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Dictionnaire de Trévoux/6e édition, 1771/Tome 2/261-270

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Fascicules du tome 2
pages 251 à 260

Dictionnaire de Trévoux, 1771
Tome 2, pages 261 à 270

pages 271 à 280


Auteur, présidoit aux parties nobles & aux parties vitales de l’homme, au cœur, au foie, & à tous les intestins, dont elle procuroit la santé ; & parce que Brutus, ajoute-t-il, par le moyen du cœur, par le secret du cœur, & la dissimulation, passoit pour un homme utile au changement, & à la réformation de l’Etat, il bâtit un temple à cette Déesse. Il avoit dit auparavant que le même Brutus, le premier jour de Juin, revenant victorieux, après avoir chassé Tarquin, fit un sacrifice à la Déesse Carna sur le mont Cœlius. Vivès sur S. Aug. De Civit. Dei, L. IV, c. 8. Vigenere sur Tite-Live, T. I, p. 660 & 1166. Rosinus dans ses Antiq. Rom. Liv. II, ch. 19, & tout les autres que j’ai pu voir, la confondent avec la Carna dont parle Ovide, ou la Cardea comme l’appelle S. Augustin, De Civit. Dei, L. IV, c. 8, c’est-à-dire, avec la Déesse des gonds. Cependant Macrobe, qui marque avec soin toutes les fonctions de la Déesse, dont il parle, ne dit pas un mot de celle de présider aux gonds. D’ailleurs le soin de conserver les entrailles de l’homme, & celui de veiller aux gonds des portes, sont si différens, qu’ils ne conviennent nullement à la même Divinité. On avoit tant de soin de ne point trop accabler les Dieux de travaux & de soins, & de les multiplier, à chaque occupation différente que l’on concevoit dans le détail du gouvernement du monde, que je ne puis croire qu’on ait chargé la même Déesse de ces deux emplois. J’aime donc mieux en faire deux Divinités, dire qu’il y a une faute dans Macrobe, qu’il faut lire Carda, ou Cardis, au lieu de Carna ; que ce nom venoit du grec ϰαρδία (kardia), le cœur, & qu’il lui fut donné parce qu’elle avoit le soin du cœur, & des entrailles, dont il est la plus noble partie ; & qu’enfin, outre la fonction de cette Déesse, l’allusion que fait Macrobe, ou qu’il raporte qu’on fit au cœur de Brutus, exige cette correction. Voyez les Auteurs cités.

☞ CARDAILLAC. Voyez Cardillac.

☞ CARDAIRE. s. f. Poisson de mer, espèce de raie. Raia spinosa. Il est hérissé d’aiguillons, à peu près comme les cardes dont on se sert pour carder la laine. C’est pourquoi on lui a donné le nom de Cardaire.

CARDAMINE. s. f. Cardamine. Plante qui vient ordinairement dans les prés humides, & dont les fleurs sont en croix. Sa racine est vivace, épaisse de quelques lignes à son corps, blanche, fibreuse, chevelue, & qui donne des feuilles aîlées, couchées par terre ; c’est-à-dire, découpées, en plusieurs globes, arrondies ordinairement, disposées par paires : elles sont vertes, & un peu velues en dessus, plus glabres en dessus, d’un goût piquant & âcre. Les tiges qui partent de leur centre sont droites, menues, minces, rondes, hautes d’un pied environ, quelquefois plus, d’autres fois moins ; chargées alternativement & par intervalles de quelques feuilles ailées comme celles du bas, mais plus étroites, plus découpées sur leurs bords & plus inégales. Ces tiges sont rarement branchues ; elles portent à leurs sommets plusieurs fleurs composées de quatre pétales blanchâtres ou purpurines, à peu près pareilles à celles de la juliane. À ces fleurs succèdent des siliques formées par le pistil, & qui sont longues de deux pouces environ, fort étroites, un peu aplaties, d’un pourpre foncé en dehors, divisées en deux loges par une cloison mitoyenne, & renfermant deux rangs de petites semences longuettes, & d’un vert jaunâtre. Les deux panneaux qui forment la silique se roulent en volute par une espèce de ressort, ce qui fait répandre & écarter la semence avec impétuosité. Il y a plusieurs espèces de Cardamine ; celle-ci est la plus commune, & se nomme Carpratensis, magno flore, Inst. R. herb. Son goût, qui approche de celui du cresson, lui a fait donner le nom de Cardamine, qui signifie la même chose que Nasturtium. Comme cette plante est âcre & piquante au goût, de même que le cresson, elle peut lui être substituée.

Ce mot vient du grec ϰαρδαμίνη (kardaminê), qui signifie la même chose.

CARDAMOME. s. m. Graine médecinale & fort aromatique, contenue dans des gousses qui nous viennent des Indes orientales & de l’Arabie. Cardamomum. On en fait ordinairement de trois sortes, le grand, le moyen & le petit. Le grand cardamome a une gousse faite en sorte de figue, & qui est plus grande que celle des autres espèces ; mais il est semblable tant pour le goût, l’odeur, la couleur, la forme de ses grains, que pour la couleur & la substance de sa gousse. Le cardamome moyen a sa gousse moindre que celle du précédent. Elle est triangulaire, assez longue, & pleine de semence de couleur de pourpre, âcre & mordante. La gousse du petit cardamome est encore plus petite que celle du moyen : elle a aussi la forme triangulaire, & ses grains sont aussi de couleur de pourpre, anguleux, d’un goût âcre & mordicant, & d’une odeur forte & pénétrante. On appelle la première sorte de cardamome, maleguete ou malegete, parce qu’il ressemble au millet d’Inde, qu’on appelle en Italie malegua. On la nomme aussi graine de Paradis, parce qu’elle est fort odorante, & d’un goût âcre & amer. Le petit cardamome surpasse les autres en goût, en odeur, & en propriétés. C’est celui qui entre dans le thériaque. Les cardamomes échauffent & dessèchent : ils fortifient les parties nobles, dissipent les vents, & aident à la coction. On s’en sert dans les maladies du cerveau, de l’estomac & de la matrice.

CARDAMOURI. s. m. Drogue dont il est parlé dans le Tarif de Lyon de 1699.

CARDASSE. s. f. Opunita, ficus indica. Figuier d’Inde, ou Raquette, plante grasse, qui a pris son nom d’une ville de la Grèce ; si l’on en croit Théophraste & Pline, qui avertissent que ses feuilles prennent racines mises en terre ; ses racines sont fibreuses, blanchâtres & naissent du corps même de la tige, qui a la figure d’une feuille aplatie ; longue d’un pied plus ou moins, suivant son âge, & large de quatre à cinq pouces, garnie des quelques toupets d’épines également distans les uns des autres. Elle est verte, charnue, pleine de suc & ligneuse dans son centre : lorsqu’elle est vieille, elle se ramifie, donne des branches pareilles qui naissent toutes ordinairement de leur marge, en sorte que c’est une tige branchue, articulée & aplatie. La cochenille se nourrit sur cette plante. La grandeur, la hauteur & la multitude de ses branches, appelées improprement feuilles, varie suivant l’âge de la plante, la bonté du terrain & la nature du pays ; car cette plante craint fort le froid. Les extrémités de ses branches dans les pays chauds poussent plusieurs fleurs à plusieurs pétales purpurines ou jaunâtres, disposées en rose, garnies dans leur centre de beaucoup d’étamines : ces fleurs sont portées sur des embryons qui ont en quelque manière la figure d’une figue, & qui en mûrissant deviennent des fruits alongés, d’un pouce environ de diamètre, sur deux pouces & demi de longueur, rouges en dehors, succulens, mucilagineux, rougeâtres en dedans, & renferment des semences noires, enveloppées d’une coiffe charnue, rougeâtre. Les Espagnols lui ont donné le nom de figuier d’enfer, parce qu’ayant mangé de ses fruits, & voyant leurs urines rouges, ils crurent d’abord qu’ils pissoient le sang. Cette plante se trouve en Sicile & en Italie : ses feuilles servent à désaltérer les animaux qui ne trouvent pas de l’eau dans les déserts d’Amérique, où ces sortes de plantes grasses naissent. On appelle cette plante Opuntia vulgò harbariorum ; parce c’est l’espèce la plus connue & la plus commune en Europe. Aujourd’hui on en cultive plusieurs autres espèces, qui diffèrent de celle-ci par leur petitesse, ou par la longueur & la force de leurs épines. Opuntia major, validis aculeis munita, Opuntia folio oblongo media. Cette troisième espèce est assez commune dans les jardins des curieux : ses branches sont arrondies, & n’ont pas plus de deux pouces de diamètre, inclinées, & presque toujours couchées sur terre, à moins qu’on ne les relève, & qu’on ne les oblige à se tenir droites : ses fleurs jaunes, construites de même que celles de la grande cardasse, cependant plus petites, aussi-bien que ses fruits.

CARDASSE. s. f. Espèce de peigne propre à faire du capiton, à tirer la bourre, de la soie. Pecten.

CARDE. s. f. Côte qui est au milieu des feuilles de quelques plantes, & qui est bonne à manger. Taner cinaræ caulis. Des cardes d’artichauts. Cardes poirées, de la poirée. Les plus épaisses & les plus blanches sont les meilleures.

☞ Les cardes d’artichauts sont les côtes ou feuilles de l’artichaut que l’on fait blanchir en les enveloppant de paille ou de vieux fumier dans toute leur longueur, excepté le bout d’en haut, ou en les buttant comme le céleri. Quand elles sont blanchies, elles perdent leur amertume.

☞ Les cardes poirées sont les pieds de poirées replantés en planche qui poussent de grandes fanes, ayant dans le milieu un coton blanc & épais. Cette côte est la véritable carde qui sert aux potages, aux ragouts & aux entre-mets.

Carde. Instrument fait d’un morceau de bois plat, long environ d’un pied, & large d’un demi, garni d’un côté de plusieurs petits crocs, qui sont de petits fils d’archal courbés, rangés de suite. On s’en sert pour carder la laine, pour démêler la soie, la bourre. Ferreus pecten quo lana carminatur.

Carde de Perruquier ou carte. Instrument dont se servent les Perruquiers, espèce de peigne composé de dix rangées de petites pointes de fer enfoncées dans une planche, pour passer les paquets de cheveux, pour les mêlanger.

CARDEA. s. f. Cardea. S. Augustin, au Liv. IV de la Cité de Dieu, c. 8, appelle Cardea la Déesse qui préside aux gonds, & qu’Ovide & d’autres appellent Carna ou Cardinea. Vivès voudroit qu’on corrigeât dans S. Augustin Carna ; mais les manuscrits & l’allusion qu’il fait, demandent que l’on conserve Cardea. Tres Deos isti posuerunt, Forculum foribus, Cardeam cardini, Limentinum limini. Vivès & Vigenère remarquent qu’elle s’appeloit autrefois Carna ; qu’ayant été forcée par Janus, il lui donna la sur-intendance, ou, pour me servir de son terme, le froit des gonds. Rosin dit mal-à-propos Carnea au lieu de Cardea, Ant. Rom., L. XI, c. 19.

CARDÉE. s. f. La quantité de laine cardée qu’on leve de dessus les deux cardes ; ce que l’on carde de laine à la fois avec les deux cardes. Lana carminata. Combien y a-t-il de cardées.

CARDER. v. a. Démêler les poils de la laine, de la bourre, de la ouate, ☞ peigner avec des chardons à Bonnetier ou avec des intrumens qui sont couverts d’un côté de petites pointes de fer, qu’on nomme cardes. Lanam carminare, pectere ou carduo pectere. Quelques Auteurs ont forgé cardare.

Cardé, ée. part.

CARDEUR, EUSE. s. m. & f. Ouvrier qui carde la laine, le coton, ou autres choses semblables. Qui lanam carminat.

Cardeur, se dit aussi du Fabricant qui fait travailler les Cardeurs. Marchand Cardeur.

Tous ces mots viennent du latin carduus, chardon, dont on se sert pour carder.

CARDEUSES. adj. f. pl. Sorte d’Abeilles. Elles tiennent un milieu assez singulier entre les Abeilles solitaires, & celles qui vivent en société. Elles passent successivement par ces deux états, & font leurs nids dans les prairies & dans les champs de sainfoin & de luzerne. Il y a trois espèces d’Abeilles cardeuses, dont deux sont distinguées par la différence des sexes, & la troisième par un refus absolu de tout sexe. Leur cire n’est point propre à nos usages. Elle a bien l’odeur de la véritable cire, mais elle n’a point les autres conditions que les mouches à miel savent donner à la leur. La cire des bourdons cardeurs est plus tenace ; elle se laisse à la vérité paîtrir comme une pâte, mais la chaleur ne la rend point liquide, & ne l’amollit point. Abrégé de l’Histoire des Insectes.

☞ CARDIAGRAPHIE. s. f. Terme d’Anatomie, qui signifie description du cœur.

CARDIAIRE. adj. m. & f. Terme de Médecine, qui se dit des vers qui naissent dans le cœur de l’homme. Cardiarius, a, um. Voyez sur ces vers le Traité de M. Andry sur la génération des vers dans le corps de l’homme. Ce mot est formé du mot grec καρδία, cœur.

CARDIALGIE. s. f. Terme de Médecine. Douleur violente, qu’on sent vers l’orifice supérieur de l’estomac, accompagnée de palpitation de cœur, de défaillance, d’envie de vomir, &c. Cardialgia. Elle est causée par des humeurs âcres qui picotent cet orifice & les parties voisines. Ce mot vient de deux mots grecs, καρδία, cœur, & ἄλγος, douleur.

☞ Les anciens ont appelé & le peuple appelle encore, cœur ce que l’on doit appeler estomac. De-là l’expression aussi impropre que commune, avoir mal au cœur, lorsqu’on a envie de vomir. Ce mouvement contre nature est absolument indépendant du cœur.

☞ CARDIALOGIE. s. f. Terme d’Anatomie. Traité sur le cœur, sur les usages des différentes parties qui le composent.

CARDIAQUE. adj. Quelquefois employé substantivement. Terme de Médecine, qui signifie la même chose que cordial. Remède qui sert à conforter le cœur, à réveiller & ranimer les forces languissantes & abattues. Cordi utilis. Le vin est un grand cardiaque. Voyez Cordial.

Cardiaque, se dit aussi, en termes d’Anatomie, de deux artères qu’on appelle communément coronaires, & qu’on peut aussi, dit M. Winslow, appeler cardiaques. Voyez Coronaire. On le dit aussi des veines & autres vaisseaux.

☞ Passion cardiaque. Maladie plus connue aujourd’hui sous le nom de syncope, parmi le peuple, défaillance.

Cardiaque. Terme de Botanique. Plante qui est ainsi appelée, parce qu’on la croit bonne dans les Cardialgies des enfans. C’est la même chose que l’agripaume. Cardiaca.

☞ CARDIATOMIE. s. f. Terme d’Anatomie, formé du grec. Dissection du cœur, manière d’en disséquer les différentes parties.

CARDIER. s. m. Ouvrier qui fait & qui vend des cardes pour carder. Pectinum ferreorum artifex. Voyez dans l’arrêt du 30 Décembre 1727 les règles auxquelles les cardiers sont assujettis dans la fabrique des cardes destinées à mêlanger & à carder les laines.

☞ CARDIFF. Ville de la Grande-Bretagne, dans la Principauté de Galles, capitale du Glamorganshire.

☞ CARDIGAN, Ceretica. Ville d’Angleterre dans la Principauté de Galles, capitale du Comté de Gardiganshire auquel elle donne son nom.

☞ CARDILLAC ou CARDAILLAC. Petite ville de France, dans le Querci, élection de Figeac, avec titre de Marquisat.

CARDINAL, ALE, adj. Ce qui est le principal, le premier, le plus considérable, le fondement de quelque chose. On dit ainsi, les quatre vertus cardinales, la prudence, la justice, la force, la tempérance, qui servent de fondement à toutes les autres. Quatuor præcipuæ virtutes morales, virtutes cardinales. On dit aussi les quatre points cardinaux de l’horison ; pour dire, l’orient, l’occident, le midi, le septentrion. Les quatre points cardinaux du ciel, ou d’une nativité ; pour dire, le lever & le coucher du soleil, & le milieu du ciel, soit dans le zénith, soit dans le nadir. On dit aussi, les vents cardinaux souflent des quatre points cardinaux. Venti quatuor præcipui.

Ce mot vient de cardo, latin, qui signifie un gond ; parce qu’en effet il semble que sur ces points principaux roulent toutes les autres choses de même nature.

On appelle en grammaire les nombres cardinaux, un, deux, trois, quatre, &c. qui sont indéclinables, qui désignent une quantité sans masquer l’ordre par oppositions aux nombres ordinaux, deuxième, troisième, &c. Numeri cardinales.

CARDINAL. s. m. Prince de l’Eglise, qui a voix active & passive dans le Conclave, lors de l’élection des Papes. Cardinalis, purpuratus Ecclesiœ Princeps. Les Cardinaux composent le Conseil & le Sénat du Pape. Un chapeau de Cardinal est un chapeau rouge ; & on dit absolument, qu’un homme prétend au chapeau, ou qu’il a eu un chapeau ; pour dire, qu’il aspire au Cardinalat, qu’il est devenu Cardinal. Cardinal Neveu, est celui qui est neveu du Pape vivant. Dans le livre premier du cérémonial Romain est écrite la cérémonie d’ouvrir & de fermer la bouche aux Cardinaux. Quand le Pape veut créer des Cardinaux, après avoir écrit les noms de ceux qu’il veut élever à cette dignité, il assemble le Consistoire, & dit aux Cardinaux, habetis fratres, puis il fait lire les noms qu’il a écrits. S. Bernard dit que les Cardinaux doivent être pris de tout le monde, puisqu’ils doivent le juger ; & les plus parfaits qu’il est possible, parce qu’il est plus aisé de venir bon à la Cour, que d’y devenir bon. Fleury. Il se trouve dans la Bibliothèque Vaticane une constitution émanée d’un Pape Jean, qui règle le droit & les titres des Cardinaux, & qui dit que comme le Pape représente Moïse, ainsi les Cardinaux représentent les soixante-dix anciens, qui sous l’autorité Pontificale jugent & terminent les différens particuliers. Godeau.

Les Cardinaux sont divisés en trois ordres, 6 Evêques, 50 Prêtres & 14 Diacres, faisant en tout 70, qu’on appelle le Sacré Collège. Sacrum purpuratorum patrum Collegium. Collegium Cardinalium. Sacrum Collegium. Le nombre des Cardinaux Prêtres, & des Cardinaux Diacres n’a pas toujours été égal. Le Cardinal Evêque d’Ostie précède tous les Cardinaux ; il consacre le Pape. Les six Cardinaux Evêques qui sont comme les Vicaires du Pape, portent le titre des Evêchés qui leur sont attribués. Pour les Cardinaux Prêtres & Diacres, ils ont tous des titres tels qu’ils leur sont assignés. Jusqu’au temps du Pape Honorius II, en 1125 le Collège des Cardinaux étoit de 52 ou 53. Depuis, & sous le Pape Nicolas III, ils se trouvèrent réduits à trois Cardinaux Prêtres. Le Concile de Constance fixa le nombre des Cardinaux à vingt-quatre. Sixte IV, sans avoir égard au Concile, grossit le nombre, & le porta jusqu’à cinquante-trois. Léon alla jusqu’à soixante-cinq. Ainsi comme le nombre des Cardinaux Prêtres étoit anciennement réglé à 28, il fallut établir de nouveaux titres à mesure que l’on créa de nouveaux Cardinaux. Les Papes ont ajouté 17 titres nouveaux aux anciens, qui tous ensemble font 40. Le plus ancien des Cardinaux Prêtres s’appelle Cardinal Archiprêtre du Saint Siège. À l’égard des Diacres ils n’étoient originairement que sept, pour les 14 quartiers de la ville de Rome. Le premier étoit qualifié Diacre Cardinal. Depuis on assigna un Diacre pour chaque quartier ; & l’on ajouta encore 4 Diacres. Ce nombre de 18 n’a été augmenté que par Paul III. En 1545 ; il en créa un, en sorte qu’on en comptoit 19 de son temps. Voyez Bouchel. Le Pape doit être pris du sacré Collège, & choisi d’entre les Cardinaux. Un Cardinal Abbé Commendataire, à cause de éminence de sa dignité, exerce la discipline sur les Religieux. Il peut même destituer un Prieur Claustral. Fevret. ☞ Cette maxime est contraire à nos usages. Aucun Abbé Commendataire n’a juridiction sur les Religieux en France ; & ce droit ne pourroit appartenir à un Cardinal Abbé Commendataire qu’en vertu de bulles revêtues de lettres patentes duement vérifiées. Les Cardinaux en France ne sont point sujets au droit d’indult, ils en ont été décharges par la bulle de Clément IX, du mois de Mars 1667, par arrêt du Conseil d’Etat du 11 Janvier 1672 & par lettres patentes du Roi du vingt-neuvième du même mois. Lange. Un Auteur de droit dit que les Cardinaux ont été ainsi nommés du latin incardinatio, qui signifie l’adoption que faisoit une Eglise d’un Prêtre d’une Eglise étrangère, d’où il avoit été chassé par quelque malheur ; que l’usage de ce mot a commencé à Rome & à Ravenne, parce que les Eglises de ces deux villes étant les plus riches, les Prêtres malheureux s’y retiroient ordinairement. Selon Onuphrius en 1562, le Pape Pie IV, établit que le Pape seroit seulement élu par le Sénat des Cardinaux, au lieu qu’il l’étoit auparavant par le Clergé de Rome. On prétend cependant que dès le temps d’Alexandre III, en 1160, les Cardinaux étoient déjà en possession d’élire le Pape à l’exclusion du Clergé. On remonte encore même plus haut, & l’on croit que Nicolas II ayant été élu à Sienne en 1058, par les seuls Cardinaux, c’est à cette occasion qu’on ôta le droit d’élire le Pape au Clergé & au Peuple Romain, qui n’eurent plus que celui de le confirmer en donnant leur consentement ; ce qui leur fut encore ôté dans la suite. Alexandre III ne fit donc que confirmer ce que la coutume avoit établi, comme firent aussi depuis Grégoire X & Clément V. Voyez le P. Papebroch dans le Propilæum ad Act. SS. Maii, Conatus Chronicoè-Hist. p. 196. D. E. dans le Propilœum Act. SS. Maii, où il conjecture que c’est Honorius IV qui a mis le premier des Evêques dans le Sacré Collège, en y faisant entrer les Evêques Suffragans du Pape, à qui de droit il appartient de le nommer, & en faisant la première classe des Cardinaux. Ils ont commencé à porter le chapeau rouge au Concile de Lyon en 1445, sous Innocent IV. Le decret du Pape Urbain VIII, par lequel il est ordonné que les Cardinaux seroient traités d’Eminence, est de l’année 1630. Avant cela on les traitoit d’Illustrissimes.

Les Cardinaux dans leur première institution n’étoient autre chose que les Prêtres principaux ou les Curés des Paroisses de Rome. Dans la primitive Eglise le Prêtre principal d’une Paroisse, qui suivoit immédiatement l’Evêque, fut appelé Presbyter Cardinalis. Ce mot leur a été appliqué environ l’an 150. D’autres tiennent que ce fut sous le Pape Silvestre l’an 380. Ces Prêtres Cardinaux étoient les seuls qui pouvoient baptiser & administrer les Sacremens. Autrefois les Prêtres Cardinaux étant faits Evêques, leur Cardinalat vaquoit, parce qu’ils croyoient être élevés à une plus grande dignité. Saint Grégoire se sert souvent de ce mot pour exprimer une première dignité. Il appelle l’Archevêque de Naples, Evêque Cardinal, parce qu’à cause de sa dignité, il étoit un des premiers entre les Evêques de la Pouille. Sous ce Pape les Cardinaux Prêtres & les Cardinaux Diacres, n’étoient autre chose que les Prêtres, ou les Diacres, qui avoient Une Eglise, ou une Chapelle à desservir. C’est-là ce que le mot signifioit selon l’ancienne & véritable interprétation. Léon IV les nomme dans le Concile de Rome tenu en 853. Presbyteros sui cardinis ; & leurs Eglises étoient appelées Paroisses Cardinales, ou titres Cardinaux, Parochiœ Cardinales, Tituli Cardinales.

Le titre de Cardinal demeura sur le même pied jusqu’au XIe siècle ; par conséquent les Cardinaux ne tenoient pas un rang fort distingué auprès des Papes : mais la grandeur du Pape s’étant depuis extrêmement accrue ; il voulut avoir un Conseil de Cardinaux, bien différens de ceux qui avoient composé autrefois la plus noble partie du Clergé de Rome. L’ancien nom est demeuré ; mais ce qu’il exprimoit n’est plus. Le titre de Cardinal n’appartient plus qu’aux seuls Cardinaux de l’Eglise Romaine ; cependant ils ne prirent pas d’abord le pas au-dessus des Evêques, & ne furent pas les maîtres de l’élection du Pape. Mais depuis ils s’emparèrent de ces privilèges. Innocent IV leur donna le chapeau rouge, & Boniface VIII la pourpre, ensorte que croissant toujours en grandeur, ils le sont enfin élevés au-dessus des Evêques par la seule dignité de Cardinal, quoi qu’elle ne soit que d’institution Ecclésiastique. Maimb. M. Félibien dit que ce fut Paul II, qui leur donna la robe rouge, avec cette espèce de cape qu’ils mettent par dessous leurs chapeaux dans les cavalcades. D’autres disent que le premier qui ait porte la pourpre est Prélage, qu’Innocent III envoya à Constantinople en 1213, qu’elle ne fut cependant commune à tous que sous Innocent IV, & que Paul II, en 1464 régla que dans les cérémonies où ils paroissent à cheval, ils en auroient un blanc, dont la bride seroit dorée. Platina dit que l’élévation & la grandeur des Cardinaux a commencé sous Boniface IX.

Le titre de Cardinal s’introduisit par la corruption de la langue latine. On usa de ce mot pour signifier, premier, ou grand. On l’appliqua ensuite en particulier à ceux qui étoient préposés pour le gouvernement d’une Paroisse, ou d’une Eglise : & cela pour les distinguer des autres Prêtres volans, qui n’avoient ni titre, ni Eglise. En France, où le nom de Cardinal n’étoit pas si commun, on appeloit les Prêtres titulaires, des Curés, Presbyteros Parochiales. Les Evêques étoient toujours au-dessus d’eux. Pasq. A Rome les Prêtres qui régissoient les Eglises Paroissiales conservèrent plus spécialement le nom de Cardinaux, & il passa aussi aux sept Diacres de l’Eglise de Rome, qui se l’attribuèrent par distinction. Du Cange dit qu’originairement il y avoit trois sortes d’Eglises ; que les vraies Eglises s’appeloient proprement Paroisses, les secondes Diaconies, qui étoient des Chapelles jointes à des Hôpitaux desservis par des Diacres. Les troisièmes étoient de simples Oratoires, où l’on disoit des Messes particulières, qui étoient desservies par des Chapelains locaux & résidens ; & que pour distinguer les Eglises principales ou les Paroisses, des Chapelles ou des Oratoires, on leur donna le nom de Cardinales. Les Eglises Paroissiales servoient de titres aux Diacres, qui s’appelèrent aussi Cardinaux, ou principaux. Il y a eu en plusieurs lieux des Curés à qui on a donné le titre de Prêtres Cardinaux, ou principaux. Voyez Du Gange, qui a fait un dénombrement des titres des Cardinaux & des Eglises Patriarchales qui en dépendoient. On a donné aussi ce titre à quelques Evêques, comme à celui de Maïence & de Milan. L’Abbé de Vendôme s’appelle aussi Cardinal né, & porte le chapeau rouge dans ses armes. Ceux qui en ont écrit sont Onuphrius, Duaren, Ciaconjus, Durandus & François Frison dans son livre de Galliâ purpuratâ. Bellarmin, Contr. T. II, de Memor. Eccl. L. I, de Cleric. c. 16, de Cardinal. Le Traité de l’origine des Cardinaux ; Du Cange, Gloss. Aubery a fait l’Histoire générale des Cardinaux en 5 vol. in-4o.

On appeloit Cardinaux non seulement les Prêtres, mais les Evêques, les Prêtres & les Diacres titulaires & attachés à une certaine Eglise ; à la différence de ceux qui ne les servoient qu’en passant & par commission. Les Eglises titulaires, ou les titres, étoient des espèces de paroisses, c’est-à-dire, des Eglises attribués chacune à un Prêtre Cardinal, avec un quartier fixe & déterminé qui en dépendoir, & des fonts pour administrer le Baptême dans le cas où il ne pouvoit pas être administré par l’Evêque. Ces Prêtres & ces Diacres Cardinaux n’avoient le pas dans ces temps-là qu’après les Evêques. C’est pour cela que dans les Conciles, par exemple, dans celui de Rome tenu l’an 868, ils ne souscrivent qu’après les Evêques.

Ce n’étoit pas seulement à Rome qu’ils portoient ce nom. On trouve des Prêtres Cardinaux en France. Le titre par lequel Thibaud, Evêque de Soissons, confirme la fondation de l’Abbaye de S. Jean des Vignes, appelle le Curé de la Paroisse, le Prêtre Cardinal du lieu, & le Roi Philippe I, confirmant la même fondation, lui donne le même titre Presbyter Cardinalis ipsius loci.. Adrien II appelle l’Archevêque de Bourges, Cardinal, & Jean VIII appelle l’Eglise de Bourges, Eglise Cardinale, comme l’a remarqué M. Catherinot dans son Patriarchat de Bourges. Enfin dans quelques Epitres de S. Grégoire, & d’Adrien II. Cardinalis Sacerdos se prend pour Episcopus, Evêque.

Cardinal, s’est dit aussi des dignités & offices séculiers. Les principaux Officiers de la Cour de Théodose font aussi appelés Cardinaux. Et Cassiodore, L. VII. Form 31, fait mention du Prince Cardinal de la ville de Rome. On trouve parmi les Officiers du Duc de Bretagne en 1447, un Raoul de Thorel Cardinal de Quillart Chancelier, & serviteur du Vicomte de Rohan, ce qui montre que c’étoit un office assez bas. Voyez Lobineau, T. II, p. 1115.

On a aussi appelé Messe Cardinale, & Autel Cardinal, la Messe solemnelle, & l’Autel principal, ou le grand Autel d’une Eglise.

Cardinal. s. m. Oiseau d’Amérique, ainsi nommé à cause de la couleur de son plumage, & d’un petit capuchon qu’il a derrière la tête. Il est de la grosseur d’un petit Perroquet. Il a le bec fort & noir.

On a appelé autrefois Cardinales, de grosses pièces d’artillerie qui ne sont plus en usage ; & des pommes à la Cardinale, des pommes d’api, parce qu’elles sont rouges.

Cardinal. s. m. Les Tondeurs de draps appellent ainsi une carde à carder la laine, garnie ou remplie de bourre tontisse jusqu’à l’extrémité des pointes, dont ils se fervent pour coucher le poil ou la laine, sur la superficie des étoffes, après qu’ils les ont tondues à la fin, c’est-à-dire, en dernier, ou pour la dernière fois.

CARDINALAT. s. m. La dignité de Cardinal. Cardinalitia dignitas, Cardinalatus. Promotion au Cardinalat.

Vous savez ce que signifioit autrefois Presbyter Cardinalis, ou Presbyter Principalis ; & comment le Cardinalat s’est enflé peu à peu. Misson, lettre 22.

CARDINALE. s. f. Rapuncium coccineum. Flos Cardinalis Barberini. Plante qui a pris son nom de la couleur de ses fleurs, qui est d’un rouge couleur de feu approchant de la pourpre, dont sont couverts les Cardinaux. Sa racine est vivace, longue, rampante par ses côtés & vers son collet, blanche, fibreuse & douceâtre au goût avec un peu d’âcreté. De son collet naissent plusieurs feuilles couchées sur terre, longues comme le doigt, de demi-pouce de largeur au plus, dentelées sur leurs bords, lisses, d’un vert brun en-dessus. Du milieu de ces feuilles partent une ou plusieurs tiges suivant l’âge & la force de la plante ; elles viennent hautes d’un pied & demi environ en France, grosses comme une plume à écrire, quelquefois branchues, anguleuses, d’un vert pâle, & chargées de feuilles un peu plus petites & plus étroites que celles du bas, & courbées en bas. Depuis le milieu, celles qui approchent le plus l’extrémité des tiges sont plus courtes & moins fréquentes. Ses fleurs occupent le haut des tiges & des branches ; elles y sont disposées en forme d’épi. Chaque fleur est un tuyau alongé, rouge, évasé, & découpé sur le haut en cinq parties oblongues, d’une couleur de feu très-vive, & disposées en main ouverte. Le milieu de ce tuyau est occupé par une graine rouge, étroite, courbée, terminée par de petits sommets bleuâtres ou violets, & enfilée par le pistil qui s’élève du milieu d’un calice vert découpé en cinq parties longues, étroites ; ce calice devient ensuite un fruit verdâtre, relevé de trois côtés, & divisé en trois loges, qui renferment des semences fort menues & jaunâtres. Toute la plante donne du lait. Elle fleurit en Juillet & Août, & elle croît dans les marécages du Canada. La cardinale couleur de feu a quelquefois ses fleurs panachées de quelques lignes blanches. La cardinale bleue est décrite dans les Mémoires de M. Dodart, & celle-ci devient quelquefois blanche. Il y a une espèce de cardinale auprès de Blois, & qui est fort commune en Normandie. Elle est extrêmement âcre. On la trouve aussi près de Fontainebleau. C’est le Rapuntium Soloniense urens.

CARDINALISER. v. a. Faire quelqu’un Cardinal, le créer Cardinal, lui donner le titre de Cardinal. Cardinalem facere, creare. Godeau s’est servi de ce mot dans son Histoire Eccles. L. IV. Cardinaliser quelqu’un, veut dire lui donner un titre, soit d’Evêque ou de Curé ; & de-là vient, continue-t-il, qu’encore aujourd’hui les Cardinaux ont des titres, c’est-à-dire, des Eglises dans Rome, & qu’il y a même des Evêchés dans la Métropole de Rome, qui leur sont affectés. Aujourd’hui ce mot ne pourroit paroître que dans le style burlesque. Il est entièrement hors d’usage.

☞ Rabelais s’est servi de ce mot pour dire, faire devenir rouge.

CARDINALISME. s. m. Cardinalismus. Dignité de Cardinal. C’est la même chose que Cardinalat.

Ce mot vient de l’italien Cardinalismo. Il n’est point en usage chez nous.

☞ CARDINAUX. s. m. pl. Chez les Drapiers & les Tondeurs, espèce de petites cardes de fer, remplies par le pied, & dont il n’y a que l’extrémité des pointes qui paroissent. On s’en sert pour ranger le poil & le coucher dans la tonte. Encyc.

CARDINÉE. s. f. Terme de Mythologie. Cardinea. La Déesse Cardinée étoit fille de Janus. Elle présidoit chez les Romains aux gonds des portes, cardinibus ; & c’est de-là que son nom avoit été pris. Elle s’appeloit aussi Carne. Voyez ce mot.

CARDIOGME. s. m. Picotement ou sensation mordicante à l’orifice de l’estomac, occasionnée par une humeur accrimonieuse qui incommode cette partie, ϰαρδιωγμός (kardiôgmos) ; du verbe ϰαρδιώσσω (kardiôssô), sentir une douleur rongeant à l’orifice de l’estomac. Dict. de James.

CARDON. s. m. Espèce d’artichaut, qui ne porte point de pommes, & dont la tige est bonne à manger. Tener cynaræ caulis. Des cardons d’Espagne. Les tiges des cardons sont bonnes à manger.

☞ On sème les cardons à la fin d’Avril, ou en Mai, sur couche, ou en plaine terre. On les transplante dans des trous terrotés à trois pieds l’un de l’autre. On les arrose souvent, & on leur donne deux ou trois labours par an. Quand ils sont hauts, on les lie avec de la paille, & on les butte à un pied de terre, pour les soutenir. On les fait ensuite blanchir. On peut les transporter en motte dans la serre, en les replantant dans une terre rapportée. Il y a des cardons de Tours & des cardons d’Espagne.

Cardon est aussi une espèce de crevette ou chrevette qui ne rougit point à la cuisson comme la crevette franche.

☞ CARDOUE. Ville d’Espagne dans la principauté de Catalogne, avec titre de Duché.

CARDONETTE. s. f. est le nom qu’on donne en Languedoc à la fleur d’une espèce d’artichaut qui croît à la campagne, & qui sert de presure pour cailler le lait. Voyez Artichaut.

CARDOUZILLE. s. f. Petite étoffe de laine sans soie.

CARDUEL. Pays de l’Asie. C’est une partie de la Géorgie propre : il confine avec les Tartares du Daghestan. Ce pays a eu titre de Royaume. Maty.

CARE ou CARRE. s. f. Vieux mot, qui signifioit autrefois visage, car on disoit, il a la câre vieille : il venoit du vieux mot espagnol cara, qui signifioit la même chose. Vultus. On dit même encore acarer & acaration, pour dire, confronter, & confrontation, en plusieurs Provinces, & sur-tout en celles au-delà de la Loire.

Care s’est dit aussi de la taille ou de la mesure qui est entre les deux épaules. Humeri. Cette femme a la care belle.

Care se dit en ce sens, en parlant des habits qui couvrent cette partie du corps, d’un corps-de-jupe, d’un pour-point ; & signifie la coupe & la taille derrière le dos. Il faut retailler la care de ce corps-de-jupe. Tout cela est vieux.

CARE ou CARUS. s. m. Terme de Médecine. C’est une espèce d’affection soporeuse, qui n’est pas si forte que l’apoplexie, mais qui l’est plus que la léthargie. Le care dégénère souvent en aploplexie.

CARÉLIE. Province de Suède dans la Finlande. Carelia. La Carélie est entre le golfe de Finlande, & les Provinces de Nynlande, de Tavasthie, de Savolanie, & de Kexhomie. La capitale de Carélie est Wiborg. Maty.

☞ CARELL, CAREILL, CRAOL ou CRAIL. Petite ville d’Ecosse, dans la province de Fife, sur la côte, fameuse par la bataille qui s’y donna en 874 entre le Ecossois & les Danois.

☞ CARELSCROON ou CARLSCROON. Ville de Suède, dans la Belkingie, sur la côte de la mer Baltique.

☞ CAREMBOULE. Contrée de l’Afrique, dans l’Île de Madagascar, dont elle est la Province la plus méridionale.

CARÊME. s. m. Quadragésime ; temps de pénitence pendant lequel on jeûne quarante jours pour se préparer à célébrer la Fête de Pâque. Quadragesima, quadraginta dierum jejunium. Anciennement dans l’Eglise Latine le Carême n’étoit que de trente-six jours, & ne commençoit qu’au Dimanche de la sixième semaine avant Pâque, qu’on appelle Quadragésime. Dans le IXe siècle, pour imiter plus précisément le jeûne de quarante jours que Jésus-Crhsit souffrit au désert, quelques-uns ajoutèrent quatre jours avant la Quadragésime, & cet usage a été suivi dans l’Occident ; car en ôtant les six Dimanches où l’on ne jeûne point, il reste précisément quarante jours de jeûne, à l’imitation de Jésus-Christ. Il en faut excepter l’Eglise de Milan, qui ne commence le Carême que le Dimanche de la Quadragésime.

Le Carême a été institué par les Apôtres S. Jérôme, dans son Epître à Marcella, & S. Léon, au Sermon sixième de Quadragesima, le disent expressément ; & la Règle de S. Augustin, Ep. 118, ad Januarium, & Lib. 4 de Bapt. cap. 24, a lieu en cette matière. Tout ce que l’on trouve établi généralement dans toute l’Eglise, sans en avoir l’institution dans aucun Concile, doit passer pour un établissement fait par les Apôtres. Or tel est le jeûne du Carême. On n’en trouve l’institution dans aucun Concile. Au contraire, le I Concile de Nicée, can. 5 ; celui de Laodicée, can. 49, & suivant ; le VIe Concile, can. 29, & en Occident le I d’Orléans, can. 11 ; le IVe de la même ville, can. 2 ; celui d’Agde, can. 8 ; celui d’Auxerre, can. 3, le VIIIe de Tolede, can. 9 ; le IIe de Brague, can. 9, parlent du Carême comme d’une chose générale & très-ancienne, aussi-bien que tous les Peres Grecs & Latins. Tertullien, qui vivoit sur la fin du IIe siècle & au commencement du IIIe, dans son Livre De Jejuniis, cap. 2 & 13, semble indiquer non-seulement qu’il y avoit une loi pour le jeûne d’avant Pâque, mais encore qu’elle étoit regardée par ceux même qu’il fait passer pour ennemis du jeûne, comme une institution Apostolique ; & qui plus est, comme une institution Apostolique fondée sur l’Evangile & sur la parole de Jésus-Christ en S. Matthieu IX, 15 ; en S. Marc II, 19 ; & en S. Luc V, 34. Calvin, Chemnitius & les Protestans prétendent que le jeûne du Carême s’est institué d’abord par une espèce de superstition, par des gens simples qui voulurent imiter le jeûne de Jésus-Christ. Ils prouvent ce fait par un mot de S. Irenée, cité par Eusebe Liv. V, ch. 24 ; mais Bellarmin a très-bien montré qu’il ne s’agit point là du jeûne même, mais de quelques circonstances du jeûne. D’autres dirent que ce fut le Pape Télesphore qui l’institua vers le milieu du IIe siècle ; mais Bellarmin répond que S. Ignace, qui vivoit avant ce Pape parle clairement du Carême, dans l’on Epître ad Philippenses ; que ce qui a donné occasion à cette opinion, c’est que Télesphore ordonna l’abstinence de chair pendant sept semaines entières, au lieu que les Laïques ne la gardoient pas pendant sept semaines toutes entières. D’autres conviennent que l’on observoit à la vérité le Carême dans l’Eglise, c’est-à-dire, un jeûne de quarante jours avant Pâque dès le temps des Apôtres ; mais que c’étoit volontairement, & qu’il n’y eut de loi que vers le milieu du IIIe siècle. Ce que nous avons dit de Tertullien paroît détruire ce sentiment. Enfin, il paroît par les Constitutions Apostoliques V, c. 18, que les Chrétiens dès le commencement de l’Eglise ont jeûné par obligation pendant le temps qui précédoit la Pâque. Ce jeûne duroit jusqu’à l’heure de vêpres, c’est-à-dire, jusqu’au soir. Tertullien en parle aussi dans son Traité du jeûne, &C S. Irenée dans Eusebe Liv, V, c. 24, Saint Basile, Orat. 2, de Jejun. Saint Ambroise Serm. 54. Socrate, L. V, c. 21.Cassien, Collat. 21, c. Z7. Saint Léon, de Quadragesimâ, &c. Voyez Bellarm. de bonis Operib. in pattic. L. II, c. 41, 15, 16.

Socrate & Sozomene disent, le premier, L. V, c. 22 ; l’autre, L. VII, c. 19, que le jeûne du Carême étoit de six semaines avant Pâque, en Illyrie, en Grèce, à Alexandrie, dans toute l’Egypte, dans l’Afrique & la Palestine ; mais qu’à Constantinople & dans toutes les Provinces d’alentour, jusqu’en Phénicie, on commençoit le Carême sept semaines avant Pâque, que de ces six ou sept semaines quelques-uns n’en jeûnoient que trois par intervalles, & cinq jours seulement chaque semaine. Quelques-uns, ajoutent ils, jeûnoient trois semaines de suite comme à Rome, excepté le Samedi & le Dimanche. Socrate se trompe en ceci ; car on jeûnoit à Rome le Samedi toute l’année : mais un Grec a pû l’ignorer, & prendre l’usage de quelque autre Eglise pour celui de Rome. Par-tout on nommoit également ce temps Carême, ou Quarantaine.

Les Grecs commencent l’abstinence après le Dimanche que nous nommons de la Sexagésime, & qu’ils appellent Απόκρεως, c’est-à-dire, selon M. l’Abbé Fleury, Dimanche gras, ou plutot, Carême prenant ; car ό Απόκρεας signifie proprement, sévrement de chair, privation de chair, carniprivium, comme quelques-uns traduisent. Du reste, les Grecs commencent le Lundi qui suit ce Dimanche à ne point manger de chair, & toute cette semaine-là ils ne mangent que du laitage & des œufs, mais sans jeûne encore ; de-là vient qu’ils appellent le Dimanche suivant, qui est celui de la Quinquagésime, Τῆς Τυροφάγου. Le Lundi suivant ils entrent en Carême, & commencent le jeûne & l’entière abstinence, non-seulement d’œufs & de laitage, mais de poisson & d’huile. Néanmoins s’ils commencent plutôt que nous, ils ne jeûnent point les Samedis comme nous. L’Abbé Théonas étant venu voir Cassien & Germain, celui-ci demanda pourquoi le Carême n’étoit que de six semaines, ou de sept, en quelque pays, puisque ni l’un ni l’autre nombre ne font quarante Jours, en ôtant le Samedi & le Dimanche, où l’on ne jeûnoit point, mais seulement trente-six jours ? Théonas répondit : ces trente-six jours font la dixme de toute l’année, qui est de 365 jours ; & ce qui fait la diversité, c’est que ceux qui ne jeûnent que six semaines, jeûnent le Samedi. On n’a pas laissé de nommer tout ce temps Carême, ou quarantaine, peut-être à cause des quarante jours de jeûne de Moyse, d’Elie & de Jesus-Christ. Les parfaits ne s’astreignent pas à des bornes si étroites, & cette loi du Carême n’a été introduite qu’en faveur des foibles ; afin qu’ils donnassent à Dieu au moins la dixme de l’année. On voit ici combien Cassien, & ceux dont il rapporte les discours, croient persuadés de l’antiquité & de l’utilité du Carême. Fleury.

Les anciens Moines Latins faisoient trois Carêmes ; le grand avant Pâque, l’autre, avant Noël, qu’on appeloit de la Saint Martin ; & l’autre de Saint Jean-Baptiste, après la Pentecôte, tous trois de quarante jours. Les Grecs en observoient quatre autres outre celui de Pâques ; savoir ceux des Apôtres, de l’Assomption, de Noël, & de la Transfiguration ; mais ils les réduisoient à sept jours chacun. Les Jacobites en font un cinquième, qu’ils appellent de la pénitence de Ninive. Les Chaldéens & les Nestoriens de même. Les Maronites en font six, y ajoutant celui de l’Exaltation de la Sainte Croix. Une Relation imprimée en 1688, dit cependant que les Chrétiens du mont Liban, qui sont les Maronites, n’en font que quatre ; que durant le grand, qui est celui qui précède la Fête de Pâques, ils ne mangent qu’une fois le jour ; que la plupart font scrupule d’y manger du poisson, ni autre chose qui ait eu vie ; que les femmes grosses, ni les enfans qui ont l’usage de la raison, n’en sont que rarement dispensés. Les Jacobites anticipoient le Carême de deux semaines, & en jeûnoient huit avant la Semaine-Sainte. Voyez le P. le Quien dans une Préface sur une Lettre de saint Jean Damascène. Les Arméniens en font huit de différente durée.

Le Carême est bas, quand il commence les premiers jours dé Février ; & il est haut, quand il commence en Mars. La Mi-Carême est le Jeudi qui est au milieu du Carême. Faire le Carême, c’est observer les régles du jeûne ; ne faire usage que des alimens que l’Eglise permet pendant le Carême. Rompre le Carême, c’est y contrevenir. manger gras. On appelle fruits de Carême, les fruits secs & réservés pour le Carême, comme raisins, figues, pruneaux, brugnoles, &c. Viandes de Carême, le poisson & tous les autres mets, à la réserve de la chair.

Le VIIIe Concile de Toléde, canon 9, dit : Ceux qui sans une évidente nécessité auront mangé de la chair pendant le Carême, n’en mangeront point pendant toute l’année, & ne communieront point à Pâque. Ceux que le grand âge ou une maladie oblige d’en manger ne le feront que par permission de l’Evêque. Aujourd’hui on s’adresse plus communément en France au Curé, qui ne la donne que sur une attestation d’un Médecin.

Le Pape Nicolas, dans sa Réponse aux Consultations des Bulgares, ch. 4, dit qu’on doit s’abstenir de chair tous les jours de jeûne, qui sont le Carême avant Pâque, le jeûne d’après la Pentecôte, celui d’avant l’Assomption de la sainte Vierge, & celui d’avant Noël. Tous ces jeûnes étoient de quarante jours, au moins les trois d’avant Pâques, d’après la Pentecôte & d’avant Noël, comme portent expressément les Capitulaires Liv. VI, ch. 187 ; mais les autres n’étoient pas de la même obligation que notre Carême. Fleury. Voyez au mot Avent ce que nous avons dit du Carême, ou jeûne d’avant Noël. L’article 187 du Livre VI des Capitulaires ne prouve rien ; il dit seulement que les Prêtres doivent annoncer le jour de Pâque, celui de la Pentecôte, le jeûne, la Messe, le Baptême. Est-ce là porter, je ne dis pas expressément, mais en aucune manière, que tous ces jeûnes étoient de quarante jours.

S. Rathier, Evêque de Vérone au Xe siécle, dans un Sermon sur le Carême, blâme ceux qui passent alternativement un jour sans manger, & un sans jeûner ; & ceux qui jeûnant tous les jours jusqu’au soir, se donnoient sa liberté de manger la nuit avec excès ; aussi-bien que ceux qui mangeant avant None, qui étoit l’heure prescrite, croyoient jeûner, pourvu qu’ils ne fissent qu’un repas. Fleury.

Ce mot vient de quadragesima. Nicot. Et il est très-ancien. On le trouve dans le Concile de Nicée ; car Τεσσαραϰόση (Tessarakosê) en grec est la même chose que Carême, ou quadragésime.

On appelle aussi Carême, le Recueil des Sermons qu’a fait un Prédicateur pendant un carême. Collectaneœ Conciones sacrœ per quadragesimam habitœ vel habendœ. Parmi les Sermonaires, il y en a quantité qui ont fait des Carêmes & des Avents. Le Carême du P. Bourdaloue est admirable.

On dit proverbialement, qu’un homme nous a prêché sept ans pour un Carême ; pour dire, qu’il nous a souvent enseigné, rebattu la même chose. On dit, que pour trouver le Carême court, il faut faire une dette payable à Pâques. On dit aussi, qu’on nous donne le Carême bien haut, quand on nous promet quelque chose qui ne viendra de long-temps.

On dit aussi figurément qu’on met le Carême bien haut, pour dire qu’on exige des choses trop difficiles. Acad. Fr. On dit aussi, que cela vient comme Mars en Carême ; fort à propos, ou bien qu’une chose revient au même temps tous les ans. On dit aussi, qu’un homme a jeûné le Carême, quand on lui veut reprocher qu’il est bien maigre, ou bien pâle.

Plus défait & plus blême,
Que n’est un pénitent à la fin du Carême, Boil.

Les Turcs ont aussi leur Carême, qu’ils appellent Ramazan ou Ramadan. Voyez ce mot.

CARÊME-PRENANT, s. m. On appelle ainsi le jour du Mardi qui précède le Carême, & quelquefois tous les trois jours gras qui précèdent le Mercredi des Cendres. Geniales ante quadragenarium jejunium dies. On disoit autrefois carême-entrant. Les Gascons disent Carmentran ; & dans la basse latinité on a dit Carmentranus. Du Cange. On a aussi appelé carniprivium, le Carême ; & carnivora le Mardi gras, à cause que ce jour-là on consume tout ce qui reste de chair ; & carnicapium, en espagnol Carnes tollendas. Carême-prenant est du style familier.

On appelle aussi des Carêmes-prenans, des gens du peuple qui se masquent de cent façons ridicules, & qui courent les rues. Plebecula larvata.

On dit aussi des personnes mal mises qui mettent des habits extraordinaires, qu’ils sont habillés en vrais Carêmes-prenans. On dit que vous voulez donner votre fille à un Carême-prenant. Mol. Vous voilà fait comme un Carême-prenant.

On dit proverbialement, qu’il faut faire son Carême-prenant avec sa femme, & Pâques avec son Curé. On dit aussi populairement, tout est de Carême-prenant : pour excuser certaines libertés que l’on croit plus permises ce jour-là.

CARENAGE, s. m. & par corruption, CRAN, & CRANAGE. C’est un endroit sur le bord de la mer, commode pour donner carène aux vaisseaux. Locus carinandis navibus, reficiendœ navi, idoneus.

Carenage se dit aussi de l’action de caréner un vaisseau, ou de l’effet de cette action.

CARENCE, s. f. Défaut, terme de pratique, qui se trouve dans l’Ordonnance des Eaux & Forêts, qui veut que les exploits de carence de biens ou d’insolvabilité, ne soient valables, s’ils ne sont fortifiés de bonnes preuves. Faire un procès verbal de carence de biens. Un procès verbal de carence de biens équipolle à un inventaire, lequel on ne peut pas faire quand il n’y a rien à inventorier. On fait un procès verbal de carence de biens pour n’être point soupçonné de recelé. ☞ Exploit, procès-verbal de carence, par lesquels on constate qu’on n’a trouvé aucun effet à inventorier.

Ce mot vient du Latin carentia.

CARÈNE, s. f. Terme de Marine. C’est la quille d’un vaisseau, qui est une longue & grosse pièce de bois, ou plusieurs mises bout à bout l’une de l’autre de proue en poupe, pour servir de fondement au navire, & sur laquelle se fait l’assemblage. Trabs.

Ce mot vient du Latin carina.

Carène, se prend encore en termes de Marine, pour la partie du vaisseau qui est depuis la quille jusqu’à la ligne de l’eau. Carina, imus alveus. C’est le creux du vaisseau, ou le fond de cale, ☞ toute la partie du vaisseau qui est sous l’eau quand il est en état de faire voile ; on la nomme aussi œuvres vives.

Carène, signifie aussi le radoub d’un vaisseau ou des parties basses d’un vaisseau. On dit en ce sens, Donner la carène à un vaisseau, mettre un vaisseau en carène. On dit donner carène, quand on met le navire sur le côté pour le calfater, pour fermer les voies d’eau, pour lui donner le suif, pour le radouber dans ses œuvres vives. Les vaisseaux de guerre reçoivent la carène, ou les œuvres de marée de trois en trois ans.

Carène (Demi), se dit, lors qu’en voulant caréner un vaisseau, on ne peut travailler que sur la moitié de son fond par dehors, & qu’on ne peut aller jusqu’à la quille. Carène entière se dit lors qu’on peut travailler sur tout le fond jusqu’à la quille.

CARÈNE, s. f. En fait de coquillages, est le fond d’une coquille, tel que celui de l’Arche de Noé, ou du Nautille.

CARÉNER, v. a. Donner carène au vaisseau, le mettre sur le côté ; l’appuyer sur le ponton, afin qu’il présente aux Calfateurs la partie qui a besoin d’être carénée, en lui donnant radoub, ou le suif. Carinare, navem reficere. On dit autrement, le mettre à cran, par corruption de carène.

Caréné, ée, part. passif. Vieux vaisseau caréné.

CARENTAN, s. m. Carentonium. Ville de France dans la basse Normandie au Confluent de la Douvre & du Carentey, ou Carentan, qui lui a donné son nom.

CARESSANT, ANTE, adj. Qui a coutume de caresser. Blandus. Vous n’êtes ni trop caressante, ni trop flatteuse. Le Ch. de M. Remarquez dans Térence un vieillard avare & rébarbatif, qui s’avise tout d’un coup de devenir caressant & libéral. P. le Boss. Les petits chiens sont des animaux fort caressans.

CARESSE, s. f. Démonstration d’amitié, ou de bienveillance, qu’on fait à quelqu’un par un accueil gracieux, par quelque parole obligeante, par ses actions ou par ses discours. Blanditiœ, amoris significatio. Il se dit des hommes, & de quelques animaux. Ce Prince a fait bien des caresses à cet Envoyé. Les caresses des femmes sont trompeuses. Les chiens font des caresses à leurs maîtres. Remarquez le rire forcé, & les caresses contrefaites d’un Courtisan. La Bruy.

Je vous vois accabler un homme de caresses. Mol.

On dit figurément qu’il ne faut pas se fier aux caresses de la fortune.

CARESSER, v. a. Faire des caresses. Blanditiis lenire, permulcere. La foiblesse de l’homme c’est d’aimer qu’on le caresse. On dit aussi caresser un cheval, un chien.

Quel avantage a-t-on qu’un homme vous caresse,
Lorsqu’au premier faquin il court en faire autant ?

Molière.

Le P. Bouhours remarque que faire des caresses, ne se dit guère que sérieusement, & ne signifie que traiter les gens d’un air qui marque qu’on les aime, ou qu’on les estime, & que caresser se dit plus en badinant & au regard des enfans, à qui on fait de petites amitiés. Il faut nous flatter & nous caresser comme des enfans, pour nous tenir en bonne humeur. Essais de Mor. Le Roi lui fit beaucoup de caresses, (Artabaze) à cause de l’amitié qu’il avoit eue avec le Roi Philippe son frère. Vaug. Voyez le II. Tome des Remarques du P. Bouhours sur la Langue Françoise, p. 423. in-12.

Caresser le nu, chez les Peintres, c’est travailler, jeter les draperies de manière à faire appercevoir le nu, de manière qu’elles indiquent le nu aux principaux attachemens. Voyez Nu & Draperie.

Caressé, ée. part. Blanditiis lenitus, devinctus. Tous ces mots viennent du latin carus.

CAREFOUR. Voyez CARREFOUR.

CARET. Voyez CARRET.

CARFOU. s. m. Receptus. Vieux mot qui signifie, selon Pasquier, la retraite qu’on sonnoit le soir : il croit qu’on disoit carfou pour couvre-feu. Borel estime que carfou a été formé de garde-fou, & que le carfou étoit le signal qui avertissoit les voleurs & les bandits de se retirer, de crainte d’être pris par le Guet, qui commençoit à marcher lorqu’on sonnoit le carfou. En Languedoc on appelle ce signal le Chasse-Ribaud, ce qui veut dire à peu-près la même chose.

CARGADOR. s. m. On nomme ainsi à Amsterdam des espèces de Courriers, qui ne se mêlent que de chercher du fret pour les navires qui sont en chargement, ou d’avertir les Marchands qui ont des marchandises à voiturer par mer, des vaisseaux qui sont prêts à partir, & pour quels lieux ils sont destinés.

CARGAISON. s. f. Terme de Marine. C’est la charge d’un vaisseau, qu’on appelle aussi chargement ; & le temps propre pour charger les navires. Navis onus. C’est aussi la facture des marchandises chargées dans le vaisseau. La cargaison de ce vaisseau est de telle & telle marchandises. Ce mois-ci est le temps de la cargaison des vins, des morues. Cargaison se prend encore pour l’action de charger. Pendant toute cette cargaison, il a toujours été sur notre bord.

CARGAMON. s. m. Sorte d’épicerie très-rare, & très-précieuse, qui ne croît que dans les terres de Visapour, Royaume des Indes orientales.

CARGIÉ. Vieux mot. Chargé. Poës. du Roi de Nav.

CARGUE. s. f. Terme de Marine. C’est toute sorte de manœuvre qui sert àapprocher les voiles près des vergues pour les trousser, les relever. ☞ Funes colligendis velis apti. Comme on appelle ainsi en général toutes les manœuvre courantes, elles prennent un nom particulier de la partie des voiles à laquelle elles sont appliquées pour les relever contre les vergues ou pour les carguer. Ainsi on dit cargues-point, cargues-boulines, &c.

Les cargues-point, ou tailles-point, sont des cordes amarées aux points, ou aux angles d’enbas de la voile pour la retrousser. Les cargues-fond, ou tailles de fond, sont des cordes qui sont amarées au milieu du bas de la voile, pour la retrousser par le milieu.

Il y a aussi les cargeus d’artimon ; & quand on parle de ces sortes de cargues, on dit les cargues du vent, & les cargues dessous le vent. Les unes sont du côté que le vent vient, & les autres du côté opposé.

Cargues a vue sont une petite manœuvre passée dans une poulie sous la grande hune, & qui est frappée à la relingue de sa voile, pour la lever lorsqu’on veut voir par-dessous. Cette manœuvre n’est d’usage que dans de certains vaisseaux.

Cargues-boulines sont les cordes amarrées au milieu des côtés de la voile, pour trousser ou carguer la voile par les côtés. On les appelle autrement contre-fanons. Lorsqu’on trousse, ou qu’on racourcit les voiles par en haut, cela s’appelle rider.

CARGUE-BAS. s. m. Voyez Cale-bas.

CARGUER. v. a. Terme de Marine. C’est trousser la voile, & l’accourcir par le moyen des cordes appelées cargues, qui la levent en haut jusqu’à la moitié & au tiers du mât. Colligere velum. On dit autrement, bourcer la voile.

Carguer signifie aussi pencher d’un côté en navigant. Carguer à stribord, carguer de l’arrière, carguer de l’avant.

CARGUERAS, ou CALE-BAS, est un cordage qui sert à élever les pacfis, ou grandes voiles.

CARGUEUR. Terme de Marine. C’est une poulie qui sert à amener & à guinder le perroquet. On le met tantôt au tenon du perroquet, & tantôt à son choquet, ou à ses pates.

☞ CARHAIX. Ville de France en Bretagne, sur une petite rivière, à dix lieues de Quimper.

CARIA. Bourg de Portugal. Caria. Il est dans le Diocèse de Lamego.

CARIAGE. s. m. Terme populaire, qui ne se dit qu’en cette phrase proverbiale, tout le cariage ; pour dire, toute une famille, tout un ménage de pauvres gens, comme si tout pouvoit tenir dans une charrette, ou cariole. Impedimenta, sarcinæ.

Ce mot vient de carragium, qu’on a dit pour carrago, & qui se trouve dans Trébellius Pollio, pour signifier le charroi d’une armée. Menage. Du Cange témoigne qu’on a dit caragium dans le même sens en la basse latinité.

CARIATE. Voyez Caryate.

CARIATHAIM. Ville de la Terre-Sainte, située à l’orient du Jourdain dans la tribu de Ruben. Ce nom hebreu vient de קרית, Kariath, qui signifie Ville. Il est au nombre duel, peut-être parce que la ville étoit double, ou divisée en deux.

Il y a encore une autre Cariathaim dans la Tribu de Nephtali, vers l’occident, qui étoit une ville Lévitique & de régue. Il en est parlé I. Parel. VI, 76. Josué l’appelle Cartan, C. XXI, 32.

CARIATHARBÉ. Nom de ville qui signifie la Ville des Quatre, selon quelques-uns, qui veulent qu’elle ait été ainsi nommée, parce que quatre grands Patriarches, Adam, Abraham, Isaac & Jacob, y avoient été enterrés ; c’est une erreur. Adam ne vécut point dans la Palestine, quoi qu’en disent les Rabbins, & ceux qui y placent le Paradis terrestre. Il est bien plus probable que ארבע, Arbe, ou Arbrea, est le nom du fondateur de la ville, קרית ארבע, c’est la ville d’Arbé. Du reste, voyez Hébron, c’est la même ville, qui avoit aussi ce nom.

CARIATH-BAAL, c’est-à-dire, ville de Baal, plus connue sous le nom de Cariathiarim, qui va suivre.

CARIATHIARIM. קרית יערם, qui se prononce en hébreu Kariath Jearim, & qui signifie Ville des Bois, ou des Forêts, est le nom d’une ville de la Terre-Sainte, nommée autrement Baala, ou Cariath-Baal. Elle avoit été possédée d’abord par les Gabaonites : elle fut donnée ensuite à la Tribu de Juda ; & je ne sais pourquoi le P. Lubin dit qu’elle tomba en partage à celle de Dan. Elle étoit sur les confins des Tribus de Benjamin, de Dan & de Juda.

CARIATHSENNA. Voyez DABIR.

CARIATHSEPHER. Ville des lettres, ou des livres de קרית, Kariath, ספר, Sepher. Voyez Dabir.

☞ CARIATI. Ville d’Italie au Royaume de Naples, dans la Calabre citérieure, avec un Evêché suffragant de Sainte-Severine.

☞ A deux milles de cette ville il y en a une autre sur le bord de la mer, peu considérable, qu’on appelle Cariati-Vechia, pour la distinguer de la première, qu’on appelle Cariati-Nuova.

CARIATIDE. Voyez CARYATIDE.

CARIBE. Voyez CARAIBE. Il est plus usité.

CARIBOU. s. m. Animal sauvage de Canada. Cervus Canadensis. C’est une espèce de cerf qui habite le nord de l’Amérique. Le Caribou est extrêmement léger. Il a des ongles plats, fort larges, & garnis d’un poil rude entre-deux, qui l’empêchent d’enfoncer dans la neige, sur laquelle il court presqu’aussi vîte que sur la terre. Il habite les savannes ou forêts ; & quand elles sont épaisses, il s’y fait des routes comme la plupart des animaux, qui habitent le fort des bois, & il les suit ordinairement. Le Caribou des savannes épaisses a les cornes fort petites ; celui des savannes claires les a fort grandes.

Il y a des Cariboux à l’Île S. Jean. C’est une espèce d’orignacs ; ils n’ont pas le bois si fort, le poil en est plus fourni & plus long, & presque tout blanc. Ils sont excellens à manger, la chair en est plus blanche que celle d’orignac. Cette bête a la cervelle partagée en deux par une toile, qui fait comme deux cervelles. Denys. P. I, c. 8.

☞ CARICATURE. s. f. Terme de Peinture, emprunté de l’italien caricatura. Il est synonyme au mot charge en Peinture. Voyez ce mot. Le burlesque en Peinture, comme en Poësie, est une espèce de libertinage d’imagination, qu’il ne faut se permettre tout au plus que par délassement.

CARICUM. s. m. Remède cathérétique qui déterge les ulcères solides, & consule les chairs superflues. Κάρεϰον (Karekon). Il est préparé avec l’hellébore noir, la sandaraque, la batiture de cuivre, le plomb lavé, le soufre, l’orpin & les cantharides, que l’on mêle ensemble, & qu’on réduit en forme liquide avec de l’huile de cèdre. On y ajoute quelquefois du pied de veau en décoction, en suc ou en poudre, avec du miel. Ce même remède en poudre, est composé des mêmes ingrédiens : mais on en retranche l’huile de cèdre & le miel. On n’y emploie souvent que l’hellébore noir & la sandaraque. Hippocrate est l’inventeur de cette composition médicinale, & il en donne la préparation dans son livre, Des Ulcères.

CARIE. s. f. Maladie des os & des dents, qui les corrompt & qui les corrode. C’est une solution de continuité dans les os, provenant d’érosion. Caries. ☞ La carie produit dans les parties dures & osseuses du corps le même effet que la gangrene, ou la mortification sur les parties molles ou charnues. Cette pourriture, causée par une matière âcre & corrosive qui attaque l’os, est très-difficile à guérir. Il faut souvent en détruire la cause, avant que d’employer les remèdes locaux pour procurer l’exfoliation des os cariés, quand elle est produite, par exemple, par un virus vénérien, scorbutique, écrouelleux, &c.

Ce mot vient du latin caries.

Carie. Ancien Pays de l’Asie mineure. Caria. La Carie étoit entre la Lycie & l’Ionie. Elle étoit bornée au nord par le Méandre, à l’occident par la mer Icarienne & la mer appelée anciennement Myrtoum mare, aujourd’hui mer de Mandria : ce sont deux parties de l’Archipel : elle avoit au midi la mer de Rhodes, & au levant la Licie & quelques autres nations. Ce sont les bornes que Strabon lui donne. Elle comprenoit la Dorie, & selon le même Auteur, une grande partie du mont Taurus. La métropole ou la capitale de Carie étoit Halicarnasse.

Quelques-uns disent que ce nom vient de Cares, Roi de ce pays, qui fut l’inventeur des augures. Mais Vochard, L. I. Chanaan, c. 7, prétend qu’il vient de l’hébreu כר, car, qui signifie un bélier, un agneau, & qu’il fut donné à ce pays, parce qu’il étoit fertile en moutons & en pâturages pour les brebis. כר, signifie aussi pâturage dans Isaie XXX, 25, XXXIV, 6. Ce pays s’appelle aujourd’hui Aidinelli.

Carie, Ville. Voyez Carye.

CARIEN, ENNE, qui est de la Carie, natif de Carie, habitant de Carie. Les Cariens, en latin, Cares, étoient des gens de guerre ; de sorte que les armes des Cariens, arma Carica, une cuirasse de Carien, lorica Carica, avoient passé en proverbe. Cependant parce qu’ils se louoient pour faire la guerre, on n’en faisoit pas cas, on les exposoit au premier choc, comme gens qu’on ne se mettoit pas en peine de ménager. Et de-là, beaucoup de proverbes, qui marquoient le mépris qu’on faisoit d’eux. Faire épreuve sur un Carien, vin carien, boue de Carie, sacrifice carien, &c. qui se trouvent dans les anciens, & qu’Erasme & d’autres ont expliqués au mot Κάρϐαι (Karbai). Toutefois les Cariens ne manquèrent pas de gens d’esprit & de mérite : Hérodote & Thalès, l’un pere de l’Histoire, & l’autre de l’Astronomie, étoient Cariens. La fameuse Artémise étoit femme de Mausole, Roi des Cariens. Ces peuples sont aussi appelés Carbes, Carbæ, Κὰρϐαι (Karbai).

CARIER. v. a. Corrompre, pourrir. On le dit particulièrement des os & des blés. Cariem inducere, cariosum efficere. Cet ulcère lui a carié l’os de la jambe. Les pluies ont carié les blés. On appelle aussi du bois carié, du bois qui est piqué de vers, & qui se pourrit. On dit aussi se carier, en parlant des os, des dents, des blés, du bois, qui se pourrissent. Cariem contrahere.

Carié, ée. part. & adj. Cariosus.

Ces mots se tirent du latin caries, qui signifie vermoulure, pourriture.

CARIGNAN. Petite ville de Piémont, avec titre de Principauté. Elle est sur le Pô, à trois lieues de Turin. Cariniacum.

☞ CARIGOURIQUAS. (La Martiniere retranche les deux premières syllabes, & lit : GOURIQUAS.) Peuple d’Afrique, dans la Cafrerie, aux environs du cap de Bonne-Espérance.

CARILLON ou CARRILLON. s. m. son de cloche avec une espèce de cadence & de mesure qui se fait en témoignage de réjouissance aux jours des fêtes de l’Eglise, ou de quelque joie publique. Numerosus & modulatus æris campani sonitus.

Le jour que naquit Chastillon,
On sonna double carillon
Par tous les clochers de Cythère. Voit.

On appelle aussi carillon, un bon nombre de petits timbres de différentes grosseurs, ou de petites cloches qu’on fait sonner avec un bouton de fer, ou avec un clavier, soit qu’on le touche à la min, soit qu’il se meuve par machine avec un tambour. Le carillon de la Samaritaine. Les carillons de Flandres sont composés de trente ou quarante timbres qui font les mêmes tons, degrés & intervalles de musique, que les tuyaux des orgues ; aussi les fait-on sonner en frapant sur les touches d’un gros clavier, & on en fait d’agréables concerts. Autrefois le carillon étoit la même chose que le tocsin ; car on sonnoit dans les réjouissances, de même que dans les alarmes : d’où vient que quelques Auteurs appellent le carillon, pulsatio terroris.

Carillon, se dit aussi de l’horloge qui sonne différens aires.

Carillon, se dit aussi figurément & familièrement, pour crierie, grand bruit, tapage. Clamor immodicus, vociferatio. Quand ce mari va au cabaret, sa femme fait un beau carillon.

Carillon des verres, se dit par métaphore dans la débauche, en style familier, bachique, en parlant du bruit que font les verres, lorsqu’on les choque.

On dit proverbialement, qu’un homme a été battu, fouetté, étrillé à double carillon ; pour dire, fortement & outrageusement.

On appelle fer de carillon, un petit fer qui n’a que 8 à 9 lignes en carré.

CARILLONNEMENT. s. m. L’action de carillonner. Il ne se dit point.

☞ CARILLONNER ou CARRILLONNER. v. n. & non pas actif, comme le disent les Vocabulistes. Campanam argutè & numerosè pulsare. Il y a des Eglises où l’on carillonne souvent ; on a carillonné toute la journée à la paroisse.

Ce mot vient de quadrillonnar, qui a été fait de quadrilla, mot espagnol, qui signifie un petit escardon, diminutif de quadra, à cause que les carillons se font d’ordinaire avec quatre cloches. Mén.

CARILLONNEUR ou CARRILLONNEUR. s. m. Celui qui carillonne. Qui œs campanum argutè ac numerosè pulsat.

Carillonneur, qui fait tapage, qui fait carillon. De toutes les Universités Protestantes, je n’en connois point où les Etudians soient moins débauchés & moins carillonneurs qu’à Leyde. Le B. de Pollnitz.

☞ CARIN, KARIN, ou CORI. Petite ville de la Dalmatie, sur le canal de Novogrod.

Carin ou Quars. Petite ville d’Asie, en Syrie, sur la rivière qui coule à Alep, entre Alep & Samosate.

CARIN-CURINI. s. m. C’est un arbrisseau des Indes qui porte des fleurs en casque, d’un bleu verdâtre, en épics, & dont le fruit est partagé en deux cellules dans chacune desquelles est une semence plate, arrondie, & terminée en pointe comme un cœur. Lorsque cette semence est mûre, elle est jaunâtre ou d’un rouge pâle, raboteuse, sur-tout quand elle est sèche, & tout-à-fait insipide. La décoction de ses feuilles & de sa racine brise le calcul ; leur décoction guérit la dysurie, & leur infusion dans l’eau chaude, appaise la toux & les douleurs du calcul. Dict. de James.

CARINE. s. f. Terme d’Histoire ancienne. Carina. Pleureuse, femme qu’on louoit autrefois chez les Romains pour pleurer dans les funérailles. On les nommoit ainsi du nom de la Carie leur pays, d’où on les faisoit venir la plûpart. Cæl. Rhodig. L. XVI, c. 3.

Carine. s. f. Terme de l’ancienne Architecture romaine. Carina. Les Romains appeloient carines les édifices bâtis en forme de navire, comme nous appelons nef, de navis, navire, le milieu des Eglises Gothiques, ou leur grande voûte, parce qu’elle en a la figure. Nous pourrions encore appeler carine, ou nef, toutes celles qui n’ont point de croisée. Et ce nom reste en effet encore à présent à quelques-unes, comme à celle de S. Sulpice de Bourges.

Carine. Terme de Botanique. Les anciens Botanistes donnoient ce nom aux écorces dures & osseuses qui recouvrent les fruits, comme celles des noix. Carinæ putaminum bifidæ. Les deux moitiés d’une coquille de noix. Les modernes donnent maintenant ce nom à une cavité terminée à ses deux extrémités par des angles aigus, représentant à peu près celle d’un navire. Ainsi le pétale inférieur des fleurs légumineuses porte le nom de carine. On désigne par ce nom dans quelques plantes de l’espèce des gramen, ce sillon creusé en angle aigu qui se trouve dans la longueur de leurs feuilles, & ces feuilles ainsi creusées, s’appellent en Botanique carinées, carinatæ. Dict. de James.

☞ CARINOLA. Ville du Royaume de Naples, dans la terre de Labour, avec un Evêché suffragant de Capoue.

CARINTHIE. En allemand Karnten. Province du cercle d’Autriche en Allemagne, qui fait partie de ce qu’on appeloit autrefois la Pannonie, ou selon d’autres de l’ancien Norique. Carinthia ou Carnithia. Elle est bornée au midi par la Carniole & par le Frioul, au couchant par le Tirol, & par l’Archevêché de Saltzbourg ; elle a au nord & au levant la Stirie avec le comté de Cilley. La Carinthie est un pays montagneux, marécageux, & couvert de bois ; il ne laisse pas d’être assez fertile, particulièrement en pâturages. On la divise en haute & basse Carinthie, qui prennent leur nom de leur situation le long de la Drava. La capitale de Carinthie est Clagenfurt. La Carinthie a titre de duché ; elle est sous la domination de la maison d’Autriche depuis 1331. La manière dont on installoit autrefois le Duc de Carinthie est singulière. C’étoit les paysans qui faisoient cette cérémonie, & qui s’étoient acquis cet honneur en mémoire de ce qu’ils avoient été les premiers du pays à recevoir l’Evangile. Voyez le mot suivant.

CARINTHIEN, ENNE. adj. Qui est de Carinthie. Carinthius. Les Carinthiens, disent les Voyages Historiques de l’Europe, T. VI, rendoient autrefois hommage à l’Archiduc d’Autriche en cette manière : le peuple s’assemble dans une vallée proche de la ville de Saint Veit ; un paysan monte sur un marbre couché dans une prairie. Il a une vache noire au côté droit, & une cavalle à gauche. L’Archiduc, habillé en paysan, & tenant une houlette à la main, mais précédé de Gentilshommes richement vétus, s’avance à pied vers cette pierre. Quand il est proche, le paysan demande qui il est ? Le peuple répond, que c’est son nouveau Prince. Le paysan demande, s’il est Juge équitable, s’il cherche le bien du pays, s’il aime la Religion, s’il protège la foi ? Après quoi il dit aux Officiers du Prince : qui pourra me chasser de-là ? Le Maître d’hotel lui ayant promis soixante deniers, les deux bêtes qui sont à ses côtés, les habits que porte le Prince, & exemption de toutes sortes d’impôts pour toute sa vie, il descend de dessus la pierre, touche doucement la joue du Prince & lui recommande la justice. Cela fait, le Prince monte sur la pierre, change sa houlette en une épée nue, promet bonne justice au peuple, va à la grande Eglise, où ayant pris ses plus riches habits, il retourne au même endroit de la prairie, & y reçoit le serment de fidélité des Carinthiens.

CARIOLE, ou plutôt, CARRIOLE. s. f. Petite voiture à deux roues, & néanmoins suspendue sur des moutons, & couverte ordinairement de cuir. Minor rheda. La cariole de Poissi. Cet homme a fait faire une cariole pour aller seul à la campagne.

Cariole se dit encore d’une grande charrette de voiture, où il y a plusieurs bancs, pour asseoir ceux qui veulent venir par cette voiture. Telle est la cariole de Châteauroux. Je suis venu dans la cariole ou par la cariole de Châteauroux. Ailleurs on l’appelle simplement charrette. Ainsi l’on dit la charette de Cosne.

Ce mot vient du latin carrus, dont il est diminutif.

CARIPI. s. m. Espèce de cavalerie chez les Turcs. Les Caripi, au nombre de mille, n’ont pas été nourris dans les serrails, & ne sont point esclaves comme les autres ; mais la plûpart sont Maures ou Chrétiens renégats, qui ont fait le métier d’aventuriers, qui sont pauvres, qui cherchent fortune, & qui par leur adresse & leur courage sont parvenus au rang des gens de cheval de la garde du Prince. Ils marchent avec les Ulufagi à main gauche derrière lui, & ont dix à douze âpres par jour, sans être obligés d’entretenir plus d’un cheval, s’il ne leur plaît. Vigenere.

Caripi signifie pauvre & étranger, & ils sont ainsi appelés, dit Chalcondyle, L. V, parce qu’on les prend de l’Asie, de l’Egypte & de l’Afrique.

☞ CARIPOUS. Peuples de l’Amérique méridionale, au nord du Brésil & de la rivière des Amazones.

☞ CARIQUEUSE. (tumeur) Epithète qu’on donne en Chirurgie à une tumeur qui par sa figure ressemble à une figue sauvage, nommée en latin carica, parce qu’elle croissoit en Carie.

CARIS. s. m. Ragoût que font les Indiens avec du riz, du beurre, des herbes, & quelquefois du poisson ou de la viande, & force poivre.

CARISEL ou CRESEAU. s. m. Grosse toile claire qui sert pour travailler en tapisserie, de même que le canevas. Tela cannabina. On en vend de blancs & de teints.

CARISET. s.m. ou RARESE. Etoffe de laine croisée, qui se fabrique en Angleterre.

CARISIE. s. f. Nom de poire. La carisie est mise au rang des mauvaises poires par la Quintinie.

CARISTADE. s. f. Caritas, eleemosina. Ce mot vient de l’espagnol caridad, qui signifie aumône ; mais il ne se dit qu’en riant. Demander la caristade. Donner la caristade. Il paroît que ce nom vient des provinces méridionales de France.

CARISTIES. s. pl. Caristia. C’étoit une espèce de fête chez les Romains qu’on célébroit au mois de Février à l’honneur de la Déesse Concorde. On institua les Caristies pour rétablir la paix entre les familles qui étoient brouillées. On faisoit un grand repas où l’on n’invitoit point les étrangers, mais seulement les parens & les alliés ; la joie qu’inspire le repas étoit regardée comme un moyen propre à réunir des esprits divisés. On appeloit aussi cette fête dies charæ cognationis. Le jour de la chère parenté. Ovide parle des Caristies dans ses Fastes. Voyez aussi Valère Maxime, L. II, c. i, Rosinus, &c.

Le nom de Caristies vient du grec χαρίσια (charisia), qui est le nom de cette espèce de fête, de χάρις (charis), grace, union, paix. M. Blondel écrit Caristies sans h, suivant l’usage, qui a retranché l’h de quelques mots qui s’écrivent en grec par un