Dictionnaire de Trévoux/6e édition, 1771/Tome 2/911-920

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Fascicules du tome 2
pages 901 à 910

Dictionnaire de Trévoux, 1771
Tome 2, pages 911 à 920

pages 921 à 930


dit bander le cordeau ; tracer le long du cordeau. Cette allée, ce bâtiment, sont tirés au cordeau. Tirer une planche au cordeau, une allée, une rue tirée au cordeau. Des alignemens tirés au cordeau.

Cordeau signifie encore la petite corde avec laquelle on étrangle ceux qui sont condamnés à la potence. Restis, resticula laqueus.

CORDEAUX. s. m. pl. en termes de pêche. Ce sont plusieurs morceaux de lignette, ou médiocre ficelle, qui sont attachés de distance en distance à la corde de la ligne de fond.

Cordeaux, terme de manufacture. Ce sont aussi des espèces de lisières, que l’on fait à certaines étoffes.

CORDÉE. s. f. ficelles de six ou sept brasses ou plus, à laquelle on attache, d’espace en espace, plusieurs petits hameçons avec quelque appât pour prendre des anguilles, &c.

CORDELAT. s. m. étoffe de laine, qui se fabrique à Albi, & aux environs de cette ville de Languedoc.

CORDELE. Voyez Cordelle.

CORDELER, v. a. tortiller quelque chose en forme de corde. Cordeler les cheveux ou autres matières déliées. Torquere.

Cordelé, ér. part. pass. & adj.

Leur longue chevelure en natte cordelée,
Et de tresses d’argent & d’incarnat mêlée,
Leur flottoit sur l’épaule. P. Le Moine.

CORDELETTE. s. f. diminutif de corde. Funiculus. Corde menue.

Cordelette, terme de Conchyliologie. C’est une élévation ronde & étroite, qui règne le long d’une coquille entre les stiles & les cannelures.

CORDELI. adj. terme de verrerie. Epithète que l’on donne au verre, lorsque le four étant un peu froid, il y aura dans le pot une partie du verre qui deviendra plus dure que l’autre, & qu’ayant pris avec la canne, de l’une & de l’autre, on en aura souflé une pièce dans laquelle on appercevra comme de la ficelle, tantôt grosse, tantôt menue. Comme ces traces sont d’une qualité différente du reste de l’ouvrage, elles le feront casser. Encyc.

CORDELIER, s. m. Religieux de l’ordre de S. François, qui est habillé de gros drap gris, avec un petit capuce, une mozette ou chaperon, & un manteau de même étoffe ; qui porte le soc ou sandale, & qui a une ceinture de corde où il y a trois nœuds. Franciscanus cui apud gallos nomen est à fune quo cinctus est. On l’appelle autrement frere mineur. Les Cordeliers sont ainsi appelés à cause de la corde dont ils sont liés : & ce nom leur fut donné à la guerre de S. Louis contre les infidèles, à laquelle les frères mineurs ayant repoussé les barbares, quand le Roi demanda leur nom, on lui répondit que c’étoit des gens de corde liés. Les Cordeliers sont agrégés dans l’université, & reçus docteurs. Ils suivent les sentimens de Scot qui fut parmi eux un grand homme & un subtil docteur.

On dit d’un homme peu scrupuleux, qu’il a la conscience large comme la manche d’un cordelier.

On appelle aussi la haquenée ou la jument des Cordeliers, un bâton sur lequel s’appuient ceux qui voyagent à pié. On dit aussi parler latin devant les Cordeliers ; pour dire, vouloir faire parade de sa science devant ceux qui en sçavent davantage : ce qui repond au proverbe latin. Sus docet minervam. Voyez origine du proverbe françois dans les Heures perdues du Chevalier de Rior, p. 22.

CORDELIÈRE. s. f. Religieuse du même ordre que les Cordeliers, & qui porte une semblable ceinture. Monialis franciscana.

Cordelière, en terme d’Architecture, est un petit ornement taillé en forme de cordes sur les baguettes, ou un petit liteau qui se met sous les patenôtres, Funiculi variis nodis impliciti.

On appelle aussi cordelière, une petite tresse de soie noire avec plusieurs nœuds à la distance d’un pouce, que les femmes portent quelquefois au cou, en place de coller. Funiculi, bombycini.

CORDELIERE, espèce de serge rase qui se fabrique dans quelques endroits de Champagne, particulièrement à Reims ; elles sont en partie laines d’Espagne, & en partie laines françoises.

On appelle aussi Cordelières, en termes de blason, le filet plein de nœuds que les veuves ou les filles mettent en guise de cordon, pour entourer l’écu de leurs armes. Funiculi variis nodis impliciti. La plûpart tiennent que l’origine en vient d’Anne de Bretagne. Cette Reine de France, épouse de Charles VIII, qui commença à régner en 1483, puis de Louis XII, qui lui succéda en 1498, institua une espèce d’ordre en l’honneur des cordes dont notre Seigneur fut lié en sa passion, & pour la dévotion qu’elle avoit à S. François d’Assise, dont elle portoit le cordon. Elle donna à cette ordre le nom de la cordelière, & pour marque un collier fait d’une corde à plusieurs nœuds entrelacés de lacs d’amour dont elle honora les principales dames de sa cour, pour le mettre autour de leurs armes. M. Herman, dans son Histoire des ordres militaires, dit que cette Princesse institua cet ordre après la mort de Charles VIII, & qu’elle prit pour devise : j’ai le corps delié, faisant allusion au mot Cordelier, parce que la mort de son mari l’avoir affranchie du joug du manage ; mais cette cordelière signifioit plutôt un engagement qu’un affranchissement de loix, & Herman a confondu apparemment cette Reine avec Louise de la Tour d’Auvergne, qui, après la mort de Claude de Montaigu son mari, prit pour devise, j’ai le corps delié, P. Hél. T. VIII, c. 68. Anne de Bretagne institua cet ordre à l’imitation de son père François, Duc de Bretagne, qui en mit un pareil alentour de l’écu de ses armes, à cause de la dévotion qu’il avoit à S. François d’Assise. Claude Faucher, dans ses Origines des armes, dit que la cordelière jadis fut comme la marque d’honneur que la Reine Anne de Bretagne donnait à celles qu’elle choisissoit, ainsi que le collier à coquilles jadis donné par le Roi aux Chevaliers de l’ordre de S. Michel. Voyez sur cet ordre vrai ou prétendu, l’Abbé Justin, T. II, C. 89, p. 845, & Favyn, Hist. de Nav. L. X, p. 524. & L. XVIII, p. 1270. Mais Matthieu Compain, Jésuite, dit qu’on en a vu de plus anciennes à Châlons sur des ornemens. Avant les Cordelières, les armoiriers des hommes & des femmes s’entouroient de guirlandes, de feuilles ou de fleurs, comme les images que les grecs & les romains nommoient stemmata. Les religieux les ont entourées de couronnes d’épines, ou de chapelets & de patenôtres ; ce qu’a retenu encore l’ordre de Malte.

Cordelière, (La) nom d’un vaisseau de Louis XII, l’Amiral de sa flotte. Ce vaisseau avoit été bâti par les soins la Reine, qui en avoit fait la dépense. C’étoit un des plus beaux navires qu’on ait jamais vu. En 1252, dans un combat naval contre les Anglois, la Cordelière accrocha le Régent, le plus grand de la flotte angloise, & ils furent tous deux brûlés sans qu’on ait su par où le feu s’y étoit mis.

☞ CORDELLE, CORDEAU, petite corde. Ce mot n’est point d’usage au propre. On dit quelquefois dans un sens figuré, attirer quelqu’un dans la cordelle ; pour dire, dans son parti, dans sa faction. In societatem, in partes suas trahere. Il se dit ordinairement en mauvaise part. Les Ligueurs répandirent un certain nombre de Bourgeois des plus habiles d’entr’eux dans les provinces & les villes principales du Royaume, pour attirer à leur cordelle les Catholiques les plus zélés, & fortifier le parti. Vign. Marv.

Dans nos vieux Poètes cordelle se prend pour toutes sortes de liaisons, & ne signifie pas toujours une société vicieuse. L’amour me tient dans sa cordelle, c’est-à-dite, dans ses liens.

On attire à sa cordelle
La femme la plus fidelle.

Cordelle, terme de Marine, corde de moyenne grosseur avec laquelle on hâle un vaisseau d’un lieu à un autre, ou qui sert à conduire une chaloupe de terre à un navire, lors qu’il est dans le port, ou pour passer d’un côté de la rivière à l’autre. Funiculus nauticus.

CORDER, v. act. faire une corde avec de la filasse, de la soie, &c. Funem torquere, nectere. Il y a des matières qui se cordent bien mieux les unes que les autres.

Corder du bois, signifie mesurer une corde de bois. Desectum caudicem metiri. Le bois tortu ne se corde pas bien, si on ne le sait arranger.

Corder, en termes d’Emballeur, lier avec des cordes. Nectere, connectere, vincire funibus. Il faut corder ces ballots.

Corder du tabac. C’est tordre des feuilles de tabac, & en faire une espèce de corde.

Corder, (Se), (Se) v. récip. se dit, en termes de Jardinage, des raves & de quelques autres racines, quand elles deviennent creuses, & que leurs fibres se durcissent : ce qui arrive lorsque la saison en est passée, & qu’elles commencent à monter en graine. Indurescere, obdurescere. Alors on dit de ces sortes de racines, qu’elles se cordent, qu’elles deviennent cordées, parce qu’en effet il y en a qui se durcissent au dedans, & tout du long, & forment par-là une espèce de corde. Il y en a d’autres qui de charnues, & solides qu’elles étoient, deviennent creuses & filamenteuses, & leurs filamens sont autant de petites cordes, comme les raves, panais, betteraves, &c. Voici le temps que les raves se cordent. La scorsonnère ne se corde jamais. On dit aussi des lamproies qu’elles se cordent, parce qu’il y a un temps où il se forme dans leur corps une espèce de cartilage qui prend depuis la tête jusqu’à la queue, & qui ressemble assez à une corde. Quand elles sont ainsi cordées, il n’y a plus que les pauvres qui en mangent.

CORDÉ, ÉE. part. pass. & adj. Il a la signification de son verbe, en latin comme en françois. Pline appelle une racine cordée, lignosa radix. Liger. En termes de Blason, on dit des arcs à tirer & des instrumens de Musique à cordes, qu’ils sont cordés, quand leurs cordes sont représentées d’un autre émail. Cordis instructus.

En termes de Médecine, cordé se dit d’une maladie vénérienne, appelée chaude-pisse : la chaude-pisse devient cordée par la malignité du virus, qui corrode la partie inférieure de l’urètre. C’est une inflammation & contraction du frænum & de la partie du pénis qui est au dessous, laquelle rend l’érection douloureuse.

CORDERIE. s. f. lieu propre pour faire les cordes, où on fait des cordes, & où on les garde quand elles sont faites. Funium texendorum officina. C’est aussi l’art de les faire.

☞ CORDES. Petite ville de France dans l’Albigeois, sur la petite rivière de l’Aurou.

CORDIA. Nom propre d’une famille de l’ancienne Rome. Cordia gens. La famille Cordia est peu connue. Cicéron est peut-être le seul Auteur qui parle d’un Cordius. Sur les médailles, parmi lesquelles il y en a deux ou trois assez communes, elle a le prénom mv. & le surnom rufus. Dans les médailles de la famille Mutia on trouve cordi. Peut-être que les Cordius n’étoient qu’une branche de Mutius, & que mv signifie Mutius. Car il est certain que la famille Mutia s’étoit divisée en deux branches, donc l’une étoient les Cordus, comme on dit communément, ou plutôt peut-être les Cordius, & l’autre les Scævola.

CORDIAL, ALE. adj. qui réjouit le cœur, qui le fortifie. Cordi utilis, conveniens. Le vin vieux est cordial. Les trois fleurs cordiales sont celles de buglose, de bourrache & de violette. Quelques-uns y ajoutent les œillets & les roses. Les quatre eaux cordiales sont celles de bourrache, de buglose, d’endive, & de chicorée. Quelques-uns ajoutent celles du chardon bénit, de scorsonnère, de morsus diaboli, de scabieuse, d’oseille & d’alleluya. Poudre cordiale. Voyez Poudre.

Cordial se dit figurément de celui qui est sincère, qui est plein d’affection, qui procède du fond du cœur. Ex animo amicus, vere benevolus, cordatus. On ne sauroit trop chérir un ami franc & cordial. Amour cordial. Affection cordiale. Genuinus, sincerus.

Cordial. s. m. terme de Médecine. Remède confortatif qui ranime & fortifie le cœur. Remedium, pharmacum cordi utile. Les cordiaux ont sauvé ce malade, & lui ont aidé à surmonter la malignité du mal.

Cordial se prend aussi au figuré pour un secours, & une consolation contre les afflictions de l’esprit. Præsidium, solatium. Le chagrin & la tristesse me rongent, quand je ne suis point muni de ces secours agréables, qui me servent de cordiaux contre le venin de ces deux cruelles passions. Balz.

CORDIALEMENT. adv. sincèrement, d’une manière affectueuse & cordiale. Sincere, verè, ex animo. C’est un homme qui vous aime cordialement, & du fond du cœur.

CORDIALITÉ. s. m. amitié franche & sincère. Amor verus, non fictus, singularis. Ces deux amis vivent ensemble dans une grande cordialité. Parler, agir avec cordialité.

CORDIER. s. m. celui qui fait ou qui vend de la corde. Restio, restiarius. On dit en raillerie, que les Cordiers gagnent leur vie à reculons.

☞ CORDIFORME, terme de Botanique, cordiformis, qui représente la figure d’un cœur. On dit aussi, figuré en cœur.

CORDILIAS. s. m. est une grosse étoffe de laine qui est une espèce de gros drap ou de bure. Levidensa. Il en vient d’Espagne & de Languedoc.

CORDILLE. s. m. C’est le nom qu’on donne au jeune Thon qui vient de sortir de l’œuf. Limaire & Pelamide sont les autres degrés de grandeur de ce poisson, qui s’appelle cordille quand il vient de naître.

CORDOANIER. s. m. vieux mot qui se disoit pour Cordonnier, à cause du cordouan, espèce de cuir venu de Cordoue en Espagne, dont on fait le dessus des souliers.

CORDON. s. m. petits brins ou fils de chanvre ou de corde, qu’on tortille pour en faire une plus grosse corde. Funiculus, resticula. Cette corde est composée de trois, de quatre cordons.

Cordon se dit aussi quelquefois de ce qui sert à lier ou à entourer quelque chose. Vinculum, cingulum. Des cordons de souliers. Des cordons de bourse. Des cordons de chapeau, de soie, d’or ou d’argent. Le cordon de chapeau est ce qui entoure le chapeau par le bas de la forme en dehors. Des cordons de caleçons. Des cordons à pendre un miroir, des tablettes, des tableaux.

Cordon à la ratière. C’est le nom que l’on donne à la ganse, lorsqu’elle a été travaillée sur un métier avec la navette.

Cordon de chanvre. C’est du chanvre prêt à filer, plié, & comme cordé en gros ou petits paquets.

Cordon signifie aussi quelquefois la lisière d’une étoffe. Ce terme est particulièrement en usage dans les Manufactures de Languedoc, d’Auch, Montauban, Bourdeaux & Roussillon.

Cordon est quelquefois une marque de Chevalerie. On appelle un Cordon bleu, Equitum torquatorum Ordinis Sancti Spiritus vitta Cærulea, celui qui est Chevalier de l’Ordre du S. Esprit, & qui porte un ruban large de cette couleur, au bout duquel pend la croix de l’Ordre. Le Cordon de S. Michel est mêlé de plusieurs coquilles d’émail. Chaque Ordre de Chevalerie a un Cordon différent.

Cordon bleu. Ce mot se dit figurément d’une personne d’un mérite distingué dans une Communauté. Vir insignis, vir celebris. Le Père tel est un Cordon bleu de l’Ordre.

On appelle aussi, en termes de Dévotion, le Cordon S. François, un certain cordon garni de nœuds, que portent les Confrères de la Confrérie instituée à l’honneur de ce Saint. Cingulum Sancti Francisci. Les uns, comme les Cordeliers, les Capucins, les Minimes & les Récollets, portent ce cordon blanc, & les autres, comme les Piquepuces, le portent noir. Cette Confrérie du Cordon S. François a été instituée en mémoire des liens dont Jésus-Christ fut attaché. Elle est composée de plusieurs particuliers qui ne sont pas Religieux. Ces gens, pour gagner des indulgences, sont seulement obligés de dire tous les jours cinq Pater & cinq Ave, Gloria Patri, & de porter le Cordon que tous les Religieux peuvent donner ; mais qui ne peut être béni que par les Supérieurs de l’Ordre de S. François. On dit être du Cordon S. François. Avoir le Cordon. Porter le Cordon. Donner le Cordon. Prendre le Cordon. Les Indulgences du Cordon S. François.

Les Frères du Cordon S. François sont différens du Tiers-Ordre de S. François, n’ont point de règle, mais des statuts, & ne font point de vœux. Ce fut le Pape Sixte V qui institua à Assise la Confrérie du Cordon S. François l’an 1566.

Cordon jaune. Nom de Chevalerie. L’Ordre du Cordon jaune. Les Chevaliers du Cordon jaune. Cet Ordre fut institué par le Duc de Nevers sous le règne d’Henri IV, Roi de France. C’étoit une compagnie de Chevaliers Catholiques & Hérétiques qu’on recevoit néanmoins dans l’Eglise en présence des Curés. Pour cette cérémonie on ptenoit un Dimanche, & après avoir ouï la Messe, on sonnoit une cloche, & tous les Chevalier de l’une & de l’autre Religion s’approchoient de l’autel, & prenoient des places sur des bancs sans garder de rang. Le Général ou celui à qui il en donnoit la commission faisoit un discours à celui qui demandoit le Cordon jaune, touchant l’Ordre qu’il alloit recevoir. Ce discours fini, le Greffier lisoit les statuts, après quoi le Prêtre qui avoit célébré la Messe, ouvroit le livre des Evangiles, & le récipiendaire, un genou en terre & sans épee, mettant les mains dessus promettoit avec serment d’observer les statuts, dont on venoit de lui faire la lecture ; le Général, ou celui à qui il en donnoit la commission, lui mettoit ensuite une épée au côté & le Cordon jaune au cou, puis l’embrassoit. Le Duc de Nevers étoit Général. Les Chevaliers étoient obligés par leurs statuts, de savoir le jeu de la mourre. Il devoit y avoir un fond pour aider les Chevaliers qui seroient dans la nécessité. Il y avoit dans les statuts bien des choses ridicules & indécentes. Henri IV l’abolit en 1606.

Cordon. En matière de blason, les Prélats ont chacun un cordon différent qui accompagne l’écusson de leurs armes, & descend du chapeau qu’ils portent pour cimier. Ce cordon se termine, en se divisant & subdivisant en un nombre de houpes plus ou moins grand, selon leur dignité. Les cardinaux ont un cordon rouge d’où pendent de chaque côté de l’écusson, quinze houpes de même couleur en cinq rangs, en cet ordre : 1, 2, 3, 4, 5. Celui des Archevêques est de sinople, ainsi que les houpes, qui sont au nombre de dix en quatre rangs : 1, 2, 3, 4. Les Evêques l’ont aussi de sinople & n’ont que six houpes en cet ordre : 1, 2 & 3, & les Protonotaires, qui l’ont aussi de sinople, n’ont que trois houpes, 1 & 2.

Cordon, en termes d’Anatomie, se dit de l’ombilic, ou nombril de l’enfant, lorsqu’il est encore dans la matrice. Ce cordon est de la longueur d’une aune ou environ. Il va de l’arrière-faix jusqu’au ventre de l’enfant, & renferme quatre vaisseaux qui sont une veine, deux artères & l’ouraque. Ce cordon sert à fortifier ces vaisseaux, & empêche que l’enfant ne les rompe par les mouvemens qu’il fait. Il fait encore que l’enfant & l’arrière-faix puissent sortir l’un après l’autre. Aussi-tôt que l’enfant est né, on fait une ligature à ce cordon, à deux travers de doigt proche le ventre de l’enfant, & on le coupe au dessus de la ligature. Ensuite la nature forme de ce qui en reste le nœud que nous appelons nombril, tel qu’il est dans l’homme parfait.

Cordon, en termes d’Architecture, est un arrondissement, ou un certain rang de pierres qui avancent & qui marquent les divisions d’une muraille. Corona muri. Le cordon marque où finit la muraille, & où commente le parapet. Les murs de cette place sont élevés jusqu’au cordon.

Cordon, en Charpenterie, est la hauteur de l’enceinte qui est d’environ trois pouces & qui embrasse tout le corps de la galère.

Cordon, en Sculpture, est une moulure ronde en manière de tore, qu’on emploie dans les corniches de dedans, & sur laquelle on taille des fleurs, des feuilles de chêne ou de laurier continues ou par bouquets, ou quelquefois tortillées de ruban. Directio, torus.

En Jardinage, on appelle cordon de gazon, un rond de gazon de certaine largeur qu’on emploie dans les compartimens de parterre de gazon. Orbiculus cespititius. On s’en sert aussi pour faire les bords d’un bassin de fontaine. Les Fleuristes disent aussi le cordon d’une anémone.

Cordon se dit encore de tout ce qui ayant peu de largeur, & quelque étendue en longueur, ou faisant un cercle, ressemble à un filet. Cingulum.

Autour de cet amas de viandes entassées
Regnoit un long cordon d’alouettes pressées. Boil.

On appelle aussi cordon ou filet, ce qui règne sur la circonférence d’une monnoie.

CORDONNER v. a. mettre en forme de cordon, tortiller plusieurs fils ensemble. Filum torquere, contexere. Cordonner ses cheveux. Cordonner de la soie.

CORDONNERIE s. f. l’art de faire des souliers, & le lieu où on les expose en vente, Sutrina, tabernâ sutrina.

CORDONNET, petit cordon de fil délié, qui sert à attacher un rabat ou à coucher sur les broderies pour les relever, & en marquer le dessein. Contextus è filo funiculus. Cordonnet d’or, d’argent, de fil, de soie, &c.

CORDONNIER. s. m. Ouvrier qui fait des chaussures en cuir, souliers, bottes ou pantoufles. Sutor, calcearius. Cordonniere, c’est la femme d’un Cordonnier. François Sforza qui prit Milan, & qui épousa la bâtarde de Philippe Marie, Duc de Milan, avoit été long-temps Cordonnier. Rochefort. Benoît Baudouin, natif d’Amiens, fils de Cordonnier, & Cordonnier lui-même dans la boutique de son père, a fait entre autres ouvrages un Traité de Calceo antiquo & mystico, pour faire honneur à son premier métier, comme il le déclare lui-même. Jean-Baptiste Gallo, Cordonnier à Florence, nous a donné de beaux ouvrages en sa langue, entr’autres des Dialogues à l’imitation de Lucien. De Vign. Marv.

Cordonniers, (Freres) nom d’une Communauté d’artisans Cordonniers. Fratres Calcearii. Les Communautés des Frères Cordonniers & Tailleurs établis en plusieurs villes de France prirent naissance à Paris par le moyen de Michel Buch, Maître Cordonnier, natif du Duché de Luxembourg, au Diocèse de Trêves, & par les conseils & les secours que lui fournit le Baron de Renty, & quelques autres personnes de distinction & de piété. Pendant le temps qu’il travailloit à détruire le compagnonage, dont nous avons parlé en son lieu, M. de Renty & plusieurs autres personnes de piété lui conseillèrent d’établir une sainte société de gens de la profession, qui, en gagnant leur vie du travail de leurs mains, servissent Dieu en observant certaines pratiques de dévotion, qui leur fussent communes. Le Baron de Renty, le jour de la Purification de la Sainte Vierge, l’an 1642, mena Michel Buch, qu’on appeloit le bon Henri, & qu’il avoit fait recevoir Maître Cordonnier, il le mena, dis-je, au Curé de S. Paul, qui, avec son Vicaire, les ayant interrogés, déclara que leur vocation étoit bonne, & que Dieu vouloit être honoré & servi par cette association. Ainsi ce fut ce jour-là que cette société fut résolue & formée. Le Curé de S. Paul leur donna des réglemens. M. de Renty fut déclaré leur protecteur. L’Archevêque de Paris approuva leurs réglemens. P. Hélyot, T. VIII, c. 23.

Ménage dérive ce mot de cordouanier, qui a été fait de cordouan, espèce de cuir qui vient de Cordoue. D’autres tiennent qu’il vient de corde, parce qu’autrefois on faisoit des souliers de corde. On fait encore grand trafic en Espagne & en Amérique de ces sortes de souliers, qu’ils appellent alpargates.

On appelle aussi Cordonniers, les Artisans qui font des cordons de chapeaux. Funiculorum textores.

On dit ordinairement, qu’il n’y a que les Cordonniers de mal chaussés ; pour dire, que ceux qui travaillent bien pour autrui, n’ont pas le temps de travailler pour eux-mêmes.

CORDOUAN. s. m. espèce de cuir qui vient de Cordoue, & dont on fait le dessus des souliers. Caprinum corium. Il se fait de cuir de chèvre passé en tan : ce qui le distingue du maroquin, qui est passé en galle.

Cordouan. adj. qui est de Cordoue, ville Episcopale de l’Andalousie, en Espagne.

Neprendra plus le bourdon pour l’abeille,
Ni les fredons du chantre Cordouan,
Pour les vrais airs du Cygne Mantouan. Re.

Cordouan, Tour à l’embouchure de la Garonne en Gascogne, qui diffère du méridien de Paris de 0° 14′ 27″ occid. ou 3° 36′ 45″. Sa longitude 16° 12′ 45″. Sa latitude, ou élévation du pôle 45° 30′ 10″. Cass.

CORDOUANIER. s. m. celui qui prépare & passe les cuirs nommés Cordouans.

CORDOUE. Corduba. Ville Episcopale d’Andalousie en Espagne, sur le Guadalquivir. Cordoue est une ville fort ancienne, qui fut la patrie des deux Sénèques & de Lucain. Cordoue a été plus de deux cens ans Capitale d’un Royaume des Maures, & le siège de leurs Rois, dont l’on y voit encore l’ancien Palais ; une Mosquée qui passoit pour la plus belle du monde, à la réserve de celle de la Mecque, fait aujourd’hui la Cathédrale de l’Evêque qui est suffragant de Séville. Cordoue fut reprise par ses Chrétiens l’an 1236.

Il y a une petite ville Episcopale du Paraguai, à laquelle on a donné le même nom. Laët, L. XIV, c. 10, la met au 32e degré, 30 min. de latitude méridionale.

Cordoue, forteresse de la Tucumanie, bâtie par Julien Sedenro, sous les ordres de Gomez Zurita, Gouverneur de la Tucumanie, vers le milieu du XVIe siècle. Elle étoit sur les confins des Calchaquins, peuples barbares dont elle arrêtoit les courses. Del Techo, L. I, c. 20, Hist. Parag.

CORDZILER. s. m. garde du Roi de Perse, Custos, Satelles Regis Persarum. Les Maléozogles ayant attaqué & blessé Ismaël Sophi, les Cordzilers, qui étoient autour du Prince, se jetèrent sur eux & les mirent à mort : ces Cordzilers sont les Gardes de Rois de Perse, car ils se servent de trois sortes de gens en leurs armées : de Turcomans, qui sont ceux qui ont des fiefs, & qui doivent servir le Prince quand il les mande, à peu-près comme notre ban & arrière-ban : les seconds sont les Corizzi, Coridjchi, ou Cordzilers, car on leur donne tous ces noms, qui sont stipendiés, & sont la garde du Prince ; les troisièmes sont les Auxiliaires des Provinces. A. Thomas.

Core ou Chore. s. m. Corus. Mesure des Hébreux qui contenoit dix baths, ou, selon le P. Calmer, 298 pintes, chopine, demi-setier & de pouce cube. Lorsque Dieu envoya des cailles pour la seconde fois dans le camp des Hébreux, chacun en amassa une si grande quantité, que ceux qui en avoient le moins, en eurent jusqu’à dix cores. Norab. c. XI, v. 32. Cette mesure s’appelle aussi chpmer. Les Traducteurs de Louvain la nomment coron. Je donnerai vingt mille corons de froment, & autant de corons d’orge. Paralip. ch. II, v. 10.

CORÉE, s. f. ce mot se trouve dans Pomey, pour signifier fressure de bête. Exta, viscera. D’autres disent courrée. Ces mots ne sont d’usage que dans quelques provinces.

CORÉE. Corea. La Corée est une grande presqu’Île d’Asie qui a titre de Royaume, qui tient à la Chine du côté du Japon. Voyez Martinius sur ce pays.

Corée. s. m. pié d’un vers grec ou latin, composé d’une longue & d’une brève.

Corées. s. f. pl. fêtes en l’honneur de Proserpine, que les Siciliens honoroient sous le nom de Cora. De κόρη, jeune & belle fille.

CORENTIN. s. m. nom d’homme. Corentinus. S. Corentin, premier Evêque de Quimper, étoit disciple de S. Martin, par lequel on dit qu’il fut sacré : son Eglise Cathédrale l’ayant pris pour son patron titulaire avec la Sainte Vierge, la ville s’appela depuis Quimper-Corentin, comme s’il en étoit le fondateur.

CORÉRIE. s. f. nom qui, à la grande Chartreuse, se donne à la maison d’en bas, où demeurent les Convers. Coreria. Il y a des livres imprimés à la Corerie. Coreriæ.

CORÉSIE. s. f. Coresia, terme de Mythologie, nom que les Arcadiens donnoient à Minerve.

CORÉSIEN, ENNE. s. m. & f. qui est de la Corée. Coreanus, a. Les Corésiens sont idolâtres, & ont plusieurs Religieux & plusieurs Monastères. Avant que le Tartare se fût rendu Maître de la Corée, les Corésiens se plongeoient dans toutes sortes de dissolutions. Corn.

CORESSES. s. f. pl. on nomme ainsi à Calais les lieux où l’on fait sorer le hareng ; ailleurs on les appelle Roussables.

CORÉSUS. s. m. Prêtre de Bacchus. Il y a une Tragédie intitulée, Corésus, par M. de la fosse.

CORÉVÊQUE. Voyez Chorévêque.

CORÉYEN, ENNE. s. m. & f. nom de peuple. Ce sont les habitans de la Corée, grande Peninsule, jointe à la Chine, du côté du Japon. On dit aussi Corésiens. Le P. Crasset dans son Histoire du Japon, écrit toujours Coreyen.

CORFIOTE. s. m. & f. Corcyræus, qui est de l’île de Corfou. Les Corfiotes sont presque tous Grecs schismatiques. Ils se donnèrent l’an 1386 aux Vénitiens, qui, pour être maîtres & paisibles possesseurs de cette Île, payèrent l’an 1401, trente mille ducats à Ladislas, Roi de Naples, auquel Corfou appartenoit auparavant.

Ce mot est formé de l’Italien Corfiotti.

CORFINIUM, ancienne ville d’Italie, dans le pays des Péligniens, aujourd’hui l’Abruzze citérieure. Elle n’étoit pas loin de Sulmone ; elle est ruinée. Dans la guerre appelée Sociale, les alliés, Marses, Samnites, & autres peuples d’Italie l’établirent leur Capitale, & le siège de leur Gouvernement, l’an de Rome 661, & la nommèrent Italique, comme la commune Patrie & la métropole de tous les peuples de l’Italie ligués ensemble. Ils y tracèrent une grande Place & un Palais pour le Sénat à l’instar de celui de Rome. Ils eurent soin aussi de la fortifier, & d’y amasser toutes sortes de provisions, argent, vivre & munition de guerre. On croit que c’est le village appelé aujourd’hui San-Pelano. D’autres disent que c’est le village Pentina.

CORFOU, nom d’une Île nommée Corcyre par les Anciens ; Corcyra. L’Ile de Corfou n’est séparée de l’Epire que par un canal d’une à deux lieues de largeur. Maty. L’air y est bon, le terroir fertile en vin, huile, citrons, oranges, &c. Les habitans de l’Ile de Corfou s’appellent Corfiotti. Id. Voyez Corcyre & Corfiote.

L’Ile de Corfou pourroit disputer de Forteresse avec celle de Malte, si elle étoit aussi régulière, & on peut dire que ce sont les deux portes de la Chrétienté. De plus la beauté de son territoire est autant agréable & fertile, que celui de Malte est stérile & ennuyeux. Du Loir, L. X, p. 356. Il y a bien des choses à apprendre sur cette fameuse Île dans le bel ouvrage de M. le Cardinal Querini, imprimé à Bresse en 1738, sous ce titre : Primordia Corcyræ. Il suffira de voir les Mémoires de Trévoux, année 1739.

Corfou est aussi le nom de la capitale de la même Île. C’est la seule ville qu’il y ait, mais on y trouve quantité de bourgs & de villages.

CORGE ou COURGE. s. f. termes dont on se sert aux Indes Orientales dans le commerce des toiles de coton, pour signifier une certaine quantité de pièces de toile. La corge est de vingt pièces.

CORGIE. s. f. vieux mot. Verge ou sangle de cuir. On disoit aussi courgie. C’est de la qu’on a dit une escourgée.

CORIACE. adj. m. & f. qui est dur, & qui tient du cuir. Caro dura, dentibus non cedens. Il ne se dit que des viandes cuites qu’on mange avec peine, qui se divisent avec peine. La vache est fort coriace.

On dit figurément, dans le style familier, d’un homme avare, dur, difficile, & dont on a de la peine à tirer quelque chose, que c’est un homme coriace.

Ce mot vient du latin coriaceus. Nicod.

CORIAMBE. s. m. C’est un terme de prosodie grecque & latine, qui signifie le pié d’un vers composé de deux brèves entre deux longues, comme historiæ. Il s’appelle Coriambe à cause qu’il est composé d’un Corée & d’un ïambe.

CORIANDRE. s. f. se prend le plus souvent pour la semence d’une plante ombellifère, dont nous allons parler.

Coriandre. Coriandrum. Plante annuelle, qui a pris son nom de son odeur, qui est aussi désagréable que celle de la punaise, lorsque cette plante est verte. On seme des champs entiers de coriandre dans plusieurs endroits du Royaume. Sa racine est menue, fibreuse, blanchâtre. Sa tige est haute de deux piés environ, quelquefois moins, lisse, glabre, arrondie, moëlleuse, branchue, & garnie dans le bas de feuilles larges, découpées en quelques segmens, dentelées sur leurs bords, & pareilles à une portion de segmens de la feuille de persil, mais un peu arrondies, d’un vert gai, & d’une odeur très-désagréable. Celles du haut sont finement découpées, & imitent celles de la camomille ; l’extrémité des branches & des tiges est terminée par des dentelles de fleurs blanchâtres ; à cinq pétales inégales & fleurdelisées. Le calice qui soûtient ces fleurs devient un fruit composé de deux graines rondes ; & il arrive souvent qu’une des deux avorte. Cette graine pour lors est plus ronde, fétide lorsqu’elle est fraîche, mais agréable étant desséchée. On ne se sert que de la coriandre sèche, elle est stomacale, cordiale & carminative. On forme des dragées avec la coriandre, dont on se sert pour exciter l’appétit & chasser les vens. Les Anciens ont cru que le jus de coriandre étoit dangereux, & faisoit perdre le sens, & même la vie : mais les Modernes en usent en plusieurs remèdes. La manne qui nourrit les Hébreux dans le désert ressembloit à la graine de coriandre.

Quelques-uns font venir ce mot de κόρις, qui signifie une punaise, parce que ses feuilles sentent la punaise. D’autres le font venir du mot Grec κόρη, qui signifie la prunelle des yeux, & de ἀνδρών, hominum, parce que la coriandre affoiblit la vue.

☞ CORIARIA, petit arbrisseau qui croît aux environs de Montpellier, & qui sert à tanner les cuirs.

☞ CORICÉE. Coriceum, pièce des Palestres anciens. Les Grammairiens ne conviennent pas de la signification de ce mot. Ceux qui le sont venir du mot grec κόρη, jeune fille, prétendent que Coriceum étoit le lieu où les jeunes filles s’exerçoient à la lutte & à la course. Quelques-uns le font venir de κουρά, cheveux, & disent que c’étoit un lieu destiné à faire le poil. Mercurial, sans s’embarrasser de l’étymologie, dit que c’étoit un lieu où l’on serroit les habits de ceux qui s’exerçoient dans les Palestres, ou qui se baignoient. Baldus dérive le mot coriceum du mot grec κώρυκας, qui signifie bale ou éteu ; & dit que c’est un jeu de longue paume & de balon, pièce nécessaire dans un Palestre. Cette explication paroît préférable. Ant. Grec. et Romain.

CORIE. s. f. terme de Mythologie. Les Arcadiens, dit Cicéron, appeloient de ce nom la Minerve, fille de Jupiter & de Coriphe, une des Océanides, & la regardoient comme inventrice des Quadriges.

CORINTHE, Corinthus, ville de Grèce, dans le Péloponnèse, ou la Morée, près de l’Isthme, ou de la langue de terre qui joint le Péloponnèse à la Grèce, entre le Golfe de Lépante & celui d’Enghia. Corinthe fut fondée par Sisyphe fils d’Éole, ou selon Paterculus, L. I, c. 3, environ cent ans après le Sac de Troye, par Halètes, fils d’Hippotes, & le sixième des Héraclides depuis Hercule leur chef. Homère en parle, Iliad. L. II, v. 570. Elle s’appela d’abord Ephyre, dit Paterculus. On croit qu’elle prit le nom Corinthe, de Corinthe fils de Marathon, ou, selon d’autres, de Pélops, qui la rétablit. Ç’a été une des plus importantes villes de la Grèce. Elle eut d’abord des Rois : ensuite elle se fit république. Lucius Mummius la prit pour les Romains, & la pilla l’année même que Scipion détruisit Carthage, c’est-à-dire, l’an de Rome 607 ; & par conséquent 147 ans avant Jesus-Christ. Elle subsista, selon Paterculus, 852 ans. Le feu que le Consul Mummius y fit mettre en la réduisant en cendre, fondit toutes les statues, & les ouvrages de différens métaux, qu’il y avoit en très-grande quantité ; & ce mélange de tous ces différens métaux fondus ensemble produisit l’airain de corinthe, si estimé chez les Anciens. Jules César la rétablit, & du temps de S. Paul elle étoit encore florissante. Etienne dit qu’elle s’est appelée Epope, Pagos Ephyta, Heliopolis, & Acrocorinthus. Ce dernier nom ne se donnoit proprement qu’à la citadelle ; elle étoit si élevée, & d’un accès si difficile, qu’il avoit passé en proverbe de dire des choses difficiles. Il n’est pas permis à tout le monde d’aller à Corinthe. Non omnibus licet adire Corinthum. C’étoit proche de Corinthe que se faisoient les jeux Isthmiques. Voyez Vigenere sur César. Quand cette ville fut Chrétienne, elle devint le Siège d’un Archevêque soumis au Patriarchat de Constantinople. Dans la suite elle fut soumise aux Vénitiens, par la concession que leur en firent les Despotes. Elle obéit au Turc depuis 1458, que Mahomet II la prit aux Vénitiens.

Après Mummius, Corinthe fut 100 ans sans être habitée. Elle a été deux fois le théâtre des cruautés d’Amurat II, & de Méhémet son fils. Ces Ottomans l’ont tellement ruinée, qu’elle ne contient pas vingt maisons, encore ne sont-ce que des mazures. Je n’y ai rien vu de plus entier que 12 colonnes, qui n’ont assûrément subsiste, que parce qu’elles n’ont pas de beauté. Elles ne sont que de grosses pierres ; & je pense qu’elles ont été faites avant que les ordres de l’Architecture fussent inventés. Elles ont pour le moins 5 piés de diamètre, & n’en ont pas 20 de hauteur, & pour chapiteau il n’y a dessus qu’un simple cordon fait comme un bourlet. Elles sont si vieilles, qu’elles sont toutes rongées par le temps, & ne sont qu’à 15 piés les unes des autres

On voit assez proche de ces colonnes un reste d’Eglise dont la voûte & les murailles sont revêtues de brique, & les inscriptions qui sont en dedans sur un pilier nous en pourroient apprendre quelque chose, si elles n’étoient tellement effacées, qu’il est impossible de les lire.

Dans un champ voisin de cette Eglise, j’ai remarque une grosse tête de marbre blanc tout-à-fait gâtée & méconnoissable, & une table de pareille matiere, sur laquelle étoit taillée en bas relief, d’une sculpture admirable, un reste de bataille, dont le principal personnage est un jeune cavalier armé à la Romaine, grand à demi-nature.

Ce morceau est tout ce que je vis dans Corinthe qui me pût satisfaire après la vue de la situation qui est merveilleuse. Elle est à un quart de lieu de la mer sur une colline faite en amphithéâtre, dont les degrés vont insensiblement se rendre au port Léchée, où il y a encore une tour qui servoit de fanal autrefois.

Pour l’Acrocorinthe, au pié duquel la ville étoit, ni les Romains ni les Turcs ne l’ont pas détruit. C’est un rocher fort haut, qui a deux pointes & une Forteresse bâtie dessus, que tiennent les Turcs, & qui est inaccessible de tous côtés, si ce n’est de celui du port Cenchrée qui fait la meilleure partie de la ville. Les Turcs ont peuplé le reste de Nègres. Du Loir, Let. X, p. 342, 343.

Auprès de Corinthe est un bois de Cyprès que les Anciens appeloient Craneum, vers lequel étoient autrefois les sépulchres de Laïs & de Diogène le Cynique. On nous dit qu’il y avoit encore dans ce bois un grand bâtiment de marbre blanc ruiné, qui pourroit être le temple de Bellérophon, ou celui de Vénus de Ménalide.

Le territoire de Corinthe n’est pas moins fertile qu’agréable. Son golfe lui sert de canal, m’ayant pas plus de 8 à 10 milles de large, si ce n’est en quelque endroit, comme vers Crissa, où il s’étend un peu davantage. Sinus Corinthiacus.

Corinthe. s. f. est aussi le nom d’une sorte de raisin, dont le grain est petit, serré & fort bon. On l’appelle raisin de Corinthe, & le corinthe. Le chasselas, le cioutat & le corinthe, sont de bons raisins. La Quintin. Raisin de Corinthe, petit raisin à grain menu, qui a l’eau fort douce & agréable ; il y en a de deux ou trois couleurs. Id. Le corinthe blanc est un raisin fort doux, les grapes en sont petites & longues, les grains en sont menus, très-pressés, & n’ont point de pépin, le rouge n’est pas meilleur que le blanc. Id.

CORINTHIE. s. f. terme de Fleuriste, tulipe jaune doré, blanc & rouge.

CORINTHIEN, ENNE. s. m. & f. qui est de Corinthe. Corinthius, a. S. Paul écrivit deux lettres aux Corinthiens que nous avons encore, & qu’on cite, première Epitre aux Corinthiens, ou première aux Corinthiens ; seconde Epitre aux Corinthiens, ou seulement seconde aux Corinthiens. La première Epitre de Saint Paul aux Corinthiens fut écrite l’an 57 de Jesus-Christ, 24 ans après la passion de J. C. Port-R. La seconde est aussi à peu-près du même temps.

Corinthien. adj. m. L’Ordre Corinthien est le quatrième des cinq Ordres d’Architecture. Corinthius, Corinthiacus. C’est le plus parfait de tous, & le chef-d’œuvre de l’Architecture. Le chapiteau Corinthien est orné de feuilles d’acanthe recourbées. Villalpand dit que ce sont des feuilles de palmier imitées sur celles du Temple de Salomon. On prétend que l’invention de l’Ordre Corinthien est due à un Sculpteur Athénien nommé Calimaque. Vitruve en rapporte l’histoire dans son quatrième livre, c. 1. Mais Villalpand traire cette histoire de fable. L’Ordre Corinthien a bien des choses qui le distinguent des autres. Son chapiteau est orné de deux rangs de feuilles & de huit volutes, qui en soutiennent le tailloir ; sa colonne a dix diamètres de hauteur, & sa corniche des modillons. Vitruve remarque, dans le même chapitre, que l’Ordre Corinthien n’a point d’ordonnance propre & particulière pour sa corniche, ni pour ses autres ornemens, puisqu’il prend ses mutules ou modillons des triglyphes de l’Ordre Dorique, & il tient de l’Ordre Ionique la sculpture qu’il a dans les frises, comme aussi ses denticules & ses corniches. Depuis Vitruve on a changé quelque chose à l’Ordre Corinthien, & sans parler du Corinthien moderne, qui est une espèce d’Ordre composé, nous ne trouvons point dans tout ce qui nous reste d’ancien Corinthien fait depuis Vitruve, les proportions exactes qu’il marque dans son livre.

CORION. s. m. vieux mot. Attache de cuir, du latin Corium, cuir. Il est dans Froissard, t. 3.

CORIS. s. f. nom qu’on donne à plusieurs plantes. La coris de Matthiole, est une espèce de millepertuis : elle pousse des tiges de la grandeur du thym & rougeâtres. Ses feuilles sont semblables à celles de la bruyère, & opposées le long des tiges. Ses fleurs sont jaunes, composées de cinq feuilles disposées en rose. Coris lutea, ou hypericordes. La coris bleue de Montpellier jette plusieurs branches assez dures, droites, rondes, de la hauteur d’une paume, ou d’une paume & demie : elles sont garnies de beaucoup de feuilles qui ressemblent aussi à celles de la bruyère, & qui sont arrangées tout de même. A la cime de ces branches, il vient des fleurs purpurées, ou qui tirent sur le bleu, & qui sont fort belles. La racine est grosse, longue & de couleur rouge. Coris cærulea maritima, ou Monspeliaca. Il y a encore une espèce d’eufraise qu’on appelle coris jaune de Montpellier, dont la tige est mince, ligneuse, presque rouge & quarrée. Ses feuilles ressemblent à celles du lin ou de l’hyssope. Ses fleurs sont jaunes. Euphrasia pratensis lutea. Voyez Cauris.

CORIS. s. m. Coquille qui n’est guère plus grosse qu’une petite olive, & qui en a la figure, elle sert de monnoie à Siam & autres endroits des Indes. Abbé de Choisy. La Compagnie des Indes en fait commerce.

CORISTEN, INE, ou CHORISCHITE. s. m. & f. Nom d’une Tribu des Arabes. Coristenus, a. Corischita. Les Coristens ou Corischites étoient la plus noble Tribu de l’Arabie.

CORLIEU, ou COURLIS, ou CORLIS, s. m. Oiseau de rivière, gris & marqué de taches rouges & noires, qui a les jambes longues, le bec long & courbé ; espèce de macreuse. En latin clorius, numenius, arquata, crex, corlinus ou corlivus. Les Arabes appellent aussi cet oiseau corli. Le françois & l’arabe ont été faits de la voix de cet oiseau. Ménage. Belon croit que c’est le même oiseau qu’Aristote nomme ἑλώριος dans Athénée, L. II. c. 12. Antiphanes le met au nombre des mets les plus exquis de la Grèce. De la Mare. Les Corlis sont plus gros que les vanneaux. Ils ont le bec long d’un demi-pié, & courbé en faucille. Ils sont plus recherchés que les vanneaux, parce qu’ils sont plus rares. C’est un très-bon manger, quoique leur chair sente un peu la sauvagine. De la Mare, Tr. de Pol. L. V, T. XXIII, c. 2, §. 29.

Les jambes du Corlis sont longues, son corps est brun ou cendré, l’extrémité de ses doigts est noirâtre. Ils sont séparés ; mais il y a une membrane qui les joint par le commencement, qui descend de part & d’autre proche des doigts, & les élargit par en bas. Ses ongles sont très-noirs ; son bec est long de huit pouces, ou environ ; il va quelquefois jusqu’à neuf pouces ; après trois doigts de distance de la tête il commence à se courber. Sa couleur est noire. Ses plumes tirent sur le brun ; mais elles sont diversifiées & marquetées. Celles qui sont entre les aîles & le dos sont fort luisantes, comme des poils de soie ; par le milieu elles sont noires ; autour, elles sont rousseâtres par intervalles. Son cou est long de six doigts. Sa couleur a plus de brun & de cendre que de blanc. Sa plume est très-douce, les plumes de sa queue sont longues de cinq doigts, & distinguées de taches blanches & noires par intervalles. Il a des taches noirâtres à la poitrine, autour desquelles, les plumes sont rougeâtres ; les extrémités des pennes sont noirâtres. Le ventre & le dessous des aîles sont blanchâtres. Ses aîles sont grandes & diversifiées de noir, de blanc & de brun.

Cet oiseau est d’un goût merveilleux. Il a la moitié de la cuisse au dessus du genouil dénuée de plumes, ainsi que la plupart des oiseaux de marais. Les Corlieux volent en troupe, & font leur pâture dans les prés de la verveine qu’ils y rencontrent. Ils font quatre œufs, qui sont de couleur pâle, & couvent au mois d’Avril.

☞ CORLIEU de plaine. Voyez Courlis.

☞ CORLIN, ville d’Allemagne dans la Poméranie ultérieure. Elle appartient à l’Evêché de Cammin.

CORME. s. f. fruit fort acide & âcre, qui est fait en forme de petite poire sauvage, dont les Paysans font de la boisson, & dont on ne peut manger, qu’elles ne soient tout-à-fait mûres, c’est-à-dire, qu’elles ne soient molles & noirâtres. On l’appelle autrement sorbe, sorbum, d’où Ménage prétend que le mot françois est dérivé. Voyez Sorbe.

CORMERY, petite ville de France en Touraine, sur l’Indre, à trois lieues de Tours, avec une Abbaye de Bénédictins. Cormeriacum.

CORMETY. s. m. nom que les Turcs donnent à la Cochenille.

CORMICI, petite ville de France en Champagne, dans le Remois, à quatre lieues de Reims. Culmisciacum.

CORMIER. s. m. grand arbre qui porte des cormes, & qu’on plante d’ordinaire dans une terre à blé. Sorbus. Le cormier est un bois propre à faire des fuseaux pour les rouets, & lanternes des moulins, qui se doivent débiter ou fendre de quatre pouces en quatre. On en fait aussi les outils des Menuisiers, car ce bois est extrêmement dur & serré. On dit qu’un ais de cormier mis dans un tas de blé, en chasse toutes sortes d’insectes. Aldrovandus. Voyez Sorbier.

Il y a dans les Îles Antilles un arbre qu’on appelle cormier, parce que son fruit a le goût de la corme. Il est bien différent du cormier qu’on voit en France ; car il est d’une hauteur excessive, & fort beau à voir, ayant de belles feuilles & plusieurs branches qui les accompagnent. Il porte un fruit agréable & rond comme une cerise. Ce fruit est de couleur jaune, tacheté de petites marques rouges, & qui tombe de lui-même lorsqu’il est mûr. Les oiseaux en sont fort friands. Rochefort.

CORMIÈRE. s. m. terme de marine. C’est la dernière pièce de bois au plus haut de la poupe, qui étant assemblée avec le bout supérieur de l’étambord, forme le bout de la poupe. Puppis productio. On l’appelle aussi trepot, ou alonge de poupe.

CORMORAN. s. f. oiseau aquatique, qui approche de la figure du corbeau, ou du pélican de Mer, selon quelques autres. Philacrocoran, corvus aquaticus. Il a le bec long aussi-bien que le cou, & le pié plat. On l’appelle aussi corbeau pêcheur, ou corbeau marin. Il est fort glouton, & grand destructeur de poisson. Le cormoran avale de gros poissons à cause qu’il a le gosier fort large. Il est de la grandeur d’un chapon ; son bec est long, aigu & rougeâtre. Son plumage est noir ou gris fort brun ; un peu verdâtre par les aîles mais au dessous du cou & du ventre il a des plumes blanches bordées de noir. Sous les grandes plumes il a un duvet gris fort fin, comme le cigne ; mais celles de la tête & du cou sont épaisses & menues comme de la frange. On prépare sa peau comme celle des vautours pour échauffer l’estomac. Son bec par les côtés est gris & rougeâtre. Il est noir par dessus, long de trois pouces, crochu & pointu. Sa tête est presque toute dénuée de plumes, & couverte d’une peau qui a beaucoup de ressemblance à de la chair. Il lui tombe des poils du cou comme une jubé, & de même que l’on en voit aux chapons. Ses piés sont de même, hormis qu’ils sont mêlés de quelques plumes dorées, & qu’ils sont plats.

Les cormorans font leur nid sur les arbres, & tiennent leur perche sur le bord des étangs, ou le long des eaux salées. Agricola dit qu’ils se transportent en hyver aux lacs & aux rivières qui ne gèlent point. Il jette en l’air le poisson qu’il a pris pour le recevoir dans son bec par la tête, & l’avaler plus commodément. On s’en sert pour la pêche, en lui mettant un anneau de fer au bas du cou, par le moyen duquel on lui fait rendre le poisson qui est demeuré dans son œsophage qui est fort large. Il a les yeux petits, les piés courts, noirs & luisans, couverts d’écailles dont les doigts sont joints par des membranes picotées comme du chagrin. Le plus grand doigt a cinq os ou phalanges, celui d’après quatre, le troisième trois, le quatrième deux. Il a des ongles crochus & pointus, dont le plus grand est le dentelé. Il est le seul des plongeons qui se perche sur les arbres, selon Aristote. Les Médecins appellent ce gente d’oiseau palmipèdes. La chair des cormorans n’est pas fort exquise, ni fort délicate.

Ménage dérive ce mot de corvus marinus, & ajoûte que les anciens Gaulois disoient more, pour signifier la mer. Albert le Grand l’appelle carbo aquaticus.

Il y a une autre espèce de cormoran d’une taille plus petite que soie. Son bec est large, l’extrémité en est pointue. Il a des dents très-aigües, & en quantité. Sa couleur est composée de blanc & de jaune qui tire sur le roux, ainsi que ces piés. Sa poitrine est blanche. Toutes les autres parties sont diversifiées.

On parle encore d’un autre oiseau de la même espèce, ou approchant, appelé Morphex ; & en Allemagne Scholacheren. Il est noir ; son bec est dentelé comme une scie, & fort robuste ; ses ongles forts. Il plonge dans l’eau, & pêche de grands poissons, sur-tout les anguilles. Ces oiseaux se mettent en troupe pour faire leurs nids, & les construisent sur des arbres fort élevés proche des eaux. Ils nourrissent leurs petits de poissons. Leur fiente dessèche & fait mourir les branches des arbres sur lesquelles ils se mettent, ainsi que le héron. Ils ont le ventre & la poitrine cendrée. Leur vol est très-lent. Les Allemands les appellent oies aux anguilles. Probablement ce n’est autre chose que notre cormoran.

A la Chine, on élève des cormorans à la pêche ; comme nous dressons ici les chiens, ou même les oiseaux à la chasse. Un Pêcheur en peut facilement gouverner cent ; il les tient perchés sur le bord de son bateau, tranquilles, attendant l’ordre avec patience, jusqu’à ce qu’ils soient arrivés au lieu de la pêche. Alors, au premier signal qu’on leur donne, chacun prend l’essor, & s’envole du côté qui lui est assigné. C’est une chose fort agréable que de voir comme ils partagent entr’eux toute la largeur de la rivière ou de l’étang. Ils cherchent, ils plongent & ils reviennent cent fois sur l’eau, jusqu’à ce qu’ils ayent trouvé leur proie ; alors ils la saisissent avec le bec par le milieu du corps, & la portent incontinent à leur maître. Quand le poisson est trop gros, ils s’entr’aident mutuellement ; l’un le prend par la queue & l’autre par la tête, & ils vont ainsi de compagnie jusqu’au bateau, où on leur présente de longues rames. Ils s’y perchent avec leur poisson qu’ils n’abandonnent que pour en aller chercher un autre. Quand ils sont bien las, on les laisse reposer quelque temps ; mais on ne leur donne à manger qu’à la fin de la pêche, durant laquelle ils ont le gosier lié avec une petite corde, de peur qu’ils n’avalent les petits poissons, & qu’ils n’aient plus envie de travailler. P. le Comte.

On appelle ordinairement cormoran, un homme extrêmement sec & maigre.

CORNAC. s. m. terme de relations. On appelle aux indes le Conducteur de l’Éléphant cornac. Il est assis sur le cou de l’animal, & tient en sa main, au lieu de bride, deux crochets de fer de différentes grandeurs, dont il se sert pour le faire aller où & de manière qu’il lui plait. Le moindre de ces crochets est celui qui lui sert le plus ordinairement ; il en frappe légèrement l’Éléphant au front, pour le gouverner. Ainsi cet animal a toujours à la tête une playe ouverte & sanglante. Lorsque l’Eléphant refuse d’obéir, & qu’il y a du danger qu’il ne se révolte, & ne fasse du désordre, ce qui arrive principalement quand il est en chaleur, le cornac le frappe avec le grand crocher : par ce moyen, il le ramène à son devoir. Voyages de Dellon, t. 1. c. 26, p. 210.

CORNACHINE. s. f. terme de Pharmacie. C’est une poudre purgative composée de scammonée, de crème de tartre, & de diaphorétique minéral. Elle est ainsi appelée du nom de son Auteur, Cornachinus, Professeur en Médecine à Pise.

CORNADOS. s. f. petite monnoie de compte, dont on se sert en Espagne. C’est la quatrième partie du maravédis ; à peu-près comme en France, les pites & les demi-pites sont les diminutions du denier.

CORNAGE. s. m. terme de coutumes. Droit qui ☞ est dû à quelques Seigneurs, principalement dans le Berri, pour chaque bœuf qui laboure la terre dans leur Seigneurie, par ceux qui sèment du blé l’hyver. On appelle ce droit cornage, parce que les bœufs, sont des bêtes à cornes. Le droit de cornage est la même chose que le droit de colage.

CORNAILLER, v. n. terme de Charpentier. On dit qu’un tenon cornaille dans une mortaise, quand il n’y entre pas carrément, & qu’il n’a pas été bien dégauchi. Non quadrare.

CORNALINE, s. f. pierre précieuse qui n’est pas diaphane. On fait des bracelets de cornaline, des cachets, &c. Onyx corneola. Il y en a de blanche, & de rouge tirant sur l’orangé. Elle est estimée pour sa dureté. Les plus belles gravures de l’antiquité, tant en creux qu’en relief, sont sur la cornaline, particulièrement sur la rouge. Elle souffre la violence du feu, & l’on peut peindre dessus en émail, comme sur une plaque d’or ; & cette peinture prend au feu tout le poliment & l’éclat qu’on peut souhaiter. Les plus grands morceaux qui s’en trouvent n’excèdent point trois pouces de haut. On l’appelle aussi carneol ou corneole. Les Italiens l’appellent corniolos, de corno, corne, à cause qu’elle ressemble à la corne.

CORNARD. s. m. Cocu, terme injurieux qu’on donne à celui dont la femme est infidelle. Corruca. Quelques-uns croient que ce mot vient des habits de sous, qui portoient autrefois des cornes, parce qu’on accuse de sottises, ou de folie, ceux qui souffrent le libertinage de leurs femmes. Borel dit qu’il vient de cornettes de femme, & qu’on a dit qu’un homme qui obéissoit à sa femme portoit la cornette, comme on dit de celle qui est la maîtresse dans la maison, qu’elle porte le haut-de-chausse. Ce mot est bas. Le même Borel, sur le mot cornard, qui veut dire sot en vieux langage, dit que cornard a été formé de conard, ou qu’on a dit cornard pour conard, parce que ceux dont les épouses sont infidelles sont méprisés & regardés comme des sots.

CORNARD, l’Abbé des Cornards : Abbas Cornardorum, dans la basse latinité, signifie celui qui étoit choisi pour présider à la fête des fous. Voy. Fête des fous. M. l’Abbé le Bœuf pense que le mot de Cornard pourroit être dérivé des Joueurs de cornet ou d’autres instrumens semblables, & que l’Abbé des Cornards pouvoit être le chef des Menestriers, Corneurs & autres Joueurs d’instrumens. Jean Régnier se sert du verbe corner.

Encore vouldroye bien avoir
Des Menestriers trois ou quatre,
Qui de corner feissent devoir
Devant le corps pour gens esbattre.

Cornard. Keratophorus. Ce mot se trouve dans le même sens qu’on le dit dans la plupart des langues modernes, dans une épigramme grecque de Lucilius & dans Artémidore.

CORNARDISE. s. f. Condition, qualité, état de l’homme dont la femme est infidelle. Ce mot se trouve dans Rochefort. S’il est reçu, ce ne peut être que dans le style bas. La cornardise est un caractère qui ne s’efface jamais. Rochef. Montagne avoit dit avant lui : le caractère de la cornardise est indélébile, p. 870.

CORNARTISTE. s. m. & f. Nom de secte. Cornartianus, cornurtianes. Les Cornartistes sont des Protestans disciples de Cornhart, ou Cornhert, Secrétaire des Etats de Hollande, qui fut une espèce d’Enthousiaste.

CORNE. s. f. partie dure que plusieurs animaux ont à la tête & qui leur sert de défense. Cornu. Les bœufs ont deux cornes qui leur sortent de la tête, avec lesquelles on les attache au joug. Les chèvres, les boucs, les vaches ont des cornes. Le Rhinocéros, les licornes n’ont qu’une corne. On tient qu’il n’y a que les seules bêtes à pié fourché qui aient des cornes. Le bubale a les cornes tournées en rond l’une vers l’autre. Le daim des Anciens les a crochues en devant, & le chamois en arrière. Les béliers les ont tournées en ligne spirale. En 787, le Concile de Calcuth en Angleterre défendit d’offrir le saint Sacrifice dans des Calices & des Patènes de corne. La coutume de boire dans la corne d’un animal à quatre piés a duré long-temps dans le Septentrion. Voyez Vossius, de Idol. L. III, c. 71.

Carn, ou Corn, une corne, est un mot Celtique. Pezron. Ce nom, aussi-bien que le latin cornu, vient de l’hébreu קרן, keren, corne.

On appelle un troupeau de bêtes à corne, un troupeau de bœufs, de vaches, ou de chèvres seulement. Cornutis bestiæ.

On fait plusieurs ouvrages de corne, comme des peignes, des lanternes, des demi-cercles divisés &c. Des chapelets de corne de bufle.

Corne de cerf, signifie chez les Ouvriers ce qui s’appelle le bois de cerf chez les Chasseurs. Cervinum cornu. On fait des manches de couteaux de corne de cerf. La raclure de corne de cerf est astringente. On en fait de la gelée, qu’on appelle gelée de corne de cerf.

Corne de cerf. s. f. Coronopus. s. m. plante qui approche beaucoup du plantain. Sa racine est grosse au plus comme le petit doigt, blanchâtre & un peu astringente au goût. Elle pousse plusieurs feuilles couchées sur terre, disposées en rond, & elles sont oblongues, étroites, incisées sur leurs bords assez profondément ; en sorte qu’elles ressemblent en quelque manière par leurs découpures au bois d’un cerf, d’où vient aussi le nom qu’on a atribué à toute la plante. Du milieu de ses feuilles sortent un ou plusieurs épis longs de quelques pouces, & garnis de fleurs & de semences pareilles à celles du plantain ; on ne distingue aussi ces deux plantes que par leurs feuilles, qui dans le plantain sont entières, & déchiquetées à la corne de cerf. La corne de cerf croît communément à la campagne : on la cultive dans les jardins, où ses feuilles deviennent plus grandes, plus charnues, plus tendres, & propres à être mangées en salade. Coronopus hortensis, ou cornu cervinum. La graine de la corne de cerf est une des plus menues que nous ayons : elle est longuette & de couleur minime fort obscure, elle se forme dans une manière de queue de rat. La Quint. La corne de cerf ne se multiplie que de graine. Id.

Coronopus vient de κορώνη, corneille, & ποῦς, pié, comme qui diroit pié de corneille ; car on a cru trouver quelque ressemblance entre les feuilles de cette plante & le pié d’une corneille. Il y a d’autres espèces de corne de cerf.

Corne, en termes de Chasse, signifie la tête du chevreuil. Caprinum caput.

Corne se dit aussi des petites pointes qui sortent de la tête du limaçon & d’autres semblables bêtes. Les limaçons montrent, font sortir, resserrent leurs cornes.

Les ducs, espèce de chathuans, ont aussi de petites touffes de plumes sur la tête, qui leur tiennent lieu de cornes.

Corne, en termes de Manège, est un ongle dur, & épais d’un doigt, qui règne autour du sabot du cheval, & qui environne la sole & le pié : c’est là où on broche les cloux quand on les ferre. Ungula. On met du surpoint à la corne du pié des chevaux, quand elle est sèche, ou usée. On le dit aussi de la partie dure des piés de plusieurs autres animaux, comme mulets, ânes, élans, &c.

On dit en maréchallerie, donner un coup de corne à un cheval ; pour dire, le saigner au milieu du troisième ou quatrième cran ou sillon de la mâchoire supérieure : ce qu’on fait avec une corne de cerf, dont le bout est fort affilé & pointu. Cornu sanguinem elicere.

Corne, en termes d’Anatomie, se dit de quelques parties du corps. Les cornes de la matrice sont deux éminences, qui sont à ses deux côtés, & où s’attachent les deux ligamens inférieurs de la matrice, que l’on nomme les ligamens ronds. De ces deux cornes, ou éminences, l’interne est parsemé de beaucoup de petits pores & de petits vaisseaux qui distillent tous les mois le sang, qui doit être évacué, qu’on appelle les mois ou menstrues. Les Médecins, & Dioclès le premier, ont appelé cornes ces deux extrémités du corps ou du fond de la matrice, parce qu’elles ressemblent aux cornes naissantes d’un mouton. Elles sont plus apparentes aux bêtes qu’aux femmes.

Les cornes de l’os hyoïde sont ses parties latérales, composées de quatre petits os ; car cet os est composé de cinq os ; le plus gros qui est au milieu est sa base, à laquelle deux autres petits os sont attachés un de chaque côté, & deux très-petits os sont joints aux extrémités de ces derniers. Ce sont ces quatre petits os que l’on appelle les cornes de l’os hyoïde.

Corne à amorcer, est une corne de bœuf qu’on emplit de poudre fine pour amorcer les canons.

Corne de vergue, en termes de Marine, est une concavité en forme de croissant, qui est au bout de la vergue de la chaloupe, dans laquelle entre le haut du mât, lorsque la voile est appareillée. Cavus antennarum.

Corne de bélier, se dit, en Architecture, des volutes qui servent d’ornement aux chapitaux des Ordres Ionique & Composite. Voluta, helix. On appelle aussi cornes d’un chapiteau, les quatre coins du tailloir. Abaci cornua. On appelle aussi corne de bœuf, ou corne de vache, une porte, ou une fenêtre de biais. Cela se nomme autrement biais passe. La corne de vache est aussi une espèce de voûte en cône tronqué, dont la direction des lits ne passe pas au sommet du cône. Frézier. Vaccinum cornu.

Corne d’abondance, en termes de Poësie & de Mythologie, est une corne d’où sortoient toutes choses en abondance, par un privilège que Jupiter donna à sa nourrice, qu’on a feint avoir été la chèvre d’Amalthée. Cornu copiæ. Le vrai sens de cette fable est, qu’il y a un terroir Lybie en figure de corne de bœuf, fort fertile en vin & fruits exquis, qui fut donné par la Roi Ammon à sa fille Amalthée, que les Poëtes ont feint avoir été nourrice de Jupiter, voyez Abondance. Dans l’Architecture & la Sculpture corne d’abondance est la figure d’une grande corne, d’où sortent des fleurs, des fruits, des richesses.

Sur les médailles les Cornes d’abondance se donnent à toutes les Divinités, aux Génies & aux Héros, pour marquer les richesses, la félicité & l’abondance de tous les biens, procurée par la bonté des uns, ou par les soins & la valeur des autres. Quelquefois on en met deux, pour marquer une abondance extraordinaire. P. Jobert.

On appelle corne d’abondance figurément & familièrement, celles d’un mari dont la femme est entretenue par un riche galant, qui fait beaucoup de bien à la famille.

Corne, ou crudité de cuir, se dit chez les Tanneurs, d’une certaine raie blanche qui paroît dans les gros cuirs tannés, en les fendant par le milieu, ce qui fait connoître qu’ils n’ont pas été suffisamment nourris dans le plain & dans le tan.

Corne d’Ammon, terme d’histoire naturelle. Espèce de pierre roulée, noueuse, de couleur cendrée, & recourbée en forme de corne de bélier, telles qu’étoient celles que l’antiquité donnoit à Jupiter Ammon. Ammonis cornu. On dispute si la corne d’Ammon est un fossile, ou un nautile. M. Camératius prétend que c’est un fossile, que l’on en trouve en grand nombre dans la terre, & sur de hautes montagnes ; au lieu qu’on n’en trouve que rarement sur les bords de la mer. M. Wodward, dans son Histoire naturelle illustrée & augmentée, soûtient que c’est un coquillage du nombre des nautiles ; qu’il a été formé dans la mer, & transporté delà par les eaux du déluge dans les terres d’où on le tire ; que si l’on n’en voit que rarement au bord de la mer, c’est que les coquillages & les autres corps attachés au fond de la mer, telles que doivent être presque toutes les espèces de cornes d’Ammon, n’en pourroient être arrachées que par des tempêtes, qui les pousseroient ensuite vers le rivage ; que les tempêtes les plus violentes n’agitant jamais le fond de la mer, ainsi que les Plongeurs en font foi, il n’est pas surprenant qu’elles n’en détachent aucuns des corps qui s’y sont fixés, mais que dans le bouleversement du globe terrestre arrivé par le déluge, les cornes d’Ammon, ainsi que mille autres productions de la mer, ont pû être portées du fond des eaux dans les lieux où elles se trouvent présentement.

La corne d’Ammon est de différentes grosseurs ; elle se trouve en plusieurs lieux d’Allemagne. Elle est grande comme la main ; & il y en a qui pesent jusqu’à trois livres. Les autres sont grosses comme une noix. Cette corne étoit autrefois consacrée à Jupiter Ammon, d’où elle a pris son nom, cornu Ammonis ; si ce n’est plutôt de sa figure, comme nous l’avons insinué au commencement. J’en ai vû qui avoient été trouvées en France au sommet d’une montagne, où il y en a beaucoup. Elles étoient longues d’un bon doigt, ou trois pouces, rondes mais ayant des côtes : La plus grande avoit environ six lignes de diamètre à son plus gros bout ; elle alloit toujours en diminuant jusqu’à l’autre bout. Leur envelope extérieure étoit couleur de plomb, & même une espèce de matière de plomb. Le dedans ressembloit à une matrice de diamant qui en contenoit plusieurs sur les faces desquels & dans leurs jointures paroissoient de petits grains ou paillettes d’or. On les porta à la Monnoie de Paris, pour en faire l’épreuve, à laquelle j’assistai. On en mit une assez grosse dans un mortier, & on l’y pila, & la réduisit en poussière ; après quoi on mit dans le mortier de l’eau que l’on rejettoit en penchant & remuant doucement le mortier, ce que l’on fit jusqu’à ce que l’eau eut emporté toute la poussière ; après quoi on trouva au fond du mortier un petit grain d’or, qui fut éprouvé à la pierre de touche, & jugé de l’or excellent, & pour me servir du terme de l’Officier de la Monnoie, de l’or de Ducat. Cependant les Officiers de la Monnoie convinrent que pour en bien juger, il eût fallu en avoir une quantité assez grande pour les mettre au feu & à la coupelle.

Corne de S. Hubert, nom d’une espèce de coquillage de mer. Sancti Huberti cornu.

Corne est aussi un terme de fortification. L’ouvrage à cornes est un dehors fort étendu & avance pour couvrir une courtine, ou un bastion. Opus cornutum, propugnaculum cornutum. Il est fait de deux flancs défendus de la place à la portée du mousquet. Sa tête fortifiée d’une tenaille, ou de deux demi-bastions joints par une courtine. Les côtés sont ordinairement parallèles. Il y en a pourtant qui sont plus serrés vers la place, qu’on appelle à queue d’aronde ; d’autres plus étendus, qu’on appelle à contre-queue d’aronde, selon qu’on veut couvrir un plus grand ou un moindre endroit de la place. Quand les côtés sont trop longs, on y fait quelquefois des épaulemens pour les flanquer.

Corne signifie aussi ce qui est angulaire & pointu. Cornu. Dans le rituel on distingue la corne droite de l’autel, de la fenestre. On dit aussi les cornes du Croissant, quand la nouvelle lune, commence à paroître. ☞ Dans un bonnet carré, tel que le portent les Ecclésiastiques, les Docteurs, les Gens de Justice, on appelle cornes certaines petites crêtes qui s’élevent sur le bonnet. Bonnet carré à trois, à quatre cornes. On prend un bonnet carré par une de ses cornes. La corne d’un échaudé, d’une talmouse, se dit aussi d’un des angles, d’une des pointes, d’un échaudé, d’un pain, d’une patisserie faite à angles.

Corne, en termes de l’écriture, signifie honneur, gloire, exaltation, puissance, force. Cornua. Moïse est souvent peint avec des cornes, qui étoient des rayons de lumière qui parurent sur la tête en descendant de la montagne de Sinaï. On dit presque en ce sens, qu’un homme leve maintenant les cornes, qu’il commence à montrer les cornes, quand il revient en honneur, en crédit, en autorité, après avoir essuyé quelque mauvaise fortune. On a pris en latin cornua dans une signification à peu-près semblable, Addit cornua pauperi, dit Horace ; c’est-à-dire, lui donne du courage, de la force, de la hardiesse, de la confiance.

Corne se dit en un sens tout contraire, quand on montre à quelqu’un les deux doigts écartés en forme de cornes, ou pour marquer une honte, ou quelque infamie. Illudere alicui. Tout le monde le montre au doigt, lui fait les cornes. C’est en ce sens qu’on fait porter les cornes à un homme, quand on le deshonore, en subornant sa femme, en la rendant infidelle. Voilà un hardi maraut, de vouloir planter des cornes à Jupiter. Ablanc. M. Dacier a observé que cette idée infamante attachée aux cornes, étoit inconnue aux Anciens.

Corne en termes de Blason, se dit d’une espèce de bonnet pointu qui est rouge & bordé d’or, que porte le Doge de Venise pour marque de sa dignité. En ce sens il est masculin, & on dit le corne. Pileus cornutus.

Corne se dit proverbialement en ces phrases. On dit d’un homme surpris de quelque nouvelle, de quelque accident extraordinaire, qu’il est ainsi étonné que si les cornes lui venoient à la tête. On dit d’un homme qui a mal entendu, qu’il entend de corne, qu’il a mangé de la vache. On dit d’une viande qui est dure, que c’est de la corne, qu’elle est dure comme de la corne. On dit qu’on prend les hommes par les paroles, & les bêtes par les cornes. On dit aussi d’un goulu qui mange vîte, qu’il n’a pas besoin qu’on lui donne un coup de corne pour lui donner de l’appétit. On dit d’un satyrique qui a donné quelque trait piquant à quelqu’un, qu’il lui a donné un coup de corne.

CORNÉE. s. f. terme d’anatomie, nom qu’on donne à la partie antérieure de la membrane sclérotide, qui est la première des membranes propres de l’œil. Cornea. Elle a été ainsi appelée, parce qu’elle ressemble à une feuille de corne fort mince, qu’elle se lève par écaille comme la corne, & qu’elle est transparente pour donner passage à la lumière. Le reste de cette membrane est épais & opaque ; il retient le nom de sclérotide, c’est-à-dire, dure.

Cornée, terme d’Artificier, qui signifie une cuillerée de matière combustible qu’on verse dans le cartouche avec une espèce de cuiller cylindrique, de corne, de cuivre, ou de fer blanc, dont la capacité est proportionnée à la grosseur de la fusée, & au diamètre intérieur du cartouche, afin qu’on ne mette à chaque reprise de la charge qu’on doit battre & fouler à coups de maillets, que la quantité convenable pour qu’elle le soit fortement & également.

Cornée, adj. f. lune cornée, terme de Chimie. C’est la précipitation de l’argent en forme de caillé blanc, que l’on a exposé au feu, & qui est formé de quelques gouttes de la dissolution des cristaux de sel de succin, versées dans une dissolution d’argent par l’esprit de nitre. Hist. de l’Acad. des Sc., 1742, p. 50.

CORNEILLAN, petite ville de France dans l’Armagnac.

CORNEILLE. s. m. nom propre d’homme. Cornelius. Ce mot est latin, & s’est formé de Cornelius. On le dit du Centenier, dont le baptême est rapporté aux Actes des Apôtres C. X. Corneille Centenier, homme juste & craignant Dieu, selon le témoignage que lui rend toute la nation juive, &c. Port-R. On le dit aussi des SS. du Nouveau Testament qui ont porté ce nom, comme Corneille, Patriarche d’Antioche au IIe siècle. S. Corneille Pape, qui succéda à Saint Fabien l’an 251. Mais quand on parle des anciens romains : il faut dire Cornelius, & non pas Corneille. Cornelius Fuscus, homme de grande naissance, & dans la vigueur de son âge, fut l’un des principaux flambeaux de cette guerre. D’Ablanc. Cornelius Laco, Chef des Cohortes Prétoriennes, & l’un des Ministres de Galba. Il ne faut donc pas dire Corneille Asina. Il faut cependant excepter Corneille Tacite, qu’on appelle toujours ainsi, & jamais Cornelius. La famille des Cornelius, Gens Cornelia. Voyez Cornelia.

CORNEILLE. s. f. oiseau de la couleur d’un corbeau, mais de moindre grosseur. Cornicula, cornix, du grec κορώνη. Il y a aussi une corneille picotée de blanc, qui est fort goulue, & qui vit de grain, qui dérobe la monnoie : ce qui la fait appeler par les latins monedula. Ceux qui croient que la corneille est la femelle du corbeau se trompent : ce sont des oiseaux d’espèce différente. Ménage. M. Ménage, dans ses Juris Civilis amœnitates, prétend que 'Gracculus' ne signifie point un geai, mais une corneille. Il n’y a point de pays au monde où il y ait tant de corneilles qu’en Angleterre. L’humidité de son terroir engendre quantité de vers, dont ces oiseaux se nourrissent. Rochef. Ce que l’on dit après Hésiode de la longue vie du corbeau & de la corneille, est une fable ; On dit cependant qu’elles vivent jusqu’à cent ans. Voyez Voss. de Idolol. L. III, c. 79, 86, & 96 où il parle des corneilles. Virgile dit que la corneille présage, ou annonce la pluie avec une voix enrouée. Elle est chez les anciens le symbole de la concorde ; les nouveaux mariés avoient coutume de l’invoquer ; selon les uns elle étoit de bon augure, & de mauvais selon les