Dictionnaire de Trévoux/6e édition, 1771/Tome 2/251-260

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Fascicules du tome 2
pages 241 à 250

Dictionnaire de Trévoux, 1771
Tome 2, pages 251 à 260

pages 261 à 270


Ximenès, L. VI. c. 30, & après lui Mariana. Favyn, Hist. de Nav. p. 159.

Ce mot vient du grec χαρακτὴρ, qui vient du verbe χαράσσειν, insculpere, imprimer, graver.

Les Médaillistes ont observé que le caractère grec composé de lettres majuscules, s’est conservé uniforme sur toutes les Médailles, sans aucune altération, & sans aucun changement dans la conformation des caractères, quoiqu’il y en ait eu dans l’usage & dans la prononciation. Ce caractère s’est conservé jusqu’à Galien, depuis lequel temps il paroît moins rond & plus affamé. Depuis le règne du Grand Constantin jusqu’à Michel ; c’est-à-dire, pendant 500 ans, on ne trouve que des caractères latins. Après Michel on retrouve des caractères grecs, qui commencèrent à s’altérer aussi-bien que la langue, qui n’étoit plus qu’un mélange de grec & de latin. Les Médailles latines ont mieux conservé leur langue & leur caractère jusqu’à la barbarie de Constantinople. Vers le temps de Décius, le caractère commença à s’altérer, & à perdre de sa rondeur & de sa netteté ; mais quelque temps après il se rétablit, & demeura assez beau jusqu’à Justin, & alors il tomba dans la dernière barbarie, où on le voit sous Michel dont on vient de parler. Ce fut encore pis dans la suite. Le caractère latin dégénéra en gothique. Ainsi, quand le caractère est rond & bien formé, c’est une marque d’antiquité. P. Joe.

Les Imprimeurs appellent caractères, les lettres qui leur servent à imprimer. Litterarum typi. En voici les dégrés. Gros double Canon, gros Canon, Trismegiste ou Canon approché, petit Canon, gros Parangon, petit Parangon, gros Romain, S. Augustin, Cicero, Philosophie, petit Romain, petit Texte, Mignone, Nompareille, Sedanoise ou Parisienne. Presque toutes ces lettres ont leurs italiques, & leurs grandes & petites capitales.

☞ On fait un usage particulier de plusieurs caractères différens dans les mathématiques, en algèbre, en géométrie ; en trigonométrie, en astronomie, de même qu’en médecine, en chimie, en musique, &c.

Caractère en Chimie, sont les signes dont les Chimistes se servent pour désigner en abrégé les substances sur lesquelles ils opèrent, &c. On connoît assez les caractères dont on se sert dans les Sciences dont on vient de parler.

Caractère se dit aussi de la manière d’écrire. Caracter. Ce Scribe a un fort bon caractère, fort lisible. Je connois son caractère, son écriture. J’ai été content en voyant seulement votre caractère. Voit.

Caractère se dit aussi de certaines marques & empreintes que les anciens mettoient sur le front de leurs esclaves ou des criminels pour les reconnoître, ou pour les noter. Signum, nota. Peut-être qu’on doit ainsi expliquer le signe que Dieu mit sur le front de Caïn, pour empêcher qu’il ne fût tué dans son exil volontaire ; & les marques de ceux des Tribus d’Israël dont il est fait mention dans l’Apocalypse.

☞ Ce mot dans un sens figuré & métaphorique, a plusieurs significations, qui ont toutes un rapport plus ou moins éloigné, un sens propre, qui désigne une empreinte, une marque,

Caractère, en morale, est la disposition habituelle de l’ame, par laquelle on est plus porté à faire & l’on fait en effet plus souvent des actions d’un certain genre, que des actions du genre opposé. Un homme d’un caractère vindicatif ne pardonne jamais, ou pardonne rarement. Un homme sans caractère est alternativement honnête homme ou fripon, sans qu’on puisse jamais le deviner.

Caractère général des nations. Il consiste dans une certaine disposition, de l’ame plus commune chez un peuple que chez un autre. Les peuples qui subsistent depuis long-temps conservent un certain fonds de caractère qui ne change point. La forme du gouvernement, & plus encore le climat, peuvent influer sur le caractère général des nations.

☞ Mais à mesure que les races se mêlent & que les peuples se confondent, on voit peu-à-peu disparoître ces différences nationales qui frapoient jadis au premier coup d’œil. Autrefois chaque nation ressort plus renfermée en elle-même ; il y avoit moins de communication, moins de voyages, moins d’intérêts communs ou contraires, moins de liaisons politiques & civiles de peuple à peuple, point tant de tracasseries royales appelées négociations, point d’Ambassadeurs ordinaires ou résidens continuellement, moins de grandes navigations, peu de commerce éloigné ; encore étoit-il fait par des gens qui ne donnoient le ton à personne.

☞ Le mot caractère, pris dans cette acception pour un assemblage des qualités qui résulte de plusieurs marques particulières, & qui distingue tellement une chose d’une autre, qu’on la puisse reconnoître aisément, forma alicujus & naturalis nota, indoles, se dit de l’esprit, des mœurs, du discours, du style, & des actions. Il n’y a point d’ame qui ne se sente élevée par l’impression que fait sur elle le caractère d’Achille. S. Evr. La grandeur d’ame est le caractère des Romains. P. Rap. Le Prince avoit un air noble, & toutes ses actions avoient un caractère touchant. Vill. Ciceron avoit un caractère de politesse qui manquoit à Démosthène. P. Rap. Celui qui s’accoutume à dire des plaisanteries a un mauvais caractère d’esprit. Pasc. Il n’y a point de passion qui n’ait son caractère particulier. Les caractères violens donnent plus d’éclat aux actions qu’ils animent : au contraire, les caractères doux sont souvent sans gloire, quoiqu’ils aient le solide de la vertu. La Bruy. Quand on sort de son caractère, on est toujours ridicule. Bell. Pour bien écrire l’histoire, il faut non-seulement former le caractère général du héros, mais encore former le caractère particulier de ses vertus & de ses vices. S. Evr. La simplicité & l’unité de caractère dans les personnages est l’essence du Poëme Epique. P. Le Boss. L’égalité de caractère consiste à ne point donner au héros des sentimens incompatibles, & à le représenter tellement animé du même esprit, qu’on le reconnoisse toujours par son caractère principal & dominant. Le caractère du héros doit être uniforme & supérieur ; ensorte que le caractère des autres personnages soit toujours soumis à celui du premier personnage. Id. C’est le défaut de Claudien : vous y voyez tant de caractères dominans, qu’on ne reconnoît plus le principal.

Caractère d’un ouvrage, c’est la différence spécifique qui le distingue d’un autre ouvrage de même genre. Les différens Poëmes ont leurs principes, leurs régles, leur ton ; & c’est ce qu’on appelle caractère.

Caractère d’un Auteur, est la manière de traiter un sujet qui lui est propre, & qui le distingue de ceux qui l’ont traité avant lui.

Caractère se dit aussi figurément d’une certaine qualité qui imprime du respect à ceux qui la connoissent. Species, nota, caracter. Dieu a empreint sur le front de l’homme un caractère, une image de la Divinité. La majesté des Rois leur donne un caractère qui leur attire le respect des peuples.

Faut-il que sur le front d’un profane adultère,
Brille de la vertu le sacré caractère ? Rac.

Caractère se dit encore des qualités visibles qu’on respecte en ceux qui sont revêtus de charges & de dignités. Dignitas muneris vel personæ cui redditur honor debitus, ou seulement Dignitas. Il faut qu’un Evêque soutienne son caractère par son savoir & par sa vertu, plutôt que par l’éclat & par la vanité mondaine. Les Prêtres, en perdant eux-mêmes le respect qu’ils doivent à la sainteté de leur caractère, sont les premiers coupables du mépris que l’on a pour eux. Flech. Le droit des gens met le caractère des Ambassadeurs à couvert de toute insulte, Wicq. Ce qui rend les Savans moins propres en conversation, c’est qu’ils croiroient mal soutenir le caractère de Savans, s’ils s’abaissoient à parler de bagatelles. Bell. On ne conçoit que de l’horreur pour un Ecclésiastique qui abuse de la dignité de son caractère. Vill. En se moquant des Prêtres, on cherche aux dépens de leur caractère le ridicule de leur personne. Flech. On dit, cet homme soutient bien son caractère ; c’est-à-dire, il est constant à faire la même chose ; il ne se dément point.

On dit d’un homme qui n’a point de mission, d’autorité, ni de pouvoir pour faire quelque chose, que c’est un homme qui n’a point de caractère, qui parle sans caractère. Acad. Fr.

Caractère en Théologie, se dit d’une marque qui ne s’efface point, & que quelques Sacremens laissent dans l’ame de ceux qui les reçoivent. Caracter. Il n’y a presque point de Théologiens qui ne disent que le caractère des Sacremens est quelque chose de physique. Les Sacremens qui impriment un caractère sont le Baptême, la Confirmation & l’Ordre. Les Sacremens qui impriment un caractère, ne se réitèrent point. Le caractère est un effet que les Sacremens produisent toujours dès qu’ils sont valides, lors même qu’ils ne produisent pas la grâce à cause des mauvaises dispositions du sujet. Ainsi par exemple, lorsqu’un adulte reçoit en péché mortel la Confirmation ou l’Ordre, il ne reçoit pas la grâce, mais il reçoit le caractère.

Caractère se dit aussi de certains billets que donnent des Charlatans ou Sorciers, qui sont marqués de quelques figures talismaniques, ou de simples cachets. Caracter magicus. Ils font accroire au sot peuple qu’ils ont la vertu de faire des choses merveilleuses & incroyables, comme de faire cent lieues en trois heures, d’être invulnérables à l’armée, &c. Quand on raconte quelqu’un de ces prétendus effets, on dit qu’il faut que cet homme ait un caractère, qu’il ait fait un pacte avec le Diable.

Caractère se dit aussi des plantes. C’est ce qui les distingue si bien les unes d’avec les autres, qu’on ne sauroit les confondre, quand on fait attention à leurs marques essentielles.

☞ On appelle caractère générique, celui qui convient à tout un genre, & spécifique, celui qui ne convient qu’à une espèce. Linnæus distingue quatre espèces de caractère. Caracter essentialis, factitius, habitualis & naturalis.

Caractère, en Peinture, se dit des ☞ qualités qui constituent l’essence d’une chose & qui la distinguent des autres. Caractère des objets, caractère des passions. La pierre, les eaux, les arbres, le poil, la plume & enfin tous les animaux, demandent des touches différentes pour conserver l’esprit de leur caractère. De Piles.

Caractère se dit aussi des talens & du génie que le Peintre fait paroître, dans ses ouvrages, & de la manière dont il les traite. Le caractère de l’esprit s’annonce par la noblesse & l’élévation dans les idées, par la beauté & la magnificence dans l’invention, par le bon sens & l’intelligence dans la disposition. Le caractère de la main s’annonce par l’exécution & le coloris. Ce dernier caractère est ce qu’on appelle manière.

CARACTÉRISER. v. a. Décrire si bien le caractère de quelque chose, qu’on la reconnoisse, & qu’on la distingue de tout autre. Adumbrare, exhibere, describere, ad vivum exprimere. Ce Peintre, ce Poëte, caractérisent bien les passions qu’ils veulent représenter. Le Prédicateur en censurant, ne doit point se donner la liberté de désigner ni de caractériser les personnes. De Vill.

Caracterisé, ée. part.

CARACTÉRISME. s. m. Terme de Botanique, dont on se sert pour expliquer certaines ressemblances & conformités que les plantes ont avec quelque partie du corps humain. C’est ce caractérisme qui fait croire à quelques-uns que ces sortes de plantes sont spécifiques pour guérir les parties du corps qui leur ressemblent lorsqu’elles sont affligées. Emmanuel Konig, dans son Royamme des Végétaux, a adopté le système des caractérismes : ce qui a fait dire à M. Bernard que cet Auteur n’étoit nullement Cartésien à l’égard des caractérismes des plantes.

☞ CARACTÉRISTIQUE. adj. de t. g. Qui se dit de ce qui sert à caractériser quelque chose, ce qui marque son caractère, ce qui la distingue de toutes les autres choses. Voyez Caractère. Signe caractéristique.

☞ On le dit en Littérature de ce qui sert à caractériser les Auteurs. L’élévation & la véhémence sont les traits caractéristiques de Corneille.

☞ En Grammaire on appelle lettre caractéristique, celle qui dénote la formation d’un temps, & qui se trouve la même dans les mêmes temps. Littera designans. C’est ainsi que la Lettre R est la caractéristique de tous nos futurs françois. Les caractéristiques sont de grand usage dans la Grammaire grecque pour la formation des temps ; elles sont les mêmes dans les mêmes temps de tous les verbes d’une même conjugaison : il n’y a que le présent qui a différentes caractéristiques, & le futur, l’aoriste premier, les prétérits parfaits & plus que parfaits de la quatrième conjugaison, qui ont deux caractéristiques.

☞ On le dit encore en Grammaire, des lettres qui se conservent dans les dérivés d’un mot ; Comme le P dans nos mots dérivés de corps, de temps, corporel, temporel ; le G dans long, sang, rang, à cause de longueur, sanguin, ranger, &c.

CARADH. s. m. Feuilles d’un arbre que les Arabes appellent Selem, lesquelles servent à préparer ces beaux cuirs que nous appelons maroquins du Levant. L’Iemen, ou l’Arabie heureuse, est fertile en cette espéce d’arbres. Quelques-uns veulent que l’écorce de cet arbre, qui ressemble au tamarik, serve à tanner les maroquins, & que les feuilles s’emploient seulement à leur donner la dernière perfection. D’Herr.

CARAFE. s. f. Petite bouteille de verre de forme ronde, plus large par le bas que par le haut, propre pour verser à boire, & qu’on sert sur une soucoupe. Ampulla. On s’en sert aussi pour faire rafraîchir du vin.

☞ On dit une carafe de vin, d’orgeat, de limonade, pour dire pleine de vin, d’orgeat, &c.

☞ CARAFON. s. m. Vaisseau dans lequel on met un flacon, plein de quelque liqueur avec de la glace, pour le faire rafraîchir.

☞ On donne aussi ce nom au flacon qui contient la liqueur qu’on met rafraîchir dans le vaisseau où est la glace.

CARAGACH. s. m. Sorte de coton qui vient de Smyrne par la voie de Marseille.

☞ CARAG. Voyez Carache.

CARAGI. s. m. se dit des Commis Turcs des bureaux où se perçoivent certains droits du Grand-Seigneur. Le Douanier général ou Directeur de la Douane se nomme Caragi-Bachi. Ce mot caragi signifie aussi dans les mêmes Etats du Grand Seigneur, les droits d’entrée & de sortie qui se payent pour les marchandises.

CARAGNE. s. f. Espèce de résine qui nous est apportée de Cartagène dans l’Amérique méridionale. Elle est un peu dure, tenace, sans beaucoup de viscosité & sans se fondre, semblable à la tacamahaca, mais plus brillante, plus liquide, plus compacte, plus épaisse, & d’une odeur plus forte. Elle est très-bonne pour les tumeurs & pour toutes sortes de douleurs. En latin caragna, ou caranna.

☞ On apporte du même endroit une espèce de caragne plus pure, & claire comme le crystal, beaucoup plus excellente, & de meilleure odeur que la précédente.

CARAGROUCH. s. m. Monnoie d’argent de l’Empire, qui ne revient pas tout-à-fait à l’écu de France de 3 livres.

CARAGUATA. s. m. Sorte d’aloës qui vient du Brésil. Ses feuilles sont semblables à celles de l’aloës commun. Sa fleur est jaune & sans odeur. Il y a une espèce de carahuta guacu, qui croît en peu de temps à une très-grande hauteur. Ses feuilles étant broyées & bien frottées fournissent un lin très-fort & très-délié. Ses fleurs sont renfermées dans de petits corps coniques, dont on tire, avant qu’elles soient épanouies, des filets blancs qui ressemblent à du coton. Son bois séché brûle comme de la corde souffrée.

CARAGUE. s. m. Animal du Brésil semblable à un renard. Les caragues sont bruns, & font la guerre aux poules aussi-bien que les renards

CARAÏBE. s. m. Nom de peuple. Les Caraïbes sont des sauvages de l’Amérique méridionale, qui ont possédé autrefois toutes les Antilles, & qui occupent encore les Îles de S. Vincent, de Bekia & la Dominique. C’est ce qui fait qu’on appelle aussi du nom de Caraïbes les Îles des Antilles, qu’on appelle encore Cannibales d’un autre nom que portent aussi ces peuples. Au reste nous disons Caraïbes en quatre syllables, & rarement Caribes. De la Borde a écrit une relation des mœurs, des coutumes & de la religion des Caraïbes. Le P. du Tertre en parle aussi dans son Histoire naturelle des Antilles. Tom. II, Traité VIIe & Lonvillers de Poincy dans son Histoire naturelle & morale des Iles des Antilles. Liv. II, chap. 9 & suiv. Le P. Du Tertre & Lonvillers, disent que les mots de Galibi & Caraïbe sont des noms que les Européens leur ont donnés, & que leur véritable nom étoit Callinago pour les hommes, & Callipona pour les femmes ; que les Insulaires Caraïbes étoient des Galibis de terre ferme, qui étoient venus conquérir ces Îles ; qu’ils avoient eu des Rois, & qu’il y avoit encore des Caraïbes descendus de ces Rois. Eux-mêmes ne s’appellent Caraïbes que quand ils sont ivres, ou quand ils sont parmi les Européens ; ceux des Îles se nomment Oubaobonon, c’est-à-dire, habitans des Îles ; & ceux de terre ferme Baloue-bonon, c’est-à-dire, habitans du continent. Lonvillers croit néanmoins qu’il est plus probable que ce nom ne leur a point été donné par les Espagnols, parce que 1°. Avant que les Espagnols & les Européens eussent mis le pied au Brésil, les Brasiliens nommoient Caraïbes les gens plus subtils & plus ingénieux que les autres, ainsi que Jean de Lery l’a remarqué dans son Histoire. 2°. Il est constant qu’il y a des Sauvages qui portent le nom de Caraïbes dans des quartiers du continent où les Espagnols n’ont jamais été ; car ceux qui demeurent dans ce continent méridional au-dessus du saut des plus célèbres rivières, s’appellent Caraïbes. Outre cela, il y a au continent septentrional une nation puissante, dit cet Auteur, composée de certaines familles qui se glorifient encore à présent d’être Caraïbes, & d’en avoir reçu le nom long-temps avant que l’Amérique fût découverte. Les Caraïbes des Îles s’en glorifient aussi. Les Caraïbes sont d’une grande ignorance & d’une grande simplicité. Quoiqu’ils n’aient point de temples, ni d’autels, ni presque de culte extérieur de religion, ils ont cependant un sentiment naturel de quelque Divinité, ou de quelque puissance supérieure & bienfaisante, qui réside aux cieux ; mais ils disent qu’elle se contente de jouir en repos des douceurs de sa propre félicité, sans s’offenser des mauvaises actions des hommes, & qu’elle est douée d’une si grande bonté, qu’elle ne tire aucune vengeance de ses ennemis : d’où vient qu’ils ne lui rendent ni honneur ni adoration. Ils reconnoissent aussi de bons & de mauvais esprits. Les bons esprits, dont ils font aussi des Dieux, sont en grand nombre ; & ils croient que chacun a le sien. Quoiqu’ils semblent n’avoir point de culte extérieur, comme on l’a dit, ils offrent cependant à leurs Dieux de la cassave & du ouïcou. Ils évoquent leurs faux Dieux, lorsqu’ils souhaitent leur présence ; mais cela se doit faire par le ministère de leurs Boyés, c’est-à-dire, de leurs Prêtres, ou plutôt de leurs Magiciens ; & chaque Boyé a son Dieu particulier qu’il évoque. Ils appellent l’esprit malin Maboya. Ils croient l’immortalité de l’ame, & qu’après la mort elle s’en va au ciel avec son icheiri, ou son chemiin, c’est-à-dire, avec son Dieu, qui l’y conduit pour y vivre en la compagnie des autres Dieux : & quand un d’entr’eux meurt, on tue ses esclaves, pour qu’ils aillent le servir dans l’autre vie. Voyez les Auteurs que l’on a cités ci-dessus.

CARAÏSME. s. m. Secte des Caraïtes, doctrine des Caraïtes. Caraïsmus, Secta Caraitarum.

CARAÏTE. s. m. & f. Nom de Sectaires parmi les Juifs. Il y en a encore aujourd’hui dans le Levant & dans la Pologne. Quelques-uns, comme le P. Nau, les appellent des Carains, mais ce n’est pas l’usage en françois. Postel les appelle en latin Caraini, d’autres Carrei & Caraïte. Léon de Modène, Rabbin de Venise, dans son petit livre des cérémonies & coutumes de ceux de sa nation Liv. V, ch. 1 dit, que de toutes les hérésies qui étoient chez eux avant la destruction du Temple, il n’est resté que celle des Caraïm, nom dérivé de Micra, qui signifie le pur texte de la Bible, parce qu’ils veulent qu’on s’en tienne au Pentateuque, & qu’on le garde à la lettre, rejetant toute interprétation, paraphrase & constitution des Rabbins. Ce Juif se trompe quand il veut que les Caraïtes ne reçoivent point les 24 livres de la Bible.

Aben Esra & quelques autres Rabbins les traitent de Sadducéens ; mais Léon de Modène parle plus exactement, quand il dit au même endroit que ce sont des Sadducéens réformés, parce qu’ils croient l’immortalité de l’ame, le paradis, l’enfer, le purgatoire, la résurrection, & plusieurs autres choses que les anciens Sadducéens ne reconnoissoient point. Il prétend cependant qu’on ne doute point que dans leur origine ils n’aient été de véritables Sadducéens, & qu’ils ne viennent d’eux : mais il est bien plus vraisemblable, comme le remarque M. Simon, dans son Supplément touchant les Caraïtes, que cette secte n’est venue que de ce que les plus habiles s’opposent aux rêveries des Talmudistes ; & que se servant du texte de l’Ecriture pour réfuter les traditions qui n’avoient aucun fondement, on leur donna le nom de Carraïm, qui est la même chose qu’en latin barbare, Scriptuarii, c’est-à-dire, gens attachés au texte de l’Ecriture. Les autres Juifs les traitèrent de Sadducéens, non qu’ils les fussent en effet, mais parce qu’ils les imitoient dans ce qu’ils regardoient les traditions. Le P. Nau, qui dit avoir souvent traité avec, eux assure qu’ils ont quelque chose des erreurs des Sadducéens.

Scaliger, Vossius & M. Spanheim, Bibliothécaire de l’Université de Leyde, mettent les Caraïtes au même rang que les Sabéens, les Mages, les Manichéens & les Musulmans ; c’est une erreur. Quelques autres les considèrent comme une branche ou comme la postérité des Sadducéens ; c’est le sentiment des Juifs Rabbanistes qui les regardent comme des Hérétiques. Volfgangus, Fabricius, Capito Henaem, pag. 9, croient que les Sadducéens & les Esséniens furent appelés Caraïtes par opposition aux Pharisiens. D’autres croient que ce sont les Docteurs de la loi dont il est parlé si souvent dans l’Evangile ; mais toutes ces conjectures sont peu solides. Josephe ni Philon ne parlent point des Caraïtes ; ainsi cette secte est plus récente que ces deux Auteurs. Il y a assez d’apparence qu’elle ne s’est formée que depuis la collection de la seconde partie du Talmud, c’est-à-dire, de la Gémare. Peut-être commença-t-elle dès le temps que R. Juda Hakkadosch compila la Mischne, vers le milieu du troisième siècle.

Le Caraïte Mardochée prétend que les Caraïtes sont plus anciens que les Sadducéens ; car s’ils étoient une branche de ces Hérétiques, ils n’auroient point en horreur Sadoc & Baïtos. Les Caraïtes prétendent être les restes des dix Tribus emmenées en captivité par Salmanazar. Schupart croit qu’on ne peut savoir précisément le temps où cette secte commença ; qu’elle se forma secrètement lorsque la vénération pour les traditions des Rabbins s’introduisit ; qu’elle se fomenta & s’accrût insensiblement ; & qu’elle n’éclata & ne fut publique qu’après la collection du Talmud.

Vossius décrit ainsi l’origine, les progrès & la décadence des Caraïtes, sur les Mémoires du Caraïte Mardochée. Alexandre Jannée, Roi des Juifs, qui régnoit cent ans avant Jésus-Christ, fit massacrer tous les Docteurs de la loi, & presque tous les Savans de la nation. Ce massacre, selon les Caraïtes, fut la cause du schisme qui divisa les Juifs. Siméon fils de Schétach, & frère de la Reine, homme savant, mais ambitieux & sans religion, ayant été soustrait par sa sœur à la colère du Roi, s’enfuit en Egypte, où il imagina le systême des prétendues traditions. Etant de retour à Jerusalem, il débita ses visions, & interpréta la loi comme il lui plut ; & appuyant ses nouveautés sur des connoissances que Dieu, disoit-il, avoit communiquées de bouche à Moïse, &, dont il se vantoit d’être le dépositaire, il s’attira un grand nombre de disciples. Plusieurs aussi lui résistèrent, & soutinrent que tout ce que Dieu avoit révélé à Moïse étoit écrit. De-là les deux sectes. Parmi les Caraïtes, Juda fils de Tabbaï, se distingua. Hillel brilla parmi les Traditionnaires ; Schamaï parmi les Textuaires. Vossius met au nombre de ceux-ci, non seulement les Sadducéens, mais aussi les Scribes, dont il est parlé dans l’Evangile. L’adresse & le crédit des Pharisiens prévalurent ; le nombre des Caraïtes diminua de jour en jour : & ils seroient tombés dans le dernier mépris dès le VIIIe siècle, si Anan n’avoit alors relevé leur parti. Au IXe siècle, le Rabbin Schalomon, fils de Jérucham, imita le zèle d’Anan, & attaqua le fameux Chadias Haggaon. Les siècles suivans ne furent pas moins heureux pour les Caraïtes, & fournirent plusieurs Ecrivains fameux, entr’autres Abu Alphorag au XIIe siècle ; mais depuis le XIVe siècle, leur secte a paru tomber dans le découragement.

Les Caraïtes sont demeurés presque inconnus, parce que leurs livres l’ont été même aux plus habiles & aux plus curieux Hébraïsans. Buxtorf n’en a vu aucun, Selden en a vu deux, & le P. Morin un. M. Trigland, qui a fait un traité sur les Caraïtes, imprimé en 1705 à Delft avec les Oppuscules de Serrarius, de Drusus, & de Scaliger, Trium Illustrium Scriptorum de Tribus Judœorum sectis Syntagma ; M. Trigland, dis-je, assure qu’il en a recouvré un nombre suffisant pour pouvoir parler avec certitude de cette secte judaïque. Voici ce qu’il en dit de particulier. Peu après que les Prophètes eurent cessé, les Juifs se partagèrent touchant les œuvres de surérogation, les uns soutenant qu’elles étoient nécessaires selon la tradition, & les autres s’en tenant à ce qui est prescrit par la loi. Ceux-ci donnèrent naissance à la secte des Caraïtes ; & c’est ce qu’il entreprend de prouver par le témoignage des Caraïtes, qui se vantent de venir des Prophètes Aggée, Zacharie, Malachie, Esdras. Un de leurs principaux Auteurs, Moïse Reschitzi, assure qu’après bien des recherches il a trouvé que du temps de Jean Hircan & d’Alexandre son fils, R. Jehuda, fils de Thaddaï, s’opposa à R. Siméon fils de Sérach, qui s’efforçoit d’introduire une loi nouvelle ; & que de-là viennent les Caraïtes. Les plus renommés de leurs adversaires Maïemonides, Abraham fils de Dior, l’Auteur de Sépher Cozri, & celui du Taanith Abraham Zachut, conviennent qu’en ce temps s’éleva la secte des Sadducéens & des Caraïtes. La Mischne fait mention des Caraïtes en parlant de Thephillim. M. Trigland dit que R. Eliézer le grand étoit Caraïte. Une preuve encore de l’ancienneté des Caraïtes est, selon lui, que les mêmes points de doctrine ou de discipline, qui sont controversés entr’eux & les Juifs Rabbanistes, l’ont été avant le Talmud. Par exemple, les Néoménies, la célébration de Pâques, celle de la Pentecôte, le jour de la fête de l’Expiation, & d’autres que l’on peut voir au ch. IVe du Traité dont nous parlons. Dans le Ve il montre qu’ils ne sont point Sadducéens ; qu’ils leur disent anathême & à Sadoc leur Chef ; que l’Auteur du Cozri, Maïemonides & d’autres, le distinguent des Sadducéens ; que Sadoc, disciple d’Antigone, vivoit environ l’an du monde 3460 & qu’Alexandre Jannée, sous lequel se forma la secte des Caraïtes, ne commença à régner qu’en 3670 que Jean Hircan fut Caraïte, & non pas Sadducéen, & qu’il y a une erreur dans Josephe ; que les Juifs Rabbanistes pour rendre les Caraïtes odieux, se plaisent à les confondre avec les Sadducéens. Enfin, il croit que les Scribes & Docteurs de la loi du Nouveau-Testament, sont les Caraïtes, & que ces noms sont synonymes de Caraïte, ou Scripturaire.

Ainsi, selon M. Trigland, après le retour de Babylone, on rétablit l’observation de la loi. On crut différentes pratiques utiles à cet effet : elles furent introduites, & regardées comme nécessaires & ordonnées par Moïse. Ce fut là l’origine du Pharisaïsme. Un parti opposé continua néanmoins à n’écouter que ce qui étoit prescrit par la loi selon la lettre ; c’étoient les Caraïtes. La dissenssion éclata sur Jean Hircan, à l’occasion que raconte Josephe, Liv. XIII de ses Ant. Jud. ch. 21, R. Anan, qui vivoit vers le milieu du VIIe siècle, n’est donc point l’Auteur, mais tout au plus le restaurateur de la secte des Caraïtes.

Il y a des Caraïtes, dit Léon de Modène, à Constantinople, au Caire, & en d’autres endroits du Levant ; il y en a aussi en Russie. Ils vivent à leur manière, ayant leurs Synagogues, leurs cérémonies & coutumes, se disant Juifs, & prétendant être les seuls vrais observateurs de la loi de Moïse : ils nomment les Juifs qui ne sont point de leur opinion Rabbanim, ou Sectateurs des Rabbins. Nous les nommons en françois Rabbanistes. Ceux-ci haïssent mortellement les Caraïm, & ne veulent point s’allier, ni même converser avec eux. Ils les traitent de mamzerim, ou bâtards parce qu’ils n’observent point les constitutions des Rabbins dans les mariages, dans leurs répudiations & dans leurs purifications des femmes. Cette aversion est si grande, que si un Caraïte vouloit se faire Rabbaniste, les autres Juifs ne le recevroient point.

Il n’est pas vrai que les Caraïtes rejettent absolument toutes sortes de traditions. Ils reçoivent celles qui leur paroissent bien fondées. Selden, qui s’étend assez au long sur leurs sentimens dans son livre intitulé Uxor Hebraica, demeure d’accord qu’outre le texte de l’Ecriture, ils reçoivent de certaines interprétations qu’ils appellent héréditaires : or ces interprétations héréditaires sont de véritables traditions. Ils ne rejettent donc que celles qui n’ont aucun fondement, & qui sont de pures rêveries des Rabbins. C’est ce que M. Simon prouve par un célèbre Auteur Caraïte, nommé Aaron, dont le commentaire se trouve en manuscrit dans la Bibliothèque des Pères de l’Oratoire de Paris.

Il montre par ce même Auteur, que toutes les erreurs dont les Juifs Rabbanistes accusent les Caraïtes sont des calomnies : loin d’être Sadducéens, ils croient l’ame immortelle & spirituelle ; ils disent que le monde futur a été fait pour l’ame de l’homme. En un mot, leur Théologie ne diffère point de celle des autres Juifs, si ce n’est qu’elle est plus pure & plus éloignée de la superstition : car ils n’ajoutent aucune foi aux explications des Cabalistes, ni aux allégories qui n’ont aucun fondement. Ils rejettent toutes les constitutions du Talmud, si elles ne sont conformes à l’Ecriture, ou si on ne les en peut tirer par des conséquences manifestes & nécessaires. En voici trois exemples qui méritent qu’on y fasse réflexion.

Le premier regarde les Mezouzot, ou parchemins que les Juifs attachent à toutes les portes où ils ont accoutumé de passer. Le second regarde les Thephillim, ou Philactères, dont il est même parlé dans le Nouveau-Testament. Le troisième regarde la défense de ne point manger de lait avec de la viande. Les deux premiers semblent être marqués formellement dans le Deutéronome, où il est dit de l’un & de l’autre : Tu les lieras pour signe sur tes mains, & ils serviront de fronteaux entre tes yeux ; tu les écriras sur les poteaux de ta maison. Aaron Caraïte, dans son commentaire sur ces paroles, prétend qu’on ne doit point les prendre à la lettre, mais que c’est une façon de parler figurée ; & que, quand Dieu a dit : Vous les écrirez sur vos portes, il a seulement voulu faire connoître aux Israëlites, que soit en entrant, soit en sortant, ils devoient les avoir toujours présentes à l’esprit.

Les Caraïtes, par ce moyen, s’exemptent d’un grand nombre de cérémonies, pour ne pas dire de superstitions, que les Juifs Rabbanistes ont inventées touchant ces Mezouzot & ces Thephillim : quand ils voient les Rabbanistes faire leurs prières avec ces Thephillim attachées à leur tête avec des courroies de cuir, ils ne peuvent s’empêcher de les railler & de les comparer à des ânes bridés. S. Jérôme est du même sentiment que les Caraïtes sur ces Thephillim, ou Phylactères. Voici ce qu’il en dit sur ces mots : Dilatant enim Phylacteria sua, ch. 23 de S. Matthieu, v. 5. Les Pharisiens, expliquant mal ce passage, écrivoient le Décalogue de Moïse sur du parchemin qu’ils rouloient & attachoient sur leur front avec des courroies dont ils se ceignoient la tête, afin de l’avoir toujours devant les yeux. Si Joseph Scaliger avoir su que les Caraïtes conviennent là-dessus avec S. Jérôme, il n’auroit pas rejeté l’interprétation de ce S. Docteur, comme si Jésus-Christ avoit lui-même approuvé l’usage des Phylactères. Il est vrai que Jésus-Christ s’est conformé aux usages reçus de son temps, mais il ne les a pas pour cela approuvés d’une manière qu’en ne pût donner un autre sens aux paroles de Moïse dans ce qui regarde les Mezouzot & les Thephillim.

Au reste, Scupart, dans la IVe Dissertation de son livre De secta Karrœorum, dans laquelle il traite de leurs dogmes, montre qu’ils ont tous les mêmes scrupules, superstitions ou vetilles sur l’observation du Sabbat, de Pâque, de la fête de l’Expiation ; qu’ils croient que tout péché est effacé par la pénitence, au lieu que les Rabbanistes disent qu’il y en a qui ne s’effacent que par la mort. La prière & le jeûne sont en usage parmi eux. Ils célèbrent avec soin la fête des Tabernacles. Ils portent les zitzit, ou morceaux de franges, au coin de leur habit. Dans la Circoncision, ils ne croient pas comme les Traditionnaires, qu’il soit nécessaire qu’il y ait du sang répandu. Quand un enfant est mort avant le 8e jour, les Rabbanistes le circoncisent après sa mort avant le 8e jour, afin qu’il ne soit point incirconcis à la résurrection. Quand les Caraïtes voient un enfant en danger, ils le circoncisent même avant le huitième jour. L’acte de divorce ne diffère qu’en ce que celui des Caraïtes est un peu plus long, & composé de paroles de l’Ecritute. Ils observent dans la manière de tuer & de préparer les animaux à manger, les mêmes choses que les Traditionnaires. Les Caraïtes ne se croient pollués que par le corps mort de quelque oiseau immonde. Ils different aussi souvent des Rabbanistes dans les autres espèces d’impuretés légales. Ils ajoutent aux marques de la lèpre, sa profondeur. L’attouchement d’un corps mort, soit Juif, ou d’une autre nation, les rend immondes. Ils n’approuvent les purifications que sur le soir, &c. Schupart cite souvent un Traité manuscrit d’un Caraïte nommé R. Aaron Ben Eliahu, où tous leurs dogmes sont très-bien expliqués. Aaron Caraïte, dans son Kelib Jophi, fait mention de la Massore, & de la plupart des minuties qu’elle contient, des corrections des Scribes, des lettres grandes, petites, suspendues, des variantes de Ben Ascher & de Ben Nephtali, de celles des Orientaux & des Occidentaux, des Keri Ketib, & de tout ce qu’on attribue ordinairement aux Juifs Massorètes. Ainsi les Caraïtes écrivent tout le Texte hébreu tel que les Rabbanistes.

Les Caraïtes expliquent aussi d’une autre manière que les Juifs Rabbanistes ce passage de l’Exode : Tu ne cuiras point le chevreau dans le lait de sa mere. Ils ne croient pas qu’il soit défendu en ce lieu là de manger en un même repas de la viande & aucune chose faite de lait. Ils disent que ce passage doit s’expliquer par cet autre : Tu ne prendras point la mere avec ses petits. Cette interprétation est naturelle ; & en effet, lorsqu’on demande aux Juifs la raison de leur explication, qui paroît si éloignée ; lis répondent, qu’ils n’ont point d’autre raison à donner que l’explication de leurs Docteurs. Les Caraïtes, au contraire, ne reçoivent aucune interprétation qui ne s’accorde parfaitement avec les paroles du texte de l’Ecriture & avec la raison. En un mot, ils rejettent tout ce que l’Ecriture, la raison & une tradition constante ne leur enseignent pas. Sur ce pié-la, ils ont un grand mépris pour les traditions des Juifs Rabbanistes, qu’ils regardent comme des rêveries qui n’ont d’autre fondement que l’imagination des Rabbins.

Peringer, dans une Lettre rendant compte à Ludolf des Caraïtes de Lithuanie, lui dit, qu’il y en a à Birze, à Pozcole, à Newstad, à Korom, à Troco, & en d’autres lieux ; qu’ils sont très-différens de mœurs, de langue, de religion, & même de visage des Juifs Rabbanistes, dont ce pays est plein ; que leur langue maternelle est le tartare ou plutôt le turc ; que c’est en cette langue qu’ils expliquent les Livres saints dans leurs Ecoles & dans leurs Synagogues ; qu’ils sont fort semblables de visage aux Tartares Mahométans qui habitent à Vilna & aux environs, & qu’il croit qu’ils sont sortis des mêmes lieux ; que leurs Synagogues sont tournées du septentrion au midi ; que la raison qu’ils en apportent, est que Salmanazar les transporta du côté du nord ; & qu’ainsi quand ils prioient, pour être tournés du côté de Jérusalem, ils regardoient le midi. Peringer le dit aussi dans sa lettre à Ludolf : & il ajoute, qu’il n’est pas vrai qu’ils ne reçoivent que le Pentateuque, comme quelques Savans l’ont cru, qu’ils ont tous les Livres de l’Ancien-Testament, & les tiennent pour canoniques. Postel assure la même chose dans son Livre de Lit. Phœnic. Peringer ajoute qu’ils sont fort peu curieux des anciens exemplaires ; qu’ils achètent des Rabbanistes des exemplaires déchirés & en mauvais ordre pour s’en servir dans leurs synagogues ; qu’ils se mettent peu en peine des dictions pleines ou défectives, & qu’ils croient que les points voyelles viennent de Moïse.

R. Caleb, Caraïte, réduit à trois les points en quoi les Caraïtes diffèrent des Rabbanistes. 1°. Ils nient que la Loi orale vienne de Moïse, & rejettent la cabale. 2°. Ils abhorrent le Talmud. 3°. Ils observent les Fêtes comme le Sabbat ; & le Sabbat beaucoup plus rigoureusement en plusieurs choses que les Rabbanistes. 4° Outre cela ; ils étendent presque à l’infini les degrés défendus pour les mariages. Quant à leurs exemplaires de la Bible, ils sont conformes à ceux des Rabbanistes. Ils suivent les Variantes de R. Nepthali plutôt que celles de R. Ascher ; & rejettent les Keri Ketib. Voyez le Supplement touchant les Caraïtes, qui a été ajouté au c. 1 de la 5e Partie des Cérémonies des juifs. Consultez aussi Selden dans son Livre De Uxore Hebraica, & le P. Morin dans ses Exercitations de la Bible. M. Simon, dans son Suppl. aux Cérémonies des Juifs. M. Basnage dans son Histoire des Juifs. Jovet, Hist. des Relig. & les Auteurs que nous avons indiqués ; le Secta Karræorum de Schupart en quatre dissertations ; & le Notitia Karræorum de Volsius à Hambourg & à Leipsik, 1714. Selden de Anno Civ. & Calend. Joan Méyer, De Fest. Hebr. De Uxore Christ. Annot. ad Seder. olam.

CARAMAN, ANE. s. m. & f. Caramanus, a. Qui est de Caramanie. Les Caramans sont grossiers, rudes, fort addonnés au vol & aux assassinats. Les Caramans sont robustes, & ont pour armes le cimeterre, l’arc & la masse. Corn.

CARAMANGUE. s. f. Drogue qui vient de la Chine, qui est propre pour la Médecine. Les Tunquinois en font grand cas.

☞ CARAMANICO. Ville d’Italie, au Royaume de Naples, dans l’Abruzze citérieure.

CARAMANIE. s. f. Grande contrée, & l’une des quatre parties générales de l’Asie mineure. Caramania. Selon Cluvier, elle comprend la Pamphilie avec une partie de la Cilicie. Selon d’autres, elle est bornée au midi par la mer Méditerranée, au levant par l’Aladulie, au nord par l’Amasie, & au couchant, par l’Anatolie propre. On la divise en deux grandes parties, qui sont séparées par le mont Taurus. Celle qui est au septentrion porte le nom de grande Caramanie, & celle qui est au midi celui de petite Caramanie ou Caramanie propre.

Leunclavius croit que le nom de cette Province lui est venu d’un Général Turc, nommé Caraman, qui en chassa les Arméniens.

La mer de Caramanie est la partie de la mer Méditerranée, qui baigne les côtes de l’Asie mineure, & renferme ce que les Anciens appeloient la mer Carpathienne, la mer de Lycie, la mer de Pamphilie, & celle de Cilicie.

☞ CARAMANTA, contrée de l’Amérique méridionale dans l’audience de Santar, aux deux côtés de la rivière de Canca.

☞ CARAMANTA, chef-lieu de cette contrée, sur la rive occidentale de la Canca.

CARAMBOLAS. C’est un fruit des Indes, gros comme un œuf de poule un peu long, jaunâtre, rayé, & divisé en quatre parties : il contient des semences tendres, d’un goût aigre & agréable. L’arbre est grand comme un coignassier, ayant ses feuilles un peu plus longues que le pommier ; ses fleurs sont petites, de cinq feuilles, de couleur blanche, rougeâtre, sans odeur, d’un goût aigrelet. Les habitans de Goa se servent de ce fruit en Médecine & en alimens.

CARAMEIS, & Ambela Acostæ. C’est un arbre des Indes dont il y a deux espèces. L’un est grand comme le néflier, & ses feuilles sont semblables à celles du poirier, d’un vert clair : son fruit est en grappes. Il ressemble aux avelines, se terminant en plusieurs angles, de couleur fort jaune, d’un goût aigret & astringent ; on le mange mûr, & on le confit au sel, & au vinaigre. Il donne de l’appétit, & on le met dans les sauces. L’autre espèce est de la même grandeur ; mais son fruit est plus gros. Ses feuilles sont plus petites que celles du pommier. Sa racine jette du lait. Son fruit est bon à manger. Ces arbres croissent dans les forêts éloignées de la mer, en Canara & en Decan. On se sert de la décoction pour la fièvre, & quatre doigts d’écorce de la racine de la première espèce, broyée avec une dragme de moutarde, pour purger les asthmatiques par haut & par bas.

CARAMEL. s. m. Drogue que les Apothicaires préparent pour le rhume, qui consiste particulièrement en du sucre fort cuit. Coctum saccharum.

On appelle du sucre au caramel, celui qui est cuit au sixième & dernier degré. On l’appelle ainsi de la pâte de caramel où il entre, ou bien cette pâte ou tablette emprunte son nom de cette sorte de sucre. Le sucre au caramel se nomme encore brûlé, parce qu’il est à son dernier période de cuisson. On le reconnoît tel, lorsqu’en le mettant sous la dent, il ne s’y attache point comme une gomme, mais se casse net. Lorsqu’on fait du sucre au caramel, il faut être bien exact à le prendre juste au degré de cuisson nécessaire, parce que, pour le peu qu’on tarde, il brûle tout-à-fait, devient acre, & ne peut plus servir à rien.

CARAMOUSSAL. s. m. C’est un vaisseau de Turquie, qui a une poupe fort élevée. Il porte seulement un beaupré, un petit artimon, & un grand mât avec son hunier, qui est extrêmement haut : il n’a ni misaine, ni perroquet, sinon un petit tourmentin. On trouve aussi Caramoussat pour Caramoussal.

CARANDAS Garciæ, est un arbrisseau des Indes, dont les feuilles ressemblent à l’arbousier. Il porte un grand nombre de fleurs d’odeur de chèvrefeuille ; son fruit ressemble à une petite pomme verte au commencement : il est plein d’un suc visqueux & laiteux. En mûrissant, il devient noirâtre, & d’un goût de raisin fort agréable : on le confit avec le sel & le vinaigre. Il excite l’appétit. Cet arbre croît au Royaume de Bengale.

CARANGUE. s. f. Poisson blanc & plat. Il est long de 2 ou 3 pieds, & large de 18 à 20 pouces. Sa queue est fourchue, & il a deux nageoires pointues, assez proche de la tête. On trouve une prodigieuse quantité de carangues vers les Antilles. Elles valent mieux que le turbot.

CARANGUER. v. n. Terme de rivière dont les Matelots du pays d’Aunis se servent, pour dire, Agir.

☞ CARANGUES, peuple de l’Amérique méridionale au Pérou.

CARANGUEUR. s. m. Terme de rivière ; il veut dire Agissant. Les Matelots du pays d’Aunis s’en servent. Ce mot n’est point d’usage ailleurs.

☞ CARAUNA. Arbre qui rend la résine ou gomme, qui porte son nom. Voyez Carague.

CARAPACE. s. f. C’est le nom que l’on donne à l’écaille qui couvre le dos de la tortue, principalement du carret, qui est la seule espèce de tortue dont l’écaille soit utile. La Carapace est en ovale & convexe, en forme de bouclier. Elle est composée de treize feuilles d’écaille que l’on appelle communément écaille de tortue, & dont on fait plusieurs ouvrages. La convexité de la carapace du carret lui donne la facilité qu’il a à se retourner quand on l’a mis sur le dos : ce que ne peuvent faire les autres espèces de tortues, parce qu’elles ont la carapace trop plate. Le P. Labat.

CARAPAT. Voyez Palma christi. ☞ Nom qu’on a donné aux vaisseaux que les Portugais envoyoient au Brésil & aux Indes orientales.

CARAQUE. s. f. ☞ Nom que les Portugais donnent aux vaisseaux qu’ils envoient au Brésil & aux Indes orientales. Navis amplissima quam caracam vocant. Les Portugais les appellent naos, navire par excellence. Ce sont de grands vaisseaux ronds de combat, plus étroits par en haut que par en bas, qui avoient quelquefois sept ou huit planchers, & sur lesquels on pouvoit loger quelquefois deux mille hommes. Les Portugais avoient une ordonnance ou coutume, que les naos ou caraques qui venoient des Indes Orientales ne pouvoient mener de chaloupe, ni autre barque de service, en deçà de l’Ile de Sainte-Hélène, auquel lieu ils les couloient à fond, afin d’ôter toute espérance à l’équipage de se sauver. Ils s’en servoient autrefois, tant en guerre qu’en marchandise. La caraque étoit du port de deux mille tonneaux, c’est-à-dire, de quatre millions de livres. Les Chevaliers de Rhodes s’en sont aussi servis.

Les caraques sont aussi de grands vaisseaux de charge.

Caraque. adj. f. Les Hollandais appellent porcelaine caraque leur plus fine porcelaine ; parce que les premières porcelaines orientales qui sont venues en Europe, y furent apportées par les caraques portugaises.

Caraque. Nom d’une côte de l’Amérique méridionale, d’où il vient un Cacao que l’on prétend plus onctueux & moins amer que celui des Îles.

Caraque. s. m. Cacao qui vient de la côte de Caraque. Caracanum Cacao. Nos Epiciers distinguent le gros & le petit_ Caraque, comme le gros & le petit Cacao des Îles, mais ces distinctions sont absolument inconnues sur les lieux, & ne doivent point établir différentes espèces de Cacao, n’étant fondées que sur le triage que font les Marchands, en séparant les plus grosses amandes d’avec les plus petites.

CARAQUET. Passage de Caraquet sur la côte occidentale de l’Acadie.

CARAQUON. s. m. Petite caraque ou vaisseau renfoncé. Quelques-uns écrivent caracon.

CARARA. s. m. Poids dont on se sert en quelques endroits d’Italie particulièrement à Livourne, pour la vente des laines & des morues. Il revient à 136 livres de Marseille.

Carara, petite ville d’Italie en Toscane, dans la Lunegiane, avec titre de Principauté.

CARA-SCHULLI. s. m. Arbrisseau des Indes semblable au Câprier. On s’en sert en Médecine pour dissoudre les tumeurs, en bassinant la partie après l’avoir pulvérisé au feu & mêlé avec la liqueur qu’on appelle surie faite avec la noix de cacao, il est bon pour murir & faire percer les abcès. La décoction de sa racine est bonne dans la suppression d’urine. Pris avec un peu de riz, il est très-bon pour les tumeurs du ventre. La décoction de ses feuilles prise intérieurement avec une petite quantité de riz, est bonne pour les tumeurs œdémateuses de l’habitude du corps. Dict. de James.

CARAT. s. m. C’est proprement le nom du poids qui exprime la bonté ou le titre de la perfection ou imperfection de l’or. Nativa auri coctio. Il ne se dit point des autres métaux. Les Monnoyeurs ont fixé à 24 carats le plus haut titre, ou la plus grande perfection de l’or. Cependant quelque soin qu’on prenne pour l’épurer & pour en oter l’alliage, ils ne peuvent jamais l’y faire arriver ; il manque toujours une quart de carat. Ces degrés servent à marquer l’alliage. Les Monnoyeurs appellent un quart de carat un seizième ; ils subdivisent ce seizième en deux huitièmes, & chacun de ces deux huitièmes en deux seizièmes. Sur ce calcul-là, ils disent qu’on peut purifier l’or jusqu’au premier seizième du second huitième, mais point au-delà : on ne peut l’affiner à un plus haut degré de pureté. Le plus fin or est d’ordinaire celui des monnoies. L’or à 22 carats est celui où il y a deux parts d’argent ou d’autre métal sur 22 parts de fin or. Les Orfévres emploient d’ordinaire l’or à 22 carats.

Les Orfévres par l’Ordonnance ne peuvent travailler d’or fin qu’à 23 carats & trois quarts, sans remède & sans soudure ; & en cas de soudure, à un quart de carat de remède, & en ouvrage creux chargé de filets & de rapports, à demi carat de remède : mais si on leur délivre l’or, ils pourront travailler à tous titres, pourvû qu’ils en tiennent registre.

Le carat de fin, est un vingt-quatrième dégré de bonté de quelque portion d’or que ce soit ; & un carat de prix, est une vingt-quatrième partie de la valeur d’un marc fin : comme, si le marc d’or vaut 384 livres, le carat de prix vaudra 16 livres. On a aussi appelé le carat de poids, un poids de la vingt-quatrième partie du marc, qui est de 192 grains. Il a servi autrefois dans la fabrication des monnoies. Le mot de carat, selon Ménage, après Alciat, vient du Grec κεράτιον, qui étoit une espèce de petit poids. Mais Savot le dérive avec plus d’apparence de καράτιον, qui signifioit un denier de tribut, ou une espèce de monnoie qu’on battoit à cette fin, disant qu’il est vraisemblable que comme la division du fin de l’argent a été faite par une espèce de monnoie qu’on appeloit denier ; aussi le titre de l’or a été marqué par une monnoie d’or qu’on appeloit en ce temps-là carat. Meursius & Bulenger le prennent aussi pour une espèce de monnoie. D’autres les dérivent simplement du Latin caracter.

Carat, est aussi le poids dont on use pour peser les diamans, qui est de quatre grains. Le diamant du Grand Mogol pèse 279 carats. Ces grains sont un peu moins pesant que ceux du marc. Ce mot en ce sens est venu du Grec κεράτιον, qui signifie un fruit que les Latins nomment siliqua, & les François carouge ou caroube. Il est contenu en des gousses courbes, de la longueur d’un doigt. Chaque grain de ce légume peut peser quatre gains, soit de blé ou d’orge ; d’il il est arrivé que le nom de siliqua a toujours été pris pour un poids de quatre grains, comme prouvent Poulain en son Glossaire, & Depois Médecin, en son Traité des Medailles. Galien appelle l’arbre qui porte ce fruit Keratonia. Saladin, dans son Livre De Ponderibus, au rapport de Du Cange, dit que ce poids a été appelé chira ou chirast.

Carat se dit aussi des petits diamans qui se vendent au poids. Sa girandole paroît beaucoup de loin, cependant elle n’est que de carat.

Carat se dit aussi au figuré en parlant des choses morales, comme amitié, estime, &c. il ne se dit que dans le style familier, & signifie degré, augmentation. J’espere que pour mon droit d’avis vous augmenterez de quelques carats la précieuse amitié dont vous m’honorez. Costar.

On dit proverbialement, qu’un homme est sot à 24 carats ; pour dire, qu’il est parvenu au plus haut point de sotise.

☞ CARATURE. s. f. C’est ainsi qu’on appelle le mélange des parties d’or avec des parties ou d’argent seul, ou d’argent & de cuivre, selon une certaine proportion. Ce mélange est destiné à faire les aiguilles d’essai pour l’or. Encyc.

☞ S’il n’entre dans le mélange destiné à faire les aiguilles d’essai, que de l’or & de l’argent, il s’appelera carature blanche. S’il y entre de l’or, de l’argent & du cuivre, caracture mixte.

☞ Le mélange destiné à faire les aiguilles d’essai pour l’argent, s’appelle ligature.

CARAVACCA. Village ou petite ville d’Espagne, dans le Royaume de Murcie, sur les confins de la nouvelle Castille près du Rio Sigura. On l’appelle aussi en Espagnol Crux de Caravacca, c’est-à-dire, Croix de Caravacca, parce qu’on y conserve une Croix miraculeuse que l’on dit avoir été apportée par un Ange, à un Prêtre qui devoit dire la Messe en présence d’un Roi Maure.

On appelle aussi Croix de Caravacca, de petites croix que l’on fait toucher à celle dont nous venons de parler, & que l’on porte sur soi, ou que l’on pend à son chapelet par dévotion, comme les médailles.

☞ CARAVALLE. Voyez CARAVELLE.

CARAVANE. s. f. Troupe, assemblée que font dans l’Orient les Marchands, Pélerins ou Voyageurs, pour marcher de compagnie, & traverser les déserts & les mers avec guide & escorte, plus sûrement & plus commodément. Mercatorum aliorumve peregrè euntium securitatis causâ congregata manus, ou seulement mercatorum aut peregrinantium manus. Il va tous les ans plus de 50 mille Pélerins à la Mecque, pour visiter le tombeau de Mahomet ; le Grand Seigneur donne la quatrième partie des revenus de l’Egypte pour les frais de la Caravane. Cette prodigieuse troupe de dévots est accompagnée de soldats, pour les mettre à couvert du pillage des Arabes, & suivie de 8 ou 9 mille chameaux chargés de toutes les provisions nécessaires pour faire un si long trajet à travers les déserts. Un chameau porte l’étendard d’or, que l’on offre en cérémonie à Mahomet. La Croix. On distingue les journées, en journées de Caravanes de chevaux, & de Caravanes de chameaux. Il part plusieurs Caravanes d’Alep, du Caire, & d’autres lieux, tous les ans pour aller en Perse, à la Mecque, au Thibet, &c. ☞ On appelle aussi Caravane, plusieurs vaisseaux marchands qui vont de conserve. Caravane d’Alep, d’Alexandrie, &c.

Ce mot vient de Cairaran ou Cairoan, qui signifie la même chose en arabe ; & en ce sens le mot arabe tire son origine du persien Kerran. D’Herb. Les Turcs le prononcent aussi comme les Perses.

On appelle aussi Caravane, les campagnes de mer que les Chevaliers de Malte sont obligés de faire contre les Pirates & les ennemis de la Religion, afin de parenir aux Commanderies & aux dignités de l’Ordre. Navalis Melitensium equitum expeditio.

Les Chevaliers de Malte sont obligés de faire en personne quatre caravanes sur les Galeres de la Religion, pour pouvoir obtenir des Commanderies. Un ancien statut des Commanderies portoit art. VII, qu’ils les feroient par eux ou par autrui ; mais depuis il a été ordonné qu’on ôteroit de cet article les mots par autrui, & que chacun les feroit en personne ; que les caravanes se repartiront dans toutes les Langues, par ordre d’ancienneté ; ensorte que l’on ne puisse se remettre l’un sur l’autre, & que celui dont le rang viendra, la fasse lui-même, à peine de nullité, si quelqu’autre la fait pour lui, & qu’elle ne serve ni à l’un ni à l’autre ; mais le Grand Maître peut en dispenser en cas de maladie ; que le Frere Chevalier ou Servant qui n’aura pas fait ses quatre caravanes avant d’avoir atteint l’âge de 50 ans, demeurera incapable de plus obtenir aucune Commanderie, bénéfice ou Office de la Religion, quand il les feroit après cet âge.

Aller en caravane, c’est croiser sur les Turcs. Ce mot caravane a ce sens en parlant des courses des Chevaliers de Malte sur les Turcs, & sur les Corsaires de Barbarie, parce que les Chevaliers ont souvent enlevé la caravane qui va tous les ans d’Alexandrie à Constantinople.

Caravane se prend quelquefois abusivement pour toutes sortes de voyages.

Caravane se prend aussi dans Scarron pour une troupe de gens qui courent la campagne.

Caravane se dit aussi en parlant des voleurs novices. C’est la première caravane. Après l’avoir bien instruite dans l’art de la volerie, ils l’envoyerent faire ses caravanes : par allusion aux caravanes des Chevaliers de Malte.

CARAVANIER. s. m. Voiturier qui conduit les chameaux & autres bêtes de somme dont on se sert dans les caravanes du Levant.

CARAVANISTES. s. m. Qui est d’une caravane. Voyez au mot Sobreveste.

CARAVANSERA. s. m. Terme de relation. C’est un grand bâtiment destiné à loger les Caravanes. Hospitium excipiendis peregrinis destinatum. Il y en a un grand nombre en plusieurs endroits d’Orient, qui ont été bâtis par la charité & la magnificence des Seigneurs du pays, qui est si grande, qu’il s’en trouve quelques-uns, comme ceux de Schiras, & de Casbin en Perse, qui ont couté plus de 60000 écus. Les Turcs les appellent imarets, & les Indiens serais. Le mot de serai signifie palais ou hôtel. Ces logemens sont faits en formes de halles avec des galeries divisées en plusieurs arcades ; où tant les hommes que les bêtes e voiture, passent commodément les grandes chaleurs, & se reposent. Ils sont ouverts à tous venans, de quelque Religion qu’on soit, sans que l’on s’informe ni de leur pays, ni de leurs affaires ; & chacun y est reçu, sans qu’il lui en coûte aucune chose. Au reste, le Chevalier Chardin les appelle Caravanserai, ce qui en effet semble plus conforme à l’étymologie alléguée ici. Tavernier les appelle Caravanseras. Il remarque qu’on ne trouve des Caravanseras fondés que depuis Bude jusqu’à Constantinople ; mais qu’en Asie, il faut acheter des vivres si on n’en a pas avec soi. En Turquie il n’est permis qu’à la mere & aux sœurs du Grand Seigneur, ou aux Visirs & Bachas qui se sont trouvés trois fois en bataille contre les Chrétiens, de fonder des caravanseras. Les Caravanseras de Perse sont plus commodes & mieux bâtis que ceux de Turquie ; ils sont aussi bâtis dans une distance raisonnable les uns des autres, de sorte qu’on en trouve presque par tout où il est nécessaire. Tavernier.

Meninski écrit Karwan ou Kerwanserai, & quelques-uns en François Carven-seras. Mais l’usage est pour caravanseras dans notre langue.

Ce mot vient du mot turc קארואן, karwan, ou kerwan, qui signifie caravane, & שראי, sarai, c’est-à-dire, maison, palace, hôtel. Caravanseras, maison, hospice de caravane ; auberge, hôtellerie, maison publique pour loger les caravanes, & pour y décharger les marchandises. Meninski.

CARAVANSERAKIER. s. m. L’Intendant ou Gardien d’un caravansera.

CARAUDER. v. n. Vieux mot. Se réjouir. On a dit aussi caraude, pour dire, joie.

CARAVELLE ou CARAVALLE. s. f. Vaisseau rond équipé en forme de galère, ayant pouppe carrée. Osorius, dans l’Histoire de Portugal, le décrit ainsi. C’est un vaisseau qui n’a point de hune, mais le bois traversant le mât est seulement attaché près de son sommet. Les voiles sont faites en triangle ou à oreille de lièvre, ce qu’on appelle voiles latines ; & leur bout d’en bas n’est guère plus élevé que les autres fournitures du vaisseau. Au plus bas, il y a des grosses pièces de bois comme un mât, lesquelles sont vis-à-vis l’une de l’autre aux côtés de la caravelle, & s’amenuisent peu-à-peu en haut. La caravelle porte jusqu’à quatre voiles latines, outre les boursets & les bonnetes en étai : & ce sont les meilleurs voiliers qui soient sur la mer : ils sont ordinairement du port de dix à sept vingts tonneaux. Les Portugais se servent de ces vaisseaux en guerre, pour aller & venir en plus grande diligence : car ils les font tourner facilement, levent & serrent les voiles, & reçoivent le vent comme il leur plaît. Le premier qui s’en servit pour les Indes & l’Ethiopie sur Vasco de Gama.

Ce mot vient des termes de la basse latinité, & du Grec καράϐιον, navigium, vaisseau, espèce de vaisseau.

CARBASES. s. f. pl. Vieux mot. Voiles, du latin carbasus, lin.

CARBATINE. s. f. Peaux de bêtes nouvellement écorchées. Pelles recens avulsæ. Ils eurent les jambes écorchées, parce qu’ils portoient des carbatines faute de souliers.

CARBEQUI ou aspre de cuivre. s. m. Monnoie qui a cours dans la Géorgie, particulièrement à Teslis qui en est la capitale. 40 carbequis font l’abagi, & 10 carbequis le chaouti.

CARBET. s. m. Grande case commune que font les sauvages des Antilles au milieu de toutes leurs cases. Casa amplior. Le carbet est composé de fourches fichées en terre, & de chevrons posés en talut, & couverts de feuilles de latanier. Il est d’ordinaire de 60 & 80 pieds de longueur.

☞ CARBON. Petite ville d’Afrique, sur la côte du Royaume d’Alger, entre la ville de ce nom & celle de Bugie.

CARBONADE. s. f. ☞ ou plutôt CARBONNADE. Viande grillée sur les charbons, & servie soit avec une sauce, soit sans sauce. Pigeon à la carbonnade. Tranche de bœuf à la carbonnade. Caro in prunâ tosta.

CARBONCLE. s. m. Terme de Lithologie. Carbunculus. C’est la même chose que le Rubis. Lémery dit que le Morion est une espèce d’Onyx mêlé de la couleur du carboncle. Voyez Rubis.

Carboncle. s. m. Terme de Médecine. C’est une espèce de gros phlegmon ou bubon qui est fort enflammé, & d’ordinaire pestilentiel. Le peuple l’appelle charbon, & les Médecins carbunculus & anthrax.

☞ CARBONNILA. s. f. Terme usité au Potosi, pour désigner un mélange de deux parties de charbon & d’une partie de terre grasse, dont on fait les vaisseaux, nommés Catins, qui servent dans les essais des mines.

CARBOUILLON. s. m. Terme de Finance, est un droit de Salines en Normandie, qui est le quatrième du prix du sel blanc fabriqué dans les salines. Quarta pars ex salinarum pretio. Il en est fait mention dans l’Ordonnance des Gabelles.

L’Auteur du Dictionnaire de Commerce prétend qu’il faut dire Quart-bouillon : il est fondé en raison, si on s’en rapporte à l’étymologie.

☞ CARBRE ou CARBURY. Ville d’Irlande, dans la province de Leinster, ou comté de Kildare. Carbrena.

CARCAILLER. v. n. Terme de Fauconnerie, qui exprime le cri des cailles. On dit des cailles, carcailler. Fau.

CARCAJOU ou CARCAJOUX. s. m. Prononcez Carcajou. C’est un animal carnassier de l’Amérique septentrionale, qui pèse ordinairement 25, 30 & 35 livres. L’un de ceux que M. Sarasin, Chirurgien à Québec, a disséques, pesoit 32 livres. Il avoit 2 pieds, depuis le bout du museau, jusqu’à la queue qui avoit 8 pouces de long. La tête, qui est fort courte & fort grosse, eu égard à la grandeur de tout l’animal, avoit 6 pouces depuis le bout du museau, jusqu’à la première vertèbre du cou, ou 5 pouces de diamètre à l’endroit des oreilles, qui sont droites, courtes, & arrondies par le bout. Sa poitrine & son ventre, qui sont d’un égal volume, avoient un pied deux pouces de diamètre. Il avoit les jambes fort courtes, elles n’avoient qu’environ 9 pouces de long, y compris les pates, qui en avoient quatre, & qui sont composées de cinq doigts, qui avoient plus d’un pouce de long, qui sont armés d’ongles crochus, très-forts & très-pointus, & qui avoient environ trois lignes de large dans leur base.

La couleur du Carcajou est plus ou moins noire selon les endroits qu’il habite. Ordinairement elle est noire depuis le bout du museau jusqu’environ un travers de doigt au dessus des yeux. Le poil en est fort court. De-là jusqu’au derrière de la tête elle est d’un roux tirant sur le gris ; depuis là elle est noire sur le dos jusqu’à un travers de doigt de la queue ; ensuite elle est rousse jusqu’à 3 pouces avant dans la queue, dont le reste est noir, & toufu comme celle d’un renard. Il a deux bandes rousse qui prennent aux épaules, & qui regnent le long des côtes jusqu’à la queue ; & depuis les deux oreilles, dont le poil est court & qui sont noires, il y a deux autres bandes de poil blanc & roux, qui descendent jusqu’entre les deux jambes en forme de cravate, & qui forment un angle en se réunissant. Tout ce qui couvre le ventre est noir, depuis le cou jusqu’à l’anus, excepté quelques endroits dans le milieu, qui forment quelquefois une ligne blanche. Le poil du museau, des oreilles, des cuisses, des jambes & des pates, est fort court ; celui dur este du corps a 14 ou 15 lignes de long.

Il a les yeux très-petits à proportion de sa grandeur. Ils n’ont qu’environ quatre lignes d’un angles à l’autre, & trois lignes entre les paupières lorsqu’elles sont écartées. Il n’a rien de particulier dans le cerveau : ses mâchoires sont très-fortes, & garnies de trente-deux dents, dont treize sont molaires, quatre canines qui sont très-longues, & douze incisives, qui sont courtes, étroites, épaisses & fort tranchantes. Quand ils sont vieux, leurs dents sont fort usées.

Les intestins ont 15 pieds de long. Le foie est composé de huit lobes, quatre grands & quatre petits. Le conduit cholidoque répond au duodenum ; la rate a très-peu d’épaisseur, & un pouce de large sur six de long. Le pancréas en a douze ou treize, & s’ouvre comme le cholidoque dans le duodenum. Les reins ont un pouce & demi de long sur un de large, & un peu moins d’épaisseur ; les vertèbres sont à l’ordinaire. La vessie est mince & délicate. Les parties naturelles des Carcajoux mâles & femelles sont semblables à celles des chiens & des chiennes. Les balons ou bourses qui sont communes aux animaux carnassiers, & qui sont situés proche de l’anus, s’y ouvrent, & répandent une liqueur extrêmement puante. Tous ses muscles sont extrêmement forts.

Cet animal habite les endroits les plus froids de l’Amérique Septentrionale. Il est fort rare, & l’on en tue peu. Quand il est pris ou blessé, il rugit, & souffle comme un chat. On dit que la femelle ne fait qu’un petit ; cela n’est pas sûr. Comme ses pieds sont fort courts, il rampe plutôt sur la neige qu’il ne marche. D’ailleurs comme il est le plus pesant & le plus lent de tous les animaux carnassiers, il est étonnant comment il peut attraper sa proie, si ce n’est le castor, aussi lent que lui. En effet, pendant l’été il le surprend hors de sa cabane, la brise & la démolit ; mais il en prend peu de cette manière. Le castor se glisse sous la glace, & l’évite aisement ; mais quand il retourne aux provisions qu’il a faites pour son hiver, le Carcajou qui l’attend comme un chasseur, le prend & s’en nourrit. Dans les pays chauds le castor n’a rien à craindre, parce qu’il ne cabane point, mais se loge fort avant en terre sur le bord des lacs & des rivières.

Il chasse autrement à l’orignac. Cet animal choisit un canton de bois puant, qui est l’anagyris fœtida, dont il se nourrit pendant l’hiver, de sorte que quand il y a cinq ou six pieds de neige, il se fait dans ces cantons des routes que les chasseurs appellent ravages, qui n’ont souvent pour plusieurs orignacs, qu’une demi-lieue d’étendue & qu’ils ne quittent point, s’ils ne sont poursuivis par quelques chasseurs. Quand le Carcajou a découvert une de ces places, il se met à l’affut sur un des arbres contre lesquels l’orginac a coutume de se froter, & quand il y vient, il se jette sur lui, le saisit à la gorge, & la lui coupe en un moment, quelques efforts, quelques bonds que fasse l’orignac, & quoiqu’en se frotant contre les arbres il déchire quelquefois la peau de son ennemi qui ne quitte jamais prise. Il chasse à peu près de même le caribou dans les Savannes, ou forêts épaisses, l’attendant sur la route qu’il s’y fait ; car dans les Savannes claires, comme il ne s’y fait point de route, il l’attendroient envain.

Le Carcajou est l’animal le plus acharné sur sa proie, le plus furieux à égorger. Il traîne aisément & assez vîte sur la neige un quartier d’orignac. Il a beaucoup de ruses. Il rompt les attaches qu’on lui tend, il détend les piéges, il coupe la corde des fusils qu’on prépare pour le tuer, après quoi il mange sans péril l’appas dont on vouloit se servir pour l’attirer.

CARCAIRE. s. f. Terme de manufacture de verreries. Espèce de four de verreries, qui est le premier où se fait la fritte des matières qui servent à faire le verre & le cristal.

CARCAN. s. m. Vieux mot, qui signifioit autrefois un collier, ou une chaîne de pierreries que les femmes portoient au cou, qu’on appeloit aussi jaceran. Torques, torquis. Ce mot vient de carchesius laqueus. Ce mot rentre dans l’usage depuis quelques années ; les femmes portent un carcan comme elles faisoient autrefois.

Carcan est aussi un cercle ou collier de fer avec lequel on attache par le cou à une potence, dans une place publique, des malfaiteurs qu’on ne juge pas dignes de mort, pour les punir, par la confusion d’un délit qui marque la bassesse de l’ame. Cette peine emporte imfamie. Collare ferreum. Condamner au carcan, mettre au carcan. On appelle cela en Espagnol, poner à la verguença. On l’a aussi appelé carcanum dans la basse Latinité, ou collistrigium.

☞ CARCANOSSI ou ANDROBEIZACHA. Nom d’une Province de l’Île fr Madagascar, sous le Tropique du Capricorne.

CARCAPULI. s. m. Fruit de l’Île de Java, qui est gros comme une cerise. Il en a le goût, & l’arbre qui le produit ressemble à nos cerisiers. Il y en a de plusieurs espèces, les uns blancs, les autres rouges bruns, & d’autres qui sont d’un fort bel incarnat.

Il y a une autre Carcapuli, dont parle Lémery après Acosta. C’est un très-grand arbre de l’Amérique qui porte un fruit semblable à une orange, dont la peau est fort mince, unie & luisante, de couleur dorée quand il est mûr. Ce fruit est tout rempli de petits grumeaux joints ensemble, & qu’on a beaucoup de peine à séparer. Il est d’un goût âcre, mais agréable, & les Indiens l’emploient dans leurs sauces. On le pulvérise après l’avoir fait sécher, & l’on en souffle la poudre dans les yeux pour éclaircir la vue. Ce fruit arrête le cours de ventre, excite l’appétit, hâte l’accouchement, & augmente le lait des nourrices.

CARCAS. s. m. Pharetra. Ce mot en vieux langage veut dire carquois.

Quand amours ot ouy mon cas,
Et vy qu’a bonne fin tendy,
Il remit sa fléche au carcas. Alain Chartier.

CARCASSE. s. f. Corps d’un animal mort, dont les chairs ont été la plupart retranchées, consumées ou desséchées, ou qu’il n’en reste plus guère. Larva nudis ossibus cohœrens, crates ossea.

On voit encore les carcasses des soldats & des chevaux demeurés sur le champ de bataille. Carcasse de chapon, de perdrix, de levraut ; c’est ce qui reste après en avoir ôté les quatre membres, les cuisses, les aîles ou les épaules.

☞ On dit figurément & par mépris d’une personne extrêmément maigre, que c’est une carcasse, qu’elle n’a plus que la carcasse.

Tu n’es qu’une ombre, une carcasse,
Je ne vois rien, quand je te vois. Gombaut.

Carcasse. s. f. Terme de Guerre. C’est une espèce de bombe de figure oblongue, qu’on tirer avec un mortier. Olla igniaria ferramentis omnis generis referta. Elle est composée de plusieurs grenades, & bouts de canons de pistolets chargés ; on enveloppe le tout d’une masse d’étoupes trempées dans des matières huileuses, & on le couvre d’une toile goudronnée, garnie par les deux bouts de deux plaques de fer, qui sont attachées ensemble par des cercles de fer qui représentent les côtes d’une carcasse, & qui passent en croix l’un sur l’autre. Il y a un petit trou à l’une des plaques pour communiquer le feu à la carcasse.

Carcasse est aussi l’ouvrage de charpenterie, ou ponton de cuivre, qui n’a point encoe sa couverture. Prima navis fabrica. On appelle encore la carcasse d’un vaisseau, le corps d’un vaisseau qui n’est point bordé.

☞ La carcasse d’un bâtiment comprend les solives, les poutres, les cloisons, les planchers, &c. C’est proprement l’assemblage considéré indépendamment des murs qui l’environnent & de la couverture.

☞ On appelle aussi carcasse chez les marchandes de mode, des branches de fil de fer couvertes d’un cordonnet, soutenues toutes par une traverse commune à laquelle elles aboutissent. Ces carcasses servent à monter les bonnets, à en tenir les papillons étendus, & à empêcher qu’ils ne se chiffonnent.

CARCASSOIS ou CARCASSEZ. Carcassianus ager, ou pagus ; Carcassi Comitatus. Maty appelle ainsi le Comté de Carcassonne. Valois, Not. Gall. dit que Carcassez est en usage dans le Pays Carcassonois & ailleurs.

CARCASSONNE. Ville Episcopale de France. Cascaum, Carcaso, Carcassio. Carcassonne est dans le Languedoc, entre Narbonne & Toulouse, sur la rivière d’Ande qui la traverse. La ville de Carcassonne, selon l’Histoire fabuleuse, a été bâtie 559 ans avant Rome par Carcas, l’un des sept Eunuques du Roi Assuérus, dont il est parlé dans le Livre d’Esther, ch. 1. L’opinion de ceux qui tirent son nom d’une certaine Dame appelée Carcas qui fit lever le siége à Charlemagne, qui assiégeoit cette Place, n’est pas plus recevable, puisque long-temps avant, Pline, Liv. III, ch. 4, l’appeloit Carcassum, Ptolomée Carcasso, & Procope Carcassio. On ne sait au vrai d’où vient ce nom.

La plupart des Historiens disent que le nom de Carcassonne vient de carcan ; mais il y a plus d’apparence qu’il vient du mot carquois, parce que la ville de Carcassonne étoit le magasin de la Gaule Narbonnoise, où ses peuples se servoient de flèches avec une adresse toute particulière. P. Benoit.

Carcassonne & son territoire a eu titre de Comté. Il fut vendu à Louis VIII, en 1222, & depuis ce temps-là, il a toujours été uni à la Couronne. Cette ville est renommée par les beaux draps qu’on y fait. Beffe a publié l’histoire des Antiquités de Carcassonne. Voyez Valois, Notit. Gall. p. 226. Ce sont les Goths, qui ayant perdu Toulouse, érigèrent Carcassonne en Cité, afin que le nombre de leurs Cités ne diminuât point ; & peu de temps après Carcassonne eut aussi des Evêque. Andoque. Hist. de Lang. L. VI, p. 150. Voyez aussi sur cette ville Catel, Hist. de Languedoc, Liv. II, c. 0, Liv. 408, 409, &c. Carcassonne, a, selon la table de M. Cassini, 19°, 51’, 45” de long. & 43°, 12’, 20” de latitude.

CARCASSONNOIS. Carcassonensis, ou Carcassensis pagus. Quelques-uns disent Carcassesium, Comté de Carcassonne, autrement Carcassois. Valois, Not. Gall. dit que les gens du pays l’appellent Carcassez, & les autres François Carcassonnois.

CARCHESIEN. adj. On donne ce nom à une espèce de lacs dont on se sert pour faire les extentions dans les luxations & les fractures. Laqueus Carchesius. Il se fait comme le nœud qui attache la voile au-dessus de la hune d’un vaisseau, d’où il a pris son nom, c’est-à-dire, du mot Latin Carchesium. Qui signifie le haut du mât d’un navire, ou la hune. Col de Villars.

CARCINOMATEUX, EUSE. adj. Terme de Médecine. Qui tient du cancer, qui a rapport au cancer. Cancro infectus, similis. La partie de la vessie squirreuse, au travers de laquelle s’écouloit l’urine, étoit carcinomateuse. Demours, Acad. d’Ed. I, 371.

CARCINOME. s. m. Terme de Médecine. C’est une tumeur qu’on appelle autrement cancer. Voyez Cancer.

CARCISTE. s. m. & f. Nom de faction. Carcista. Le Comte de Carces ayant été fait Grand Sénéchal de Provence, & Lieutenant de Roi de la même Province sous Henri III, fit de grandes impositions de deniers au pays, & donna tant de liberté aux gens de guerre qu’il employoit tant pour l’exaction des deniers, que pour la garde de la Province contre les Religionnaires, qu’ils faisoient de grandes concussions : ils furent appelés Carcistes du nom du Comte. Voyez Bouche, Hist. de Prov. L. X, c. 8, §. 1. Les Carcistes, parti séditieux dans le XVIe siécle, s’étant joints avec les Razats, autres mutins, & soutenus les uns par la Noblesse, & les autres par le Peuple & par le Parlement, entretenoient le trouble & la révolte en Provence vers l’an 1578.

☞ CARCUB. Petite ville d’Asie, dans la province d’Ahuaz en Chaldée, à vingt lieues de Sus, capitale du Cusistan.

☞ CARCUNAH. Ville d’Afrique dans la Province que les Arabes nomment Barbera, qui est la Barbarie Ehtiopienne.

CARCUON. s. m. C’est une petite caraque, ou vaisseau renforcé.

CARDA, ou peut-être CARDIA. s. m. Cardea, Macrobe, Satural. L. I, c. 12, fait mention d’une Divinité qu’il appelle Carna, laquelle, dit cet