Dictionnaire de l’administration française/ANNUAIRE MILITAIRE

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ANNUAIRE MILITAIRE. 1. De 1699 à 1750, l’Almanach royal offrait l’unique nomenclature générale, mais fort abrégée, des officiers de l’armée. En 1750 parut pour le département de la guerre le premier état militaire spécial beaucoup plus développé, et peu de temps après un état semblable fut imprimé pour le département de la marine. Quoique dressés annuellement sur des renseignements puisés à bonnes sources, ni l’un ni l’autre n’étaient officiels. Cependant, un document authentique de cette nature sortit, en 1773, des presses de l’imprimerie royale, sous le titre de Tableau chronologique de l’armée depuis la création des régiments jusqu’en 1773, etc. ; il n’a point eu de suite, et il est devenu très-rare. Les états militaires et ceux de la marine (Voy. Annuaire de la marine) n’indiquaient que les noms des officiers de toutes armes et de tous grades ; mais le chiffre de l’effectif des troupes n’était pas publié. Ces deux recueils ont duré jusqu’en 1793.

2. Entre 1793 et 1805, il n’y a traces que de tentatives incomplètes, non autorisées, presque aussitôt abandonnées que conçues, parmi lesquelles figurent celles d’un sieur Roussel et de l’adjudant commandant Champeaux. Les longues guerres de l’empire qui virent se succéder tant de milliers d’officiers auraient rendu bien difficile la continuation des états militaires et de la marine, et on ne connaît de cette époque que le livret d’emplacement des troupes, document périodique, mais confidentiel, et dont l’utilité a maintenu l’usage. En 1813, le Duc de Feltre, ministre de la guerre, voulut rétablir l’ancien état militaire ; mais le moment étant encore moins favorable qu’auparavant, ce projet ne se réalisa pas.

3. L’Annuaire militaire, tel qu’il existe aujourd’hui, a été créé par l’ordonnance royale du 17 novembre 1819, qui en concéda le privilége à M. F. X. L. Levraut, et prescrivit au ministre de la guerre de fournir tous les renseignements nécessaires pour sa confection. Aux termes des instructions sur les revues annuelles, les officiers y sont inscrits dans l’ordre de leur ancienneté de grade, et les inspecteurs généraux sont tenus d’y recourir pour opérer leur classement, à moins qu’il ne leur soit présenté des lettres ministérielles d’une date postérieure au dernier Annuaire. Ainsi s’est réalisée l’une des principales améliorations dues à la loi du 10 mars 1818, à cette belle loi Saint-Cyr, qui, la première, est venue établir et régler les conditions de l’avancement au choix et les droits de l’ancienneté.

4. Les officiers de tous grades et de toutes armes appartenant soit à l’état-major général, soit aux corps de l’armée, les officiers de l’intendance militaire, les officiers de santé, les agents de tous les services administratifs de la guerre, le personnel du commandement et de l’administration des écoles militaires et des invalides, celui de l’administration centrale et des bureaux du ministère, enfin le comité du Conseil d’État de la guerre, les comités d’armes et les commissions de classement prennent place dans l’Annuaire.

L’importance qu’il a acquise vis-à-vis de nombreux intéressés témoigne suffisamment du soin et de l’exactitude auxquels l’éditeur, dans la famille duquel il est resté jusqu’à ce jour, a dû s’assujettir, et sa publication est une garantie nouvelle pour le plus sacré de tous les droits des officiers, celui de l’ancienneté. Genty de Bussy.

Par suite des événements, l’Annuaire militaire n’a pas paru en 1871 et 1872 ; en 1873 il a pris le titre d’Annuaire de l’armée française.

L’importance de l’Annuaire est telle qu’il a donné lieu à un procès, jugé le 19 février 1875 et dont l’arrêt du Conseil d’État que nous allons reproduire fera connaître l’objet :

Vu la loi du 14 avril 1832 sur l’avancement de l’armée et l’ordonnance du 16 mars 1838 qui en règle l’exécution, la loi du 19 mai 1834 sur l’état des officiers, celle du 4 août 1839 sur l’organisation de l’état-major général ;

Considérant que, pour demander l’annulation de la décision qui a refusé de rétablir son nom sur la liste des généraux de division publiée dans l’Annuaire militaire, le prince Napoléon-Joseph Bonaparte se fonde sur ce que le grade de général de division que l’empereur, agissant en vertu de l’art. 6 du sénatus-consulte du 7 novembre 1852, lui avait conféré par décret du 9 mars 1854, était un grade qui lui était garanti par l’art. 6 de la loi du 19 mai 1834 ;

Considérant que si l’art. 6 du sénatus-consulte du 7 novembre 1852 donnait à l’empereur le droit de fixer les titres et la condition des membres de sa famille et de régler leurs devoirs et leurs obligations, cet article disposait en même temps que l’empereur avait pleine autorité sur tous les membres de sa famille ;

Que les situations qui pourraient être faites aux princes de la famille impériale en vertu de l’art. 6 du sénatus-consulte du 7 novembre 1852 étaient donc toujours subordonnées à la volonté de l’empereur ;

Que dès lors la situation faite au prince Napoléon-Joseph Bonaparte par le décret du 9 mars 1854 ne constituait pas le grade, dont la propriété définitive et irrévocable ne pouvait être enlevée que dans des cas spécialement déterminés en garantie par l’art. 1er  de la loi du 19 mai 1834, et qui donne à l’officier qui en est pourvu le droit de figurer sur la liste d’ancienneté publiée chaque année par l’Annuaire militaire ;

Que dans ces circonstances le prince Napoléon-Joseph Bonaparte n’est pas fondé à se plaindre de ce que son nom a cessé d’être porté sur la liste de l’état-major général de l’armée,

Décide :

La requête du prince Napoléon-Joseph Bonaparte est rejetée.