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Dictionnaire de l’administration française/BEAUX-ARTS

La bibliothèque libre.
Berger-Levrault et Cie (p. 230-232).

BEAUX-ARTS. 1. Comme instruments de civilisation, comme manifestations de deux grandes facultés de l’âme humaine, l’imagination et la sensibilité, comme occasion de gloire pour le pays, enfin comme moyen de progrès pour les professions industrielles, les beaux-arts ont droit à la protection et aux encouragements de l’autorité. La France pourvoit largement à leurs besoins ; plusieurs grandes institutions sont consacrées aux beaux-arts, et ils forment une attribution importante de l’administration centrale.

2. Pour la musique, il existe à Paris, sous le nom de Conservatoire de musique et de déclamation, une école célèbre, d’où sortent chaque année des instrumentistes et des chanteurs, dont les plus distingués débutent ensuite sur les grands théâtres de la capitale. (Voy. Conservatoire national de musique et Théâtres.) Plusieurs villes considérables, telles que Lille, Toulouse, etc., ont des Conservatoires, qui ont été érigés en succursales de celui de Paris. En outre, la musique fait partie de l’enseignement des lycées, et entre même comme élément dans les leçons rudimentaires que les enfants reçoivent dans les écoles primaires. Beaucoup de communes ont fondé des institutions spéciales de musique, telles que l’Orphéon de Paris, imité dans d’autres villes, et elles soutiennent l’émulation des maîtres et des élèves par la publicité des concours et des distributions de prix. De plus, les conseils généraux de département et les conseils municipaux de quelques villes considérables votent souvent des fonds destinés à pourvoir aux frais des études suivies, à Paris, par des élèves qui ont annoncé des dispositions remarquables pour l’art musical.

3. Les arts plastiques sont encore plus richement dotés. L’ancienne académie de peinture et de sculpture, fondée en 1648, et celle d’architecture, établie en 1671, ont été remplacées par l’École nationale des Beaux-Arts, installée à Paris dans un vaste palais. Elle est divisée en deux sections, qui correspondent aux besoins de l’enseignement, celle de peinture et de sculpture, et celle d’architecture. Elle est régie par un règlement constitutif, du 22 juillet 1819, approuvé par ordonnance royale du 4 août suivant. Elle possède un musée et une bibliothèque pour les études des élèves ; l’instruction y est gratuite.

Chaque année, les élèves que les concours ont signalés comme les plus distingués, concourent pour les grands prix de peinture des différents genres, de sculpture, d’architecture, de gravure, de gravure en médailles et sur pierre dure ; les ouvrages des concurrents sont exposés publiquement ; les professeurs de l’école déterminent le rang qu’ils doivent prendre et les récompenses qu’ils doivent recevoir. Ces récompenses, ainsi que celles du concours de musique, sont décernées dans une séance solennelle.

4. L’établissement créé à Paris par Louis XV en 1766, sous le nom d’École gratuite de dessin, a pris le titre d’École spéciale de dessin et de mathématiques appliqués aux arts industriels. On y enseigne gratuitement la géométrie pratique, l’arithmétique et le toisé, l’arpentage, la coupe des pierres, la charpente, les éléments d’architecture, la composition d’ornement, le dessin de la figure humaine et des animaux, le dessin des ornements et des fleurs, la sculpture d’ornement et le dessin d’après la bosse.

5. Enfin Paris possède une École spéciale de dessin pour les jeunes personnes. On y enseigne gratuitement tous les genres de dessin.

6. L’enseignement du dessin, surtout du dessin linéaire, est prescrit dans beaucoup d’établissements publics ; il forme une partie essentielle des institutions industrielles relevant du Gouvernement, comme le Conservatoire des arts et métiers à Paris, les Écoles d’arts et métiers de Châlons, d’Angers et d’Aix, ou fondées dans certaines grandes villes, par exemple l’École de Lamartinière à Lyon, l’École industrielle de Nantes, etc.

7. La France entretient des écoles d’art même hors de son territoire. La fondation de Louis XIV à Rome existe encore, bien que son utilité puisse paraître diminuée depuis que la splendeur des arts a pâli en Italie et brille d’un vif éclat en France. L’École ou Académie française de Rome, à la tête de laquelle est un directeur nommé pour cinq ans par le Gouvernement, reçoit chaque année les élèves qui ont remporté le premier prix dans les différentes parties des beaux-arts ; ils sont logés dans un palais et entretenus aux frais de l’État ; ils passent cinq ans à Rome, et peuvent obtenir l’autorisation de voyager, durant les deux dernières années, dans d’autres villes d’Italie ou en Allemagne.

L’École d’Athènes, fondée en 1846 par le gouvernement français, dans un but principalement philologique et archéologique, a une section dite des beaux-arts, composée d’élèves pensionnaires de l’Académie de France à Rome.

8. Parmi les plus belles institutions relatives aux beaux-arts se placent les musées. La plus riche de ces collections est le musée du Louvre. Ce musée, ceux du Luxembourg, de Versailles et de Saint-Germain, sont sous la garde du directeur des musées et de conservateurs spéciaux.

9. Il existe, dans les départements, un grand nombre de musées, plus riches qu’on ne le pense généralement. On peut citer ceux de Lyon, Bordeaux, Nantes, Lille, Montpellier, Valenciennes, Nancy, Rennes, Grenoble, etc., etc. Ils sont entretenus aux frais des villes, avec ou sans subvention du département. Ils s’augmentent par les envois que leur fait le Gouvernement, des œuvres d’art commandées ou achetées par lui.

De même que pour la musique, des jeunes gens qui paraissent devoir se distinguer dans les arts plastiques sont souvent envoyés par les départements ou par les communes pour achever leur éducation d’artistes à Paris.

10. On peut considérer comme institutions d’art : les manufactures nationales de Sèvres, des Gobelins et de Beauvais. La manufacture de Sèvres, à laquelle sont attachés des artistes éminents, rend de grands services à l’art par la conservation des bons procédés de peinture sur porcelaine, par la recherche et l’expérimentation de procédés nouveaux, par l’introduction et l’emploi de belles formes appliquées aux produits de l’art céramique. Quant aux tapisseries des Gobelins et de Beauvais, ce sont des œuvres d’une haute valeur, qui exigent autant d’habileté que de goût, et qui assurent à la France une supériorité incontestée.

11. Les expositions d’objets d’art par les artistes vivants sont destinées à constater l’état et les tendances de l’art contemporain, et à entretenir une utile émulation. Elles remontent aux usages de l’ancienne monarchie ; autrefois les membres de l’Académie de peinture et de sculpture étaient seuls admis à y figurer ; ce privilége fut supprimé. Depuis la révolution de 1789, les expositions publiques reçurent différentes réglementations, quant à leur périodicité et aux conditions d’admission. Sous la Restauration, elles étaient bisannuelles, et c’était l’Académie des beaux-arts qui prononçait sur les admissions. Sous la monarchie de 1830, elles devinrent annuelles : le mode d’admission resta le même. En 1848, l’exposition fut dégagée de toute condition d’admission : le public dut faire justice de la médiocrité, du ridicule et de l’inconvenance ; on n’en sentit que mieux la nécessité d’un contrôle préalable. Cet examen fut remis à un jury composé par les artistes eux-mêmes.

12. Le service des beaux-arts, dans l’administration centrale, appartenait autrefois au ministère de l’intérieur. Un décret du 14 février 1853 le transporta au ministère d’État, ainsi que les chapitres du budget afférents à ce service. Il dépend, depuis 1870, du ministère de l’instruction publique et des beaux-arts. En conséquence, c’est au ministre chargé de ce département qu’appartient la haute direction des écoles et établissements d’art dont il a été question ci-dessus. C’est par ses ordres ou avec son autorisation que sont érigés les monuments, statues, etc., que les tableaux, statues, médailles, gravures, etc., sont commandés ou achetés, que les encouragements sont distribués aux artistes, que les ouvrages d’art sont publiés ou encouragés par des souscriptions. Plusieurs inspecteurs des beaux-arts sont attachés à ce ministère.

13. Les sommes qui peuvent être consacrées chaque année aux beaux-arts sont déterminées par le budget annuel de l’État.

A. Grün.[1]

  1. Mis à jour par M. B.