Dictionnaire de Trévoux/6e édition, 1771/Tome 2/1011-1020

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Fascicules du tome 2
pages 1001 à 1010

Dictionnaire de Trévoux, 1771
Tome 2, pages 1011 à 1020

Tome 3, p. 1 à 10


lâche action couvre un homme d’infamie. Pudore, dedecore suffundere. Ce Capitaine se couvrit d’une honte éternelle par sa révolte. Ce Conquérant revint triomphant, tout couvert de gloire, de lauriers. Clarus, illustris. Il n’est point de gloire dont on ne doive vous couvrir. M. Scud. Voyez Couvert.

Couvrir se dit aussi figurément pour cacher, déguiser, voiler, dérober à la connoissance des hommes. Tegere, occultare, dissimulare, velum obtendere, prætendere, prætexere. Les hypocrites se couvrent du manteau de la dévotion pour cacher leurs crimes, pour couvrir leurs défauts. Cet homme est fort adroit, il sait bien couvrir son jeu, ses desseins, sa marche. Cet amant est fort discret, il a bien couvert jusqu’ici sa passion. Ils couvrent leur prudence humaine & politique du prétexte d’une prudence divine & chrétienne. Ceux qui contestent les miracles modernes sont des profanes, qui couvrent leur incrédulité du titre spécieux de bon sens. Vous ne pouvez digérer que l’on ait levé le voile de dessus le fond d’iniquité que vous affectez de couvrir du prétexte de zèle. S. Evr. Quand nous aimons quelqu’un, notre passion couvre tous ses défauts. Maleb.

Envain vous vous couvrez des vertus de vos pères. Boil.

Couvert, erte. part. Voyez ci-dessus.

COW.

COWALAM. s. m. grand arbre qui croît au Malabar, & dans l’Île de stylan. Son fruit ressemble à une pomme ronde ; il est couvert d’une écorce épaisse & verdâtre, sous laquelle on en trouve une autre dure, ligneuse & renfermée dans une substance visqueuse, humide, jaunâtre, acide & douceâtre, dans laquelle sont des graines plates, oblongues, blanches & pleines d’un suc transparent & gommeux. Lorsque ce fruit est mûr, les habitans de ces contrées le mangent & le trouvent délicieux. Leurs Médecins se servent dans la diarrhée de son fruit vert conservé dans du miel ou dans du vinaigre ; & c’est encore un des remèdes auxquels ils ont recours, & même avec beaucoup de succès dans la dyssenterie. Ray, Hist. plant.

COUX. s. m. vieux mot qui signifie cocu.

Par vous suis à honte livré ;
Par vous, par vostre lecherie,
Suis-je mis en la confrérie
Saint Arnoul le Seigneur des coux,
Dont nul ne peut être rescoux.

Rom. de la Rose.

Saint Gengoux en Bourgogne est regardé comme le patron de cette confrérie, à plus juste titre que S. Arnoul à Metz. Supl. au Gloss. du Rom. de la Rose, au mot Coux. Voyez-y aussi S. Arnoul. Lécherie, que Nicot écrit licherie, signifie friandise, bonne chère.

COUY. s. m. terme de Relation. Dans nos Îles de l’Amérique on appelle ainsi une moitié de calebasse. Dimidium cucurbitæ, dimidia pars cucurbitæ. Le Médecin Nègre prit un couy, c’est-à-dire une moitié de calebasse, où il y avoit du feu, il mit de la gomme dessus, & encensa l’idole. P. Lab. On cueille les pois, les graines & autres menues denrées dans des couys. Les Nègres recueillent les graines de Roucou dans des couys. C’est dans des couys que les femmes des Caraïbes préparent du roucou avec de l’huile de carapat, pour en peindre leurs maris. Le P. Lab.

☞ COUSIN ou COUZIN, (LE) rivière de France dans la Bourgogne, qui a sa source dans l’étang de Champeaux, Bailliage de Saulieu ; & après avoir arrosé quelques villes, se jette dans la Cure, dans le Nivernois.

COY.

COY, COYE. Voyez Coi, Coie.

COYEMBOUC. s. m. espèce de coffre dont on se sert dans les Îles, principalement quand les habitans appréhendent d’être pillés par les ennemis. Les coyemboucs sont composés de deux calebasses d’arbres dont on a ôté de chacune la quatrième ou la cinquième partie. On abouche ces deux callebasse les unes contre les autres, comme le dessus & le dessous d’un encensoir. Quand le coyembouc est rempli de ce qu’on y veut mettre, on lie & serre le dessus & le dessous avec de la ficelle de Mahot ou de Pite, & l’on pend le coyembouc dans les arbres qui ont de grandes feuilles, jusqu’à ce que les ennemis se soient retirés. Le P. Lab. t. 2.

COYEMENT. Voyez Coiment.

COYAU. s. m. Petite pièce de bois entaillée sur la roue d’un moulin, qui sert à soûtenir les aubes ou petites planches sur lesquelles l’eau fait son impression pour faire tourner la roue.

On le dit aussi en Charpenterie, des petits bouts de chevrons qui sont sous la couverture d’un toît, & qui la portent jusqu’à l’endroit nécessaire, jusqu’au bord de l’entablement pour la pente & la chûte des eaux. Ces pièces de bois s’appellent en plusieurs lieux chanlates. Deliquiæ.

COYERS. s. m. Pièces de charpente, ou chevrons posés en diagonale sur le toît d’une maison, ou dans l’enrayeure d’un comble, & qui répondent sous l’arêtier. Colliquiæ.

COYON. Voyez Coïon.

COYONNER. Voyez Coïonner.

COYONNERIE. Voyez Coïonnerie.

COZ.

COZOQUOIS, OISE. Nom d’une Secte hérétique, dont nous avons parlé au mot Bagnole. C’est la même chose.

CRA.

☞ CRABE. s. m. Poisson de mer, du genre des animaux crustacés, ressemblant assez à une araignée. Cancer.

☞ On en distingue plusieurs espèces. Il y en a même d’eau douce. Cancer fluviatilis.

☞ On voit dans les Antilles des crabes violets, de blancs & ceux qu’on appelle dans le pays tourlourou. Il y en a aussi qui sont une espèce d’écrevisse amphibie dont se nourrissent les habitans. Amphibium cancri genus. Les crabes sortent des bois au mois de Mai pour s’aller baigner dans la mer, & y jeter leurs œufs. Ils sont pour lors en si grand nombre dans la campagne, qu’on ne sauroit mettre le pié à terre sans en écraser quelqu’un. Dans leur marche ils se divisent en plusieurs bataillons longs d’une demi-lieue, & larges de cinquante pas. Ils ont deux tenailles ou mordans fort dangereux, dont ils sont un si grand bruit, qu’il semble que ce soient des corselets ou tassettes d’un Régiment de Suisses. On en voit en Syrie, & particulièrement à Alep, qui sortent de la rivière, & montent au haut des meuriers blancs, pour manger les meures.

Crabe, en quelques pays auprès de l’Espagne, se dit pour chèvre. Capra.

Crabe. s. m. Sorte de bois qui vient de l’Amérique, dont on fait un assez bon commerce à la Rochelle.

CRABIER. s. m. espèce de héron qui se trouve dans les Îles de l’Amérique. On l’appelle crabier, parce qu’il vit de crabes.

CRAC. Terme populaire indéclinable, & sans aucun genre, qui se dit en parlant du bruit que fait le bois quand il travaille ou quand on le rompt, & en général tous les corps durs, secs & solides qu’on divise ou qui éclatent avec violence. Fractor. J’entendis crac, crac, & c’étoit une solive qui éclatoit. Ses souliers sont neufs, ils sont cric-crac. Ce mot est familier, & l’on ne peut s’en servir qu’en badinant. Il est formé par le son que fait la chose, comme celui de pouf, & autres semblables.

Il y en a qui dérivent ce mot de l’hébreu ערק Karag, c’est le sentiment de Schiek, mais il est bien plus naturel de dire que crac & craquer sont des mots formés du bruit éclatant que font certaines choses qui se rompent, se fendent avec violence, qui travaillent, qu’on déchire.

Crac se dit aussi populairement de tout ce qui se fait avec promptitude & tout d’un coup. Subitò, repentè continuò. Crac, le voilà dans le tombeau. Scar.

Crac. s. f. en termes de Fauconnerie, est un certain mal qui vient aux faucons.

Crac, sorte d’interjection dont on se sert lorsqu’une personne dit quelque chose un peu sujette à caution, & raconte quelque histoire outrée, fabuleuse ou impossible, ou lorsqu’elle vante son mérite ou son extraction.

CRACHAT. s. m. Salive, excrément qu’on vide par la bouche. Sputum, sputus. ☞ Les Médecins donnent le nom de crachat à toutes les matières évacuées par la bouche, en conséquence des mouvemens & des secousses de l’expectoration. L’écoulement contre nature de la salive s’appelle salivation. L’Evangile de S. Marc a été regardé par plusieurs comme un abrégé de celui de S. Mathieu ; mais cet abrégé, si l’on veut l’appeler ainsi, rapporte quelquefois des circonstances que S. Mathieu avoit omises, comme on le peut voir, par exemple, sur l’aveugle guéri avec du crachat, &c. Péliss. L’examen des crachats dans les Phthisiques est d’une grande importance ; & Bennet, Médecin Anglois, s’y est fort attaché dans son Livre intitulé Tabidorum Theatrum.

On dit qu’une maison est bâtie de boue & de crachat, quand elle est bâtie de méchans matériaux. Conficta luto domus. On dit hyperboliquement d’un malheureux, qu’il se noyeroit dans un crachat.

CRACHEMENT. s. m. Action par laquelle on crache. Excreatio, screatus. Les pulmoniques, les enrhumés sont incommodés d’un crachement perpétuel. Le crachement de sang est un signe que le poumon est ulcéré. Voyez Hémophtysie.

CRACHER, v. a. Vider par la bouche la salive ☞ & les autres matières qui sortent de la trachée-artère, de la gorge, &c. Spuere, despuere, expuere, excreare, screare. Cracher du sang. Il a craché du sang tout pur. Cracher ses poumons, son poumon. Il a mis dans sa bouche une dragée où il y avoit du chicotin, il l’a crachée sur le champ.

☞ On dit proverbialement qu’un homme crache du coton ; pour dire, qu’il a bien soif, & qu’il crache blanc. Sicco spuit ore.

☞ On l’emploie aussi absolument. Cet homme ne fait que cracher. Il a craché toute la nuit. Il crache au nez, il écarte la dragée. Spuit in os. Scaliger dérive ce mot du verbe latin seracere, qui se trouve dans les Auteurs. D’autres disent qu’il été fait par onomatopée du son qu’on fait en crachant. Mén.

Cracher au nez, ☞ cracher au visage ; traitement humiliant. Consputare aliquem, sputis conspurcare, conspergere. Un des plus grands outrages que J. C. souffrit en sa passion, c’est que les Juifs lui crachoient au nez.

☞ On dit figurément & familièrement cracher des injures, dire beaucoup d’injures.

☞ On dit proverbialement & en badinant cracher du grec, du latin, parler grec ou latin mal-à-propos. Desmarets a dit d’un Poëte ridicule, dans ses Visionnaires :

Toutefois il crachoit du creux de ses poumons,
L’Epode, l’Antistrophe, & cent autres Démons.

Ne dites plus, s’il vous plaît, cracher des Sentences, cracher des apophthegmes ; le mot cracher n’est pas assez beau pour en tirer des images & des métaphores. Balz.

On dit proverbialement & populairement, qui crache contre le ciel, il lui retombe sur le visage ; pour dire, qu’on est châtié quand on invective contre les Puissances. On dit aussi, faire cracher au bassin ; pour dire, obliger quelqu’un à contribuer à quelque dépense.

Cracher, v. n. terme de fonderie, se dit d’un moule qui rejette une partie du métal en fusion. Ce moule a craché.

CRACHÉ, ÉE. part. On dit populairement d’un enfant qui ressemble fort à son pere, que c’est le pere tout craché. Puer iste omnimodò patrissat. Voilà déjà un petit Grichar tout craché. Le Grondeur, Com.

CRACHEUR, EUSE. f. Qui crache souvent. Spulator, screator. Les cracheurs & tousseurs sont gens incommodes dans une assemblée.

CRACHOIR. s. m. sorte de vase qui sert à recevoir les crachats des personnes incommodées ☞ ou en santé. Vasculum, sputis excipiendis. Ce sont de petites vases d’argent, de fayance ou d’autre matière.

On donne aussi le nom de crachoir, à une espèce de petite boîte sans couvercle, ou d’auge de bois remplie de chaux vive ou de sable qu’on met dans les Eglises, dans les cabinets, dans les bureaux, dans les endroits où l’on s’assemble, afin qu’on crache dedans.

En Hollande où l’on ne peut souffrir de crachats sur les planchers, les crachoirs sont fort en usage.

CRACHOTEMENT. s. m. action de crachoter ou de cracher souvent. Cet homme a un crachotement continuel.

Elle sortit un jour qu’il geloit, & qu’il faisoit un vent sec & piquant, ce qui lui procura une légère fluxion sur le visage, & un crachotement de matière séreuse. Ac. d’Edimb. T. I, p. 64.

CRACHOTER, v. fréquentatif. Cracher peu & souvent. Sputare.

☞ CRACKOW. Petite ville d’Allemagne, dans la basse Saxe, au Duché de Meckelbourg.

CRACOVIE. Cracovia. Cracropolis. Quelques Géographes l’appellent Carrodunum, ville de le petite Pologne, située sur la Vistulle. Cracovie fut bâtie par Cracus, ou Crac I, Duc ou Prince de Pologne, élu l’an 700 de J. C. & c’est de lui qu’elle a pris son nom. Cracovie est grande, belle, riche & bien peuplée. C’étoit autrefois le séjour des Rois de Pologne. Elle a une Université, un Evêché, dont l’Evêque est suffragant de Gnesne, Duc de Sibérie, Chancelier né de l’Université, & premier Evêque du Royaume. Il y a aussi un Palatinat & une châtellenie, dont le Castellan a depuis 1103. le privilège de précéder tous les Palatins de Pologne. Cracovie s’appelle la Rome de Pologne, & son Académie, la ville de Sorbonne ; parce que Cazimir I qui la fonda en 1364, fit venir des Docteurs de Sorbonne pour commencer cet établissement. Cracovie diffère du méridien de Paris de 1h 10′ 0″ orient, ou 17° 30′ 0″. Sa longitude est 37° 21′ 20″. Sa latitude 50° 10′ 0″. Cassini.

CRAIE. s. f. sorte de ☞ pierre calcaire, plus ou moins friable, ordinairement blanche & propre à marquer. Creta, à cause de l’Ile de Crète, aujourd’hui Candie, où il y en a une grande quantité. On en trouve aussi beaucoup en plusieurs autres pays. Quelques Médecins la définissent, une terre minérale, blanche, emplastique & polythreste. Ils disent qu’elle est mêlée de beaucoup de parties de sel, de soufre & de mercure. ☞ Quelques naturalistes attribuent la formation de la craie à la décomposition du Silex, parce que les pierres à fusil noires se trouvent ordinairement dans des couches de craie, environnées d’une écorce qui y ressemble assez. D’autres prétendent que la craie est formée des débris de coquilles, parce qu’on découvre toujours dans la craie des vestiges de coquilles qui en forment le tissu. Il s’en produit dans toutes les parties du monde, & en particulier l’île de Ruga & celle d’Usedom dans la Poméranie sont très-fertiles en craie. Quelques Médecins ne croient pas que la craie mérite d’avoir place parmi les remèdes ; d’autres prétendent qu’elle a de très-bons effets, & qu’on en use avec succès dans plusieurs maladies, telles que sont les fièvres, même malignes, les maladies qui viennent de quelque intempérie particulière, les douleurs, les obstructions des parties, des vaisseaux, ou des pores, le flux des humeurs utiles ou inutiles qui sortent du corps, les tumeurs, les plaies, les ulcères, les vices de la peau, l’épilepsie, la difficulté de retenir les urines. Les principales propriétés de la craie sont d’absorber, de changer, &c. Absorbendi, invertendi, saturandi, &c. Aussi l’emploie-t-on comme un alcali ou absorbant terreux.

Quelques Auteurs en font trois espèces : de blanche, de verdâtre & de noire. Il n’y a que la blanche dont on se serve dans la Médecine : elle est desséchante, détersive & emplastique ; & étant appliquée au dehors, elle dessèche & cicatrice les plaies & les ulcères. On s’en sert aussi quelquefois intérieurement contre les ardeurs de l’estomac. Elle sert encore à blanchir la vaisselle, les cuirs, les draps, &c. Toute la ville de Reims est bâtie de craie. Ce qui fait la bonté des vin de Champagne, c’est qu’ils viennent sur des collines de craie. Il y a quelques pierres rouges & noires dont les Artisans se servent pour marquer leurs mesures, qu’ils appellent aussi craies.

CRAIE de Briançon. Espèce de pierre assez approchante de la nature du talc, à la réserve qu’elle n’est pas si écailleuse, & qu’elle est plus dure.

Craie rouge. Espèce de bol Arménien, commun, mais en tout inférieur au véritable bol d’Arménie, étant très-frêle & très-aisé à rompre. La meilleure croît en Egypte & autour de Carthage : on en trouve aussi aux Indes Occidentales.

☞ Les tailleurs se servent de la craie de Briançon pour tracer des lignes sur les étoffes. Elle est de peu d’usage en médecine & ce n’est qu’improprement qu’on lui donne le nom de craie.

☞ Il y a plusieurs autres espèces de craie qui ne différent les unes des autres que par leur couleur & quelques qualités accidentelles.

Craie, terme de Marine. Nom que l’on donne à des vaisseaux Suédois & Danois, qui portent trois mâts sans huniers.

Craie se dit absolument pour la marque de craie que les Maréchaux des Logis, ou Fourriers du Roi mettent sur les portes des maisons, pour signe qu’elles doivent servir au logement de certaines personnes. Cretatus, cretâ notatus. Il y a tant de maisons sujettes à la craie en une telle ville.

Craie. s. f. terme de Fauconnerie. C’est une maladie des oiseaux appelée la pierre, ou la craie. L’on reconnoît que l’oiseau a la craie, quand il a les yeux & les piés enflés, & qu’il les frotte du haut de son aîle : alors les deux veines qui sont entre ses yeux poussent fort, ses narilles sont bouchées. Il leve la queue deux ou trois fois avant que de pouvoir émeutir, & quand il veut émeutir, il fait son, comme petits pets, & son émeut est liquide & comme eau trouble, & quelquefois visqueux comme de la chaux endurcie.

☞ CRAINBOURG ou KRAINBURG. Ville d’Allemagne dans la Carniole, sur la save.

CRAINDRE, v. a. a au présent de l’indicatif je crains ; & non je crain. Vaug. Corn. A l’impératif crain, ou crains, qui est le meilleur. Il y en a cependant qui disent qu’on ne doit pas mettre d’s à la fin de la seconde personne du présent de l’impératif ; vien-ça, croi-moi, &. Id. je crains, tu crains, il craint, nous craignons, je craignois, je craignis, j’ai craint, je craindrai, que je craigne, une je craignisse, je craindrois. Prouver un sentiment de crainte. Voyez Crainte. Timere, metuere, in metu esse, vereri, tremere formidare, extimescere. Un brave ne craint ni la mort ni les dangers. Il est plus sûr aux Rois de se faire craindre, mais il est plus doux de se faire aimer. Celui que beaucoup de gens craignent, a aussi nécessairement beaucoup de gens à craindre. S. Evr. S’il y a des craintes foibles & puériles, il y en a de justes, & celui qui ne craint rien, n’est pas raisonnable. M. Scud. Rien n’est plus ennuyeux que cette vie tiède, qui sans rien craindre, & sans rien désirer, n’a rien de sensible. S. Evr. On craint de se connoître, parce qu’on n’est pas tel qu’on devroit être. Fléch. Il y a tout à esperer, & rien a craindre quand on se tromperoit à croire qu’il y a un Dieu ; & au contraire tout est craindre, & rien à espérer dans le parti du libertinage. Jaq. Comme il y a de la foiblesse à craindre sans sujets, il y a aussi de la prudence à craindre avec raison. M. Scud.

Je ne craignois que vous, vous ne craignez que moi ;
Et puisqu’il faut ici parler de bonne foi,
C’étoit avec raison que jaloux l’un de l’autre,
Vous craigniez mon pouvoir, que je craignois le vôtre. Campistron.

Il ne faut craindre rien, quand on a tout à craindre. Corn.

☞ Cette sentence paroît quelque chose de contradictoire : elle est cependant au fonds d’une très-grande vérité. Elle signifie qu’il faut tout hasarder quand tous les partis sont également dangereux. Il eut falu, je crois, éviter le jeu de mot & l’antithèse.

Ménage dérive ce mot de cremere, qu’on a dit vraisemblablement pour tremere. Il témoigne que les vieux Auteurs ont dit cremir, cremeur & créméteux, pour craindre, crainte & craintif.

Craindre se dit aussi des choses inanimées, quoiqu’elles ne soient sujettes à aucune passion & signifie alors qu’une chose est contraire à une autre. Abhorrere. Les oranges craignent la gelée. Les fleurs, le teint, craignent le hâle. Le feu craint l’eau. On dit figurément qu’un bon vaisseau ne craint que la terre & le feu ; pour dire, qu’il n’y a rien à craindre pour ce vaisseau, que d’échouer ou d’être brûlé. Ac. Fr.

On dit d’un homme craintif, qui craint tout, qu’il craint la touche, la réprimande : & au contraire d’un emporté, d’un libertin qui ne craint rien, qu’il ne craint ni Dieu, ni Diable.

Craindre signifie aussi s’abstenir, se retenir par respect, par amour, par honneur, de faire quelque chose. Cavere, timere, refugere. Un homme de bien craint d’offenser Dieu, parce qu’il est bon. Cette femme aime tant son mari, qu’elle craint sans cesse de le fâcher. Il craint de blesser les oreilles chastes. Il craint de choquer les loix de la bienséance, de la Grammaire.

Craint, ainte. part. pass. & adj. Formidatus.

CRAINTE. s. f. ☞ agitation, inquiétude de l’ame occasionnée par la vue d’un mal qui nous menace, ou dont nous nous croyons menacés. M. de la Chambre définit la crainte, un mouvement de l’appétit, par lequel l’ame se retire, & fuit avec précipitation le mal qui vient fondre sur elle : selon cet Auteur, la crainte est une passion simple. Timor. La crainte resserre le cœur, & l’affoiblit par l’appréhension du mal qui le menace ; c’est ce qui fait que toute la chaleur étant contrainte d’accourir au secours du cœur, le visage devient pâle, Félib. Je ne saurois souffrir le héros de Virgile, il ne fournit que des larmes & des craintes à tous les perils qui se présentent. S. Evr. La crainte est un mouvement si subit, qu’elle ne laisse pas toujours la raison libre. S. Evr. Voyez ceux qui sont possédés de la crainte, ils ont une râleur mortelle sur le visage, & un air si effaré & si consterné, qu’il est aisé de connoitre qu’une crainte excessive les trouble ; sur-tout quand cette crainte va jusqu’à l’effroi, elle les transit, & les rend immobiles. M. de Scud. La crainte qui est une foiblesse, fait en bien des occasions une partie de la prudence. Bell. La sagesse sait s’élever au dessus des craintes & des complaisances humaines. Fléch. La crainte n’agrandit pas seulement les maux, elle les multiplie ; elle va même au devant d’eux, & en invente de faux. M. Scud. La crainte de la mort est plus forte que tous les raisonnemens qu’on fait contre elle. Nicol.

☞ On craint, dit M. l’Abbé Girard, par un mouvement d’aversion pour le mal, dans l’idée qu’il peut arriver. On appréhende par un mouvement de désir pour le bien, dans l’idée qu’il peut manquer. On redoute par un sentiment d’estime pour l’adversaire, dans l’idée qu’il est supérieur. On a peur par une foiblesse d’esprit pour le soin de sa conservation, dans l’idée qu’il y a du danger.

☞ Le défaut de courage fait craindre : l’incertitude du succès fait appréhender. La défiance des forces fait redouter, les peintures de l’imagination font avoir peur.

☞ Le commun des hommes craint la mort au-dessus de tout ; les Epicuriens craignent davantage la douleur ; mais les gens d’honneur pensent que l’infamie est ce qu’il y a de plus à craindre.

Crainte, terme Théologique. Aimer Dieu, & craindre Dieu, sont des termes synonimes dans l’Ecriture. Les Théologiens néanmoins distinguent trois sortes de crainte ; savoir, la crainte mondaine, la servile & la filiale. La mondaine est celle qui considere plus la faveur du monde, que celle de Dieu. Quand on fuit le péché à cause des peines que Dieu prépare à ceux qui le commettent, & non pas parce qu’il lui déplaît, cette crainte s’appelle servile. Il y a divers degrés de cette crainte ; il y en a une qui est purement servile & criminelle, & elle vient de la préférence qu’elle donne à la peine par-dessus le péché, le cœur étant d’ailleurs attaché au crime. Il y en a une autre qui n’est point criminelle, & qui peut être au contraire un commencement de vertu. Cela arrive lorsque le cœur d’un homme n’a point d’aversion contre la vertu, & qu’il commence à l’aimer : mais il n’en est pas encore si charmé, ni si dégoûté des plaisirs du péché, qu’il n’y eût une grande pente, s’il n’étoit détourné par l’horreur de l’enfer. Plusieurs Théologiens considèrent cette crainte comme un premier pas & une entrée dans la piété, & comme un commencement du véritable amour de Dieu. Elle peut servir, selon eux, de disposition pour obtenir la grâce par le Sacrement de Baptême, ou de la Pénitence. On nomme crainte filiale celle qui est propre de l’ame Chrétienne, & qui nous éloigne du péché, parce que nous appréhendons plus que la mort de déplaire à Dieu, & que rien ne nous seroit plus fâcheux que de manquer à tout ce qu’il désire de nous.

☞ Toute crainte ne bannit pas du cœur l’espérance chrétienne ; la crainte filiale qui porte à s’abstenir du péché, non seulement dans la vue d’éviter la damnation, mais encore par l’amour de la justice, qui le défend, non seulement n’est point incompatible avec l’espérance ; mais même elle la suppose. La crainte simplement servile ne l’exclut pas non plus, mais la crainte servilement servile ne laisse qu’une espérance bien foible dans le cœur qu’elle anime.

Crainte en droit, est un mouvement de l’esprit causé par un péril présent ou qui peut arriver. La crainte légère, metus levis, est celle qui se rencontre dans l’esprit d’un homme timide ; comme la crainte de déplaire à quelqu’un, d’encourir sa disgrace. La crainte grave, metus gravis, est celle qui peut affecter un homme intrépide, comme la crainte de la mort, de la prison, de l’infamie, &c.

☞ La crainte que le respect inspire aux enfans envers leur père, qu’on appelle en droit timor reverentialis, n’est pas une crainte grave ; c’est pour, quoi le mariage contracté par un fils en conséquence d’une telle crainte, est valable, parce qu’elle n’exclut pas le consentement.

☞ La crainte grave est une juste cause de restitution contre ce qu’elle nous a fait faire malgré nous à notre désavantage.

Crainte de, (De) Conjonction. De peur de. Ne. L’orgueilleux n’approuve rien de crainte de se soumettre. Le P. Rap.

On dit aussi simplement, Crainte d’accident, crainte de pis. Il est du style familier. Acad. Fr.

Crainte en Mythologie. Il y avoit des Divinités chez les Anciens que nous pouvons appeler crainte en notre langue, mais qui passoient pour des Dieux, & non pas pour des Déesses, parce que les noms latins qui signifient la peur ou la crainte ne sont pas féminins comme en François, mais masculins. Ces noms sont Metus, Timor, Pavor. Nous parlerons du Dieu Pavor au mot Peur ; nous allons parler ici des deux autres. Les Poëtes mettent le premier, Metus, au nombre des compagnons de Mars, & en font un Génie de sa suite, témoin Stace. Theb. L. I, c. 27.

Le Dieu que l’on appeloit Timor étoit aussi un des compagnons & de la suite de Mars. C’étoit une Divinité infernale. Pour obtenir de ce Dieu qu’il ne fût point nuisible, on lui sacrifioit le chien & la brebis. Plutarque dit que ce Dieu avoit un temple à Lacédémone. La politique fit mettre la crainte entre les Dieux. Quand on craint l’autorité légitime & les peines auxquelles elle peut condamner, on la respecte, on n’entreprend rien contr’elle. De plus on voyoit que tout, même les plus grands cœurs, étoient soumis à la crainte ; que le plus brave pâlit en prenant ses armes, que le soldat le plus brutal tremble au signal du combat, que le Chef le plus intrépide ressent les atteintes de la crainte avant le choc des armées, que l’Orateur le plus éloquent frémit quand il s’aprête à parler en public ; qu’enfin la crainte produit souvent la valeur & fait des braves. Chez les Romains, T. Hostilius mit la crainte au nombre des Divinités : mais avec cette différence, que les Romains qui l’avoient jointe à la Pâleur, la réveroient sous l’idée d’une passion servile, foible & basse, non point comme le sentiment louable d’une ame bien née. Quelques Auteurs croient que les Payens avoient pris le culte de la crainte dans les livres saints mal-entendus. En effet, il y est souvent parlé de la crainte de Dieu & des effets excellens qu’elle produit ; & dans la Genèse XXXI, 54. Jacob jure par la crainte de son pere Isaac, בפהד יצחק אביו. Voyez sur tout ceci Barthius, sur la Thébaïde de Stace. L. III, v. 661. Alex. ab Alexandro. Genial. Dier. L. I, C. 13. Rivet sur la Genèse XXXI, 53.

Marot décrit ainsi la crainte, dans son Epître à Madame la Duchesse d’Alençon & de Berry, intitulée, le Dépourvû.

Mais tout soudain, Dame très-vertueuse,
Vers moi s’en vint une vieille hideuse,
Maigre de corps, & de face blesmie,
Qui se disoit de fortune ennemie :
Le cœur avait plus froid que glace, ou marbre,
Le corps tremblant comme la feuille en l’arbre,

Les yeux baissés, comme de peur estrainte,
Et s’appeloit par son propre nom crainte. Marot.

CRAINTIF, IVE, sujet à la crainte. Timidus, meticulosus. Il sied bien aux femmes d’être craintives. Les moutons, les cerfs, sont des animaux craintifs. La crainte si décriée a trouvé des hommes assez craintifs pour lui bâtir des temples. M. Scud. La prévoyance trop craintive fait souvent que croyant tout perdu, on ne fait rien pour se sauver. M. Scud. Comme je respecte volontiers ce que j’aime, je veux qu’on soit un peu timide & craintif en amour. Mont.

CRAINTIVEMENT. adv. timidement, d’une manière craintive. Timidè, pavidè. On marche toujours la nuit craintivement dans les bois, dans les pays qu’on ne connoît point. Ce mot ne se dit point, ou s’il le dit, il n’est pas du bel usage.

CRAMAILLER. s. m. terme d’Horlogerie. C’est un râteau denté en rochet, qu’on emploie à certaine méchanique, comme à des cadratures de répétition.

CRAMANI. s. m. terme de Relation. C’est aux Indes le premier Juge d’une ville. Le Cramani de Tarcolan, nouvellement Chrétien, consulta mes Catéchistes sur la conduite qu’il devoit tenir. Let. Cur. & Edif. t. XI. Le Cramani vint alors me témoigner la part qu’il prenoit à ma disgrace. Id. T. XI.

☞ CRAMOISI. s. m. sorte de teinture qui rend les couleurs où on l’emploie plus vives & plus durables. On dit en ce sens, étoffe teinte en cramoisi.

☞ Ce mot est aussi adjectif. Velours cramoisi, rouge cramoisi, soie cramoisie. Alors il désigne ce qui est teint en cramoisi. C’est en général une excellente teinture qui conserve sa couleur malgré les injures du temps, & qui rehausse beaucoup l’éclat de l’étoffe qui en est teinte. Les étoffes qu’on veut teindre en cramoisi, après avoir été dégorgées de leur savon & alunées fortement, doivent être mises dans un bain de cochenille, chacune selon sa couleur. Les couleurs qui ne sont pas cramoisies sont appelées couleurs communes ; & les couleurs cramoisies sont celles qui se font avec la cochenille. Ainsi on dit, de l’écarlate cramoisie, du violet cramoisi. Mathiole dit qu’il y a bien de la différence entre notre cramoisi & le caccus des Grecs : & que le kermès n’est autre chose que la graine dont on teint en écarlate, qui est, dit-il, ce qu’on trouve attaché aux racines de la pimprenelle : mais il se trompe, & la graine d’écarlate ordinaire est la graine du chêne vert.

Cramoisi se dit absolument d’un rouge foncé. Voilà un beau cramoisi.

Ce mot vient de l’arabe kermesi, qui a été fait de kermès, qui signifie rouge. On trouve dans la plus basse latinité, cremesinus, cramoisinus, & carmosinus, vellutum cremesinum, Act. SS. Mart. T. III, p. 807, F. que les Bollandistes définissent Pannus sericus Cremone textus, c’est-à-dire, étoffe de soie faite à Crémone ; insinuant que Cramoisi vient de Crémone, & est mis pour Crémonois.

On dit figurément & proverbialement, qu’un homme est sot en cramoisi pour dire, qu’il est sot au dernier degré, & que sa sottise est telle, qu’elle ne s’effacera point, quelque chose qui arrive. Il est laid en cramoisi.

CRAMOISIE. s. f. terme de Fleuriste. Anémone à peluche, qui est d’un rouge-brun velouté, & dont la peluche est fort bien rangée. Morin, Cult. des Fl.

CRAMPE. s. f. espèce d’engourdissement, ou de convulsion qui fait retirer ou étendre les doigts des mains & des piés & les jambes, avec une violente douleur qui n’est pas de durée & que le simple frottement dissipe. Convulsionis species quâ sæpè manuum pedumque digiti, nonnumquam & crura, vel extenduntur, vel in se contrahuntur summo cum dolore, sed eo hrevi, & qui frictione solo mitescat. Fern.

☞ Ces contractions convulsives ne se font guère sentir que dans les muscles du pié & de la jambe. Il lui prit une crampe en nageant.

Ce mot vient de l’allemand krampff, signifiant la même chose.

☞ On le prend adjectivement dans ce mot. Goutte-crampe, espèce de goutte subite, ou de convulsion très-douloureuse qui prend au nerf de la jambe, & qui n’est que momentanée.

Crampe est aussi un engourdissement qui prend au jarret des chevaux, qui leur fait traîner la jambe, & qui se dissipe par le mouvement. Torpor.

Crampe est aussi un crampon de fer dont la tête est arrondie.

CRAMPON. s. m. pièce de fer qui a les extrémités recourbées, qui sert à attacher des pièces de bois, & à retenir des pierres les unes avec les autres dans la construction des bâtimens en pierres. Lamina ferrea immissà utrinque cuspide duo saxa aut ligna constringens. Les gonds qu’on scelle en plâtre sont à crampons. Ces pierres se tiennent avec des crampons de fer scellés en plomb. Les crampons de verroux, de serrures, &c. sont les petits morceaux de fer dans lesquels coulent les verroux & les pênes des serrures, & qui les attachent à la targette ou à la serrure. Unca fibula, confibula. Quelques-uns croient que ce mot vient par corruption de agrahon, ou de l’Italien rampone, qui signifie la même chose.

Crampon est aussi un terme de Sellier, qui Signifie un petit morceau de cuir qui est en forme d’anneau, & qui est sur le devant de la selle pour attacher les fourreaux des pistolets.

Crampon est aussi un terme de Maréchal. C’est le renversement de l’éponge du fer du cheval, ou la manière de renverser cette éponge : c’est un bout de fer recourbé qu’on fait exprès aux fers, quand on veut ferrer les chevaux à glace. Equinæ soleæ auricula. Crampon à oreille de lièvre.

Crampon, en termes de Blason, se dit des petits morceaux d’acier ou de fer, qui servoient autrefois à mettre au bout des échelles pour escalader les villes. Uncum utrinque ferrum. Plusieurs allemands en ont chargé l’écu de leurs Armes. Il est fait en forme d’un Z, pointu par les extrémités.

CRAMPONET. s. m. Ansa. Diminutif de crampon, petit crampon. Les cramponets servent à tenir les verroux & les targettes sur leurs platines, ou à les attacher sur les portes & croisées de menuiserie. Daviler.

CRAMPONNER, v. a. lier, ferrer, attacher avec des crampons. Laminis ferreis utrinque infixis aliquid constringere. Cramponner une pièce de bois.

☞ On l’emploie avec le pronom personnel. Se cramponner à quelque chose, s’y attacher fortement pour ne point lâcher prise. Il se cramponna si fort au bateau, qu’on ne put l’en tirer.

CRAMPONNER les fers d’où cheval, y faire des crampons. Et cramponner un cheval, le ferrer avec des fers cramponnés, recourbés par le bout, afin qu’il se tienne plus ferme sur la glace.

CRAMPONNÉ, ÉE. part. On dit, en termes de Blason, une croix cramponnée, des macles cramponnées, quand leurs extrémités sont recourbées comme celles d’un fer cramponné, ou ayant une demi-potence. Recurvus.

On dit populairement qu’un animal a l’ame cramponnée, ou chevillée dans le corps ; pour dire, qu’il vit long-temps, qu’il combat long-temps contre la mort.

CRAN. s. m. petite entaille qu’on fait dans un corps dur pour arrêter ou accrocher quelque chose. Incisio, incisura, crena. Les roues des montres entrent dans les crans des pignons. Il faut hausser la cremaillère d’un cran. Les Podomètres à chaque pas qu’on fait avancent d’un cran.

Cran, en termes de Manège, se dit des inégalités ou replis de la chair, qui sont comme des sillons posés de travers dans le palais de la bouche du cheval. Crenæ. Il faut donner un coup de corne au troisième, au quatrième cran de ce cheval, pour le saigner.

En termes de Marine, mettre un vaisseau en cran, c’est le mettre sur le côté pour le caréner, ou suiver. Navem in latus statuere. Voyez Carener.

CRAN. Ce mot, en termes d’Imprimerie, signifie cette petite profondeur, ou canal qui est vers le bas de chaque caractère, & qui se fait dans la fonte même.

On dit figurément & familièrement hausser ou baisser d’un cran ; pour dire, augmenter ou diminuer. Sa fortune, sa réputation, sa santé ont baissé d’un cran, c’est-à-dire, diminuent, baissent ou commencent à diminuer.

☞ CRAN, nom du Raifort sauvage. Voyez Raifort.

CRANCELIN ou CANCERLIN. s. m. terme de Blason, qui se dit d’une portion de couronne posée en bande à travers un écu, qui se termine à ses deux extrémités tant du côté du chef, que de la pointe.

CRAND. s. m. terme de Coutumes, sûreté, assûrance. Crand de dettes. Crand semble aussi signifier ce qui est prêté. Creditum.

CRÂNE. s. m. terme d’Anatomie. Assemblage de plusieurs os, boîte osseuse qui couvre & qui renferme le cerveau, le cervelet & la moelle alongée. Cava, cavaria. Le crâne se divise en deux tables, qui sont comme deux lames appliquées l’une sur l’autre, entre lesquelles il y a le diploë, qui est une substance moëlleuse, pleine de cellules de différente grandeur. Il est percé de plusieurs trous qui donnent passage à la moelle de l’épine, aux nerfs, aux artères & aux veines. Sa figure est ronde & un peu longue ; car elle avance par derrière, & s’aplattit par les deux côtés vers les temples. Il est composé de huit os, qu’on appele propres, qui sont l’os du front, celui de derrière la tête, les deux pariétaux, & les deux des temples. Dans les éminences des os des temples est contenu l’organe de l’ouie avec les quatre osselets qui y servent ; savoir, l’étrier, l’enclume, le maillet & le circulaire. Outre cela il y en a deux communes, le sphénoïde & l’ethmoïde, qui sont expliqués à leur ordre. Le crâne a quatre sutures communes qui le divisent d’avec la mâchoire. Il en a de propres, dont il y en a trois vraies, la coronale, la sagittale, & la lambdoëde. Il y en a trois fausses, qu’on nomme aussi squammeuses, ou temporales, qui sont aussi expliquées à leur ordre. Velschius, dans ses Observations de Physique & de Médecine, parle d’un homme dont le crâne se trouva après sa mort épais d’un doigt, & sans suture, & qui néanmoins ne s’étoit jamais plaint de maux de tête pendant sa vie.

Ce mot de crâne est dérivé de κράνος, mot Grec qui signifie, galea, armet, ou morion, parce qu’il sert à défendre le cerveau comme un casque. κρανίον, Cranium, le crâne, vient du celtique Cren, qui est ainsi nommé à cause de sa rondeur. Pezron.

CRANEQUIN. s. m. terme de l’art Militaire, instrument de fer dont on se servoit autrefois en France pour bander l’arc. On l’appelle autrement pié de biche.

CRANEQUINIER. s. m. C’est le nom qu’on donnoit autrefois à certains Arbalétriers à pié & à cheval, qui portoient des arbalètes légères faites premièrement de bois, puis de corne, & enfin d’acier. Elles se bandoient avec un bandage de fer attaché à la ceinture, qu’on appeloit cranequin ; d’où est venu ce nom, que Philippe de Commines croit être allemand. Il y avoit autrefois un Grand Maître des Arbalétriers & Cranequiniers, à la charge duquel le Grand Maître de l’Artillerie a succédé. Dans les auteurs latins on les appelle Crenkinarii. Voyez les Rem. sur la Sat. Mén.

CRANGANOR, Cranganor, Ville des Indes Orientales dans la presqu’Île de deçà le Gange, capitale d’un Royaume de même nom, qui appartient au Roi de Calécut ; elle est sur la côte de Malabar ; elle a un Archevêché, & il y a plusieurs Chrétiens de S. Thomas. Les Hollandois ont pris Cranganor aux Portugais, qui en étoient autrefois maîtres. Voyez Maffée, Hist. Ind. L. II. Jarric. L. VI, C. 14. & Gorea, de Progr. Eccl. L, II. c. 19.

CRANOSTAW, petite ville de Pologne dans la Russie rouge, sur la rivière de Wiepertz.

CRANSAC. Ce lieu est dans le bas Rouergue ; les eaux minérales qui en portent le nom n’ont aucune odeur sensible, leur saveur est un peu âcre & vitriolique. Douze onces de ces eaux ont donné par l’évaporation dix-huit grains d’un sel gris tirant sur le blanc, d’un goût salé & légerement vitriolique. On les regarde comme apéritives & purgatives, & on les emploie avec succès dans les maladies provenantes d’obstruction. Hist. de l’Acad. des Sc. année 1705, p. 67.

CRAON. s. m. Credo Andegavortum. Le Craon est une rivière d’Anjou.

Craon. Credo, Credonitum, petite ville de France sur l’Oudon dans l’Anjou, & non point sur le Craon, comme l’a cru Masson, qui dit qu’elle tire son nom de cette rivière.

CRAONOIS, Credonensis ager, prononcez Cranois ; plusieurs même l’écrivent ainsi : territoire de Craon. Valois, Notit. Gal. p. 162. Pagus, ou ager Cratumnensis.

CRAPAUD. s. m. animal venimeux dont la figure approche de la grenouille, excepté qu’il se traîne, & que la grenouille saute. Bufo. Le crapaud n’a point de dents, & ne laisse pas de mordre dangereusement avec ses babines. Il jette son venin par son urine, sa bave & son vomissement sur les herbes, & particulièrement sur les fraises & les champignons, dont il est fort friand. Le plus dangereux crapaud est celui qu’on appelle Crapaud verdier, ou graisset, ou raine verde, en Latin bufo. Il se gonfle pour jeter plus loin son urine sur les herbes, qui n’est pas moins venimeuse que le napellus. Son sang est mortel, de même que la poudre qu’on en fait. On dit que les crapauds forcent les petits oiseaux & les belettes à se jeter eux-mêmes dans leurs gueules. On dit la même chose de quelques serpens ; mais cela est fort suspect. Le crapaud pour ennemi le bussard, qui le dévore sans qu’il lui arrive aucun mal. Rond.

Les canards mangent aussi des crapauds, sans en ressentir aucun mauvais effet. Ces observations, & quelques autres paroissent rendre suspecte la qualité vénéneuse du crapaud. Mais d’un autre côté Il y a tant de faits contraires, & qui paroissent démontrer l’existence de ce venin, qu’il y auroit au moins de l’imprudence à s’exposer au danger.

Quelques-uns ont cru que les Rois de France avoient eu d’abord pour armes trois crapauds ; c’est une fable. Sous le règne de Pharamond les Francs s’habituèrent sur les rives du Rhin, & des marais de Westphalie, où sont les Duchés de Clêves, Gueldres, Juliers, la Frise, la Hollande, la Zélande & le Brabant, près de Cologne & de Liège, où sont les Ribarols. De cette demeure en ces lieux aquatiques & marécageux ils furent appelés Ribarols, ou Ripuaires, & de-là est venue la fable de ceux qui ont cru que Pharamond portoit en armes l’écu d’argent à trois crapauds de sable, parce que ces animaux sont aquatiques. De-là encore le sobriquet de crapauds-franchots, que les Flamands & les Walons donnent aux François. Favyn, Hist. de Nav. L. VII, p. 399.

On trouve dans la vie de S. Pierre Célestin, crapollus, comme si ce mot venoit de crapol. Voyez Act. SS. Maii, T. IV, p. 423. F.

On dit ironiquement & proverbialement, qu’un homme est chargé d’argent comme un crapaud de plumes ; pour dire, qu’il a peu d’argent. On dit encore, qu’un homme saute comme un crapaud ; pour dire, qu’il n’est pas léger & disposé. On dit figurément d’un homme fort laid, c’est un vilain crapaud.

Il y a une espèce de poire qu’on appelle crapaud, ou poire de crapaud. Elle mûrit en janvier, & la Quintinie la compte parmi les mauvaises poires.

CRAPAUDAILLE, s. f. par corruption du mot crepodaille. Crêpon, sorte de crêpe ou gase fort légère & fort claire. La coëffe de dessus des filles de l’union Chrétienne est de taffetas noir, celle de dessous est d’étamine, de soie, ou de crapaudaille. P. Hélyot, T. VIII, C. 20. Voyez Crépon.

CRAPAUDIÈRE. s. f. lieu où il y a beaucoup de crapauds. On appelle figurément crapaudière un lieu bas, humide, sale & mal-propre.

☞ CRAPAUDINE, s. f. pierre précieuse que le vulgaire dit se trouver dans la tête d’un vieux crapaud. Batrachites. Elle est de couleur grise tendant sur le rouge, convexe d’un côté, plane ou concave de l’autre. On la trouve dans les champs. Pierre d’Appone, dit le Conciliateur, en fait grand état, & les Médecins croient qu’elle résiste aux venins. Voyez Crapaudine, Pétrification.

Crapaudine, en termes de Manège, est une crevasse qui se fait au pié d’un cheval par les atteintes qu’il se donne avec ses fers. Fissura in craponis equinæ suffraginis.

Crapaudine, est aussi une pièce de métal, de fer ou de cuivre, dans laquelle entre le pivot sur lequel tourne une porte cochère, celle d’une écluse, ou quelque fardeau qu’on fait tourner en rond. On l’appelle aussi couette. Voyez Couette.

☞ Chez les Diamantaires, on appelle crapaudine une masse de fer au milieu de laquelle il y a un trou dans lequel tourne un pivot.

☞ On appelle encore crapaudine une plaque de fer ou de plomb, percée de plusieurs trous, ou simplement une grille de fil d’archal qui se met à l’entrée d’un tuyau de bassin, de réservoir & pour empêcher que les crapauds & les ordures n’y entrent.

Crapaudine. Sideritis. Plante qui croît dans des lieux incultes. On la distingue des autres plantes à fleur en gueule par ses fleurs qui sont disposées en anneaux, ou ventouses, & par étage le long des sages & des branches. La crapaudine ordinaire ou sideritis hirsuta procumbens, C. B. a sa racine vivace, ligneuse, & pousse quelques tiges longues de deux piés environ, branchues, velues, carrées, menues, chargées de feuilles opposées deux à deux. Ces feuilles sont velues, semblables en quelque manière aux feuilles de la petite sauge, mais plus obtuses, moins épaisses, sans odeur particulière, crénelées sur leurs bords plus ou moins, suivant leur âge, & bien moins blanches. Les branches & les tiges sont terminées par des verticilles de fleurs éloignés les uns des autres plus ou moins. La fleur est taillée en gueule d’un blanc tirant sur le jaune, & tachée de quelques points de couleur de pourpre obscur. La lèvre supérieure est relevée & retroussée, & l’inférieure est divisée en trois parties. Son calice est un tuyau velu, à cinq pointes, & qui renferme quatre petites semences noirâtres. On trouve en Espagne & dans les Alpes plusieurs espèces de crapaudine. On a cru que le nom de sideritis avoit été donné à cette plante, parce qu’on avoit remarqué en elle une qualité vulnéraire, & propre pour les blessures faites par le fer.

CRAPAUDINE ou Garatroine. s. f. ☞ pétrification. Bufonites lapis, chelonites, Batrachites. Pierre argilleuse représentant un crapaud ou une grenouille de buisson. Sa couleur est verte ; elle est creuse & représente un œil, avec un cercle blanc & noir. Sa figure en calotte l’a fait nommer crapaudine. Il y en a deux espèces : l’une ronde, creuse & convexe, formant une petite calotte fort polie ; l’autre oblongue, toutes deux de couleur grise, verdâtre, quelquefois blanche ou noire & marquée de tâches roussâtres. On les découvre sur les rochers, les montagnes. On le dit des dents petrifiées d’un poisson nommé le Grondeur.

☞ C’est une erreur de croire que ces petites pierres sortent des têtes de crapauds & des grenouilles. La crapaudine est un fossile.

Crapaudine, espèce de poire, qui vient au mois d’Août, & qu’on appelle autrement Grise-bonne, ou Ambrette d’été. La Quint. la met au nombre des poires médiocres.

Crapaudine, terme de Cuisinier & de Traiteur. Des pigeons à la crapaudine, sont des pigeons préparés de la manière qui suit. On les fend sur le dos du haut en bas, on ouvre & on écarte les deux parties sans les séparer, on les écrase & on les aplattit, on les saupoudre de sel & de poivre, on les fait rotir sur un gril, & on les mange avec un peu de verjus ou de vinaigre, ou une sauce piquante.

CRAPONE, s. f. terme d’Horlogerie. Lime bâtarde, faite dans une ville de ce nom.

Crapone, petite ville de France en languedoc, dans le Velai ; il y a une autre petite ville de même nom en Auvergne sur une rivière qui se jette dans l’Allier. Et un Canal en Provence qui sert seulement à faire tourner quelques moulins & à fertiliser les campagnes par où il passe.

CRAPULE. s. f. vilaine & continuelle débauche de vin, ou d’autres liqueurs qui enivrent. Crapula. Les peuples du Nord sont fort sujets à la crapule, à une perpétuelle ivrognerie. Un grand s’enivre de meilleur vin que le peuple ; c’est la seule différence qu’il y a dans sa crapule. La Bruy.

☞ Ce mot ne s’est appliqué d’abord qu’à la débauche habituelle du vin. On le dit aujourd’hui de toute débauche habituelle & excessive dans le manger, & principalement en matière d’amour. Il semble que quand on dit qu’un homme vit dans la crapule, on attache à ce mot l’idée d’un homme entraîné par l’habitude qu’il a contractée de boire & de manger avec excès, & de se livrer de même aux plaisirs de l’amour, sans choix dans les objets, sans modération dans la jouissance.

Ce tout vient de κραιπάλη, de κάρα, caput & κάλλειν, vibrare, exagitare.

CRAPULER, v. n. vivre dans la crapule. Voyez Ce mot. Crapulæ indulgere. Cette fièvre lui est venue après avoir long-temps crapulé, avoir fait des excès de vin. Ce mot est du style familier.

CRAPULEUX, EUSE. adj. qui aime la crapule. Voyez Crapule.

CRAQUE, terme d’Horlogerie, dont on se sert pour dire qu’un ressort commence à se casser.

CRAQUELIN. s. m. prononcez Craclin. Pâtisserie fort sèche qui est faite ordinairement en forme d’une écuelle, & qui craque sous la dent en la mangeant. Libum. Il y a des gens qui confondent les craquelins avec les échaudés. Ils n’en diffèrent guère que par la forme.

CRAQUELOT. s. m. on nomme ainsi le hareng sor, quand il est encore dans la primeur.

CRAQUEMENT. s. m. bruit que font les corps durs & secs, en se frottant violemment, ou en s’éclatant. Fragor, crepitus. J’ai entendu le craquement de cette poutre.

Craquement se dit aussi dû bruit que font les dents lorsqu’on les presse violemment les unes contre les autres. Craquement de dents. Dentium crepitus.

CRAQUER, v. n. ☞ produire le bruit que font les corps durs & secs quand on les frotte les uns contre les autres, ou qu’ils éclatent. Crepare, & crepitare. On a donné la question si forte à ce patient, qu’on entendoit craquer ses os. La menuiserie craque quand on y a employé du bois trop verd. On dit ce mot des ouvrages de charpenterie, on le dit d’un vaisseau battu de la tempête. Tout le vaisseau craquoit en ses membres. Ce lit craque. La croute craque sous la dent.

Craquer signifie aussi, dans le style populaire, mentir, habler, se vanter mal-à-propos. On n’estime pas un homme qui ne fait que craquer.

Ce mot vient de l’Allemand krachen, signifiant la même chose. Schieck le dérive de hharack, mot hébreu qui signifie faire du bruit des dents. Frendere, stridere dentibus.

Craquer, v. n. se dit en Fauconnerie ou Oiselerie du cri des grues & du bruit qu’elles font en fermant leur bec. On dit des grues craquer & trompeter.

La grue craque. Je viens d’entendre craquer une grue. Faultrier.

CRAQUERIE. s. f. menterie, hâblerie, terme populaire.

CRAQUÉTEMENT. s. m. Ce mot se dit des dents, & signifie une convulsion des muscles des mâchoires. Degori. Dentium crepitas.

CRAQUÉTER, v. n. craquer souvent & avec petit bruit. Crepitare. Les bois de hêtre, de brésil craquètent quand on en brûle. L’air qui se dégage du dois où il est enfermé, craquète en sortant. J’entends craquéter le tonnerre. Théoph. On le dit peu.

CRAQUÉTER, v. n. c’est le terme dont on le sert pour exprimer le cri de la cigogne. La cigogne craquète. On a entendu craqueter les cigognes.

CRAQUEUR, EUSE. s. m. & f. celui ou celle qui ne fait que mentir & se vanter faussement. Il se dit d’un menteur qui a toujours à conter quelque histoire faite à plaisir. Il étoit aussi craqueur que s’il avoit été nourri sur les bords de la Garonne. M. du Noyer. Il est populaire.

CRÂSE ou SYNÉRÈSE. s. f. terme de Grammaire. Figure par laquelle on joint deux syllabes en une, Crasis, comme dans ce vers de Virgile.

Orphei Calliopea, Lino formosus Apollo. Ecl. iv, v. 57.

Il y a crâse au mot Orphei, qui n’est que de deux syllabes dans ce vers. Κἀγώ, pour καὶ ἐγώ, & moi, en Grec ; l’honneur, l’amour, pour le honneur, le amour, en italien ; e’l desir, e’l merto, & le désir & le mérite, en françois, pour e il desir, & il merto. Il y en a qui distinguent la crâse de la synérèse. Il y a crâse, selon eux, lorsque les voyelles se confondent, se mêlent, & qu’on en retranche quelqu’une, comme il arrive dans les exemples qu’on vient de raporter, hormis le premier. Il y a une synérèse lorsque deux ou plusieurs voyelles au lieu de faire plusieurs syllabes n’en font qu’une, comme dans le premier exemple Orphei, & dans les mots François Caën, Laon, Faon, &c. Ces notions sont plus conformes à l’étymologie des noms de crâse, & de synérèse.

Le nom de crâse vient de κρᾶσις, qui veut dire mêlange.

Crâse se dit aussi en Médecine de l’état naturel du sang, dans lequel ses principes sont mêlés & unis comme ils doivent l’être, son opposé est discrâse, mélange vicieux des principes différens dont le sang est composé.

CRASPEDON. s. m. Κράσπεδον. Maladie de la luette, dans laquelle cette partie pend sous la forme d’une membrane oblongue & foible. Aretée, de causis & fig. Acut. Lib. I, cap. 8.

CRASSANE ou CRASANE, mais il faut prononcer l’S forte, s. f. Sorte de poire. La crassane a la chair beurrée, tendre, délicate, avec une eau douce, sucrée & de bon goût, & un peu de parfum. La Quint. Bien des gens la nomment Bergamotte crasane ; Bergamotte, à cause de sa chair, & crasane, à cause de sa figure, qui paroît comme écrasée. Il me semble qu’il lui conviendroit mieux de porter le nom de Beurrée plat ; car elle est assez de la nature & de la couleur du Beurrée ; cependant elle en est différente par sa figure plate : elle est à peu près de la forme des Messire-Jean : le fond de son coloris est verdâtre, jaunissant en maturité, & presque tout chargé de rousseurs : la queue en est longue, médiocrement grosse, courbée & enfoncée comme celle des pommes. La peau en est rude : la chair extrêmement tendre & beurrée, quoiqu’elle ne soit pas toujours fort fine. L’eau en est aussi abondante que celle des fameux beurrées, & renchérit sur eux par une âcreté un peu trop grande. Dans un terrain un peu gras & humide elle n’a pas ce défaut. Elle se conserve un mois entier en maturité, elle ne mollit jamais ; mais elle pourrit comme toutes les autres poires. La Quint. Les crassanes demandent un terrain raisonnablement humide Id.

☞ CRASSE. adj. de t. g. mais qui n’a d’usage qu’au féminin. Il est synonime d’épais, grossier ; humeur crasse, matières crasses. Ce sont les humeurs crasses qui font des obstructions dans le corps, qui causent la plupart des maladies. La Chimie s’applique à séparer des corps les parties les plus subtiles d’avec les plus crasses.

On dit figurément, une ignorance crasse ; pour dire, extrême, grossière, inexcusable. Summa ignorantia. Un Auteur peut être accusé d’une ignorance crasse, quand il ignore les principes de la matière dont il traite.

CRASSE, s. f. ordure qui s’amasse sur la peau, soit par les petites parties qui s’en détachent, soit par la poudre ou autres saletés qui viennent de dehors qui s’y attachent. Squalor, pædor, illuvies, situs. Les étrilles servent à ôter la crasse du poil des chevaux, les bains pour ôter la crasse du corps, des jambes. La crasse n’est autre chose que la sérosité qui sort par la transpiration, ou par les sueurs, desséchée sur la peau, & mêlée de saletés étrangères. ☞ Elle est capable de produire plusieurs maladies, clous, gale, &c. qu’il est aisé de prévenir par les bains.

Crasse se dit encore plus particulièrement de l’ordure qu’on fait tomber de la tête en se peignant. Furfures capitis.

Ce mot vient du grec γράσσος, signifiant sordes in velleribus.

Les Médecins appellent aussi crasse, l’ordure qui vient sur la langue des fébricitans.

☞ Les Fondeurs appellent crasse des métaux, l’ordure, l’écume qui en sort quand on les fond.

☞ Les Ouvriers en métaux appellent encore crasses ou pailles, l’écaille qui se détache au métal chaud quand on le bat sur l’enclume.

Crasse se dit aussi de la poudre, de l’ordure qui s’est attachée sur d’autres corps. Pulvis, sordes. Ce tableau est plein de crasse, il le faut nettoyer & vernir. Ces habits, ces meubles sont pleins de crasse, il les faut bien vergeter & dégraisser.

Crasse, se prend quelquefois pour malpropreté. Sordes, immundities. Il y a des gens qui aiment la crasse, & d’autres la propreté. On a fait une farce du Baron de la crasse.

Crasse se prend quelquefois pour avarice sordide. Il a toujours vécu dans la crasse. Acad. Fr.

Crasse se dit figurément de ce qui est méprisable. Les Chinois se figuroient les autres hommes comme des nains & de petits monstres, qui avoient été jetés sur les extrémités de la terre comme la crasse & le rebut de la nature. P. le Comte. On dit aussi qu’un homme est né dans la crasse ; pour dire, qu’il est d’une naissance très-basse.

Crasse se dit particulièrement de la saleté des gens de Collége, tant au propre, en parlant de leurs personnes, qu’au figuré, en parlant de leur manque de politesse, de leur grossièreté. Inurbanitas, rusticitas. Il y a des gens si rustiques, qu’ils ne se peuvent jamais défaire du pédantisme & de la crasse du Collège. L’étude immodérée engendre une crasse dans l’esprit : il faut que la conversation l’épure & le redresse. S. Evr.

CRASSEUX, EUSE. adj. mal propre, couvert de crasse. Sordidus, immundus, squallidus. Visage crasseux, mains crasseuses. Il a des habits crasseux, vilains, crottés, &c. On dit aussi crasseux, pour sordidement avare. ☞ Il est quelquefois pris substantivement. C’est un crasseux, vilain crasseux.

Ce mot vient du latin crassus, selon quelques-uns.

CRATÆOGONUM. s. m. plante dont parle Dioscoride. C’est une espèce de melampyrum, ou blé noir. En latin, melampyrum luteum latifolium, ou cratæogonum vulgare. Voyez Froment.

CRATÉE. s. f. terme de Mythologie, Déesse des Sorciers & des Enchanteurs, selon Homère, mère de la fameuse Scylla. On croit que c’est la même qu’Hécate.

Cratée ou Crétée. s. m. Roi de Crète, selon la Mythologie. Il étoit fils de Minos & de Pasiphaé fille du Soleil. Il partagea la Souveraineté avec Deucalion son frère, & fut tué par son propre fils, ainsi que l’Oracle le lui avoit prédit. Althéménès qui étoit ce fils, voulant prévenir ce malheur s’exila lui-même, & il retira à Rhodes. Le chagrin que l’absence d’un si bon fils causa à Cratée, l’obligea de l’aller chercher. Il équipa un vaisseau pour ce sujet, & aborda à l’île de Rhodes. Les habitans, croyant que c'étoient des ennemis, prirent les armes. Althéménès y accourut comme les autres, & tira une flèche sur le plus apparent, qui étoit son père, & le tua. Ce malheureux fils ayant reconnu son malheur, pria les Dieux de ne le laisser pas survivre à son père. Il fut exaucé, la terre s’ouvrit & l’engloutit.

CRATERE, pour dire coupe, n’est plus en usage que dans l’Université de Paris. On dit les cratères de Sorbonne, les cratères du Collège de Navarre. Ce sont des coupes d’argent en forme d’écuelles sans oreilles. Celles du Collège du Cardinal le Moine sont grandes, & en forme d’un chapeau qui a les bords abaissés. De Méziriac, dans son Commentaire sur la Lettre de Briseïs à Achille, fait une critique exacte du mot crater, qui est dans les Auteurs grecs, & qui a été mal traduit, selon lui, par Vigenère & par Amyot. Crater, dit-il, étoit un grand vaisseau dont on ne se servoit point pour boire ; mais seulement pour y mêler l’eau avec le vin, dont on devoit boire pendant le repas, & de ce vaisseau on puisoit le vin ainsi mêlé avec des coupes ; ou premièrement ils en versoient dans des pots & dans des chopines, & de-là dans les tasses. Ce qu’il prouve par quelques vers de l’Iliade d’Homère, & il ajoûte qu’Amyot a commis une faute dans tous les endroits de Plutarque où il est parlé de cette sorte de vaisseau, l’ayant pris pour une coupe. Il vaudroit mieux, dit de Méziriac, retenir le mot de crater, ou l’expliquer par quelque périphrase, que de mettre une chose pour une autre.

CRAU. Crava, Campi Lapidei. Petit pays de Provence, entre la fausse Crapone, & la branche orientale du Rhône. Ce pays est si plein de pierres, qu’on n’y voit pas un pouce de terre, quoiqu’il n’y en ait point dans toute la Camargue, qui n’en est séparée que par une branche du Rhône. On a fort cherché la cause de cette différence sans la trouver. On ne laisse pas d’y semer du blé en quelques endroits, & il vient entre les pierres une herbe très-nourrissante pour les bestiaux. De Valois, Notit. Gall. p. 123, en parle, & rapporte tout ce que les anciens en ont dit. Il écrit la Crau, ou las Craux. On l’appelle Champ Herculien. Bouche, Hist. de Provence, L. I, C. IV, §. 3. Hercule, dit la fable, combattant contre Giron le Géant, fils de Neptune, & manquant de flèches, invoqua Jupiter, qui lui envoya une pluie de cailloux. Ce sont les cailloux dont est couverte l’île de la Crau, à l’embouchure du Rhône, campagne que Pline appelle un monument des combats d’Hercule.

Ce mot Crau vient peut-être de αράζω, qui veut dire crier ; ou crau s’est dit comme grau, ou gravier. Gave, en Provençal signifie gravier. Ce sont apparemment des noms celtiques, comme l’insinue Cambden, qui dit que craig, en langue britannique, signifie une pierre. Bouche.

CRAVAN. s. m. vilain coquillage qui s’attache au fond d’un vaisseau qui a été long temps à la mer.

CRAVAN. Oiseau aquatique, qui ressemble beaucoup au canard sauvage pour la grandeur & pour la figure, dont le plumage est noir,un peu basané, en latin anas muscaria, parce qu’il prend les mouches qui volent sur l’eau.

Cravan. Ville. Voyez Crevan.

CRAVATE. Nom de peuples. Cordas, Chrovatus, Croatus. Les Cravates sont les Croates, ou peuples de Croatie. Voyez ces noms, & les articles suivans.

Cravate. s. m. espèce de cheval qui vient de Croatie en Allemagne, qui ordinairement est fort vite. Equus Croata. Les Cravates battent à la main, & portent au vent. Ils ont l’encolure haute, & tendent le nez en branlant la tête.

Cravates, en termes de Guerre, corps de Cavalerie étrangère, commandé par un Colonel. Croatæ equites. Ils servent d’enfans perdus dans les batailles, de batteurs d’estrade dans un camp à aller en parti, à enlever des quartiers, &c.

☞ Pour parler régulièrement, il faudroit dire Croate. Voiture même avoit écrit ainsi : mais depuis il s’est toujours servi du mot Cravates, & l’usage général a prévalu de dire & d’écrire Cravate.

☞ CRAVATE. s. f. linge qui se met au tour du cou ; toile fine qui fait plusieurs tours autour du cou, se noue par-devant & dont les deux bouts pendent sur la poitrine. Cœsitium colla circumvolutum, nodoque sub mento constrictum Une cravate de mousseline, de taffetas. La mode de cet ajustement est de 1636 ; elle nous vint d’Allemagne. On en attribue la première invention aux Croates, qu’on appelle ordinairement Cravates.

☞ On ne porte plus guère de cravates. On leur a substitué les tours de cou.

☞ On a aussi appelé cravate, une espèce de tour de cou que les femmes portoient autour de leur robe, qui faisoit le tour de leur sein & de leurs épaules.

☞ En termes de jeu de Trictrac, la cravate est une marque que l’on met à son fichet, pour montrer qu’on a la grande bredouille. Voyez Bredouille.

☞ CRAULANT, ANTE. part. du vieux verbe neutre, crauler, branler, tomber. Poësies du Roi de Navarre.

CRAYE. s. f. Voyez Craie.

CRAYON. s. f. petite pierre, pâte ou matière colorée, qui sert à marquer, écrire, dessiner, peindre au pastel. Stylus ex plumbo, ex hæmatise usto, ex carbone. La terre rouge appelée Rubrica laminata seu terra synopica, se nomme en françois, crayon rouge ou sanguine. Sa couleur est unie, quelquefois tachée. On s’en sert pour dessiner. On en tire des carrières de Cappadoce. On fait du crayon noir avec du charbon de saule & avec de la mine de plomb. On en fait qu’on nomme, pastel, avec de la pâte de toutes sortes de couleurs. On écrit avec du crayon sur des tablettes. On marque avec du crayon des endroits d’un livre qu’on veut retrouver. Il y a une des pointes du compas qui sert de porte crayon.

Crayon signifie aussi les portraits, les desseins qu’on fait avec le crayon. Opus rubricâ, plumbo, carbone adumbratum. Les crayons de du Moutier, de Nanteuil, sont fort estimés. Ce Peintre a fait le crayon d’un tel.

☞ On le dit figurément de la description qu’on fait d’une personne. Vous nous avez fait un fidèle crayon de cet homme-là, vous nous l’avez bien dépeint.

Crayon signifie aussi le premier dessein ; la première ébauche d’un tableau qu’on trace avec du crayon. Adumbratio, deformatio. Il n’a encore fait qu’un crayon de ce tableau. Ce n’est là qu’un crayon grossier, un léger crayon.

☞ On le dit dans un sens figuré des ouvrages d’esprit. Cette pièce n’est pas achevée : ce n’est encore qu’un crayon, un premier crayon.

☞ On dit aussi figurément que l’homme est un foible crayon de la Divinité ; pour dire qu’on en voit en lui quelques traits ; imago.

Crayon se dit, en termes d’Agriculture, d’une terre dure, blanchâtre, tout-à-fait stérile. Terra cretosa. Elle se trouve au-dessous de la bonne terre, quelquefois assez proche de la superficie, en sorte que le soleil pénétrant trop tôt la bonne terre, altère & brûle les racines des arbres qui tracent, c’est-à-dire qui s’étendent en rampant sur ce lit de terre dure où elles ne peuvent pénétrer.

CRAYONNER. v. a. Tracer, marquer avec du crayon. Plumbo, carbone, rubricâ adumbrare, delineare. Cela est crayonné de la main d’un tel. Crayonner une tête, un bras, &c. c’est les dessiner avec du crayon.

Crayonner signifie aussi dessiner grossièrement, tracer les premiers traits. Informem operis speciem designare. Cela n’est que crayonné.

☞ On le dit au figuré, dans le même sens qu’on dit peindre quelqu’un, le blasonner, en dire du mal. Ces Messieurs le crayonnent maintenant à leur mode. Masc. Dans ce sens, il n’est que du style familier.

Crayonné, ée. part.

CRAYONNEUR, s. m. qui crayonne. Les nouveaux caractères de Corneille, Racine, la Fontaine, dans l’édition du Temple du goût, sont autant de beautés nouvelles. Il n’y a qu’une certaine ame d’Auguste & de Cinna qu’on ne reconnoît pas pour l’ouvrage de Corneille, qui étoit véritablement peintre, & non pas crayonneur. Pour et contre.

Ce Corneille qui crayonna
L’ame d’Auguste & de Cinna.

☞ CRAYONNEUX, EUSE, qui est, qui tient de la nature du crayon. Le frêne qui s’emploie à faire des essieux, des charrues, des rames, des perches, des échalas, & bien d’autres instrumens, ne réussit point dans les terres dures, froides, argilleuses, crayonneuses ; mais il viendra vîte, & s’élèvera prodigieusement en plaine, dans une terre légère, & peu profonde. Spect. de la Nat.



FIN DU TOME SECOND.