Dictionnaire de Trévoux/6e édition, 1771/Tome 1/301-310

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Fascicules du tome 1
pages 291 à 300

Dictionnaire de Trévoux, 1771
Tome 1, pages 301 à 310

pages 311 à 320


espagnoles. Les Amogabares étoient fort estimés pour leur bravoure ; quelquefois on appelle les Amogabares du nom d’Almugavares, ce qui fait croire avec assez de vraisemblance, que ce mot vient de l’arabe. Il est composé de l’article al, & mugabar, qui vient de גבר, gabar, & peut avoir les significations de grand, de géant, de fier, de brave, de fanfaron.

AMOINDRIR. v. a. Diminuer de bonté, ou de quantité, rendre moindre. Minuere, diminuere. On amoindrit tous les jours les étoffes dans les manufactures. On a amoindri la largeur de ces draps. On le dit aussi des choses qui diminuent d’une manière avantageuse. La clarté du jour amoindrit l’horreur de la nuit.

Amoindrir, est aussi neutre. Minui, diminui. Les forces de ce malade amoindrissent chaque jour. Son revenu amoindrit tous les ans.

Amoindrir, est aussi réciproque. Le crédit de ce marchand s’amoindrit tous les jours. Les revenus s’amoindrissent, dépérissent, si on n’a grand soin de ses affaires. Le vin s’amoindrit quand il est à la barre. Il perd sa bonté. Ce tas de blé s’amoindrit, il diminue. Ce terme n’est guère en usage que dans la conversation : on devroit même l’éviter.

AMOINDRI, IE. part.

AMOINDRISSEMENT. s. m. Diminution. Diminutio, imminutio. Il y a bien des choses qui dépérissent, & dont l’amoindrissement est insensible.

AMOINER. v. a. Vieux mot, qui veut dire, amener. Adducere. Borel. Ou plutôt ce n’est qu’une ancienne manière d’écrire le verbe amener.

A MOINS. adv. Voyez Moins.

A MOINS QUE. Conjonction qui régit le subjonctif, & qui signifie, si ce n’est que. Nisi. A moins que vous ne rampiez devant lui, n’en attendez aucune grâce. On met ordinairement une négation après, comme dans l’exemple qu’on vient de rapporter. En voici un où il n’y en a point. Nos freres disent quelquefois, les Apôtres de Jésus-Christ voyoient que ce pain n’étoit pas son Corps, à moins qu’il le fût en figure. Peliss. On pourroit, on doit même dire, à moins qu’il ne le fût.

A moins que, se construit aussi avec l’infinitif & la particule de. A moins que de faire cela, on n’en viendra point à bout. Il y en a qui disent aussi, à moins de faire cela ; mais mal, selon Vaugelas.

AMOISE. s. f. Terme de Charpenterie, qui se dit des pièces de bois qui embrassent les soufaites, liens & poinçons, à l’endroit de ces assemblages pour les affermir : elles sont jointes l’une à l’autre par des chevilles de bois qui traversent de part en part. Voyez Moise.

AMOISTIR. v. a. Ce mot, qui n’est plus d’usage, veut dire, mouiller. C’est de ce verbe que viennent moite & moiteur. Borel. Ou plutôt ce verbe a été formé de moite, & signifioit rendre moite, humectare. S’amoistir, & peut-être amoistir neutre, devenir moite, humide, humescere. Il seroit bon de retenir ce verbe ; nous n’en avons point pour exprimer ce qu’il signifie.

AMOL, ou AMUL. Petite ville de Perse. Amolia. Elle est dans le Tabarestan, sur la rivière qui passe à Firiya.

☞ Il y a une autre ville nommée Amol-Gihon, parce qu’elle est située sur le Gihon, qui est l’oxus des anciens. On la nomme aussi Amol Amujah, parce que le Gihon porte aussi le nom d’Amu. Elle est située sur la rive occidentale de ce fleuve.

AMOLETTES. s. f. pl. Terme de Marine. C’est ainsi qu’on appelle les trous où l’on passe les barres du cabestan & du virevaux.

AMOLIER. v. a. Ce mot signifioit adoucir. Borel.

AMOLLIR. v. a. Rendre moins dur, ou plutôt rendre mou & maniable. Mollire, emollire. La chaleur amollit la cire, & sèche la boue. Les Corroyeurs préparent les cuirs pour les amollir. Un peu de pluie amollit la terre qui est trop sèche. On prononce & on écrit quelquefois amolir.

Il se dit figurément des choses mêmes les plus dures, quand l’art semble leur ôter leur dureté, & leur donner de la flexibilité & de la mollesse.

A mes yeux il respire, il agit, il ordonne ;
Et le bronze amolli par un art qui m’étonne,
Dispute avec la vérité. De Bellocq.

Amollir, se dit figurément en Morale, & signifie rendre lâche, mou, efféminé, moins ferme, moins constant. On tient que les délices de Capoue amollirent Annibal. Il amollit leur courage par les délices de la paix. Ablanc. Les profanes accusent la religion d’avoir amolli le cœur des hommes, & de les avoir rendus lâches & timides. Bal. Il y a d’habiles gens qui prétendent que l’étude des belles Lettres amollit le courage. Vall.

On y joint le pronom personnel au propre & au figuré. S’amollir, pour signifier les choses qui perdent leur courage, ou leur rigueur. Mollescere. La terre commence à s’amollir. Ce pere étoit dur & inexorable ; mais son cœur s’est amolli par les larmes & les soumissions de son fils.

AMOLLI, IE. part. Mollitus, emollitus.

Aux accens dont Orphée emplit les monts de Thrace,
Les tigres amollis dépouillent leur audace. Boil.

AMOLLISSEMENT. s. m. Action de mollir. Mollimentum. L’amollissement de la cire se fait en la maniant, & en l’échauffant. Il se dit aussi au figuré. L’amollissement du courage.

AMOLVIN. s. m. Nom d’homme. Amulguivus, Alobes. S. Almovin Chorévêque, dont le corps est à Bins, en Hainaut. Chast. 7. Févr.

AMÔME. s. m. Amomum. s. n. fruit d’une plante nommée dans le XIe volume de l’Hortus Malabaricus Elettari primum. On dit Amôme en grappe, amôme en raisin, amomum racemosum, à cause que ce fruit est une grappe composée de plusieurs capsules blanchâtres, rondes & grosses comme des pois chiches, membraneuses, divisées en trois loges, qui renferment plusieurs semences brunes, anguleuses, d’un goût & d’une odeur très-forte & très-aromatique. Ce fruit nous est apporté des Indes Orientales, & il entre dans la thériaque. Les Commentateurs de Dioscoride & de Pline, n’ont jamais pu s’accorder sur le choix de ce fruit, & la plûpart ont voulu qu’on employât des plantes bien différentes de celle-ci. Quelques-uns font passer les roses de Jérico pour l’amomum. Scaliger prétend que l’amôme n’est pas le fruit ou la grappe de l’arbre, mais que c’est le bois de l’arbre même qui est roulé comme une grappe, & dont on se servoit particulièrement pour embaumer les corps : d’où vient qu’on a donné le nom de Mumie aux corps des Egyptiens qui étoient embaumés.

AMOMI. s. m. C’est ainsi que les Hollandois appellent le poivre de la Jamaïque, qu’on nomme autrement Graine de Girofle.

☞ AMOMUM plinii, ou solanum fruticosum, bacciferum. Arbrisseau des jardins dont le bois est brun, les feuilles rouges, d’un vert noir, la fleur blanche, les fruits rouges & ronds comme les cerises.

AMONCÈLEMENT. s. m. Vieux mot, qui signifie l’action d’amonceler. Acervatio, coacervatio, accumulatio.

AMONCELER. v. a. Amasser, assembler, mettre par tas & monceaux. Cumulare, Acervare. Amonceler du foin, des gerbes. Quelques-uns mettent ce mot au rang de ceux qui ont vieilli. Que sert à l’avare d’amonceler tant de richesses, puisqu’il faut les quitter dans un moment ? On dit quelquefois au manège, qu’un cheval amoncèle ; pour dire, qu’il est bien sous lui, qu’il marche sur ses hanches & sans se traverser.

AMONCELÉ, ÉE. part. Acervatim positus, cumulatus.

AMONDE. Petite rivière d’Ecosse. Almon. Elle arrose la Lothiane, & se décharge dans le golfe de Fottho ou d’Edimbourg.

AMONE. Petite rivière d’Italie. Anemo. Elle vient du mont Apennin, traverse une petite partie du Florentin, entre de-là dans la Romagne, & va se mêler au Pô, près de Ravenne.

AMONITION. s. f. Ce mot ne se dit qu’en cette mauvaise phrase. Pain d’amonition. Panis castrensis. Le soldat le dit par corruption, au lieu de pain de munition : mais il ne faut pas l’imiter. Cependant Du Cange remarque qu’on a dit Amonitio dans la basse latinité, pour signifier substance ; & il prétend que c’est de-là qu’est venu ce mot usité parmi les troupes, pain d’amonition pour signifier le pain qu’on leur donne pour leur subsistance ; & il écrit Amonition seulement par un m.

AMONT. adv. qui se dit d’une chose plus haute à l’égard d’une autre, & sur-tout en parlant de pays. Suprà, sursùm, è superiori loco. Il est opposé à aval. La Bourgogne est appelée, à l’égard de Paris, le pays d’amont. Et généralement ce qui est vers la source des rivières, est pays d’amont. On dit monter en amont, pour dire, remonter, aller contre le fil de l’eau : & on disoit autrefois, montez amont ; pour dire, montez ici haut. Ménage dérive ce mot de ad montem.

Vent d’amont, est le vent d’Orient opposé à vent d’abas, ou d’aval, qui est celui d’Occident. Apeliotes, solanus. On dit en Fauconnerie, tenir amont, quand l’oiseau se soutient en l’air, en attendant qu’il découvre quelque gibier.

AMORAVIS. Les anciens Romanciers appellent ainsi les Sarrasins, ou les Maures d’Afrique ; peut-être parce que leurs Amirs ou Emirs ; c’est-à-dire, leurs Rois ou Gouverneurs, y établirent leur domination. On lit dans le Roman manuscrit d’Aubery cité par M. Du Cange, Hongres, venarres, acapars beduins, des Esclaves & des Amoravis.

AMORBACH. Petite ville d’Allemagne. Amorbachium. Elle est sur la rivière de Mult ou Milt, dans l’électorat de Mayence, près du comté de Wertheim.

AMORCE. s. f. Appât dont on se sert à la chasse, ou à la pêche, pour prendre du gibier, des bêtes carnacières ou du poisson. Illicium. On met de la chair pour servir d’amorce pour prendre des loups. Ce mot, selon quelques-uns, vient de hamus ; & ils prétendent qu’on doit écrire hamorce. D’autres le dérivent de à morsu.

Amorce, est aussi de la poudre à canon fort fine, qu’on met dans le bassinet des armes à feu, pour les faire tirer. Ignis illicium. On appelle aussi amorce, une traînée de poudre, ou une corde préparée pour faire tirer des boîtes tout de suite, ou des pétards & des fusées pour un feu d’artifice.

Amorce, se dit aussi des mèches soufrées, qu’on attache aux grenades, ou à des faucilles avec lesquelles le feu prend aux mines.

Amorce. Terme d’Artificier. Ignis illicium. Ce mot qui signifie dans l’usage ordinaire la poudre grenée qui donne feu à la lumière d’un canon, s’entend en matière de feu d’artifice, d’une pâte de poudre écrasée dans de l’eau pour la rendre adhérente à l’orifice d’un artifice, auquel elle doit donner le feu lorsqu’elle est sèche ; quelques-uns l’ont appelée Feu grugé, peut-être par corruption de feu grégois, mais plutôt du mot écrasé, synonyme de grugé, comme lorsqu’on dit du sel grugé.

Amorce. Terme de Commandement dans l’exercice, tant sur mer que sur terre.

Amorce, se dit figurément en Morale de tout ce qui attire la volonté en flattant les sens ou l’esprit. Illecebra. L’argent & les plaisirs sont les amorces du vice. Les vertus apparentes de quelques Hérétiques ont été des amorces pour faire embrasser leur doctrine par les peuples qui ne jugent que par les apparences. Craignez d’un vrai plaisir les amorces trompeuses. Boil. La louange est une amorce agréable. Bouh. Des plaisirs de l’amour vanter la douce amorce. Boil.

L’amour a beau parler ;
Pour engager un cœur, ses amorces sont vaines,
Si ce cœur ne court pas au-devant de ses chaînes.

Corn.

Du bien que nous cherchons la longue jouissance
Peut flatter, mais non pas contenter nos désirs ;
Quand un souhait finit, un autre recommence,
Un plaisir sert d’amorce à de nouveaux plaisirs.

Le P. Ledrel.

☞ AMORCER. v. a. Terme de Chasse & de Pêche. Garnir d’amorce, ou attirer avec l’amorce. Inescare, escà illicere, allicere. On amorce un hameçon, on le garnit d’une amorce. On amorce le poisson, on l’attire en lui jetant de petites pelotes de mangeaille. Voyez Pelote & Peloter. On amorce une souricière, on y met une amorce, un appât pour attirer les rats & les souris. On amorce le Gibier.

☞ Au figuré, c’est attirer par quelque chose qui flatte l’esprit ou les sens. Illicere, pellicere, inescare. On se laisse amorcer au gain. On est amorcé par le gain. On est amorcé par l’espérance d’une récompense. Cet homme sait amorcer les gens. Il n’est pas du style noble.

Ménage dérive ce mot de amorsare, qui a été fait de morsus, comme morceau de morcellus.

Amorcer. Terme d’Artillerie. Mettre de l’amorce à un canon, à un mousquet, ou à quelque autre arme à feu. ☞ Mettre de la poudre à tirer dans le bassinet des armes à feu, à des fusées, à des pétards, &c. Pulverem ignis illicem indere, unmittere. Amorcez votre fusil, il ne sera pas temps de le faire quand le gibier paroîtra.

Amorcer. Terme de Charpentiers, Menuisiers, Charrons, & autres Ouvriers en bois. Il signifie, se servir de l’amorçoir, pour commencer à percer dans une pièce de bois un trou qu’on veut achever avec la tarière ou le laceret, selon l’usage qu’on leur destine. On le dit aussi de la première ouverture que l’on fait avec l’ébauchoir, pour entailler une mortoise.

Amorcer. Terme de Serrurier. C’est ôter quelque chose du fer, avant que de le percer.

AMORCÉ, ÉE. part.

AMORÇOIR. s. m. Outil d’artisans qui travaillent en bois, & qui sert à commencer à le percer. Il y a des tarières de plusieurs sortes de grosseurs, dont les plus petites s’appellent des amorcoirs.

AMORGO, MORGO, MORGOS. Île de l’Archipel. Amorgus. Elle est entre Naxi & Stampalie. C’est la patrie de Simonides.

AMORIUM. Ville autrefois considérable de l’Asie mineure, ou d’Anatolie. Amorium. Elle étoit dans la Phrygie. Elle fut détruite par les Sarazins, vers le milieu du IXe siècle.

AMORRHÉEN, ENNE. s. m. & f. Amorrhæus. Peuple descendu d’Amorrhée. Amorrhæus, fils de Chanaan. Gen. X, 15. Les Amorrhéens étoient divisés en deux parties. Les uns habitoient les montagnes de la terre de Chanaan ; les autres s’étoient établis au-delà du Jourdain, & y avoient fondé deux royaumes, celui de Basan & celui d’Hésébon. Moyse ayant vaincu ceux-ci, donna leur pays aux Tribus de Gaad, de Ruben, & à la moitié de la Tribu de Manassès.

☞ AMORTIR. v. a. Affoiblir, diminuer la violence de quelque chose, faire perdre de la force. Infringere. La natte d’un jeu de paume amortit le coup de la balle & empêche sa réflexion. On garnit un sautereau d’épinette d’un morceau d’étoffe, pour amortir le son de la corde.

Amortir. Rendre moins violent, moins ardent, éteindre une chose allumée. Extinguere, restinguere. Cet incendie a été grand, il a fallu de l’eau pour l’amortir. Amortir le feu d’un érésipèle avec de l’oxycrat.

☞ Il se dit souvent avec le pronom personnel. L’ardeur de la fièvre s’amortit par la saignée. Extingui, restingui.

☞ Il se dit aussi des couleurs, pour signifier, en diminuer la vivacité, l’éclat, par des couleurs sombres, ou autrement. Ces couleurs sont un peu trop vives & trop dures, il faut les amortir par d’autres plus douces.

☞ On le dit aussi des herbes, pour signifier, en diminuer la force, l’amertume. Amortir des herbes, c’est les laisser dans l’eau chaude autant de temps qu’il en faut pour leur ôter leur verdeur, sans les faire cuire. Il s’emploie plus ordinairement dans le neutre. Faire amortir des herbes.

AMORTIR. Terme de Pratique. Consentir que des gens de main-morte possèdent des fiefs, moyennant le dédommagement des avantages que le Seigneur en tireroit s’ils demeuroient dans le commerce. Jure caduci prædium exsolvere. Il n’y a que le Roi qui puisse amortir des fiefs. Les fiefs amortis ne doivent plus rien au Roi.

Amortir la foi & hommage, signifie prendre abonnement du Seigneur, c’est-à-dire, décharger de la foi & hommage, à la charge de quelqu’autre redevance ou droits annuels & perpétuels. Nous avons quelques Coutumes où ces abonnemens sont en usage, comme celles d’Anjou, du Maine, & autres.

Amortir, signifie aussi, éteindre, racheter une rente, une pension, une dette. Annuæ pensignis obligatione se se exsolvere. On fait souvent revivre des rentes qui ont été amorties ou rachetées. Il est permis d’amortir à prix d’argent une pension sur un bénéfice, parce que c’est une chose temporelle.

Amortir, est un terme de Coutume, qui veut dire, donner son bien à quelqu’un, à condition d’en être nourri jusqu’à la mort. Lauriére sur Rag.

Amortir. Terme de Boyaudier. Faire tremper les boyaux dans le chaudron, à mesure qu’ils sont lavés, pour les amollir un peu, & les disposer à recevoir le dégraissage.

Amortir, se dit figurément en Morale. Extinguere, restinguere. L’âge amortit les plus violentes passions, amortit l’ardeur de la jeunesse, c’est-à-dire, rend les passions moins vives, moins ardentes. Son amour est fort amorti ; pour dire, s’est fort ralenti. Le temps amortit les afflictions. Pasq. Les Saints nourrissoient là (aux pieds du Crucifix) leur piété, y allumoient leur ferveur, y amortissoient le feu de leurs passions. Bourdal. Exh. II, p. 205.

AMORTI, IE. part. Extinctus, infractus.

AMORTISSABLE. adj. Qui se peut amortir. C’est un terme de Coutume. Rente amortissable. Fundus annui debiti solutione eximendus. Cens amortissable.

AMORTISSEMENT, s. m. Terme de Jurisprudence. Est une grâce ou concession que le Roi fait par lettres patentes aux gens de main-morte, comme Eglises & Communautés, de tenir des fiefs & héritages à perpétuité, sans être obligés de les mettre hors de leurs mains, moyennant une somme qu’on lui paye pour le dédommager des profits & confiscations qui lui appartiendroient dans les mutations qui se feroient, s’ils demeuroient dans le commerce ordinaire. Exemptio caduca, liberatio à caducitate. Ce règlement est imité de la Loi Papiria, par laquelle il étoit défendu de consacrer aucun fonds sans le consentement du peuple, de peur que les biens ne sortissent peu à peu du commerce des hommes. Le Roi, en se relâchant en faveur des Communautés ecclésiastiques, où laïques, & en leur permettant d’acquérir, en a exigé un tribut ; en conséquence duquel ils ne peuvent être contraints d’aliéner, & de se dessaisir de l’héritage, soit fief, franc-alleu, ou roture. Par les anciennes constitutions du royaume, les Eglises & les Couvents ne pouvoient posséder aucun fonds, & il ne leur étoit pas permis de prendre part aux biens temporels. Les Ecclésiastiques troublés par les Seigneurs, pour les forcer à se dessaisir de leurs acquisitions, adresserent leur plainte au Pape Alexandre IV. S. Louis, pour déférer au Pape, trouva cette expédient ; il leur accorda la grâce d’acquérir des fonds, en lui payant une somme qu’il crut assez grosse pour les retenir, & pour les empêcher de faire beaucoup d’acquisitions au préjudice du bien de son royaume. Il voulut aussi qu’ils dédommageassent les Seigneurs. Ainsi l’Amortissement est dû au Roi, & l’indemnité au Seigneur immédiat dont releve le fief. Les droits d’amortissement sont arbitraires, & se taxent par le Roi. Il y a une Chambre des franc-fiefs & amortissemens. Le droit d’amortissement dû au Roi par les gens de main-morte ne se prescrit point par quelque temps que ce soit, parce que c’est un droit de la Couronne, Voyez Louet, Le Maître, Baquet, & Jouet dans sa Bibliothèque des Arrêts.

Amortissement, signifie aussi extinction, rachat. L’amortissement d’une rente se fait en remboursant le sort principal. Pensionis annuæ abolitio.

Amortissement, signifie aussi, adoucissement d’une douleur, d’une inflammation. Extinctio, restinctio, repressio, hebetatio. Les Médecins saignent pour procurer l’amortissement de l’ardeur de la fièvre. Si cet emplâtre ne guérit pas, il cause du moins l’amortissement de la douleur, dans ce sens il est peu usité.

Amortissement. Terme d’Architecture. C’est la même chose que Couronnement ; & c’est ce qui finit & termine quelque ouvrage au haut d’un bâtiment, ou d’une menuiserie, ou d’une corniche, comme quelque vase, ou quelque figure, & généralement tout ce qui fait saillie, ou ornement en cet endroit-là. Acrotérion. Les ouvriers appellent Chapiteau l’amortissement, ou le couronnement d’un miroir, d’un tableau, &c.

Tous ces mots viennent de mors, mort, qui est la fin, & le terme de toutes choses, & dont par métaphore l’on a tiré ces mots, qui signifient fin & terme ; car amortir n’est proprement autre chose que mettre à fin, faire finir, terminer.

AMOS. s. m. C’est le troisième des petits Prophètes, qui prophétisa tous le règne d’Osias, Roi de Juda, & de Jéroboam, deuxième Roi d’Israël. Il prédit la captivité des Israélites, & les malheurs des ennemis du peuple de Dieu. Le Sacrificateur Amasias le fit mourir.

AMOSA. Ville de la terre promise, dans la tribu de Benjamin. Amosa.

AMOVIBILITÉ. s.f qualité de ce qui est amovible. Destitutionis, abrogationis meritum. Amovibilité des Chapelains pour cause d’absence sans congé. Bronod. Mémoire pour le Chapitre de S. Germain l’Auxerrois. Dans les Eglises cathédrales ou collégiales du royaume, où il y a des bénéfices affectés aux Chantres ou Vicaires Choristes, ces sortes de Bénéficiers peuvent être destitués pour cause d’absence sans congé & permission. Les usages & les règlemens de ces Eglises conviennent tous en ce point essentiel & décisif, que pour la destitution de ces Bénéficiers, elles ne sont point assujetties aux délais & aux formalités prescrites par le Droit & les saints Canons pour la privation des bénéfices ordinaires. Id. Ces Sentences confirment l’amovibilité de leurs chapelles dans le cas d’absence sans congé. Id.

AMOVIBLE. adj. de t. g. Mobilis, qui potest ex officio amoveri. Terme ecclésiastique, qui se dit de celui qu’on établit en quelque charge ou emploi, par commission, ou pour un temps seulement, & qui peut être révoqué & destitué, quand il plaît au Supérieur. Les Vicaires des Paroisses n’ont pas une charge ou un bénéfice en titre, ils sont amovibles ad nutum, toutes fois & quantes il plaît aux Curés. Tous les Obédienciers ou Religieux qu’on envoie desservir un bénéfice, sont amovibles.

Ce mot vient du verbe latin amovere, qui se dit pour signifier, ôter d’un lieu, d’une place, d’un poste, d’une charge que l’on occupoit. On en a formé le mot barbare amobilis, d’où s’est fait amobile, & ensuite amovibleQui amoveri potest.

☞ AMOUL. Ville de Perse. Voyez Amol.

AMOUN. Voyez. Ammon.

AMOUQUE. s. m. Terme de Relation. C’est le nom des Gouverneurs, ou Pasteurs des Chrétiens de S. Thomas dans les Indes. Præfectus, ou Pastor Christianorum S. Thomæ. Ce nom est Indien.

☞ AMOUR. s. autrefois fém. aujourd’hui masculin au singulier, & féminin au pluriel, en Poësie Amor. Sentiment par lequel le cœur se porte vers ce qui lui paroît aimable, & en fait l’objet de ses affections & de ses désirs. Amour en général signifie toute affection qui a son principe dans la nature, & qui entraîne le cœur, pour ainsi dire malgré lui, vers l’objet aimé. C’est enfin une complaisance dans cet objet : telles que sont la tendresse des amans, celle des époux, l’amour filial, & plus encore le paternel.

L’usage a déterminé ce terme à signifier plus particulièrement la forte sympathie que conçoivent des personnes d’un sexe pour celles de l’autre. Les sens en forment le nœud. C’est une passion inquiète & tumultueuse. Il ne peut subsister sans un mouvement continuel, aussi bien que le feu. Il s’éteint dès qu’il cesse d’espérer ou de craindre. L’Amour est une envie cachée & délicate, de posséder ce que l’on aime. de la Rochef.

On ne peut long-temps cacher l’Amour où il est, ni le feindre où il n’est pas. Id. L’Amour est l’enfant du loisir. Comme un de nos Auteurs a dit qu’il en est un de l’Amour comme de la petite vérole, qui est bien moins dangereuse quand on est jeune que dans un âge plus avancé.

Il n’y a point d’Amour sans estime : car nous ne pouvons nous défendre de trouver du prix aux choses qui nous plaisent, & notre cœur en grossit le mérite. Si les attraits qui nous charment, font plus d’impression sur les sens que sur l’ame, ce n’est point de l’Amour, c’est un appétit corporel. Il est du véritable Amour comme de l’apparition des esprits ; tout le monde en parle, peu de gens en ont vu. de la Rochef.

Amour, Galanterie, synonymes. L’Amour dit M. l’Abbé Girard, est plus vif que la galanterie : il a pour objet la personne : fait qu’on cherche à lui plaire dans la vûe de la posséder, & qu’on l’aime autant pour elle-même que pour soi : il s’empare brusquement du cœur, & doit sa naissance à un je ne sais quoi d’indéfinissable, qui entraîne les sentimens & arrache l’estime avant tout examen & sans aucune information. La galanterie est une passion plus voluptueuse que l’amour : elle a pour objet le sexe ; fait qu’on noue des intrigues dans le dessein de jouir, & qu’on aime plus pour sa propre satisfaction que pour celle de sa maîtresse ; elle attaque moins le cœur que les sens ; doit plus au tempérament & à la complexion qu’au pouvoir de la beauté, dont elle démêle pourtant le détail, & en observe le mérite avec des yeux plus connoisseurs ou moins prévenus que ceux de l’amour.

☞ L’un a le pouvoir de rendre agréables à nos yeux les personnes qui plaisent à celle que nous aimons pourvû qu’elles ne soient pas du nombre de celles qui peuvent exciter notre jalousie. L’autre nous engage à ménager toutes les personnes qui sont capables de servir ou de nuire à nos desseins, jusqu’à notre rival même, si nous voyons jour à pouvoir en tirer avantage.

☞ Le premier ne laisse pas la liberté du choix : il commande d’abord en maître, & règne ensuite en tyran, jusqu’à ce que ses chaînes soient usées par la longueur du temps, ou qu’elles soient brisées par l’effort d’une raison puissante, ou par le caprice d’un dépit soutenu.

☞ La seconde permet quelquefois qu’une autre passion décide de la préférence : la raison & l’intérêt lui servent souvent de frein ; & elle s’accommode aisément à notre situation & à nos affaires.

l’Amour nous attache uniquement à une personne, & lui livre notre cœur sans aucune réserve ; en sorte qu’elle le remplit entièrement, & qu’il ne nous reste que de l’indifférence pour toutes les autres, quelque beauté & quelque mérite qu’elles aient. La galanterie nous entraîne généralement vers toutes les personnes qui ont de la beauté ou de l’agrément, nous unit à celles qui répondent à nos empressemens & à nos désirs ; de façon cependant qu’il nous reste encore du goût pour les autres.

☞ Il semble que l’amour se plaise dans les difficultés : bien loin que les obstacles l’affoiblissent, ils ne servent d’ordinaire qu’à l’augmenter : on en fait toujours une de ses plus sérieuses occupations. Pour la galanterie, elle ne veut qu’abréger les formalités : le facile l’emporte souvent chez elle sur le difficile : elle ne sert quelquefois que d’amusement. C’est peut-être pour cette raison qu’il se trouve dans l’homme un fond plus inépuisable pour la galanterie que pour l’amour : car il est rare de voir un premier amour suivi d’un second ; & je doute qu’on ait jamais poussé jusqu’à un troisième : il en coûte trop au cœur pour faire souvent de pareilles dépenses : mais les galanteries sont quelquefois sans nombre, & se succèdent jusqu’à ce que l’âge vienne en tarir la source.

☞ Il y a toujours de la bonne foi en amour ; mais il est gênant & capricieux ; on le regarde aujourd’hui comme une maladie ou comme foiblesse d’esprit. Il entre quelquefois un peu de friponnerie dans la galanterie ; mais elle est libre & enjouée ; c’est le goût de notre siècle.

l’Amour grave dans l’imagination, l’idée flatteuse d’un bonheur éternel, dans l’entière & constante possession de l’objet qu’on aime : la galanterie ne manque pas d’y peindre l’image agréable d’un plaisir singulier, dans la jouissance de l’objet qu’on poursuit : mais ni l’un ni l’autre ne peint alors d’après nature ; & l’expérience fait voir que leurs couleurs, quoique gracieuses, sont souvent trompeuses. Toute la différence qu’il y a, c’est que l’amour étant plus sérieux, on est plus piqué de l’infidélité de son pinceau ; & que le souvenir des peines qu’il a données, sert, en les voyant si mal récompensées, à nous dégoûter entièrement de lui ; au lieu que la galanterie étant plus badine, on est moins sensible à la tricherie de ses peintures ; & la vanité qu’on a d’être venu à bout de ses projets, console de n’avoir pas trouvé le plaisir qu’on s’étoit figuré.

En Amour, c’est le cœur qui goûte principalement le plaisir : l’esprit y sert en esclave sans se regarder lui-même ; & la satisfaction des sens y contribue moins à la douceur de la jouissance qu’un certain contentement dans l’intérieur de l’ame, que produit la douce idée d’être en possession de ce qu’on aime, & d’avoir les plus sensibles preuves d’un tendre retour. En galanterie, le cœur moins vivement frappé de l’objet ; l’esprit plus libre pour se replier sur lui-même, & les sens plus attentifs à se satisfaire, y partagent le plaisir avec plus d’égalité ; la jouissance y est plus agréable par la volupté que par la délicatesse des sentimens.

☞ Lorsqu’on est trop tourmenté par les caprices de l’amour, on travaille à se détacher, & l’on devient indifférent. Quand on est trop fatigué par les exercices de la galanterie, on prend le parti de se reposer, & l’on devient sobre.

☞ L’excès fait dégénérer l’amour en jalousie, & la galanterie en libertinage. Dans le premier cas, on est sujet à se troubler la cervelle. Dans le second, on est en danger de perdre la santé.

l’Amour ne messied pas aux filles ; mais la galanterie ne leur convient nullement, parce que le monde ne leur permet que de s’attacher & non de se satisfaire. Il n’en est pas ainsi à l’égard des femmes ; on leur passe la galanterie ; mais l’amour leur donne du ridicule. Il est à sa place qu’un jeune cœur se laisse prendre d’une belle passion ; le spectateur naturellement touché, s’intéresse assez volontiers à ce spectacle, & par conséquent n’y trouve point à blâmer. Au lieu qu’un cœur soumis au joug du mariage, qui cherche encore à se livrer à une passion aussi tyrannique qu’aveugle, lui paroît faire un écart digne de censure ou de risée. C’est peut-être par cette raison qu’une fille peut, avec l’amour le plus fort, se conserver encore la tendre amitié de ceux de ses amis qui se bornent aux sentimens que produisent l’estime & le respect ; & qu’il est bien difficile qu’une femme mariée, qui s’avise d’aimer quelqu’un de ce tendre & parfait amour, n’éloigne ses autres amis, ou qu’elle ne perde beaucoup de l’estime & de l’attachement qu’ils avoient pour elle. Cela vient de ce que, dans la première circonstance, l’Amour parle toujours son ton, & jamais ne prend celui de la simple amitié ; ainsi les amis ne perdant rien de ce qui leur est dû, ne sont point, alarmés de ce qu’on donne à l’amant : mais dans la seconde circonstance l’amour parle & se conduit sur l’un ou l’autre ton ; l’amant fait l’ami ; de façon que les autres, s’ils ne sont écartés, sentent du moins diminuer la confiance, voient changer les manières, & ont leur part de l’indifférence universelle qui naît de ce nouvel attachement ; ce qui suffit pour leur donner de justes alarmes ; de plus leur amitié est délicate, noble & fondée sur l’estime, plus ils sont touchés de se voir ôter ce qu’ils méritent, pour être accordé le plus souvent à un étourdi, que l’amour peint comme sage aux yeux d’une folle.

☞ On a dit que l’amour étoit propre à conserver les bonnes qualités du cœur, mais qu’il pouvoit gâter l’esprit ; & que la galanterie étoit propre à former l’esprit, mais qu’elle pouvoit gâter le cœur. L’usage du monde justifie cet axiome en ce qui regarde l’esprit ; l’amour lui ôtant & la liberté & le discernement, au lieu que la galanterie en fait jouer les ressorts. Pour le cœur, c’est toujours le caractère personnel qui en décide. Ces deux passions s’y conforment dans les divers sujets qui en sont atteints ; & si l’une avoit du désavantage à cet égard, ce seroit sans doute l’amour, parce qu’étant plus violent que la galanterie, il excite plus de vindication contre ceux qui le barrent, ou qui lui occasionnent du mécontentement ; & qu’étant aussi plus personnel, il fait agir avec plus d’indifférence envers tous ceux qui n’en font point l’objet ou qui ne le flattent pas. La preuve en est dans l’expérience. On voit assez ordinairement une femme galante caresser son mari de bonne grâce & ménager ses amis ; au lieu que ceux-ci deviennent insipides, & le mari un objet d’aversion à une femme prise dans les filets de l’amour. On voit aussi plus de choix dans la galanterie ; c’est toujours ou la figure, ou l’esprit, ou l’intérêt, ou les services, ou la commodité du commerce qui déterminent. Mais dans l’amour toutes ces choses manquent quelquefois à l’objet auquel on s’attache ; & ses liens sont alors comme des miracles, dont la cause est également invisible & impénétrable,

☞ Les anciens plaçoient le siège de l’Amour dans le foie, comme nous dans le cœur.

Le P. le Moine, dans sa Dissertation sur le Poëme Héroïque, a donné des règles pour les amours que l’on fait entrer dans un Poëme. Il veut 1°. Qu’on le renferme dans les épisodes, sans leur permettre pour quoi que ce soit, d’entrer dans l’action principale. 2°. Les amours qui entrent dans le Poëme, doivent être des amours de héros & d’héroïnes, & non pas des amours de coquets & de coquettes. 3°. Qu’il n’y ait rien que de bienséant & de modeste.

L’amour, fait faire des choses bien extraordinaires. En 1226, le Comte de Champagne devint amoureux de Blanche de Castille mere de S. Louis. Pour elle, il perdit Montereau Faut-Yone, Nogent & plusieurs autres places ; ensuite de quoi il se retira à Provins, pour faire des vers & des chansons amoureuses. Mezeray. De Rochef.

☞ On dit d’une femme laide, que c’est un remède d’amour.

☞ On dit qu’un jeune homme fait l’amour à une fille, quand il la recherche en mariage ; & en mauvaise part, qu’il s’est marié par amour, c’est à-dire, désavantageusement, & par l’emportement d’une aveugle passion.

☞ On dit familièrement à une femme, m’amour. En ce cas amour est féminin.

☞ On dit proverbialement, tout par amour, & rien de force. Et pour l’amour de Dieu, c’est-à dire, dans la seule vue de plaire à Dieu ; & dans le discours familier, pour dire, sans aucun intérêt. On dit aussi pour l’amour de quelqu’un, par la considération, par l’affection qu’on a pour lui. Causá, gratiá alicujus.

Amours, se dit au pluriel, pour signifier l’objet qu’on aime avec passion. Être avec ses amours, quitter ses amours. Dans ce sens on dit proverbialement, qu’il n’y a point de belles prisons, ni de laides amours.

☞ On dit encore froides mains, chaudes amours ; pour dire, que la fraîcheur des mains marque d’ordinaire un tempérament chaud.

Amours, se dit encore au pluriel, Amores, de tout ce qu’on aime avec passion. Les livres, les tableaux sont ses amours.

Le mot d’amour étant joint avec divers termes, précédés des particules, de, du, des, reçoit divers sens, selon les divers termes avec lesquels il se joint. Quelquefois la particule de, dont il est suivi, sert à marquer de quelle nature est l’amour dont on parle ; & en ce sens, on dit amour de bienveillance, &c. Souvent ces particules servent à marquer l’objet vers lequel l’amour se porte. Ainsi on dit, l’amour de Dieu, &c. Enfin ces mêmes particules servent aussi à marquer le sujet dans lequel l’amour réside. Ainsi on dit l’amour des pères, l’amour des peuples, &c. Acad. Fr.

L’amour des peuples n’est jamais une preuve équivoque des vertus des Rois. Quand les Rois sont aimés, ils méritent de l’être. L’amour qu’on a pour eux, est l’enfant de l’amour-propre ; il est intéressé, & n’est point aveugle. Mongin.

On demande s’il faut dire Divin amour, ou Amour divin. L’un & l’autre sont bons ; mais dans une apostrophe que l’on feroit à l’amour divin, divin amour paroît mieux. L’amour divin, ou l’amour de Dieu, est celui qui a Dieu pour objet. Il est ou naturel, ou surnaturel. L’amour de Dieu naturel est celui par lequel on aime Dieu comme Auteur de la nature, & par les seules forces de la nature ; l’amour de Dieu surnaturel, est celui par lequel en aime Dieu comme Auteur de la grâce, & par le secours de la grâce. L’amour de Dieu est amour pur, quand on aime Dieu pour ses perfections infinies sans rapport à nous. On l’appelle aussi amour de charité. L’amour de Dieu intéressé, ou l’amour d’espérance, est celui par lequel on aime Dieu, comme bon par rapport à nous, à cause des biens qu’il nous a faits, & de ceux que nous en attendons. L’acte d’amour pur est très-parfait & très-méritoire ; mais l’état d’amour pur, c’est-à-dire, un état où l’on n’agiroit jamais que par amour pur, ne se peut admettre en cette vie, même dans les ames les plus saintes, parce qu’il excluroit l’espérance & les autres vertus. Amour de complaisance, c’est l’amour pur. Amour de bienveillance, est celui par lequel on souhaite du bien à l’objet aimé ; à Dieu, par exemple, que son saint nom soit connu & béni, qu’il ne soit point offensé. Amour de reconnoissance, c’est l’amour que l’on porte pour les biens que l’on a reçus de l’objet aimé, ou que l’on en espère. Amour affectif, amour effectif, amour appréciatif. Voyez ces épithètes en leur place. Le premier & le plus grand précepte du décalogue, est celui de l’amour de Dieu.

Amour-propre. Suî amor, philautia. Forte affection que la pure nature nous inspire pour nous-mêmes. Rien de si impétueux que ses désirs, rien de si caché que ses desseins, rien de si habile que sa conduite. Rochef. L’amour-propre est le plus grand de tous les flatteurs. Id. Dieu ne commande point d’étouffer absolument l’amour-propre ; au contraire l’amour de nous-mêmes est renfermé dans le précepte de Jésus-Christ, d’aimer notre prochain comme nous-mêmes. L’amour-propre entre essentiellement dans l’exercice des vertus, & une bonne action n’est qu’une manière de s’aimer, plus noble que les autres. Abad. Dieu intéresse l’amour-propre par ses promesses & par ses menaces ; & bien loin de le condamner, il en tire des motifs pour nous porter à la sanctification. Id. L’amour-propre trahit ses intérêts à force d’être intéressé. S. Evr. Un amour désintéressé est une chimère : on n’aime que pour l’amour de soi-même. M. Scud. L’amour-propre nourrit avec complaisance une idée de nos perfections, qui est comme son idole, ne pouvant souffrir ce qui choque cette idée, comme le mépris & les injures, & recherchant au contraire avec passion tout ce qui la flatte & la grossit, comme l’estime & les louanges. Abad. L’amour-propre est la source en nous de tous les autres : lui seul allume, éteint & change nos désirs. Corn.

L’amour-propre a souvent des routes inégales :
S’il fait votre dérèglement,
Il est aussi le fondement
De toutes les vertus morales. Ab d’Hally.

☞ Quelques Ecrivains ont distingué l’amour-propre de l’amour de nous-mêmes. Avec l’amour de nous-mêmes, disent-ils, on cherche hors de soi son bonheur ; on s’aime hors de soi davantage, que dans son existence propre : on n’est point soi-même son objet. L’amour-propre au contraire surbordonne tout à ses commodités & à son bien être : il est à lui-même son objet & sa fin ; de sorte qu’au lieu que les passions qui viennent de l’amour de nous-mêmes, nous donnent aux choses, l’amour-propre veut que les choses se donnent à nous, & se fait le centre de tout. Quoiqu’il en soit, que cette distinction soit fondée, ou non, l’amour de nous-mêmes ne peut pêcher qu’en excès, en direction. Son dérèglement consiste en ce que nous nous aimons trop, ou en ce que nous nous aimons mal, ou dans l’un & l’autre de ces défauts joints ensemble.

L’amour de nous-mêmes ne pêche point en excès, puisqu’il est permis de s’aimer tant qu’on veut, quand on s’aime bien. En effet, s’aimer soi-même, c’est désirer son bien, craindre son mal, chercher son bonheur. S’il arrive qu’on désire trop, qu’on craigne trop, qu’on s’attache à son plaisir, ou à ce qu’on regarde comme son bonheur, avec trop d’ardeur : alors l’excès vient du défaut qui est dans l’objet de nos passions, & non pas de la trop grande mesure de l’amour de nous-mêmes ; puisque nous pouvons, & nous devons même désirer sans bornes la souveraine félicité, craindre sans bornes la souveraine misère, & qu’il y auroit même du dérèglement à n’avoir que des désirs bornés pour un bien infini.

☞ Cette insatiable avidité du cœur de l’homme étoit nécessaire, afin qu’il se trouvât par-là disposé à chercher Dieu. Soit qu’on le regarde comme son souverain bien, soit qu’on se le représente comme un être infiniment parfait ; toujours est-il certain que l’amour qu’on a pour lui ne doit pas être limité ; & c’est à fin que l’homme fût capable en quelque sorte de la possession de ce bien infini, que le créateur a mis une espèce d’infinité dans ses connoissances & dans ses actions. Si cette infinité n’est pas dans l’acte, elle est dans la disposition du cœur naturellement insatiable.

☞ Si nous nous aimions nous-mêmes par raison, l’amour de nous-mêmes pourroit être dans notre cœur dans une mesure limitée, car nous ne trouvons point une infinité de raisons dans notre esprit pour nous aimer : mais nous nous aimons par sentiment, & il n’est pas concevable que nous puissions sentir quelque plaisir & quelque joie, sans aimer nécessairement ce soi-même qui en est le sujet ; comme il y a une variété infinie & une infinité de degrés différens dans la joie que nous pouvons goûter, il n’y a point de mesure dans le désir du bonheur, dans lequel cette joie entre essentiellement, ni par conséquent dans l’amour de nous-mêmes, qui est le principe de ce désir.

☞ La mesure de l’amour de soi-même, & ces désirs qui sont comme infinis, sont les seuls liens qui attachent l’homme à Dieu, puisque des désirs modérés ne peuvent lier le cœur de l’homme qu’avec des créatures, & que ce n’est point Dieu qu’on aime, mais un fantôme qu’on se forme à la place de Dieu, quand on l’aime médiocrement.

☞ C’est donc une folie d’opposer l’amour de nous-mêmes à l’amour divin, quand celui là est bien réglé. Car qu’est-ce que s’aimer soi-même comme il faut ? C’est aimer Dieu. Et qu’est-ce qu’aimer Dieu ? C’est s’aimer soi-même comme il faut. L’amour de Dieu est le bon sens de l’amour de nous-mêmes, c’en est l’esprit & la perfection. Quand l’amour de nous-mêmes se tourne vers d’autres objets, il ne mérite pas d’être appelé amour : il est plus dangéreux que la plus cruelle haine. Mais quand l’amour de nous-mêmes se tourne vers Dieu, il se confond avec l’amour divin.

☞ Prenons pour exemple les bienheureux, qui sans doute ne s’aiment point trop, ni trop peu, puisqu’ils sont dans un état de perfection. Je demande, dit Abadie, s’ils peuvent aimer Dieu sans bornes, sans sentir la joie de possession ; & je demande ensuite si l’on peut sentir de la joie sans s’aimer soi-même, à proportion du sentiment qu’on en a.

☞ Il paroît donc que le mal n’est pas en ce que nous nous aimons trop, puisque nous pouvons nous aimer tant que nous voudrons, quand nous nous aimerons par rapport au souverain bien ; mais que le dérèglement consiste en ce que nous nous aimons mal, c’est-à-dire, par rapport à de faux objets. L’amour de nous-mêmes est innocent en soi : il est corrompu, quand il se tourne vers les créatures, & saint quand il se tourne vers Dieu.

L’Amour-propre est le principe général de toutes nos affections & de tous nos mouvemens. Si nous désirons, si nous craignons, si nous espérons, c’est toujours pour l’amour de nous-mêmes. A la vérité l’affection que nous avons pour les autres fait quelquefois naître nos désirs, nos craintes & nos espérances ; mais le principe de cette affection est l’amour de nous-mêmes. Considérez bien toutes les sources de nos amitiés, & vous trouverez qu’elles se réduisent à l’intérêt, la reconnoissance, la proximité, la sympathie & une convenance délicate que la vertu a avec l’amour de nous-mêmes, qui fait que nous croyons l’aimer pour elle-même, quoique nous l’aimions, en effet, pour l’amour de nous ; & que tout cela se réduit à l’amour de nous-mêmes.

Amour conjugal. Amor conjugum, conjugalis, ou conjugialis. L’amour conjugal a été représente par Alciat en ses emblèmes, par deux corneilles, dont l’amitié est inséparable, & pendant la vie & à la mort, selon Elien, L. 3, C. 9, Hist. de Roch. S. Chrysostôme dit que le cœur est le symbole de l’amour conjugal. Il meurt par la moindre division des parties.

☞ Les caractères de l’amour conjugal ne sont point équivoques. Un mari a joui : la jouissance est la pierre de touche de l’amour. Le véritable y puise de nouveaux feux ; mais le frivole s’y éteint. Ce n’est que pour les libertins & les hommes déraisonnables, que le mariage devient le tombeau de l’amour. Je veux que l’amour soit plutôt la suite que le motif du mariage. Je veux un amour produit par la raison, un amour où nous fassions entrer la connoissance & le goût de nos devoirs.

☞ Je ne crois pas qu’il soit plus difficile de continuer à être heureux dans le mariage, que de le devenir par le secours des précautions qui doivent le précéder. Il est vrai que rien n’est plus saint ni plus rare que d’aimer sa femme : mais si le plaisir est conforme à la loi, il en est plus pur ; & s’il est rare, il en est plus exquis. On peut même ajouter, sans craindre la raillerie, que le plaisir d’aimer sa femme est sans contredit le plus flatteur de tous les plaisirs. L’amour propre même trouve son compte à respecter toujours le choix qu’il a fait.

Amour paternel & filial. Nous aimons nos enfans, parce qu’ils sont nos enfans. S’ils étoient les enfans d’un autre, ils nous seroient indifférens. Ce n’est donc pas eux que nous aimons, mais la proximité qui nous lie avec eux. Il est bien vrai que les enfans n’aiment pas tant leurs peres, que les peres aiment leurs enfans, quoique ces deux affections paroissent fondées sur la même raison de proximité ; mais cette différence vient d’ailleurs. Les enfans se voient mourir dans la personne de leurs peres, & les peres au contraire, se voient revivre dans la personne de leurs enfans. Or la nature nous inspire l’amour de la vie & la haine de la mort.

☞ D’ailleurs, les peres voyant dans leurs enfans d’autres eux-mêmes soumis & dépendans, ils se félicitent de les avoir mis au monde. Ils les considèrent avec plaisir, parce qu’ils les considèrent comme leur ouvrage. Ils sont ravis d’avoir des droits sacrés & inviolables sur eux. C’est là leur magistrature, leur royauté, leur empire. Mais le même orgueil qui fait que les peres aiment la supériorité, fait haïr aux enfans la dépendance. Rien ne nous accable tant qu’un bienfait, quand il est trop grand, parce qu’il nous assujettit trop. Nous le regardons comme une chaîne délicate, mais forte, qui lie notre cœur & qui contraint notre liberté. C’est le mystère caché dans la maxime connue : le sang ne remonte jamais.

Amour du prochain. L’amour que nous avons pour nous-mêmes, est la mesure & la règle de celui que nous devons avoir pour notre prochain. S’aimer soi-même, c’est désirer son bien, craindre son mal, rechercher son bonheur. L’amour du prochain nous impose les même devoirs par rapport aux autres. C’est de tous les sentimens le plus juste, & en même temps celui qui tourne le plus à notre profit.

☞ Non-seulement la proximité est une source d’amitié ; mais encore nos affections varient selon le degré de la proximité que nous avons avec les personnes qui en sont l’objet. La qualité d’hommes que nous portons, fait cette bienveillance générale que nous appelons humanité. Homo sum, humani à me nihil alienum puto. Il est certain que, s’il n’y avoit que deux personnes au monde, elles s’aimeroient avec tendresse : mais cette proximité générale se confondant avec ce nombre infini de relations différentes que nous avons les uns avec les autres, il arrive aussi que cette affection naturelle qu’elle avoit fait naître, se perde dans la foule des passions que tant d’autres objets produisent dans notre cœur. Nous ne voyons point dans notre prochain la qualité d’homme par laquelle il nous ressemble, pendant que nous voyons en lui un rival, un envieux, un homme ennemi de notre prospérité, comme nous le sommes de la sienne ; un orgueilleux qui n’estime que lui-même, un homme qui par ses bonnes qualités attire l’estime & l’attention des autres, & nous jette dans l’oubli & dans l’obscurité, ou qui par ses passions est occupé à nous tendre des pièges, & à entreprendre sur ce qui nous appartient. Mais quand la mort l’a dépouillé de ces relations odieuses, nous trouvons en lui cette proximité générale qui nous le faisoit aimer, nous souvenant qu’il étoit homme, seulement quand il a cessé de l’être.

☞ La proximité de la nation s’affoiblit dans le même pays par le nombre de ceux qui la partagent ; mais elle se fait sentir quand deux ou trois personnes originaires d’un même pays se rencontrent dans un climat étranger. Alors l’amour de nous-mêmes, qui a besoin d’appui & de consolation, & qui en trouve dans ceux qu’un pareil intérêt & une semblable proximité doit mettre dans la même disposition, ne manque jamais de faire une attention perpétuelle à cette proximité, si un fort motif pris de son intérêt ne l’en empêche. Voyez Amitié, Reconnoissance, Intérêt. Abad.

☞ A l’égard du prochain, ce seroit assez pour nous mouvoir, que l’équité naturelle ; mais nous croyons être quitte des devoirs de l’équité, quand nous ne faisons point de mal. Sur ce principe, le prochain seroit mal secouru.

☞ Cette grande règle de traiter les autres comme nous voudrions en être traités nous-mêmes, est la règle de tous les hommes : il ne faut pour cela qu’un esprit de justice. Notre intérêt d’ailleurs y est attaché.

Amour. On dit en parlant des animaux, qu’ils sont en amour ; pour dire, qu’ils sont en chaleur. Une biche, une chienne en amour.

☞ En Fauconnerie, on dit voler d’amour, en parlant des oiseaux qu’on laisse voler en liberté, afin qu’ils soutiennent les chiens.

Dans les arts libéraux, travailler un ouvrage avec soin, le rechercher, le finir, c’est ce qu’on appelle peindre, dessiner, graver avec amour. Félibien a dit, en parlant des portraits : non-seulement il faut les dessiner savamment, mais les peindre avec beaucoup de soin & d’amour. On dit aussi peindre en amour.

☞ On dit encore qu’une toile a de l’amour, pour dire, qu’elle a un petit duvet qui la rend propre à recevoir la colle & à s’attacher fortement à la couleur.

Amour, en Mythologie, se prend encore pour la Divinité fabuleuse des Païens, qu’ils s’imaginoient présider à l’amour. Ils disoient que l’amour exerçoit son empire sur tout le monde, & qu’il inspiroit aux deux sexes une inclination mutuelle. C’étoit l’ame de la nature par qui tout agit, tout respire, tout se renouvelle & se perpétue. On a travesti l’amour en Dieu pour excuser le vice. Port-R. L’Amour est tout nu. Les flambeaux de l’Amour, les flèches de l’Amour, le bandeau de l’Amour. L’Amour est aveugle. On représente l’Amour comme un enfant, parce qu’il n’est jamais sage, & qu’au contraire il est toujours badin & indiscret. S. Evr. On lui donnoit plusieurs freres, & c’est en ce sens qu’on dit, pour désigner tous les petits agrémens qui naissent de la beauté, les jeux, les ris, les amours, & les grâces. Gratiæ, veneres, lepores. Venus est la mère des Amours. Les amours ne se pressent plus guère autour d’elle, & je ne voudrois point essuyer la honte de porter les derniers encens sur un autel qui tombe en ruine. Le Ch. d’H. Je veux des grâces qui rient, & des amours qui folâtrent. Id.

Poire d’Amour. Espèce de poire qui se nomme autrement poire de livre. Voyez Livre.

Pomme d’Amour. C’est le fruit d’une espèce de morelle ; les feuilles de la plante qui le porte, sont grandes & découpées en plusieurs segmens & d’un vert pâle. Sa tige se divise en plusieurs branches qui poussent d’entre les feuilles des fleurs monopétales au nombre de dix à douze ensemble, jaunes & découpées en cinq parties. A ces fleurs succède un fruit gros comme une cerise, vert au commencement, & jaune lorsqu’il est mûr, qui renferme dans une pulpe succulente plusieurs semences aplaties, blanchâtres.

Freres de l’Amour. Une secte de fanatiques née en Hollande vers l’an 1590, prit le nom de Freres de l’Amour. Elle passa vers le même temps en Angleterre, où Henri Nicolas de Liége fit paroître plusieurs livres pleins de rêveries & des blasphèmes de sa secte. Entre autres l’Evangile du Royaume, les Sentences Dominicales, la Prophétie de l’esprit d’amour, la Publication de la paix sur la terre.

Amour, ou Amur. Grande rivière de Tartarie, en Asie. Amura. Elle a sa source dans la Province de Dauria, près du lac Baycal, sous le 117 degré de longitude. Elle sépare cette province du pays des Mongous, & après un long cours peu connu jusqu’ici, se jette dans l’Océan oriental sous le 55 degré de latitude, & le 152. de longitude. Le P. d’Avril, Jésuite, l’appelle Yamour dans ses Voyages. Le P. Gaubil & M. de Lisle l’appellent Amour. D’autres écrivent Amoër. Il faut prononcer en notre langue Amour. Le P. Gaubil, dans ses Observations publiées en 1629, à Paris, par le P. E. Souciet, Jésuite, dit qu’elle se nomme aussi Onon. Selon cet habile Missionnaire, la source de l’Onon est à 107°, 1′, 30″ du méridien de Paris, c’est-à-dire, à 127°, 1′, 30″ de longitude, en supposant Paris au 20e degré de longitude, & elle a 45°, 25′ de latitude. Et ce fleuve se jette dans un lac au 134°, 41′, 30″ de longitude, & à 48°, 50′ de latitude. Samson appelle ce fleuve Ghamas. Voyez les Cartes de M. Witsen & de M. de Lisle.

AMOURACHER. Qui ne se dit qu’avec le pronom personnel, & en mauvaise part, de ceux qui s’engagent en de folles amours. Insano alicujus amore capi. Cette femme s’est amourachée de son valet. Il n’est guère que du style familier.

AMOURACHÉ, ÉE. part.

☞ AMOURETTE. s. f. Diminutif. Amour de pur amusement, & d’ordinaire sans une forte passion. Amatio. Cet homme a toujours quelque amourette. Se marier par amourette, c’est se marier par amour. Ce qui se dit ordinairement en mauvaise part, en parlant d’un mariage inégal & qui n’est pas approuvé.

Dans les cuisines on appelle amourettes la moelle qui se trouve dans les reins du veau ou du mouton.

AMOUREUSEMENT. adv. D’une manière amoureuse. Amanter. Cet amant regardoit amoureusement sa maitresse. Et en matière de piété, & en parlant d’un amour saint, il regardoit amoureusement son crucifix, & le baignoit de ses larmes.

AMOUREUX, EUSE. adj. m. & f. qui a de la passion pour quelque personne. Amator, amatrix. Les tendres sentimens naissent en foule dans un homme amoureux. Les airs passionnés paroissent avec ménagement dans les manières d’un amant. M. l’Abbé Girard. Syn. Voyez Amant.

Je pars plus amoureux que je ne fus jamais.

Racin
.

Siéroit-il bien à mes écrits,
D’ennuyer les races futures
Des ridicules aventures
D’un amoureux en cheveux gris. Malherbe.


Je hais ces vains Auteurs, qui fous de sens rassis,
S’érigent, pour rimer, en amoureux transis.

On dit, en termes de comédie, faire les rôles d’amoureux, c’est-à-dire, faire les rôles d’amans.

On dit aussi Amoureux parmi les Marins, pour dire, Ami. Travaillons, mes amoureux, dit un Capitaine, en commandant la manœuvre aux matelots ; c’est à-dire, mes amis.

Amoureux. Signifie aussi qui marque de l’amour, qui inspire de l’amour, ou tend à en inspirer. Amatorius. Regards amoureux. Désirs amoureux. Vers, & billets tendres & amoureux. Faveurs amoureuses.

Secrets amoureux. Transports amoureux. Les amans s’occupent de mille riens amoureux, pour eux seuls importans. Fonten. On dit poëtiquement, l’empire amoureux. Les lois de l’amour considéré comme divinité fabuleuse, & l’étendue de cette domination.

Cet adjectif signifie aussi ardent pour les plaisirs de l’amour. Il est d’un tempérament amoureux, d’une complexion amoureuse.

Les Médecins appellent les deux muscles obliques de l’œil, amoureux, circulaires & rotateurs, parce que leur mouvement marque de la tendresse ou de la passion.

Amoureux se dit aussi pour signifier, Qui a une grande passion pour quelque chose. Etre amoureux de la gloire. Il est amoureux de la peinture. Acad. Fr.

☞ En termes de peinture, pinceau amoureux, dont la touche est moelleuse, douce, légère & délicate.

Amoureux, est quelquefois employé substantivement, mais parmi le peuple seulement, où l’on dit mon amoureux pour mon amant. ☞ Les Vocabulistes se contentent de nous dire que ces deux mots sont synonymes, sans avertir que l’un est pour les honnêtes gens, & l’autre pour le bas peuple. Le Dict. de l’Acad. n’avoit pas fait la remarque.

On dit proverbialement d’un homme qui aime en tous lieux, qu’il est amoureux de toutes les femmes qu’il voit, que c’est l’amoureux des onze mille Vierges ; & de celui qui n’aime point du tout, qu’il est amoureux comme un chardon.

AMOUS. Voyez AMMON.

☞ AMOUYE. Ville, la même qu’Amol-Gihon. Voyez ce mot.

AMP.

☞ AMPARLIER & AVANT-PARLIER, s. m. vieux mots qui signifioient Avocat, dérivés tous deux de parlier qui signifioit la même chose. On disoit aussi amparlerie, s. f. ministère d’Avocat.

AMPASTELER. v. a. Terme de teinture. Donner aux laines & aux draps le bleu de pastel. Voy. Gueder.

AMPÂTRE. s. m. & f. Nom de peuple. Ampater ou Ampatrus. Les Ampâtres habitent sur la côte méridionale de l’ance aux Galions, & celle de Caremboule, dans l’île de Madagascar. Le pays qu’ils habitent porte le même nom.

☞ AMPAZA. Pays maritime d’Afrique, voisin de ceux de Sian & de Chelier. Le Roi d’Ampaza est Mahométan & tributaire des Portugais. Ce pays est dans la basse Ethiopie ou Zanguebar, entre la ligne & le Royaume de Melinde.

☞ AMPELITE. s. f. Espèce de terre noire comme le Gayet, pleine de bitume, quoiqu’elle n’en ait point l’odeur, & qu’étant mise au feu elle ne jette aucune flamme. Cette terre se lève par écailles, & se met aisément en poudre. Quelquefois on la nomme terre à vignes, parce que les anciens en frottoient les vignes pour faire mourir les vers. Elle se dissout & se fond dans l’huile. Elle sert à teindre les sourcils & les cheveux & à les noircir. Ampelitis.

Cette terre peut être considérée comme une pierre noire bitumineuse dont les Peintres font un grand usage. On la nomme pierre Ampelite ou Pharmacite. Celle qui vient d’Alençon n’est pas si douce ni si bonne que celle que l’on tire de Rome & de Portugal. On croit que cette pierre réduite en poudre, & appliquée sur le ventre, fait mourir les vers.

AMPEZO. Bourg du Tirol, en Allemagne. Ampitium. Il est aux confins du Frioul.

AMPHIAM. s. m. Nom que les Turcs donnent au suc de pavot, qu’on nomme ordinairement Opium.

☞ AMPHIARÉES. s. f. pl ou adj. pris substantivement. Amphiareæ. On donnoit ce nom à une fête que les habitans d’Orope célébroient à l’honneur d’Amphiarée, qui avoit un Temple sur le chemin d’Athènes à Orope. Ceux qui consultoient ce Dieu, lui immoloient un mouton, sur la peau duquel ils s’endormoient, & ils recevoient en songe la réponse de l’oracle. Cet Amphiarée étoit fils d’Apollon & d’Hypermenestre. Il fut honoré comme un Dieu après sa mort.

AMPHIARTROSE ou AMPHIARTHROSE. Terme d’Anatomie. C’est une espèce d’articulation neutre ou douteuse, que l’on distingue de la Diartrose, parce qu’elle n’a pas un mouvement manifeste ; & de la Synartrose, parce qu’elle n’en est pas absolument privée. Telle est l’articulation des côtes avec les vertèbres, & celle des os de carpe & du tarse entre eux, laquelle, tenant de l’une par sa mobilité, & de l’autre par sa connexion, est appelée Amphiartrose, & par quelques-uns Diartrose synartrodiale. Dionis. Ce mot vient d’ἄμφω, deux, & ἄρθρωσις, articulation, comme si l’amphiartrose tenoit des deux autres espèces d’articulations.

AMPHIBIE. adj. de t. g. Animal qui vit tantôt dans l’eau, tantôt sur la terre. Amphibius. Les crocodiles, les castors, les loutres, les grenouilles, les tortues, le veau marin, sont des animaux amphibies. Ancipites bestiæ. On a étendu ce mot à des hommes qui vivent long-temps sous l’eau. On trouve divers exemples de ces hommes amphibies. Il n’y en a point de plus surprenant que celui d’un Sicilien, que l’on appeloit le poisson Colas. Dès sa jeunesse il s’étoit tellement accoutumé à vivre dans l’eau, que son tempérament étoit tout changé, vivant plutôt à la manière des poissons, qu’à la manière des hommes. Kirker. Les Paravas qui font la pêche des perles sont en quelque sorte amphibies. Voyez au mot Plongeur.

☞ Ce mot est aussi substantif. C’est un Amphibie. Amphibium.

On dit figurément d’un homme qui se mêle de différentes professions opposées l’une à l’autre, que c’est un amphibie.

Ce mot vient du grec, où il signifie, Vie en deux manières, ou en deux endroits : ἀμφὶ, Circùm, βίος, vita.

AMPHIBLESTROÏDE. s. f. Tunica Retina, ou Retiformis. C’est une tunique de l’œil, qui est molle, blanche & glaireuse. Elle s’appelle par les Grecs ἀμφιϐληςτροειδὴς χιτών, Tunique amphiblestroïde, parce que si on la jette dans l’eau, elle ressemble à un filet. Ce mot est composé d’ἀμφίϐληςτρον, qui vient d’ἀμφὶ, Circùm, & de βάλλω, jacio ; & signifie une espèce de filet à jetter dans l’eau pour prendre du poisson ; & de εἶδος, forme. On appelle ainsi cette tunique de l’œil, parce qu’elle est tissue en forme de filet, ou de réseau. On l’appelle ordinairement Rétine. Elle sort du centre du nerf optique, & est composée de la substance médullaire de ce nerf ; & s’étendant sur l’humeur cristaline, elle va aussi loin que le ligament ciliaire ou les ligamens des paupières. Parce que cette membrane est blanche & d’une substance moelleuse, il semble qu’elle parte de la substance moelleuse & fibreuse du nerf optique, ensorte qu’elle ne soit rien autre chose qu’une extension des fibres de ce nerf, lequel s’assemble là en un corps rond, & semblable à un filet ou réseau dans sa configuration. Cette tunique semble être le principal organe de la vûe : elle reçoit les espèces visibles dans le fond de l’œil, de la même manière qu’une feuille de papier blanc reçoit dans une chambre bien fermée celles qui entrent par un trou qu’on a laissé ouvert. Harris. Voyez Rétine, Œil, Vision.

AMPHIBOLOGIE. s. f. Terme de Grammaire. C’est un vice du discours qui le rend ambigu & obscur, & qui le peut faire interpréter en deux sens différens, même contraires. Amphibologia, ou Amphibolia. Il s’entend plus particulièrement de la phrase que des mots. Les anciens Oracles ne parloient que par amphibologie. C’est une amphibologie que la réponse que Pirrhus reçut de l’Oracle, qu’il avoit consulté sur la guerre qu’il avoit dessein de faire aux Romains, & qui lui répondit par ce vers.

Aio te, Æacida, Romanos vincere posse.

L’amphibologie consiste en ce que te & Romanos peuvent être également nominatif & cas. La langue françoise, qui énonce toujours d’une manière naturelle, n’a point de ces sortes d’amphibologies, mais elle en peut avoir dans ses relatifs, par exemple, le pere du soldat que vous avez vû. Le que, suivant la Grammaire, se rapporte au dernier, c’est-à-dire à soldat, & selon l’intention de celui qui parle, il se rapporte souvent au premier, le pere. Quand des deux noms il y en a un de genre féminin, & l’autre de genre masculin, si le relatif se rapporte à celui qui est du genre féminin, on évite l’amphibologie, en mettant laquelle, au lieu de que, ou de qui ; par exemple, la mere d’un tel laquelle parla, au lieu de la mere d’un tel qui parla. Quand le verbe est au prétérit défini, l’amphibologie est ôtée par le participe, qui, avec le verbe être, compose ce prétérit, & alors il n’est pas nécessaire de se servir du relatif laquelle, qui ne fait pas un bel effet dans le discours ; par exemple, la mère d’un tel que vous avez vûe, le que est déterminé par le participe vûe, & se rapporte au mot mere. S’il n’y avoit rien qui ôtât l’amphibologie, il faudroit lire laquelle, parce que la clarté est la première & la plus essentielle qualité du discours, puisque les hommes ne parlent que pour se faire entendre.

AMPHIBOLOGIQUE. adj. m. & f. Qui contient de l’amphibologie. On ne le dit que des discours, & des phrases. Ambiguus, anceps. Cette phrase, cette construction est amphibologique. Oracle amphibologique. Réponse amphibologique.

AMPHIBOLOGIQUEMENT. Adverbe. D’une manière amphibologique. Ambiguè. Tous ces mots viennent du grec ἀμφίϐολος qui signifie ; ambigu, & λόγος, discours.

AMPHIBRANCHIES. s. f. & pl. Ce sont les espaces qui sont autour des glandes & des gencives, qui humectent la trachée artère & l’estomac. Harris. Ce mot vient d’ἀμφὶ, autour, & βράγχια, qui se prend quelquefois comme βρόγχος, pour le gosier, la gorge.

AMPHIBRAQUE. subs. m. Terme de Poësie latine & grecque : c’est le nom d’un pied de trois syllabes, dont la première & la dernière sont brèves, & celle du milieu est longue, comme amare. Amphibrachus ou amphibrachis. Ce mot vient d’ἀμφὶ, circùm, tout autour, & de βραχὺς, brevis, bref. C’est comme si l’on disoit que ce pied est bref tout autour, & long dans le milieu.

AMPHICLÉE. Ville de la Phocide. Elle est ainsi appellée dans Étienne, & Ophitée dans Hérodote. Il y avoit un temple, ou l’on ne voyoit aucune statue ou peinture. Il étoit cependant consacré à Bacchus, qui y faisoit l’office de Médecin, en découvrant les remèdes propres à guérir les maladies, soit en songe, soit par le ministère de ses Prêtres, qu’il inspiroit, & à qui il faisoit même prédire l’avenir, comme le publioient les Amphicléens. Paus. in Phoc.

AMPHICTYON. s. m. Membre du corps, ou assemblée des amphictyons. Amphictyon. Les amphictyons étoient les députés des villes & des peuples de la Grèce, qui représentoient la nation, avec un plein pouvoir de concerter, de résoudre, & d’ordonner ce qui leur paressoit convenir aux avantages de la cause commune. C’étoit à peu près ce que l’on appelle en Hollande les États-Généraux, ou plutôt ce que l’on nomme en Allemagne la Diète de l’Empire. Amphictyones. Il y avoit plusieurs sortes d’Amphictyons. Les plus anciens institués par Amphictyon, troisième Roi d’Athènes, à dessein de lier plus étroitement les Grecs, & d’en former un corps, dont l’union imprimât du respect & de la terreur aux Barbares, s’assembloient deux fois l’année aux Thermopyles près le temple de Cérès, bâti au milieu d’une grande plaine près du fleuve Asope. Tourreil. C’est de cet Amphictyon leur instituteur, que ceux-ci, & de ceux-ci que les autres ensuite prirent leur nom. Pausanias, dans l’énumération des dix peuples qui composent l’assemblée, des Amphictyons, ne compte que les Ioniens, les Dolopes, les Thessaliens, les Ænianes, les Magnetes, les Maléens, les Phthiotes, les Doriens, les Phocéens & les Locriens, voisins de la Phocide. Il ne parle point des Achéens, des Éléens, des Argiens, des Messéniens, des Eoliens, ni de beaucoup d’autres. Tourr. On trouve encore le nom des peuples admis dans cette assemblée dans l’Oraison d’Æschine, de falsa legatione. On appeloit ville Amphictyonide, celle qui avoit droit de nommer des Amphictyons ; toute la Grèce relevoit de ce tribunal, & il décernoit toutes les récompenses & les peines. Les nouveaux Amphictyons qu’Acrisius institua sur le modèle des premiers, s’assembloient aussi deux fois l’année dans le temple de Delphes, & avoient une inspection particulière sur ce temple. Les uns & les autres s’appeloient indistinctement Ἀμφιϰτίονες, Πυλαγόραι, Γερομνημονες ; & leur assemblée Πυλαία. Rome dans sa plus haute splendeur ne supprima pas l’assemblée des Amphictyons. Auguste y donna droit de séance à la ville de Nicopolis, qu’il fit bâtir après la bataille d’Actium ; mais ils n’avoient plus qu’un vain titre qui peu à peu s’anéantit. Strabon même assûre, Liv. IX. que de son temps ils ne s’assembloient plus. Au reste, Androtion, dans Pausanias, Liv. X. par une raison d’étymologie arbitraire, veut qu’originairement les Amphictyons s’appelailent Aphictyons, & que le temps ait ajouté une lettre à leur nom. Anaximénes & le Scholiaste de Thucydide, par la même raison, les nomment Amphictyons. Moi, tout uniment, j’aime mieux croire sur la foi de Théopompe, qu’ils prirent & portèrent le nom de leur fondateur, le Roi Amphictyon : Tourr. Philippe fut aggrégé au corps des amphictyons, & déclaré chef de la ligue sacrée, & depuis ce temps-là il présidoit aux jeux Pythiques, institués par les amphictyons. La dignité d’amphictyon se nommoit amphictyonie. Démosthènes reprocha aux Grecs d’avoir accordé à Philippe le droit d’amphictyonie. Id. Les amphictyons avoient dans les jeux Pyhiques le titre de Juges ou d’Agonothètes. Philippe, nouvel amphictyon, exerça tous leurs droits, & jouit de tous leurs priviléges. Il en abusa même dans la suite, & y présida par Procureur. Id. Le même Auteur dit dans sa préface, p. 81. qu’ils s’assembloient tantôt aux Thermopiles, & tantôt à Delphes.

AMPHICTIONICUM CONCILIUM. Assemblée, Diète générale des États de la Grèce. Amphictionicæ Leges. Les Ordonnances de ces assemblées. Ordre amphictyonique.

☞ AMPHICTYONIDE. adj. AMPHICTYONIE, s. f. AMPHICTYONIQUE. adj. Voyez l’article précédent.

AMPHIDÉE. s. m. Ampnydæum. Terme d’Anatomie. Dans quelques Auteurs, c’est la partie supérieure de l’orifice de la matrice. Harris.

AMPHIDROMIE. s. f. Fête du Paganisme. Amphidromia. On la célébroit le cinquième jour après la naissance d’un enfant. C’étoit une réjouissance qui se terminoit par un festin, où le pere convoquoit sa famille & ses amis. Il semble qu’il faudroit dire Amphidromies, pluriel ; car ce nom est purement grec, & en grec il est pluriel, Ἀμφιδρόμια, aussi-bien que presque tous les autres noms de fêtes. Voyez sur cette fête, Meursius. Animad. miscel. Lib. III. art. 33. & de Fer. Græc.

AMPHIMACRE. s m. Terme de Poësie grecque & latine. C’est le nom d’un pied de trois syllabes, dont la première & la dernière sont longues, & celle du milieu brève, au contraire de l’amphibraque. Prævident, Omnium, Castitas, sont des amphimacres. Ce mot est grec, composé d’ἀμφὶ, autour, & μακρὸς, long ; parce que les extrémités de ce pied sont longues.

☞ AMPHIMALLE. Amphimallum. s. m. Habit velu des deux côtés, à l’usage des Romains dans la saison froide. C’étoit un habit, ou un manteau, ou une couverture, qui avoit du poil dessus & dessous. C’est tout ce qu’on en sait.

AMPHINOME. s. f. Une des cinquantes Néréïdes, selon Homère.

☞ AMPHIPHON. s. m. Sorte de gâteau qu’on faisoit en l’honneur de Diane, autour duquel on mettoit de petits flambeaux.

AMPHIPOLES. s. m. Archontes ou Magistrats de Syracuse. Amphipoles. Ils furent établis par Timoléon en la 109e olympiade, après qu’il eut chassé Denys le Tyran. Ils ont gourverné Syracuse pendant plus de 300 ans. Diodore de Sicile assure qu’ils subsistoient encore de son temps.

AMPHIPOLIS. Ville de l’ancienne Macédoine. Amphipolis. Elle étoit sur les confins de la Thrace, & souvent on l’attribue à la Thrace. La rivière de Strimon l’entouroit. Elle étoit sur la côte du golfe Strimonique, entre Philippes & Apollonie. Ayant pris le chemin par Amphipolis & par Apollonie, ils arrivèrent à Thessalonique. Bouh. On l’a nommée Chrisopolis, & les Neuf Voies. Aujourd’hui on l’appelle Amphipoli & Chrysopoli. Les Turcs la nomment Emboli.

AMPHIPROSTYLE. s. m. Temple des Anciens, qui avoit quatre colonnes à la face de devant, & quatre à celle de derrière. Amphiprostylus. Il vient du grec ἀμφὶ, de côté & d’autre, πρὸ, devant, & στύλος, colonne.

AMPHIPTÈRE. s. m. Serpent ou dragon qui a deux ailes, & qui est souvent représenté dans les armoiries. Amphiptera. Ce mot vient du grec ἂμφω, deux, & πτερὰ, aile.

AMPHISBÈNE. s. m. Serpent à deux têtes, qui mord par la tête & par la queue. Amphisbena. On dit qu’il s’en trouve dans les déserts de Lybie, & il est le symbole de la trahison.

Le Griphon & le Phénix, dit Thomas Brown, n’existent point dans la nature, non plus que l’Amphisbène, espèce de serpent qu’on prétend avoir deux têtes, une à chaque extrémité, & cela sur ce fondement unique qu’il marche en avant & en arrière. Journ. des Sav. Juin 1733. On voit dans une phiole remplie d’esprit de vin le Serpent Amphisbène, ou le double-marcheur, reptile rond, fort, venimeux, qui rampe & qui se replie. Sa tête & sa queue sont difficiles à distinguer, étant faites l’une comme l’autre. Merc. Fév. 1736.

Quelques-uns mettent l’Amphisbène au rang des lézards. Aërius dit que la Scytala & l’Amphisbène sont semblables ; que ces animaux ne vont point en diminuant, & sont aussi gros d’un bout que de l’autre, desorte qu’il est difficile de connoître où est leur tête. L’Amphisbène va en avant & en arrière ; ce qui le distingue de l’autre. Leurs piqûres, quoique venimeuses, ne sont point mortelles ; mais sont comme celles des guêpes. On l’appelle autrement Ennoye, ou Enny : en latin Cæcilia & Amphisbena, qui vient de ἀμφὶ, & de βαίνω, je marche, comme serpent marchant de deux côtés, car on lui attribue deux têtes : & ce qui a donné occasion à cela, c’est que sa figure est toute semblable à celle des vers de terre, dans lesquels il est fort difficile de distinguer la tête d’avec la queue.

Il y a des scolopendres qui sont aussi de ce genre. Voyez Scolopendre. On s’en sert dans le Blason, & quelquefois on le confond avec emphistère, quoiqu’il en soit fort différent. Quand on ouvrit le tombeau de Chilpéric à Tournay, on y trouva des abeilles, & des figures de serpens Amphisbènes ou à deux têtes.

L’Amphisbène, avec ce mot, mordet utrinque, est la devise d’un satyrique, qui déchire les autres par ses discours & par ses écrits.

AMPHISCIEN. adj. Terme d’Astronomie & de Géographie. Amphiscii. On nomme ainsi les peuples qui habitent la zône torride, parce qu’ils ont l’ombre tantôt d’un côté, & tantôt de l’autre, tantôt au septentrion, & tantôt au midi. Ce mot vient du grec ἀμφὶ, & de σκιὰ, ombre.

AMPHISMELE. s m. Amphismela. Terme d’Anatomiste. C’est un instrument dont on se sert dans la dissection des os. Harris.

AMPHITHÉÂTRE. s. m. Bâtiment spacieux, rond ou ovale, dont l’arène étoit de divers rangs & siéges, disposés par degrés, avec des portiques au-dedans & au-dehors. Amphitheatrum. Chez les anciens il étoit destiné à donner des spectacles au peuple, comme les combats des gladiateurs, ou des bêtes féroces. Le théâtre étoit construit en forme de demi-cercle plus la quatrième partie du diamètre. Et l’amphithéâtre étoit un double théâtre, ou deux théâtres joints ensemble. Ainsi l’axe de l’amphithéâtre avoit de long un diamètre & demi. Voy. Philand, ch. 2. L. V. de Vitruve. Albert, L. VIII. ch. 8. & les Antiquités de Nîmes, par J. Poldo, ch. 24. On voit encore des Amphithéâtres à Rome & à Nîmes, &c. L’Amphithéâtre de Vessien, appellé le Colisée, celui de Vérone en Italie, sont les plus célèbres de l’Antiquité. Pline rapporte que Curion dressa un Amphithéâtre qui tournoit sur de gros pivots de fer ; desorte que du même Amphithéâtre on pouvoit en faire, quand on vouloit deux théâtres différens, sur lesquels on représentoit des pièces différentes. Voy. Juste-Lipse dans le Traité qu’il a fait de l’Amphithéâtre. Thom. Demster. Antiq. rom. Liv. V. ch. 5. Ant. Frisius, de Arte Gymn. Liv. III. ch. 4.

Amphithéâtre de Comédie, en France, se dit d’un lieu élevé vis-à-vis du théâtre, d’où l’on voit commodément la comédie : il est au-dessous des loges, & plus haut que le parterre.

On appelle aussi Amphithéâtre, des échafauds élevés par degrés, qu’on dresse dans les lieux où on doit faire de grandes cérémonies, afin d’y ménager de la place pour plus de spectateurs.

☞ Aux Écoles de Médecine & de Chirurgie, on appelle amphithéâtre un bâtiment dont l’intérieur est de même distribué en plusieurs rangs de siéges élevés les uns au-dessus des autres, afin que les spectateurs qui s’y placent, puissent voir & entendre le démonstrateur.

On dit aussi d’une colline qui s’élève doucement, & en rond, qu’elle s’élève, qu’elle se courbe en amphithéâtre.

Amphithéâtre de gason, Vertugadin. Terme de jardinage. C’est une décoration de gazon, pour régulariser un côteau ou une montagne qu’on n’a pas dessein de couper & de soutenir par des terrasses. On y pratique des estrades, des gradins & des plein-pieds qui vont insensiblement dans les parties les plus élevées.

Ce mot vient d’ἀμφὶ, autour, & θέατρον, theatrum, lequel vient de θεάομαι, contemplor : pour dire, qu’un amphithéâtre est un lieu d’où l’on peut voir de tous côtés.

☞ AMPHITHÈTE. s. m. Amphithetum. Grand vase à boire, dont les Anciens se servoient en débauche ; d’où vient le proverbe, ex amphitheto bibisti. Vous n’avez pas mal bû.

AMPHITRITE. s. f. Amphitrite. Déesse des anciens Grecs & Romains, fille de Nérée & de Doris, selon Hésiode, Theog. v. 243. femme de Neptune, la même, v. 930. Claud. de Rapt. Proserp. v. 103. C’est pour cela que les Poëtes la font Déesse de la mer, & qu’en poësie on prend quelquefois Amphitrite, comme Neptune, pour la mer ; comme dans Ovide, Métam. Liv. I. v. 13. Catul. Arg. Ep. 65. v. 5. & Dion. Pereg. v. 53. Elle eut de Neptune un fils nommé Triton.