Dictionnaire de Trévoux/6e édition, 1771/Tome 3/201-210

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Fascicules du tome 3
pages 191 à 200

Dictionnaire de Trévoux, 1771
Tome 3, pages 201 à 210

pages 211 à 220


repeupler le monde. Ils furent bientôt & aisément venus des pays du monde qui ne furent point inondés dans celui qui le fut, & pas une espèce ne se fût perdue, ou s’il y en avoit quelque espèce particulière dans le pays que le déluge dépeupla, il n’eût fallu conserver que celle-là. Si les eaux n’avoient inondé que les environs du Tigre & de l’Euphrate, elles n’auroient pas monté quinze coudées au dessus des plus hautes montagnes, elles ne pouvoient y monter sans se répandre sur toute la face de la terre, ou sans être soutenues par un miracle. Moïse eût marqué ce miracle, comme il a fait celui des eaux de la mer rouge, & celles du Jourdain soutenus comme une montagne, pour ouvrir un passage aux Israëlites. Exod. XIV. 22. Jos. III. 16.

On trouve, dans des lieux fort éloignés de l’Euphrate & du Tigre, comme en France, en Angleterre, dans les Pays-Bas, en Allemagne, en Suisse en Italie, &c. on trouve, dis-je, dans des lieux fort éloignés de la mer, dans des montagnes, & sur leur sommet, des arbres entiers enfoncés très-avant dans la terre, des dents, des os d’animaux, des poissons entiers, des coquillages de mer, des épis de blé, &c. pétrifiés. Tout ce qu’il y a de plus habiles Naturalistes conviennent que toutes ces choses n’ont pu être enterrées si avant dans la terre, aux endroits où on les trouve, que par le déluge, dont les eaux par leur effroyable quantité, par leur poids, par leur mouvement violent, pénétrèrent & bouleversèrent tout le corps de la terre, ou pour le moins toute la superficie, à une grande profondeur, & enterrèrent les corps qu’elles y trouvèrent, ou qu’elles y avoient transportés, les poissons, les coquillages, &c. qui s’y étoient répandus, & qui y restèrent quand les eaux se retirèrent. Voy. la Géographie physique de Woodvard, l’Hist. natur. du Northampton par Morthon, Mém. de Tr. de 1708. p. 512. & suiv. p. 583. 585. de 1709. p. 600. & suiv. p. 729. de 1711. p. 1616. de 1713. p. 51. 69. Voyez aussi ci-dessus au mot Coquillage. Tout cela montre l’universalité du déluge.

Saint Pierre, dans sa première Ep. C. III. v. 20. dit qu’il n’y eut que huit personnes sauvées, c’est-à-dire, Noé & sa femme, ses trois fils & leurs trois femmes. Le même Apôtre, dans sa 2e Ep. C. III. v. 5. dit qu’au déluge le monde périt par les eaux. Or le monde dans l’Ecriture ne signifie pas seulement un petit coin de la terre, mais toute la terre, & l’on ne peut l’entendre autrement. De plus il répond à des gens qui parloient du monde en général & de la constitution générale du monde. Enfin il dit que Dieu rétablit les cieux & la terre dans l’état où ils sont pour les réserver au feu à la fin des siècles. Ces cieux, cette terre rétablis, ne sont pas seulement une petite partie de la terre ; ce sont ceux-mêmes qui sont réservés pour le feu au jour du jugement ; or c’est toute la terre qui y est réservée, &, selon Saint Pierre, la destruction des eaux au temps du déluge ne fut pas moins universelle que celle du feu le sera au jour du jugement. Il y a une Géographie Physique d’un Anglois nommé Woodvard, qui est pleine de Recherches sur les effets du déluge.

Il y a une médaille Grecque de Philippe, ΑΥΤΚ ΙΟΥΛ ΦΙΛΙΠΠΟϹ ΑΥΓ, au revers de laquelle Falconieri. Antiquaire Italien, a cru voir une représentation du déluge de Deucalion. A droite de celui qui regarde la médaille, paroît une espèce d’arche portée sur les eaux, dans laquelle paroissent une homme & une femme, qu’il croit être Deucalion & Pyrrha ; à gauche sont un homme & une femme la main droite levée. C’est encore, dans le sentiment de cet Auteur, Deucalion & Pirrha dans l’action de jeter des pierres derrière eux, comme les Poëtes ont feint qu’ils le firent pour réparer le genre humain. Au-dessus de l’arche sont deux oiseaux, l’un appuyé sur l’arche, & l’autre volant, & tenant dans ses ongles, un rameau qu’il apporte du côté de l’arche. Sur le bas de l’arche on lit ΝΩΕ, que Falconieri prétend être le nom du Patriarche Noé, que les habitans d’Apamée ont mis sur cette médaille pour la rendre plus authentique, parce que les Payens n’ignoroient pas les Livres saints : sur-tout les Syriens, qui avoient été vaincus par David ; & que les Apaméens savoient que le Deucalion des Grecs étoit le véritable Noé des Hébreux. On lit autour de la médaille, ΕΠ. Μ. ΑΥ. ΑΛΕΞΑΝΔΡΟΥ Β ΑΡΧΙ ΑΠΑΜΩΝ. Je voudrois avoir vu cette médaille, pour m’assurer qu’elle n’est pas fausse, ou pour le moins falsifiée dans son revers.

Oleaster, Dominicain Portugais, Auteur du seizième siècle est le premier des Chrétiens qui ait révoqué en doute l’universalité du déluge. La Peyrere suivit ce sentiment, puis Abraham Vander Mill, Ministre Calviniste. Isaac Vossius fit assez connoître qu’il penchoit vers ce sentiment, qui de notre temps a été renouvelé par M. Burnet, Wisthon & P. Malsert de l’Ordre de la Charité.

Manéthon parle d’un déluge, après lequel Agathodémon traduisit les inscriptions composées par le premier Hermès ; mais, si l’on fait attention que Manéthon parle d’un déluge postérieur au premier Hermès qui n’a vécu, selon lui, que depuis Ménès, il est clair qu’il n’a point eu en vue le déluge de Noé. Dès qu’il n’a point eu en vue le déluge de Noé, le mot déluge ne peut plus signifier qu’une inondation du Nil, & seulement une inondation plus considérable que de coutume, puisqu’il la cite comme une époque. Alors, s’il est permis de conjecturer, on peut croire que cette inondation fut occasionnée par le tremblement de terre, arrivé sous le Roi Bochus à Bubaste. Il y périt beaucoup de monde ; & Manéthon, dans le Syncelle, a fait de cet événement une époque sous le règne de Bochus. Ce tremblement de terre fit vrai-semblablement déborder le Nil en rompant les digues. Elles étoient fort élevées à Bubaste, ville de la Basse-Egypte. Ammien Marcellin (liv. 22. c. 39.) emploie le mot déluge dans la même signification, par rapport à l’Egypte, sans désigner l’endroit de l’Egypte en particulier. Essai sur les Hiéroglyph. pag. 178.

☞ Par le ravage du déluge le globe de la terre fut non-seulement fracassé & brisé en mille endroits ; mais l’ébranlement & l’émotion qu’il souffrit, en changèrent la situation, en sorte que la terre est à présent posée obliquement sous le Zodiaque ; ce qui cause la diversité des saisons, selon le Docteur Burnet. Avant le déluge, dit-il, on n’étoit point exposé à cet importune variété.

☞ Ce que dit ici Burnet, aussi bien que tout ce qu’il avance dans son livre intitulé : Telluris Theoria Sacra, où il prétend expliquer le déluge sans miracle, selon le systême de Descartes, sont imaginations fausses & contraires à l’écriture, que Leidekker & d’autres Protestans mêmes ont réfutées.

Déluge, se dit aussi des inondations particulières, des débordemens, tel qu’étoit le déluge arrivé en Grèce du temps de Deucalion. Diluvium Deucalioneum. Ce déluge inonda seulement la Thessalie, & arriva l’an 1529. avant Jesus-Christ, la troisième année depuis la sortie des Israëlites selon sa Chronologie du P. Petau, Rat. Temp. P. I. L. I. C. 7. P. II. L. II. C. 9. Le déluge d’Ogygês arriva près de trois cens avant celui de Deucalion, 1020. avant la première Olympiade, 1796. avant Jésus-Christ, selon le même Auteur, Rat. Temp. P. I. L. I. C. 4. P. II. L. II. C. 5. Celui-ci ne ravagea que l’Attique. Telles furent encore les inondations qui en 1277. ravagèrent & couvrirent de la mer tout ce qu’on appelle aujourd’hui Golfe Dossart dans les Pays Bas, & en 1421. tout ce qui est entre le Brabant & la Hollande.

☞ On dit figurément un déluge de feu, un déluge de sang, un déluge de maux, &c. Le monde doit périr par un déluge de feu. Les volcans vomissent un déluge de feux & de cendres. Se baigner dans un déluge de sang. L’Empire Romain fut détruit par un déluge de barbares. C’étoit de là qu’étoient venus tous ces déluges d’armées qui avoient inondé la Grèce. Vaug. Il semble qu’un déluge de maux ait inondé son ame, (de J.-C. au Jardin de Getsemani) Bourd. Voyez Inonder.

On dit hyperboliquement, un déluge de larmes pour dire, des pleurs en abondance.

Du grand déluge de ses pleurs
Elle noya toutes les fleurs. Saras.

Déluge, en termes de Philosophie Hermétique, signifie la distillation des soufres.

DÉLUTER. v. a. Terme de Chimie. Oter le lut d’un vaisseau, l’enduit qui tient collés ensemble les vaisseaux dans lesquels on a fait une distillation. Vas Chimicum delutatum relinere. Il faut prendre garde de rompre le cou d’un matras en le délutant.

DELUTÉ. ée. part. Vaisseau déluté.

DÉLY. Voyez DEHLI.

DEM.

DÉMAGOGUE. s. m. Terme d’Antiquité. C’est le nom qu’on donnoit chez les Grecs à ceux qui avoient l’autorité parmi le peuple ; aux chefs d’une faction populaire. Les Démagogues aigrissoient les esprits, & mettoient à profit les malheurs publics. Desfontaines.

DÉMAIGREMENT. s. m. Vieux mot. Seigneurie.

DÉMAIGRIR. v. a. Terme de Charpenterie & de Maçonnerie. Démaigrir une pierre, c’est, ôter de son lit & de son joint en dedans pour rendre l’angle que font deux surfaces, plus aigu. Tenuare. Voy. Amaigrir. En Charpenterie, démaigrir, c’est diminuer un tenon, & tailler une pièce de bois en angle aigu.

Démaigri, ie. part.

DÉMAIGRISSEMENT. C’est le côté d’une pierre, ou d’une pièce de bois, démaigri. Tenuatio.

DÉMAILLOTER. v. a. Oter un enfant du maillot. Infantulum fasciis evolvere. Il faut que les nourrices démaillotent leurs enfans deux ou trois fois par jour.

Démailloté, ée. part.

☞ DEMAIN. adv. De temps, qui marque le jour qui suit immédiatement celui où l’on est. Cras, Die crastino, secundum hunc diem. Il fera demain beau temps. Le Courier partira demain.

Aujourd’hui vous m’aimez ; si mon cœur vous seconde,
Demain vous ne m’aimerez plus. S. Evr.

☞ On l’emploie quelquefois substantivement. Avant que demain soit passé. Demain est un jour de fête. On dit ironiquement le demain des prisonniers, pour dire un jour qui est long-temps à venir.

Demain est un jour qui fuit
Lorsque vous croyez qu’il avance :
Au milieu de chaque nuit
Il perd son nom dans sa naissance ;
Quand on croit se saisir de lui,
On trouve que c’est aujourd’hui.

On dit proverbialement. A demain les affaires, pour dire qu’on les remet à une autre fois. Ac. Fr.

DÉMAINER. v. a. Vieux mot. Traiter. Il se prend surtout en mauvaise part. Tractare aliquem, agere cum aliquo.

En liberté maintenant me pourmaine,
Mais en prison pourtant je fus cloué :
Voilà comment fortune me démaine ;
C’est bien & mal ; Dieu soit de tout loué. Marot.

DEMAINT. Vieux adv. Maintenant, à l’instant. Poës. du Roi de Nav.

DÉMANCHER, v. a. Oter le manche de quelque instrument, ou ustensile. Manubrium detrahere. Démancher un balai, une faulx, une coignée, un marteau.

Il est aussi récip. Une coignée qui se démanche. Un balai qui se démanche.

On dit aussi, figurément, se démancher, pour signifier, quitter un parti, tourner casaque. Deficere ab aliquo, illum deserere. On dit aussi, il y a quelque chose qui se démanche dans cette affaire, pour dire, qu’il y a quelque chose qui commence à mal aller. Ce parti commence à se démancher pour dire, qu’il commence à se ruiner, à se désunir, à se détruire. Il est du style familier.

Démanché, ée. part. pass. & adj. Manubrio spoliatus.

DEMANDE. s. f. signifie en général la parole que l’on adresse à quelqu’un, pour en obtenir quelque chose. Postulatio, postulatum. Votre demande est juste & raisonnable.

☞ On le dit également de la chose demandée. On vous a accordé votre demande.

Demande, se dit absolument, en parlant d’une fille que l’on recherche en mariage, de la proposition qui est faite par un tiers. C’est un tel qui a fait la demande de cette fille pour un tel.

Demande, est quelquefois synonyme à question & interrogation, & c’est alors une proposition faite pour savoir quelque chose, mais avec des idées accessoires. Le mot de demande est employé dans les cas où celui de réponse y est joint. Les catéchismes sont par demandes & par réponses. La réponse doit être conforme à la demande. Le mot de question convient mieux en matière de sciences. Question de Physique, de Théologie. Dans les autres cas il fait sentir un esprit de curiosité. Un espion fait des questions aux gens. Le mot d’interrogation paroît supposer de l’autorité. Voyez ces mots. Interrogatio, quæstio.

☞ On dit proverbialement à folle demande, forte demande point de réponse. Et ironiquement, pour marquer qu’on ne trouve point de difficulté dans une chose, belle demande ! Voilà une belle demande.

Demande, en Jurisprudence, est une action qu’on intente en Justice pour obtenir une chose à laquelle on prétend avoir droit. Petitio. On fait des demandes par exploit, par requête expresse, ou par requête verbale à l’audience, ou en lettres obtenues en chancellerie. Actionem intendere. Il y a des demandes principales, d’autres incidentes ; des demandes en sommations, en garantie ; des demandes en complainte, en retrait lignager, en réparation, en déclaration d’hypothèque, & plusieurs autres qui seront expliquées à leur ordre. On doit fournir des défenses contre une demande, & puis la Cour appointe sur les demandes & défenses. On ne doit prononcer que sur les demandes contenues dans les appointemens sinon c’est un moyen de requête civile. Il a été débouté de sa demande.

On dit au Palais, qu’il faut que la demande soit libellée suivant l’Ordonnance, c’est-à-dire, que l’exploit contienne tous les chefs de demandes sur lesquels une partie est assignée, afin qu’elle vienne préparée pour y répondre. Capita actionis proferre, explicare. Cette requête contient cinquante chefs de demande. On a satistait à toutes ses demandes.

Demande, chez les Géomètres, est une chose si claire & si facile à faire, qu’on ne peut s’empêcher de l’accorder, sans qu’il soit besoin d’en montrer la construction ou la preuve, comme de tirer une ligne d’un point à une autre. Postulatum. Euclide commence par des définitions, des demandes, & des axiomes.

Demande, en termes de Marine, signifie exigence, juste proportion. La demande du bois, est la juste mesure que doivent avoir les pièces de bois, les différens membres d’un vaisseau selon l’usage auquel on les destine. On dit aussi, faire une pièce selon la demande du bois, c’est-à-dire, selon que peut fournir le bois que l’on a.

☞ DEMANDER, v. a. Adresser la parole à quelqu’un pour apprendre de lui ce qu’on veut savoir. Quærere ab aliquo. Demander à quelqu’un son avis. Sciscitari sententiam ex aliquo. Je vous demande si vous avez fait telle chose. Quæro abs te, ex te, de te. Demander à un marchand le prix de ses marchandises. Contari mercatorem de mercibus. Dans les interrogatoires on demande le nom, le surnom, le pays, l’âge, la religion & la demeure du répondant. Demander des nouvelles.

☞ On questionne, on interroge, & l’on demande pour savoir. Mais il semble que questionner fasse sentir un esprit de curiosité ; qu’interroger suppose de l’autorité, & que demander ait quelque chose de plus civil & de plus respectueux. Syn. Fr. Questionner & interroger font seuls un sens ; mais il faut ajouter un cas à demander, c’est-à-dire, que pour faire un sens partait, il faut marquer la chose qu’on demande. L’espion questionne les gens. Le Juge interroge les criminels. Le Soldat demande l’ordre au Général,

Demander se dit aussi dans le même sens qu’interroger en parlant des choses muettes & inanimées, & c’est chercher en elles les preuves de ce qu’on veut savoir : Demandez aux étoiles, qui est-ce qui les a faites, & elles vous répondront.

Va de tes auditeurs consulter le visage,
Va sur eux du sermon étudier le prix,
Et demander aux yeux ce qui plaît aux esprits. Vill.

Demander ; signifie aussi s’adresser à quelqu’un pour obtenir de lui ce dont on a besoin. Postulare, petere. Demander un service à quelqu’un. Rogare beneficium aliquem, ab aliquo : lui demander une entrevue, une conférence. Postulare aliquem de colloquio. Ce pauvre demande l’aumône, il est réduit à demander son pain, il demande sa vie. Mendicare. On m’a demandé cent écus à emprunter. Mutuum petere. On dit qu’un homme vaincu demande la vie, qu’il demande quartier. Un pénitent demande pardon, absolution de ses fautes, demande la bénédiction du Prêtre. Les affligés demandent secours, demandent protection, demandent en grâce qu’on les assiste. Demander une fille en mariage. Demander audience, la solliciter. Le Roi Archelaus refusa un de ses Courtisans qui lui demandoit une coupe d’or, & la donna à Euripides ; c’est, dit-il à ce Courtisan, qu’Euripides est digne de l’avoir sans la demander, & que tu es indigne de l’avoir, parce que tu l’as demandée. Ablanc. Vous me mandez que vous ne voulez me voir que pour me demander pardon : ha ! venez, quand ce seroit pour me dire des injures. Lettres Port.

Demander la bourse, exiger par violence l’argent qu’un homme a sur lui.

Demander, se dit aussi absolument. Cet homme demande à tout le monde, par les maisons, de porte en porte. Il ne fait que demander.

Demander, se dit aussi des choses muettes & inanimés, auxquelles on attribue, par métaphore, du sentiment. Demander signifie alors exiger, & marque un besoin fondé sur la nécessité, la raison, la bienséance, la coutume, la disposition des choses. Poscere, exigere. Un corps mort ne demande plus que la terre. Le sang innocent répandu demande vengeance, demande Justice. L’étude de la Géométrie demande un homme tout entier. Les prés, les blés demandent de la pluie. Les orangers demandent de grands soins en ces pays ci. La vigne ne demande que le beau temps.

☞ On dit familièrement qu’un habit en demande un autre ; pour dire, qu’il n’est plus en état d’être porté.

Demander, en Jurisprudence, se dit des choses pour lesquelles on s’adresse à la justice, faire venir quelqu’un en justice sur quelque prétention, quelque droit qu’on a à exercer contre lui. Petere, postulare. Demander qu’on mette quelqu’un à la question Aliquem in quæstionem postulare. Demander le paiement d’une dette, demander réparation d’honneur. Demander une évocation. Demander un renvoi, un répit, une décharge. Demander compte. Demander la jonction de Messieurs les Gens du Roi. Le garant a été condamné aux dépens, tant en demandant que défendant, & de la sommation.

Demander, signifie aussi, chercher quelqu’un pour le voir, pour lui parler. Quæritare, aliquem requirere. Personne ne m’est-il venu demander en mon absence ? On demande ce Médecin en deux endroits à la fois.

Demander, signifie aussi souhaiter. Optare, desiderare. Quand on a vu tant de belles choses, il ne faut plus rien demander après cela. Un Chirurgien ne demande que plaie & bosse. Ce jeune homme ne demande qu’à se réjouir, qu’à faire bonne chère.

On dit, proverbialement, qui nous doit nous demande, pour dire, qu’on est souvent attaqué par ceux que l’on devroit attaquer. On dit aussi, qu’un homme ne demande qu’amour & simplesse, pour dire, qu’il n’a rien à demander à personne, qu’il veut vivre en repos, & y laisser vivre les autres. On dit aussi, faut-il demander à un malade s’il veut santé ? quand on ne demande que le sien, on n’a pas tort.

Demander, au jeu de quadrille, c’est, lorsqu’un joueur n’a pas assez beau jeu pour gagner tout seul, appeler un roi qui est de moitié avec lui pour la perte & pour le gain. Celui qui est dans ce cas, dit, je demande, c’est-à-dire, je demande à jouer en appelant un Roi.

Demandé, ée. part.

DEMANDEUR, euse. s. m. & f. Celui qui demande. Flagitator. Les demandeurs perpétuels se rendent à la fin importuns. Importunus flagitator. On dit proverbialement, à beau demandeur, beau refuseur.

Demandeur, en termes de Pratique, est celui qui a fait donner assignation à une autre par devant un Juge pour l’obliger de faire ou de donner quelque chose. Petitor, actor. Il s’est constitué demandeur. Un demandeur en lettres, en première instance. Les parties principales sont le demandeur & le défenseur. Le demandeur suit la jurisdiction du défendeur. Actor sequitur forum rei. Quand il y a plusieurs personnes appelées en sommation, on appelle demandeur originaire, celui qui a fait donner le premier exploit. En matière criminelle, on appelle demandeur & complaignant, la partie qui agit contre celui qui est défendeur & accusé. On dit au féminin en ce sens, la demanderesse. Petitrix.

Demandeur en requête civile, est celui qui a obtenu des lettres du Prince, pour être remis dans le même état qu’il étoit avant l’arrêt.

DÉMANGEAISON, s. f. Espèce de picotement, sentation plus ou moins vive & inquiète dans quelque parties extérieure du corps, qui donne grande envie de se grater. Pruritus, prurigo. Voy. Prurit. Les gens qui ont la galle, la gratelle, sentent de fortes démangeaisons. L’ébranlement causé dans les houpes nerveuses de la peau par l’âcreté du sang, des humeurs, de la lymphe, augmenté par les frottemens, produit un très-grand plaisir, qui dégénère en cuisson, en douleur, si le nerf est tiraillé par les frottemens trop rudes & trop souvent répétés.

Démangeaison, se dit dans un sens figuré, mais dans le style familier seulement, pour envie immodérée de dire ou de faire quelque chose. Libido ; cupido, cupiditas. Avoir la démangeaison de se battre. Prurire in pugnam. Un indiscret a une grande démangeaison de dire le secret qu’on lui a confié. Un Auteur qu’on a choqué, a une grande démangeaison de faire une Satyre. Un jeune Poëte a une forte démangeaison de se faire imprimer. Avoir une furieuse démangeaison d’écrire. Mol. Vous aviez une démangeaison si grande depuis la tête jusqu’aux piés, qu’elle ne vous laissoit jouir d’aucun repos. Boil.

☞ DÉMANGER. v. n. Sentir des démangeaisons. Prurire. On le dit des parties extérieures du corps dans lesquelles on sent une espèce de picotement ou de chatouillement piquant entre cuir & chair, qui donne envie de se grater. La tête lui démange. Quand une plaie commence à se guérir, ou quand le temps vient à changer, elle démange beaucoup.

☞ Dans le style simple & familier, on dit figurément que les doigts démangent à quelqu’un, pour dire, qu’il a grande envie de se battre ou d’écrire contre quelqu’un.

☞ On dit, proverbialement & figurément, d’un homme qui ne peut se tenir en place, que les pieds lui démangent ; qu’on gratte un homme où il lui démange, quand on dit quelque chose qui lui fait plaisir.

DÉMANTÈLEMENT. s. m. Action de démanteler, ou l’état d’une place démantelée. Manium demolitio, murorum eversio. Le démantèlement d’une place.

DÉMANTELER, v. a. Détruire les fortifications d’une ville, d’une place, par punition, quand elle est prise. Mœniæ diruere, disjicere. Démanteler n’est synonyme à démolir que par l’idée générale de destruction qu’ils expriment l’un & l’autre. Démanteler ajoûte à cette idée celle de punition & de force. Un particulier fait démolir sa maison. Un Général fait démanteler une place qu’il ne peut garder, ou qu’il est obligé de rendre. On fait des mines, des fourneaux pour démanteler une place. Ce mot vieillit. On dit plus souvent aujourd’hui raser les fortifications d’une place & si l’on emploie le feu par le moyen des mines, faire sauter les fortifications.

Démantelé, ée. part.

DÉMANTIBULER, v. a. Ce mot a signifié autrefois au propre, Rompre la mâchoire qu’on appeloit autrement mandibule. Maxillam frangere : mais maintenant il ne se dit qu’au figuré & au participe en parlant d’une chose rompue, gâtée ou désassemblée. Rumpere, frangere. Cette montre ne marque point, elle est démantibulée. Il est populaire.

DÉMARAGE. s. m. Terme de Marine. Action, mouvement, agitation qui démare un vaisseau, qui rompt ses amarres. Il faut obvier avec soin aux démarages que causent les tempêtes.

Ce mot & ceux qui ont la même origine s’écrivent souvent avec deux r, démarrage, démarre, démarré.

DÉMARCATION. s. f. Ce mot ne s’emploie qu’avec celui de ligne, qu’on met devant. La ligne de démarcation est une ligne fictive que le Pape Alexandre VI. fit tracer sur le globe terrestre qui alloit d’un pôle à l’autre, pour terminer les différens qui régnoient entre les Couronnes de Castille & de Portugal, au sujet des conquêtes que ces peuples avoient faites dans les Indes. Par ce partage les Indes Orientales furent assignées aux Portugais, & les Occidentales aux Castillans. Quoique la fameuse ligne de démarcation eût dû prévenir les démêlés qui pourroient naître entre les Espagnols & les Portugais, au sujet des nouvelles découvertes, ils se brouillèrent bientôt. Mém. de Trévoux.

☞ DÉMARCHE. Allure, manière de marcher. Incessus. On connut à sa démarche que c’étoit une Déesse. Incessu patuit Dea.

Cet homme a la démarche grave. La démarche de ce goutteux n’est pas ferme ; elle est lente & mal assurée. Une mine grave, & une démarche mesurée, attirent du respect. La Bruy. Une démarche lente paroît affectée, & une démarche précipitée ne marque pas assez de gravité. Dag.

Démarche, se dit figurément en Morale de la manière de conduire ses actions. Agendi ratio. Il faut, quand on entre à la Cour, être sur ses gardes ; on y observe, on y critique toutes les démarches des nouveaux venus. Je prétens que ma bonne foi me doit épargner des démarches populaires, qui retardent l’amour & qui ne le persuadent pas. Com. Tous les pas d’un amant content sont des démarches languissantes. S. Evr. Quand on a fait une fausse démarche en quelque affaire, on a bien du mal à la réparer. Quando erratum est. Personne ne veut faire les premières démarches pour un accommodement ; c’est-à-dire, le proposer le premier, faire les avances. Il avoit tout ce qu’il falloit pour faire une fausse démarche, beaucoup d’opiniatreté, un grand crédit, & de bonnes intentions. Bouh. Xav. L. V.

Démarche, ou escreteau. s. f. Terme de Tondeurs de draps, qui se dit des fautes qu’ils sont, en ne tondant pas d’assez près certains endroits des étoffes.

DEMARCHEXASE. s. m. C’est-à-dire, Tribunicien. C’est le nom du cinquième mois des Cypriots, & surtout des Paphiens. Demarchexasius. Voyez Junius L. de Anno & Mensibus. Dans les Notes sur Bède il est le sixième mois, & on l’appelle Diamarplexios. C’est une double erreur, aussi-bien que le Diamarchesagius du Darium Historicum Henrici Pantaleonis. Le P. Hardouin prétend qu’il faut dire δημαρχεξέσκος. Il est mieux en effet. Fabr. Menol. p. 63.

DÉMARCHIE. s. f. On appeloit ainsi différentes Intendances, partagées selon les quartiers de la ville d’Athènes, & des bourgs de l’Attique, à la tête desquels étoient des Magistrats appelés Démarques, de Δῆμος, Peuple, & ἀρχή, Principauté.

DÉMARER ou DÉMARRER qui est même plus usité. Terme de Marine, opposé à amarrer. Il signifie généralement, Délier, détacher, lever les ancres, ou couper les amarres pour partir d’un port ou d’une rade. Anchoras tollere. Démarer un vaisseau, c’est larguer toutes les amarres qui le tiennent attaché. Démarre, est le commandement pour détacher une manœuvre. On dit aussi que le vaisseau s’est démaré, quand il a rompu ses amarres. Démarer le canon, c’est détacher les palans qui le tiennent.

Ce mot vient des amarres, ou cordes qui tiennent le vaisseau attaché, qu’on ôte quand on veut partir.

Ménage le dérive de la particule de, & de mare, comme qui diroit, Partir de l’endroit de la mer où l’on est ancré.

En parlant des choses pesantes, on le dit familièrement pour remuer une chose de sa place. Movere loco, dimovere. Cette pierre est si pesante qu’on ne sauroit la démarrer.

Démarer se dit aussi pour partir & alors il est neutre. Toute la flotte a appareillé, & est prête à démarer. Ils s’embarquèrent au commencement de la nuit, & on démara le lendemain au point du jour avec un bon vent. Bouh.

☞ On le dit encore neutralement pour changer de place. Ne démare pas de là. Il n’a pas, il n’est pas démaré de sa maison depuis quinze jours. Expression bourgeoise.

Démaré, ée. part.

DÉMARIAGE. s. m. Divorce & séparation qui se fait entre l’homme & la femme, & qui les met en état de se pourvoir chacun de leur côté par de nouveaux nœuds. M. Bayle dit que tout ce que rapporte M. Hochman dans son Traité de la bénédiction nuptiale ; sur les loix qui étendoient ou resserroient la permission du démariage, est extrêmement curieux.

DÉMARIER, v. a. Annuller un mariage, le déclarer nul. Alicujus matrimonium, conjugium solvere, dissolvere. On démarie ceux qui sont mariés, lorsqu’ils sont parens au degré prohibé, ou qu’il y a quelque autre empêchement dirimant.

☞ Se démarier, faire déclarer son mariage nul. Il y a bien des gens qui voudroient bien qu’il fût permis de se démarier. Matrimonii vinculis expedire se.

Démarié, ée. part. Solutus matrimonii vinculis.

DÉMARQUE. s. m. Magistrat, chef d’un peuple, c’est à-dire, d’une contrée de la campagne. Demarchus. Les Athéniens divisoient la campagne en certaines contrées, qu’ils appeloient Δῆμοι, Demi, c’est-à-dire peuples. Ils établissoient un Magistrat dans chacune de ces contrées qu’ils appeloient Δήμαρχος, Démarques, de δῆμος & ἀρχή. C’est de-là que ce nom vient. Voyez Fr. Rossæus, Archæologiæ Atticæ, L. I. C. 6. & M. Spon dans son Voyage de Grèce, p. III. où il traite des peuples de l’Attique. Hoffman donne une liste alphabétique de ces Dèmes, ou peuples & contrées de l’Attique.

DÉMARQUER. v. a. Oter la marque. Notam demere, eximere. A la Paume, quand on a gagné une chasse, il faut la démarquer. Quand on a gagné douze points au Trictrac, il faut que l’autre joueur démarque les points qu’il avoit marqués. Démarquer un livre, c’est ôter la marque qu’on y avoit mise à l’endroit où l’on en étoit demeuré. Le frai & maniement des monnoies avec le temps les démarque.

Cy gît l’illustre de Marca,
Que Le plus grand des Rois marqua
Pour le Prélat de son Eglise.
Mais la mort qui le remarqua,
Et qui se plaît à la surprise,
Tout aussi-tôt le démarqua.

On dit démarquer le vin & autres boissons. Les Commis aux Aides démarquent les tonneaux, quand les Marchands ont payé le droit. On dit aussi Commis à la démarque.

Démarquer, v. n. Se dit des chevaux, lorsqu’on ne connoît plus par aucune marque quel âge ils ont. Equus cujus dentes ætatem ampliùs non signant, indicant. Ce cheval est jeune, il ne démarque pas encore.

Démarqué, ée. part.

DÉMARQUISER. v. a. Faire connoître que celui qui se dit Marquis, ne l’est pas.

La rencontre est plaisante ;
Je l’ai démarquisé bien loin de son attente.
J’en voudrois faire autant à tous les faux Marquis.

Com. du Joueur.

Démarquisé, ée. part.

DÉMASQUER, v. a. Oter le masque. Personam detrahere. Toutes les Dames se démasquèrent pour danser. Cette Dame n’a point voulu se démasquer au bal.

Démasquer, se dit, dans un sens figuré, pour montrer une personne ou une chose telle qu’elle est, & dégagée de toutes les apparences contraires qui la déroboient à la connoissance des autres. On ne le dit qu’en mauvaise part. Démasquer le vice. Démasquer les cagots. Larvam detrahere. Rien n’a paru plus propre qu’une instruction simple & familière, où l’erreur & ses partisans fussent bien démasqués. P. Lallem.

Quel plaisir pour moi ! Quelle joie !
De démasquer ces scélérats,
A qui le vrai mérite est tous les jours en proie. Des-Houl.

On dit aussi qu’un homme se démasque lui-même, pour dire, qu’il se fait connoître pour ce qu’il est.

Démasqué, ée. part.

DÉMASTIQUER. v. a. Détacher une chose attachée avec du mastic ; ôter le mastic qui tenoit une chose attachée. Litocolla solvere. Un côté du verre étant entièrement achevé & poli, on le démastiquera. De la Hire. Acad. 1696. Mém. p. 140.

DÉMÂTER, v. a. Rompre les mâts d’un vaisseau, ou les ôter. Malo navem exarmare, malum dejicere, evertere. La tempête a démâté ces vaisseaux. On a démâté les vaisseaux dans le port, quand on les a désarmés.

Démâté, ée. part. Exarmata malo navis. On dit qu’un vaisseau est démâté, lorsqu’il a perdu un ou plusieurs mâts dans une tempête ou dans un combat, ou quand on les a ôtés au désarmement.

DÉME. Rivière de la Prusse Ducale, qui a son cours dans la Nadravie. Dema.

DEMAYENE. s. m. Vieux mot dont on s’est servi, pour dire, Domaine. On a dit aussi demaine, ou démaine, dans le même sens.

DÉMÊLÉ. s. m. Contestation entre deux personnes, qui diffèrent d’avis sur une chose qui n’est pas suffisamment éclaircie, & sur laquelle on cherche à s’expliquer pour savoir à quoi s’en tenir. Contentio, disceptatio. ils ont eu un démêlé ensemble. L’ambition est la source de bien des démêlés entre les Puissances. Ces deux états ont ensemble des démêlés perpétuels. Les petits démêlés réveillent l’amour. S. Evr. Voyez Contestation, différend, dispute, querelle, procès.

Démêler, v. a. Séparer les choses qui sont mêlées ensemble. Discernere, extricare. Démêler des grains les uns d’avec les autres. Démêler les cheveux, capillum explicare. Cet écheveau de soie est si mêlé, qu’on ne le peut démêler sans en perdre la moitié. Voyant qu’il étoit impossible de défaire ces nœuds, n’importe, dit-il, comme on les démêle. Vaug.

Démêler, se dit figurément en Morale, & signifie, distinguer, séparer. Démêler la fausseté d’avec la vérité. Distinguere vera a falsis, ou verum falso. Démêler le droit d’avec le courbe, faire distinction du bien d’avec le mal. Recto curvum dignoscere. On a bien de la peine à démêler le vrai d’avec le faux ; le dévot d’avec l’hypocrite. Je démêle aisément la véritable amitié des intérêts de l’amour propre. S. Evr. Ceux que la naissance démêle d’avec le peuple, sont obligés par cela même de se porter à la vertu. La Bruy. Démêler la vertu d’avec ses apparences. Mol.

☞ Corneille a dit dans Rodogune.

Et c’est mal démêler le cœur d’avec le front.

☞ Je crois, dit M. de Voltaire, qu’il eût fallu distinguer au lieu de démêler ; car le cœur & le front ne sont point mêlés ensemble.

Démêler, signifie aussi reconnoître, en parlant d’une personne mêlée avec plusieurs autres. Internoscere, unum ab alio discernere. J’ai eu bien de la peine à vous démêler dans la foule.

Démêler, signifie aussi, éclaircir, débrouiller. Expedire, explicare. J’ai eu bien de la peine à démêler cette intrigue. On lui a suscité une affaire fâcheuse, il aura bien de la peine à démêler cette fusée, expression proverbiale. Débrouiller une affaire, une intrigue. Cette cause étoit fort embrouillée ; mais l’Avocat l’a bien démêlée, l’a rendue fort claire.

On dit en ce sens, Démêler un point obscur dans l’Histoire, dans la Chronologie. Démêler une difficulté dans la Scholastique, dans un texte de l’Ecriture.

Démêler, contester, terminer, décider, Dirimere. Démêlez vos différens si vous voulez. La beauté d’une femme, & l’ame de Socrate, peuvent-elles avoir quelque chose à démêler ensemble ? Vill. Je ne veux rien avoir à démêler avec ceux qui vous appartiennent. Voit. Démêler un différend l’épée à la main. J’ai quelque chose à démêler avec lui. Scar.

Démêler, avec le pronom personnel signifie, se tirer heureusement d’une affaire, d’un combat, s’acquitter d’une commission. Explicare, expedire negotium. On a eu beau susciter des affaires, des procès, des calomnies à cet homme là, il s’en est toujours fort bien démêlé. Ce brave étoit fort engagé parmi les ennemis, mais il s’est enfin démêlé d’entre leurs mains.

On dit en termes de Chasse, Démêler les voies de la bête, Recentia feræ vestigia a vetustis dignoscere, pour dire, discerner les vieilles d’avec les récentes.

Démêler, Terme de Foulon. Tirer de la pile l’étoffe, & la remettre & fouler à l’eau chaude quand elle est dégraissée.

Démêler un cheval, terme de Maréchallerie. Voy. Dépêtrer.

Démêlé, ée. part. Il a les significations du verbe.

☞ DÉMEMBREMENT, s. m. C’est l’action de démembrer, & de mettre en pièces. On ne dit point au propre le démembrement d’un chapon, d’un lièvre, d’un agneau, &c. mais il se dit au figuré en parlant des parties d’un corps politique, & signifie l’action d’en séparer, d’en retrancher une ou plusieurs parties, Voyez Démembrer. Avulsio, disjunctio. Le démembrement d’une terre, d’une Justice, d’une Seigneurie, d’une charge, d’un royaume. Le démembrement de cette Seigneurie, de cette charge en a bien diminué le prix. Du démembrement de l’Empire Romain, on vit se former plusieurs grandes monarchies.

Il signifie aussi la chose démembrée. Ce fief est un démembrement d’une telle terre, d’un tel Duché Voy. Démembrer.

DÉMEMBRER, v. a. arracher, séparer les membres d’un corps. Lacerate, dispertire. Orphée fut démembré par la fureur des Bacchantes. On a démembré ce coq-d’Inde, on en a ôté les ailes & les cuisses.

Démembrer, signifie figurément, séparer un corps politique en une ou plusieurs parties, en retrancher une ou plusieurs parties pour les joindre à un autre, ou pour en faire un corps séparé. Démembrer un Royaume, une terre, une Seigneurie. Dispertire ou dispertiri, lacerare, disjungere. Cette Seigneurie a été démembrée d’une telle Principauté. On a démembré plusieurs Evêchés de l’Archevêché de Bourges, pour établir un Archevêché à Albi. On a démembré plusieurs Provinces du Parlement de Paris, pour établir d’autres Parlemens. Démembrer un Royaume. Patru. Démembrer un fief. Le Mait.

Démembrer un fief, c’est en diviser l’unité & l’intégrité, & en faire plusieurs tenus également chacun en hommage séparé. Ce qui se fait quand le vassal vend les dépendances de son fief, sans retenir aucun droit, ni aucune supériorité sur la partie aliénée, ou quand il remet à ses vassaux, qui possédent les arrière-fiefs, ou à ceux qui possédent des censives dans sa mouvance, le droit qu’il a sur eux.

Il y a encore démembrement de fief, quand le vassal permet à ses arrière-vassaux de posséder leurs fiefs en franc-aleu, ou qu’il les cède à d’autres Seigneurs.

C’est donc démembrer son fief que d’en retrancher des membres, & porter préjudice au Seigneur dominant, qui ne seroit plus reconnu, & qui n’auroit plus d’homme qui lui pût faire la loi pour les choses ainsi démembrées. Enfin c’est démembrer son fief, que de le diviser en telle sorte, que d’un fief on en fasse plusieurs, à moins que la division du fief ne soit faite de manière que les différentes parties dans lesquelles il seroit divisé, ne composent toutes ensemble un seul & même sujet.

Démembrer une Justice, c’est en créer une avec réserve du ressort. Les Seigneurs féodaux, Hauts-Justiciers, de quelque qualité & condition qu’ils soient, ne peuvent pas créer ni concéder les droits de Justice, de Châtellenie, & autres semblables à leurs vassaux dans leurs fiefs, sans l’autorité du Roi, comme étant un droit de souveraineté incommunicable & indépendant.

On le dit aussi des parties d’un ouvrage d’esprit. On s’est avisé ces dernières années de nous donner l’esprit de Montagne, tiré de ses Œuvres, mais fort inutilement ; l’expérience ayant fait voir que les Auteurs dont on a prétendu tirer le pur esprit, comme un elixir, ne plaisent point au goût. Tel que soit un Auteur, il ne faut point le démembrer. De Vign. Marv.

Démembré, ée. part. Laceratus, ou avulsus, disjunctus.

Démembré, en termes de Blason, se dit des oiseaux qui n’ont ni pieds, ni cuisses, qui sont sans membres. Mutilus pedibus. On le dit aussi du lion, & des autres animaux dont les membres sont séparés.

DE MÊME. Voy. MÊME.

DÉMÉNAGEMENT. s. m. Transport de meubles d’un logement que l’on quitte dans un autre que l’on va occuper. Supellectilis exportatio. Il y a beaucoup de peine, de frais & de confusion dans un démenagement.

DÉMÉNAGER, v. a. transporter ses meubles d’une maison d’où l’on déloge dans une autre où l’on va loger. Il a déménagé tous ses meubles. Suppellectitem alio exportare.

☞ On le dit aussi absolument. Je pense à déménager. On dit communément qu’on n’est jamais plus riche que quand on déménage, on trouve toujours quelque chose qu’on ne pensoit pas avoir.

Il se dit figurément pour sortir du lieu où l’on est ; & cela ne se dit guère que lorsque l’on en fait sortir par force. Allons, allons, déménagez tout-à-l’heure. Il est familier.

Déménagé, ée. part.

DÉMENCE. s. f. Foiblesse ou aliénation d’esprit, qui est un obstacle à l’usage de la raison dans celui qui en est attaqué. Dementia. La démence emporte incapacité pour le mariage, si elle prive pour toujours de la raison : mais non, si elle a des intervalles, pendant lesquels la personne est capable des actions civiles. Cet homme est en démence, il le faut renfermer. Le Magistrat est le Tuteur des peres tombés en démence. C. B. On donne à ceux qui sont en démence des Curateurs qui veillent à la conservation de leur bien.

Démence, se dit particulièrement de l’aliénation d’esprit ou de l’abolition de la faculté de raisonner, déclarée celle par les Médecins ou par les Juges. Voy. aux mots Folie, délire, manie, les différences & les idées particulières qui les distinguent.

DÉMENÉ. Dans quelques Coutumes ce mot veut dire réglé. Démené forain, c’est-à-dire, réglé par la loi des forains.

DÉMENER. (SE) v. récip. S’agiter, se tourmenter, pour faire réussir quelque affaire. Sese agitare. Si cet homme ne fait fortune, ce n’est pas faute de se bien démener. Il est du style familier.

On se tourmente, on se démène,
On veut tout toucher & tout voir,
On casse tantôt un miroir,
Et tantôt une porcelaine. P. du Cerc.

On dit proverbialement, il se démène de cu & de tête comme un corneille qui abat des noix.

DÉMENTER. v. n. On a dit se démenter, dans le vieux langage, pour dire, se tourmenter, s’affliger de quelque chose, & en perdre presque l’esprit de chagrin, du Latin mens, entendement, & de la particule de.

☞ DÉMENTI. s. m. Reproche qu’on fait à quelqu’un de mensonge ou de fausseté, avec cette formule injurieuse, vous en avez menti. Mendacii exprobratio. Cette insulte mérite une répréhension plus ou moins forte, suivant la qualité des Patries, & suivant les circonstances. Donner, recevoir, souffrir un démenti. Le démenti donné pour quelque cause que ce fût, a toujours passé chez nous pour une injure sanglante.

Démenti, signifie aussi le mauvais succès d’une affaire qu’on a entreprise, ou plutôt l’affront qui en résulte pour celui qui n’a pas réussi. Successus infelix, adversus. On vous a bien dit que cette entreprise, étoit au-dessus de vos forces, vous en avez eu le démenti. Il voit bien qu’il a eu tort de vous quereller, de vous faire un procès, mais c’est un opiniâtre qui n’en veut pas avoir le démenti. Le Père N. est de ces galans hommes qui se piquent de n’avoir jamais le démenti des choses qu’ils entreprennent. Thiers.

DÉMENTIERS. adv. de temps. Vieux mot qui a signifie cependant. On a dit aussi endémentiers, pour dire la même chose.

DÉMENTIR. v. a. Reprocher à quelqu’un en termes formels qu’il a menti, lui soutenir injurieusement qu’il n’a pas dit vrai. Alicui mendacium exprobrare. Il ne faut démentir personne. Je ne voudrois pas vous démentir.

Démentir, signifie quelquefois, dans un sens plus adouci, faire voir qu’une chose n’est pas vraie, être d’un avis contraire, contredire. Ce Philosophe dément Epicure dans plusieurs de ses écrits. C’est un fait que l’expérience dément tous les jours. J’ai fait cette proposition pour vous, n’allez pas me démentir. Vous dites cela aujourd’hui, demain vous vous démentirez. Je ne saurois démentir mon cœur qui parle pour vous.

Mon cœur ne prétend pas, Seigneur, vous démentir,
Et je vous en croirai sur un simple soupir. Rac.

Mais ne voyois-tu pas dans mes emportemens
Que mon cœur démentoit ma bouche à tous momens. Id.

☞ On dit, dans le sens figuré, démentir sa naissance, sa profession, &c. faire des choses indignes de sa naissance, de la profession, &c. Commitere aliquid contrà, &c. ou aliquid agere alienum dignitatis, dignitate, a dignitate. Se démentir, se relâcher, n’être pas constant dans ce qu’on fait. Et, en parlant des choses inanimées, n’être pas égal, uniforme, soutenu. Sibi non constare, deflectere a consuetudine. Ce jeune homme n’a point démenti sa naissance, son éducation, ni les grandes espérances qu’on avoit de lui. Son cœur dément en lui sa superbe origine. Boil. Ta mine ne dément point le lieu d’où j’apprends que tu es sorti. Vaug. Se démentir de ses belles actions. Ab. Cette belle amitié que vous m’aviez jurée, & qui ne se devoit jamais démentir, à la fin s’est éteinte. Voit. Ce Tyran a été cruel jusqu’à sa mort, il ne s’est point démenti. La vertu, quand elle n’est point équivoque, ne se dément jamais. Sibi semper constare. Bell. Il n’y a point de vie si uniforme, où des actions particulières ne démentent quelquefois le gros de la conduite. S. Evr. Jamais la fausseté n’est bien soutenue ; elle se dément à toute heure. Chapitre de Mer. La véritable vertu ne se dément point. S. Réal. Cette pièce d’éloquence, de poësie, est par-tout de la même force, elle ne se dément point.

☞ On le dit de même des bâtimens, de la menuiserie, de la charpente. Ce bâtiment, cette cloison, ce lambris se dément. Les bonnes couleurs ne se démentent point.

☞ DEMENTI. ie. part. Voyez fait démenti par l’expérience. Les caractères y fussent-ils tous démentis, c’est l’inégalité de l’homme qu’on auroit voulu peindre. Non consentaneus. De la Motte.

DEMER. Rivière des Pays-Bas. Demera. Le Démer a sa source dans le pays de Liège, puis entrant dans le Brabant Espagnol, après s’être grossi des rivières de Gelte, de Dyle, de Senne & de Nette, il prend le nom de Ruppel, & va se décharger dans l’Escaut vis à-vis de Ruppelmonde.

☞ DÉMÉRITE. s. m. Qualité opposée au mérite. Voyez ce mot. Ce qui nous attire le juste blâme des autres, & demande punition. Delictum, commissum vituperatione & pœnâ dignum. Vous me reprochez telle chose : où est le démérite de cette action ? Quel démérite ai-je auprès de vous ? Quam ergà te culpam hâc de re commereo, ou commereor ? Commereri, mériter en mal ; mereri, mériter en bien. Dieu ne donne la liberté qu’en faveur du mérite, & c’est pour le mérite qui est son unique fin, qu’il souffre le démérite, auquel la liberté expose l’homme. Fénelon. Si Dieu n’avoit pas fait l’homme libre, il n’auroit pu récompenser le mérite, ni punir le démérite, ni convertir l’homme égaré. Idem.

☞ DÉMÉRITER. v. n. Dans le Dogmatique, c’est faire quelque chose qui nous prive de la grâce de Dieu. C’est l’opposé de mériter. Commerere, ou commereri culpam. Pour mériter & démériter, il faut avoir l’usage de la raison, & la liberté d’agir. L’homme ne peut point mériter, sans être capable de démériter, s’il ne mérite pas. Fénelon.

Démériter, se dit dans une signification plus étendue en parlant des actions relatives à la société, qui nous attirent le blâme des autres, & nous font perdre leur bienveillance. Quand j’ai fait cela, mon dessein étoit de vous rendre service, & je n’ai pas cru démériter auprès de vous.

DÉMESLÉ. Voyez DÉMÊLÉ.

DÉMESLER. Voyez DÉMÊLER.

DÉMESURÉ, ée. adj. Excessif, qui excède de la mesure ordinaire. Immodicus, enormis. L’étendue juste & réglée, fait le grand, la grandeur démesurée fait le vaste. S. Evr. L’Ecriture dit qu’Og, Roi de Basan, étoit d’une taille démesurée ; il avoit neuf coudées de haut. Les lieues de Gascogne sont d’une longueur démesurée. Le Colosse de Rhodes étoit d’une hauteur démesurée.

Démesuré, se dit, figurément, des passions portées à un degré extrême. Une ambition, une envie démesurée. Cromwel savoit cacher sous des manières honnêtes & populaires, une ambition démesurée. Boss.

DÉMESURÉMENT. adv. Avec excès. Immodice, enormiter, præter, supra modum. On peint les Géans fabuleux démesurément grands. Démesurément ambitieux.

DÉMÈTRE. s. m. Nom d’homme. Demetrius. Saint Démètre, chez les Italiens Dimitri, porte le titre de grand Martyr chez les Grecs, parce qu’il est devenu effectivement un de leurs plus célèbres Martyrs dans les siècles du dernier âge de l’Empire de Constantinople. Baillet. Il faut retenir le nom Latin de Démétrius, quand on parle des autres qui l’ont porté. Démétrius Phalereus. Démétrius I. Démétrius II. Rois de Syrie. Pendant que Démétrius II. fils du premier, revenu de Crète, l’an des Grecs 166. deux ans après la défaite & la mort de son père, tâchoit de rentrer dans les Etats qu’il avoit perdus, &c. P. Souciet. Démétrius II. & Antiochus Evergètes son frère, mirent les Juifs en pleine liberté, & accordèrent à Simon leur chef la plus grande marque d’indépendance & de liberté qu’ils pussent lui donner, je veux dire, le pouvoir de battre de la monnoie à son coin. Id.

DÉMÉTRIADE. Ancienne ville de Thessalie, qui, selon Pline L. IV. C. 8. s’appela d’abord Pégase. Demetrias. Elle étoit dans la Thessalie, dans la contrée appelée Magnésie, & sur le Golfe Pélasgique, aujourd’hui Golfe d’Almiro au nord, à l’embouchure d’une petite rivière de même nom, que les Anciens appeloient Anaurus. Démétriade a été capitale de la Macédoine, & a pris son nom du Roi Démétrius, qui y résidoit. C’a été aussi le siége d’un Archevêque. Voyez les Tables Géographiques du P. Lubin.

DÉMÉTRIES. s. f. pl. Fêtes de Cérès nommées en Grec Δημητρός, selon le témoignage d’Hésychius & de Pollux, (Onomaft. l. 1. c. 1.) Demetria. Ceux qui les célebroient, se frappoient avec des fouets composés d’écorce d’arbres, & qu’on appeloit μόροττον. Fasoldus, (Decad. 12. fest. 2.) citant le 20e livre de Diodore de Sicile, dit que les Démétries se célébroient le 30 du mois Munichion. Il y avoit à Athênes des Fêtes de même nom en l’honneur de Démétrius Poliorcètes, que l’on représentoit sur le globe terrestre. (Athénée, l. 12) C’étoient les mêmes que celles qu’on nommoit auparavant Dionysiennes, à qui elles avoient succedé. Cette solennité arrivoit le treizième jour du mois Munychion, qui fut dans la suite appelé Démétrion. Plut. in Demétrio. Diod. de Sicile, l. 18. Eustath. Iliad.

DEMETRIOWITZ. Ville de l’Empire Russien, dans le duché de Smolensko, sur la rivière d’Agra. M. de l’Isle lui donne 54 d. de long. & 52. d. 30′ de lat.

DÉMÉTRIUS. s. m. Nom propre d’homme. Demetrius. Un certain Orfévre nommé Démétrius ; qui faisoit de petits temples d’argent de la Déesse Diane, Mons. Act. XIX. 24. Un certain Orfévre nommé Démétrius ; qui faisoit en argent de petits temples de Diane. Bouh. Ibid. Il a plu à M. de Tillemont de dire Démètre en notre langue. Comment eût-il tourné ce nom si l’on disoit en Grec Demeter ? Les noms Grecs en ter, nous les changeons dans notre langue en tre. Diameter, diamètre : & de même ceux qui sont en δρος en Grec, Μένανδρος, Ménandre, Τίμανδρος, Timandre, Σκάμανδρος, Scamandre, Αλέξανδρος, Alexandre. Mais les noms terminés en Grec en τριος, nous ne les avons jamais tournés en dre ; nous gardons la terminaison latine tirée de la grecque. Les Traducteurs que nous venons de citer sont de meilleurs garants de cet usage, que M. Tillemont ; lui-même a dit souvent Démétrius dans son Histoire des Empereurs.

DÉMETTRE, v. a. Faire sortir un os hors de sa place, le disloquer. Pedem, brachium, humerum laxare. Il l’a tiré si rudement, qu’il lui a démis le bras. Il a fait une chute, il s’est démis le pied. Ce cheval s’est démis l’épaule. Fortifiez, Seigneur, ce qui est infirme, guérissez ce qui est malade, rétablissez ce qui est démis, ou rompu. Pélisson.

Démettre, signifie aussi, dépouiller quelqu’un d’une charge, d’un emploi, d’une dignité. Aliquem munere abdicare. Un Seigneur ne peut démettre un Officier pourvu à titre onéreux, sans remboursement. On doit démettre un Officier pour forfaiture, pour concussion.

Démettre, avec le pronom personnel, signifie en général quitter un emploi, une charge, un office, particulièrement un Bénéfice. Abdicare se magistratu, munus abdicare, deponere. Dioclétien se démit volontairement de l’Empire. Ce père s’est démis de sa charge en faveur de son fils. Un tel Evêque s’est démis de son évêché. On dit aussi, se démettre d’une affaire, pour dire, s’en déporter, ne s’en plus mêler.

Démettre, C’est simplement révoquer celui qui est pourvu d’un office, en laissant subsister le titre. Supprimer, c’est anéantir jusqu’au titre.

☞ Se démettre & abdiquer ont aussi leur nuances particulières. On n’abdique que les places éminentes, & c’est toujours un acte volontaire. Voy. ce mot. On se démet de toutes sortes de places, grandes ou petites, d’un Bénéfice & c’est quelquefois un abandon forcé. On ne doit se démettre que quand il n’est plus permis de remplir ses devoirs avec honneur Voy. encore démission, résignation, renonciation, désistement.

Démis, ise. part. Il a ses significations de son verbe

DÉMEUBLEMENT. s. m. Action de démeubler.

DÉMEUBLER. v. a. Ôter les meubles d’une chambre, d’une maison. Supellectilem eximere. On a démeublé cet appartement d’hiver, pendant qu’on occupera l’appartement d’été. Il habite dans une chambre démeublée.

Démeubler, se dit, dans un sens figuré, en parlant de la bouche dont on ôte toutes ou presque toutes les dents. Ceux qui se sont arracher les dents toutes les fois qu’ils y sentent de la douleur ont bientôt démeublé leur bouche. Dionis.

Démeublé, ée. part. Nudatus supellectili. Une bouche démeublée, est une bouche où il n’y a plus de dents.

DEMEURANCE. s. f. Ce mot est hors d’usage, & en sa place on dit demeure. Domicilium, sedes, domus.

DEMEURANT, ante. adj. Qui habite, qui loge en un lieu. Habitans, commorans. Les Bourgeois demeurans sur la rue, sont tenus de mettre des lanternes aux fenêtres pendant les réjouissances publiques.

Demeurant. s. m. Restes. Reliquium. Bon dans le discours familier.

Mainte veuve souvent fait la déchevelée,
Qui n’abandonne pas le soin du demeurant,
Et du bien qu’elle aura fait le compte en pleurant. La Font.

Régnier dit qu’un Pédant affamé voyant desservir.

Semblait avoir, des yeux, regret au demeurant.

Au demeurant. adv. Vieux mot qui signifie au reste, Ceterum. Marot dit de son valet,

Sentant la hart de cent pas à la ronde,
Au demeurant le meilleur fils du monde.

Ce terme est vieux, & on ne s’en sert plus que dans le discours familier. Je regrette fort les mots qui servent aux liaisons des périodes, parce que nous eu avons grand besoin, & qu’il les faut varier. Vaug.

☞ DEMEURE. s. f. Domicile, lieu où l’on habite. Paris est la demeure de bien des Provinciaux. Sedes, domicilium. Choisir, établir, fixer sa demeure en quelque endroit, à la ville, à la campagne. Belle, agréable demeure. Triste, sombre demeure.

Souffrez que ces demeures sombres,
Prêtent leur solitude au trouble de mon cœur. Mol.

L’Ordonnance enjoint aux Sergens de marquer dans leurs exploits le lieu de leur demeure. Le Paradis est la demeure, le séjour des Bienheureux. Les Poëtes appellent l’Enfer les sombres demeures. La prison est une triste demeure. Donnez-moi votre demeure par écrit. Voyez Demeurer.

Demeure. Il signifie aussi le temps pendant lequel on habite en un lieu. Il n’a pas fait longue demeure en ce lieu là. Ac. Fr.

Demeure, signifie aussi, état de consistance, dans cette phrase, Cela n’est pas à demeure. Cela n’est pas fait à demeure, pour dire, cela ne doit pas demeurer en l’état où il est.

☞ Labourer à demeure, en termes d’Agriculture & de Jardinage, Voyez Demeurer.

Demeure, se dit aussi, en termes de Chasse, des lieux où se retirent les bêtes, selon la diversité des saisons. Latibulum.

Demeure, en termes de Palais, se dit des retardemens du temps qui court au-delà du terme où l’on est obligé de payer, ou de faire quelque chose. Mora. Les intérêts d’une somme mobiliaire ne sont dus qu’à cause de la demeure, sont adjugés du jour du commandement de payer, qu’on est en demeure. Le Procureur a été forclos, parce qu’il est en demeure de produire, de faire son enquête.

DEMEURER, v. n. Avoir sa demeure, habiter dans quelque lieu, y faire sa résidence. Commorari, manere, habitare. Les Anciens ont cru qu’on ne pouvoir demeurer sous la Zone Torride, ni dans les Zones Glaciales. Les Nobles qui demeurent à la campagne, sont traités de campagnards. Les bêtes farouches demeurent dans les forêts, dans les lieux deserts. Diogène ayant appris que les habitans de Synope l’avoient banni de leur ville, & moi, dit-il, je les condamne à y demeurer, parce que le séjour en étoit désagréable. Ab.

☞ Ces deux mots demeurer & loger, sont synonymes dans le sens ou il signifient la résidence : mais demeurer se dit par rapport au lieu topographique où l’on habite ; & loger par rapport à l’édifice où l’on se retire. On demeure à Paris, en Province, à la campagne. On loge au Louvre, chez soi, en hôtel garni. Syn. Fr. Quand des gens de distinction demeurent à Paris, ils logent dans des hôtels, & quand ils demeurent à la campagne, ils logent dans des châteaux.

Ce mot vient du Latin dimorare, ou dimorari. Du Cange.

Demeurer, signifie aussi, être un espace de temps à faire quelque chose. Morari. Saturne demeure 30 ans à faire le tour du Zodiaque. Les couriers les plus prompts demeurent huit jours à aller de Paris à Rome. Cet usage du verbe demeurer n’est pas bon. On se serviroit plutôt des verbes être, passer, mettre ou employer. Saturne est trente ans, ou met trente ans à faire le tour du Zodiaque. Virgile passa toute sa vie à travailler à l’Enéide : ou bien l’on ne mettroit aucun de ces verbes, & l’on diroit tout court, Virgile travailla 20 ans, travailla toute sa vie à son Enéide.

Demeurer, signifie aussi, s’arrêter, ne pas quitter le lieu où l’on est. Consistere, stare. Une sentinelle crie au moindre bruit, qui va là ? demeure là. Quand il apprit cette nouvelle, il demeura tout court, il changea de dessein. L’armée est demeurée campée en un tel endroit.

Demeurer & rester considerés dans une signification synonyme. Demeurer, dit M. l’Abbé Girard, ne présente que cette idée simple & générale de ne pas quitter le lieu où l’on est. Rester a de plus une idée accessoire de laisser aller les autres. Il faut être hypocondre pour demeurer toujours chez soi sans compagnie & sans occupation. Il y a des femmes qui ont la politique de rester les dernières aux cercles, pour dispenser les autres de médire d’elles.

☞ Il paroît que rester convient mieux dans les occasions où il y a une nécessité indispensable de ne pas bouger de l’endroit ; & que demeurer figure bien où il y a pleine liberté. Ainsi l’on dit que la sentinelle reste à son poste, & que le dévot demeure longtemps à l’Eglise.

On dit au Palais, qu’une cause est demeurée sur l’heure, quand une plaidoirie a été interrompue par la levée de l’Audience. Quand on donne des défenses, on dit, toutes choses demeurant en état, pour arrêter le cours d’une procédure commencée. On dit qu’une boule est demeurée, quand elle s’est arrêtée avant que d’arriver au but. On dit encore, demeurez ici à souper, à coucher.

On dit en ce sens, qu’il en faut demeurer là ; c’est-à-dire, s’arrêter à une chose délibérée, conclue, choisie, & dont on est demeuré d’accord ; ne pousser pas plus loin une contestation, un éclaircissement. Voyez ACCORD. C’est un homme qui n’en demeurera pas là, qui poussera bien loin son ressentiment, sa fortune. Ce Conseiller du Châtelet n’en veut pas demeurer là, il veut être Maître des Requêtes, Président, quand il aura l’âge, ou le service. Cette affaire est demeurée là, c’est-à-dire, qu’il n’y a personne qui la poursuive, qui la fasse juger.

Demeurer, se dit aussi, parmi les ouvriers, d’une chose achevée, d’un ouvrage fini. Absolutum esse, perfectum, consummatum. Dans les bâtimens on fait plusieurs constructions qui ne sont pas à demeurer. Les cintres de bois, les étais ne sont pas à demeurer. Cette pierre est arrêtée par le poseur, elle est à demeurer. Voilà un tableau bien fini, il est à demeurer. Ceci n’est qu’un essai, un modèle, qui n’est pas à demeurer.

Demeurer, s’emploie aussi par les Jardiniers à-peu-près dans le même sens, & toujours à l’infinitif. Persistere. Il ne se dit que des plantes, racines, herbes qu’on sème en pleine terre pour les y laisser, jusqu’à ce que le temps de les manger, de les consumer, soit venu. Ainsi semer à demeurer, c’est semer des plantes en pleine terre, pour les laisser croître, sans qu’il soit besoin de les replanter, telles que sont des racines, des salades, des fournitures de salades. Il faut semer, dit-on, des laitues à demeurer. Liger. Demeurer parmi les Laboureurs s’emploie aussi par rapport aux terres. Je vais labourer ce champ à demeurer. Il est temps de mettre cette terre à demeurer, c’est-à-dire, de lui donner le dernier labour, la dernière façon. Id. Il y a des Laboureurs qui disent labourer à demeurant, mais à demeurer vaut mieux. Id. D’ordinaire on sème à demeurer le persil, le cerfeuil, l’oignon, les carottes, les panais, &c. La Quint.

☞ On dit plus communément aujourd’hui, labourer à demeure, donner le dernier labour avant que de semer. Semer à demeure de la semence à la place où elle doit rester. Duhamel.

Demeurer, se dit encore de ce qui s’arrête, de ce qui adhère, de ce qui s’attache naturellement. Adhdærescere, Adhærere. Quand on manie de la graisse, il en demeure toujours aux doigts : ce qu’on applique à ceux qui manient de l’argent. La grue tira l’os qui étoit demeuré dans le gosier du loup. La lie demeure au fond du tonneau.

Demeurer, se dit aussi pour, être, Perstare. Ce Prince est demeuré neutre pendant toute la guerre. Il demeura sans rien faire pendant son absence. Je demeurai tout le jour sans manger. Demeurer d’accord.

Demeurer, signifie aussi, être de reste. Remanere, superesse. Le vent a abattu tous les fruits, il n’en est pas demeuré un sur l’arbre. Cet escadron a été tellement défait, que tout est demeuré sur la place. Voilà le débris de ce vaisseau, ce qui en est demeuré, qui nous en est resté. Il ne nous est rien demeuré des Ouvrages d’Epicure, de Démocrite. Il ne lui est rien demeuré de tout le bien qu’il avoit. Quand on mangeoit l’Anneau paschal, il falloit faire en sorte qu’il n’en demeurât rien. Il est demeuré perclus de ses membres, demeuré estropié, aveugle d’une telle maladie.

☞ On peut bien dire qu’un homme est demeuré mort sur la place ; mais on ne peut pas dire qu’il seroit demeuré mort, si on ne l’avoir secouru. Ces mots demeurer mort, signifient qu’il étoit mort en effet. On peut bien dire qu’un homme demeureroit estropié, parce qu’un estropié peut guérir ; qu’on demeureroit prisonnier, parce qu’un prisonnier peut être délivré ; mais non pas qu’on demeureroit mort, parce qu’un mort ne ressuscite pas.

☞ On dit figurément dans le même sens, que le champ de bataille est demeuré aux ennemis, que la victoire nous est demeurée ; pour dire que le champ de bataille est resté aux ennemis, que nous avons eu la victoire. Potiri, frui. La honte de cette action est demeurée à ceux qui l’ont entreprise. Il ne m’est rien demeuré de cette succession.

Demeurer, signifie aussi, persister, persévérer, être dans un état permanent. Persistere, permanere, perseverare. L’esprit du sage demeure toujours dans une même assiette. Il demeure toujours dans un même sentiment, dans le même honneur, dans le même crédit. Il lui est demeuré fidèle jusqu’à la mort. Demeurer dans le péché, Pasc. J’aime beaucoup mieux que votre injustice & votre ingratitude demeurent sans punition, que d’être vengée. Let. Port.

Demeurer, se dit encore figurément en plusieurs autres choses spirituelles & morales, où il a tantôt l’une, tantôt l’autre, des significations qu’on vient de marquer. C’est un homme modéré qui demeure dans de justes bornes, qui demeure dans le respect devant ses supérieurs. Celui qui demeure dans le silence, quand son voisin empiète sur lui, lui laisse acquérir prescription. On dit aussi de celui à qui la mémoire est infidelle, qu’il demeure en son discours, en son sermon, qu’il est demeuré tout court dans la chaire. Hæsit. On dit de celui qui n’a pas assez de vivacité d’esprit pour répondre sur le champ à quelque reproche, ou à quelque objection, qu’il est demeuré confus, muet, interdir, qu’il est demeuré froid comme glace. Ces peuples sont inquiets, ils ne sauroient demeurer en paix. C’est un brave qui ne peut demeurer inutile, les bras croisés. Mais je le laisse aller après un tel indice, & demeure les bras croisés comme un Jocrisse. Mol. On dit d’une personne qui conserve toujours quelque ressentiment contre un autre que cela lui est demeuré sur le cœur. Manet alta mente repostum. On dit, par la même raison, qu’il ne lui est rien demeuré sur le cœur, pour dire, que la réconciliation est véritable & entière.

Demeurer au filet, se dit familièrement d’un homme à qui la mémoire manque en récitant un discours. Un Magistrat prononçant une harangue qu’il avoit fait faire par un Avocat, demeura au filet ; & comme il faisoit effort pour se remettre, sans en venir à bout, dépité, il dit tout haut : Diable soit de l’Avocat, pourquoi me l’a-t-il fait si longue ? De Vign. Marv.

Demeurer, joint à d’autres termes, reçoit différentes aceptions dans le commerce. On dit, dans les comptes, demeurer en reste, demeurer en arrière, c’est rester débiteur, ne pas payer toutes les sommes portées dans une obligation, dans un mémoire, &c. Debitorem inveniri, deprehendi, expensis rationibus.

☞ On dit de même qu’un article est demeuré en souffrance, quand il n’est alloué qu’à la charge d’en justifier par quittance ou autrement. Telle partie est demeurée en souffrance, en débet de quittance.

Demeurer garant. C’est répondre de l’exécution d’une promesse que fait un autre, ou du paiement d’une somme qu’il emprunte, ou qu’il doit. C’est proprement le rendre sa caution.

Demeurer du croire. C’est être garant de la solvabilité de ceux à qui l’on vend des marchandises à crédit pour le compte d’autrui.

Demeurer, terme de Marine, signifie la situation d’une chose par rapport à une autre. Leur frégate nous demeura au nord. Nous fîmes voile par le sud, les montagnes nous demeurèrent à l’ouest.

Demeurer, terme de Manège, qui se dit lorsque celui qui monte un cheval, ne le fait pas assez aller en avant. Votre cheval demeure.

Demeurer, se dit proverbialement en ces phrases. Il est demeuré sur son appétit, pour dire, qu’il n’a pas mangé selon son appétit, qu’il s’est retenu de mange. Il faut demeurer sur la bonne bouche, pour dire ; sur ce qui plaît, sur ce qui est agréable. On dit aussi qu’un homme est demeuré pour les gages, quand il a été tué, ou pris dans quelque occasion : ce qu’on dit aussi d’un bras, d’un œil, d’une jambe, ou des hardes qu’il y aura perdues. On dit qu’un homme demeure en beau chemin, quand il abandonne une affaire lorsque le succès en paroît certain. On dit aussi que la parole vole, & que l’écriture demeure, pour faire entendre qu’il est dangereux d’écrire.

Demeuré, ée. part.

DEMI, ie. adj. m. & f. Moitié d’une chose, chaque moitié d’une quantité divisée en deux parties égales. Semis. Une aune & demie. Ulna cum dimidiæ ulnæ parte. Une douzaine & demie. Octodecim. Un cent & demi. Centum & quinquaginta. Une livre & demie. Libra cum dimidiâ. On dit midi & demi, pour dire, demi-heure après midi. Duodecima cum dimidiâ.

Ce mot de demi se construit différemment quand il est devant le mot auquel il se rapporte, il est indéclinable : par exemple, demi-pied, demi-heure, demi-toise, deux demi-toises ; mais, quand il est après ce mot, il en prend le genre comme un adjectif, & il est ordinairement précédé par un nom de nombre avec la particule de, ainsi l’on dit un pied & demi, une toise & demie.

Ce mot vient du Latin dimidium.

☞ Le mot de demie féminin, s’emploie quelquefois substantivement, pour signifier demie heure. Quelle heure est-il ? la demie est sonnée, alors ce mot a un pluriel. Cette montre sonne les heures & les demies.

Demi, entre en la composition de plusieurs mots substantifs de la Langue, & alors c’est une espèce de particule qui n’a ni genre, ni déclinaison, ni régime, & qui ne peut se détacher du substantif. Un demi-diamètre. Semi-diameter. Un demi-cercle. Semi-circulus. Un demi-rond. Semicyclus, semiorbis. Un demi-pied. Semipes. Une demie-livre. Selibra. Un demi-boisseau. Semodius. Demi-douzaine. Sex. Demi-lieue. Semileuca. Demie-heure. Semihora. Demi-aune. Ulnæ dimidia pars. Un demi-an. Semestre spatium. Demi-degré. Semigradus. Demi-tour à droite. Semicircuitus ad dextram. Demi-queue. Sesquiculeare dolium. Demi-muid. Octava culei. Demi-setier. Hemina. Demi-savant. Semidoctus. Confitures à demi-sucre. Saccharo leviter condita. Demi-écu. Nummus tricenarius. Il y avoit au temps des Rois de la première Race, des espèces de monnoies, qu’on appeloit des demi-deniers, & des demi-sous. Semissis. Il y avoit des demi-sous d’or, qui d’un côté avoient la figure de Sigebert Roi d’Austrasie avec le diadème de perles, & la robe royale, & de l’autre la croix. Bouteroue.

☞ En fait de fractions, demi s’écrit ainsi .

Demi, se joint à tous les noms des choses qui peuvent se partager en deux, comme une demi-ligne, un demi-pouce, un demi-pied, une demie-lieue, un demi-degré, un demi-cent, demi-pistole, demi-louis, demi-paie, &c. Il n’est pas nécessaire de rapporter tous ces mots, il suffit d’en avertir ici en général.

Cependant il est bon d’avertir qu’on ne joint point ce mot indifféremment, par exemple, on ne dira point un demi-bourg, demi-ville, demi-Poovince. La demi-Normandie, pour dire, la moitié de la Normandie seroit extraordinaire. La demi-Auvergne est montagneuse, pleine de montagnes. Il faut dire la moitié de l’Auvergne est montagneuse, pleine de montagnes.

Ce mot ainsi appliqué a quelquefois quelque chose de plus que cette signification, & y ajoûte quelque chose de méprisant, par exemple : demi-homme a trois sens différens tous méprisans. 1o. Il signifie un fort petit homme. Frustum hominis. 2o. Il signifie un homme lâche, un poltron. C’est dans ce sens que Virgile a dit, Æneid. L. XII. v. 99.

Loricamque manu valida lacerare revulsam
Semiviri Phrygis.

3o. Il se dit d’un Eunuque. Spado.

Demi. s. m. Se dit chez les Maîtres en fait d’armes. Voyez Demi-botte.

Demi-air ou Demi-volte. Voyez Volte.

Demi-Ariens ou Sémi-Ariens, en Latin Semi-Ariani. C’est le nom qu’on donna à ceux qui condamnèrent en apparence les erreurs d’Arius, mais qui ne laissèrent pas de les conserver, se servant de termes plus doux, que ceux dont les Ariens se servoient : & par là ils en imposèrent à bien des gens. Ils se séparèrent en effet de la faction Arienne ; mais ils ne voulurent point reconnoître que le fils fût consubstantiel au père, c’est-à-dire, Homoousios, comme parlent les Grecs, ils disoient qu’il étoit seulement Homoiousios, c’est-à-dire, d’une substance semblable au père. Quoiqu’ils ne différassent des orthodoxes que d’une seule lettre, pour ce qui est de l’expression, ils étoient néanmoins véritablement dans l’erreur d’Arius qui mettoit le fils dans le rang des créatures. Il leur étoit inutile de dire qu’il n’étoit point dans l’ordre des autres créatures, puisqu’en ne le faisant pas consubstantiel à son père, il ne pouvoit être véritablement Dieu.

Il y a eu cependant quelques Ecrivains orthodoxes qui se sont servis du mot Homoiousios en parlant du fils,& qui ont donné un bons sens à ce mot.

Demi-arrêt, terme de Manège. Voyez Arrêt.

Demi-autour, terme de Fauconnerie. C’est la seconde espèce. Elle est maigre & peu prenante. Voyez Autour.

Demi-bain, en termes de Médecine, est une espèce de fomentation humide qui se fait, lorsqu’on plonge la moitié du corps, comme les reins & les cuisses, dans un vaisseau propre. On l’appelle aussi insession, parce qu’on fait asseoir le malade sur des herbes convenables qu’on met dedans. On appelle aussi demi-bain, le tonneau qui sert à cet usage ; on lui a donné le nom de demi-bain. Il a pris le demi-bain. En latin insessus, semicupium.

Demi-bastion. s. m. Terme de Fortification. Ouvrage qui n’a qu’une face & un flanc. Semipropugnaculum, propugnandum dimidiatum.

Demi-batoir. s. m. sorte de petit batoir, pour jouer à la paume. Semi palmula.

Demi-Bosse. s. f. Terme de Sculpture. C’est un bas relief qui a des parties saillantes & détachées.

Demi-botte, ou Demi-coup, chez les Maîtres en fait d’armes, se dit d’une action qui a son effet plus avancé que l’appel ou la feinte. On le dit aussi de ces coups qui ne doivent toucher qu’aux parties les plus avancées, comme au bras, à la main gauche, à la cuisse & à la tête, afin d’incommoder son ennemi. Petitio extremarum corporis partium. On dit aussi en cet art, attaquer par le demi, par le quart & par le diamètre du cercle, de droite à gauche, & de haut en bas, ou au contraire les mouvemens par le demi sont de prime en tierce, de tierce en quinte, de seconde en quarte ; les mouvemens par