouvrage, l’adresse avec laquelle l’auteur enveloppe son système, l’engouement qui régnait alors pour les volumes de dévotion publics par ces Messieurs, enfin par l’autorité des prélats sous le patronage desquels ce commentaire paraissait. En outre, il se rencontra évidemment des prôneurs sans conviction. Malgré cela, cependant, le venin n’échappait pas à tous les yeux : en 16g3, on dénonçait secrètement les Réflexions morales au Saint-Ollice, et, en lOg^, un docteur de Sorbonne, Fromageau, en extrayait deux cents propositions qu’il jugeait censurables. En même temps, il est vrai, Louis-Antoine de Noaillks, encore évêque de Chàlons, les approuvait solennellement (23 juin iGgS) : mais, monté sur le siège de Paris (août-novembre iCgS), il refusait de renouveler son approbation, sans la supprimer toutefois et sans cesser de protéger le livre. Il crut se laver du soupçon de Jansénisme, en condamnant l’Exposition de la foi catholique du second abbé de Saint-Cyran, M. de Barcos, par une ordonnance datée du 20 août 16g6. à laquelle Bossikt eut beaucoup de part ; mais l’expédient r’-.issit mal. Bien plus, il provoqua le Prohlcme eccléfiiistique, cette brochure de 24 pages, dans laquelle on demandait qui l’on devait croire, de Xoailles, évoque de t : hàlons approuvant le Jansénisme dans les Referions morales, ou du même Xoailles, archevêque de Paris, le réprouvant dans l’Exposition de la foi (fin 1698). Le prélat piqué s’en prit aux Jésuites, mais à tort. Il parait bien que le coupable était plutôt du parti. Celait probablement D. Hilarion Monnier, un bénédictin de Saint- Vannes, aidé peut-être par D.Thierry de Viaixnes et l’un ou l’autre de ses confrères (Vacant. Renseignements inédits sur l’auteur du Problème ecclésiastique. Paris, 1890).

Xoailles s’occupa, dès lors, de corriger l’ouvrage de Quesnel, et. sur sa demande. Bossuet y travailla avec d’autres théologiens. Ce fut sansdoute en vue de cette édition expurgée que M. de Meaux prépara un Avertissement, retrouvé plus tard dans ses papiers. Mais le travail de correction aboutit imparfaitement : les Quesnellistes ne se prêtèrent pas aux changements demandés, el l’Avertissement demeura inédit (169g). Onze ans plus lard, en i-so, ils s’avisèrent de le publier, le métamorphosant, pour le besoin de leur* cause, en une Justification des Reflexions morales sur le y’ouveau Testament. C’est ainsi que la question de droit était à nouveau débattue. En même temps, au milieu d’un cliassé-croisé de libelles que se renvoient, de part et d’autre. Jansénistes et catholiques, l’.Assemblée du clergé de 1700 censure et qualifie, sur un rapport de Bossuet, quatre propositions sur le Jansénisme et cent vingt-trois sur la morale relâchée (4 septembre).

1175

JANSENISME

l17(>

B. Le Cas de conscience (1701) ct la suppression DE Port-Royal (1709-1710). — Quant à la question de fait, elle avait été reprise dans les Flandres, vers 1698, à l’occasion de la signature du formulaire : pressés par les évêques, les Jansénistes des Pays-Bas avaient même député à Rome pour obtenir des éclaircissements. Innocent XII répondit, en 16g4, par divers brefs, défendant de donner au formulaire d’autre sens que celui qui se présente d’abord à l’esprit, ni de rien exiger au delà. C’était de nouveau couper court à toute distinction sur le point de fait. Les tenants du parti, il est vrai, maintinrent audacieusement que le Pape avait prononcé en leur faveur. Innocent XII revint donc à la charge et, dans un bref de 1696, précisa sa pensée. En France, la dispute fut engagée par le Cas de conscience, sorte de consultation où un confesseur de province, mis en scène, reprenait la vieille distinction du fait et du droit. Il demandait si, sans croire au fait, un ecclésiastique de ses pénitents pouvait signer le formulaire purement et simplement, moj’ennant des réserves implicites et sous-entendues, et si, par son silence respectueux, le pénitent rendait aux constitutions ponliûcales l’obéissance suffisante ; s’il pouvait, par conséquent, dans de telles conditions, participer aux sacrements. La solution, jointe au Cas, portaitque, surlepoint du fait, le silence respectueux suffisait sans adhésion de l’esprit ; et elle était confirmée par la signature de quarante docteurs de Sorbonne. Ce fut une tempête. Nombre d’évêques protestèrent, parmi lesquels Bossuet, et plus fortement encore FiîNELON qui, dans les débuis duQuesnellisme, garde le tout premier rang (Gaillardin. Histoire de Louis XIV, cil. xLii, t. VI, p. 620 et 6^8). Le 12 février 1708, un bref de Clément XI condamne le Cas et contraint les signataires, sauf un seul, à se rétracter. Puis, le bref ne paraissant pas sufTire, à la prière même du roi, le Pape publie la bulle 17tieam Domini qui, ratifiant les censures d’Innocent X et d’Alexandre VII et prononçant nettement l’insuffisance du silence respectueux, déclare qu’il faut rejeter, non seulement de bouche, mais encore de cœur, comme hérétique, le sens de Jansénius, flétri dans les cinq propositions (15 juillet 1705). La constitution touche donc au point capital du litige, et le tranche alisolument.

Malgré l’attitude franchement gallicane des prélats de l’Assemblée, la bulle fut, en somme, respectueusemcnlaccueillie (Boiblon, Les Assemblées du clergé et le Jansénisme, ch. vi). Les évêques la promulguèrent, à l’exception d’un seul, M. de Montgaillaud, évêque de Saint-Pons, mais le parti n’imita pas leur soumission. Les religieuses de Port Rojal-des-Champs ne consentirent à recevoir la décision du Souverain Pontife qu’avec des clauses restrictives qui en détruisaient la portée. Elles résistèrent opiniâtrement, au point qu’on dut supprimer leur monastère et les disperser (29 octobre 1709). Quelques mois plus tard, Louis XIV ordonnait de raser les bâlimenls, et l’on exhumait les morts du cimetière (arrêt du 22 janvier 1710). Certains historiens, forts des allégations de Saint-Simon, ont expliqué ces mesures rigoureuses Dar rinfliience des Jésuites, notamment jiar celle du P. Le Tellier, confesseur du roi : cette explication n’est pas historiquement établie (Gaillardin, Histoire de Louis XL ! ’, t. VI, p. Cifi-fi^o. — BLivnn, Les mémoires de Suint-Simon et te I’. Le Tellier^ Paris, 1891, ch. III, p. /17-86).

C. La dullu Unigknitus (8 sept. 1718). — Le Problème ecclésiastique avait tourné l’alleiition vers les Ttcfle.iions morales. Aussi, lorSque est aiiaisé l’or.ige soulevé par le Cas, on s’en prend au livre de Quesnel.

Clément XI le flétrit par un bref qui n’est pas reçu en France (13 juillet 1708). Gomme Noailles ne consent pas à retirer son approbation et que le bruit continue (alTaires de l’Instruction pastorale des évêques de Luçon et de la Rochelle, 1710 — et de la Lettre de l’abbé Bocuartoe SARON, 17t 1), Louis XIV sollicite une bulle. Une commission est désignée par le Pape, pour connaître du conflit (février I712)et, en dépit des stratagèmes du parti, la constitution Unigenitus est préparée, signée (8 sept.). publiée(io sept. 1718).

Labulle.quantàlaforrae, contient 101 propositions qu’on a extraites du Nouveau Testament de 16gg et des éditions de 1698 et 1694, intitulées, selon le document pontifical. Abrégé de la Morale ou Pensées chrétiennes. Ces propositions sont censurées sous des qualifications respecti^’es, c’est-à-dire, non pas que les qualifications portent toutes à la fois sur chacune des propositions, mais que chacune de ces qualifications tombe sur l’une ou l’autre des propositions, en sorte qu’il n’y a aucune des qualifications qui ne soit applicable à l’une au moins des propositions, aucune des propositions qui ne mérite l’une au moins des qualifications. Cette indication est donnée pour préciser ce que sont au juste ces condamnations respectives, mal entendues par quelques auteurs contemporains, mais dès longtemps en usage dans l’Eglise, contre lesquelles, au temps de notre Constitution, les Quesnellistes ont, à tort, violemment protesté. On en rencontre un exemple dans la bulle Ex omnibus de Pie V contre Baïus (15C7).

Quant au fond, la bulle est un jugement de condamnation, proscrivant les loi propositions comme renouvelant diverses hérésies, principalement celles qui sont contenues dans les fameuses propositions de Jansénius, prises au sens auquel ellcH ont été défendues. Les articles censurés se réduisent à certains chefs comme la grâce, la charité, l’Eglise, les excommunications, l’administration du sacrement de Pénitence, la lecture des saints Pères, etc. La constitution ne détermine pas ce que l’on doit croire sur ces différents points, mais elle les suppose déjà éclaircis et fixés. Jamais les Jansénistes n’ont pu montrer que les 101 propositions ne ressuscitent pas la doclrine de VAugtistinus. On y distingue l’axiome fondamental du système, celui des deux délectations régnant alternativement et despotiquement dans nos cirurs (Prop. ! i ! i et ^5), et Quesnel en déduit toutes les conséquences que Jansénius avait déjà tirées. Il renouvelle évidemment les cinq propositions de if)53. et donc, avec leurs erreurs, celles de Baïus (D. Thuillier, La seconde phase du.fansénisnie, ch. III, p. 128-188. — Lafitac, Histoire de la Constitution Unigenitus, livre i, t. I, p. I15-131).

Un autre principe est emprunté à la doctrine de Riciinn : que l’Eglise a l’autorité de prononcer des excommunications pour l’exercer par les premiers pasteurs, mais du consentement au moins présumé de tout le corps (Prop. 90). De là des déductions erronées sur l’Eglise, sur l’autorité du Pape et des Evêques, sur la valeur de leurs décisions et décrets en matière de doctrine, de législation, de censures. Par cette fusion des maximes de Richer avec celles de Jansénius, du Gallicanisme avec le Jansénisme jiroprement dit, Quesnel prépare définitivement les voies à ce Jansénisme parlementaire qui, dans la dernière période, reiiqilacera le Qiiesnellisme. Il n ! était pas, cependant, le premier richcriste du parti : dès 1661, en efTet, en vue d’échapper à la force des d’^'cisions pontificales, les principaux meneurs étaient entrés franchement dans les idées gallicanes et ils .avaient commencé de faire revivre le sj’slème de Richer (abbé E. Puyol, Edmond /ficher, Paris, 1876, t. 11, p. /135 et suiv.). H77

JANSÉNISME

1178

I En censurant les loi propositions, Clément XI

notait expressément qu’il n’approuvait pas le reste de rouvru{ ; e. Il remarquait, en outre, que le texte sacré lui-iucnie était altéré el conforme en beaucouj) d’endroits à la traduction dite de Mons, depuis longtemps proscrite (iGOS).

Voir dans le Dictiuiinaire des hérésies de Pluquet el Claris, art. Quefnel, un Précis des erreurs condamnées dans les Ilé/lexions murales et un Exposé succinct des vérités opposées (c. I21^-13215) ; plus brièvement dans D. TiiuiLLimi, ouvrage cité, cli. iii, §6, Analyse du décret apostolique ([>. ija-iSS).

U. AcCErTATION ET ENREGISTUIÎMENT UB LA CONSTI-TUTION (sept. i^iB-mai i^i/i). — Une fois la Constitution entre ses mains (’25 sept.), Louis XIV décide de la faire accepter. Sur-le-champ, il groupe dans une assemblée extraordinaire les prélats qui sont à la suite de la cour (16 octobre 1713 — 5 févr. 17 ii^). Tandis qu’à l’extérieur, ce qui va de soi, les Quesnellistes crient et agissent sous main, dans l’assemblée même des divisions se produisent. Il y a comme trois partis, que l’habileté de l’évcque de Strasbourg, cardinal uE Uouan, réduit linalement à deux. C’est ainsi que se forme la majorité : les prélats qui la composent sont d’accord i)our recevoir la bulle avant toute explication, sans restriction, relation, ni conditions. Us conviennejil que les Hé/lexions morales sont un livre hérétique et que les 101 propositions extraites de cet ouvrage sont justement censurées. Mais quelques-uns d’entre eux — c’est le premier des trois partis — voudraient accepter purement et siniplement, sans aucune explication. Les autres, plus nombreux, sont d’avis <]u’après l’acceptation pure et simple donnée, ou dresse une Instruction pastorale, qui contiendra un précis d’explications. Leur but n’est pas d’expliquer le sens de la bulle, comme s’il était indécis ou ambigu, mais uniquement d’exclure les fausies interprétations que la malveillance chercherait à lui attribuer. Cet avis est délinitivement adopté par la majorité entière, comprenant quarante évêques, sous la conduite de Rohan.

t.)uant aux prélats de la minorité, ils sont 9 en tout dont le plus en vue est le cardinal de Noailles. Leur dessein est de n’accepter la constitution qu’après avoir expliqué les mauvais sens dans lesquels les 101 propositions sont condamnées, ou tout au moins après avoir reçu du Pape des explications à ce sujet. Il s’agit donc d’une acceptation restrictive, relative, conditionnelle. Eu outre, ils n’attribuent pas les propositions flétries au livre de Quesnel, « lu’ils ont tous censiu’é cependant comme jiemicieux et renouvelant le Jansénisme. Noailles lui-même l’a proscrit, non sans ménagements, il est vrai, par un mandement en date du 28 septembre t^iS. Il paraît croire que tout ce qu’on lente contre Quesnel est dirigé contre lui, qu’on cherche avant tout à le forcer de flétrir un ouvrage qu’il a naguère approuvé. Dès lors, tous les elTorts des évêques acceptants, au temps de l’Assemblée, ceux mêmes des négociations et des projets d’accommodement qui la suivront jusqu’en 1928, tendront à déterminer les prélats de la minorité, et en premier lieu Noailles qui, par situation comme par dignité, est chef de l’opposition, à faire une acceptation, sinon absolument pure et simple, au moins, comme celle de la majorité, sans relation, restriction ni Condition, antérieure à toute explication.

Réunie dès le 16 octobre 1713, l’.Vsseniblée accepte, par 40 voix contre 9. la constitution sans restrictions ni conditions, sans relation aucune aux explications que doit développer l’/nstruction /instorale, d’ailleurs postérieurement soumise aux suffrages des prélats (a3 janvier 171^). La minorité seule diffère de donner

son avis avant d’avoir vu ces explications ; puis, une fois l’/nstruction examinée, alors qu’on espérait rallier tous les voles, Noailles consomme la scission. Au nom des huit évêques de son parli, il déclare qu’avant d’adhérer, ils ont résolu de demander au Pape des explications (1" février). Cependant la majorité approuve V Instruction ; elle signe des lettres au Pajjc et aux évêques de France (5 février). Bientôt Clément XI, persuadéque l’acceptation de l’Assemblée n’est, quoi qu’en disent les opposants, ni conditionnelle, ni restrictive ou relative, mande sa satisfaction (brefs du 17 mars 1711^). Que s’il ne loue pas formellement V Instruction pastorale, c’est que l’approbation d’usage pour ces sortes de pièces consiste Eeulemenl à ne pas les blâmer ; Louis XIV, de son côté, donne des lettres patentes et fait enregistrer la constitution (14-15 février), mais, sous prétexte de ne pas porter atteinte aux libertés gallicanes, l’enregistrement comporte des réserves ; ce dont Clément XI adresse des doléances au roi. Cependant les évêques, dans tout le royaume, se conforment aux décisions de l’assemblée et publient la constitution. Elle est acceptée purement et simplement dans cent dix-sept diocèses. Six prélats gardent sur elle un silence complet. Celui de Metz et quelques autres croient devoir l’expliquer. D’après Lalilau, l’opposition ne compte que quinze tenants, dont huit seulement sont franchement opposés. C’est la minorité de l’assemblée, moins M. de Laon qui s’est séparé dès le 20 février. Leurs mandements, entre autres celui de Noailles (25 février- 1" mars), peu respectueux à l’égai’d du Pape et de la bulle, sont condamnés par le Saint-Ollice (mars-mai), el Clément XI, par un bref au roi en date du 8 mai, se plaint de leur obstination. Sur une injonction de Louis XIV, la Sorbonne reçoit la constitution et l’enregistre (mars) ; les autres Facultés de théologie adhèrent semblablement. Celle de Reims seule résiste quelque peu (D.’I’hliluer, eh. Iil-vi, p. 183-402. — LAFrrAU, liv. i et 11, t. I, p. 130-177. — BouRLON, Les Assemblées du clergé et le Jansénisme. ch. VII, p..37-180).

E. Premières démarches povr rallier les opposants ou POUR LES RKuuiRE (mai I711-mars 1717).

— L’attitude obstinée de la minorité scinde en deux l’Eglise de France. D’un côté, ce sont les acceptants, soumis au Saint-Siège el au roi ; de l’autre, le groupe des opposants où s’unissent les vrais Jansénistes et d’autres qui. sans l’être absolument, comme Noailles, ont pourtant des attaches avec eux et refusent de se soumettre avant que le Pape se soit expliqué. Alors commence une série de démarches pour les rallier, ou du moins réduire leur résistance. C est d’abord une négociation qui tente d’amener Noailles à refaire son mandement par lequel, plus qu’aucun autre, il avait attiré l’attention. Puis, l’on songe àuserde contrainte. Louis XIV projette la réunion d’un concile national où les opposants seraient cités, et finit par emporter, après quelque difficulté, le consentement de Clément XL Malheureusement, l’entreprise est rompue parla maladie et la mort du roi (i" septembre 1715).

Une réaction se produit aussitôt dans le sens janséniste : le pouvoir mal affermi du Régent recimrt à des ménagements, au point même de nommer Noailles à la présidence du Conseil de conscience. La Sorbonne proteste qu’en 171 4 elle n’a pas accepté la bulle (déc. I715-janv. 17 16), et les opposants, s’enhardissant, ont la prétention de contraindre enfin le Pape à fournir des explications. Mais Clément XI, demeurant ferme, se résout à rfecarc/ùia/iser Noailles, sans se hàler toutefois cl en lui laissant le temj)s de faire sa soumission quin 1716). Pendant les délais, on voit plus que jamais à l’œuvre les négociateurs 1179

JANSENISME

1180

qui, dès le temps de l’Assemblée, parmi les acceptants, se distinguaient déjà des purs constitiitiorinaires. A leur tête, Rolian, dans de bonnes intentions, n’épargne pas sa peine à négocier. Mais, trop conCant dans les belles paroles ou les promesses vagues de ses confrères opposants, de Noailles notamment, lequel sait toujours se dérober lorsqu’il parait engagé, l’évêque de Strasbourg n’aboutit à rien, et ne fait que perdre le temps. Cependant, le parti se répand et se fortifie. C’est ce qui arrive dans ces conférences d’évéques, formées par Kohan, sur la fin de 1716 etdans les premiers mois dei-17, en vue d’expliquer la bulle aux prélats de l’opposition (Lafitau, liv. II et iii, t. I, p. 183-3^5).

F. L’appel des quatrb kvi’iqles (i »’mars 171^) et l’accommodement (i^ao). L. der.mérb série des NÉGOCIATIONS. — Au zèle sincère des négociateurs un nouvel obstacle est posé, l’acte par lequel quatre évêques opposants — MM. de Boulogne, de Mirepoix, de Montpellier et de Senez — appellent de la bulle au futur concile (i^ mars 1717). La Sorbonne leur fait adhésion (5 mars), puis S’oailles, mais son appel est tenu secret (3 avril) ; il n’est divulgué qu’en septembre, par une indiscrétion que le cardinal désavoue. Ensuite, ce sont de multiples démarches et des incidents : les partisans de Quesnel recrutent partout, même à prix d’argent, des adhérents qu’ils prétendent nombreux. L’Eglise de France, jusque-là divisée en zélés constitiitionnaires, négociateurs et opposants, se voit dès lors partagée en acceptants et en appelants. Le régent, par une déclaration du roi, cherche à imposer le silence. Les prélats acceptants, toujours conUants à l’excès, se reprennent à négocier, mais, comme par le passé, ils n’obtiennent de Xoailles, le plus en vue parmi les appelants, que des faux-fuyants et des promesses sans effet. Clément XI et les cardinaux lui écrivent, mais sans résultat. Le Pape se détermine alors à condamner les appels par un décret du Saint-Oflice (8 février 1718), et, par une bulle, il sépare les récalcitrants de sa communion (bulle /^fls/c)rn/(s ( ; /ftci/, 28 aoùt-8 sept. 1718). Noailles en appelle, comme de la constitution l’nigenitus (3 octobre), dans un acte auquel adhère son chapitre ; et le Parlement procède contre la bulle Pastoralis. Dès lors parlements et parlementaires se montrent constamment hostiles aux acceptants et au Saint-Siège.

A ce moment, on peut craindre un schisme national. C’est alors que l’abbé Dubois entre en scène. Ses efforts conjurent le d.Tnger et soutiennent la cause de Rome. Afin de la faire triomi)lier, il multiplie, pendant plus d’un an, les démarches et les négociations ; il s’efforce d’obtenir, de part et d’autre, les concessions qui seules lui paraissent capables d’amener une conciliation. Secondé qu’il est par le cardinal de Hohan, il forme un comité d’évéques ; après des discussions auxquelles Dubois prend une part utile, les prélats ])arviennent à l’acconimodement souhaité ; ils conviennent d’un mandement que Xoailles s’engage à publier, mandement composé d’un préambule, d’un précis d’explications et d’une acceptation (13 mars 1720). Cette acceptation. Noailles la diffère longtemps et la donne seulement le 18 novembre. Quelques jours plus lard, 3 décembre, les efforts persévérants du Hégent et de Dubois arrachent au Parlement l’enregistrement des lettres patentes et de la déclaration du roi concernant l’accommodement relatif à la constitution l’nisenitus. Désormais la bulle de 1713 est loi de l’Etat, le triomphe semble donc coniplet (Iîi.iaho, Dubois Cardinal et Premier Ministre, t. ii, ch. ix, p. 279-308).

Mais voici une nouvelle complication : après

examen des actes transmis à Rome, Clément XI déclare ne pouvoir se contenter de l’arrangement consenti. Il a su, en effet, que Noailles, par une de ses feintes coutumières qui rapjielle la duperie des procès-verbaux de 1668, a préparé deux éditions de son mandement, dont l’une à l’usage du Pape accepte sans restriction, tandis que l’autre, destinée à demeurer secrète, ne comporte qu’une acceptation restrictive. Les négociateurs, aussitôt, de se remettre à l’œuvre et de tâcher de satisfaire aux justes exigences du Souverain Pontife, mais tout est dérangé par la mort de Clément XI (19 mars 1721).

Sous Innocent XIll (8 mai 1721-7 mars 172^) et dans les premiers temps de BenoIt Xlll (élu ag mai 172^), nouvelles négociations, nouveaux espoirs et nouvelles dillicultés : d’une part, le concile romain de Latran décrète que la bulle l’nigeiiitus est une règle de foi (avril 1720) ; de l’autre, les Quesnellistes se remuent. Chaque jour, ce sont des mandements et des Instructions pastorales de leur façon, dus d’ordinaire à MM. de Senez, de Montpellier ou d’Auxerre. Bientôt Soanen, l’évêque de Senez, attiie toute l’attention par une plus audacieuse Inslructivn pastorale, conçue en l’orme de testament et datée du 28 août 1726. Elle tend positivement au schisme et à la révcdte..ussi l’évêque est cité devant le concile d’Embrun (aoùt-sepl. 1727), jugé, suspendu et relégué à la Chaise-Dieu dans le diocèse de Clermont. Cette mesure, ratiliée par le Pape et par le roi, ne va pas sans soidever des discussions et des incidents nouveaux, comme la Consultation des ôQ avocats ou la Lettre des 12 é’éques opposants (Lafitau, liv. iv et V, t. ii, p. 3-164).

G. S0U.MISS10N DU CAKDiN.iL de No.illes(ii Octobre 1728). — Le dernier accommodement, tenté près de Noailles, avait montré qu’avec l’âge il était moins éloigné d’une réconciliation. Des divisions qui se produisent, en Hollande, dans le parti le l’ont, dit-on, rougir. En même temyis les instances de sa nièce, la maréchale de Graniont, et celles du cardinal de Fleury achèvent de le décider. Secrètement, il adresse au Pape une lettre soumise (19 juil. 1728) et, Benoît Xlll l’ayant paternellement exhorté à consommer sa démarche, ]>ar un mandement j)ublic il défère aux désirs du Souverain Pontife (M oct. 1728)..près quinze ans d’une résistance obstinée, dans une suite ininterrompue de promesses de rapprochement et de faux-fuyants, c’est, apparemment du moins, par une réception pure et simple de la bulle, une soumission sincère. Le cardinal devait mourir sept mois plus lard (’1 mai 1739). Deux déclarations, divulguées seulement quelques jours après sa mort, ont donné lieu de [lenser qu’il ne s’est pas franchement converti. Ce sont des actes qu’il aurait remis à une autre de ses nièces, la duchesse de la Vallière. Il y proteste qu’il n’a jamais eu la pensée d’accepter la constitution. Si ces pièces sont authentiques, la vie du cardinal se serait terminée dans une dernière feinte (L.^^fitai’, liv. v, t. II, p. 16^-168. — Comte E. de BAurni-XEMY, Le cardinal de.oailles… d’après sa correspondance inédite, 1651-1728. C’est une apologie complète. — Hyrvoix de Landoslb, La suprême palinodie du cardinal de.oaillcs en il21>. Article inséré dans’Intermédiaire des Chercheurs, 20 mai 1909, c. 721-723, et renvoyant aux Mémoires de l’abbé Leoendre. Paris, 18()3, p. 413-415).

La mort de Noailles clôt la période du Quesnellisme : ouverte peu de temps après la paix trop peu ferme de Clément IX, elle est entièrement remplie, sauf au moment des débats du Cas deconscience, par les disputes sur les Itérerions morales et plus encore sur la bulle l’nigenitus. Tandis que la controverse se 1181

JANSENISME

1182

prolonge au travers de négociations stériles, conduites parties négociateurs de bonne foi mais toujours dupes, lesévê<iues opposants sont entraînés plus loin qu’ils n’ont d’abord prévu : des acceptations conditionnelles et des explications données ou réclamées, ils en viennent aux appels et ils sont retranchés de la communion romaine. L’apparente soumission de Noailles semble être un triomphe pour Home, mais l’opiniâtreté des appelants n’est pas domptée : l’hérésie s’est répandue et pour ainsi dire vulgarisée. En même temps les Parlements, dès longtemps gallicans, sont ouvertement jansénistes, et ils entreprennent de faire la loi, sinon au Pape, du moins aux évêques et au roi.

V. — La dernière période : le déclin (17881794).

Vers 1 728, le Jansénisme est entré dans une phase nouvelle, celle du déclin, dans laquelle on distingue quelque chose comme un bas et un haut Jansénisme : en bas, ce sont les Coinnihioniiaires et leurs exhibitions ; en liaut, le Jansénisme parlementaire.

A. Les Convulsionnaihkp. — Dès les beaux jours de Port-Hoyal, les Jansénistes ont parlé de miracles : aux décisions des papes ils ont opposé, comme un témoignage divin rendu à leur ortliodoxie, des guérisons extraordinaires. En1656 et lOS^.par exemple, ont lieu, dans l’abbaye, les miracles de la Sainte-Epine. Plusieurs historiens sont remontés jusque-là pour établir un lien entre le moment de Pascal et les temps du diacre Paris ; ils ont ainsi rattaché au Jansénisme du xvn’siècle celui des convulsionnaires (sur ces miracles de la Sainte-Epine voir : Recueil d’I’trechl, i’)lo, p. 282 et suiv. — ÏXxvi^, Mémoires, t. II, p. 4 18 et suiv. — Maynard, Pa.scrt/, sa vie et son caractère, Paris, 1850, t. I, p. SaS et suiv. —’Sainte-Beuve, Port-Iioyal, t. III, j). 178 et suiv., p. 197 et suiv. — Paquier, Le Jansénisme, ’leçon, les miracles du Jansénisme, surtout p. ! ()ty ! ’)'6 et 506-522).

Des Convulsionnaires, il a été question déjà dans cet ouvrage (art. CoNviLsioNNAmKS, t. 1, e. ^oS-^iS), sons la signature de Mgr G.-J. Waffklakrt, évêque de Bruges. On a vu que leur histoire compreml comme trois époques : 1" Les miracles prétendus qui, peu après la mort du Diacre Paris (i" mai 1727), commencent avec les pèlerinages et les neuvaines faites dans le cimetière Saint-Mcdard.près des restes du Bienheureux François de Paris, comme disent les dévots de la secte, et sur son tombeau. 2" Les débuts, depuis les premiers cas de convulsions qui bientôt se joignent ou se substituent aux miracles, jusqu’à la fermeture du cimetière sur un ordre de Louis XV quillet 1731-27 janvier 1782). L’épidémie convulsive est caractérisée, et les convulsionnaires se chiffrent par centaines. 3" Uentier développement, alors qu’à rencontre d’une nouvelle ordonnance (17 février 1733), les convulsionnaires continuent de s’assembler, plus ou moins clandestinemeiil. au risque de provoquer, par des extravagances trop mal dissimulées, des descentes de police. Les manifestations étranges se produisent dans divers quartiers de Paris, ou même dans la province. Celte troisième époque s’étend de 1782 jusqu’à la Révolution et déborde, par delà même la Révolution, jusque dans le dix-neuvième siècle.

La réalité historique — non pas des miracles, dont l’Eglise a dûment récusé l’authenticité — mais des convulsions proprement dites, ne doit pas être contestée. C’est sur l’interprétation des faits, sur leur nature intime ou leur cause qu’on peut discuter. Les contemporains mêmes ne se sont pas accordés, les

uns attribuant tout à l’action merveilleuse de Dieu, d’autres à des interventions diaboliques, d’autres enlin aux seules forces de la nature ou à d’artilicieuses supercheries. Bien plus, il ne faudrait jias croire que, dans le parti, l’approbation fût unanime : généralement les Jansénistes de marque, même ceux qui tenaient pour la vérité des miracles, étaient aniiconvutsionnistes. Chez les convulsionnistes, enlin, il y eut des dissidences : quelques-uns, désignés sous le nom de discernants ou de mélanf ; istes, n’admiraient pas tout sans contrôle et réclamaient un tri entre la fange et les parcelles d’or. A côté d’eux, ou en face, une foule de branches et de ramilicalions se formèrent : figuristes et antifiguristes, vaillunti.-tcs ou multipliants, margouillistes, mongeronistef, possihiiistes, angustinistes, otlinisles, i)inelistes, l’ureinistes. Inutile de les examiner en détail. C’est ^ rairænt la queue burlesque, le Jansénisme le plus bas et souvent le plus immoral (Picot, Mémoires, t. ii, p. 370-387 ; t. IV, p. 65. A titre d’exemple, voir, sur l’une de ces sectes, la consciencieuse monographie de M. Paul Dudon, Le L’areinisme).

Sans nous attarder davantage, résumons d’un mot la conclusion de l’article Convulsionnaires, dans l’explication de ces scènes bizarres. De ces faits ou du moins des circonstances qui les accom]iagnent, une partie est due à la fourberie, une partie à des causes naturelles, à des maladies nerveuses surtout et en particulier à l’hystérie. Certains phénomènes ne s’expliquent véritablement que par une intervention prélernaturelle, dont l’agent ne saurait être ni Dieu, ni ses anges. C’est donc le démon. Ajoutons que de ces convulsions il est impossible de tirer un argument contre l’Eglise, contre sa sainteté ou sa doctrine. Tout, au contraire, conlirmc l’infaillibililc de ses enseignements et atteste sa prudente réserve.

B. Le Jansénisme parlementaire. — Durant la période du Quesnellisme, nous avons remarqué l’hostilité des Parlements contre les Constitutionnaires. Elle s’accuse encore, autour de 1780, au point qu’elle domine, pendant près d’un demi-siècle, ^l absorbe, ])our ainsi parler, l’histoire du Jansénisme. C’est donc, parallèlement et au-dessus du Convulsionnisme, le développement du Jansénisme parlementaire.

A la suite d’une déclaration royale, enjoignant I.i signature du formulaire et raccei>tation de la bulle comme loi de l’Eglise et du royaume (24 mars 1780), le Parlement de Paris fait opposition, sous prétexte de défendre contre les envahissements du Saint-Siège les <lroits du roi et les libertés gallicanes. De 1781 à 1788, c’est une suite de conflits plus oumoins aigus : consultations en faveur d’ecclésiastiques appelants, arrêts rendus contre des ordonnances ou des instructions épiscopales, résistances ou représentations à l’encontre des édits du roi, lorsqu’ils prétendent fixer une discii)line au Parlement, démissions ou exil de magistrats récalcitrants. Une bulle de canonisation est même supprimée (/| janvier 1788). celle de saint Vincent de Paul (lO juin 1787), parce que le Jansénisme y est maltraité.

Mais l’affaire principale, par où se manifeste surtout l’esprit janséniste et gallican des Parlements, c’est celle du refus des sacrements et des billets de confession. Plusieurs curés, d’accord avec leurs évêques, avaient ilécidé de refuser les sacrements in extremis à tout appelant moribond qui, ne révoquant ])as l’appel, rejetterait obstinément la bulle Unigenitus, ou n’attesterait pas, par un billet de confession, avoir été entendu par un ])rèlre muni de pouvoirs et d’une juridiction régulière. Ces exigences rigoureuses sont fondées en théologie, et leur opportunité, 1183

JANSENISME

1184

sinon leur nécessité, saute aux yeux, lorsqu’on songe à lallilude du parti et aux maximes suivant lesquelles il se conduisait. Les appelants, toutefois, ne se rendirent pas ; ils en appelèrent comme d’abus, non pas à Rome cette fois, ou au futui’concile, mais au Parlement, et celui-ci, tout évidemuieut incompétent qu’il fut, jugea bon de recevoir ces étranges appels. Il se mit donc à procéder contre les prêtres et les évéques qui, à défaut de billet de confession, ou de déclaration du nom du confesseur, ou d’acceijtation de la bulle C’nigenitus, dureraient les sacrements, comme coupables d’actes tendant au schisme. Les évéques de protester et d’adresser au roi des représentations. Louis XV annule les arrêts portés, mais le Parlement persiste, sans tenir compte de ces annulations, et il présente des remontrances à Sa Majesté Pris entre les représentations justement réitérées des prélats et les insolentes remontrances des parlementaires, le roi faiblit ; il donne des décisions équivoques, devant lesquelles les magistrats, loin de céder, s’enhardissent encore. Commencés à Orléans, dès 1731, ces débats qui, de la part du Parlement, prennent le caiactère d une persécution, deviennent plus retentissants de 17^9 à 1754. Des jirètres sont dénoncés, cités à la barre, décrétés de prise de corps. Excédé entin par l’insolence de son Parlement, Louis XV exile les conseillers de la chambre des Enquêtes et de celle des Hequètes, et il transfère la Grand’t^hambre à Ponloise (mai 1758juillet 1754). Mais les parlementaires ne s’assagissent pas pour si peu ; à peine sont-ils rentrés à Paris que l.i lutte recommence. Ils sont alors soutenus par le roi : des ecclésiastiques sont bannis, et l’archevêque de Paris, Cuuistopub de Bbaumont, est relégué à Conllans, puis à Lagny. En vain des déclarations de Sa Majesté enjoignent par deux fois le silence (ï sept. 1754 et 10 décembre 1766). Elles sont sans cesse enfreintes par ceux du parti. Libellistes el chansonniers répandent de toutes parts chansons et pamphlets. Un conllit s’élève entre l’archevêque de Paris et des religieuses jansénistes, les Hospitalières de la Miséricorde, au faubourg Saint-Marceau, et ce conflit vaut à M. de Paris son second exil, dix-huit mois de rélégation en Périgord (janv. 1 758-sept. 1 709). Ce qui aggrave singulièrement l’affaire, c’est une intervention de l’administrateur du diocèse de Lyon, M. DE MoNTAZET, alors simple évêque d’Autun. C’est vraiment la crise aiguë, et il faut attendre jusqu’en 1759 pour constater une accalmie [le P. Emile Regnault, Christophe de fteaumottl, archevêque de Paris (1703-1781), Paris, 1882. 2 vol.).

Entre temps, dans l’assemblée de 1765, les évéques, désireux de faire l’uniformité sur le point de l’administration ou du refus des sacrements et ne s’accorvdant pas absolument, s’adressent au Pape, alin d’être fixés. Par des brefs de 1756 (16 oct.) et de 1767 ^7 sept.), Benoit XIV loue leur fermeté et maintient qu’on doit refuser la sainte Eucharistie aux réfractaires, comme à des pécheurs publics et notoires.

En dcjiit de l’apaisement de 173g, les vexations des Parlements n’ont jamais entièrement cessé. Elles sont partiouliéiement brutales à l’occasion des actes du clergé de 170."). Mais en 1767, la guerre reprend complètement, et elle se prolonge jusqu’à l’exil des parlementaires par le roi (20 janvier 1771). ou jdulot jusqu’à la déclaration du iT) juin suivant, qui donne aux représenlalions des évéques une satisfaction tardive, niaisentière. C’est alors que, la disgrâce aidant,

« t le nombre des ap|)elants se réduisant d’ailleurs de

jour en jour, s’apaise ou s’achève proprement la persécution survenue à la suite des appels contre la bulle et des r<-fus de sacrements. A la considérer, non pas du point de vue des soi-disant libertés de

l’Eglise gaUicaue, qui la légitimeraient peut-être plus ou moins, mais avec les saines idées d’un vrai catholique, elle n’est pas moins ridicule à sa manière que les convulsions du bas Jansénisme, ’l’out au contraire, le rôle est beau des Assemblées du clergé qui défendent les droits épiscopaux : de 1654 à 1770, leur constante hostilité contre la doctrine de Jansénius est leur titre de gloire (Bodrlo.x, Les Assemblées du clergé et le Jansénisme).

C. La i-iN DU Jansénisme en France et.sa survivance. — En même temps qu’ils résistent aux évêques et, avec l’assistance des magistrats, prétendent leur forcer la main, les Jansénistes, pendant la seconde moitié du xviiie siècle, luttent sans discontinuer contre les Jésuites — c’est une inimitié de la première heure — et contre l’autorité des papes. Ils remportent donc une victoire signalée, lorsque, aidés des philosophes incrédules — à l’incroyance desquels les convulsions et les miracles de Saint-Médard, im[irudemment compares à ceux de l’Evangile, ont pu frayer le chemin — ils obtiennent la dissolution des Jésuites de France (1764) ! suivie bientôt de leur complète suppression (bref Dominas ac liedempior, 21 juillet 1773). La même influence janséniste se découvre, vingt ans plus tard, dans l’élaboration de la Constitution civile du clergé et dans l’établissement de l’Eglise constitutionnelle. Il paraît même bien ijue la secte est venue mourir dans ce stérile essai de schisme.

Cependant des Jansénistes ont survécu, et quelques historiens ont tenté de démasquer leur survivance dans la Petite Eglise antieoncordataire, le Vieux-catholicisme et le Libéralisme catholique. Il y a peut-être aussi comme un prolongement de leur rigorisme chez tant de vénéraldes prêtres ou d’austères laïques français, aucunement jansénistes par ailleurs, qui ont longtemps professé dans les choses morales une extrême rigueur et, à l’égard des sacrements, un respect scrupuleux, capable d’en écarter plutôt que d’en rapprocher. Encore une fois, ce n’est là le Jansénisme que dans un sens lointain, mais il existerait, dit-on, un groupe mystérieux de Jansénistes vrais, héritiers des revenus du parti, ceux de la fameuse hoite à Perrette, de ses archives et de ses bibliothèques. L’un d’eux, M. Sii.vv, a racheté les ruines de Port-Royal (1826) et établi d’abord les Frères de Saint-.-Vntoine à Saint-Lambert (1829), puis à Magny ces sœurs de Sainte-Marthe qui sont probablement en France les dernières religieuses du groupement (1834). Plusieurs de ces fervents se sont retrouves, le 29 octobre 1909, dans un pèlerinage à Port-Royal : ils ont ainsi célébré le troisième centenaire de la réforme de l’abbaye et le second siècle écoulé depuis sa destruction (Séché, Les derniers Jansénistes, t. I, ch. iv-vii et x ; t. II, ch. Il ; t. III, ch. m. — Latbbille, Les origines jansénistes de la Petite Eglise de Lyon. — IIallays, Le pèlerinage de Purt-Hoyal, spécialement ch. vi, viii et ix. — Gazibh, PnriUuyal des Champs, Xotice historique. — Pu. dk XÉHY, Parmi les saints et les possédés a Paris. Les derniers Jansénistes, dans La Itevue, 15 déc. 1910. — Vn centenaire, dans Les Flèches, i" dée. 1909, Paris, Falque).

D. Lk schisme janséniste de hollande. — Après la mort du dernier des prélats appelants de France, M. d’.uxerre (Louis-Daniel-Gabriel de Pestel de Lévis de Thubières de Cavlus, ~ 3 avril 175/1). le Ouesnellisme semblait à la veille de disparaître, faute d’évéque qui consentît à lui ordonner des prêtres. L’Eglise sehismatique de Hollande s’était formée sous l’influence des Jansénistes français ; 1185

JANSENISME

1186

elle vint alors en aide à ceux qui Tavaicnl prccé(Jeminenl patronnée. Ils se perpétuèrent donc, grâce à elle, jusqu’à la Constitution civile du clergé.

Depuis la Réforme, l’Eglise catliolique de Hollande était administrée par de simples vicaires apostoliques : Pibrrk dk Neghcassel, l’un d’eux (1686), souscrivit à Konie le formulaire d’Alexandre VII, ce qui ne l’cmpêclia pas, à son retour dans les Provinces-Unies, de protéger les chefs du Jansénisme, et, dans un de ses ouvrages : * Anior poeni-Icns de recto usu clavium (Utreclit, 1683). de favoriser çà et là leurs erreurs. Son successeur, Pierre KooDE, archevêque de Sébaste, suivit en tout ses errements, sauf dans la signature du formulaire qu’il refusa. Il s’attacha ouvertement au parti (1702). Aussi fut-il déposé par Clément XI (3 avril 1704). Lorsqu’il mourut (18 déc. 1710), ses tenants, quesiiellistes comme lui, ne reconnurent ni les vicaires apostoliques ni les nonces envoyés par le Pape, mais ils se rattachèrent aux vicaires généraux qu’avait désignés Kodde, ou à un groupe de sept ecclésiastiques qui prétendait constituer le chapitre cathédral d’Utrecht, supprimé dès le temps de la Réforme.

C’est ce chapitre irrégulier qui consomme le schisme par l’élection d’un archevêque d’Utrecht, Cornélius SrEKXovEN (27 avril i’j23), mais cette nomination n’est pas ratiUée par le Souverain Pontife. Steenoven découvre néanmoins un prélat consccrateur, Dominique Varlet. Ce Varlet, un évêque missionnaire suspens doublé d’un Janséniste obstiné, consacre de même les trois successeurs de Steenoven, <.n 1725, 1734 et i^Sg. Le dernier d’entre eux, Pierre.Ican Meindartz, rétablit, de sa propre autorité, les anciens évêchés de Haarlem et de Deventer. Quoique ces entreprises soient déclarées nulles par le Pape, Meindartz n’en persiste pas moins et il assure de la sorte, avec le fonctionnement de son Eglise, une succession d’évêques qui a continué jusqu’à nos jours.

Les Jansénistes hollandais ne s’avouent pas scLismatiques : ils ne se sont jamais séparés de Rome, assurent-ils ; c’est Rome plutôt qui s’est séparée d’eux. Aussi ils lui notilient soigneusement les élections de leurs évêques ou les décrets de leurs conciles. Le Pape répond par des annulations ondes excommunications, dont ils ne tiennent aucun compte, ce qui prouve combien leur soumission est illusoire et combien justement l’Eglise romaine les renie. Par la doctrine, ils se prétendent orthodoxes, enseignant la pure croyance de l’Eglise, celle de saint Augustin, et réprouvant le Jansénisme condamné, celui des cinq propositions, qui, à les entendre, n’aurait jamais été défendu par personne. Mais ce n’est là qu’une apparente réprobation, digne en tout point des beaux jours du Jansénisme, puisqu’ils récusent obstinément la bulle i’nigcnitus, dont lisent appelé dès 1719, et que, dans les actes de leur assemblée de 1 703, ils ont remplacé, à la mode janséniste, les cin(i propositions par des articles équivo<iues qui en retiennent la substance. Rien qu’à lire lalettre par laque lie ils ont adhéré, le 31 octobre 179’ ! , aux décisions du synode janséniste de Pistoie, on est édifié sur leur orthodoxie. Enfin, dans l’essai de rapprochement tenté près d’eux par un nonce de Léon XII, en 18a6, ils ont nettement refusé de faire une adhésion pure et simple aux constitutions d’Innocent X, d’Alexandre VII et de Clément XI contre le Jansénisme ; on ne leur demandait cependant que de souscrire le formulaire d’Alexandre Vil, brièvement complété par une acceptation de la bulle l’nigenitiis. Cette fois encore, leur attitude et leur réponse ont été de bons jansénistes.

Tome II.

L’Eglise d’I’trecht subsiste encore. Elle a protesté contre la définition dogmatique de l’Immaculée Conception (1851) et contre celle de l’Infaillibilité pontificale (1870). Dès lors elle s’est unie aux Vieit.icatholiques (1872) et, dans cette réunion, s’est quelque peu accrue. En 1807, elle comptait 37 ecclésiastiques, y compris les 3 évêques, et un peu plus de 5.000 laïques ; en 1907, les Vieux-catlioUques romains de Hollande, c’est le nom qu’ils se donnent, atteignaient le nombre de 8.573, avec 31 prêtres et 37 communautés ou paroisses.

Sur ce groupement religieux, son histoire, son caractère nettement janséniste et son état actuel, voir Allmang, L’Eglise jansénisle d’l’trechl ; Malet, L’Eglise fieillc-cathulif/ue d’Utrechl ; s Aken, Le schisme janséniste de Hollande.

E. Le Jansénisme italien (1780-17y4)ETLESYNODB DE Pistoie (1786). — Le caractère principal du Jansénisme parlementaire, en France, fut l’ingérence du pouvoir civil dans le règlement des affaires religieuses, comme l’administration des sacrements ou l’acceptation de la bulle en tant que règle de foi. De ce Jansénisme parlementaire et, en même temps, du Joséphisme, a été tout voisin le Jansénisme italiei} dont l’épisode central est le synode de Pistoie.

Imitant les prétentions de son frère Joseph II, le grand-duc de Toscane, Léopold, s’ingère dans Je gouvernement ecclésiastique et tend à le réformer. Dans ce but, il adresse sur la police extérieure de l’Eglise une lettre circulaire aux évêques de Toscane (7 janv. 1780). Parmi ces évêques, celui de Pistoie et Prato, Scipion Ricci, exerce de l’influence sur le grand-duc. Il entre dans les vues de Léopold et, sur une invitation de sa part, il convoque un synode. L’ouverture en est faite à Pistoie, 18 sept. 1786, et^ deux cent trente-quatre prêtres y prennent part.-Les résolutions de l’assemblée, apparemment rédi-’gées à l’avance par le professeur Tamburini, présentent un résumé fidèle de la doctrine janséniste, , telle qu’elle s’est graduellement transformée. Ainsi les décrets concernant la foi et l’Eglise, la grâce et 1, : ’. matière des sacrements, renouvellent clairement les erreurs de Baïus, de Jansénius et de Quesnel. D’autres articles recommandent plusieurs ouvrages censurés comme les Réflexions morales, ou blâment certaines formes de prières et des dévotions usitées dans l’Eglise, entre autres la dévotion au Sacré Cœur. Enfin, le Synode remet des pétitions au grand-duc, réclamant de son autorité diverses rél^ormes relatives aux empêchements de mariage, aux serments, aux fêtes chômées, à la délimitation des paroisses, à la réduction et l’unification des ordres religieux, à la réunion d’un concile national. Par ces décrets audacieux et sa façon de procéder, le synode de Pistoie n’est pas sans avoir du retentissement.

Léopold, encouragé par ce premier succès, songe à préparer le concile : il réunit donc les évêques de Toscane, mais leur assemblée est la contre-partie du synode (23 avril-5 juin 1787). Les trois évêques de Pistoie, de Colle et de Chiusi favorisent seuls les idées nouvelles. Force est au grand-duc d’abandonner son projet de concile.

Publiés en italien d’abord (1788), puis traduits en latin (Acta et décréta synodi dioeces. Pisloriensis, 1791), les actes du conciliabule de Pistoie sont, sur l’ordre de Pie VI. sérieusement examinés : la bulle Auclorem fidei (28 août 179/1) les condamne bientôt. Quatre-vingt-cinq propositions, extraites de ces actes et décrets, sont insérées dans la constitution et rangées sous l^ ! ^ titres, chacune portant sa qualification propre. Sept d’entre elles sont notées comme

38

hérétiques (prop. i, a, 3, 4. 15, Sg, 85), et quelques-unes comme ayant été flétries déjà chez Wiclef, Lullier, Baius, Jansénius et Quesnel. Outre ces 85 propositions — c’est la bulle qui le remarque — il y en a plusieurs dans les actes qui leur sont analogues, et l’ensemble de la doctrine du synode révèle une affinité notoire avec le système condamné du Quesnellisme. Pie VI se plaint, en outre, qu’on reproduise divers articles, ceux de 1682 par exemple, ou d’autres qui ont été présentés à Innocent XII et à Benoit XIII, mais n’ont jamais été approuvés.

Les évéques de Colle et de Chiusi se montrèrent défavorables à la constitution, mais l’évêque de Noii lui opposa une protestation formelle, à laquelle applaudirent les Jansénistes. Cette même année (octobre l’^'ji), les schismatiques d’Utrecbt font adhésion aux conclusions du conciliabule. Quant à Ricci, peu populaire dans son diocèse et contraint de démissionner, lorsque Léopold fut devenu empereur (1590), sa conduite demeura longtemps équivoque ; il se soumit délinitivement à Pie VII (g mai 1805), et mourut en 18 10.

La bulle Aactorem fidei met ainsi fin au Jansénisme italien, au moment presque où le Jansénisme français s’éteint dans le schisme de l’Eglise constitutionnelle. Le Jansénisme hollandais est désormais le seul qui survive.

VI. — Conclusion

Nous avons examiné le Jansénisme, depuis sa première apparition dans le Baïanisme de 1560 à 1589, jusqu’à sa complète dégénérescence en France et en Italie (i^gi), jusque dans Tunique rameau qui subsiste, le schisme d’Utrecht, aujourd’hui fondu avec le Vieux-catholicisme. Ebauché par Baius et par ceux qui, d’accord avec lui, dressèrent des censures de 1587, pris en main et perfectionné par Jansénius de 1617 à 1638, vulgarisé par les Jansénistes de France, notamment par le grand Arnauld et surtout par Quesnel, de 1040 à 1719, une dernière fois renouvelé dans les décrets du synode de Pisloieen 1 786, le système théologique de l’évêque d’Ypres sur la nature de la grâce et la prédestination a été censuré dans les cinq propositions de 1653, qui en expriment la substance ou l’àme. Sans doute, dans cette quintessence, les traits essentiels du système paraissent grossis et accusés plus que dans V Aagustinus même ou les lié flexions morales, mais ils n’en sont pas moins tous dans ces deux ouvrages, et l’Eglise se devait à elle-même de les y démasquer. Elle l’a fait dans les bulles successives qu’elle a portées contre le Jansénisme — bulles Ciim occasions (31 mai 1653), Ad sacrant (16 octobre 1656), Regiminis aposinlici (15 février 1665), Virieam Domini (15 juillet 1700), l^nigenitus (8 sept. 171 3), Pasioralis officii (28 aoùt-8 septembre 1718), Auctorem fidei (’28 aoiit 1794) — au nombre de sept, sans compter les trois condamnations rendues contre le Baïanisme proprement dit et contre VAugustiniis qu le recommençait — bulles 7 ;.r omnibus (1"=’octobre 1067), PrOi’isionis nostræ (29 janvier 1579), In eminenli (6 mars lôia-igjuin 1643). — (Dexzingkr "*, n. 1092-1096(966-970) ; 1098(971) ; 1099 (971) ; 1350(1317) ; 1351-1451 (1216-1316) ; iSoi-iSgg (136/j-146’)j 100 1-1080 (881-959).

Qu’on objecte, tant qu’on voudra, comme on le fait encore de nos jours, que plusieurs de ces constitutions ont été accordées aux prières de Louis XIV, celle d’.lexandre VU par exemple avec son formulaire (1665) et celles de Clément XI (1706 et 1713), elles n’en émanent pas moins du vicaire de Jésus-Christ et s’imposent aux fidèles comme une règle de foi. Il est impossible d’en douter, lorsqu’on entend

les papes, pendant plus de cent quarante ans, répéter constamment et ratifier leurs précédentes décisions, les proposer de nouveau à la croyance des peuples. C’est donc justement qu’au début de notre étude, nous désignions le Jansénisme comme un système théologique plusieurs fois condamné par l’Eglise.

Toutefois, durant un siècle et demi, ceux du parti se sont entêtés à défendre leur doctrine, se bornant à la dissimuler dans l’occasion et se dérobant eux-mêmes par de feintes soumissions. Ils en sont venus, malgré tout et quoiqu’ils en eussent, à la révolte ouverte contre le Souverain Pontife et à l’évidente négation de ses décrets dogmatiques. Ainsi l’existence de leur hérésie, qu’ils ont niée trop longtemps, s’est découverte manifestement, et se laisse voir encore dans ce qui demeure de leur survivance.

C’est ce que nous voudrions avoir établi dans cet article, désireux que nous étions, de mettre les chrétiens en garde contre des histoires trop vantées du Jansénisme, documentées, comme le Port-Itoyal de Saintb-Beovi ;, dans les seules archives ou bibliothèques jansénistes, à l’aide de mémoires et de nécrologes rédigés par ceux-là mêmes qui ont tout intérêt à s’embellir, fut-ce aux dépens de la vérité, et à se présenter comme des orthodoxes injustement persécutés, innocentes victimes d’une conspiration jésuitique.

VII. — Bibliographie

[Nota : Les ouvrages qui sont aujourd’hui encore à l’Index sont marqués d’un astérisque.]

I. — Sur Bains et le Baïanisme : Le Bachelet, art. Baius, Michel, dans Dictionnaire de Théologie catholique, t. II, Paris 1905. — *Du Chesne (le P. J.-B., S. J.), Histoire du Baïanisme. livres I, II,

III. — Dissertation sur les bulles contre Baius, Utrecht 1737, 2 vol. (par l’abbé Coudrette). — Pluquel et Claris, Dictionnaire des hérésies dans Encyclopédie théologique de Migne, art. Baïanisme. — *Bay (Michel de), ou Baïus, Michælis Bail, celeberrimi in Lovaniensi Academia theologi opéra. Edition de D. Gerberon, Cologne 1696,. 2 vol.

II. — Sm’la première période : *Du Chesne, ouvrage cité, livres IV et V. — Rapin (le P. René, S. J.), Histoire du Jansénisme, édition Dômenech, Paris 1861 — et Mémoires, édition Aubineau, Paris 1865, 3 vol., t. I. Le ms. original et autographe de cet ouvrage (Histoire du Jansénisme et Mémoires) est à la Bibliothèque nationale, Ms. fr. 10574-10576, 3 vol. in-fol. Le troisième volume contient des extraits, analyses et copies^ qui sont les pièces justificatives de l’histoire même : la re-ue Documents d’histoire en a commencé la publication (mars igio et fascicules sui-^ vants). — Hermant (Godefroy), Mémoires sur l’histoire ecclésiastique du xvii< siècle (1630-1663), édition Gazier, Paris igoS-igio, 6 vol., t. 1, livres i IV. Un ms. de cet ouvrage se trouve à la Bibliothèque nationale, Ms. fr. 17725-17729 et 1049610497. — *Jansénius (Cornélius), évéque d’Ypres, Augustinus, in-fol. ; Louvain 1640, Paris 164 1. ou Rouen 1 652. — Arnauld (Antoine), Otlinres. Paris et Lausanne 1776-1783, 43 tomes en 38 volumes in-4 ", ledernier volume contenant la vied’Arnauld, les pièces justificatives et la table générale des matières. — Vandenpeereboom (A.), Cornélius Jansénius, septième éiéque d’Ypres, Sa mort, son testament, ses épitaphes. Bruges 1882. — Jansénius, étéque d’Ypri’s. Ses derniers moments, sa soumission au S. Siège, d’après des documents inédits, Louvain 1189

JANSENISME

H90

iSgâ. — Laferrière (J.), Etude sur Jean Duvergier de Haaranne, abbé de Saint-Cjran, Louvain ig12.

— Brucker (Joseph), Lettres inédites de Saint-Cyran dans un manuscrit de Munich : et Saint-Crran d’après ses lettres inédiles (manuscrit de Munich), dans Jiecherches de Science religieuse, l. III, p. 4’^8-4â (igia) et t. IV, p.342-381 (ig13). — Brucker (Joseph), Arnauld (Antoine), article dans Dictionnaire de Théologie catholique, t. I, Paris igo3. — Prunel (L.-N.), Sébastien Zamet (1588-1655). Sa ie et ses œuvres. Les origines du Jansénisme, Paris igia.

III. — Sur la deuxième période : Histoire des cinq propositions deJansénius (parHilaire Dumas), Liège iCgg. a vol., ou Trévoux 1702, 3 vol. — *La paix de Clément IX, ou démonstration des deux faussetés capitales contenues dans l’Histoire des cinq ^ro^<i « i/io « s(parQuesnel), Chambéry i-oo. — Défense de l’Histoire des cinq propositions (par H. Dumas), Liéfîe 1701. — Rapin (le P. R.), Mémoires cités, t. II et III. — *Saint-.raour (Louis Gorin de). Journal de ce qui s’est fait à Home dans l’affaire des cinq propositions, 1662. — Hermant (Godefroy), Mémoires, t. I, liv. v-vii ; t. II et suiv.

—’Histoire générale du Jansénisme contenant ce qui s’est passé… au sujet du livre de Jansénius depuis lOiO jusqu’en 1669 (par D. Gerberon), Amsterdam 1700, 3 vol. — Bourlon (I.), Les.-issemblées du clergé et le Jansénisme, Paris igog, ch. i-iv. — Bourlon (I), M. Vialart, étéque de Châlons, et la Paix clémentine. Opuscule publié à la On de Entre cousins germains. Controverse entre les Jansénistes et les Calvinistes, Arras, Sueur et Charrney, igo2. — Fénelon, Autre lettre de Mgr l’archevêque duc de Cambrai au P. Quesnel, touchant lu relation du cardinal Bospigliosi, 1710, dans Œuvres de Fénelon, édit. de Versailles, 1820-1830.t.XIII, p.36g. — (Lefèvre deS. Marc et de la Chassagne), l’ie de M. Pavillon, évéqiie d’Alet, Utrecht 173g, 3 vol. — Dejean (M. E.). Un prélat indépendant au xvii « siècle, Nicolas Pavillon, évéque d’.llet (1637-1677), Paris igog. — (Besoigne, Jérôme), IVe des quatre évêques engagés dans lu cause de Port-Royal, Cologne 1756, 2 vol.

— Arnanld (Antoine), ÔEuvres. — Brucker (Joseph), Arnauld {.Antoine). — "Pascal, Les Provinciales, édition Molinier, Paris iSgi, 2 vol. — Maynard (abbé), Les Provinciales… et leur réfutation, Paris 1851, a vol. — *Ludovici Montnltii litferae provinciales… a IVillelmo ffendrockio Iranslatne et theologicis notis illustratae, Cologne 1658, 4’édition plus développée en 1665, in-8'>. Guillaume Wendrockest un pseudonyme de Nicole. — Strowski (Fortunat), Pascal et son temps. Paris, igo7-igo8, 3 vol. Deuxième et troisième parties. — Brou (Alexandre), Les Jésuites de la légende. Première partie, Paris, igo6, ch. xxii et Conclusion. — La Brière (Y. de), L’Apologétique de Pascal et la mort de Pascal, dans Etudes. 5 déc. igii, t. CXXIX Sur les derniers sentiments de Pascal, un problème a été proposé récemment et diversement résolu : Pascal est-il mort janséniste ou soumis anx décisions pontificales ? L’article de M. de La Brière expose nettement la controverse, à laquelle ont pris part MM. E. Jovv, A. Gazier, J. Monbrun, le R. P. Pelilot et M. l’abbé Urbain.

IV. —.Svir la troisième période : Lafitau (Pierre-François), évêque de Sisteron, Histoire de la Constitution Vnisenitus, Avignon, 1737-1738, a vol. — Schill. Die Constitution l’nigenii-is. Fribonrg-en-Brisgau, 1876. — Thuillier (D. Vincent), Rome et la France. La seconde phase du Jansénisme, édition Ingold, Paris igoi. C’est la seule partie publiée de l’ouvrage posthume de D. Thuillier :

Histoire de la constitution Unigenitus, dont la Bibliothèque nationale possède deux copies, Ms. fr. 17731-17737 et : 7738-17743. — Le Roy (.lbert), La France et Rome de 1700 à 1715. Histoire diplomatique de la bulle Unigenitus, Paris 18ga. — Hanoteau (J.), Recueil des Instructions données aux Ambassadeurs et Ministres ce France, Rome, t. Il (1688-1723), Paris [igiij ; t. lU (I7a4-17gi), Paris fig13], ch. xxxiii-xxxiv. — Bourlon (I.), Les Assemblées du clergé et le Jansénisme, ch. v-ix. — Dorsanne, Journal… contenant tout ce qui s’est passé dans l’ajfaire de la constitution Unigenitus, a" édition, Paris 1766, 5 vol. —’Histoire du livre des Réflexions morales (par l’abbé Louail et l’abbé Cadry), Amsterdam, I723-I73g, 4 "^’ol. — Hild (Joseph), Honoré Tournety und seine Stelluno zum Jansenismus, Fribourgen-Brisgan igii. Voir deux articles consacrés par M. Bainvel à cet ouvrage : Honoré Tournely. La carrière d’un théologien sorhoniste au.r temps du Jansénisme, dans Eludes, 20 juin et 5 juillet ig12, t. CXXXI et CXXXII. — Dictionnaire des Hérésies déjà cité, art. : Quesnel. — Durand (Valentin), Le jansénisme au.X’VIII’siècle et Joachim Colbert, évéque de Montpellier (id^è-i-^ZS), Toulouse igo7.

— *Le.ouveau Testament en français avec des Reflexions morales… (par Quesnel), Paris, Pralard, l6g9, 4 vol.in-8". —’Problème ecclésiastique proposé à.V. l’abbé Boileau de l’.érchevéché : à qui l’on doit croire de.Vessire Louis-.int. de bouilles, évéque de Châlon en 1695, ou de Messire Louis-Ant. de Noaitles, archevêque de Paris en 1696 ? (fin 16g8 ou début 16gg). — Cas de conscience proposé par un confesseur de province touchant un ecclésiastique qui est sous sa conduite et résolu par plusieurs docteurs de la Faculté de théologie de Paris.

V. — Sur la dernière période : Picot, Mémoires pour servir à l’histoire ecclésiastique pendant le xviii" siècle, 3" édition, Paris 1853-1857, 7 vol. — Hanoteau (J.). Recueil des Instructions… Bojkç, t. III, Paris (ig13), ch. xxxv et suiv. — Bourlon (L), Les Assemblées du clergé et le Jansénisme, ch. x-xm. — Mathieu (P. -F.), Histoire des miraculés et des convulsionnaires de Saint-Médard, Paris 1864. — Dudon (Paul), Le Fareinisme, art. dans la Revue Gorini, IQ08 et an. suiv. — Séché (Léon), Les derniers Jansénistes depuis la ruine de Port-Royal jusqu’à nos jours, Paris 18gi et suiv., 3 vol. — Latreille (C.), Les origines jansénistes de la Petite Eglise de Lyon, dans Revue d’histoire de Lion, janvier et février igii, ou La T’etite Eglise de Lyon, Lyon igii. — Pisani (Paul), Un Janséniste, Pierre Brugière, curé constitutionnel à Paris (1730-1803), dans ^ei’ «e d’Histoire de l’Eglise de France, janv. ig13, p. a8-46.

— Du Breuil de Saint-Germain (J.), Les Jansénistes à la Constituante (1789-17gi), dans Revue des Etudes historiques, mars-avril 1913, p. 163-176.

— Allmang(R. P.), L’Eglise janséniste d’Utrecht, dans Annuaire pontifical catholique, pubbé par Mgr.. Battandier, Paris igia, p. 438. — Malet (.

toine), L’Eglise vieille-catholique d’Utrecht. Son état actuel, dans Etudes, janvier 1907, t. CX.

— Van Aken (le P. C), Le schisme janséniste de Hollande, dans Etudes, février et mars 1873, l’je année, v série, t. Ili. — *De Ricci (Scipione), Memorie scritte da lui niedesimoe publicate con docunienti da Agenore Gelli. — *Potter (L. A. J. de), Vie de Scipion de Ricci, évéque de Pistoie et Prato, Paris iSa6, 4 volumes.

Sur l’histoire diplomatique des diverses périodes, voir aux Archives du Ministère des Affaires

étrangères à Paris, les Mémoires ms. sur le Jansénisme dressés par N.-L. Le Dran de 1713 à 1729 {Mémoires et Documents, Home, t. XVII, XVIII, XIX, XX, VIII). Ils sont assez favorables aux Jansénistes. Au t. XCII, trois mémoires ms. du même genre, sans nom d’auteur. Et Annales de la constitution Unigenilus, par Le Dran, 26 vol. in-fol., originaux et imprimés du xvii » siècle (17 13-1789) {Mémoires et Documents. Rome, t. XLI-LXVI).

Sur l’histoire de Port-Royal, entre autres ouvrages : Histoire de l’abbaye de Port-Royal, Cologne 1762, 6 vol. (par Jérôme Besoigne). — Histoire générale de Port-Royal (par dom Clémencet), Amsterdam 1755-1757, to vol. — Racine (Jean), Abrégé de l’histoire de Port-Royal, édition Gazier, Paris 1908. — *Sainte-Beuve’(C.-A.), Por/-/rfova/, 4° édilion, Paris 1878, 7 vol., en complétant par Fuzel (l’abbé). Les Jansénistes du xviie siècle, leur histoire et leur dernier historien, M. Sainte-Beuve, Paris, 1876. — Varin (Pierre), l.a vérité sur les Arnauld, Paris 18^7, 2 vol. — (Clémencet. D. Charles), Histoire littéraire de Port-Royal, édil. Guettée, Paris 1868, t. I (seul paru). Une copie ms. de l’ouvrage complet se trouve à la Bibliothèque Mazarine, Ms. 4533-4537, 5 vol. in-4°. — Maulvaull (A.), Répertoire alphabétique des personnes et des choses de Port-Royal, Paris 1902. — Hallays (.

dré). Le Pèlerinage de Port-Royal, Paris

1909. — Gazier (A.), Port-Royal au xviie siècle. Linages et portraits avec des notes historiques et iconographiques, Paris 1910. — Gazier (..), Por/-Royal des Champs. Notice historique à l’usage des visiteurs, 4’" édit., Paris 1905. Comme, à l’exception de l’abbé Fuzel et de Varin, ces ouvrages sont d’inspiration, sinon janséniste, au moins peu favorable à l’Eglise romaine, on pourra les contrôler par les Mémoires de Rapin, ou par les passages consacrés à l’histoire du Jansénisme dans Gaillardin. Histoire durègne de Louis.V/T, Paris 18711879, 6 vol.. t. I, ch. iii, S 2, p. 296-323 ; t. II, ch. X, p, 128-22C ; t. III, ch. XVIII, § I, p. 373386 ; t. VI, ch. xLii. § i, p. 615-650. Consulter aussi Lavisse (Ernest), Histoire de France, Paris, Hachette. 1906-1908, t. VII", p. 87-109 ; t. VIP, p. i-13 ; t. VIIIi, p. 310-339.

Autres ouvrages qui n’ont pas encore été indiqués : Dechamps ou de Champs (P. Etienne Agard), De hæresi.fanseniana, édition du P. Etienne Souciet, S. J., Paris 1728. C’est le travail le plus solide qui ait été opposé aux Jansénistes. Ils n’y ont jamais répondu, et Sainte-Beuve, à en juger par In Table alphabétique et analytique, ne le mentionne même pas dans son Port-Royal. — Pnquier (J.), Le Jansénisme. Etude doctrinale d’après les sources, Paris 1909. — Jungmann (lî.), Jansenius Cornélius, der jûngere, /lischof von Ypern, dans Kirchenlericon, Fribourg-en-Brisgau, t. VI. 1889. — Forgel (J.), Jansenius and Jansenism dans The Cathdlic Encyclopedia de New-York, t. VIII.

1910. — Dictionnaire des Livres jansénistes (pare P. de Colonia, S. J., revu et augmenté par le P. Patouillet, S. J.), Anvers 1755, 4 vol. — Dictionnaire des Jansénistes (par James), au 2 vol. du Dictionnaire des hérésies dans V Encyclopédie théologique de Migne. Dans ce même dictionnaire, divers articles : Augustinus, Figuristes, Gotescalc, Jansénisme, Pelage, Prédestinatianisme, Semi-pélagianisme. — Moréri(L.), Le Grand Dictionnaire historique, édition de 1769, 10 vol. in-fol., contenant de nomV)reuses notices, ajoutées par l’abbé Goujet sur les Jansénistes. — Lelong, Bibliothèque historique de la France, édition Févret de Fontette, 1768-1778, 5 vol. in-fol. Abon dant sur le Jansénisme dont les éditeurs sont amis. — Reusch (D’Fr -H.), Index der verbotenen Rucher, 2 vol., Bonn 1 883-1 885. L’auteur est vieuxcatholique.

A. DE Bbedelièvre.