Dictionnaire de Trévoux/6e édition, 1771/Tome 1/171-180

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Fascicules du tome 1
pages 161 à 170

Dictionnaire de Trévoux, 1771
Tome 1, pages 171 à 180

pages 181 à 190


Qui est dans les rues. C’étoit, chez les Grecs, un surnom d’Apollon, parce qu’il avoit des autels, & des statues dans les rues.

AGYNNIEN. s. m. Agynnius. Qui n’a point de femme, qui n’en veut point prendre. Ce mot vient de l’α privatif, & de γυνή, femme. C’est le nom de certains hérétiques qui parurent vers la fin du VIIe siècle, l’an 694. Ils ne se marioient point, prétendant que Dieu n’étoit point l’Auteur du mariage. C’est ce qui les fit nommer Agynniens.

AGYRTES. s. m. pl. Surnom des Galles, Prêtres de Cibèle : il signifie Joueurs de gobelets, qui font des tours de passe-passe, pour attraper de l’argent.

AH.

AH. Interjection qui sert à marquer la joie, la douleur, la surprise, l’amour, & plusieurs autres affections de l’âme, &c. Ah ! Proh ! Ah que cela est beau ! Ah mon Dieu, que je souffre ! Ah si je te prends !

 
Cy gît ma femme, ah ! qu’elle est bien,
Pour son repos & pour le mien.

 
Hìc uxor jacet : ô factum benè, uterque quiescit.
Illa quiescit humi, dum requiesco domi.

☞ AH-AH. Terme de jardinage. Voyez Haha.

AHALAB, ou ALAB. Ville des Chananéens. Ahhalab, Alab. Ce fut une de celles dont les Israëlites, contre la défense du Seigneur, ne détruisirent point les habitans. Elle étoit dans la tribu d’Aser, près de Roob, & du fleuve Eleuthère.

AHAN. s. m. Peine, effort qui fatigue le corps, & qui fait quelquefois perdre l’haleine. Gravis labor, Anhelantis labor. Il se dit particulièrement de ceux qui fendent du bois, & qui crient han à chaque coup de coignée qu’ils donnent. Par extension on l’applique à ceux qui courent à perte d’haleine, & à tous ceux qui font quelque chose de bien pénible. Jupiter en sua d’ahan. Cost. Ce terme est populaire.

Ce mot & le suivant viennent d’ἄω, spiro.

Ménage dérive ahan de l’italien affano, qui signifie peine, & travail. Pasquier & Nicod le dérivent de han, qui est le cri que font les charpentiers en fendant du bois ; & c’est l’étymologie la plus vraisemblable. D’autres de anhelitus, qui vient du grec ἄσθμα qui signifie, difficulté de respirer.

On disoit autrefois, terre ahanable ; pour dire, labourable. Ager arabilis. Il est encore en usage parmi quelques Laboureurs de Champagne, & de Picardie ; aussi-bien qu’ahaner la terre, pour dire labourer, comme on voit dans la Somme rurale de Boutillier ; d’où vient que Du Cange dérive ce mot de anhelare, à cause que le travail du labourage est violent.

AHANER. v. n. Souffrir beaucoup de peine & de fatigue. Exantlare laborem. Il a fallu bien ahaner avant que de venir ici.

Ahaner, signifioit autrefois Labourer ; & on disoit Ahaner la terre. En ce sens il étoit actif. Arare.

Ahaner, se dit figurément en Morale, de l’esprit, quand il a peine à prendre ses résolutions. Il a beaucoup ahané à donner son consentement à cette affaire. Tous ces mots sont populaires & bas. Quelques auteurs ont dit enhanner, au lieu de ahaner, Voyez Enhanner.

AHATE de Pauncho Recchi. s. m. Arbre de grosseur médiocre, d’environ vingt pieds de haut, couvert d’une écorce fongueuse, dont le dedans est rouge. Son bois est blanc & extrêmement dur ; mais le cœur & l’aubier sont verdâtres, sans odeur, d’un goût amer & un peu austère. Ses branches, qui sont en petit nombre, sont couvertes d’une écorce verte, parsemée çà & là de petites taches couleur de cendre. Sa racine, qui est jaunâtre, est revêtue d’une écorce d’un rouge foncé, d’une odeur forte, & d’un goût onctueux, &c. Ses feuilles sont oblongues, unies & rases, posées alternativement ; la partie de dessus est verte & luisante, celle de dessous l’est beaucoup moins. Les fleurs sont attachées par des pédicules aux plus petites feuilles dont elles prennent la place ; ces fleurs sont composées de trois feuilles épaisses, triangulaires, semblables à du cuir, blanches par dedans, & d’un vert pâle en dehors ; lorsqu’on les jette dans le feu, elles ont l’odeur du cuir brûlé. Dict. de James.

AHATIE. s. f. ou AHAIT. s. m. Vieux mot. Joie, plaisir, divertissement.

AHAVA. Nom d’un lieu & d’une rivière de la Babylonie. Ahava. Ce lieu & ce fleuve n’étoient pas loin de Babylone. Lorsqu’Esdras, la septième année d’Artaxerxès Longue-main eut obtenu de ce Prince la permission de retourner en Judée, & d’emmener avec lui tous les Juifs qui voudroient le suivre, il les assembla sur le bord de la rivière Ahava, qui couloit vers le lieu ou la ville d’Ahava, & de-là ils arrivèrent à Jérusalem en trois mois & dix-neuf jours. I. Esdr. VII & VIII. Le P. Lubin prétend que c’est le Tigre. Mais sans parler de la différence des noms dans la langue originale, quelle apparence qu’Esdras partant de Babylone pour la Judée, qui est à l’occident, donnât à sa troupe le rendez-vous sur les bords du Tigre qui est à l’orient ?

AHE.

AHERDRE, & AHERDER. Vieux mot, qui signifie attacher, addonner. Borel.

 
Ceux qui ne si voudront aherdre,
La vie leur conviendra perdre. R. de la Rose.

AHEURI, IE. adj. Etonné, surpris, interdit. Obstupefactus, perturbatus, &c. Vous voilà tout aheuri. Il est populaire. On prononce & on écrit ahuri.

AHEURIR. v. a. Vieux mot, dont on se sert encore en quelques provinces. Etonner quelqu’un, le rendre stupéfait, tout interdit. Obstupefacere. ☞ On doit écrire avec l’Académie ahurir.

AHEURTEMENT. s. m. Obstination, opiniâtreté qui nous rend si fort attachés à un sentiment, qu’on ne nous peut persuader le contraire. Obstinatio, Pertinacia. C’est par un pur aheurtement qu’il n’a pas été de l’avis des autres.

☞ AHEURTER, S’AHEURTER. v. récip. S’opiniâtrer, s’obstiner, se préoccuper si fortement d’une chose, que rien ne peut nous faire revenir. In sua sententia obstinare, obstinato animo perstare, permanere. L’homme est si naturellement jaloux de ses sentimens, que quand une fois il s’aheurte à une opinion, on ne le peut guérir de sa préoccupation. ☞ Il s’est aheurté à cela contre l’avis de tous ses amis. On s’aheurte à faire quelque chose.

☞ Les grands Vocabulistes nous assurent qu’on peut employer ce verbe avec un régime simple & direct, sans le pronom personnel, & nous donnent cette phrase comme très-françoise. Il ne faudroit pas aheurter cet homme à ce paradoxe. Je respecte beaucoup leur décision ; mais ce n’est point une autorité irréfragable. Le Dict. de l’Acad. Fr. ne l’emploie qu’avec le pronom personnel ; c’est ainsi qu’on le trouve employé dans tous nos Auteurs.

AHEURTÉ, ÉE. part. Obstinatus, pertinax, Obfirmatus in sententiâ. Il est aheurté à son sens. Scar. C’est un homme aheurté.

AHI.

AHI. Heu ! C’est une sorte d’interjection inventée pour marquer le mouvement naturel d’une personne qui sent de la douleur. Ahi, Ahi, à l’aide, au meurtre, au secours, on m’assomme. Mol. Elle sert aussi à marquer quelque dégoût, quelque mépris. Ahi, Ahi, laissons cela, je vous prie. Ahi ! Que me dites-vous-là ?

AHIA. s. m. C’est le nom du Prophète de Silo, qui prédit la domination de Jéroboam, sur dix tribus d’Israël, & ensuite la désolation de sa maison, pour avoir sacrifié aux idoles, comme il est rapporté au premier liv. des Rois, c. 12. v. 15.

AHION. Ville de la Terre-Sainte. Ahion. Elle étoit dans le milieu de la Tribu de Nephthali, dans la Galilée supérieure, ou dans le nord de la Terre-Sainte. Les LXX. l’appellent quelquefois Ain : mais mal. Le texte hébreu la nomme toujours Aion

AHL.

☞ AHLEN, ou ALEN, ou AWLEN. Alena. Petite ville impériale d’Allemagne, dans la Suabe. Quoiqu’on n’y compte plus qu’environ trente familles, elle conserve encore ses priviléges.

AHM.

AHMELLE. s. f. Ahmella. Plante de l’île de Ceïlan, fort célébre depuis quelques années, à cause de la propriété qu’on lui attribue, de dissoudre la pierre, ou de la réduire en poudre. Ahmelle est le nom que les habitans de l’île de Ceïlan lui donnent. Je ne sais, dit M. Hotton, dans les Transactions Philosophiques, Tom. II, p. 648, si quelqu’un a encore cette herbe ; mais je l’ai cultivée, lorsque j’avois l’intendance du jardin d’Amsterdam. A l’extrémité de ses branches elle jette des fleurs très-semblables à celles du Chrysanthemum. Sa semence est fourchue. Sa tige est carrée, & porte des feuilles disposées vis-à-vis l’une de l’autre, & semblables à celles de l’ortie morte, lamii, ou de l’ortie, urticæ, & qui sont un peu âcres : ce qui montre que l’Ahmelle est de l’espèce du chanvre, que Césalpinus & M. Tournefort appellent Bidens ; & qu’on pourroit assez justement la nommer, Cannabina ; ou Bidens urticæ, folium Indicum Lithontripticum.

AHO.

AHOHITE. s. m. & f. Ahohites, Ahohita. Quelques-uns prétendent que c’est le nom d’un peuple, ou des habitans d’une ville qu’ils nomment Ahohi. C’est le sentiment d’Adricomius, qui la place dans la tribu de Juda & de Capelle dans sa critique. Le P. Lubin & d’autres croient que c’est plutôt un nom de famille. Vatable & Sanctius, le R. Kimbhi, sont de cette opinion, aussi bien que Buxtorf ; & selon eux, Ahohi ou Achochi, est un nom d’homme.

AHONTAGE. On trouve ce mot dans un Ovide ms. pour dire, honte. Borel.

☞ AHONTER. Vieux v. a. Qui signifie faire honte, déshonorer.

 A donc répondit jalousie,
Honte, j’ay paour d’être trahie,
Car lécherie est tant montée.
Que trop pourroit être ahontée.

AHOUAI. s. m. Arbre venimeux dont parle Thevet, France antartique, pag. 66, qu’il dit être de la grosseur de nos poiriers, dont les feuilles sont longues de trois ou quatre doigts, & larges de deux ; ses fruits sont gros comme une chataigne moyenne. Pison fait mention de deux espèces de cet arbre ; l’une qui porte des fruits gros comme des chataignes, & l’autre qui en donne d’aussi petits qu’une aveline. Le P. Plumier en a décrit une espèce, dont les feuilles sont longues & plus étroites que celles du laurier-rose ; ses fleurs sont d’une seule pièce en forme d’entonnoir, & fendues à leurs bords. Le pistil qui s’emboîte avec la fleur, devient un fruit charnu gros comme une poire, & renferme un noyau triangulaire, dur, divisé en deux loges, qui contiennent chacune une amande. Il arrive souvent qu’une de ces amandes avorte. Cet arbrisseau donne du lait en quelqu’endroit qu’on le blesse. Il est figuré dans Hernand, Hist. Mexiq. sous le nom d’Yccotli, pag. 443, & il est nommé par Plukenet Nerio affinis, angustifolia, flore luteo, Americana Pvthogr. Tab. 207. fig. 3. Il y en a une quatrième espèce dans le premier volume de Hortus Malabaricus, pag. 7l, indiqué sous le nom d’Odallam. Les Indiens, après avoir ôté les amandes des noyaux, les enfilent, & en font des jarretières, des tabliers, des ceintures, &c. qu’ils portent pour chasser les animaux sauvages, ou se faire entendre de leurs camarades, par le bruit que font ces noyaux en se heurtant les uns contre les autres. On peut voir ces sortes d’ajustemens dans Garcias des Jardins, & dans Clusius.

AHR.

AHRENSBOECK. Château dans le duché d’Holstein, sur la route ordinaire de Lubec à Kiel.

☞ Le Bailliage ou Préfecture d’Ahrensboeck renferme sept paroisses ou départemens qui comprenent plusieurs villages ou hameaux.

AHU.

☞ AHUAS. Ville de Perse, dans le Khurestan, ou Khusistan, qui est l’ancienne Susianne, capitale d’une contrée du même nom.

☞ AHUAS. Contrée de Perse, dans le Khusistan, dans le troisième climat.

☞ AHUN. Ville de France, dans la haute Marche, sur la Creuse, à douze lieues de Limoges, avec Juridiction Royale. Agedunum. Il y a dans le voisinage une Abbaye de l’Ordre de saint Benoît, nommée Moustier d’Ahun.

☞ AHURIR. Voyez Aheurir pour l’explication.

☞ AHUS. Ville d’Allemagne, dans l’Evêché de Munster, sur la Regge.

☞ AHUS. Ahusa. Ville maritime de Suède, à la pointe méridionale de la Bleckingie, aux confins de la Schone.

AHUSAL. s. m. En style Hermétique, c’est le soufre d’arsenic, appelé aussi par quelques Chimistes, Aquila alba.

AIA.

AÏABUTIPITA. s. m. Arbrisseau du Brésil. Il porte un fruit noir, & semblable aux amandes, dont les Sauvages tirent une huile pour fortifier les membres affoiblis.

AÏAC-DIVAN. s. m. Terme de Relation. Entretien, conversation particulière des Visirs avec le Grand-Seigneur. Colloquium privatum. Lorsque le Grand-Seigneur sort de Constantinople pour aller à la promenade, il est permis aux Visirs de l’aborder, & de l’entretenir de toutes sortes d’affaires, pourvû qu’il n’y ait aucune de ses femmes avec lui. A. D. S. M. C’est cet entretien qu’on appelle Aïac-Divan.

☞ AJAJOUNI, ou AJAJUNI. Nom que les Turcs donnent aujourd’hui à une ville de la Natolie, dans la province d’Aidin, qui est la Carie des anciens. Ce nom est corrompu d’Agios Joannes qui signifie saint Jean. Les Grecs l’ont ainsi nommée, bien persuadés que ce saint y a été enterré, & ils en montrent encore aujourd’hui le tombeau. Les Grecs lui donnent encore le nom d’Agios Theologos, parce que saint Jean est aussi appelé le Théologien. Les Turcs, en corrompant son nom, l’appellent Aia Salug. Elle est connue dans nos cartes modernes, sous le nom d’Hagia.

☞ AJALLE. Ville maritime de l’île de Ceilan, sur la côte méridionale, au pays de Maturé, à deux lieues de Tangale.

AÏALON, ou HÉLON. Ville de la Terre Sainte : Aïalon. Elle étoit Lévitique & située dans la tribu de Dan, près la vallée du Thérébinthe.

AJAMBÉE. Voyez Enjambée.

AJAMBER. Voyez Enjamber.

☞ AIAN. Voyez Ayan.

AÏATH. Ville ancienne de la Terre Sainte. Aïath. Adricomius croit que c’est la même qui est appelée Haï.

AJAX. s. m. Nom d’homme. Il y avoit deux Ajax au siége de Troye. L’un fils d’Oïlée, Roi des Locriens, & l’autre fils de Télamon & d’Hésionne, fille de Laomédon. Celui-ci entra dans une si grande fureur de ce que les Grecs lui avoient préféré Ulysse, en lui donnant les armes d’Achille, qu’il se jeta sur un troupeau, & le tua, croyant tuer les Atrides & Ulysse. De-là vint le nom Ajax, dont nous allons parler.

Ajax. s. m. Nom d’une danse furieuse chez les Grecs, ainsi nommée, parce qu’on imitoit la fureur d’Ajax. Lucien en parle à la fin de son Traité de la danse, & dit, danser l’Ajax, ὀρχησασϑαι τὸν Αἴαντα. Il y avoit aussi à Salamine une fête à l’honneur d’Ajax, nommée Αἴαντια. Les Aianties.

Ajax, est encore le nom de plusieurs tragédies dont ajax est le héros. L’Ajax de Sophocle.

☞ AIAZZO. Voyez ADIAZZO.

AIC.

AICARDE. Nom propre. Voyez Achart.

AICE. s. f. Vieux mot, qui signifioit autrefois territoire, pays, contrée. Tractus, pagus. Il est encore en usage en Auvergne.

☞ AICH, ou plutôt AICHA, & AICHAC. Petite ville d’Allemagne, dans la haute Bavière, sur le Par, dans le département de Munich.

AICHAR. s. m. & nom d’homme. Aicharius, Acharius. S. Achaire, que quelques-uns nomment S. Aichar, donna une si haute opinion de sa vertu & de sa capacité, qu’après la mort d’Evroul, Evêque de Noyon, que l’on rapporte à l’an 621, il fut choisi pour remplir sa place. Baill.

☞ AICHSTAT, AICHSTET, EICHSTATT, ou AICHSTATT. Aichstadium, Aichostodium, ou Driopolis. Ville du cercle de Franconie, depuis long-temps siége d’un Evéché, & capitale d’un petit Etat qui porte son nom.

☞ L’Evéché d’Aichstat, Etat souverain en Allemagne, dans le cercle de Franconie, est borné par le Margraviat d’Anspach, au nord ; par le Palatinat de Bavière, au levant & au midi ; & par le Duché de Wirtemberg au couchant.

AID.

AIDANCE. s. f. Vieux mot. Aide, secours.

 
Et vous li sarez en aidance.

AIDE. s. f. Assistance, secours qu’on prête à quelqu’un. Auxilium, adjumentum. Cet homme eût été assassiné, si son ami ne fût accouru à son aide. ☞ Crier à l’aide. Appeler à son aide. Avoir besoin de l’aide de quelqu’un. C’est le dernier des maux d’implorer l’aide d’un traître.

☞ On le dit dans ce sens des grâces de Dieu. Il faut appeler Dieu à notre aide. Il faut tout attendre de l’aide de Dieu.

Aide, signifie quelquefois faveur, protection, Favor, studium, gratia. Son patron lui a été d’une aide très-efficace dans cette affaire. Cette veuve est maintenant sans aide & sans appui.

Aide, se dit quelquefois des choses inanimées, & des causes instrumentales ; & désigne alors le service, l’avantage qu’on tire de certaines choses. Opis. On ne peut appercevoir les satellites de Saturne sans l’aide des grandes lunettes. On ne peut remuer les grands fardeaux qu’à l’aide des machines. Les ennemis se sont coulés secrétement dans la place, à l’aide d’un bois, à la faveur d’un rideau qui les a dérobés à notre vue. Il est arrivé au camp à l’aide, à la faveur de ce convoi. La sédition fut étouffée à l’aide des troupes. Ablanc.

 
La Satyre souvent, à l’aide d’un bon mot,
Va venger la raison des attentats d’un sot. Boil.

Que tu sais bien, Racine, à l’aide d’un Acteur,
Emouvoir, étonner, ravir un spectateur. Id.

Aide, est aussi quelquefois s. m. & f. & signifie la personne qui prête ce secours. Adjutor, adjutrix. Vous êtes un bon aide. Dieu après avoir créé l’homme, dit ; faisons-lui une aide ; il lui donna la femme pour aide, pour l’assister en tous ses besoins.

Aide. s. m. S’applique à différentes personnes dont les fonctions sont de seconder un autre, de servir conjointement avec lui, & sous lui.

☞ Ainsi on appelle aide des cérémonies, l’officier qui sert sous le grand-maître des cérémonies, qui l’assiste dans ses fonctions, & qui le remplace quand il est absent.

On appelle un aide de cuisine, un aide de sommelerie, un second cuisinier & sommelier, ou le compagnon qui les sert & les soulage.

On dit aussi Aide de la panneterie, d’Echansonnerie, de Fourrière, &c. & généralement dans tous les petits offices de la Maison du Roi, il y a des chefs & des Aides en titre d’office, qui ont des gages, & sont couchés sur l’état.

En Architecture on appelle Aide, tous les petits lieux qui sont à côté des plus grands, pour leur servir de décharge.

En Maçonnerie, un Aide à Maçon & à Couvreur, c’est celui qui leur sert à apporter les matériaux dont ils ont besoin.

Un Aide de Mouleurs de bois, est un officier de ville, ou gagne-denier, qui aide à ranger le bois dans la membrure.

Les Aides des Maîtres des ponts & pertuis sont appelés Chableurs, qui aident à faire passer les bateaux en ces lieux difficiles. Voyez les ordonnances de la ville de Paris, qui contiennent les règlemens faits à leur égard.

Aide, est aussi celui qu’on donne pour compagnon à un autre, pour contribuer avec lui, & lui aider à supporter les frais d’un logement des gens de guerre, pour faire des corvées, pour fournir des chariots ou des pionniers, ou des étapes, & autres charges & impositions publiques & passagères.

Sur la mer on a coutume d’apparier deux matelots & deux soldats pour se servir d’aides l’un à l’autre, & s’assister réciproquement dans tous leurs besoins & dans leurs fonctions ; & cela à l’imitation des Armées Romaines, où on nommoit cette sorte d’aide, Optio castrensis, quia sibi mutuò opem ferebant. On appelle cela aujourd’hui amateloter.

Aide de Plongeur. Terme de Marine, en usage dans la pêche des perles, où chaque plongeur a deux aides, qu’on appelle autrement Assistans, ou Pêcheurs assistans. Ces aides ne plongent point, mais ils restent dans la barque attentifs au signal que leur donnera le Plongeur par le moyen de la corde qui est attachée à son corps par un bout, & amarrée par l’autre sur le bord de la barque pour le tirer du fond de l’eau. Dès que les plongeurs se sentent pressés, ils tirent la corde où leur sac est attaché, & ils s’y attachent eux-mêmes fortement avec les mains. Alors les deux aides, qui sont dans la barque, les guindent en l’air & les déchargent de leur pêche. P. Le Comte. Voyez Assistant & Perle, où nous parlerons de la manière dont se fait la pêche des perles.

Aide, en Droit canon, se dit d’une Eglise ou Chapelle, qu’en Droit on appelle succursale, & qu’on bâtit pour la commodité des Paroissiens, quand l’Eglise Paroissiale est trop éloignée, ou n’est pas assez grande pour contenir tout le peuple. Templum vicarium. La Paroisse de S. Paul avoit une aide au fauxbourg S. Antoine.

Aide. C’est aussi un terme de Religion, qui signifie une Religieuse qui aide celle qui est en charge. Donner une aide à une Officière. Adjutrix.

Aide, dans l’Art militaire, se dit de plusieurs Officiers, comme Aide-de-camp, Aide-major, &c.

☞ L’Aide-de-camp est un Officier qui sert auprès du Général, qui reçoit & qui porte ses ordres par-tout où il est nécessaire. Un Général a quatre Aides-de-camp. Les Lieutenans généraux & Maréchaux de camp n’en ont qu’un, ou du moins le Roi n’en paye qu’un.

☞ On appeloit autrefois Aides-de-camp dans nos Armées, ceux qui aidoient le Maréchal de camp dans la distribution des divers quartiers d’un campement.

☞ Quand le Roi est à l’Armée, ses Aides-de-camp sont de jeunes Seigneurs qui ont sous eux d’autres Aides-de-camp, qu’on appelle Aides-de-camp du Roi.

Aide-Major, est un Officier de guerre qui sert auprès du Major, & qui en fait la fonction en son absence. Præfecti castrorum, ou militum, vicarius. Il y en a plusieurs dans les places, selon leur grandeur, ou leur importance. Il y en a aussi dans les divers corps des troupes. Chaque Régiment de Cavalerie en a un ; ceux d’Infanterie deux. Ceux des Gardes en ont quatre ; Il y a d’ordinaire un Aide-Major pour chaque Bataillon.

☞ Il y a aussi des Aide-Majors dans les Escadres, qui font aussi les fonctions des Majors, pendant leur absence. S’il y a plusieurs Aide-Majors dans la même Escadre, on les distribue sur les principaux pavillons.

Aide du parc des vivres. Commis subordonné au Commis général du parc des vivres, qui en remplit les fonctions pendant son absence, & lui rend compte à son retour.

Aide de Relief. Droit qui est dû en certaines provinces aux héritiers du Seigneur immédiat, pour leur aider à relever leur fief envers le Seigneur supérieur. Instaurarivi prædii subsidiaria pensio. En Normandie on paye la moitié du relief, pour l’aide de relief : & il ne se payé que par ceux qui tiennent un fief, & seulement en cas de mort du Seigneur dont il relève immédiatement.

On a appelé aussi aides de relief, celles qu’un vassal étoit tenu de payer aux héritiers de son Seigneur décédé, pour leur aider à relever leur fief, ou payer le relief au fief chevel, ou dominant.

Aide-Chevel. Droit qui est dû par les vassaux à leur chef-Seigneur, & duquel ils sont relevans. Tributum clientelare, Tributi clientelaris pensio. Il y en avoit de trois sortes. L’un est l’aide de chevalerie : il se payoit quand le fils aîné du Seigneur étoit fait chevalier. L’autre s’appelle aide de mariage, lorsque le Seigneur marioit sa fille. Le dernier Historien d’Angleterre croit que ces taxes furent établies en ce royaume par Guillaume le Conquérant, qui les y fit passer de Normandie. Cependant la première à laquelle l’Histoire donne ce nom, ne fut levée que par Henri I. en considération du mariage de Matilde sa fille avec l’Empereur Henri V. Le dernier est l’aide de rançon, lorsque le Seigneur étoit fait prisonnier. La Coutume de Bourgogne ajoute une quatrième espèce d’Aide-chevel, lorsque le Seigneur vouloit aller à Jérusalem. Ces Aides-chevels étoient en usage presque par-tout le royaume. Boutillier rapporte que de son temps, & sous Charles IV. ces aides dépendoient de l’honnêteté, & de la bienveillance des vassaux ; c’est pourquoi on les appeloit Droits de complaisance. Tributum clientelare arbitrarium. Peut-être que les Seigneurs avoient imposé cette marque de servitude sur les vassaux, à l’exemple des patrons de l’ancienne Rome, qui recevoient des présens de leurs cliens & de leurs affranchis, ou pour doter leurs filles, ou à certains jours solennels, comme le jour de leur naissance. On nommoit ces droits, aides-chevels, parce qu’ils étoient dûs au chef-Seigneur ; quia capitali Domino debentur.

☞ Ces secours, libres dans leur origine, s’appeloient encore baux ou loyaux aides & devoirs, ou aides coutumières & communes, ou aides de noblesse. Voyez le P. Daniel, Hist. de Fr. T. II. Il y avoit aussi des aides raisonnables, qu’on donnoit au Seigneur en cas de nécessité, & qu’on taxoit raisonnablement, selon les facultés de chacun, noble ou roturier.

☞ On appeloit encore aides libres & gracieuses, celles qui étoient offertes volontairement au Seigneur par ses Sujets, dans les nécessités imprévues. Il y a des lettres du Roi de l’an 1553, par lesquelles il déclare qu’il tient pour subsides & aides gracieuses certaines sommes levées sur le Clergé, sur les Nobles & sur le Peuple.

Les Evêques ont aussi levé des aides sur les Ecclésiastiques, qu’ils appeloient Coutumes Episcopales, ou Synodales, quelquefois Deniers de Pâque. On les payoit au temps de leur sacre & joyeux avénement, ou lorsqu’ils recevoient les Rois chez eux, ou lorsqu’ils étoient appelés par le Pape pour venir en sa Cour, ou à un Concile, comme aussi lorsqu’ils alloient prendre à Rome le Pallium.

Les Archidiacres exigeoient aussi des Aides sur les Prêtres de leur archidiaconé. Voyez dans M. du Cange des preuves & des exemples de toutes ces choses qu’il a recherchées fort curieusement.

On a payé aussi des aides, tant au Roi, qu’aux Seigneurs, en plusieurs autres occasions. On payoit une aide au Seigneur quand il vouloit acheter une terre : mais seulement une fois en sa vie. Il y avoit des aides pour la fortification des places & des maisons royales ; d’autres pour la défense de la terre contre l’invasion des ennemis ; d’autres pour faire un voyage à la cour de l’Empereur. Il y avoit des aides de l’ost, & de chevauchée, qu’on devoit au Seigneur, quand on ne pouvoit pas lui rendre service en personne à l’armée.

Aides. s. f. pl. Terme de Finances. Il étoit autrefois masculin. Tributa, vectigalia. C’est en général toute imposition extraordinaire de deniers, que le Roi leve sur le peuple pour soutenir les charges de son Etat, auxquelles le revenu de son domaine ne pourroit suffire.

Les Aides ont été nommées d’abord ainsi, à cause que c’étoient des subsides que les Etats consentoient être levés sur le peuple, pour aider les Rois à soutenir les guerres. On appela Généraux des Aides, ceux qui étoient nommés par les Etats, pour recevoir ces deniers, & qui avoient l’Intendance générale sur tout le royaume, pour en prendre la direction, & en rendre compte aux Etats. On appeloit Elus, ceux qui avoient la direction particulière des Aides dans chaque province. Dans l’institution ils étoient choisis par les Etats, & confirmés par le Roi. Depuis, le Roi pourvut seul à ces charges, qui devenoient très-importantes à cause du maniement des Finances. Ces Aides ne furent imposées au commencement que pour un an, & puis pour deux ou trois ans ; & enfin elles devinrent perpétuelles.

Aides, se dit particulièrement des deniers que le Roi leve sur les denrées & marchandises qui se vendent, & se transportent dans toute l’étendue du royaume. La ferme des Aides étoit autrefois distinguée, & maintenant est unie à celle des Gabelles, & autres impositions. Ainsi les Aides répondent au mot latin Vectigal, à vehendis mercibus ; & elles sont payées par toutes sortes de personnes privilégiées, ou non. C’est par-là qu’elles différent des tailles, parce que les tailles ne se payent que par les roturiers, & sont une espèce de capitation qui répond au latin tributum.

Cour des Aides, est une Juridiction souveraine établie en plusieurs endroits du royaume pour juger des différens qui arrivent sur le payement des aides, & de tous les autres deniers royaux, à la réserve du domaine, &c. Rei tributariæ supremum Tribunal, Consilium. Curia subsidiorum. Oblationum, ou Oblationis Senatus. Summi vectigalium Judices. Quelques-uns les ont appelés Viginti quatuor viri vectigales, ou Generales ærarii. Anciennement il n’y avoit point en France de Juridiction particulière pour les Aides. Les Etats du royaume qui avoient consenti à ces impôts, constituoient des Généraux des Aides, à qui ils en commettoient la direction générale par tout le royaume, & des Elus pour chaque province. Mais les Rois s’étant attribué la nomination à ces charges, ils donnerent aussi le pouvoir aux Généraux des Aides de rendre la Justice, & de juger en dernier ressort les appels de Sentences rendues par les Elus, qui étoient les Juges inférieurs. Mais ce fut Charles VI qui le premier mit quelque distinction entre les Officiers des Finances, & ceux de la Justice. Par son Edit de 1388, il nomma des Généraux pour les Aides, & des Généraux pour la distribution de la Justice sur le fait des Aides, qui exercerent leurs fonctions séparément. Par un autre Edit de 1404, on constitua trois Conseillers généraux avec l’Archevêque de Besançon, qui étoit le Président, pour l’administration de la Justice. Cependant plusieurs années s’écoulerent avant que cette Compagnie fût érigée en Cour souveraine, quoique ceux qui la composoient, jugeassent en dernier ressort. Lorsque Charles VII, rentra dans Paris en 1436, elle n’étoit point encore censée faire corps. Pasq. Ce fut François I qui établit les Généraux des Aides sur le fait de la Justice : c’est ce qu’on a appelé depuis, Cour des Aides.

☞ Il y a aujourd’hui en France treize Cours des Aides, depuis la réunion de la Lorraine, comme treize Parlemens, savoir à Paris, à Rouen, à Nantes, à Bourdeaux, à Pau, à Montpellier, à Montauban, à Grenoble, à Aix, à Dijon, à Châlons, à Metz & à Nanci. Dans quelques provinces, telles que la Provence, la Bourgogne, & le Languedoc, la Cour des Aides est unie à la Chambre des Comptes.

On appelle aussi le lieu où l’on tient ce Tribunal, la Cour des Aides. Le Greffe, la Buvette de la Cour des Aides.

Aides, en termes de Manége, se dit des secours que tire le Cavalier des effets modérés de la bride, de l’éperon, du poinçon, du caveçon, de la gaule, de la voix, du mouvement des jambes & des cuisses, pour manier un cheval comme il lui plaît. Adjumenta. Ce cheval connoît les aides, obéit, répond aux aides ; prend les aides avec beaucoup de facilité, & de vigueur. Ce sauteur alloit extrêmement haut & juste en ses sauts, & sans aucune aide. Newcastle. Ce Cavalier donne les aides extrêmement fines : pour exprimer qu’il manie le cheval à propos, & lui fait marquer avec justesse ses temps, & ses mouvemens. Les aides dont on se sert pour faire aller un cheval par airs, & celles dont on se sert pour le faire aller sur le terrain, sont bien différentes. Newcastle. Il y a trois aides différentes qui se font ayant la rêne de dedans du caveçon à la main. La première est de mettre l’épaule de dehors du cheval en dedans ; la seconde est de lui mettre aussi en dedans l’épaule de dedans ; & la troisième est de lui arrêter les épaules. Id. Il y a les aides des éperons, les aides secrètes du gras de la jambe & des éperons, les aides de la houssine, les aides secrètes du corps du Cavalier. Les aides du corps doivent être fort douces.

A l’aide. adv. C’est-à-dire, au secours. A l’aide, on me tue, on m’assassine. Adeste, ferte opem.

Aide, se dit proverbialement en ces phrases. On dit avec un ton admiratif, dans quelque accident surprenant : Dieu nous soit en aide, & Dieu vous soit en aide, à ceux qui éternuent, ou à des pauvres qu’on renvoie sans leur donner l’aumône. Adsit Deus : Deus adjuvet.

 
Enfin il n’est rien tel que d’avoir un mari :
Ne fût-ce que pour l’heur d’avoir qui vous salue
D’un Dieu vous soit en aide alors qu’on éternue.

Mol.

On dit, bon droit a besoin d’aide ; pour dire, ce n’est pas assez que d’avoir une bonne cause, il faut encore la solliciter. Un peu d’aide fait grand bien ; pour dire, qu’un petit secours a son utilité. On dit, d’un homme qui va aux emprunts chez ses amis, d’un Auteur qui se fait aider par un autre, ou d’une coquette qui ne se contente pas de son mari, qu’ils vont à la cour des aides. Tout cela est populaire.

AIDEAU. s. m. Morceau de bois d’environ trois pieds de long, qu’on passe dans les bouts des barres d’une charrette pour voiturer du bois, & pour soutenir des charges élevées. Dict. des Arts, 1731.

AIDE-MAJORITÉ. s. m. La charge, la qualité d’Aide-Major.

AIDER. v. a. Secourir quelqu’un, lui prêter son aide & son assistance. Opitulari, adjuvare, opem ferre. Il régit, suivant les différences des cas, le datif & l’accusatif de la personne. Aider quelqu’un. Aider à quelqu’un. Dieu nous ordonne d’aider les pauvres, d’aider aux pauvres. Il faut pourtant mettre quelque différence entre aider quelqu’un, & aider à quelqu’un. Aider quelqu’un, c’est lui donner seulement quelque secours, & quelque assistance : au lieu qu’aider à quelqu’un, c’est partager avec lui le travail & la peine. Il y en a d’autres qui y mettent une autre différence, & qui disent que aider régit l’accusatif quand il se dit des personnes, & le datif, quand il se dit des choses. Apollon aide à la naissance des beaux esprits. Gomber. Aider à la fortune de quelqu’un. Vaug. Il faut encore remarquer sur le verbe aider, que quand il régit l’accusatif de la personne, il régit l’ablatif de la chose. Aider quelqu’un de son crédit. Ablanc. Il aidoit ses voisins de ses biens. Il faut aider ses amis de sa bourse.

Quand ce verbe est suivi immédiatement d’un autre verbe, il régit l’infinitif précédé de la particule à : & alors il signifie, être utile, servir, contribuer, participer au succès d’une chose, & s’employer pour la faire réussir. Aider quelqu’un à porter un fardeau. Elle n’avoit personne qui lui aidât à faire les funérailles de sa mere.

Aider, assister, secourir, dans une signification synonyme. On dit secourir, dans le danger. Aider, dans la peine. Assister dans le besoin. Secourir, part d’un mouvement de générosité ; aider d’un sentiment d’humanité ; & assister d’un mouvement de compassion.

☞ On va au secours dans le combat. On aide à porter un fardeau. On assiste les pauvres. Syn. Fr.

Aider, se dit aussi des choses inanimées, pour marquer l’avantage, le service qu’on en tire. Adjuvare, juvare, Adjumento esse. Les machines ont été inventées pour aider les hommes à remuer de gros fardeaux. Un peu de vin pur après le repas, aide à la digestion. On voit tous les jours des hommes avec peu de mérite, aidés du hasard, & de la fortune, acquérir de la réputation. P. Bourd. En ce sens, il se dit quelquefois pour signifier tout le contraire d’un secours, d’une utilité. La perte de ce vaisseau a beaucoup aidé à la banqueroute de ce Marchand. Sa dernière débauche n’a pas peu aidé à le faire mourir.

Aider, se dit aussi en matière spirituelle. La grâce aide un pécheur à se convertir. En vain travaillons-nous, si Dieu ne nous aide. Il faut aider la liberté de celui qui nous avertit, en recevant facilement ses avis. S. Evr. Une glose aide à faire entendre le texte.

On dit au jeu de la bête, qu’il faut aider au contre ; pour dire, tâcher de le faire perdre.

On dit au Manége, aider un cheval, lorsque l’adresse & le secours du Cavalier lui aident à travailler à propos, & à lui faire marquer ses temps avec justesse par les aides de la langue, de la main, de la jambe, du talon, de la bride, de la gaule, &c. M. Ménage dérive ce mot de l’Italien aiutare, qui est fait du latin adjutare, qui se trouve dans Ennius, dans Plaute, dans Térence, & même sur des médailles du bas Empire ; d’où les Espagnols ont fait Adjudant.

Aider, s’emploie souvent avec le pronom personnel, & signifie alors, se servir de quelque chose. Uti aliquâ re, adhibere aliquid. Un paralytique ne se peut aider de ses membres. Un gaucher ne s’aide pas si bien de sa droite que de sa gauche. Dans la nécessité on s’aide de tout ce que l’on trouve.

On dit au Palais, qu’un homme s’aide d’une pièce, quand il la produit pour en tirer quelque avantage, en faire usage. On n’est point reçu à s’inscrire en faux contre un acte qu’a produit une partie adverse, que le Juge ne lui ait fait faire une déclaration précise si elle s’en veut aider. Les présomptions sont des adminicules de preuves qui aident à la conviction d’un accusé.

On dit aussi absolument, & dans la conversation commune, qu’il faut qu’un homme s’aide ; pour dire, qu’il fasse un effort de lui même, pour profiter du secours qu’on lui veut donner. Conari, eniti. Je ne puis pas vous prêter toute la somme que vous me demandez ; il faut que vous vous aidiez, que vous cherchiez le reste ailleurs.

Ce verbe devient quelquefois réciproque, en y préposant la particule entre. Il faut que les hommes s’entraident, qu’ils s’aident l’un l’autre, & se pretent un secours mutuel. Mutuam sibi opem, operam præstare, navare.

Aider, se dit proverbialement en ces phrases : Dieu aide à trois sortes de personnes, aux fous, aux enfans & aux ivrognes. On dit aussi, aide-toi, Dieu t’aidera ; pour dire, qu’on n’obtient rien de Dieu sans travailler soi-même au succès de ses entreprises, & que les paresseux ne doivent attendre aucun secours de la Providence, suivant ce proverbe Espagnol :

 
A quien madruga, Dios le ayuda.
A qui se leve matin,
Dieu aide & prête la main.

On dit aussi, qu’il faut aider à la lettre ; pour dire, suppléer à ce qui manque, deviner à demi mot. On dit encore, aider à la lettre, lorsqu’on ajoute quelque chose du sien à une histoire, à une fable pour l’embellir & la rendre plus agréable.

Chez les Anciens, c’étoit une formule de jurement de dire, ainsi m’aide Dieu. Ità me deus adjuvet ; c’est-à-dire, qu’on prend Dieu à témoin de la sincérité de sa promesse, & qu’on fait une espèce d’imprécation sur soi-même, en cas qu’on vienne à y manquer par sa faute. Et le sens est, que Dieu m’aide, de la même manière que je promets. Ainsi que je promets cela, ainsi Dieu m’aide ; ou, ce qui revient au même, je veux n’être point aidé de Dieu, si je ne promets pas cela véritablement, & sincèrement.

Aider, faisoit autrefois à la troisième personne du présent du subjonctif aist. Et je lui dis qu’il sortît hors de mon logis, & que jamais, ainsi m’aist Dieu, il ne seroit de ma maison. Joinville. C’est-à-dire, ainsi m’aide Dieu. Sic me deus adjuvet.

AIDÉ, ÉE. part. Adjutus, nixus, fretus. Un homme aidé de la faveur de son Prince peut entreprendre beaucoup de choses.

AIDANT, autre part. & adj. Celui qui aide. Adjutor, Adjutrix. C’est un vieux mot dont on ne le sert plus guère maintenant. On disoit autrefois, malgré lui & ses aidans, dont on a fait ce proverbe corrompu, malgré lui, & malgré ses dents.

On le dit absolument en cette phrase : Dieu aidant ; pour dire, s’il plaît à Dieu, moyennant son secours. Deo juvante. Je vous irai voir Mardi, Dieu aidant. Ce malade guérira bientôt, Dieu aidant. Les Grecs disoient, Σὺν Θεώ, & l’on trouve une fois dans Plaute, Cum Diis. Ainsi il ne faut pas absolument blâmer ceux qui disent en latin Cum Deo.

☞ AIDINELLI, ou plutôt AIDIN-ILI. Nom moderne que les Turcs donnent présentement à une province de la Natolie, que les anciens ont connue sous celui de Carie, pourtant plus resserrée vers le levant que l’ancienne Carie.

☞ AIDIUZIK, ou la petite Aidine, ou, selon d’autres, Aidingiux. Province d’Asie, dans la Natolie, comprise dans l’ancienne Troade. Elle s’étend autour d’Abidos, que les Turcs nomment Aidos.

☞ AIDOIAGRAPHIE. s. f. Terme d’Anatomie dérivé du grec. C’est la description des parties de la génération.

☞ AIDOIALOGIE. s. f. Partie de la Médecine qui traite de ce qui concerne les parties de la génération. Acad. Fr.

☞ AIDOS, ou AVEO, Petite ville de Turquie, dans la Natolie, sur le détroit de Gallipoli.

AÏE.

AÏE. Vieux mot, qui veut dire. Aide.

Qui ja ne vous faudrait d’aïe. R. de Perc.

C’est apparemment de-là qu’est venu l’interjection Aïe, qui est une exclamation de douleur. Si quelqu’un nous marche sur le pied, par exemple, nous nous écrions Aïe ! Comme si nous disions, À l’aide ; de l’aide. Quelques-uns écrivent cette interjection ai, ou hai ; mais ce qu’on vient de dire semble plus naturel.

Aïe. Plante de l’Amérique, dont les branches prennent d’elles-mêmes racine à comme le lierre, mais ses feuilles ne sont pas si épaisses que celles du lierre. L’aïe est de la couleur de la queue du paon noir & azuré. Cette herbe est cordiale. Gonzalve d’Oviedo, Sommaire des Indes Occidentales. Je trouve encore une racine appelée Agies, & qui est probablement la même chose : elle croit en forme de navet dans l’île Espagnole ; & les habitans s’en servent au lieu de pain, dit Dom Pierre Martyr, dans son Sommaire des Indes Occidentales.

Aïe, est encore une expression dont se servent les chartiers pour faire avancer leurs chevaux, & ce mot paroit fait de aille, impératif du verbe aller. I, Ito.

☞ AIELLO, ou AIELO. Thyella ou Thyllesium. Ville avec titre de Duché, au royaume de Naples, dans l’Abruzze ultérieure.

☞ AÏEUL. s. m. Grand pere, le pere de celui qui a des enfans. Avus. Il y a aïeul paternel & aïeul maternel. Il faut au pluriel aïeuls, quand on veut désigner précisément le grand pere paternel & maternel. Ses deux aïeuls ont rempli cette place. Par-tout ailleurs on dit aïeux, pour désigner ceux de qui on descend.

Ce long amas d’aïeux que vous diffamez tous,
Sont autant de témoins qui parlent contre vous.

Boil.

Quelque rang où j’adis soient montés vos aïeux,
Leur gloire de si loin n’éblouit point mes yeux.

Racin.

Se pare qui voudra du nom de ses aïeux,
Moi je ne veux porter que moi-même en tous lieux.

Corn.

AÏEUX, se dit quelquefois en général des hommes qui nous ont précédés, soit dans notre famille, soit dans notre nation. Majores.

Mais cela fut j’adis au temps de nos aïeux.

Balzac.

Et nos aïeux étaient aussi sages que nous.

Ce mot Aïeul vient d’aviolus, diminutif d’avus. Huet. De l’hébreu אב av, qui signifie pere, avus a été formé. Guichard ; & de avus, ou aviolus, s’est fait aïeul.

☞ On dit bisaïeul, & trisaïeul. Pour les degrés qui sont au-dessus, on dit quatrième, cinquième aïeul, &c.

Aïeule, s. f. Grand mere. Avia. Il y a aïeule paternelle, & aïeule maternelle.

AIG.

AIGAIL. s. m. Voyez Aiguail.

☞ AIGAYER. v. a. Laver dans l’eau, Voy. Ayguayer.

AIGLANTIER. s. m. Arbrisseau, espèce d’épine. Voyez Églantier, & Rosier.

AIGLAT. s. m. Le petit d’un aigle. Pullus aquilæ. Ce mot est vieux. On dit aujourd’hui Aiglon.

AIGLE. s. m. Aquila. Quelques Auteurs le font féminin. Nous marquerons dans les articles qui suivent, les cas où il est susceptible de l’un ou l’autre genre. L’Aigle est le plus grand, le plus fort, & le plus vîte des oiseaux de proie. Il a un bec long & crochu, les jambes jaunes couvertes d’écailles, les ongles crochus & fort grands, la queue courte. Son plumage est châtain, brun, roux, & blanc. Son bec est noir par le bout, bleuâtre par le milieu, & jaune en quelques autres parties. Il y a un duvet sous les grandes plumes, dont le tuyau a d’ordinaire neuf lignes de tour. L’aigle fait son aire sur les plus hauts rochers des pays d’Occident. Il nourrit ses petits jusqu’à ce qu’ils sachent voler, & alors il les chasse de son aire. Il se nourrit de la chair des oiseaux ou des lièvres qu’il prend. Il vit fort long-temps, & ne meurt ordinairement que parce qu’il ne sauroit plus manger. Il a la vûe très-perçante, & de-là vient que pour dire qu’une personne a bonne vûe, on dit qu’il a des yeux d’aigle. Tardif. Fau. Le P. Ange Jésuite, dans son Optique, dit que la raison pour laquelle les aigles, qui n’ont pas les fibres des yeux plus fortes que les autres animaux, peuvent cependant regarder plus fixement le soleil, & en supporter plus facilement les rayons, est qu’ils ont deux paupières ; l’une dont ils se ferment entièrement les yeux, & sous celle-ci une autre qui est plus délicate, & dont ils se les couvrent lorsqu’ils regardent quelque corps lumineux, pour s’en rendre ainsi la lumière plus supportable.

L’aigle hait le roitelet, & en a peur.

On a dressé les aigles à la volière, mais ils ne réussissent qu’en pays de montagnes. L’aigle ne peut tenir long-temps sur aile dans les plaines. Il est foible quand il se rabat, & les sacres le battent & le tuent. Les Peintres représentent Jupiter monté sur un aigle. Un vol d’aigle, est celui qui s’élève au-dessus des autres oiseaux. Entre les aigles qu’on nourrissoit dans le palais de Montézume Roi de Méxique, il y en avoit un si grand, qu’il mangeoit un mouton à chaque repas. On dit que l’aigle meurt quelquefois de faim, parce que la partie supérieure de son bec étant recourbée par la pointe, & croissant avec l’âge, elle se courbe si fort en dessous, qu’elle ferme la partie inférieure, ensorte qu’elle ne peut plus s’ouvrir, ni prendre la nourriture.

On donnoit chez les Grecs le nom d’Aigle à de certains toits de maison qui étoient faits en forme d’aigle. Nous ouvrirons vos maisons en forme d’aigle, dit Aristophane dans sa Comédie intitulée, des Oiseaux. Voyez le Dictionnaire d’Harpocration, sur le mot ἀετός, qui signifie Aigle.

Aigle-Faucon, est un aigle qui prend les oiseaux de proie,

Aigle-d’Orinoque. Gros oiseau de proie qui passe souvent de la terre-ferme aux Antilles. Les premiers habitans de Tabago l’ont ainsi nommé, à cause qu’il a la grosseur & la figure d’un aigle, & qu’il se voit communément dans la partie méridionale de l’Amérique, qui est arrosée de la rivière d’Orinoque. Tout son plumage est d’un gris clair, marqueté de taches noires ; excepté les extrémités de ses ailes & de sa queue qui sont bordées de jaune. Il a les yeux vifs & perçans, les ailes fort longues, le vol roide. Il se repaît d’autres oiseaux. Il n’attaque jamais ceux qui sont plus foibles & sans défense. Il ne se rue point sur son gibier tandis qu’il est à terre, ou sur un arbre ; il attend qu’il ait pris l’essor, pour le combattre en l’air. Lonvillers.

Aristote & Pline distinguent six espèces d’aigles, auxquelles ils ont donné divers noms grecs selon la différence de leur plumage : comme l’aigle royal est appelé γνήσιος par Aristote, & ἀστηρίας à cause de la couleur rousse & comme dorée de ses plumes, dont les taches rousses représentent des étoiles. L’aigle noirâtre, qui est le plus petit de tous & le plus vigoureux. Valeria. L’aigle à la queue blanche. Pygargus. L’aigle de moyenne grandeur, qui a la queue grande & demeure auprès des étangs. Morphnus, L’aigle de mer, ou orfraie, qui éprouve ses aiglons aux rayons du soleil. Haliæetus. L’aigle barbu, qui est une espèce d’ossifrage. Ossifraga.

Aigle, en termes de Blason & de devise, est féminin. C’est le symbole de la royauté, selon Philostrate, parce que c’est le roi des oiseaux. L’Empereur la porte dans ses armes. On la représente quelquefois avec une tête, quelquefois avec deux, & en ce cas on l’appelle aigle éployée, quoiqu’elle n’ait jamais qu’un corps, deux jambes, & deux ailes ouvertes, & étendues, montrant entièrement l’estomac. Celle de l’Empire est de cette sorte. Il y en a de couronnées, d’autres membrées & becquées d’un émail différent de celui du corps ; & même il y en a de monstrueuses, qui ont des têtes humaines, & de loup. Les premiers qui se trouvent avoir porté l’aigle dans leurs enseignes, sont les Persans, selon le témoignage de Xénophon. Les Romains, après avoir porté diverses autres enseignes, s’arrêterent enfin à l’aigle, la seconde année du consulat de Marius. Avant lui ils portoient indifféremment des loups, des léopards & des aigles, selon qu’il plaisoit au Général. On dit que ce fut Constantin qui fut auteur de l’aigle à deux têtes, pour montrer que l’Empire, quoiqu’il semblât divisé, n’étoit néanmoins qu’un corps. D’autres disent que ce fut Charles-Martel qui remit les aigles Romaines dans les étendards de l’Empire, & qui y ajouta en même temps une seconde tête. Cependant cette opinion est détruite par une aigle à deux têtes, que Lipse a observée dans la colonne Antonine, & parce que postérieurement on ne voit qu’une seule tête dans le sceau de la bulle d’Or faite du temps de Charles IV, Empereur. De sorte qu’il y a plus d’apparence à la conjecture du Pere Menestrier, qui dit que de même que les Empereurs d’Orient, quand il y en avoit deux sur le trône, marquoient leurs monnoies d’une croix à double traverse, que chacun d’eux tenait d’une main, comme étant le sceptre des Chrétiens ; aussi firent-ils la même chose de l’aigle dans leurs armoiries ; & au lieu de doubler leurs écussons & leurs aigles, ils les joignirent, & y représenterent deux têtes. Ce que les Empereurs d’Occident ont suivi quelque temps après. Un Poëte Italien a dit à cette occasion, qu’on avoit fait de l’aigle de l’Empereur, un oiseau bien carnassier, en lui donnant deux têtes & deux becs, pour le rendre plus redoutable. Le P. Papebroch, dans le V Tome du mois de Mai, p. 218, dit qu’il voudroit voir la conjecture du P. Ménestrier prouvée par d’anciennes monnoies ; que sans cela il doutera si l’usage de l’aigle à deux têtes n’a point été purement arbitraire, comme celui de la croix à double traverse ; qu’au reste il penche beaucoup à croire que cet usage de l’aigle à deux têtes s’est introduit à l’occasion de deux Empereurs qui auront été en même temps sur le trône. Il ajoute, que depuis l’aigle à deux têtes de la colonne d’Antonin, on n’en trouve plus jusqu’au quatorzième siècle sous Jean Paléologue. Voyez-en la figure dans l’édition de Géorg. Codinus faite à Paris. Voyez aussi Lipse, Analecta ad utilit. Roman. L. III. Dial. 2.

Ce mot signifie donc quelquefois l’enseigne des légions des anciens Romains. Ils virent briller les aigles & les enseignes des légions. Ablanc. Quelquefois il signifie les armées Romaines. C’est votre sagesse seule qui a donné de la terreur à l’aigle Romaine. Patr. Et quelquefois même les enseignes de l’Empereur d’aujourd’hui, & les troupes de l’Empire. Au reste, bien d’autres nations que les Romains ont eu des aigles pour enseignes. Nous dirons tout-à-l’heure, que selon le sentiment de quelques Savans, les Romains ont pris cette coutume de Jupiter de Crete. D’autres disent que c’est des Toscans, ou des Epirotes. On conjecture aussi que Ganyméde fut enlevé par un navire nommé l’aigle, parce qu’il en portoit la figure, ou par des troupes Phrygiennes, dont les étendards étoient des aigles ; & que c’est-là ce qui a donné lieu à la fable du rapt de Ganymède par une aigle. Ces aigles Romaines n’étoient point des aigles peintes sur des drapeaux. C’étoient des aigles d’argent ou d’or, au haut d’une pique. Elles avoient les ailes étendues, & tenoient quelquefois un foudre dans leurs serres. Voyez l’histoire de Dion au L. IX. Au-dessous de l’aigle on attachoit à la pique des boucliers ; on y mettoit quelquefois des couronnes. Tout cela se voit encore très-distinctement sur plusieurs médailles. Feschius traite de tout cela dans sa Dissertation, de Insignibus, des Enseignes, & Juste-Lipse dans son Traité de la Milice Romaine. Liv. IV. Dial. 5.

En tous ces sens, le mot d’Aigle est toujours féminin.

Aigle, signifie aussi l’Empire d’Allemagne, & l’Allemagne même. L’aigle commence à triompher du croissant. En ce sens le mot d’aigle est masculin. Déjà prenoit l’essor pour se sauver dans les montagnes, cet aigle dont le vol hardi avoit d’abord effrayé nos provinces. Flech. Rendre à l’aigle éperdu sa première vigueur. Boil.

Ce mot se prend aussi figurément pour un esprit grand, élevé, pénétrant. En ce sens il est masculin. C’est un aigle dont je ne puis suivre le vol. Peliss. On compare S. Jean l’Evangéliste à un aigle, à cause de la manière haute & sublime, dont il commence son Evangile.

☞ On s’en sert aussi dans un sens relatif, pour marquer la supériorité d’un homme sur un autre. Cet homme-là est un aigle en comparaison de celui dont vous parlez.

☞ On dit qu’un homme a des yeux d’aigle, pour signifier au propre qu’il a des yeux vifs & perçans : au figuré, qu’il a une grande pénétration d’esprit.

☞ On dit proverbialement crier comme un aigle, crier d’une voix aiguë & perçante.

Aigle, en Astronomie, est l’une des 21 constellations septentrionales. L’aile droite de l’aigle touche la ligne équinoxiale ; son aile gauche est voisine de la tête du serpent. Son bec est séparé du reste du corps par le cercle qui va du Cancer au Capricorne. Il se leve avec le Capricorne, & se couche lorsque le Lion se leve. La fable dit que l’aigle a été mis au nombre des astres, parce qu’il portoit à Jupiter le nectar, pendant qu’il étoit caché dans un antre de l’île de Crete, pour éviter d’être dévoré par Saturne. C’est le sentiment de Méro femme de Bysance, célébre par son génie pour la poësie. D’autres disent que c’est parce qu’au temps que le Jupiter de Crete se préparoit à faire la guerre aux Géans, qui avoient mis son pere aux fers, cet aigle lui apporta à Naxi un bon augure de la victoire ; que depuis ce temps-là il se servit pour enseignes de la figure d’un aigle ; & que c’est de lui que les Romains prirent cette coutume dans la suite. D’autres disent que ce fut en récompense de ce qu’il avoit enlevé Ganymède dans les cieux. Un Ancien même a feint que c’étoit l’ame de Platon. Ticho-Brahé donne à cette constellation dix-sept étoiles ; d’autres lui en donnent trente-deux.

Il y a trois étoiles auxquelles les Astronomes Arabes donnent le nom d’Aigle. Ils appellent l’une Nasr Sohail, l’Aigle de Canapus, ou autrement Sitarch Jemen, l’étoile de l’Arabie heureuse ; parce qu’ils prétendent que cet astre y domine. L’autre porte le nom de Nasr Althair, l’Aigle volante ; & la troisième Nasr Alvake, l’Aigle reposante. D’Herb.

Aigle blanche, ou Aigle-blanc. Ordre Militaire de Pologne. Menénius sur l’autorité de Jérôme Roman, Historien d’Espagne, dit que sous les Empereurs Sigismond & Albert II, il y a eu en Allemagne trois Ordres Militaires fort célébres, & qu’un certain Moyse Didace de Valéra, Espagnol, reçut de l’empereur Albert ces trois Ordres ; celui du Dragon que ce Prince lui donna comme Roi de Hongrie ; celui de Tusin comme Roi de Bohème ; & celui des Disciplines ou de l’Aigle-blanche, comme Archiduc d’Autriche. Mais comme l’Autriche n’a été érigée en Archiduché que par l’Empereur Maximilien I, l’an 1495, Albert qui mourut l’an 1440 n’auroit pû donner l’Ordre de l’Aigle-blanche à ce Valéra, en qualité d’Archiduc d’Autriche. Aussi les Historiens sont-ils partagés au sujet de l’institution de cet Ordre. Quelques-uns l’attribuent à Uladislas V, Roi de Pologne, qui, selon eux, l’institua au mariage de son fils Casimir le Grand, avec la fille du Grand-Duc de Lithuanie en 1325. Ils ajoutent qu’un nid d’aiglons, qui fut trouvé par Léchus, premier Prince de Pologne, lorsqu’il faisoit creuser les fondemens de la Ville de Gnesne, donna occasion à Uladislas de prendre pour marque de cet Ordre un Aigle-blanc couronné, pendant à un collier de chaînes d’or.

Il se peut faire qu’il y ait eu aussi en Autriche un Ordre sous ce nom & sous celui des Disciplines, dont le collier, selon quelques Ecrivains, étoit en forme de baudrier, où étoient attachés des Aigles-blancs.

Quoiqu’il en soit, en 1705, Frédéric Auguste, Roi de Pologne & Duc de Saxe, renouvela dans ce royaume l’Ordre de l’Aigle-blanc, & le conféra à plusieurs Seigneurs qui avoient suivi son parti, avec cette devise Pro Fide, Lege & Rege. P.Hélyot. T. VIII. C. 51.

Aigle-noire, ou Aigle-noir. Ordre de l’Aigle-noir, Chevalier de l’Aigle-noir. Nom d’un Ordre Militaire en Allemagne. Frédéric III, Marquis & Electeur de Brandebourg, ayant pris le titre de Roi de Prusse, institua le 4 Janvier 1701, un Ordre Militaire sous le titre de la Fidélité, & donna aux Chevaliers, pour marque de cet Ordre, une croix d’or émaillée de bleu, ayant au milieu les chifres de ce Prince, FR ; & aux angles l’Aigle de Prusse émaillée de noir. Cette croix est attachée à un ruban orangé, en mémoire de la Princesse d’Orange, mere du Prince. Ils portent ce ruban en forme d’écharpe, depuis l’épaule gauche jusqu’à la hanche droite, sur le juste-au-corps. Ils portent encore sur le côté gauche de leurs habits une croix bordée d’argent en forme d’étoile, au milieu de laquelle est un Aigle en broderie d’or sur un fond orange, l’Aigle tenant dans l’une de ses serres une couronne de laurier, & dans l’autre un foudre avec cette inscription au-dessus de sa tête : Suum cuique, en broderie d’argent, P. Hélyot, T. VIII. C. 51.

On appelle aussi dans les Eglises Aigle, le pupitre de cuivre qui est au milieu du chœur, à cause qu’il représente un aigle les ailes étendues, & on dit dans les Chapitres, qu’un Chanoine est à l’aigle, quand il est semainier, lorsqu’il fait l’Office. En ce sens Aigle est toujours masculin. Un aigle assorti de divers ornemens. Hist. de l’Eglise de Meaux, t. I. p. 295.

Aigle, en termes d’Architecture, est un oiseau qui servoit anciennement d’attribut aux chapiteaux des temples dédiés à Jupiter. Il sert encore d’ornement à quelques chapiteaux.

On appelle Pierre d’aigle, certaine pierre creuse & sonnante, à cause d’une petite pierre qui est renfermée dedans, nommée Callimus. On dit qu’elle sert aux femmes en couche, pour retenir, ou faire sortir l’enfant, suivant qu’elle est appliquée au-dessus ou au-dessous de la matrice. Aetites. On l’appelle du grec Ἀετός, aigle. Pietra d’aquila, en Italien, parce qu’on la trouve quelquefois dans des nids d’aigle. ☞ Dioscoride dit qu’elle sert à découvrir les voleurs, & que si on la mêle avec ce que mange un homme accusé de vol, il ne pourra jamais l’avaler, s’il est vraiment coupable. Mathiole ajoute que les aigles vont chercher cette pierre jusqu’aux Indes pour faire éclore plus facilement leurs petits. C’est sur cette fable sans doute qu’est fondée la prétendue propriété attribuée à cette pierre, d’accélérer les accouchemens.

☞ La pierre qu’on appelle Pierre d’aigle se trouve dans les Apennins, dans le Véronois & dans plusieurs fleuves. Elle est souvent nommée Lapis prægnans, & par, ferrante imperato, ventre crystallino. Pline en rapporte quatre espèces, Africanum, Arabicum, Cyprium & Tephiasium. Gesner en admet quinze espèces, qui varient peu entre elles. Bausch a fait un Traité latin sur la pierre d’aigle.

Il y a aussi, aux Indes un bois exquis qu’on appelle Palo d’aquila, ou bois d’aigle, qui croît au royaume de Siam, & dont on fait un grand trafic au Japon. Il en croît aussi à La Chine dans la province de Quantung.

L’aigle, sur les médailles, est la marque de la Divinité, & de la Providence, selon M. Sphanheim, & de l’Empire, selon tous les Antiquaires. Les Princes qui ont le plus ordinairement des aigles sur leurs médailles, sont les Ptolomées d’Egypte, souvent aussi les Séleucides Rois de Syrie. Une aigle avec ce mot, Consecratio, est la marque de l’Apothéose pour les Empereurs. On a fait entrer l’aigle dans plusieurs devises. Une aigle que les rayons du soleil n’éblouissent point, & qui n’en voit que mieux après les avoir regardés fixement, avec ce vers de Pétrarque.

 
E quanto il mira più, tanto più luce.

Plus elle le considere, plus elle est éclairée, marque, selon Picinelli, une ame que ses communications avec Dieu éclairent. Une aigle qui s’éleve au-dessus des nues, Sudum per nubila quærit, est la devise de ceux qui acquierent de la gloire dans une vie retirée & cachée. Celle d’un grand courage, est une aigle au milieu d’un ciel orageux avec ce mot, Nil fulmina terrent ; ou celui-ci en espagnol, Ni matar me, ni spentar me. Guillaume II, Roi d’Angleterre, avoit pris pour la sienne une aigle qui regarde fixement le soleil, avec ce mot, Profero.

Aigle, chez les Alchimistes, a plusieurs significations, sur lesquelles nous passerons légérement.

Aigle-blanc. Aquila alba. C’est la même chose que Mercurius dulcis, Mercure doux. Harr.

Aigle noir. Aquila nigra. C’est l’esprit de cette Cadmie vénéneuse, appelée Cobalt, que quelques personnes prétendent être la matière du Mercure philosophique.

Aigle céleste. Aquila cœlestis. C’est la Panacée ou remède pour toutes sortes de maladies, que l’on prépare avec le mercure réduit en essence.

Aigle de Venus. Aquila Veneris. C’est un safran composé de vert-de-gris au moyen d’un feu de réverbère, auquel on ajoute du sel ammoniac, qui est quelquefois sublimé.

☞ Ils appellent encore aigle volante, le mercure après sa sublimation, soit à cause de sa volatilité, soit parce qu’il dévore l’or & le réduit à sa première matière en le réincrudant, de même que l’aigle dévore les autres oiseaux.

Aigle étendue, c’est le sel ammoniac sublimé.

Aigle. Nom de lieu. Ad Aquilas, Aquila. Il y a plusieurs villes de ce nom, qui leur vient sans doute de ce qu’il y a eu en ces lieux quelque camp Romain, où les Aigles Romaines étoient arborées. De-là vient qu’on les nomme, Ad Aquilas.

L’aigle, en France, est une petite ville de Normandie, peu éloignée de la source de la Rille, entre Séez & Evreux. On fait à l’Aigle un gros commerce d’épingles.

L’aigle, en Allemagne, est un bourg du diocèse de Trèves, sur la Moselle, vis-à-vis de l’embouchure de la Sare, au-dessus de Trêves. On y voit un monument ancien, élevé de 70 pieds, en forme de pyramide sur un plan carré.

L’aigle, en Suisse, est un bourg du pays de Vaux, vers le Valais & le lac de Genève.

Aigle, est encore le nom d’un cap de Provence, entre Marseille & Toulon, près de la Ciotat. Catharistes.

AIGLETTE. s. f. Petite aigle. Junior aquila.

AIGLETTES, ou Aiglons, en termes de Blason, se dit indifféremment, pour désigner de jeunes aigles représentées sans bec & sans serres. Il porte d’azur à trois Aiglons, ou à trois Aiglettes d’or.

AIGLON. s. m. Le petit d’un aigle. Pullus aquilæ. Un jeune aiglon qui regarde fixement le soleil. Je vous ai porté comme l’aigle porte ses aiglons. Port. R. Le renard mit le feu à l’arbre, & les aiglons tomberent Id.

Et l’aigle fait sentir à ses tendres aiglons
La clarté du soleil au fort de ses rayons. Boil.

Un aiglon qui suit son pere volant vers le soleil, & le regardant fixement comme lui, avec cette devise ; Non inferiora secutus ; ou celle-ci, Auspiciis animisque patris, marque un enfant qui imite son pere, qui apprend à servir son Prince sous la conduite & à l’exemple de son pere.

AIGLURES. s. f. pl. Terme de Fauconnerie, qui se dit des taches rousses semées sur le corps de l’oiseau, qui bigarrent son pennage. Versicolores avium plumæ. Le lanier plus que tous les autres oiseaux est bigarré d’aiglures. On appelle aussi cela Bigarrures.

☞ AIGNAN le Feuget. Petite ville de France, dans le bas Armagnac, près de la source du Midon. M. de Lisle écrit Agnan. On prononce Anian.

AIGOCERAS. s. m. ou Corne de bœuf. C’est la plante que l’on connoît en France sous le nom de Fenu-grec. Cette plante croît en plusieurs provinces du royaume, & on la cultive en quelques endroits des environs de Paris. Voyez: Fenu-grec

☞ AIGRE. adj. m. & f. Ce mot désigne ce qui est acide, piquant au goût. Acidus. C’est la cinquième des sept saveurs principales. Une grande quantité de sels acides en est la cause physique. Voyez Saveur. Le citron, la grenade sont des fruits aigres. C’est là sa signification primitive & son usage propre. Ensuite on a appliqué ce mot par analogie à deux autres sens, & l’on a appelé aigre ce qui fait à-peu-près sur l’ouie & sur l’odorat, ce que fait l’aigre sur le goût. Une voix aigre, un son de voix aigre. C’est un son aigre & rude en même temps. Ce musicien tire des sons aigres de son instrument. Cette cloche rend un son aigre.

☞ On applique de même ce mot à certaines odeurs désagréables occasionnées par la corruption. On appelle un goût aigre, celui qui vient des viandes mal digérées dans l’estomac. Une senteur aigre. Un goût aigre.

Aigre en peinture. On appelle couleurs aigres celles qui ne sont pas liées par des passages qui les accordent, & qui, par cette raison, sont désagréables à la vue.

Aigre, se dit aussi des métaux cassans, dont les parties ne sont pas bien liées, & se séparent facilement les unes des autres. Asper, fragilis. Le cuivre est aigre jusqu’à ce qu’il ait été fondu. On ne sauroit forger le fer qui est trop aigre.

Aigre, est aussi quelquefois substantif. Cela sent l’aigre. Je n’aime pas l’aigre. Cela tire sur l’aigre

Aigre, se dit aussi figurément en Morale, de l’esprit & de l’humeur ; pour dire, rude, piquant, choquant. Acerbus, Asper. C’est un esprit aigre. Son humeur est aigre ; pour dire, il est prompt à piquer les autres, & difficile à s’apaiser. En ce sens on dit, une aigre réprimande, une aigre répartie. Tibère étoit aigre dans ses réprimandes. Un ton aigre, un style aigre. Ablanc.

 
Il est dans ses discours plus aigre, plus mordant,
Qu’une femme en furie, ou Gautier en plaidant.

Boil.

Ce mot vient d’acer, qui est la même chose ; mais, selon le P. Pezron, acer est pris du Celtique aigre.

Aigre-doux. Qui a le goût mêlé de doux & d’aigre. Il ne se dit guère que des fruits. Acido & dulci mixtus. Les anciens Poëtes disoient au figuré, ton esprit aigre-doux. Baïf avoit inventé ce mot, qui n’a pas été heureux. On le diroit cependant encore dans le style badin, ou comique, & un Poëte de ce temps dit,

 
Un compliment aigre-doux & malin,
Bref, comme on dit, moitié figue & raisin.

Alors aigre est indéclinable, & ne prend point le signe du pluriel. Complimens aigre-doux.

En Normandie il se dit du vieux cidre, qu’on a passé sur le marc nouveau, afin d’adoucir son aigreur & sa dureté. Les bons gourmets discernent facilement le vieux cidre, qu’on a repassé sur du marc nouveau, parce qu’il est aigre-doux.

Aigre de cédre, s. m. Sorte de liqueur faite avec du jus de citron, de limon ou de cédrat & avec du sucre, & qui, mêlée ensuite avec de l’eau, fait une boisson fort agréable.

AIGREFIN ou ÉGREFIN. s. m. Sorte de poisson de mer, assez semblable au merlan, mais plus long, plus gros, plus ferme, & de meilleur goût, ayant une ligne noire depuis la tête jusqu’à la queue. Jecorarius. Il s’en pêche beaucoup sur les côtes d’Ecosse. On le mange frais, & pour le garder, on le sale, & on le fait fumer & sécher à la cheminée. Le négoce de ce poisson est peu considérable en France, & presque toute la consommation s’en fait sur les côtes où il se pêche. C’étoit aussi une espèce de monnoie, dont Rabelais fait mention.

☞ AIGRE-FIN. s. m. Terme de mépris, ironique & burlesque, dont on se sert dans le style familier pour signifier un homme qui vit d’industrie, autrement Chevalier d’industrie. Voyez ce mot.

AIGREDON. s m. On doit dire EDREDON. Voyez ce mot.

AIGRELET, ETTE. adj. Qui est un peu aigre. Acidulus, Subacidus. Une sausse aigrelette. Un fruit aigrelet. L’épine-vinette a un petit goût aigrelet.

AIGREMENT. adv. D’une manière aigre. Acerbè, Asperè. Il ne se dit point au propre ; mais on dit au figuré, parler, répondre, répliquer aigrement ; pour dire, avec des paroles pleines d’aigreur. Tibère reprit les Juges aigrement. Ablanc. Le monde est en possession de parler librement des défauts des autres en leur absence ; les uns le font aigrement & malignement, & les autres d’une manière plus douce. Nicol.

AIGREMOINE. s. f. Agrimonia. Plante qu’on a nommée Eupatorium dans les vieux Dispensaires. Ses racines sont vivaces, longues & noirâtres : ses tiges sont rondes, velues, hautes de deux à trois pieds, quelquefois branchues, & garnies dès le bas de quelques feuilles longues, velues, ailées, c’est-à-dire, composées de plusieurs petites feuilles qui sont rangées sur une même côte terminée par une seule feuille. Chaque petite feuille est crénelée à ses bords, relevée de plusieurs nervures qui parcourent la surface, & chargée d’un duvet court, blanchâtre, ou grisâtre. L’extrémité des tiges & des branches se termine par un épi long d’un demi-pied. Les fleurs qui forment cet épi, sont jaunes, composées de cinq pétales, disposées en rose autour du pistil, & soutenues par un calice qui devient dans la suite un fruit oblong, hérissé de piquans vers sa moitié, & qui renferme une ou deux semences un peu longues. L’aigremoine est apéritive, & bonne pour les maladies de la poitrine. On dit qu’on l’appelle Eupatoire, du nom du Roi Eupator, qui fut, dit-on, le premier qui en fit usage. Il ne faut pourtant pas la confondre avec d’autres plantes, qu’on appelle aussi Eupatoires, qui sont bien différentes de celle-ci. Je ne sais quel est ce roi Eupator dont on vient de parler ; car Eupator n’est point un nom, mais un surnom de plusieurs Rois. On l’a donné à un Roi de Syrie, Antiochus Ve du nom. Le fameux Roi de Pont, Mithridate, fut aussi surnommé Eupator.

AIGREMORE. s. m. Les Artificiers déguisent sous ce nom toutes sortes de charbons de bois tendres, propres aux feux d’artifice, tels que ceux de bois de bourdaine, de saule, de coudre, de tilleul & autres semblables, lorsqu’ils sont écrasés & tamisés.

AIGRET, ETTE. adj. Qui a un goût médiocrement aigre, comme l’épine-vinette, la grenade. Acidulus, subacidus. Ce diminutif paroît moins usité qu’aigrelet.

AIGRETTE. s. f. Oiseau. Espèce de petit héron blanc qui a une voix aigre, & qui fréquente le bord des rivières. Ardeola alba. Il a le bec long, droit & pointu ; les jambes longues, de couleur cendrée, les pieds noirs & blancs, le cou long & courbé, & sur le dos & à côté des ailes, il a des plumes blanches, fines & déliées, qui sont fort recherchées & fort chères. Il a sur la tête des plumes blanches & droites, qui forment une espèce d’aigrette, d’où lui est venu le nom d’aigrette. Sa chair est tendre & délicate. On voit près des Antilles, & quelquefois bien loin en mer, des oiseaux parfaitement blancs, qui ont le bec & les pieds rouges comme du corail, & qui sont un peu plus gros que les corneilles. On croit que c’est une espèce d’aigrette, à cause qu’ils ont une queue garnie de deux plumes longues & précieuses. Lonvillers.

Il y a aussi des Aigrettes, dont les plumes de dessus la tête sont noires. Les aigrettes portent sur la tête trois plumes, & non pas une seule, comme le disent quelques Dictionnaires.

Aigrette. C’est aussi la plume de l’oiseau appelé Aigrette, qu’on porte en panache, ou qu’on met en bouquets sur les colonnes d’un lit. Ardeolæ albæ muscarium. Le Grand-Seigneur porte à son turban une aigrette.

Aigrette, se dit aussi de ce qui a la figure d’une aigrette, comme un bouquet de pierreries qu’on met sur la tête, une touffe de crin qu’on met sur la tête des chevaux de carrosse. Muscarium.

Aigrette. s. f. Partie du casque dont parlent les anciens Auteurs, sous le nom de Juba ou Crista. C’étoit une boîte carrée fixée sur le devant, d’où sortoient de grandes plumes ; ce qui faisoit un assez bel ornement de tête.

Aigrette. Terme de Botanique. Pappus ou Pappi. Il se dit d’une espèce de brosse ou de pinceau de poil délié, ou d’un certain petit duvet qui se trouve au haut des graines de chardons, de la dent de lion, &c. Ces sortes de semences ressemblent à des volans. Les poils forment les plumes, & la semence le culot. Le vent les emporte facilement, & la graine, qui est plus solide & plus pesante, se présente toujours la première à terre, ce qui fait que ces graines se sement d’elles-mêmes. Toutes ces graines sont attachées à la plante par leur pointe, c’est-à-dire, par le bout opposé à celui qui porte l’aigrette. Dodart. Acad. 1700, p. 50. Voyez Aigretté.

Aigrette, chez les Artificiers. Espèce d’artifice dont les étincelles imitent un peu les aigrettes de verre ; on n’en parle guère que lorsqu’il sert de porte-feu à un pot qui jette quantité d’autres artifices, sous le nom de pot à aigrette.

Aigrette de verre. Ornement composé de fils de verre très-déliés, qui sert de parure aux femmes.

Aigrettes lumineuses. C’est ainsi qu’on appelle dans la physique moderne, ces rayons enflammés qui sortent en forme de bouquet d’un corps électrisé. C’est, dit M. l’Abbé Nollet, la matière effluente qui s’enflamme en s’élançant du corps, & qui prend la forme d’aigrette, parce que ces rayons électriques sortant de pores éloignés les uns des autres, divergent dès leur origine. C’est, disent d’autres, la matière affluente, ou plutôt les rayons d’une matière enflammée qui entrent de l’atmosphère dans le corps électrisé, & forment ces aigrettes. Voyez matière affluente, effluente & électricité.

AIGRETTÉ, ÉE. adj. Terme de Botanique, qui se dit des graines qui ont une aigrette. Cristatus, Pappis instructus, a, um. Il n’y a guère que les graines aigrettées qui semblent faites pour se semer d’elles-mêmes à plomb, c’est-à-dire, dans le sens naturel ; car toutes les graines sont attachées à la plante par leur pointe, c’est-à-dire, le bout opposé à celui qui porte l’aigrette : & la pointe du germe regarde l’endroit par où la graine encore attachée à la plante reçoit sa nourriture de la plante ; d’où il s’ensuit que la pointe de la racine regarde cette attache. C’est ce qui me donne lieu d’appeler plantées dans le sens naturel, toutes ces semences aigrettées qui se sement d’elles-mêmes, la racine en bas. Dodart. Acad. 1700, Mém. p. 50.

☞ On dit une semence aigrettée. Semen pappis instructum. Si ces poils aboutissent à un pédicule commun, on dit, stipiti insidens ; s’il n’y a point de pédicule, sessile. Chacune de ses aigrettes se divise encore en branchues & simples, suivant que les poils sont simples ou barbelés, c’est-à-dire, chargées de barbes latérales, ainsi que celles des plumes.

☞ AIGREUR. s. f. Qualité de ce qui est aigre. C’est cette qualité dans une substance, ou la sensation excitée sur les organes du goût par cette qualité que nous trouvons dans les citrons & dans quelques autres fruits. Acor. Ces fruits ont de l’aigreur, beaucoup d’aigreur. Ce vin a une petite aigreur.

☞ On le dit aussi des rapports acides que causent les alimens mal digérés. Alors on l’emploie au pluriel. Tel aliment donne, cause des aigreurs. Ceux qui ont l’estomac délicat ou paresseux sont sujets à avoir des aigreurs. C’est pourquoi ils doivent s’abstenir de manger des fruits, des salades, & autres alimens crus, qui occasionnent ces sortes de rapports.

Aigreur, se dit figurément d’une certaine disposition d’humeur & d’esprit qui porte à offenser les autres par des paroles piquantes. Asperitas, acerbitas. Ces plaideurs ont beaucoup d’aigreur dans l’esprit, ne se parlent qu’avec aigreur. Ecrire, répondre avec aigreur. Aigreur dans le discours.

Aigreurs, en Gravure. Ce sont des touches noires & trop enfoncées, causées par l’inégalité des tailles, où l’eau forte a trop mordu.

AIGRIR. v. a. Donner, causer de l’aigreur. Ce goût piquant accompagné d’astringence que l’on trouve dans les fruits qui ne sont pas encore mûrs. Acidum reddere. La grande chaleur aigrit le lait. Le levain aigrit la pâte.

Aigrir, se dit figurément, & signifie, piquer, irriter, mettre dans une disposition plus fâcheuse. Asperare, exacerbare, exasperare. Cette conférence a aigri les esprits, au lieu de les adoucir. Cette proposition l’a aigri d’avantage. Combien de fois ont-ils aigri Dieu dans le désert ? Arn. Aigrir le vainqueur. Iram victoris asperare.

Aigrir, est aussi verbe réciproque, & signifie, devenir aigre. Acescere, coacescere. Le vin s’aigrit quand il est long-temps à l’air. Et dans le figuré, il signifie, s’irriter, se mettre en colère. Asperari, exacerbari. Les esprits s’aigrissent. Sans sujet voulez-vous vous aigrir contre moi ? Mol.

Aigrir, signifie aussi figurément, rendre chagrin, fâcheux ; augmenter un mal. Irritare, augere. La mauvaise fortune lui a aigri l’esprit. Les remèdes aigrissent le mal, au lieu de le soulager. Costar. Pourquoi venir encore aigrir mon désespoir ? Racin. En ce sens il est aussi réciproque. Les affaires s’aigrissent, s’éloignent de l’accommodement. Le mal s’aigrit, s’augmente de plus en plus.