Dictionnaire de la Bible/Tome2.1.a CAATH-CENDRE
DICTIONNAIRE
DE LA BIBLE
C
C. Voir Caph.
CAATH (hébreu : Qehâṭ ; une fois, Num., iii, 19, Qŏhâṭ ; Septante : Κάθ et Καάθ), le second des trois fils de Lévi. Exod., vi, 16 ; Num., iii, 17. Il était né dans la terre de Chanaan, avant le départ de Jacob et de sa famille pour l’Égypte. Gen., xlvi, 11. Il mourut dans le pays de Gessen, à l’âge de cent trente-trois ans. Exod., vi, 18. L’Écriture nous apprend qu’il eut quatre fils : Amram, Jésaar, Hébron et Oziel, les pères des quatre grandes familles des Amramites, des Jésaarites, des Hébronites et des Oziélites. Num., iii, 27. Voir Caathites. — D’après Exod., vi, 18-20 ; Num., xxvi, 58-59 ; I Par., vi, 1 ; xxiii, 12-13, Caath est le père d’Amram et le grand-père d’Aaron et de Moïse ; il ne serait donc séparé de ces deux derniers que par une seule génération. Mais cette conclusion, qui découle des termes du récit sacré pris dans leur rigueur, soulève deux difficultés des plus sérieuses.
1o La première se tire de l’impossibilité de remplir, avec les seules générations énumérées dans l’Exode, vi, 18-20, l’intervalle des quatre cent trente ans qu’aurait duré le séjour d’Israël en Égypte, Exode, xii, 40, selon l’hébreu, la Vulgate et le syriaque. Cf. Gen., xv, 13-16 ; Act., vii, 6-7 ; Judith, v, 9 ; Gal., iii, 17. Il est vrai que beaucoup de commentateurs, s’appuyant sur d’autres versions d’Exode, xii, 40, et interprétant différemment les autres textes, réduisent cet intervalle à deux cent quinze ans, et font ainsi disparaître la difficulté sur le terrain de l’exégèse ; mais elle reparaît, et avec plus de force, sur celui de l’égyptologie. D’après les résultats déjà acquis dans cette science, il paraît impossible d’assigner au séjour des Hébreux en Égypte une durée inférieure à celle de quatre cent trente ans ; et si jamais cette impossibilité est scientifiquement établie, il faudra nécessairement admettre que de Caath à Moïse il y a des générations omises dans la liste généalogique d’Exode, vi, 16-20 ; Num., xxvi, 57-59. Voir J. Brucker, Chronologie des premiers âges, dans la Controverse, mars 1886, p. 388 ; septembre 1886, p. 101, et F. Robiou, ibid., octobre 1886, p. 299-300.
2o L’autre raison de rejeter une parenté si rapprochée entre Caath et Moïse est fournie par le recensement opéré la seconde année après l’exode. On y voit figurer, Num., iii, 28, huit mille six cents descendants mâles de Caath, dont la postérité s’élevait ainsi, les femmes comprises, à environ dix-sept mille deux cents. Cependant Caath n’avait que quatre fils, comme il est dit, I Par., xxiii, 13, et comme cela ressort des diverses statistiques de la tribu de Lévi ; et les enfants de ces quatre fils vivaient encore à l’époque du recensement. Dans ces conditions, le chiffre de dix-sept mille deux cents descendants de Caath est tout à fait invraisemblable. Mais cette invraisemblance est particulièrement frappante dans la ligne d’Amram, dont la postérité devait comprendre le quart du total des Caathites, c’est-à-dire à peu près quatre mille trois cents. Or Amram n’eut que deux fils, Aaron et Moïse. Exod., vi, 20 ; Num., xxvi, 59 ; I Par., vi, 3. L’Écriture, qui ajoute même à leurs noms, contre son usage, le nom de « leur sœur Marie », Num., xxvi, 59 ; I Par., vi, 3, ne leur attribue nulle part d’autres frères. S’ils en avaient eu, nous les trouverions certainement rangés soit parmi les prêtres, avec Moïse et Aaron et les fils de ce dernier, cf. Ps. xcviii, 6, soit au moins parmi les lévites, comme le furent les fils de Moïse. I Par., xxiii, 14. Moïse, de son côté, n’avait au temps de l’exode que deux fils, Gersam et Éliézer, Exod., xviii, 3-4 ; ii, 22 ; I Par., xxiii, 15, et ces deux fils n’avaient très probablement pas encore d’enfants à cette époque. Exod., xviii, 3-4. Enfin Aaron n’a eu que quatre fils, Exod., vi, 23, etc. ; car, toute sa famille étant vouée au sacerdoce, nous ne voyons pas cependant que Dieu appelle à la consécration sacerdotale d’autres Aaronites que Nadab, Abiu, Éléazar et Ithamar, Exod., xxviii, 1 ; et lorsque les deux aînés ont péri en punition de leur sacrilège, l’Écriture ne nomme pas d’autres survivants qu’Éléazar et Ithamar. Lev., x, 1-2, 16. Ainsi la précision du texte biblique ne permet pas de supposer, à côté des personnages que nous venons de nommer, des collatéraux dont les descendants auraient été dénombrés avec ceux des Amramites mentionnés dans le récit. Nous n’avons donc, pour composer la postérité d’Amram, que ses deux fils, ses six petits-fils et les enfants, en nombre inconnu, mais évidemment fort restreint, de ces derniers. Qu’on ajoute la descendance féminine, et même, comme quelques-uns le veulent, un certain nombre de serviteurs ou d’étrangers affiliés, on restera toujours à une immense distance du chiffre de quatre mille trois cents Amramites. L’analogie conduirait aux mêmes conclusions pour les autres branches et, par suite, pour l’ensemble des Caathites. Il faut donc, à moins d’erreur dans les chiffres, admettre que Caath est, non le grand-père, mais un ancêtre plus éloigné, d’Aaron et de Moïse, et qu’il manque quelques noms dans la généalogie donnée, Exod., vi, 18-20, etc.
On doit toutefois reconnaître que la trame du texte, qui est partout fort serrée, ne laisse pas voir aisément en quel point devraient être introduites les générations omises. Y a-t-il eu un seul Amram, le père d’Aaron et de Moïse ? La lacune serait alors entre lui et Caath, et conséquemment les mots « engendra » et « fils », Num., xxvi, 58, et I Par., vi, 1, devraient s’entendre d’une génération et d’une filiation médiates. Y a-t-il eu deux ancêtres de Moïse portant l’un et l’autre le nom d’Amram, et dont l’un serait fils de Caath, l’autre le père de Moïse ? Dans ce cas, c’est entre ces deux personnages que prendront place les ascendants de Moïse non mentionnés par lui dans sa généalogie. C’est ce dernier sentiment qu’embrasse Keil, qui cite à l’appui un exemple de pareille omission dans I Esdr., vii, 3. Esdras omet dans sa propre généalogie cinq de ses ancêtres, en passant immédiatement d’Azarias (Amasias), fils de Méraïoth, à Azarias, fils de Joachan ; cf. I Par., vi, 7-11. Keil, Comment. on the Pentateuch, trad. anglaise, 1872, 1. 1, p. 470 ; cf. t. i, p. 212. Sur la filiation de Jochabed femme d’Amram, voir Jochabed. Mais quelque embarras qu’on éprouve à déterminer l’endroit où la lacune s’est produite, c’est là une question accessoire, de laquelle on ne saurait faire dépendre la solution du problème principal touchant la réalité d’une omission de noms dans la descendance de Caath.
CAATHITES (hébreu : benê Qôhâf, « fils de Caath, » Num., iii, 19 ; haqqôhàtî [avec l’article], « le Caathite ; » Septante : util K<xa8 ; Vulgate : flîii Caath, Caathitse), descendants de Caath, second fils de Lévi. Ils formaient quatre branches, issues des quatre fils de Caath : Amram, Jésaar, Hébron et Oziel, Num., iii, 19, qui donnèrent leur nom aux quatre familles des Amramites, des Jésaarites, des Hébronites et des Oziélites. Num., iii, 27. Cette dénomination ne s’étendait pas toutefois aux Aaronites ou descendants d’Aaron, qui étaient tous prêtres, dans les passages où il est question des Caathites considérées comme lévites ou ministres sacrés d’ordre inférieur. Au premier recensement, il y eut huit mille six cents Caathites du sexe masculin, depuis un mois et au-dessus, dont deux mille sept cent cinquante entre trente et cinquante ans. Num., iii, 28 ; iv, 36. Ce chiffre dut se trouver un peu augmenté au second recensement, comme le fut le chiffre total des Lévites, monté de vingt-deux mille ou vingt-deux mille trois cents, Num., iii, 39, à vingt-trois mille. Num., xxvi, 62. Mais on ne peut que le conjecturer, le texte sacré ne donnant plus cette fois le nombre des Lévites par familles. — Les fils de Caath avaient pour chef immédiat Élisaphan, fils d’Oziel, Num., iii, 30, et pour chef suprême Éléazar, fils aîné d’Aaron, placé au-dessus de tous les serviteurs du sanctuaire, selon l’hébreu de Num., iii, 32. — Si l’on avait classé les Lévites selon l’ordre de primogéniture de leurs ancêtres, les Caathites auraient dû passer après les Gersonites, puisque. Gerson était le fils aîné de Lévi. Mais parce que les prêtres avaient été choisis par Dieu dans la descendance de Caath, les Caathites furent toujours placés, par l’ordre du Seigneur, immédiatement après les prêtres, leurs frères, et avant les autres Lévites. Ils reçurent la mission de porter, pendant les marches, le mobilier du tabernacle. Toutefois les vases, les ustensiles et les diverses pièces de ce mobilier devaient être préalablement enveloppés avec le plus grand soin dans des couvertures par les prêtres, et il était défendu aux Caathites, sous peine de mort, soit de toucher directement leur sacré fardeau, soit de regarder et de voir à découvert ces différents objets, avant qu’on les eût enveloppés. Num., iv, 4-20. Les objets dont le transport revenait aux Caathites étaient l’arche d’alliance, la table des pains de proposition avec ces pains, les encensoirs, les mortiers et les coupes pour les libations, le chandelier à sept branches avec ses lampes et tous les accessoires, l’autel d’or des parfums et tous les vases du sanctuaire, enfin l’autel des holocaustes, ainsi que les brasiers et tous les vases ou ustensiles employés dans les sacrifices. Il faut très probablement joindre à cette énumération le bassin d’airain, mentionné dans un verset intercalé après Num., iv, 14, par les Septante et par le texte samaritain, mais dont le texte hébreu ne parle pas.
Après l’érection du tabernacle, les chars et les bœufs offerts, à l’occasion de cette solennité par les princes du peuple furent, sur l’ordre de Dieu, donnés aux Gersonites et aux Mérarites, pour leur servir à transporter la charpente du tabernacle, les tentures, les couvertures, etc. ; mais les Caathites ne reçurent ni chars ni bœufs, parce qu’ils devaient porter eux-mêmes sur leurs épaules leur part de bagage sacré, et cela à cause de la sainteté plus grande de leur fardeau. Num., vii, 1-9.
Lorsqu’on levait le camp pour se mettre en marche, dans le désert, les Caathites ne partaient qu’à la suite de la seconde tribu, celle de Ruben, Num., x, 21, tandis que les Gersonites et les Mérarites décampaient à la suite de la première tribu, celle de Juda, afin que le tabernacle dont ils étaient porteurs fût dressé et prêt à recevoir le mobilier religieux porté par les Caathites. Num., x, 17. Dans le camp, la place des Caathites était au sud du tabernacle, Num., iii, 29, à la suite des prêtres, campés à l’orientCe fut aussi à proximité des enfants d’Aaron qu’ils reçurent leur part de villes lévitiques dans les tribus de Dan, d’Éphraïm et de Manassé occidental. Jos., xxi, 4-5.
Il n’est plus question des Caathites depuis le partage de la Terre Promise jusqu’à l’époque des rois. Lorsque, de la maison d’Obédédom, où elle avait été déposée, l’arche d’alliance fut transportée à Jérusalem, nous les voyons convoqués par David à cette cérémonie, où ils furent plus nombreux que les Gersonites et les Mérarites, I Par., xv, 2-15 ; et c’est parmi eux que durent être pris, conformément à Num., iv, 15, les lévites qui portèrent l’arche sur leurs épaules. I Par., xv, 15. En dehors de cette fonction, qu’ils avaient exercée dès le commencement, il n’existe aucune prescription attribuant à la famille de Caath un emploi spécial et distinct dans le service du tabernacle ou du temple. Cf. I Par., vi, 33-48. Nous voyons seulement, I Par., ix, 32, qu’ils avaient la charge de pourvoir au renouvellement des pains de proposition tous les jours de sabbat ; et ce ministère fait supposer qu’ils conservèrent toujours parmi les autres enfants de Lévi le premier rang, que Dieu leur avait assigné dès le commencement. Num., iv, 4-15. On trouve encore un indice de cette prééminence dans les hautes charges que David leur confia lors de la réorganisation de l’ordre lévitique. I Par., xxvi, 26-32 ; cf. I Par., ix, 19 ; xxvi, 1-3. Il est fait mention des Caathites sous les règnes de Josaphat, d’Ézéchias et de Josias, mais dans des circonstances qui n’offrent aucun intérêt particulier pour leur histoire. II Par., xx, 19 ; xxix, 12 ; xxxiv, 12.
CAB, nom hébreu de mesure, qab, qui signifie « petit vase, coupe ». La Vulgate a simplement latinisé le nom sémitique, cabus, à l’imitation des Septante, qui l’avaient grécisé sous la forme κάβος. Cette mesure n’est mentionnée qu’une fois dans l’Écriture, IV Reg., vi, 25, où il est raconté que du temps d’Élisée, par suite de la famine terrible qui sévit à Samarie, lors du siège de la ville par les Syriens, « le quart d’un cab de fiente de colombes se vendait cinq sicles d’argent. » Le cab équivalait à un tiers de hin ; c’était la sixième partie du seʾâh, la dix-huitième de 1’ʾêfâh, c’est-à-dire à peu près 1 litre 16 centilitres. Le quart du cab était donc environ de 0, 29 centilitres.
CABALE. Voir Kabbale.
CABANE. Voir Maison.
CABARETIER. Plusieurs traducteurs rendent ainsi le mot κάπηλος, Eccli., xxvi, 28 (24) ; Vulgate : caupo, mais il signifie plutôt « un marchand au détail a en général, un revendeur, et souvent celui qui falsifie sa marchandise ou trompe l’acheteur par des procédés déloyaux. Il peut désigner spécialement un marchand de vin qui mêle de l’eau au vin : Οἱ κάπηλοί σου μίσγουσι τὸν οἶνον ὕδατι, traduisent les Septante, Is., i, 22. L’auteur de l’Ecclésiastique dit : « Le gros marchand (ἔμπορος évite difficilement les fautes, et le petit marchand (κάπηλος n'échappe pas au péché, » soit qu’il vende du vin trempé d’eau ou d’autres marchandises. Saint Paul, II Cor., ii, 17, parle des καπηλευόντες τὸν λόγον τοῦ Θεοῦ (Vulgate : adulterantes verbum Dei), c’est-à-dire de ceux qui corrompent et altèrent la parole de Dieu, comme des marchands indélicats, et, ajoutent quelques commentateurs, cherchent à s’en faire un profit illicite. S. Jean Chrysostome, In II Cor., hom. v, 3, t. lxi, col. 431.
CABSÉEL (hébreu : Qabṣe’êl, Jos., xv, 21 ; II Reg., xxiii, 20 ; I Par., xi, 22 ; Yeqabṣe’êl, II Esdr., xi, 25 ; Septante : Βαισελεήλ, Jos., xv, 21 ; Καβεσεήλ, II Reg., xxiii, 20 ; Καβασαήλ, I Par., xi, 22 ; Καβσεήλ, II Esdr., xi, 25), ville de la tribu de Juda ; c’est la première du groupe situé à l’extrême sud de la Palestine, « près des frontières d'Édom. » Jos., xv, 21. Elle est mentionnée deux fois comme étant la patrie de Banaïas, fils de Joïada, un des officiers de l’armée de David. II Reg., xxiii, 20 ; I Par., xi, 22. Après la captivité, elle fut réhabitée par les enfants de Juda. II Esdr., xi, 25. Eusèbe et saint Jérôme, Onomastica sacra, Gœttingue, 1870, p. 109, 273, la citent sans autre indication sous les noms de Καβσεήλ et Capseel. Les voyageurs modernes n’ont pu en retrouver aucune trace. Yeqabse'él, qu’on lit II Esdr., xi, 25, semble la forme pleine du nom.
CABUL (hébreu : Kàbùl ; Septante : Χωβαμασομέλ, par l’union du mot hébreu qui suit, miṡṡemô’l, « à gauche ; » Codex Alexandrinus : Χαβὼλ ἀπὸ ἀριστερῶν,
ville située sur la frontière de la tribu d’Aser. Jos., xix, 27. C’est le village (χώμη de Χαβωλώ, que Josèphe, dans sa Vie, 43, 44, 45, mentionne « sur les confins de Ptolémaïde (Saint-Jean-d’Acre), et à quarante stades de Jotapata (aujourd’hui Khirbet Djéfat, au nord de Nazareth). Or entre les deux points désignés par l’historien juif se trouve une localité qui, par son nom et sa position, représente exactement l’antique cité dont nous parlons ; c’est Kâboûl, كابول, qu’on rencontre plus d’une fois
dans les auteurs arabes. Cf. Guy Le Strange, Palestine under the Moslems, in-8o, Londres, 1890, p. 15, 39, 289, 467, 585. « À la vérité, dit Victor Guérin, Galilée, t. i, p. 424, il y a cinquante stades et non quarante seulement entre le Khirbet Djéfat (Jotapata) et le village [de Kaboul] ; mais les distances marquées par Josèphe sont
loin d'être toujours parfaitement exactes, comme j’ai pu m’en convaincre plus d’une fois. » Voir Aser, tribu et carte, col. 1084. Cette bourgade, dont la population est de quatre cents habitants, tous musulmans, est assise sur une colline qu’ombragent des oliviers au nord et au sud. Elle a remplacé une petite ville ancienne, dont il subsiste encore, sur le plateau et les flancs du coteau, de nombreuses citernes creusées dans le roc, beaucoup de pierres de taille éparses çà et là ou engagées comme matériaux dans des constructions musulmanes, quelques
fragments de colonnes monolithes provenant d’un édifice rasé, les vestiges d’un mur d’enceinte et des débris de sarcophages ornés de disques et de guirlandes de fleurs. Cf. V. Guérin, Galilée, t. i, p. 422 ; Survey of Western Palestine, Memoirs, Londres, 1881, t. i, p. 271, 308.
Caboul est mentionnée dans le Talmud de Jérusalem, Taanith, iv, 8 ; Pesakhim, iv, 1 ; on y lit qu’elle fut détruite à cause de la discorde qui régnait entre les habitants, et que Hillel et Yehouda, fils de R. Gamaliel II, y séjournèrent. Cf. Neubauer, La géographie du Talmud, in-8o, Paris, 1868, p. 205. Là furent ensevelis Rabbi Abraham, fils d’Esra, Rabbi Yehouda ha-Lévi et Rabbi Salomon ha-Katon, s’il faut en croire certaines relations. Cf. E. Carmoly, Itinéraires de la Terre Sainte, in-8o, Bruxelles, 1847, p. 453, 482.
Le même mot hébreu, Kâbûl (Vulgate : Chabul), se retrouve III Reg., ix, 13, pour indiquer le territoire que Salomon donna à Hiram, roi de Tyr. Désigne-t-il la ville dont nous venons de parler et ses environs ? Ce n’est pas certain. Voir Chabul.
CACHALOT. Le cachalot n’est pas nommé expressément dans la Bible, pas plus que les autres cétacés. Il y est cependant compris sous la dénomination de ṭân ei de ṭannîm (Septante : κήτη ; Vulgate : cete, Gen., i, 21 ; Job, vii, 12 ; Eccli., xliii, 27 (grec) ; Dan., vii, 19). Cf. Ps. ciii (hébreu, civ), 25-26. Ṭannîm désigne tous les animaux rampants, aquatiques ou marins, remarquables par leur dimension. Voir Baleine. Jérémie, Lam., iv, 3, note un détail qui ne convient qu’aux mammifères, et s’applique fort bien aux cétacés : « Les ṭannîm découvrent leur mamelle et allaitent leurs petits. » Pour allaiter leurs petits, qui du reste n’ont besoin du lait maternel que pendant six semaines environ, les cétacés remontent à la surface de l’eau et se tournent sur le côté, de manière que leur mamelon affleure la surface de la mer et puisse être saisi facilement par le petit. Celui-ci tète alors sans courir le danger d’avaler de l’eau en même temps que du lait. L’amour des cétacés pour leurs petits est extrême ; il mérite bien d'être opposé, comme dans le texte de Jérémie, à la cruauté maternelle de l’autruche.
Le cachalot (fig. 1) est un cétacé cétodonte, c’est- à-dire pourvu de dents et non de fanons comme la baleine. Il porte en zoologie le nom de Physeter macrocephalus. Sa tête, en effet, est énorme. Elle affecte la forme d’un cylindre légèrement comprimé et tronqué en avant. À la partie inférieure s’ouvre une gueule armée de grosses dents coniques qui peuvent atteindre le nombre de cinquante-quatre. La dimension du crâne seul atteint parfois jusqu'à quatre mètres cinquante de long et deux mètres cinquante de large. La taille ordinaire de l’animal est de quinze à vingt mètres ; quelques individus sont allés jusqu'à vingt-huit. Les mœurs des cachalots ne sont pas encore assez connues pour qu’on puisse décider si ces animaux constituent plusieurs espèces différentes. Ces gros cétacés sont voraces ; ils s’attaquent à toutes sortes de proies, même aux baleines. C’est dans les intestins de ces animaux que se produit l’ambre gris, qui paraît n'être autre chose qu’un des résultats de leur digestion. Voir Ambre. Ils voyagent par troupes, et leurs bandes comprennent parfois jusqu'à deux et trois cents individus. Ils fréquentent les mers équatoriales et suivent les courants chauds des autres océans. Ils pénètrent jusque dans la Méditerranée. En 1715, on en a capturé sur les côtes de la Sardaigne. Un cachalot de soixante pieds a été pris sous Louis XV, près de Collioure. En 1853, on en a saisi une bande dans la mer Adriatique, et, en 1856, on a encore capturé un de ces monstres sur les côtes du Var. Cf. Van Beneden, P. Gervais, Ostéographie des cétacés, Paris, 1880, p. 303-329. Pline, H. N., xxxii, 53, 2, range le Physeter en tête des cétacés, même avant la baleine. Il est parfaitement possible que les Hébreux aient connu, au moins vaguement, le cachalot, sans le distinguer des autres monstres marins. Dans les temps anciens, quelques-uns ont pu échouer sur les côtes de Palestine. Cet animal ne saurait être cependant, à aucun titre, celui dont il est question dans l’histoire de Jonas. La plupart des raisons invoquées pour écarter la baleine valent aussi pour le cachalot.
CACHET. Voir Sceau.
CACTUS. Dans la région méditerranéenne, on désigne surtout sous le nom de cactus l’Opuntia vulgaris des botanistes, ou Figuier de Barbarie. C’est une plante arborescente de la famille des cactacées (fig. 2). La tige de l’Opuntia, qui peut s'élever à plusieurs mètres de hauteur, est formée de disques aplatis, ovales, très épais et charnus, articulés les uns sur les autres, à bords arrondis ; ces disques sont parsemés d’aiguillons redoutables, fins, allongés, disposés en faisceaux, occasionnant une piqûre douloureuse et non sans danger. Sa fleur est très grande, en forme de cloche, jaune ou rouge, suivant les diverses variétés ; elle s’ouvre et se ferme plusieurs jours de suite. Ses pétales sont très nombreux, disposés sur plusieurs rangs, ainsi que les étamines. Les fleurs naissent sur le tranchant des disques ou articles supérieurs. Le calice est formé de nombreuses folioles coloriées de la même manière que les pétales, en sorte qu’il est difficile de les distinguer de ceux-ci. Le fruit, très charnu, est deux à trois fois gros comme le pouce, cylindrique, creusé au sommet de sillons circulaires ; il est recouvert d’une peau rougeâtre, hérissée sur les angles de faisceaux d’aiguillons, comme les feuilles ou disques de la tige ; à l’intérieur, il contient de nombreuses graines jaunâtres, entourées d’une pulpe orangée ou rougeâtre, comestible, d’un goût sucré mais fade, quoique assez apprécié des habitants des pays chauds, notamment des Arabes, qui en font des conserves ou le mangent tel quel ; pour certaines tribus du nord de l’Afrique, la récolte des fruits du figuier de Barbarie est même chose importante. Cette plante bizarre, qui rappelle bien la végétation tropicale, n’est pas indigène dans les contrées chaudes de l’ancien monde. Elle fut introduite de l’Amérique centrale en Europe vers le commencement du XVIe siècle. J. Labouret, Monographie de la famille des cactées, in-12, Paris, 1858, p. ix ; C. Lemaire, Les cactées, in-12, Paris, 1869, p. 10. Elle se multiplia alors si rapidement dans tout le bassin méditerranéen, qu’actuellement on peut la considérer comme endémique à cette région. Elle abonde en particulier en Palestine, où on la rencontre à chaque pas et où elle atteint de grandes proportions, formant autour des champs des haies impénétrables.
2. — Cactus.
Au bas, à gauche, fleur ; à droite, coupe de la fleur ; au milieu, fruit.
Mais il est certain que la Sainte Écriture n’a pu parler de l’Opuntia, qui était absolument inconnu du temps des écrivains sacrés, bien que, dit M. Fillion, Atlas d’histoire naturelle de la Bible, in-4°, Paris, Lyon, 1884, p. 26, on soit instinctivement porté, comme l’ont fait certains commentateurs, à le regarder comme l’une des plantes épineuses de la Bible.
CAD. Ce mot en hébreu, kad, désigne un vase d’argile, cruche, urne, etc., d’une contenance indéterminée. Il passa dans la langue grecque sous la forme κάδος, et dans la langue latine sous la forme cadus. Les Grecs et les Latins eurent des cads de diverses matières, quoique plus communément en terre. Ils en faisaient grand usage, s’en servant pour transporter et conserver le vin, ainsi que toute espèce de liquides. On en a trouvé un certain nombre dans les ruines de Pompéi (fig. 3). Ils désignaient aussi par ce mot une mesure équivalente à l’amphore attique ou métrète et à trois urnes romaines. La Vulgate ne l’a jamais employé pour rendre le mot hébreu kad, mais elle s’en est servie une fois dans le Nouveau Testament, Luc, xvi, 6, dans la parabole de l'économe infidèle, pour traduire un nom de mesure, le bath (βάθους), valant environ 38 litres 88. Voir Bath 2. L’emploi de cad s’explique facilement dans ce passage, parce qu’il est question d’huile et que les Romains avaient coutume de la conserver dans des cadi ; de plus, le cadus des Latins, employé comme mesure, avait presque la même capacité que le bath hébreu.
3. — Cad. D’après une peinture de Pompéi.
1. CADAVRE. Le corps mort de l’homme ou des animaux pouvait être, chez les Hébreux, l’occasion d’une souillure ou impureté légale. Nous ne le considérons ici qu'à ce point de vue. Pour l’ensevelissement des morts, voir Sépulture.
I. Impuretés légales produites par les cadavres. — 1° Cadavre des animaux impurs. — Le cadavre des volatiles et des quadrupèdes impurs souillait légalement ceux qui le touchaient et surtout ceux qui le portaient ; dans les deux cas, l’impureté cessait le soir, moyennant une ablution ; dans le second cas, le porteur du cadavre devait en outre laver ses vêtements. Lev., xi, 24-28. — Quant au cadavre des reptiles impurs, l’impureté légale qu’il occasionnait se propageait davantage : les personnes qui le touchaient ou le portaient étaient souillées jusqu’au soir ; si le cadavre ou quelque chose du cadavre tombait sur quelque objet, cet objet était souillé ; le législateur hébreu signale en particulier certains objets plus exposés à cette sorte de souillure : les vêtements de tout genre, les vases ou ustensiles de bois ou d’argile, les liquides qui pourraient y être contenus, les mets et les boissons, les fours portatifs ; toutefois les fontaines, les citernes et les réservoirs d’eau n'étaient pas souillés par ces cadavres ; dans des pays où l’eau est très rare, c’aurait été un inconvénient grave d’interdire, ne fût-ce que pour un jour, l’accès des sources ou des citernes. Quant aux grains destinés aux semailles, s’ils sont secs, ils ne sont pas souillés par ces cadavres ; s’ils sont mouillés, ils contractent la souillure. Lev., xi, 31-38. Les ustensiles de bois ou les vêtements souillés de cette manière demeuraient impurs jusqu’au soir ; moyennant un lavage, ils étaient rendus à leur premier usage ; mais pour les ustensiles ou vases d’argile, ils étaient brisés. Lev., xi, 32, 33, 35. — Le cadavre des animaux aquatiques impurs est aussi regardé comme immonde, Lev., xi, 11, et en conséquence il souillait ceux qui le touchaient.
2° Cadavre des animaux purs. — Il n’est déclaré souillé ou immonde que dans deux cas : 1. Lorsque l’animal est mort de maladie, Lev., xi, 39-40 ; dans ce cas, celui qui touche ou porte le cadavre et celui qui en mange sont impurs ; l’impureté dure jusqu’au soir, et disparaît moyennant le lavage des vêtements. — 2. Lorsque l’animal a été tué par une bête, Lev., v, 2 ; celui qui touche ce cadavre est souillé ; le genre d’impureté et le mode de purification paraissent avoir été les mêmes que dans le premier cas ; car, d’après l’interprétation commune des commentateurs juifs, les animaux morts d’eux-mêmes et ceux qui sont déchirés par les bêtes sont mis sur la même ligne. — Pour la « manducation » de la chair des animaux morts d’eux-mêmes ou déchirés par les bêtes, voir Chair des animaux.
3° Cadavre de l’homme. — Quiconque touchait un mort, ou même simplement un ossement humain, un tombeau, était impur devant la loi ; bien plus, quand la mort avait lieu dans une tente ou dans une maison, l’impureté légale frappait tous ceux qui entraient dans la tente ou la maison ; tous les vases, tous les ustensiles, tout le mobilier qui se trouvaient dans ce lieu étaient également impurs, sauf les vases munis d’un couvercle. Num., xix, 11-16. Ceux qui avaient contracté cette impureté étaient exclus non seulement du temple et de la participation aux choses saintes, mais encore de la société des hommes. Moïse ordonne de chasser du camp celui qui en est souillé. Num., v, 2-3. Cette impureté durait sept jours, et ne cessait que par un rite spécial, l’aspersion avec l’eau lustrale. Voir Aspersion, 1. 1, col. 1116-1117.
— En conséquence, comme les prêtres devaient être constamment purs, à cause de leurs fonctions qui les obligeaient à aller souvent dans le Temple, et à toucher les choses saintes, il leur était interdit d’avoir avec les morts aucun rapport qui pût les souiller, à moins qu’il ne s’agît de leurs parents les plus proches, que le législateur énumère avec soin. Lev., xxi, 1-4. La loi est beaucoup plus sévère pour le grand prêtre, qui ne devait s’approcher d’aucun mort, pas même de son père ou de sa mère. Lev., xxi, 10-11. Même défense est faite aux Nazaréens. Num., vi, 6-7.
II. Sanction. — Quant à la sanction de ces lois mosaïques sur le contact prohibé des cadavres, elle est différente, suivant que ces lois concernent le cadavre des animaux ou celui de l’homme ; pour les premières, Moïse ne marque pas de sanction spéciale, et en conséquence il faut appliquer les règles générales dont il est question Num., xv, 22-31, et Lev., iv-vii ; pour les secondes, celles qui regardent le cadavre de l’homme, la sanction est plus sévère ; elle est exprimée deux fois au texte cité des Nombres, xv, 23 et 31 ; c’est la peine signifiée par le mot hébreu kâraṭ (Septante : ἐξολοθρεύω ; Vulgate : delere, exterminare, et, au passif, perire, interire, de populo) ; la peine du kâraṭ est, non pas l’exil, comme l’ont dit quelques auteurs ; mais, ou bien, d’après les interprètes juifs, une mort prématurée, infligée ou plutôt ménagée par Dieu lui-même, ou bien, d’après les interprètes chrétiens, la peine de mort ou de l’excommunication infligée par le juge. Voir Bannissement, t. i, col. 1430-1431.
III. Motifs. — Les motifs de ces prescriptions sont surtout les deux suivants : 1° Moïse, en détendant aux Hébreux le contact des cadavres, sous peine d’impureté légale et d’exclusion temporaire des choses saintes, se proposait de leur rappeler la pureté de cœur et la sainteté qui sont requises pour le service de Dieu, surtout dans son temple ; voilà pourquoi, Lev., xi, 43-45, Dieu lui-même, après avoir posé le principe général : « Ne touchez aucune de ces choses, de peur que vous ne soyez impurs, » ajoutait immédiatement : « Car je suis le Seigneur votre Dieu ; soyez saints, parce que je suis saint… Je suis le Seigneur qui vous ai tirés du pays de l’Égypte, pour être votre Dieu ; vous serez donc saints, parce que je suis saint. » Et plus loin, Num., xix, 13, le législateur hébreu, après avoir obligé celui qui serait souillé par le contact du cadavre de l’homme à subir une purification légale, le menace, en cas de désobéissance, de la terrible peine du kâraṭ dont nous avons parlé, « parce qu’il souille le tabernacle du Seigneur, » ce qui est répété au v.20. — 2° Moïse, dans les lois que nous venons d’expliquer, se proposait aussi la propreté et l’hygiène. Il suffit, en effet, de lire ces prescriptions diverses pour voir combien leur observance devait, chez les Hébreux, entretenir la propreté et écarter les causes d’insalubrité et d’infection. Afin d'éviter toutes ces souillures légales, plus ou moins incommodes, les Hébreux se voyaient obligés d'éloigner le plus possible les cadavres des animaux, et de les enfouir sous terre le plus promptement possible ; ils enterraient leurs morts aussitôt que la prudence le permettait, et établissaient les cimetières, au moins les cimetières communs, en dehors des villes ; lors même qu’il s’agissait de morts étrangers ou même ennemis, par exemple après une bataille, ils prenaient soin de les enterrer. Nous voyons, sous ce rapport, un trait remarquable dans Ézéchiel ; après la lutte terrible dont il parle au chapitre xxxix, dans laquelle Israël est vainqueur, on nomme une légion d’explorateurs et de fossoyeurs ; les premiers parcourent tout le pays, et, à côté de chaque cadavre, et même de chaque ossement qu’ils rencontrent, ils plantent un jalon ; les fossoyeurs, à l’aide de ce signe, reconnaissent les ossements et procèdent à la sépulture. Sans doute c’est une « vision » que décrit le prophète, mais il est évident qu’il parle suivant les usages observés dans son pays et bien connus de ceux pour qui il écrivait. Il n’y a pas jusqu’au corps du malheureux condamné qui n’ait attiré l’attention, sous le rapport qui nous occupe, du législateur hébreu ; il veut que le corps du condamné attaché à une potence en soit détaché et soit enterré le jour même de l’exécution, « pour ne pas souiller la terre que Dieu doit donner en possession aux Hébreux. » Deut., xxi, 22-23. Ainsi Moïse prévenait l’infection qu’auraient pu produire l’exposition prolongée du cadavre en plein air, et la décomposition qui s’ensuit promptement, surtout dans les pays chauds, comme en Orient. Qui ne sait qu’un certain nombre d'épidémies, particulièrement dans ces contrées, sont occasionnées par les cadavres d’hommes ou d’animaux qui sont gisant sur le sol, exposés aux ardeurs du soleil ? C’est ce qu’a voulu prévenir le législateur hébreu. C’est ce qu’ont tenté aussi, dans une certaine mesure, d’autres législateurs ; car nous retrouvons l’impureté légale et la purification obligatoire, après le contact d’un cadavre, chez un bon nombre de peuples anciens : chez les Indiens, cf. Lois de Manou, v, 59, dans Pauthier, Livres sacrés de l’Orient, Paris, 1844, p. 381 ; chez les Arabes, cf. G. Sale, Observations sur le mahométisme, dans Pauthier, ouvrage cité, p. 504 ; chez les Perses, cf. Anquetil du Perron, Zend Avesta, Paris, 1771, t. ii, p. 371-377 ; chez les Grecs, les Romains et d’autres peuples païens, cf. Meursius, De funere, c. xv, xlix (dans Gronovius, Thesaurus græcarum antiquitatum, Venise, 1732, t. xi, col. 1101-1103 ; 1161-1162) ; Gutherius, De Jure Manium seu de ritu, more et legibus prisci funeris, lib. ii, c. 7, 8 (dans Grævius, Thesaurus antiquitatum romanarum, Venise, 1737, t. XII, col. 1175-1178) ; Marquardt, Vie privée des Romains, Paris, 1892, t. i, p. 442. Ces mêmes coutumes s’observent chez plusieurs peuples modernes, par exemple, au Japon et dans les îles de l’archipel Tonga, dans l’océan Pacifique. Cf. Burder, Oriental Customs, Londres, 1822, t. ii, p. 154-155.
IV. Observation de la loi. — Toutes ces prescriptions sur le contact des cadavres ont été soigneusement observées et gardées chez les Juifs. Au temps de Notre Seigneur il en était encore ainsi, ou plutôt tout cela s'était accru et embarrassé d’une multitude d’observances minutieuses, souvent mentionnées dans les Évangiles. Matth., xv, 2 ; xxiii, 25-26 Marc, vii, 2-5 ; Joa., ii, 6.
Josèphe mentionne la purification qui devait suivre l’assistance à un convoi funèbre. Contra Appionem, II, 26. La Mischna expose très longuement tout ce qui concerne l’impureté légale provenant des cadavres dans plusieurs Traités, surtout dans le Traité ʾoholôṭ. Maïmonide en traite également dans un ouvrage spécial ayant pour titre : De l’impureté contractée par le contact des morts, dont il donne un résumé dans More Nebochim, iii, 47, traduction latine de Buxtorf, Bàle, 1629, p. 490-494. Après la destruction du temple de Jérusalem, l’observation de ces prescriptions devint plus difficile, en sorte que peu à peu les Juifs se relâchèrent dans l’accomplissement de ces lois, et finirent par les abandonner complètement ; c’est ce que dit Léon de Modène, Cérémonies et coutumes des Juifs, chap. viii, Paris, 1581, p. 18. — Sur la question de l’impureté légale, contractée par le contact des cadavres, cf. Spencer, De legibus Hebræorum, La Haye, 1686, p. 137-149 ; Michælis, Mosaisches Recht, §§215, 216, Francfort-sur-le-Mein, 1778, t. iv, p. 300-313 ; Saalschütz, Das Mosaische Recht, k. 31, Berlin, 1853, t. i, p. 265-274.
2. CADAVRES (VALLÉE DES) (hébreu : ʿéméq pegârim, Jer., xxxi, 40 ; manque dans les Septante, Jer., xxxviii, 40). Jérémie nomme cette vallée, pour désigner le Midi, dans la description qu’il fait d’une manière prophétique de la restauration future de Jérusalem à l'époque messianique. Il appelle « vallée des cadavres et des cendres » la vallée de Géennom, parce que, depuis qu’elle avait été rendue profane par le roi Josias, à cause des actes idolâtriques qui y avaient été commis, IV Reg., xxiii, 10, on y jetait les immondices de la ville, les animaux morts et les détritus de toute espèce. Voir Géennom.
CADEAUX. Chez les Hébreux, on payait au père qui donnait sa fille en mariage un prix déterminé qu’on appelait mohar. Gen., xxxiv, 12, etc. Voir Mariage. De plus, on offrait, au moins dans certaines circonstances, des cadeaux à la fiancée. Gen., xxiv, 53 ; xxxiv, 12. Ils sont appelés matan, « don, » dans ce dernier passage. Les présents faits par Éliézer à Rébecca pour son maître Isaac consistaient en bijoux d’argent et d’or et en vêtements. Gen., xxiv, 53.
CADÉMOTH (hébreu : Qedêmôṭ, pleinement écrit, Deut., ii, 26 ; I Par., vi, 64 ; Jos., xxi, 37 ; défectivement, Jos., xiii, 18 ; Septante : Κεδαμώθ, Deut., ii, 26 ; Bακεδμώθ, Jos., xiii, 18 ; ἡ Δεκμών, Jos., xxi, 37 ; ἡ Καδμώθ, I Par., vi (hébreu : 64), 79 ; Vulgate : Cademoth, Deut., ii, 26 ; I Par., VI (hébreu : 64), 79 ; Cedimoth, Jos., xiii, 18 ; omis, Jos., xxi, 36), ville située à l’est de la mer Morte, assignée à la tribu de Ruben, Jos., xiii, 18 ; donnée, avec ses faubourgs, aux Lévites, fils de Mérari. Jos., xxi, 37 (d’après l’hébreu) ; I Par., vi (hébreu : 64), 79. C’est aussi le nom du « désert » (hébreu : midbar) où étaient campés les Israélites quand Moïse demanda à Séhon, roi des Amorrhéens, la permission de passer par son territoire pour se rendre dans la Terre Promise. Deut., II, 26. Plusieurs critiques ont attaqué l’authenticité du passage du texte hébreu où cette ville est citée dans Josué, xxi, 37 ; mais il a en sa faveur l’autorité des manuscrits, des versions, la conformité avec les endroits parallèles de Jos., xiii, 18 ; I Par., VI (hébreu : 64), 79. On peut voir une longue et savante dissertation sur ce sujet dans J.-B. de Rossi, Varias lectiones Veteris Testamenti, Parme, 1785, t. ii, p. 96-106.
Nous ignorons la position de Cademoth ; Jassa et Méphaath, qui l’accompagnent toujours et pourraient ainsi nous servir de point de repère, sont elles-mêmes inconnues. Comme Aroër, « située sur le bord de l’Arnon, » Jos., XIII, 16, formait l’extrême limite méridionale du royaume de Séhon, Jos., xii, 2, et des conquêtes Israélites à l’orient du Jourdain, Deut., ii, 36 ; iii, 12 ; iv, 48, on doit supposer que ces villes étaient au nord du torrent, aujourd’hui l’ouadi Modjib. D’un autre côté cependant, « le désert de Cadémoth » devait être en dehors du territoire amorrhéen. Deut., ii, 26-37 ; Num., xxi, 21-24. Faudrait-il donc distinguer la ville du désert, comme semblent le faire Eusèbe et saint Jérôme, Onomastica sacra, Gœttingue, 1870, p. 109, 270 ? C’est inutile, croyons-nous. On peut dire que la ville se trouvait près d’un des bras supérieurs de l’Arnon, vers l’est, l’ouadi Enkeiléh ou l’ouadi Baloua, par exemple, et qu’elle donnait son nom au désert environnant, confinant à l’est et au sud au désert syro-arabe ; à moins que les deux ne fussent ainsi appelés d’après leur situation dans la « contrée orientale » (hébreu : qédém). — On a voulu reconnaître Cadémoth dans les Listes hiéroglyphiques de Sésac, no 25 ; M. Maspero croit avec raison qu’il est impossible de songer à cette identification. Cf. Zeitschrift fur ägyptische Sprache, 1880, p. 45.
CADÈS (hébreu : Qâdêš, « saint ; » Septante : Kάδης), nom de plusieurs villes de Palestine et d’un désert.
Sommaire
(ne fait pas partie du texte original)
- cadès, cadèsbarné — I. Noms. — II. Situation. — III. Histoire.
- cadès
- cadès
- cadès des hétéens
- cadès (désert de)
1. cadès, cadèsbarné (hébreu : Qâdêš, Gen., xiv, 7 ; xvi, 14 ; xx, 1 ; Num., xiii, 27 (hébreu, 26) ; xx, 1, 14, 16, 22 ; xxvii, 14 ; xxxiii, 36, 37 ; Deut., i, 46 ; xxxii, 51 ; Jud., xi, 16, 17 ; Ps. xxviii (hébreu : xxix), 8 ; Ezech., xlvii, 19 ; xlviii, 28 ; Qâdêš Barnê‘a, Num., xxxii, 8 ; xxxiv, 4 ; Deut., i, 2, 19 ; ii, 14 ; ix, 23 ; Jos., x, 41 ; xiv, 6, 7 ; xv, 3 ; Septante : Kάδης, comme en hébreu ; ἐν αἰγιαλοῖς, Eccli., xxiv, 18 ; Kάδης Bαρνή), comme en hébreu, excepté Num., xxxiv, 4, où on lit : Kάδης τοῦ Bαρνή), ville située à l’extrême limite méridionale de la Terre Promise. Num., xxxiv, 4 ; Jos., xv, 3 ; Ezech., xlvii, 19 ; xlviii, 28. C’est aussi le nom du désert environnant, Ps. xxviii (hébreu, xxix), 8, et une des stations les plus importantes des Hébreux dans leur marche de quarante ans vers le pays de Chanaan. Num., xiii, 27 ; xx, 1, etc. Après le Sinaï, c’est le point capital de ce long voyage à travers la péninsule arabique ; son emplacement est l’objet d’un problème intéressant à étudier et de nombreuses discussions qu’il nous faut résumer. Nous verrons plus tard s’il y a lieu de distinguer deux endroits de ce nom sur la route des Israélites ; disons tout de suite que Cadès et Cadèsbarné sont certainement un seul et même lieu, comme il est facile de s’en convaincre en comparant Num., xiii, 27, avec Num., xxxii, 8 ; Deut., i, 19 ; ix, 23 ; Jos., xiv, 6, 7.
Cadès s’appelait anciennement « la Fontaine de Misphat » ou « du Jugement » (hébreu : ʿÊn Mišpât ; Septante : ἡ πήγη τῆς κρίσεως). Gen., xiv, 7. Cette appellation se rattache-t-elle au sanctuaire de quelque dieu, qui, longtemps avant Moïse, aurait rendu là ses oracles, ou à la juste sévérité de Dieu, qui s’y manifesta envers un peuple désobéissant et sans cesse en murmures ? Il n’y a rien dans le texte sacré qui favorise l’une ou l’autre de ces conjectures, émises par différents auteurs. Voir Misphat. Il en est de même pour l’origine ou la signification des autres noms. L’hébreu קוש, qâdêš, signifie « saint », et a pour correspondant en arabe le mot قدس, qods. Mais il est difficile de savoir si cette dénomination se rapporte à un sanctuaire primitif, ou à la présence de l’arche d’alliance, ou aux événements dans lesquels Dieu « se sanctifia » (hébreu : yeqaddêš) c’est-à-dire manifesta sa puissance aux Israélites, Num., xx, 13, en les comblant de bienfaits, malgré leur incrédulité et leurs révoltes, et en punissant Moïse et Aaron à cause de leur faute. Les différentes étymologies proposées pour Barné, ברנע, Barnê‘a, c’est-à-dire « désert », ou « fils », ou « puits de l’Égarement », etc., sont discutables, et l’on ignore si le mot indiquait une ville dont le nom se serait uni à celui de Cadès, ou un personnage, comme semblerait le supposer la traduction des Septante, Num., xxxiv, 4, Kάδης τοῦ Bαρνή. Cf. H. Clay Trumbull, Kadesh-Barnea, in-8o, New-York, 1884, p. 24, 43 ; Keil, Numeri, Leipzig, 1870, p. 292.
1o D’après l’Écriture. — L’emplacement de Cadès est une question des plus controversées. Pour la bien comprendre, et avant d’examiner les opinions émises à ce sujet, il est nécessaire de fixer les points géographiques que la Bible détermine à elle seule. Cadès paraît pour la première fois au chap. xiv, 7, de la Genèse, dans le récit de la première campagne militaire racontée par nos Saints Livres. Après avoir frappé « les Chorréens ou Horréens des montagnes de Séir » ou d’Édom, c’est-à-dire de la chaîne qui s’étend entre la mer Morte et le golfe Élanitique, « jusqu’à ’Êl-Pâ’rân, » probablement le port d’Aïla ou Élath, Deut., ii, 8, au fond du même golfe, Chodorlahomor et ses alliés, remontant vers le nord, « vinrent jusqu’à ‘Ên-Mišpat, qui est le même [lieu] que Cadès. » Puis « ils ravagèrent tout le pays des Amalécites », ou plutôt la contrée qu’occupa plus tard cette tribu et qui comprenait la partie septentrionale de la péninsule sinaïtique, de la frontière d’Égypte au sud de la Palestine et sur les confins de l’Arabie Pétrée. Voir Amalécites, t. i, col. 428. Enfin ils défirent « les Amorrhéens qui habitaient Asason-Thamar » ou Engaddi, sur le bord occidental de la mer Morte. Voir Amorrhéens, t. i, col. 503. De ce passage il ressort que Cadès avait à l’est les monts de Séir, au sud Élath, dans un voisinage immédiat les Amalécites, et au nord les Amorrhéens.
Cadès sert ensuite à déterminer l’emplacement de Béer-laḥaï-roî, ou « le Puits du Vivant qui me voit », près duquel l’ange de Dieu trouva Agar, la servante de Sara, fuyant vers l’Égypte. Gen., xvi, 14. Or ce puits, d’après l’Écriture, était « dans le désert, près de la source qui est sur le chemin de Sur », Gen., xvi, 7 ; « dans la terre du midi » ou le Négéb, Gen., xxiv, 6 2 ; « entre Cadès et Barad, » Gen., xvi, 14. Sur indique la partie nord-ouest du désert arabique qui confine à l’Égypte. Béer-laḥaï-roî se trouvait donc sur l’ancienne route qui d’Hébron conduisait au pays des Pharaons en passant par Bersabée, c’est-à-dire dans la direction du nord-est au sud-ouest ; il était entre Cadès à l’est et Barad (inconnu) à l’ouest. D’où nous pouvons conclure que Cadès ne devait pas être loin de la route d’Hébron en Égypte. C’est le chemin que dut prendre Abraham, lorsque, partant de Mambré, il vint « habiter dans la terre du midi, entre Cadès et Sur, et séjourna quelque temps à Gérare », au sud de Gaza. Gen., xx, 1. Malgré le vague de l’indication, nous comprenons ici la contrée bornée à l’est par le désert de Cadès et au sud-ouest par celui de Sur.
Le Deutéronome, i, 2, marque la distance qui séparait l’endroit dont nous parlons de la montagne du Sinaï. Il était à « onze journées de marche du mont Horeb, par la route du mont Séir », non pas, croyons-nous, celle qui longe le massif, par l’Arabah ; mais simplement celle qui conduit de ce côté, indiquant la direction du nord-est. Il est malheureusement difficile de savoir quelles furent les étapes des Hébreux pendant ce voyage. La liste des stations, Num., xxxiii, 16-36, est diversement interprétée. Plusieurs auteurs croient que Rethma, Num., xxxiii, 18, aujourd’hui l’ouadi Abou Retmât, était près de Cadès, si ce n’était la ville elle-même. Dans ce cas, l’Écriture ne mentionnerait entre le Sinaï et Cadès que les trois stations les plus importantes. Num., xxxiii, 16-18. Ce qu’il y a de certain, c’est que les Israélites arrivèrent là après avoir traversé le désert de Pharan, Num., x, 12, « grand et terrible désert, » Deut., i, 19, dans lequel Cadès est elle-même placée. Num., xiii, 27. Il s’agit ici de la région que les Arabes appellent eux-mêmes Bâdiet et-Tîh, ou « désert de l’Égarement », et qui s’étend au nord jusqu’au Négeb ou Palestine méridionale, à l’est jusqu’à la vallée profonde de l’Arabah, à l’ouest jusqu’au désert de Sur, et au sud jusqu’au massif du Sinaï. C’est un plateau calcaire, désolé, presque sans végétation et sans habitants, qui occupe près de la moitié de la péninsule.
Cadès était ainsi le point le plus rapproché de la Terre Promise, « sur le chemin qui conduit à la montagne des Amorrhéens, que le Seigneur devait donner aux Israélites, » Deut., i, 19, 20, c’est-à-dire au district montagneux qui termine la Palestine du côté du sud. Aussi est-ce de là que Moïse envoya les explorateurs et là qu’ils revinrent au bout de quarante jours. Num., xiii, 26, 27 ; xxxii, 8 ; Deut., i, 19 et suiv. ; ix, 23 ; Jos., xiv, 6, 7. Cet endroit se trouvait donc au-dessous du Négéb, Num., xiii, 18, et les Hébreux avaient au nord, devant eux, « les Amalécites et les Chananéens qui habitaient dans les montagnes. » Num., xiv, 43, 45.
En punition de leur conduite séditieuse après le retour des explorateurs, les enfants d’Israël furent condamnés à errer pendant trente-huit ans dans les vastes solitudes de l’Arabie Pétrée. Ils reprirent le chemin « du désert, par la voie de la mer Rouge ». Num., xiv, 25 ; Deut., i, 40. Dix-sept stations seulement remplissent ce long séjour, Num., xxxiii, 19-36, la plupart malheureusement inconnues. Le point le mieux marqué est Asiongaber, port situé à l’extrémité septentrionale du golfe Élanitique. « D’où étant partis, ils vinrent au désert de Sin, qui est Cadès. » Num., xxxiii, 36. C’est là que nous les retrouvons le premier mois de la quarantième année, après la sortie d’Égypte, Num., xx, 1 ; là qu’ils se plaignent du manque d’eau, comme autrefois à Mara et à Raphidim ; là que Moïse frappe deux fois le rocher de sa verge et que coule « l’eau de la contradiction ». Num., xx, 13 ; xxvii, 14 ; Deut., xxxii, 51. C’est de Cadès enfin que Moïse envoie des messagers au roi d’Édom, pour lui demander la permission de passer par son territoire, Num., xx, 14 ; Jud., xi, 16, 17, et, dans cette circonstance, « la ville » est signalée comme étant « à l’extrémité du royaume » iduméen. Num., xx, 16.
Le dernier témoignage à signaler, au point de vue géographique, est tiré de la frontière méridionale de la Terre Sainte, qui « commence à l’extrémité de la mer Salée (mer Morte), et à cette langue de mer qui regarde le midi, s’étend vers la montée du Scorpion et passe jusqu’à Sina, monte ensuite vers Cadèsbarné, vient jusqu’à Esron, monte vers Addar, et tournant vers Carcaa, puis passant à Asémona, arrive au torrent d’Égypte (ouadi f-Arisch) et se termine à la grande mer (la Méditerranée) ». Jos., xv, 2-4 ; Num., xxxiv, 4-5 ; Ezech., xlvii, 19 ; xlviii, 28. Ces limites nous représentent un arc de cercle qui part de la mer Morte pour aboutir à l’embouchure de l’ouadi el-Arisch et dont Cadès occupe à peu près le milieu. Voir Acrabim, t. i, col. 151 ; Adar ; Asémona, col. 1079.
Le résumé de ces données nous montre clairement que Cadès était à l’ouest des montagnes de Séir et de l’Arabah, à l’extrême limite des possessions iduméennes de ce côté, au nord d’Élath et d’Asiongaber, à onze journées au nord de l’Horeb, dans les déserts de Pharan et de Sin, non loin de la route d’Hébron en Égypte, au sud des montagnes amorrhéennes, au-dessous du Négéb ou de la Palestine méridionale, dont elle occupe le point le plus éloigné. Toutes ces indications réunies nous conduisent vers le massif montagneux dont font partie le Djébel el-Makhrah, le Djébel Moueiléh, le Djébel Tououâl el-Fahm, etc., et d’où partent les deux versants opposés, celui de la Méditerranée et celui de l’Arabah. Il faut donc chercher Cadès dans une ligne qui s’étend entre ce massif et le Djébel Scherra ou mont Séir, au-dessus de Pétra.
2o D’après les auteurs modernes. — On n’a pas proposé moins de dix-huit sites pour Cadèsbarné. Nous ne pouvons entrer dans la discussion de chacun de ces points, dont un grand nombre sont en contradiction avec les données scripturaires que nous venons d’exposer. Voir Trumbull, Kadesh Barnea, p. 303, avec les renvois. En somme, ils peuvent se ramener à deux principaux : dix sont dans l’Arabah ou sur ses bords ; huit dans le désert, sur le plateau supérieur ; Aïn el-Oueibéh peut représenter les premiers, et ‘Aïn Qadis les seconds. C’est autour de ces deux noms que se rangent, à l’heure actuelle, tous les auteurs.
Aïn el-Oueibéh, une des sources les plus importantes
de la grande vallée, se trouve, au bord occidental, là où le terrain s’abaisse graduellement en collines calcaires, en dehors de la courbe de l’ouadi el-Djeib, qui descend du sud-ouest pour se diriger vers l’est-nord-est. Il y a là trois fontaines, sortant du rocher qui forme la pente, à quelque distance les unes des autres, et courant en petits ruisseaux au pied des collines. L’eau n’est pas très abondante, et, dans les deux plus septentrionales, elle a une teinte malsaine avec un goût sulfureux. Celle du midi
4. — Cadèsbarné.
D’après Trumbull, Kadesh Barnea, p. 308.
consiste en trois filets d’une eau limpide et bonne, tombant au fond d’une excavation. Le calcaire tendre, en se détachant, a formé un bord semi-circulaire, comme la courbe d’un théâtre antique, autour de la source. Au-dessous de cet endroit, près de l’ouadi el-Djeib, est un fourré d’herbes grossières et de roseaux, avec quelques palmiers, présentant de loin l’apparence d’une belle verdure, et n’offrant de près qu’un terrain marécageux. Dans le lointain, vers l’est, se dresse dans toute sa majesté le mont Hor, dominant tous les pics qui s’élèvent au-dessus de l’Arabah. Ici pas la moindre trace de ruines. (Voir fig. 4 ; les montagnes qu’on aperçoit sont celles de l’ouest.) Cf. Robinson, Biblical Researches in Palestine, 3 in-8o, Londres, 1856, t. ii, p. 174-175 ; de Luynes, Voyage d’exploration à la mer Morte, t. i, p. 302-303.
Les arguments en faveur de cet emplacement peuvent se résumer ainsi : — 1o Quand les Israélites vinrent du Sinaï à Cadès « par le chemin du mont Séir », Deut., i, 2, leur route naturelle fut par l’Arabah, qui longe le bord occidental du massif iduméen. Or, sur cette grande route vers le pays de Chanaan, la source la plus importante est l’Aïn el-Oueibéh. C’est la même voie qu’avait suivie Chodorlahomor, lorsque, après avoir tourné la pointe sud des montagnes de Séir, il dut remonter la grande vallée pour s’arrêter à Cadès et de là gagner la Pentapole. Gen., xiv, 6-8. — 2o D’après Num., xx, 16, Cadès était « à l’extrême limite » d’Édom. Or l’Arabah fermait ce pays à l’occident. Donc Cadès devait être dans l’Arabah, ou au moins toucher l’ouadi, comme Aïn el-Oueibéh. — 3o Aïn el-Oueibéh offre un théâtre naturel pour les événements racontés par la Bible. « Là, dit Robinson, Biblical Researches, t. ii, p. 175, toutes ces scènes étaient devant nos yeux. Là est la source, jusqu’à ce jour la plus fréquentée de l’Arabah.
Au nord-ouest est la montagne par laquelle les Israélites avaient essayé de monter vers la Palestine et d’où ils avaient été repoussés. Num., xiv, 40-45 ; Deut., i, 41-46.
En face de nous s’étend le pays d’Édom ; nous sommes
à son extrême frontière, et là, directement devant nos regards, s’ouvre le grand ouadi el-Ghoueir, offrant un passage facile à travers la montagne vers le plateau supérieur. Plus loin, du côté du sud, le mont Hor projette son sommet remarquable, à la distance de deux bonnes journées de marche pour une telle multitude. La petite fontaine et-Taiyibéh, située au fond de la passe Er-Rubâ‘y, peut alors avoir été ou les puits de Benéjaacan ou Moséroth des stations d’Israël. Num., xxxiii, 30, 31, 37. » — 4o La frontière méridionale de Juda, qui touchait le « territoire d’Édom et le désert de Sin », conduit assez directement à Aïn el-Oueibéh après « la montée du Scorpion », que plusieurs auteurs placent au sud de la Sebkah, ou de la plaine marécageuse faisant suite à la mer Morte. Voir Acrabim, t. i, col. 151.
5. — Ouadi Qadis. D’après F. W. Holland, dans le Palestine Exploration Fund, Quarterly Statement, 1884, p. 9.
L’ouadi Qadis est à l’extrémité, à gauche ; le commencement du Djebel Méraifig est à droite ; la croupe qui s’étend de la droite jusque vers le milieu du paysage est le Djebel Aneigah.
Cette opinion a été admise, à la suite de Robinson, par un certain nombre de voyageurs et de savants, entre autres par le duc de Luynes, Voyage d’exploration à la mer Morte, t. i, p. 303-310, et J. L. Porter, dans Kitto, Cyclopædia of Biblical Literature, 1862-1866, t. ii, p. 703-705. Elle est loin cependant d’être exempte de difficultés ; voici les objections qu’elle soulève : 1o La marche de Chodorlahomor, telle qu’elle est décrite Gen., xiv, 6-8, nous montre que ce roi ne gagna pas directement la Pentapole ; mais qu’il fît un détour vers l’ouest, par le pays des Amalécites et des Amorrhéens, pour venir frapper Engaddi. Sa direction ne fut donc pas en ligne droite vers le nord, par l’Arabah. Il dut éviter les passes difficiles qui, comme le Naqb es-Safa, se trouvent au sud-ouest de la mer Morte, pour se rapprocher de la route d’Égypte en Palestine. Cadès, la plus importante oasis qu’il rencontra de ce côté, devait donc être plus à l’ouest qu’Aïn el-Oueibéh. — 2o Moïse, Gen., xvi, 14 ; xx, 1, pour déterminer l’emplacement du puits d’Agar et les pérégrinations d’Abraham dans la terre du midi, prend Cadès comme point de repère. Pouvait-il vraiment l’aller chercher si loin vers l’est, à une telle distance de la route d’Égypte ? — 3o Pour venir du Sinaï à Cadès, les Israélites traversèrent « le grand et terrible désert » de Pharan, Deut., i, 19 ; ce qui indique le désert de Tih et non pas l’Arabah. Palmer, The desert of the Exodus, 2 in-8o, Cambridge, 1871, t. ii, p. 353, combat la théorie de Robinson au point de vue stratégique. En venant s’établir à Aïn el-Ouéibéh, dans le voisinage des défilés de Sufah et de Fiqréh, les Hébreux, dit-il, se seraient enfermés comme dans un cul-de-sac, entre les sujets du roi d’Arad, les Amorrhéens, les Iduméens, les Moabites, tandis que, auprès d’Aïn Qadis (plus à l’ouest), ils n’avaient autour d’eux que le désert, et aucun peuple redoutable par derrière. Un bon général comme Moïse n’aurait pas choisi une si mauvaise position pour un camp si important. — 4o Le site proposé ne répond pas complètement aux données de la Bible : on n’y voit aucun rocher (has-sélaʿ) qui rappelle celui devant lequel Moïse rassembla le peuple pour en faire jaillir l’eau si ardemment souhaitée, Num., xx, 7-11, aucun emplacement approprié à une ville ; on n’y rencontre aucun nom qui puisse être rapproché de Cadès. — 5o Enfin le tracé de la limite méridionale place Cadès au sud-ouest de la mer Morte bien plutôt qu’au sud, comme Aïn el-Oueibéh.
Aussi propose-t-on un autre site qui semble plus conforme à l’ensemble des détails que nous avons relevés d’après l’Écriture. En 1842, un voyageur, J. Rowland, de Queen’s College, à Cambridge, signalait à soixante-dix kilomètres à l’ouest d’Aïn el-Oueibéh une fontaine dont le nom قديس, prononcé Qadîs ou Qoudeis, quelquefois Gadis, rappelle exactement celui de Cadès (hébreu : Qâdêš). Cette découverte et les raisons de l’identification, publiées d’abord dans Williams, The Holy City, Londres, 1845, Appendix, furent le point de départ de nombreuses discussions parmi les savants en Allemagne, en Angleterre, en Amérique. Cet endroit important fut depuis visité par plusieurs voyageurs : en février 1870, par E. H. Palmer, The Desert of the Exodus, t. ii, p. 349-353 ; le 14 mai 1878, par F. W. Holland, Palestine Exploration Fund, Quarterly Statement, 1879, p. 69 ; 1884, p. 9 ; le 1er avril 1881, par H. Clay Trumbull, Palest. Expl. Fund, 1881, p. 208-212 ; ce dernier, dans un ouvrage très étendu, Kadesh-Barnea, in-8o, New York, 1884, s’est fait l’historien de la question et le champion de cette seconde hypothèse, en même temps qu’il donnait le récit de son voyage. Voir aussi Zeitschrift des deutschen Palästina-Vereins, Leipzig, 1885, t. viii, p. 182-232. — Aïn-Qadîs se trouve à quatre-vingts kilomètres au sud de Bersabée, à l’extrémité de l’ouadi Qadis (fig. 5), qui s’étend au-dessous d’un massif montagneux formé par le Djébel el-Makhrah, le Djébel Méraifig, le Djébel Aneigah. (Cf. la carte qui accompagne le récit du voyage de Holland, Palest. Expl. Fund, Quart. Statement, 1884, p. 4.) C’est une délicieuse et fraîche oasis, couverte de figuiers et d’arbustes variés, dont le charme est surtout appréciable quand on sort du désert brûlé qui l’environne. Au tournant nord-est de ce pittoresque amphithéâtre sort des collines calcaires la large masse du rocher regardé par Rowland comme étant celui que frappa Moïse, pour en faire jaillir de l’eau, bien que la source miraculeuse ait disparu. De dessous ce banc rocheux s’échappe un ruisseau assez abondant. Le premier réservoir est un puits circulaire, construit avec des blocs de pierre usés par le temps. À une petite distance vers l’ouest et plus bas s’en trouve un second, semblable à l’autre, quoique de plus grande dimension. Autour des deux sont des auges de pierre, dont le travail primitif rappelle celles de Bersabée. Un peu au sud-ouest du second on voit un bassin plus large que les deux puits, mais non muré comme eux. Dans tout le voisinage, les chameaux et les chèvres ont laissé des traces qui montrent combien a été fréquenté de tout temps ce lieu si bien arrosé. Enfin, plus bas encore, est un autre réservoir, alimenté par l’eau qui coule en cascades, à travers un lit étroit, du bassin supérieur. Cette eau est remarquablement pure et fraîche. Aux environs d’Aïn Qadîs est une large plaine capable de recevoir une grande multitude. Cf. Clay Trumbull, Kadesh-Barnea, p. 272-274.
Les arguments en faveur de ce site sont les suivants : — 1o La région qui occupe Aïn Qadîs a une importance qui montre comment elle a pu attirer des armées comme celles de Chodorlahomor et des Israélites. Située non loin de la jonction des principales routes qui du désert montent vers Chanaan, et qui de là peuvent être surveillées, elle possède elle-même une route intérieure défendue par les montagnes. Dans cette direction du nord, toute une ligne de sources ou de puits, Biâr Mayin, ‘Aïn Qadîs, ‘Aïn Qoudrât, ‘Aïn Moueiléh, El-Birein, semblent tracer une voie toute naturelle. La plaine qui avoisine Aïn Qadîs peut servir de campement à un peuple nombreux. — 2o Toutes les données scripturaires qui déterminent la situation de Cadès s’adaptent parfaitement au site proposé par Rowland, Trumbull et les autres. — 3o Les cinq raisons que nous avons opposées à la première hypothèse, Aïn el-Oueibéh, sont autant d’arguments en faveur d’Aïn Qadîs. Les limites méridionales de la Terre Sainte, en particulier, s’expliquent très bien, dans ce cas, par une ligne qui, partant de la mer Morte, suit l’ouadi Fiqréh, passe au-dessous du Naqb es-Safa (montée du Scorpion), puis poursuit sa courbe jusqu’à Aïn Qadîs, pour remonter vers l’ouest jusqu’à l’embouchure de l’ouadi el-Arisch (torrent d’Égypte). Les événements bibliques trouvent là un théâtre tout naturel : montagnes du sud de la Palestine, rocher, sources. — 4o Le nom (Qoudeis est un diminutif de Qods, « saint ») ajoute dans la balance un poids incontestable. C’est le seul endroit du désert où on le trouve, et il s’applique non seulement à la source, mais à la montagne et à la vallée voisines. On peut signaler aussi celui d’Abou Retmât, ouadi placé par Robinson, Biblical Researches, t. i, p. 189, à l’ouest du Djebel Qadis, et dans lequel plusieurs auteurs reconnaissent Rethma, Num., xxxiii, 18, une des stations proches de Cadès, sinon Cadès elle-même.
Il y a cependant une difficulté, la plus sérieuse en somme de celles qui ont été soulevées contre cette opinion, et en grande partie l’argument capital de la première hypothèse. L’Écriture place Cadès « à l’extrémité » du royaume d’Édom (Vulgate : in extremis finibus tuis), Num., xx, 16, ce qui, rapproché du ꝟ. 22, d’après lequel le mont Hor est situé « sur les confins du pays d’Édom », semble mettre la ville bien plus près des monts iduméens, c’est-à-dire dans l’Arabah. Il y a là une confusion que l’explication des termes peut dissiper. L’expression « à l’extrémité du royaume » ne veut pas dire que la ville appartenait aux Iduméens ; la Bible, au contraire, l’attribue au pays de Chanaan. Num., xxxiv, 4 ; Jos., xv, 3 ; x, 41. Le sens est simplement qu’elle était à la frontière d’Édom. Il ne faut pas confondre qeṣêh gebûlékâ, « l’extrémité de ton territoire, » Num., xx, 16, avec gebûl ’éréṣ ’Édôm, « le territoire du pays d’Édom, » Num., xx, 23. Rien ne nous dit que ce pays s’arrêtât, à l’ouest, à l’Arabah. Les Iduméens avaient conquis une partie du désert de Pharan, borné au nord par le désert de Sin. Num., xxxiv, 3. Cf. Keil, Numeri, Leipzig, 1870, p. 292. On objecte encore ces paroles d’Eusèbe : « Cadès-Barné, désert qui s’étend jusqu’auprès de la ville de Pétra, » Onomastica sacra, p. 269 ; puis celles de l’Écriture : « Sortant de Cadès, ils campèrent sur le mont Hor. » Num., xxxiii, 37. Entre ces deux points l’écrivain sacré ne mentionne aucune station intermédiaire, et il donne à penser que les Hébreux gagnèrent en une seule étape la montagne où mourut Aaron. Or un intervalle de quarante-cinq kilomètres seulement la sépare d’Aïn el-Ouéibéh, tandis qu’elle est à quatre-vingt-quinze kilomètres au moins d’Aïn Qadis. M. Guérin, La Terre Sainte, t. ii, p. 310, répond justement : « Entre l’Ain Qadis et Pétra on ne rencontre les vestiges d’aucun endroit jadis habité, si ce n’est par des nomades. Par conséquent, même en plaçant Cadès-Barné dans le voisinage de l’Aïn Qadis, on peut dire avec Eusèbe que le désert ainsi appelé s’étendait jusqu’à la ville de Pétra. [Ensuite], si de l’Aïn Qadis au Djébel Haroun, l’ancien mont Hor, où Israël transporta ses tentes, l’intervalle de quatre-vingt-quinze kilomètres est beaucoup trop grand pour avoir pu être franchi par tout un peuple en marche, autrement qu’en trois jours au moins, qui empêche de supposer que la Bible s’est contentée d’indiquer la dernière étape, qui avait été signalée par un événement éclatant, la mort du grand prêtre Aaron, tandis que les autres étapes intermédiaires ont été supprimées dans le récit de l’historien sacré, comme n’ayant été marquées par aucun fait saillant ? »
Outre les voyageurs déjà cités, Palmer, Holland, Clay Trumbull, la plupart des auteurs acceptent aujourd’hui cette opinion sinon comme certaine, au moins comme très probable : G. B. Winer, Biblisches Realwörterbuch, 2 in-8o, Leipzig, 1847, t. i, p. 641 ; E. Hull, Mount Seir, in-8o, Londres, 1889, p. 188 ; G. Armstrong, Wilson et Conder, Names and places in the Old and New Testament, in-8o, Londres, 1889, p. 107 ; R. von Riess, Bibelatlas, Fribourg-en-Brisgau, 1887, p. 16 ; Fillion, Atlas géographique de la Bible, Paris, 1890, p. 14 ; M. Jullien, Sinaï et Syrie, Lille, 1893, p. 161.
Ces deux hypothèses pourraient se concilier dans l’opinion de ceux qui veulent reconnaître une double Cadès, l’une au désert de Pharan, l’autre au désert de Sin. Tel est, en effet, le sentiment défendu par E. Arnaud, La Palestine ancienne et moderne, in-8o, Paris, 1868, p. 113-116, après Hengstenberg, Authentie des Pentateuchs, Berlin, 1839, t. ii, p. 427 ; de Raumer, Der Zug der Israeliten, Leipzig, 1837, p. 40, et d’autres. Mais cette distinction est-elle bien fondée ? — On s’appuie d’abord sur le double voyage des Israélites à Cadès, le premier effectué la deuxième année de la sortie d’Égypte, Num., x, 11 ; xiii, 27 (hébreu, 26) ; le second, le premier mois de la quarantième année, Num., xx, 1 ; et, en racontant ce dernier, l’Écriture ne parle plus que du désert de Sin. — Les deux séjours, pas plus que les deux déserts, ne nous obligent à admettre deux villes différentes. Les Hébreux, arrivés au terme de leur châtiment, c’est-à-dire de leurs années d’égarement, reprirent le chemin de Chanaan et purent parfaitement revenir, comme la première fois, camper à Cadès. D’un autre côté, on pense généralement que Sin est le nom donné à la partie septentrionale du désert de Pharan, ce qui ressort de Num., xiii, 22 (hébreu, 21) ; Jos., xv, 1, 3 ; en sorte que la ville pouvait être attribuée à l’une ou à l’autre de ces régions. Voir Sin. — Ensuite, dit-on, le livre des Nombres, xx, 5, représente le territoire de Cadès comme un « lieu affreux, où l’on ne peut semer ; qui ne produit ni figuiers, ni vignes, ni grenadiers, et où l’on ne trouve pas même d’eau pour boire ». Or, pendant le séjour d’Israël au désert de Pharan, le peuple ne se plaignit jamais du manque d’eau, et cependant il y passa les mois les plus chauds de l’année, depuis le commencement de mai jusqu’au milieu de septembre. Au contraire, dès qu’il arrive au désert de Sin, au premier mois, c’est-à-dire immédiatement après la saison des pluies, il commence par murmurer et se plaindre d’avoir été conduit dans un pays sans eau. La raison paraît plus sérieuse ; mais on peut répondre, avec Calmet, Commentaire littéral sur les Nombres, Paris, 1709, p. 130 : « Doit-on s’étonner que dans des lieux différents d’un désert de même nom, on manque d’eau dans un endroit, tandis qu’on en a en abondance dans un autre ? » Le nom de Cadès indique ici plutôt un grand district du désert de Sin qu’une localité déterminée. Eusèbe et saint Jérôme, Onomastica sacra, Gœttingue, 1870, p. 108, 122, 269, 298, de même que les meilleurs commentateurs, ne font aucune distinction. Nous devons dire cependant qu’il y a une certaine obscurité dans la pensée de saint Jérôme, qui place « la fontaine du jugement » auprès de Pétra, Liber heb. quæst. in Genesim, t. xxiii, col. 960, tout en signalant dans la région de Gérare un endroit nommé Berdan, ce qui veut dire « puits du jugement ». Onomastica sacra, p. 145.
III. Histoire. — Cadès, avons-nous dit, tient une place importante dans l’histoire des Israélites, comme étant leur principale station après le Sinaï, le théâtre de leurs défaillances et de leur châtiment, aussi bien que celui des manifestations divines, le point de départ de leur égarement à travers le désert, leur centre de ralliement après ces trente-huit années de punition. Les événements qui s’y rattachent ont déjà été énumérés à propos de la question géographique. Moïse se dirigeait vers la Terre Promise, se disposant à y pénétrer par la frontière méridionale, lorsque, arrivé à Cadès, il reçut de Dieu l’ordre d’y envoyer auparavant des explorateurs pour la parcourir et en examiner la fertilité, les habitants, les villes. Ceux-ci revinrent en rapportant des fruits magnifiques, indices de la richesse du sol ; mais ils cherchèrent, sauf Josué et Caleb, à décourager la multitude en représentant le pays comme couvert de villes fortes et occupé par un peuple de géants auprès desquels ils ne semblaient eux-mêmes que de simples sauterelles. Une sédition éclata, et Moïse, tout en apaisant dans une admirable prière la colère divine, déclara cependant aux Hébreux, de la part du Seigneur, qu’à l’exception de Caleb et de Josué la génération actuelle n’entrerait pas dans cette terre qu’elle s’était fermée par son esprit de révolte. Malgré ce terrible arrêt, et comme pour lui donner une sorte de démenti, les Israélites essayèrent de forcer les frontières de Chanaan, pendant que Moïse restait à Cadès avec l’arche d’alliance, refusant de les suivre dans leur folle entreprise. Battus et refoulés sur Cadès par les Amalécites et les Chananéens, ils commencèrent à errer du côté de la mer Rouge. Num., xiii, xiv ; Deut., i, 19-46.
Quand la génération coupable eut semé ses ossements à travers les solitudes où elle avait été condamnée à vivre pendant trente-huit ans, ses enfants se retrouvèrent à Cadès. Marie, sœur de Moïse, y subit elle-même la sentence divine et y fut ensevelie. Num., xx, 1. Eusèbe et saint Jérôme, Onomastica sacra, p. 108, 269, disent que de leur temps on montrait encore son tombeau. Josèphe, de son côté, Ant. jud., IV, IV, 6, affirme qu’elle fut enterrée sur une montagne appelée Sin, ce qui peut se concilier avec l’assertion précédente, puisque Cadès se trouvait dans le désert de Sin et pouvait avoir dans son voisinage une montagne de même nom. Le peuple, toujours prompt aux murmures et à la révolte, malgré les châtiments divins, se plaignit amèrement du manque d’eau. Moïse, rassemblant la multitude auprès d’un rocher, le frappa de sa verge et en fit jaillir une source abondante, plusieurs fois appelée dans l’Écriture « les eaux de Méribah » ou « de la Contradiction » ; mais, pour avoir frappé deux fois le rocher, paraissant ainsi manquer de confiance envers la toute-puissance divine, il fut lui-même privé de l’honneur d’introduire les Hébreux dans la Terre Promise. Obligé, pour s’en approcher, de prendre la direction de l’est, il entama des négociations avec le roi d’Édom, pour obtenir la permission de traverser son territoire ; sa demande fut repoussée par un refus formel. Quelque temps après, il quitta définitivement Cadès pour s’avancer vers le mont Hor, où mourut Aaron. Num., xx.
Cadès forma, au sud, la limite extrême de la Terre Sainte. Jos., xv, 2-4 ; Num., xxxiv, 4-5 ; Ezech., xlvii, 19 ; xlviii, 28. Les palmiers de cette oasis frappèrent l’imagination des Hébreux, et l’auteur de l’Ecclésiastique, xxiv, 18 (d’après la Vulgate), leur emprunte une comparaison dans sa gracieuse description de la Sagesse. Le grec actuel porte ἐν ἀιγιαλοῖς, « sur les rivages, » au lieu de « ἐν Κάδης » ; mais on trouve dans certains manuscrits ἐν Γαδδί, ἐν Γάδοις ; d’autres donnent ἐν Ἐγγάδοις, « à Engaddi, » ville de Juda, sur le bord occidental de la mer Morte, et autrefois très renommée pour ses palmiers.
2. cadès (hébreu : Qédėš ; Septante : Κάδης), cité chananéenne dont le roi fut vaincu par Josué, xii, 22, et qui est mentionnée deux fois au premier livre des Machabées, xi, 63, 73, dans un des combats de Jonathas. Ce dernier récit la place « dans la Galilée », ꝟ. 63, et, d’après l’énumération de Jos., xii, 19-24, elle faisait manifestement partie des villes du nord. Elle est plus souvent citée dans la Vulgate sous le nom de Cédès, conforme à la dénomination hébraïque ; elle appartenait à la tribu de Nephthali et a survécu jusqu’à nos jours dans le village de Qadès, au nord-ouest du lac Houléh ou Mérom. Voir Cédés 1, col. 360.
3. cadès (hébreu : Qédėš ; Septante : Κάδης), ville de la tribu de Juda, située à l’extrême frontière méridionale. Jos., xv, 23. Est-ce la même que Cadèsbarné, comptée au ꝟ. 3 dans le tracé des limites ? Quelques-uns le pensent, sous prétexte qu’on ne pouvait omettre un point de cette importance dans l’énumération générale. D’où vient cependant la différence de ponctuation, Qédéš au lieu de Qâdêš, dans le texte massorétique, pour un nom si connu ? Nous nous trouvons ici en présence d’un problème difficile, sinon impossible à résoudre. Ce premier groupe des villes de Juda renferme une série de noms pour la plupart rebelles à toute espèce d’identification. Adada, qui précède Cadès, répond bien à ‘Ad‘adah, ruines qui se trouvent entre Bersabée et la mer Morte ; mais Asor, qui suit, est inconnue, quoique le Djébel Hadîréh, au nord-est d’Aïn Qadis, puisse la rappeler et rapprocher ainsi les deux sites bibliques.
4. cadès des hétéens. Voir Cédès 2.
5. cadès (désert de) (hébreu : midbar Qâdêš; Septante : ἡ ἔρημος Κάδης), désert mentionné dans le Ps. xxviii (hébreu : xxix), 8, où l’auteur sacré, pour donner quelque idée de la majestueuse puissance de Dieu, représente la tempête fondant en un clin d’œil des hauteurs du Liban jusqu’aux régions désolées de la péninsule sinaïtique.
La voix du Seigneur ébranle le désert,
Et le Seigneur fait tressaillir le désert de Cadès.
L’hébreu porte littéralement : « La voix de Jéhovah fait danser le désert, » allusion au sable que l’ouragan soulève et lance en tourbillons. Cf. Fillion, La Sainte Bible, Paris, 1892, t. iv, p. 90. Il s’agit ici des solitudes qui avoisinent Cadès ou Cadèsbarné. Voir Cadès 1. Si l’on place
6. — Désert de Cadès. D’après Palmer, Desert of the Exodus, t. ii, p. 349
ce lieu célèbre à Aïn Qadis, le « désert » désigne alors le massif montagneux, percé de nombreuses vallées, qui s’élève entre l’ouadi Arabah à l’est, l’ouadi el-Arisch à l’ouest, le Négeb au nord, et le désert de Tîh au sud. C’est, malgré quelques oasis, la partie la plus stérile des contrées qui s’étendent de la Syrie au Sinaï et dont la fertilité diminue à mesure qu’on s’avance vers le sud. Il est probable cependant que cette région, au moment de l’exode, n’offrait pas un aspect aussi pauvre, et qu’elle a proportionnellement perdu de ses avantages, comme la Palestine elle-même (fig. 6). Voir E.-H. Palmer, The Desert of the Exodus, 2 in-8o, Cambridge, 1871, t. ii, p. 319-351.
CADÈSBARNÉ. Voir Cadès 1.
CADETS. Ils n’avaient, dans la succession paternelle, que la moitié de la part qui était attribuée à l’aîné. Cf. Deut., xxi, 17. Voir Héritage.
CADRAN SOLAIRE (hébreu : ma‘ǎlôṭ ; Septante : ἀναϐαθμοί ; Vulgate : horologium).
I. Description. — Le cadran solaire se compose essentiellement d’une surface fixe, plane, courbe, horizontale, verticale ou inclinée, sur laquelle on établit une tige ou style également fixe, faisant avec l’horizon un angle égal à la latitude du lieu. Ce style doit être situé dans le plan du méridien, c’est-à-dire dans le plan qui passe par le lieu où se trouve le cadran et par la ligne des pôles. Dans ces conditions, le soleil vient frapper le style et projette sur le cadran une ombre qui se déplace avec les différentes heures du jour et peut servir à les marquer avec une assez grande précision. Quand le style est vertical et la table horizontale, le cadran devient alors un gnomon, et ne peut guère servir qu’à déterminer le midi vrai. — Les anciens connaissaient les cadrans solaires, et c’est de Chaldée que ces instruments furent importés en Occident. Hérodote, II, 109, édit. Didot, 1862, p. 105, dit que « les Grecs ont reçu des Babyloniens le cadran solaire (πόλον), le gnomon et la division du jour en douze parties ». Vitruve, ix, 8, Paris, 1816, p. 151, fait honneur au Chaldéen Bérose de l’invention d’un instrument appelé « hémicycle », et qui n’était autre chose qu’un cadran solaire. Il est probable toutefois qu’au lieu d’inventer, Bérose n’ait fait que décrire un instrument déjà connu en Chaldée avant lui. Vitruve nomme treize espèces de cadrans en usage à son époque et suppose qu’il en existe encore d’autres. Les cadrans solaires se rattachent à trois types différents.
1o Les cadrans sphériques. — À cette classe appartient l’hémicycle de Bérose, creusé dans un bloc rectangulaire et limité au nord et au sud par deux plans inclinés parallèlement au plan équatorial. Le style, fixé au centre, marquait les heures sur la surface concave de l’hémisphère. Suivant la hauteur du soleil sur l’horizon, l’ombre portée par l’extrémité du style se rapprochait plus ou moins du centre. Des cercles concentriques, coupant les rayons qui marquaient les heures, pouvaient ainsi noter les différentes époques de l’année, par exemple, l’entrée du soleil dans chaque signe du zodiaque. Ce cadran, avec son réseau de rayons et de cercles, était probablement celui que les anciens connaissaient sous le nom de « toile d’araignée », et dont Vitruve attribue l’invention à Eudoxe de Cnide. Le musée du Louvre possède deux anciens cadrans sphériques. Nous reproduisons ici l’un d’entre eux (fig. 7).
2° Les cadrans coniques. — Ils sont formés par la surface concave d’un cône circulaire droit. L’axe du cône doit être parallèle à l’axe du monde, et l’extrémité du style est fixée sur cet axe. Le fragment de cadran trouvé à Oum-el-Aouamid, près de Tyr, par Renan, Mission de Phénicie, 1864, p. 729, faisait partie d’un cadran conique (fig. 8). Les quelques mots qui subsistent de l’inscription : « …ton serviteur, Abdosir, fils d’E…, » nous apprennent que l’instrument était consacré à une divinité tyrienne.
7. — Cadran sphérique, trouvé, croit-on, à Athènes. Musée du Louvre.
La construction d’un pareil cadran suppose déjà des connaissances assez avancées sur les propriétés des sections coniques. « Il est fort probable d’après cela, et conformément d’ailleurs à la tradition historique, que les cadrans sphériques ont précédé ceux dont nous nous occupons. » Colonel Laussédat, Comptes rendus de l’Académie des sciences, 25 juillet 1870, p. 261-265 ; Mission de Phénicie, p. 741. Néanmoins les anciens pouvaient assez aisément, soit au moyen du calcul, soit par des constructions graphiques, déterminer la figure et les dimensions du segment de section conique qui formait l’horizon du cadran, ainsi que la position et le rayon du segment de cercle qui formaient l’ouverture de la face antérieure du cadran. Wœpcke, Journal asiatique, mars-avril 1863, p. 292-294- ; Mission de Phénicie, p. 731. Voir d’autres cadrans coniques dans Duruy, Histoire des Grecs, 1887, t. i, p. 639-640. Le cadran d’Oum-el-Aouamid a été restauré et complété. Outre les rayons marquant les heures, il portait trois cercles concentriques indiquant la projection de l’ombre aux deux solstices et à l'équinoxe.
3° Le cadran plan, équatorial, horizontal, vertical, etc., suivant la position du plan, n’a été inventé que plus tard. Voir G. Rayet, Les cadrans solaires coniques, dans les Annales de chimie et de physique, 5e série, t. vi, 1875, p. 53-61.
II. Le cadran solaire chez les Hébreux. — Les Hébreux ont connu l’usage du cadran solaire, au moins du plus simple, le cadran sphérique. Il en est, en effet, question dans les Livres Saints, à propos de la maladie du roi Ézéchias. Is., xxxviii, 8 ; IV Reg., xx, 9-11. Isaïe raconte qu'Ézéchias, gravement malade, demanda au Seigneur la santé. Le prophète fut chargé d’annoncer au roi que quinze années allaient être ajoutées à sa vie. Il lui dit : « Voici pour toi le signe de la part de Jéhovah que Jéhovah accomplira cette parole qu’il a dite : Voici que je ferai rétrograder l’ombre des maʿâlôṭ, qui était descendue sur les maʿâlôṭ d’Achaz par le soleil, de dix maʿâlôṭ en arrière ; et le soleil rétrograda de dix maʿâlôṭ sur les maʿâlôṭ qu’il avait descendus. » Dans le livre des Rois, quelques détails sont ajoutés au récit de l’entrevue entre le prophète et Ézéchias. « Isaïe dit : Voici pour toi le signe de la part de Jéhovah que Jéhovah accomplira la parole qu’il a dite : L’ombre avancera-t-elle de dix maʿâlôṭ ou rétrogradera-t-elle de dix maʿâlôṭ ? Ézéchias dit : C’est peu de chose pour l’ombre d’avancer de dix maʿâlôṭ ; que l’ombre rétrograde plutôt de dix maʿâlôṭ en arrière.
8. — Cadran conique phénicien.
La restitution de la partie perdue est Indiquée au moyen d’un pointillé. — Musée du Louvre.
Le prophète Isaïe invoqua Jéhovah, et il fit rétrograder l’ombre sur les maʿâlôṭ, qu’elle avait descendus sur les maʿâlôṭ d’Achaz, de dix maʿâlôṭ en arrière. » — Le mot maʿâlôṭ signifie « montées » ou « degrés ». Il a été entendu dans le sens le plus littéral par les Septante, la version syriaque, Josèphe, Ant. jud., X, ii, 1, etc. Dans son commentaire sur Isaïe, 1. iii, tom. 4, xxxviii, 4-8, t. lxx, col. 788, saint Cyrille d’Alexandrie semble dire qu’il s’agit de degrés établis d’après certaines règles dans la maison d’Achaz, et sur lesquels on mesurait le cours du soleil d’après la déclinaison de son ombre. Saint Jérôme, In Is., xxxviii, t. xxiv, col. 391-392, après avoir mentionné la traduction de Symmaque, qui parle de « lignes » et d' « horloge », suppose aussi l’ombre descendant le long des degrés de la maison. Il proteste seulement contre ceux qui prétendent montrer dans l’enceinte du temple ces degrés de la maison d’Achaz et d'Ézéchias. C’est en s’appuyant sur ces traductions et ces interprétations qu’un certain nombre d’auteurs modernes ont imaginé devant le palais d'Ézéchias une sorte d’obélisque dressé sur des marches, et faisant descendre son ombre sur ces marches à mesure que le soleil s’inclinait à l’horizon. Mais, comme nous l’avons vu plus haut, un pareil monument ne constitue qu’un gnomon, marquant le midi vrai, mais incapable d’indiquer avec régularité les heures du jour. D’autre part, une ombre « qui descend » n’est pas nécessairement une ombre qui s’avance de haut en bas. Elle peut être une ombre qui, par un mouvement quelconque, marque la descente ou l’inclinaison du soleil, et mérite à ce titre le nom d’ombre descendante. Il est beaucoup plus probable que le pluriel maʿâlôṭ, « degrés, » désigne un instrument portant des degrés, autrement dit gradué, comme un cadran. Gesenius, Thesaurus linguæ hebrææ, p. 1031. Achaz était en relations d’amitié avec le roi assyrien Théglathphalasar, et il se montra fort curieux des choses babyloniennes, au point d’emprunter aux Assyriens la forme même de leurs autels. IV Reg., xvi, 7, 10. Il est donc naturel de penser qu’il put recevoir aussi de son puissant allié un de ces cadrans solaires sphériques ou coniques, depuis longtemps en usage chez les Chaldéens. C’est en ce sens que le mot maʿâlôṭ est traduit par Symmaque : ὡρολόγιον ; saint Jérôme : horologium, et le Targum : ʾébén sâʿayydʾ, « pierre des heures. » Dans les deux textes reproduits plus haut d’après l’hébreu, le mot maʿâlôṭ a donc tantôt le sens ordinaire de « degrés », et tantôt le sens de « cadran », les Hébreux manquant de terme spécial pour désigner cet instrument tout nouveau.
III. Le miracle du cadran d'Ézéchias. — Le texte sacré parle d’un « signe », Is., xxxviii, 7 ; IV Reg., xx, 9 ; II Par., xxxii, 24, c’est-à-dire d’un fait surnaturel. Isaïe promet deux choses à Ézéchias malade mortellement et menacé par les Assyriens : le roi vivra encore quinze ans, et il sera délivré de ses ennemis. Mais comme l'échéance de ces deux événements est assez éloignée, le prophète va opérer un signe immédiat, c’est-à-dire un miracle prouvant qu’il parle au nom de Dieu. L’ombre du style doit-elle avancer de dix degrés sur le cadran, ou reculer de dix degrés ? Nous ignorons à quelle division du temps correspondaient ces degrés. Chaque jour l’ombre avançait d’un degré par chaque unité de temps, soit de dix degrés par dix unités de temps. Elle se mouvait toujours d’occident en orient sur le cadran, c’est-à-dire qu’elle avançait dans le sens contraire à la marche du soleil ; jamais elle ne reculait, c’est-à-dire n’allait de l’orient à l’occident, ce qui eût supposé une marche rétrograde du soleil. Évidemment, quand Isaïe propose de faire avancer l’ombre de dix degrés, il parle d’un avancement instantané ou du moins beaucoup plus rapide que celui qui se produit en dix unités de temps. Ézéchias, se figurant peut-être que l’avancement en question doit se produire dans le temps normal ou à peu près, trouve que la chose ne serait pas merveilleuse. En tout cas, pour plus de sûreté, il réclame la production d’un phénomène absolument en dehors des lois de la nature, le recul de l’ombre. L’effet à produire dépasse la puissance des causes naturelles. Aussi le texte sacré marque-t-il expressément que « le prophète Isaïe invoqua Jéhovah et il fît rétrograder l’ombre sur les degrés ».
Comment la rétrogradation de l’ombre s’opéra-telle ? À en croire certains rationalistes, la chose serait des plus simples. Comme nous l’avons marqué en commençant, dans un cadran solaire bien construit, le style doit faire avec l’horizon un angle égal à la latitude du lieu. Cette latitude est à Jérusalem de 31° 46'. En diminuant cet angle de manière que la déclinaison du style se rapproche de celle du soleil, soit de 13° 21' à Jérusalem, on obtient ce résultat, qui ne se produit normalement que sous les tropiques : dès que le soleil apparaît au-dessus du plan du cadran, on voit l’ombre s'écarter d’abord du méridien, puis s’en rapprocher jusqu'à midi et progresser dans le même sens, pour reprendre ensuite une marche contraire jusqu’au coucher du soleil. Il y a donc une véritable rétrogradation de l’ombre. Le phénomène est surtout sensible au solstice d'été. Quand Isaïe « fit rétrograder l’ombre sur les degrés a, il se contenta donc d’incliner le cadran de 13° 21'. Spinoza, Tractatus theologico-politicus, ii, 28, t. iii, p. 39, trad. Saisset, t. ii, p. 43 ; E. Guillemin, De la rétrogradation de l’ombre sur le cadran solaire, Lausanne, 1878 (extrait des Actes de la 60e session de la Société helvétique des sciences naturelles, août 1877) ; Littré, De quelques phénomènes naturels donnés ou pris dans la Bible comme miraculeux, dans la Philosophie positive, 1879, t. xxii, p. 147-149. Voir F. Vigouroux, Les Livres Saints et la critique rationaliste, 4e édit., t. i, p. 518 ; t. v, p. 126-133. — Il est incontestable qu’on peut, par un déplacement convenable d’un cadran solaire, produire naturellement le phénomène de la rétrogradation de l’ombre. Mais le texte biblique ne permet pas d’admettre qu’Isaïe ait employé ce moyen. 1° Le prophète promet à Ézéchias un signe, c’est-à-dire une preuve surnaturelle de ce qu’il avance. D’après l’explication proposée, il aurait employé un moyen purement naturel, qu’il faut supposer connu de lui seul et ignoré du roi et des assistants. Or l’emploi de ce moyen, dans une circonstance aussi grave, aurait constitué une pure supercherie, incompatible avec tout ce que nous savons du caractère et de la vie d’Isaïe. La prière qu’il adresse au Seigneur, pour obtenir la production de l’effet demandé, ne serait elle-même qu’une indigne hypocrisie. — 2° On cherche une explication naturelle pour se débarrasser du miracle. Mais cette explication fut-elle aussi plausible quelle l’est peu, le surnaturel subsisterait encore dans les prophéties qu’Isaïe fait à Ézéchias et dans leur parfait accomplissement. Il faut donc ou bien accepter le récit tout entier tel qu’il est écrit, ou le rejeter tout entier, sans autre motif que le caractère surnaturel des faits. — 3° Les mots du texte des Rois : « Il fit rétrograder l’ombre sur le cadran, » ne signifient nullement qu’Isaïe dérangea lui-même l’instrument. Il était malaisé qu'à l’insu de tous Isaïe en modifiât la position, ou même en déplaçât le style. D’ailleurs nous ne pouvons savoir quelle était la nature du cadran d’Achaz, et il n’est point assuré qu’on pût y obtenir, par simple déplacement, le même effet de rétrogradation qu’avec nos cadrans actuels.— Le signe opéré par Isaïe, agissante l’aide de la puissance divine, est donc incontestablement miraculeux. Toutefois rien n’oblige à donner au miracle toute l'étendue qu’il pourrait comporter à la rigueur, par exemple, de supposer que la rétrogradation de l’ombre a été produite par un mouvement apparent du soleil de l’occident à l’orient, et en réalité par une révolution du globe terrestre d’orient en occident. Le phénomène ainsi expliqué n’affecterait que la terre seule, mais obligerait à admettre une prolongation du jour, que rien, dans le texte sacré, n’autorise à supposer. La rétrogradation de l’ombre fut donc produite par une simple déviation, locale et momentanée, des rayons lumineux qui frappaient le style, déviation entraînant un déplacement correspondant de l’ombre portée.
CADUMIM (hébreu : Qedûmîm ; Septante : ἀρχαίων ; dans certains manuscrits : Kαδημίμ, Kαδημείμ), torrent mentionné seulement par la Vulgate, dans le cantique de Débora. Jud., v, 21. L’hébreu porte :
Naḥal Qišôn gerafâm,
Naḥal qedûmîm, naḥal Qîšôn ;
ce que la Vulgate traduit ainsi :
Le torrent de Cison a entraîné leurs [cadavres],
Le torrent de Cadumim, le torrent de Cison.
La question est de savoir si le mot qedûmîm indique un nom propre, ou s’il n’est qu’une épithète poétique appliquée au Cison, aujourd’hui le Nahr el-Mouqatta, qui traverse la plaine d’Esdrelon et longe la chaîne du Carmel, pour se jeter dans la mer auprès de Caïfa. « Quelques-uns, dit Calmet, croient qu’il y avait deux torrents, qui prenaient leurs sources aux environs du mont Thabor, dont l’un coulait du couchant à l’orient, et allait tomber dans la mer de Tibériade ou dans le Jourdain ; et c’est, dit-on, celui-là qui était appelé Cadumim. L’autre torrent venait se décharger dans la Méditerranée, vers le mont Carmel ; et c’est celui-ci qui s’appelait torrent de Cison. Mais on attend des preuves de cette hypothèse. Nous ne voyons rien, ni dans Josèphe, ni dans l'Écriture, qui nous persuade de l’existence de ce prétendu torrent de Cadumim, qui se dégorgeait dans la mer de Tibériade. » Commentaire littéral sur le livre des Juges, Paris, 1711, p. 83. On ne voit pas, en effet, d’après le texte même, la nécessité de distinguer deux torrents ; l’expression naḥal qedûmim semble plutôt n'être mise là, en vertu de la loi du parallélisme synonymique, que pour déterminer le « torrent de Cison ». G. Bickell, Carmina Veteris Testamenti metrice, in-8o, Inspruck, 1882, p. 196-197, regarde les deux derniers mots, torrent de Cison, comme une répétition inutile, brisant l’harmonie du vers, et contraire au mètre poétique adopté dans la pièce. Disons cependant que les versions syriaque et arabe mettent ici deux noms propres, unis par la conjonction et. De même on lit dans certains manuscrits grecs : Kαδησείμ, Kαδηείμ, Kαδημίμ, Kαδημείμ. Cf. R. Holmes et J. Parsons, Vetus Testam. græcum cum variis lectionibus, Oxford, 1810-1827, t. ii (sans pagination). La plupart des commentateurs prennent qedûmim pour un nom commun, mais diffèrent dans la signification qu’il s’agit de lui donner. On lui attribue, en effet, les quatre sens dont est susceptible la racine, qâdam.
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9. — Oiseaux aquatiques pris vivants au filet et mis en cage. — Le texte porte au-dessus de chaque partie de la scène : Prise au filet des oiseaux — surintendant des filets — mise en cage ». Saniet el-Meitin. vi « dynastie. D’après Lepsius, Denkmäler, Abth. ii, pl. 105
— 1° Les uns rattachent ce masculin pluriel à קדט, qédém, « antiquité, » et font ainsi du Cison « le torrent ancien ». C’est ainsi que l’ont compris les Septante, en traduisant par χειμάῤῥους ἀρχαίων. Telle est l’opinion de Gesenius, Thesaurus, p. 1194. Mais que signifie cette appellation ? Il est difficile de le savoir. La paraphrase chaldaïque l’explique en disant que c’est « la rivière où, depuis les temps anciens (milleqodâmîn), des miracles furent faits en faveur d’Israël ». On répond à bon droit que l'Écriture ne mentionne aucune victoire des Israélites près du Cison avant Débora. J. Fürst, Hebräisches Handwörterbuch, 1876, t. ii, p. 296, en cherche la raison dans les combats dont fut le théâtre la plaine arrosée par le Cison, qui de tout temps a été le grand champ de bataille de la Palestine. Mais, s’il s’agit ici des rencontres des nations païennes, Égyptiens, Assyriens, Chananéens, l'Écriture n’a point coutume de célébrer leurs guerres dans ses cantiques, quand le peuple de Dieu n’y est mêlé d’aucune façon. Il n’est pas plus juste de voir dans le « torrent ancien » « un torrent perpétuel ou qui coule toujours ». Rosenmüller, Scholia in Vet. Test., Judices, Leipzig, 1835, p. 143. — 2° Quelques-uns, empruntant à קדט, qiddêm, le sens de « prévenir », rendent l’expression naḥal qedûmîm par « torrent des prévenus », ou surpris, c’est-à-dire subitement engloutis par les eaux. C’est une opinion que Rosenmüller, loc. cit., regarde à juste litre comme forcée. — 3° D’autres rapprochent qedûm de קדט, qâdîm, « orient, » et pensent que le Cison, dont le cours va de l’est à l’ouest, serait ainsi appelé « torrent oriental ». Cf. F. de Hummelauer, Commentarius in libros Judicum et Ruth, in-8o, Paris, 1888, p. 126. — 4° Plusieurs enfin, s’appuyant sur une autre signification de qiddêm, prennent qedûmim dans le sens de « rencontres hostiles » ou combats. C’est ainsi que M. Vigouroux, La Bible et les découvertes modernes, 5e édit., Paris, 1889, t. iii, p. 292, traduit le verset en question :
Le torrent de Cison a roulé leurs [cadavres],
Le torrent des combats, le torrent de Cison.
CADUS. Voir Cad.
CAGE, loge portative où l’on garde des animaux, en particulier des oiseaux. — 1° Il est question dans Jérémie, v, 27, d’un objet appelé kelûb, que les Septante traduisent par παγίς, mot qui signifie ordinairement « filet », et la Vulgate, par decipula, « piège, trébuchet. » Le texte dit formellement que ce kelûb est « plein d’oiseaux » ; c’est pourquoi on traduit ordinairement le mot hébreu par « cage ». Le kelûb, d’après le contexte, n’est pas toutefois une cage ordinaire ; c’est un engin de chasse dont on se sert pour prendre des oiseaux libres au moyen d’oiseaux captifs qui servent d’appeau. Ceux-ci sont enfermés dans une cage disposée de telle façon, qu’une petite porte tombe mécaniquement lorsqu’un oiseau y pénètre de l’extérieur, attiré par le prisonnier. L’Ecclésiastique, XI, 32 (30), parle aussi de cet instrument, qu’on employait spécialement pour prendre des perdrix. « Comme la perdrix chasseresse dans la cage, dit l’auteur sacré, tel est le cœur du superbe, lorsque, comme un espion, il médite la chute d’autrui. » (Texte grec.) Cf. Aristote, Hist. animal., ix, 8. La cage à piège est ici appelée κάρταλλος, mot qui signifie proprement « un panier ou une corbeille d’osier », ce qui semble indiquer qu’on fabriquait le kelûb avec de l’osier. Cf. Amos, viii, 1-2, où kelûb désigne un panier (d’osier). — Cet engin de chasse portait le même nom chez les Syriens : la Peschito, Eccli., xi, 32, rend κάρταλλος par [texte arabe], klûbioʾ ; il passa chez les Grecs, qui en conservèrent jusqu’au nom, sous les formes κλωϐός, κλουϐός et κλοϐός. Oppien, Ixent., iii, 14. Voir Bochart, Opera, Hierozoicon, édit. Leusden, 1692, t. ii, p. 662 ; t. iii, p. 90 ; du Cange, Glossarium mediæ et infimæ græcitatis, Lyon, 1688, t. i, col. 668, 669. — Saint Jean, dans l’Apocalypse, xviii, 2, désigne aussi par un mot vague la cage des oiseaux, quand il parle de la φυλακὴ παντὸς ὀρνέου ἀκαθαρτου, custodia omnis volucris immundæ, « la prison de tous les oiseaux impurs. » — Sans nommer la cage, le livre de Job, XL, 21 (hébreu, 29), fait allusion aux oiseaux captifs. Dieu demande à Job, en décrivant le crocodile :
Joueras-tu avec lui comme avec un passereau,
Et l’attacheras-tu pour [l’amusement] de tes filles ?
Ce dernier vers semble indiquer qu’on liait les oiseaux captifs avec un fil ; mais il est à croire qu’on avait aussi des cages pour les conserver, parce qu’ils ont été de tout temps un jouet pour les enfants et les femmes. Passer deliciæ meæ puellæ, dit Catulle. On n’a pas trouvé cependant d’oiseaux d’agrément, en cage, figurés dans les scènes domestiques que nous ont conservées les monuments égyptiens ; ils nous montrent seulement des cages servant à enfermer (fig. 9) et à transporter (fig. 10) les oiseaux pris vivants, à la chasse, dans des filets. Nous possédons des représentations de caveæ romaines, découvertes à Pompéi, à Herculanum et à Stabies. Voir Reale Museo Borbonico, t. i, pl. iii ; t. ix, pl. iv ; Pitture aniiche d’Ercolano, t. iii, Naples, 1762, pl. vii, p. 41.
10. — Transport en cage des oiseaux pris vivants a la chasse.
xiie dynastie. Béni-Hassan.
D’après Lepsius, Denkmäler, Abth. ii. Bl. 128.
Sur un vase grec trouvé à Nola, on voit un jeune homme portant une caille dans une cage. H. D. de Luynes, Description de quelques vases peints, in-f°, Paris, 1840, pl. xxxvii, p. 21. Voir aussi une cage avec oiseaux, d’après une pierre gravée, dans V. Duruy, Histoire des Romains, t. ii, 1880, p. 668. — Les inscriptions cunéiformes mentionnent souvent la cage, quppu. Ainsi, Sennachérib, parlant du roi de Juda, Ézéchias, enfermé dans Jérusalem, dit : sa-a-su kirna issur qu-up-pi kirib 'ir Ursa-li-im-mu 'ir sarru-ti-su 'i-bu-su ; « je l’enfermai, comme un oiseau dans sa cage, dans Jérusalem, sa ville capitale. » Rawlinson, Cuneiform inscriptions of Western Asia (Cylindre de Taylor, col. iii, 1. 20-21), t. i, pi. 39. Le nom de quppu est le même que celui de qubbâh, expression qui dans les Nombres, xxv, 8, désigne « une tente en forme de dôme ou de coupole ». Certains orientalistes croient que c’est de ce terme sémitique qu’est venu, par l’intermédiaire de l’arabe et du latin du moyen âge, le mot « coupole ». On pourrait donc induire de laque les cages assyriennes, et probablement aussi les cages hébraïques, se terminaient ordinairement en forme de coupole ou de dôme, d’après le sens de qubbâh, et ressemblaient par conséquent à la cage que Boldetti, Osservazioni sopra i cimeleri cristiani, in-f°, Rome, 1720, p. 154, a trouvée représentée sur un vase chrétien (fig. 11).
H. — Cage romaine renfermant un oiseau.
D’après Boldetti.
2° Ezéchiel, xix, 1-9, compare Jérusalem à une lionne et ses rois à des lionceaux. Au v. 9, il dit que l’un de ses lionceaux (Jéchonias) sera enfermé dans une cage (sûgar) pour être conduit à Babylone. Les monuments figurés représentent ces cages, construites avec des traverses de bois (lig. 12), et qui servaient à transporter et à garder les bêtes féroces. C’est par leur moyen que les rois de Babylone amenaient dans leur capitale les lions qu’ils enfermaient dans des fosses, et qu’ils nourrissaient avec de brebis ou des hommes condamnés à mort, comme le raconte le livre de Daniel, vi, 7, 16-24 ; xiv, 30-42.
CAHANA BEN TACHLIFA, célèbre hagadiste, né à Pum-Nahara, en Babylonie, vers 330, et mort en 413.
12. — Cage assyrienne renfermant un lion. Koyoundjik. D’après V. Place, Ninive et l’Assyrie, t. iii pl. 50
Il fit ses premières études sous la direction de Raba. En 397, il fut placé à la tête de l'école de Pum-Badita, fonction qu’il conserva seize ans, jusqu'à sa mort. On lui doit la compilation appelée Pesikta : c’est une série de leçons tirées du Pentateuque et des prophètes, pour l’usage des jours de fête et des sabbats dans les synagogues, avec l’explication traditionnelle de ces passages de l'Écriture. Ce Midrasch ou commentaire homilétique en vingt-neuf sections ne nous est pas parvenu dans sa forme originale ; mais cent quatre-vingt-dix fragments ont été conservés dans le Midrasch Jalkut, de Siméon Cara. Il a été publié à part par A. Wünsche, Pesikta des Rab Kahana, in-8°, Leipzig, 1885. Cf. J. Fürst, Kahana ben Tachlifa, sein Leben und seine Thätigkeit, imprimé dans Kultur und Literaturgeschichte der Juden in Asien, t. i, p. 71, 217, 251, et in-8°, Leipzig, 1849.
CAHEN Samuel, exégète israélite français, né à Metz le 4 août 1796, mort à Paris le 8 janvier 1862. Après avoir étudié à Mayence, près du grand rabbin, il revint en France, où, en 1824, il devint directeur do l'école israélite de Paris. Son principal ouvrage est : La Bible, traduction nouvelle avec l’hébreu en regard, accompagné des points-voyelles et des accents toniques, avec des notes philologiques, géographiques et littéraires et les principales variantes de la version des Septante et du texte samaritain, 18 in-4°, Paris, 1831-1831. Le texte hébreu est peu correct ; la traduction lourde et souvent inexacte, parfois contredite par les notes, empruntées à la critique allemande. — Voir L. Wogue, Histoire de la Bible et de l’exégèse biblique jusqu'à nos jours, in-8°, Paris, 1881, p. 342.
CAILLE (hébreu : ṡelâv ; Septante : ὀρτυγομήτρα ; Vulgate : coturnix). La caille est mentionnée dans la Sainte Écriture à l’occasion d’un miracle répété deux fois pendant le séjour des Hébreux au désert. La première fois, les Hébreux se trouvaient au désert de Sin, entre Élim et le Sinaï., non loin du rivage oriental du golfe de Suez. Partis d’Égypte seulement depuis un mois et demi, ils murmurèrent au souvenir des viandes et du pain qu’ils mangeaient au pays de la servitude. Le Seigneur dit alors à Moïse : « J’ai entendu les murmures des enfants d’Israël. Dis-leur : Sur le soir, vous mangerez de la viande, et demain vous aurez du pain à satiété : vous saurez alors que je suis le Seigneur votre Dieu. Quand le soir fut arrivé, des cailles montèrent et couvrirent le camp, et le matin une rosée s'étendit autour du camp. » Exod., xvi, 11-13. Cette rosée était la manne, et ce mets miraculeux plut tellement aux Israélites, que les cailles semblent avoir peu attiré l’attention en cette occasion. — Au printemps suivant, un an après la sortie d’Égypte, les Israélites venaient de quitter le mont Sinaï. À l’exemple des gens de toutes sortes qui les avaient suivis au désert, ils recommencèrent à se plaindre : la manne leur procurait une nourriture agréable et abondante ; mais ils s’en déclarèrent fatigués et regrettèrent la viande, les poissons et les légumes d’Égypte. Le Seigneur promit encore d’accéder à leurs désirs ; malgré leur grand nombre (ils étaient six cent mille capables de porter les armes), ils auraient de la viande pour un mois entier, jusqu'à en être dégoûtés. « Alors un vent envoyé par le Seigneur amena les cailles d’au delà de la mer et les répandit dans le camp, ainsi que sur un espace d’une journée de marche tout autour du camp (Vulgate : et elles volaient dans l’air), à une hauteur de deux coudées (un peu plus d’un mètre) au-dessus de la terre. Le peuple se leva. Tout ce jour-là, la nuit et le jour suivant, il ramassa des cailles. Ceux qui en eurent le moins en avaient dix ḥômér (soit près de quatre hectolitres). Ils les firent sécher tout autour du camp. » Num., xi, 31, 32. Mais aussitôt après avoir ainsi donné la preuve de sa puissance, le Seigneur fit éclater sa colère contre les ingrats. La station où se trouvaient les Israélites en prit le nom de Qibrôṭ Haṭṭaʾâvâh, « Sépulcres de Concupiscence. » Le Psaume cv (civ), 40, rappelle le premier de ces deux événements :
À leur demande, il flt venir des cailles,
Et il les rassasia avec le pain du ciel.
Dans un autre Psaume portant le nom d’Asaph, le second événement est rapporté avec plus de détails :
Il leur envoya les aliments à profusion ;
Il mit en mouvement le vent d’est dans les cieux,
Et amena par sa puissance le souffle du midi.
Il leur fit pleuvoir la viande comme la poussière,
Et les oiseaux ailés comme les sables des mers.
Il les fit tomber au milieu de leur camp
Et tout autour de leurs tentes.
Ils mangèrent et se rassasièrent à l’envi ;
Il leur procura ainsi ce qu’ils désiraient.
Ils n’avaient pas encore satisfait leur convoitise,
La nourriture était encore à leur bouche,
Quand la colère de Dieu s'éleva contre eux.
Il porta la mort parmi les mieux repus,
Et abattit les jeunes hommes d’Israël.
Plusieurs questions se posent à l’occasion de ces récits. 1° Identification du « ṡelâv » et de la caille. — Quelques auteurs ont avancé que le mot hébreu désigne la sauterelle, le poisson volant, le coq de bruyère, la casarca rutila ou espèce d’oie rouge, etc. Stanley, qui a vu passer un vol de grues innombrables du Sinaï à Akabah, pense qu’il s’agit ici de ces derniers oiseaux. Sinai and Palestine, 1856, p. 80. Aucun de ces animaux ne saurait
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13. — La caille.
être le ṡelâv biblique. Le psaume lxxviii parle d' « oiseaux ailés », ce qui oblige à écarter de prime abord la sauterelle et le poisson volant. Le coq de bruyère ou tétras est un oiseau du nord. La casarca vit auprès des lacs salés, mais n’est pas mangeable. La grue serait un aliment aussi détestable. Les anciennes traductions identifient le ṡelâv avec la caille. En arabe, cet oiseau s’appelle salwā. En hébreu comme en arabe, le nom de la caille vient très probablement du verbe sâlāh, « être gras, » et se rapporte ainsi à l’un des caractères les plus saillants de l’oiseau. La caille est un gallinacé du genre perdrix (fig. 13). Elle a beaucoup d’analogie avec cette dernière, mais elle en diffère par sa taille plus petite et par son cri très particulier. Ce cri lui a valu en bas-latin le nom de qaquila, d’où vient celui de « caille ». Elle est de couleur brune et se confond si bien avec le sol, qu'à une faible distance elle échapperait au regard le plus exercé, si elle ne se trahissait elle-même par son cri. « Les cailles ont le vol plus vif que les perdrix ; elles filent plus droit. Il faut qu’elles soient vivement poussées pour qu’elles se déterminent à prendre leur essor. Elles courent donc plus qu’elles ne volent. » D’Orbigny, Dictionnaire universel d’histoire naturelle, Paris, 1872, t. x, p. 476. Les cailles se déplacent ordinairement pendant la nuit ; elles « aiment surtout à voyager au clair de la lune ». Chenu, Encyclopédie d’histoire naturelle, Paris, 1854. Oiseaux, VIe part., p. 150. Le jour, elles restent couchées sur le côté, la tête et les pattes étendues à terre. Cette inaction habituelle paraît contribuer à leur embonpoint. La chair de la caille est grasse, mais succulente. Elle ne renferme aucun principe nuisible à l’homme qui s’en nourrit, contrairement à l’opinion de quelques anciens. Pline, H. N., x, 23 ; Lucrèce, iv, 642. Si donc tant d’Israélites ont péri après en avoir mangé au désert, il faut l’attribuer en partie à leur gloutonnerie, et surtout à l’intervention de la colère divine.
2° Provenance et migration des cailles. — Les cailles sont originaires des pays chauds. Diodore de Sicile, i, 60, atteste qu’elles abondaient sur les frontières d’Égypte et de Syrie. Josèphe, Ant. jud., II, iii, 5, rappelle en ces termes l'événement raconté au livre des Nombres : « Il arriva une grande quantité de cailles, espèce d’oiseaux que nourrit particulièrement le golfe Arabique. » Les cailles ressentent un impérieux besoin de voyager. Chaque année, en avril et eu septembre, même quand elles sont en captivité, elles s’agitent instinctivement comme pour partir. À l'état libre, elles se groupent en multitudes immenses, et attendent un vent favorable pour entreprendre la traversée des mers. Sans le secours du vent, elles ne pourraient voyager à longue distance. Aristote, Hist. anim., viii, 14. Elles profitent de toutes les îles pour se reposer. C’est ainsi qu’elles s’abattent en foule à Malte et dans les îles de l’Archipel, quand elles passent d’Afrique en Europe. Parfois elles descendent sur les vaisseaux. Pline, H. N., x, 23, parle d’un bâtiment submergé sous le poids de ces oiseaux. Si le vent les contrarie trop violemment avant qu’elles puissent aborder en quelque endroit, les cailles sont bientôt condamnées à périr. « Elles traversent régulièrement le désert d’Arabie, en volant surtout pendant la nuit. Comme elles ne sont pas de haut vol, malgré leurs habitudes de migrations, elles choisissent instinctivement les bras de mer les plus étroits, et mettent à profit toutes les îles pour y faire une halte. » Tristram, The natural History of the Bible, Londres, 1889, p. 231. À leur première apparition au camp d’Israël, les cailles venaient de la côte d’Afrique, et étaient amenées à travers le golfe de Suez par un vent de sud-ouest. Dans le second cas, le Ps. lxxviii parle des vents de l’est et du midi. Les cailles arrivaient donc d’Arabie et venaient de faire la traversée du golfe d’Akabah. « Conformément à leur instinct bien connu, elles durent suivre la côte de la mer Rouge jusqu'à l’endroit où la presqu'île du Sinaï la divise en deux. Puis, profitant d’un vent favorable, elles traversèrent le détroit et se reposèrent près du rivage avant d’aller plus loin. C’est pourquoi nous lisons que le vent les amena de la mer, et que, se maintenant près du sol, elles tombèrent comme la pluie autour du camp. Elles commencèrent à arriver le soir, et le matin suivant toute la troupe se reposait. » Tristram, Natural History, p. 232.
3° Leur grand nombre. — Quelques auteurs pensent que le mâle de la caille est polygame. Le fait n’est pas prouvé. La ponte annuelle de la caille est de douze à quinze œufs, et les cailletaux, à peine éclos, commencent déjà à se tirer d’affaire par eux-mêmes. Les migrations des cailles sont extraordinairement nombreuses. « Il en tombe une quantité si prodigieuse sur la côte occidentale du royaume de Naples, aux environs de Nettuno, que sur une étendue de côtes de quatre à cinq milles, ou en prend quelquefois jusqu'à cent milliers par jour. » Buffon, Œuvres, 1845, t. v, p. 393. Dans l'île de Capri, le sol est couvert de ces oiseaux au mois de septembre, si bien que l'évêque, qui en tire un certain revenu, porte le surnom d' « évêque des cailles ». Tristram, Natural History, p. 232, dit avoir vu « en avril, au point du jour, le sol de l’Algérie couvert de cailles sur une étendue de plusieurs acres, là où la veille dans l’après-midi on n’apercevait rien. Elles étaient si fatiguées, qu’elles remuaient à peine, tant qu’on ne marchait pas sur elles. Bien qu’on les massacrât par centaines, elles ne quittèrent la place que quand le vent changea ». Quand elles passent en troupes dans la basse Égypte, elles sont si pressées que les enfants mêmes en tuent plusieurs d’un seul coup de bâton, et si nombreuses qu’elles pénètrent en quantité jusque dans les églises. Cf. Vigouroux, La Bible et les découvertes modernes, 1889, t. ii, p. 467.
4° Capture des cailles. — Quand les cailles sont extrêmement fatiguées, il est assez facile de les prendre ou de les tuer sur place. On peut encore se saisir d’elles quand elles volent, car elles s'élèvent alors très peu au-dessus du sol. Quand le texte hébreu dit qu’il y avait des cailles tout autour du camp « à une hauteur de deux coudées », il faut donc entendre cette expression non de l'épaisseur du gibier qui jonchait le sol, mais de la hauteur à laquelle il volait. Ainsi l’a compris avec raison la Vulgate. Autrefois, on prenait les cailles au moyen de filets tendus sur le rivage. Diodore de Sicile, 1, 60. Aujourd’hui encore, en Orient, on s’empare d’elles en grandes quantités à l’aide de procédés probablement très anciens. Parfois on entoure la place où elles se sont fixées, en formant un cercle ou une spirale qui se rétrécit de plus en plus.
14. — Préparation de conserves d’oiseaux en Egypte.
D’après Champollion, Monuments de l’Egypte, t. ii, pl. clxxxv.
Quand à la fin les oiseaux se trouvent rassemblés en une même masse, les chasseurs jettent les filets sur eux. D’autres fois, après avoir fait cercle autour des cailles, on fond tout d’un coup sur elles à un signal donné, et en peu de temps on prend par milliers les oiseaux terrifiés. Dans le nord de l’Afrique, aussitôt qu’un vol de cailles s’est abattu, les gens du village voisin les cernent de loin, en agitant leurs burnous avec leurs bras étendus comme les ailes de grands oiseaux. Peu à peu ils obligent les cailles à chercher un abri dans des buissons naturels ou artificiels, et quand elles s’y sont réfugiées, ils couvrent les buissons de leurs burnous et enferment leur proie comme dans une cage. Les cailles se laissent ainsi rassembler parce qu’elles préfèrent se servir de leurs pattes plutôt que de leurs ailes. Néanmoins, quand elles ne sont pas fatiguées, elles finiraient par s’envoler et par échapper aux chasseurs, si ces derniers ne procédaient pas avec précaution. Cf. Wood, Bible Animals, Londres, 1884, p. 434. Les Israélites du désert ne furent donc pas embarrassés pour saisir les cailles en grand nombre, surtout à la suite du voyage fatigant qu’elles venaient d’exécuter. — Le Seigneur avait promis des cailles pour un mois. Les Hébreux pouvaient conserver cet aliment pendant longtemps, en employant le procédé qu’ils avaient vu en usage parmi les Égyptiens. Ceux-ci faisaient sécher les cailles au soleil. Hérodote, ii, 77. Les Hébreux en firent autant. Les Égyptiens préparaient aussi leurs conserves de gibier à plume dune manière plus compliquée. Les monuments représentent cette opération (fig. 14). Le premier Égyptien plume l’oiseau ; le second le vide ; le troisième le met dans de grandes jattes avec du sel. Quand on voulait se servir de ces conserves, on commençait par faire dessaler l’oiseau dans l’eau pendant plusieurs heures.
5° Caractère miraculeux de ces deux événements. — L’apparition de nombreuses troupes de cailles au désert du Sinaï est un phénomène naturel. Dieu cependant ne s’est servi des causes physiques dans ces deux occasions qu’en y ajoutant la marque de son intervention surnaturelle. Le caractère surnaturel de l’arrivée des cailles se reconnaît à ce que : 1. Elle s’est produite au moment voulu par le Seigneur. — 2. Elle a été annoncée à l’avance. — 3. Dans le second cas, la quantité des cailles a prodigieusement dépassé ce qui se rencontre habituellement. Buffon parle de cent mille cailles prises en un jour à Nettuno. Au désert, six cent mille hommes, pour ne compter que les plus forts, ramassent chacun un minimum de quatre hectolitres, soit vraisemblablement dés centaines de cailles. — 4. Enfin l’intervention divine se montre encore dans le châtiment qui frappe non seulement les « mieux repus », mais aussi les « jeunes hommes », comme marque le Psaume lxxviii, 31. Cf. Vigouroux, La Bible et les découvertes modernes, 1889, t. ii, p. 463-468.
CAÏN (hébreu : Qaïn ; Septante : Kάεν), fils aîné d’Adam et d’Ève. Lorsque Ève l’eut mis au monde, elle dit : « J’ai acquis (qânîṭi) un homme par Jéhovah. » Gen., iv, 1. Cf. Gen., xiv, 19 ; Prov., viii, 22. Le nom de Caïn se retrouve avec le sens de « créature, rejeton », dans les inscriptions sabéennes de l’Arabie méridionale. En assyrien, il signifie « ce qu’on possède, un esclave », signification qui est peut-être un vestige de la malédiction du meurtrier d’Abel. F. Lenormant, Lettres assyriologiques, t. ii, p. 173 et p. 15-16. Caïn s’adonna à la culture de la terre, tandis qu’Abel, son frère, gardait les brebis. L’agriculture et la vie pastorale nous apparaissent ainsi dès les premiers jours de l’humanité. Déjà Adam cultivait la terre dans le paradis ; après qu’il en eut été chassé, il continua ce travail, devenu pénible par l’effet du péché ; il est à croire qu’il y joignit l'élevage des brebis afin d’avoir de quoi se vêtir et afin de se procurer pour sa nourriture, outre les produits des champs, le lait et peut-être aussi la chair de ces animaux. Ses fils partagèrent naturellement ses travaux, et, soit par la volonté d’Adam, soit par goût personnel, chacun d’eux se livra à l’une de ces deux occupations, sauf à faire au besoin échange avec son frère des produits de leur travail respectif. L’Ecriture ne nous dit rien des sentiments de Caïn pour son frère jusqu’au jour où il offrit au Seigneur des fruits de la terre. Dieu ne regarda ni ses présents ni lui-même, tandis qu’il agréait les offrandes et la personne d’Abel. Cette préférence irrita profondément le fils aîné d’Adam, et l’abattement empreint sur son visage fit voir la colère et la haine qui venaient de s’allumer en lui contre son frère. Gen., iv, 5. Cependant plusieurs Pères ont pensé que l’aversion de Caïn contre Abel existait déjà auparavant, et que c’est pour cela que Dieu n’agréa pas son sacrifice. S. Cyprien, De Unit. Eccl., t. iv, col. 510 ; S. Augustin, In Epist. Joan. ad Parthos, iii, Tract, v, n. 8, t. xxxv, col. 2017 ; S. Bernard, In Cantic, Serm. xxiv, 7, t. clxxxiii, col. 898. En ce qui regarde ce rejet des offrandes de Caïn, on peut en donner une autre raison plus profonde. Saint Paul, en disant, Hebr., xi, 4, que ce fut par sa foi qu’Abel présenta à Dieu des offrandes plus abondantes que celles de Caïn, nous enseigne indirectement que Caïn manqua de cette foi et de la religion qui l’accompagne nécessairement. C’est aussi ce que donne à entendre la Genèse, iv, 3-4 : « Abel, dit-elle, offrit des premiers-nés de son troupeau et de leur graisse, » c’est-à-dire des plus gras et des plus beaux ; mais, en ce qui touche Caïn, elle se borne à dire qu’il « fit une offrande des fruits du sol », les premiers venus sans doute ; peut-être même garda-t-il à dessein pour lui ce qu’il y avait de meilleur, comme l’insinue la traduction des Septante : ὀρθῶς δέ μὴ δίελῂς, Gen., iv, 7, et comme le pensent beaucoup de commentateurs. S. Pierre Chrysologue, Serm. cix, t. iii, col. 502 ; cf. S. Chrysostome, Homil. xvii in Genes., 5-6, t. liii, col. 155. Il faisait du moins un partage toujours abominable aux yeux de Dieu, « lui donnant quelque chose du sien, mais se gardant lui-même. » S. Augustin, De Civit. Dei, xv, vii, t. xli, col. 444.
Caïn en voulut à son frère d’un résultat qu’il savait bien ne pouvoir imputer qu'à lui-même, et la colère contre Abel le « brûla ». Gen., iv, 5 (hébreu). Dieu essaya de le ramener à de meilleurs sentiments ; comme il était allé au-devant du père après son péché dans le paradis, il vint de même au-devant du fils coupable, montrant par là que sa miséricorde était toujours assurée à l’homme. Il y eut même, dans cette démarche divine envers Caïn, quelque chose de plus touchant : le Seigneur s'était borné à faire constater à Adam sa nudité corporelle comme témoignage du péché extérieur qu’il avait commis, tandis qu’il parla à Caïn de ses dispositions intimes et des projets fratricides qu’il tenait cachés au fond de son cœur. « Pourquoi, lui dit-il, es-tu irrité, et pourquoi ton visage est-il abattu ? Est-ce que, quand tu as bien agi, tu ne le relèves pas, en signe de ta bonne conscience ? Mais si tu ne fais pas bien, le péché se tient en embuscade à ta porte, et son désir est vers toi [ pour que tu succombes ] ; mais toi, domine sur lui. » Gen., iv, 6-7 (hébreu). Dieu avertit donc Caïn du danger auquel l’exposaient les mauvaises dispositions dans lesquelles il s’entretenait. En outre, Dieu ne se borna pas à révéler à Caïn son état intérieur ; il lui rappela aussi la puissance de son libre arbitre pour résister aux tentations et vaincre cette bête féroce du péché. S. Bernard, Serm. v in Quadrages., n. 3, t. clxxxiii, col. 179. La version de ce passage dans la Vulgate offre un sens un peu différent : « Si tu fais bien, ne recevrastu pas la récompense, » comme Abel a reçu la sienne ? « Si tu fais mal, au contraire, le péché ne sera - 1 - il pas aussitôt à ta porte ? mets sous toi ton désir, et tu le domineras. » Beaucoup entendent ici par le péché la peine qui le suit, le remords, le trouble, etc. Cf. Zach., xiv, 19.
Caïn ne fut ni touché par ce langage plein de bonté, ni effrayé de ce regard qui pénétrait dans les replis de son âme. Il exécuta le dessein qu’il avait formé de tuer Abel : « Et Caïn dit à son frère : Allons dehors. » Ces deux derniers mots manquent dans l’hébreu. « Et lorsqu’ils furent dans la campagne, Caïn se jeta sur son frère Abel et le tua. » Gen., iv, 8. Il n’y a pas trace de lutte dans le récit, qui ne nous dit pas non plus si le meurtrier accomplit son crime par la seule force de son bras ou à l’aide de quelque arme. « Et le Seigneur dit à Caïn : Où est ton frère Abel ? » Gen., iv, 9. C’est une chose remarquable que Dieu procède par interrogation avec Caïn comme avec Adam après leur péché : « Où es-tu ? » dit-il à Adam, Gen., iii, 9 ; et à Caïn : « Où est ton frère ? » et tout de suite après : « Qu’as-tu fait de ton frère ? » Gen., iv, 9, 10. Il lui avait déjà dit : « Pourquoi es-tu irrité? » Gen., iv, 6. Dieu prévient ainsi l’homme coupable, l’oblige à regarder en lui-même pour voir sa faute, et à disposer son cœur pour recevoir le pardon par le repentir. S. Prosper, De vocatione Gentium, ii, 13, t. li, col. 698. Cette bonté pour celui qui venait de commettre un si grand crime, au mépris des paternelles remontrances de Dieu, fait ressortir plus fortement l’insolente réponse de Caïn ; au lieu de se cacher et de s’humilier devant le Seigneur, comme Adam son père, il tient tête à Dieu et semble le défier : « Je n’en sais rien, dit-il. Suis-je le gardien de mon frère ? » Gen., iv, 9. Il savait bien pourtant que Dieu, qui avait lu naguère dans son cœur, ne pouvait ignorer son forfait. Par son impénitence orgueilleuse, il contraignit en quelque sorte le Seigneur à lui infliger un terrible châtiment : « Tu seras maudit sur la terre, … tu la cultiveras, elle ne te donnera pas ses fruits : tu seras vagabond et fugitif sur la terre. » Gen., IV, 10-12. Dieu n’avait pas maudit Adam, mais seulement la terre, parce qu’Adam avait confessé sa faute ; il maudit Caïn, comme il avait maudit le serpent, c’est-à-dire le démon, dont Caïn imitait l’envie et avait suivi les inspirations. Cf. S. Chrysostome, Homil. xix in Gen., 3, t. lui, col. 162. En même temps il aggrava pour lui la malédiction de la terre, et tout cela parce que Caïn avait aggravé son péché par son impénitence et son arrogance.
Caïn se livra alors au désespoir et déclara que « son iniquité était trop grande pour être pardonnée ». Gen., iv, 13. Beaucoup de commentateurs modernes préfèrent cette autre traduction, dont ce passage est susceptible : « Trop grande est ma punition pour être supportée. » Ce sens paraît mieux répondre à la conduite de Caïn et aux paroles qu’il ajoute ; ces paroles montrent bien, en effet, qu’il était beaucoup moins affligé de son péché que des suites de ce péché ; après avoir ôté la vie à son frère, il n’avait d’autre souci que de conserver la sienne : « Voilà, ajouta-t-il, que vous me rejetez aujourd’hui de dessus la face de la terre, et je me cacherai de devant Votre face ; … le premier qui me rencontrera me tuera. » Gen., iv, 13-14. Ceux dont il redoutait la vengeance étaient ou les enfants d’Abel, si toutefois Abel était marié (voir Abel, col. 290), ou bien les autres enfants ou descendants d’Adam, soit qu’il en existât déjà, soit que Caïn parlât en prévision de l’avenir. Cf. Gen., v, 4. On ne saurait inférer de ces paroles de Caïn qu’il existait alors sur la terre des hommes d’une autre race que celle d’Adam. Voir F. Vigouroux, Les Livres Saints et la critique rationaliste, 4e édit., t. iv, p. 19-20.
Cependant Dieu voulait laisser au coupable le temps de se repentir ; il voulait aussi dès le commencement faire voir qu’il ne permet à personne d'ôter, de son autorité privée, la vie à son semblable. Cf. Gen., ix, 5. Il déclara donc que celui qui oserait tuer Caïn « payerait sept fois la vengeance » (hébreu), c’est-à-dire serait très sévèrement puni, et « il posa sur Caïn un signe, afin que personne de ceux qui le rencontreraient ne le tuât ». Gen., iv, 15.
Qu'était-ce que ce signe ? D’après certains commentateurs, il aurait consisté en quelque phénomène extérieur qui devait rassurer Caïn, de même que l’arc-en-ciel fut donné à Noé comme le gage que les hommes ne seraient jamais plus détruits par le déluge. Gen., ix, 13. Mais les expressions employées par Moïse ne peuvent s’entendre que d’un signe placé sur la personne même de Caïn. Cf. Ezech., ix, 4-6 ; Apoc, ix, 4. Théodoret, Quæst. xlii in Gen., t. lxxx, col. 143.
Ce qui devait encore contribuer à rassurer Caïn, c'était qu’il allait être séparé de ceux dont il pouvait redouter la vengeance. Il allait s'éloigner « de la face de la terre », c’est-à-dire du pays où il avait jusque-là habité, tout près sans doute de l'Éden. Alors commença pour lui une vie errante et vagabonde. La Vulgate dit que Caïn habita le pays qui est à l’orient de l'Éden. Gen., iv, 16. L’hébreu porte : « Dans la terre de Nod, à l’est de l'Éden. » Nod signifie « fuite » ; il est inutile de chercher avec certains exégètes à déterminer le site de ce pays ; nous l’ignorons complètement, nous ne savons pas même quelle était la situation de l'Éden et à quelle distance s’en éloigna le fugitif condamné par Dieu à une vie instable et toujours errante.
La Genèse ajoute encore deux traits à ce qu’elle nous a déjà appris sur Caïn ; il eut un fils nommé Hénoch, et il bâtit une ville qu’il appela, de son nom, Hénoch. Gen., iv, 17. L'épouse qui donna ce fils à Caïn ne pouvait être qu’une de ses sœurs, fille d’Adam et d’Eve comme lui ; cette sorte d’union s’imposait évidemment dans la première famille de l’humanité. À quelle époque naquit Hénoch ? Certainement avant la fondation de la ville qui prit son nom ; mais était-il déjà né avant le crime commis par son père ? L’Écriture n’en dit rien, de même qu’elle passe sous silence bien d’autres points qui se rapportent à ces temps primitifs, tels que l'âge de Caïn et d’Abel au moment où celui-ci fut tué par celui-là ; le nombre des enfants qu’eut Adam, Gen., v, 4 ; les enfants que Caïn lui-même pouvait avoir lorsqu’il commit son fratricide (on peut croire qu’il avait alors près de cent trente ans, cf. Gen., v, 4-5), ou ceux qui lui naquirent dans la suite ; l'époque où il construisit la ville ; les années qu’il a vécu, etc. Ce silence suffit pour rendre vaines certaines objections qu’on a faites contre l’histoire du fils aîné d’Adam. Il faudrait, en effet, connaître tout cela pour mettre le récit biblique en contradiction avec lui-même, sous prétexte que la crainte de Caïn d'être tué par ceux qui le rencontreraient et la construction de la ville supposent l’existence d’un grand nombre d’hommes. Cette absence de toute indication chronologique permettrait de trouver ce grand nombre d’hommes, s’il était nécessaire pour expliquer les faits, puisque plusieurs siècles ont dû ou ont pu s'écouler entre ces différents faits, à une époque où la longévité humaine était si prodigieuse. S. Augustin, De Civit. Dei, xv, 8, t. xli, col. 447 ; Quæst. i in Gen., i, t. xxxiv, col. 548. D’ailleurs, en ce qui regarde la « ville », ce mot peut fort bien signifier ici simplement la réunion de quelques habitations, cf. F. Vigouroux, Les Livres Saints, t. iv, p. 21 ; et, d’autre part, il est évident que fonder une ville, le mot seul le dit, c’est commencer de construire ; or cela est loin de supposer déjà un grand nombre d’habitants. La Genèse nous fait voir Caïn à l'œuvre : « Il bâtit une ville ; » mais elle ne dit pas qu’il se soit fixé à Hénoch et qu’il ait ainsi échappé à son châtiment en cessant de mener une vie errante, comme quelques-uns le prétendent. Nous devons croire que la justice de Dieu n’a pas été frustrée, quoique l’auteur sacré ne nous parle plus de Caïn depuis son départ pour la terre d’exil. Au dire de Josèphe, il se serait livré dans la suite à toute sorte de crimes. Ant. jud., i, ii, 2. Plusieurs ont pensé qu’il fut tué par Lamech, un de ses arrière-petits-fils, d’après Gen., iv, 23 ; mais c’est une interprétation tout à fait arbitraire de ce texte, et Théodoret la traite de futile, Quæst. xliv in Gen., t. lxxx, col. 146.
Caïn a été regardé par les Pères comme le type des persécuteurs des justes ; Jésus-Christ le dit assez clairement. Matth., xxiii, 32-35. Ce furent, en effet, la vie pure et la piété d’Abel, dont Dieu agréa le sacrifice, qui allumèrent dans le cœur de Caïn le feu de la jalousie et de la haine ; et son crime n’eut point d’autre cause, d’après saint Jean. 1 Joa., iii, 12. Aussi saint Augustin dit-il qu’il est le fondateur de la cité de Babylone, la cité des méchants, toujours en lutte, dans le cours des siècles, contre la cité de Dieu, l'Église. De Civit. Dei, xv, 15, t. xli, col. 456 ; Enarrat. in Ps. lxi, t. xxxvi, col. 733. Saint Basile appelle Caïn « le premier disciple du démon ». Homil. de Invidia, t. xxxi, col. 376. Il est question de Caïn dans trois passages du Nouveau Testament, Hebr., xi, 4 ; 1 Joa., iii, 12, déjà cités, et Jude, 11, où l’auteur de l'Épître dit, en parlant des méchants, qu’ils suivent la voie de Caïn.
CAÏNAN. Hébreu : Qênân, « possesseur ; » Septante : Kai’vâv. Nom de deux patriarches, dont le second est mentionné seulement dans les Septante et en saint Luc.
1. CAÏNAN, arrière-petit-fils d’Adam et fils d'Énos. Il devint père de Malaleël, à l'âge de soixante-dix ans, et vécut encore huit cent quarante ans, pendant lesquels il donna naissance à d’autres fils et à des filles. Le nombre total des années de sa vie fut de neuf cent dix ans. Gen., v, 9, 12-14. Cf. I Par., i, 2 ; Luc, iii, 37. D’après une légende rabbinique, rapportée par W. H. Mill, Vindication of our Lord’s genealogy, dans Observations on the attempted Application of Pantheistic Principles to the Theory and historic Criticism of the Gospel, in-8°, Cambridge, 1840-1844, p. 150, dont on retrouve des traces dans certaines traditions syriaques, Caïnan (ou son homonyme de Gen., x, 24 ; xi, 12-13, selon les Septante) aurait le premier introduit dans le monde le culte des idoles et l’astrologie. Cette légende ne repose sur aucun fondement historique ; nous ne saurons jamais sur Caïnan autre chose que ce que nous apprennent les cinq versets de la Genèse cités ci-dessus. La tradition que nous venons de rappeler fut appliquée par les hellénistes au Caïnan post-
diluvien, comme on le voit dans Grégoire Bar-Hebræus, Chronic, pars i a, Dyn. i, édit. de J. Bruns et G. Kirsch, 2 in-8°, Leipzig, 1789, t. i, p. 8 ; t. ii, p. 7. L’origine en est inconnue. Fried. Bæthgen, Beitràge zur semit. Réligionsgeschichte, in-8°, Berlin, 1888, p. 128, 152, suppose qu’elle provient de l’assonance qui existe entre le nom de Caïnan et le dieu sabéen Kenan. D’autres l’expliquent par le sens de la racine arabe ou araméenne dont on fait dériver le nom de Caïnan. E. Palis.
2. CAÏNAN (Septante : Kaïvîv), fils d’Arphaxad-et père de Salé, d’après les Septante, Gen., x, 24 ; xi, 12-13 ; I Par., i, 18 et peut-être 24 ; Luc, iii, 35-36. Le texte hébreu actuel ne porte ce nom ni dans la Genèse ni dans les Paralipomènes. Cette différence entre le grec et l’hébreu a été le sujet de longues discussions parmi les commentateurs, et leurs tentatives pour concilier les deux textes ont donné naissance à diverses opinions. Pererius, après avoir rappelé cinq de ces opinions, dont aucune ne le satisfait, déclare, à la suite de Bède et de plusieurs autres, que cette question du Caïnan postdiluvien soulève des difficultés insolubles et qu’elle demeure pour lui une énigme indéchiffrable. Voir Estius, Annot. in Luc, m, 36, Paris, 1684, p. 457.
Cependant la difficulté de la solution paraît provenir non pas tant du fond même de la question que de la manière dont elle était posée. On regardait les nombres des généalogies patriarcales tels qu’ils se trouvent dans la Bible comme une donnée fort importante, et voilà sans doute pourquoi on ne voulait trouver en défaut sur ce point ni le texte hébreu des Massorètes, objet d’une sorte de respect superstitieux, surtout avant les travaux du P. J. Morin (voir Cornely, Introduct. in libros sacros Compendium, Paris, 1889, p. 163), ni le texte des Septante, qui était autrefois regardé par plusieurs comme inspiré. S. Augustin, De consensu Evangel., ii, 66, t. xxxiv, col. 1139, et Qumst. clxix in Gen., t. xxxiv, col. 595. Il fallait donc, tout en maintenant la leçon de l’hébreu et celle du grec, expliquer comment Caïnan se lisait dans celui-ci et manquait dans celui-là. On conçoit que le problème ainsi proposé devait embarrasser même les plus habiles.
1° Il y eut des commentateurs qui prétendirent que, pour obtenir un nombre égal dans les deux listes des patriarches antédiluviens et postdiluviens, ou pour toute autre raison, Moïse aurait omis Caïnan dans la seconde, et que les Septante l’y auraieut rétabli par une inspiration divine. C’est là une affirmation gratuite, et personne du reste n’admet aujourd’hui l’inspiration des traducteurs alexandrins. — 2° Non moins arbitraire est le procédé de certains autres, qui, tenant pour véritable le nombre de générations donné par l’hébreu, et croyant qu’on pouvait, sans augmenter ce nombre, maintenir le nom de Caïnan dans la version des Septante, imaginèrent soit de faire de Salé un fils adoptif de Caïnan, soit de le lui donner pour frère : deux hypothèses également gratuites, dont la seconde contredit en outre Gen., x, 24 ; xi, 12-13. On peut adresser le même reproche d’arbitraire à ceux qui identifient Caïnan avec Salé, en s’appuyant sur le passage parallèle de saint Luc, iii, 36, où, d’après eux, les deux mots toû Kafvâv auraient été placés après toC SoeXi comme une sorte d’explication par apposition, de manière à donner ce sens : « Salé, celui qui s’appelle aussi Caïnan. i, — 3° Selon une opinion adoptée par Grotius et un assez grand nombre d’exégètes, il n’y aurait pas de contradiction entre le texte original hébreu et le texte primitif des Septante, et Caïnan aurait été introduit plus tard dans le grec par des copistes, peut-être avec l’intention de compléter la liste des traducteurs alexandrins par celle de saint Luc. Voir Grotius, Annotât, in Luc., iii, 36, Amsterdam, 1641, p. 658. — 1. Ces auteurs regardent comme un indice de cette interpolation la singulière identité des deux nombres d’années qui suivent le nom de Caïnan et
celui de Salé. Gen., xi, 12-13. — 2. Ils allèguent encore l’absence de Caïnan dans l'édition sixtine des Septante, I Par., i, 18, 24 ; dans l'édition vulgaire, I Par., i, 24, et dans les Codex Vaticanus et Sinaiticus, et ils concluent de cette omission que ce nom manquait aussi primitivement même dans le grec de Gen., x, 24, et xi, 1$1-$23. — 3. Un autre argument qu’apportent ces écrivains pour prouver que Caïnan n'était pas dans l’original grec, c’est qu’il n’a été connu ni des anciens auteurs païens ou juifs, Bérose, Eupolème, Polyhistor, Josèphe, Philon, ni des premiers Pères. Mais Alexandre Polyhistor et Eupolème (ce dernier connu seulement par les citations du premier) ne parlent pas des généalogies de la Genèse dans les fragments que nous a conservés Eusèbe, et qui ont été recueillis dans les Historicorum grsecorum fragmenta, t. iii, édit. Didot. Bcrose (le Bérose chaldéen authentique) n’a jamais cité la Bible ; quant à Josèphe et à Philon, ils suivent quelquefois, Josèphe. surtout, le texte hébreu ; leur silence sur Caïnan ne tirerait donc pas à conséquence, non plus que celui des autres auteurs profanes. En ce qui regarde les plus anciens Pères, leur témoignage ne saurait fournir un argument certain dans un sens ou dans l’autre. En effet, tandis que, d’après Grotius, Annot. in Luc, iii, 36, p. 658, et d’après d’autres, ils auraient ignoré l’existence du second Caïnan, le P. Pezron affirme, au contraire, dans Calmet, Comment, littéral de la Genèse, x, 24, Paris, 1707, p. 297, qu’il a été connu de tous les Pères qui ont vécu avant Origène. Cette divergence tient sans doute à ce que la supputation du nombre des générations est souvent exprimée d’une manière équivoque, rien n’indiquant par quels personnages commencent ou finissent les lignes généalogiques dont s’occupent ces écrivains. Voir S. Épiphane, De meneur, et ponderibus, 22, t. xliii, col. 277 ; cf. Expositio fidei, 4, t. xlii, col. 780. De plus, il arrive quelquefois qu’on juge de leur sentiment par des passages discutables, sans recourir à ceux où leur vraie pensée est formellement exprimée. Saint Épiphane, par exemple, qu’on invoque contre Caïnan, nomme plusieurs fois ce patriarche, en le donnant expressément comme fils d’Arphaxad et père de Salé, Hæres. lxvi, 83, t. xlii, col. 164 ; Lib. Ancor., 59 et 114, t. xliii, col. 121, 224 ; et il paraît supposer sa présence dans la seconde dizaine généalogique du texte cidessus indiqué de V Expositio fidei. Du reste, on ne pourrait jamais rien inférer de certain contre Caïnan soit des textes, même incontestables, des Pères, soit des versions faites sur les Septante, parce qu’il a pu circuler de bonne heure des copies corrigées d’après l’hébreu, comme le fut celle des Hexaples d’Origène. Ajoutons enfin que si la liste donnée par saint Luc a été empruntée aux Septante, comme le pensent la plupart des commentateurs, Caïnan se lisait dans la version grecque du temps de Notre -Seigneur. L’opinion de Grotius est donc loin d'être appuyée sur des preuves vraiment solides, et il faut chercher ailleurs la solution du problème de Caïnan. — 4° La véritable explication paraît avoir été donnée par ceux qui ont pensé que le nom de Caïnan, primitivement porté par le texte hébreu, a été omis plus tard dans les manuscrits qui ont servi à saint Jérôme et aux Massorètes. Cette explication si simple et si naturello est admise pour bien d’autres passages des Livres Saints ; rien ne s’oppose à ce qu’on y recoure dans celui-ci. On conçoit aisément, en effet, quand il s’agit d’une liste souvent recopiée pendant de longs siècles, qu’un des noms qu’elle porte soit omis par certains copistes et conservé par d’autres ; les Septante ont donc pu faire leur traduction sur un ou plusieurs manuscrits portant le nom de Caïnan, tandis que ce nom manquait dans le manuscrit des Massorètes.
Il résulte de là que si l’on ne peut apporter en faveur de l’existence historique du second Caïnan des preuves décisives, il n’y a point non plus de raison suffisante pour la rejeter. Cette existence nous est d’ailleurs attestée par
saint Lue, qui confirme la leçon des Septante en la reproduisant. Certains exégétes, il est vrai, sont d’avis que l'évangéliste, en adoptant la liste des traducteurs alexandrins, n’en sanctionne pas pour cela l’authenticité. Cependant il faut, selon la judicieuse observation du P. Brucker, remarquer que le passage de saint Luc n’est pas une simple citation des Septante. En effet on voit, par la manière dont la liste généalogique du troisième Évangile est rédigée, que l’existence de Caïnan y apparaît comme « l’affirmation d’un fait, qu’il répète d’après les Septante si l’on veut, mais en se l’appropriant et en lui conférant par là même la certitude inséparable de toute affirmation d’un auteur inspiré ». Controverse, septembre 1886, p. 99. Il en est qui pensent que saint Luc n’a pas emprunté la liste généalogique à la traduction alexandrine, mais qu’il l’a prise dans les registres publics ou dans les archives de la famille de David. S’il en était ainsi, ce serait un argument historique de plus en faveur du Caman postdiluvien. Mais, quelle que soit la source où saint Luc a puisé ses informations, on ne peut point rouvrir contre son Caïnan le procès intenté à celui des Septante. Tous les manuscrits grecs, latins, syriaques, etc., du troisième évangile portent ce nom. On ne connaît qu’une exception, un seul manuscrit où il manque, et ce manuscrit est fort suspect ; c’est le Codex Bezse, fameux par ses leçons souvent singulières. D’une pareille unanimité dans les copies, n’est-on pas en droit de conclure que le nom de Caïnan se trouvait dans l’original ? Et cette conclusion, à son tour, paraît en entraîner deux autres : la présence de ce nom dans le texte grec primitif et l’existence réelle de Caïnan. E. Palis.
- CAÏNITES##
CAÏNITES, descendants de Caïn, fils aîné d’Adam. Nous connaissons le nom de quelques-uns d’entre eux : Hénoch, - Irad, Maviæl, Mathusæl, Lantech, et les trois fils de ce dernier, Jabel, Jubal et Tubalcaïn. Gen., iv, 18-22. La liste de ces noms, inscrits dans la Genèse par ordre de descendance, forme une série généalogique parfaitement distincte de celles des Séthites, Gen., v, 4-31.
Voir GÉNÉALOGIES ANTÉDILUVIENNES.
D’après ce que la Genèse, iv, 19-23 ; cf. vi, 1-6, nous raconte des Caïnites, nous voyons qu’ils portèrent jusqu'à la fin l’empreinte du tempérament moral de leur père. La cupidité de Caïn et son amour pour les biens terrestres passèrent à sa race et lui imprimèrent un grand élan pour le développement de la civilisation matérielle. La fondation d’une ville par Caïn dut entraîner la construction d’autres villes à mesure que la population s’accroissait ; et de là résulta sans doute chez ses descendants une tendance à négliger l’agriculture, qui avait été l’occupation de Caïn, pour s’appliquer aux métiers et aux arts. Aussi, pendant que les Séthites continuent à donner leur préférence à la vie pastorale, voyons-nous les Caïnites, après quelques générations, se distinguer par les inventions qui conviennent aux habitants des villes ; Jubal, qui est mentionné comme étant, parmi les siens, le père des nomades, semble faire seul exception. Gen., iv, 20-22.
Un autre caraclère transmis par Caïn à sa race, c’est une sorte de mélange d’orgueil arrogant, de violence, d’impiété et de sensualité, aboutissant à une licence effrénée chez ceux dont les filles sont appelées, d’après une opinion fort probable, les « filles des hommes ». Gen., vi, 2. Les noms mêmes de trois de ces femmes, que l'Écriture nous a conservés, exhalent comme un parfum de sensualisme : Noéina « agréable, aimable », la lille de Lamech ; Ada, « ornée, » et Sella, « la brune, » ses deux femmes. Cf. S. Augustin, De Civit. Dei, xv, 20, t. xli, col. 465. La corruption des Caïnites finit par se communiquer aux Séthites ; ce fut la conséquence naturelle des relations qui s'établirent entre eux, mais surtout du mariage des a enfants de Dieu » ou Séthites avec les « filles des hommes », c’est-à-dire des Caïnites, d’après l’explication des Pères. S. Augustin, De Civit. Dei, xv, 21, t. xli,
col. 472. Le débordement général des vices qui en résulta amena sur la terre le châtiment du déluge universel, Gen., vi, 1-3, 6-7. Voir Déluge. — Le nom de Caïnites fut porté, au ir* siècle de notre ère, par les membres d’une secte dérivée des gnostiques, qui rendaient de grands honneurs à Caïn. Ils prirent, à cause de cela, le nom spécial de Caïnites, quoiqu’ils honorassent en même temps Cham, les Sodomites, Coré, Judas et généralement tous les personnages célèbres dans l’histoire par leur perversité. Ils prétendaient que Caïn tirait son origine d’un principe supérieur au Créateur qui avait donné l’existence à Abel. Ils déclaraient la guerre aux ouvrages de ce Créateur et se livraient à toute sorte d’abominations. Voir S. Épiphane, Hier., xxxviii, t. xli, col. 653 ; Tertullien, De præscript., xl vii, t. ii, col. 65 ; S.Augustin, De Hier., xviii, t. xlii, col. 29. E. Palis.
- CAIPHE##
CAIPHE (KaiVfcpoc ; ), grand prêtre juiꝟ. 18-36 après J.-C, de son vrai nom Joseph, comme nous l’apprend l’historien Josèphe, Ant. jud., XVIII, ii, 2 ; iv, 2 ; Caïphe n'était qu’un surnom ; saint Matthieu semble l’indiquer, xxvi, 3. Diverses étymologies de KaViçaç ont été proposées. Saint Jérôme, Fragm. II, De nomin. hebr., t. xxiii, col. 1158, dit qu’il signifie : investigator vel sagax, sed melius vomens ore. D’après les savants modernes, Kaiaçoc j viendrait de Kayefa', « oppresseur, » ou de Kefa, « rocher. » Derenbourg, Essai sur l’histoire et la géographie de laPalestine, p. 215, note 2, s’appuyant sur un passage de la Mischna, Parah, iii, 5, affirme que la vraie orthographe du nom de Caïphe est Qaïpha, par un qoph. Franz Delitzsch est du même avis, Zeitschrift fur lutherische Théologie, 1876, p. 591. Il reconnaît d’ailleurs, , comme M. Derenbourg, qu’on ne peut expliquer l'étymoIogie de ce surnom.
Caïphe, gendre d’Anne, Joa., xviii, 13, avait été établi grand prêtre, en l’an 18 de notre ère, par Valerius Gratus, en remplacement de Simon, fils de Kamith, et fut destitué, en 36, par Vitellius. Il fut donc grand prêtre pendant près de dix-huit ans ; ce long pontificat, en un temps où les grands prêtres se succédaient rapidement, s’explique uniquement par la bassesse d'ârne et la servilité de Caïphe. Les procurateurs romains trouvèrent en lui un instrument docile. À diverses reprises, le grand prêtre, chef religieux et civil de la nation juive, aurait dû prendre la défense des intérêts religieux de son peuple ; l’histoire ne dit pas que Caïphe se soit joint aux protestations des Juifs indignés des sacrilèges du procurateur romain. Lorsque Pilate fit porter à Jérusalem les images de César, qui surmontaient les étendards des légions ; lorsqu’il s’empara du trésor du temple (korban) et qu’il fit massacrer le peuple, les Juifs protestèrent ; mais Caïphe, malgré sa qualité de pontife, semble avoir tout accepté, car il n’est jamais question de lui. Nous savons par saint Luc, iii, 2, qu’il était grand prêtre au temps où saint Jean-Baptiste commença sa prédication (voir Anne), et nous le retrouvons au sanhédrin, après la résurrection de Lazare. Joa., xi, 47-ôi. Les grands prêtres et les pharisiens étaient hésitants sur la conduite à tenir envers Jésus ; s’ils le laissent aller, tous croiront en lui, et les Romains viendront et détruiront le pays et la nation. Un d’eux, Caïphe, le grand prêtre de cette année-là, leur adresse ces paroles : « Vous n’y entendez rien, vous ne réfléchissez pas qu’il vaut mieux pour vous qu’un seul homme meure pour le peuple et que la nation ne périsse pas tout entière. » Ce n’est pas de lui-même, ajoute l'évangéliste, qu’il parlait ainsi ; mais, étant grand prêtre cette année-là, il prophétisait que Jésus allait mourir pour la nation, et non seulement pour la nation, mais pour rassembler les enfants de Dieu qui étaient dispersés. Joa., xviii, 14. Malgré son indignité, Caïphe a donc été en cette occasion le porte-parole de Dieu. Ce n’est pas en tant qu’homme privé que Caïphe a parlé, mais comme représentant officiel de Jéhovah, comme grand prêtre. Ses paroles étaient-elles, comme le dit Edersheim, The life and times of Jesus the Messiah, Londres, 1884, t. ii, p. 326, un adage bien connu des Juifs : « Il vaut mieux qu’un homme meure et que la communauté ne périsse point » (Bereschith Rabba, 91, f. 89 b ; 94, f. 92, 3) ? Il est difficile de l’affirmer. Des paroles analogues se retrouvent chez les écrivains juifs ou même dans la littérature profane. Voir Weststein, In Joa., xi, 50, Amsterdam, 1751, p. 919. — Pourquoi saint Jean dit-il à deux reprises que Caïphe était le grand prêtre de cette année, lorsqu’il y avait déjà peut-être quinze ans qu’il était pontife ? Diverses réponses ont été faites à cette question.
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15. — Mont du Mauvais Conseil. D’après une photographie.
Les uns ont pensé qu’Anne et Caïphe étaient grands prêtres à tour de rôle, chacun une année ; d’autres croient que l’évangéliste fait allusion à la rapide succession des grands prêtres. Enfin on s’attache surtout au pronom ἐκεῖνος, et l’on suppose que saint Jean a voulu dire que Caïphe était grand prêtre en cette année mémorable, qui fut celle de la mort de Jésus.
Il est ensuite fait mention de Caïphe lorsque les grands prêtres et les anciens se réunirent dans son palais, pour délibérer sur la question de s’emparer de Jésus par ruse et de le mettre à mort. Matth., xxvi, 3. C’est à la suite de ce conseil que fut conclu le marché avec le traître Judas. D’après la tradition, ce palais de Caïphe serait une maison de campagne située sur une hauteur voisine de Jérusalem, qui porte encore le nom de « Mauvais Conseil » fig. 15). Après son arrestation au jardin des Oliviers, Jésus fut conduit au palais du grand prêtre. Luc, xxii, 54. Saint Jean, xviii, 13, nous apprend que le Seigneur comparut d’abord devant Anne et, xviii, 21, que celui-ci l’envoya ensuite à Caïphe. D’où il faut conclure que les palais d’Anne et de Caïphe, s’ils étaient séparés, étaient au moins contigus. La tradition les place sur le mont Sion, non loin du Cénacle, sur l’emplacement actuel du couvent arménien du mont Sion. Derenbourg, Histoire de la Palestine, p. 465, dit que la demeure d’Anne et de Caïphe, son gendre, était située sur le mont des Oliviers. Cette opinion nous paraît peu fondée.
Jésus comparaît devant le sanhédrin, présidé par Caïphe, Matth., xxvi, 57-68 ; Marc, xiv, 53-65 ; des faux témoins sont produits contre lui, mais l’accusation languit au milieu de dépositions mensongères et contradictoires ; le grand prêtre se lève alors, et, se plaçant au milieu de l’assemblée, dit au Sauveur : « Tu ne réponds rien à ce que ceux-ci témoignent contre toi ? » Jésus se tait. Alors Caïphe lui défère le serment solennel qui, selon la Loi, Lev., v, 1, l’obligeait à répondre : « Je t’adjure par le Dieu vivant de nous dire si tu es le Christ, le fils de Dieu. » Matth., xxvi, 63. Cf. saint Marc, xiv, 01. Sur la réponse affirmative de Jésus, le prince des prêtres, pour montrer qu’il considère les paroles du Seigneur comme un blasphème, fait ce qu’ordonne la loi en pareille circonstance (Sanhédrin, vii, 5, 10, 11 ; Moed katon, f. 26 a) il déchire ses vêtements en s’écriant : « Il a blasphémé ; qu’avons-nous encore besoin de témoins ? Vous avez entendu le blasphème ; que vous en semble ? » Tous répondirent que Jésus méritait la mort. Au milieu de cette nuit, Notre-Seigneur fut traduit de nouveau devant le sanhédrin, réuni probablement encore dans la maison de Caïphe, puisque, d’après saint Jean, xviii, 28, c’est de chez Caïphe qu’il fut mené au prétoire de Pilate. Les Évangiles ne nous disent pas si Caïphe joua un rôle particulier dans cette assemblée.
Il est fait une fois encore mention nominative de Caïphe, lors de la comparution devant le sanhédrin de Pierre et de Jean, arrêtés la veille dans le temple. Act., IV, 6. Mais le titre de grand prêtre est donné à Anne et non à Caïphe. Au chap.v, 17, il est parlé du grand prêtre qui, avec ceux de son parti, les sadducéens, fait jeter les Apôtres en prison ; au y. 27, le grand prêtre interroge les Apôtres devant Je sanhédrin réuni. Chap. vii, 1, le grand prêtre demande à Etienne, amené devant le sanhédrin, si tout ce qu’on lui reproche est vrai. Ce grand prêtre, qui n’est pas nommé, est-ce Caïphe ou Anne ? Il est certain que le grand prêtre en fonction était à cette époque Caïphe ; il est probable cependant que dans ces passages il s’agit d’Anne, puisque c’est à celui-ci que saint Luc donne le titre de grand prêtre. Act., iv, 6. — Caïphe fut déposé du souverain pontificat en l’an 36, par le légat de Syrie, Vitellius, qui, si l’on en croit une insinuation de Josèphe, aurait par cet acte voulu plaire aux Juifs. Ant. jud., XVII 1, iv, 3. Il n’est plus fait ensuite aucune mention de Caïphe, et l’on ignore quelle fut sa fin.
CAIRENSIS (CODEX). On désigne sous ce nom et par le sigle N a deux fragments d’un manuscrit grec pourpre oncial à lettres d’or, du VIe siècle, contenant un court passage de l’Évangile selon saint Marc, ix, 14-18, 20-22, et x, 23, 24, 29. Ce manuscrit mutilé appartenait au patriarche d’Alexandrie en résidence au Caire ; en 1850, le prélat russe Porphyre Uspenki collationna ces fragments et en publia le texte dans un livre dont le titre (en russe) est Voyage en Égypte et aux monastères de Saint-Antoine et de Saint-Paul de Thèbes, Saint-Pétersbourg, 1856. On ne sait ce que sont devenus depuis les fragments. Voyez Gregory, Prolegomena ad Novum Testamentum græcum, de Tischendorf, Leipzig, 1884, p. 384.
CAÏUS. Le texte grec du Nouveau Testament nomme quatre chrétiens appelés riïoç. La Vulgate a conservé pour trois d’entre eux la forme Gains (voir Gaïus) ; elle appelle le quatrième Caïus.
CAÏUS, chrétien de Corinthe. Seul avec Crispus, Caïus fut baptisé de la main de saint Paul. I Cor., i, 14. Dans l’épître adressée aux Romains, xvi, 23, l’Apôtre envoie à ceux-ci les salutations de Caïus, qui lui donna l’hospitalité, ainsi qu’à toute l’Église. C’est du moins ce qui ressort du texte grec ; la Vulgate dit : Salulat vos Caius hospes meus et universa Ecclesia. On ne peut supposer qu’il soit question ici de toute l’Église chrétienne, ou même de l’Église de Corinthe, qui envoient leurs salutations ; elles l’avaient déjà fait plus haut, xvi, 16. Saint Paul vivait donc dans
la maison de Caïus, et il y réunissait la communauté de
Corinthe, pour instruire les chrétiens et célébrer les saints mystères en sûreté. Quelques interprètes l’ont confondu avec un des autres Gaïus nommés dans le Nouveau Testament, mais il est impossible de savoir avec certitude
ce qui en est.
CAJETAN (Thomas de Vio), ainsi nommé du nom de Gaëte ou Cajète, petite ville du royaume de Naples, où il naquit le 20 février 1469 (le 25 juillet 1470, d’après Capici). Entré à quinze ans chez les Dominicains de Gaëte (1484), il étudia la théologie à Bologne, où il fit des progrès rapides dans les sciences sacrées, et fut reçu docteur en théologie, en 1494, à l’assemblée générale de l’ordre tenue à Ferrare. Il enseigna la théologie pendant quelques années à Brescia, à Pavie et à Rome, et fut promu, en 1500, à la charge de procureur général de l’ordre. Élu général à l’âge de trente-neuf ans, sur la recommandation de Jules II (1508), et créé cardinal par Léon X (1517), il fut chargé par celui-ci d’une mission en Allemagne, pour faire entrer l’empereur Maximilien dans la ligue contre les Turcs et lui présenter l’épée bénite par le pape. Il devait aussi travailler à ramener Luther à l’obéissance. Son insuccès sur ce point ne l’empêcha pas d’être élevé, en 1519, au siège épiscopal de Gaëte. Après plusieurs autres missions accomplies sur l’ordre du pape, et notamment celle de légal en Hongrie d’Adrien VI (1523), il se fixa à Rome, où il commença seulement à s’appliquer spécialement à l’étude des Saintes Écritures. Préparé imparfaitement à ce genre de travaux, il y porta non seulement son inexpérience, mais encore ses habitudes d’esprit, ses tendances à l’originalité, son attrait pour les interprétations nouvelles et singulières. Méthode dangereuse, qui devait ouvrir la voie à de regrettables excentricités. Distrait pendant quelque temps de ces travaux, à l’époque de la prise de Rome par l’armée impériale (1527), fait prisonnier et racheté au prix d’une rançon de cinquante mille écus romains, Cajetan reprit sa vie d’études, qu’il n’interrompit plus jusqu’à sa mort (9 août 1531, selon d’autres 1535).
Cajetan, devenu justement célèbre par ses opuscules théologiques, ses controverses avec les luthériens, surtout par ses commentaires sur la Somme de saint Thomas, mérite moins de renom pour ses travaux scripturaires, bien que parmi les exégètes de son temps il occupe incontestablement un des premiers rangs. Ses ouvrages exégétiques embrassent tous les livres de l’Ancien Testament, excepté le Cantique des cantiques et les Prophètes (il commenta cependant les trois premiers chapitres d’Isaïe), et ceux du Nouveau Testament, sauf l’Apocalypse, parce que, comme il le dit lui-même, le sens littéral, le seul auquel il s’attachât, ne lui était pas clair. Dans le commentaire sur les Psaumes, composé le premier, à Rome, en 1527, et publié à Venise en 1530, il se plaint que presque tous ceux qui ont commenté ce livre avant lui sont demeurés dans les interprétations mystiques, sans se préoccuper du sens littéral. In Psalmos. Epist. ad Clément. VII. Il y parle des secours qu’il a mis à profit, savoir : la version de saint Jérôme sur l’hébreu, qu’il a comparée avec celle des Septante et avec quatre versions modernes faites sur l’hébreu. De plus, Cajetan, assez peu versé dans la connaissance de l’hébreu et du grec, ce qu’il avoue lui-même, recourut à deux hébraïsants, l’un juif, l’autre chrétien, pour la traduction des livres écrits en hébreu. In Psalm. Præf., Opera, Lyon, 1639, t. iii, p. 1. Sa méthode de traduction était d’abord de chercher à résoudre lui-même les difficultés à l’aide des dictionnaires, puis il interrogeait ces savants, recevait d’eux les différentes traductions possibles, soit en latin, soit en langue vulgaire, et choisissait celle qui lui paraissait s’harmoniser le mieux avec le contexte. Il se servit de même d’un helléniste pour la traduction des Septante et du texte grec du Nouveau Testament. Ce procédé de traduction fit que Cajetan s’éloigna en de nombreux passages de la version de saint Jérôme. Pour le Nouveau Testament en particulier, il dit, dans la préface de son commentaire sur saint Matthieu, qu’il corrige la Vulgate quand la pensée s’éloigne du grec ; mais qu’en dehors de là il a conservé le texte de saint Jérôme, alors même que la traduction lui a paru défectueuse, excepté pour l’Évangile de saint Jean et l’Épître aux Romains, dans lesquels il a corrigé toute traduction défectueuse, à cause de l’importance et de la difficulté de ces deux livres. Præf. in Matthæum, Opera, t. iv, p. 1. Pour apprécier justement ces travaux, il faut se rappeler que l’exégèse, qui avait été. morale au temps des Pères et mystique au moyen âge, devenait au XVIe siècle, une exégèse théologique et même critique. C’est avec le sentiment de cette évolution que Cajetan fit ses traductions et ses commentaires, sans parler de l’influence qu’eut certainement sur ses opinions la préoccupation des tendances et des besoins de la société savante de son temps.
Dans l’année 1527 furent imprimés les commentaires sur l’Évangile de saint Matthieu, qu’il pense avoir été écrit en grec, comme l’avait dit Érasme, et sur saint Marc. Les commentaires sur les deux derniers Évangiles parurent l’année suivante, 1528, et furent suivis, en 1529, des commentaires sur les Actes, les Épîtres de saint Paul et les épîtres catholiques. Cajetan, comme Érasme, doute de la canonicité de l’Épître de saint Jacques et de la première de saint Jean. Les commentaires sur l’Ancien Testament furent publiés pour la première fois entre les années 1531 et 1534, sauf celui des Psaumes, paru en 1530 (réédité à Paris, en 1532), et celui d’Isaïe, interrompu par la mort de l’auteur après le troisième chapitre et publié en 1542. Il y eut de tous ces commentaires de nombreuses rééditions. Cajetan donna de plus, en douze chapitres, des explications sur soixante-quatre passages détachés du Nouveau Testament. Elles ont été réunies par l’auteur en un volume intitulé : Jentacula, hoc est præclarissima plurimorum notabilium sententiarum Novi Testamenti litteralis expositio. Cajetan avait composé cet ouvrage pendant les loisirs de sa légation en Hongrie (1523-1524), et les avait appelés Déjeuners, par allusion au peu de temps dont il avait pu disposer pour méditer la Sainte Écriture, s’y donnant seulement « sans dresser la table, sans s’y installer ». Les Jentacula furent publiés après son retour à Rome près de Clément VII (1525), et plus tard à Paris (1526), à Lyon (1565) et a Douai (1613).
On a reproché avec raison à Cajetan de s’être trop attaché au texte et aux annotations d’Érasme et des autres critiques contemporains, catholiques ou réformés. Un autre reproche est d’avoir fait trop peu de cas des interprétations des Pères. Il enseigna, en effet, que si un nouveau sens se présentait au commentateur comme plus conforme à la lettre, en conformité d’ailleurs avec la doctrine de l’Église, on pouvait l’embrasser, quand même il aurait contre lui « le torrent des saints docteurs ». Præfat. in quinque Mosaicos libros, Opera, t. i (non paginée). Le cardinal Pallavicin, en rapportant cette opinion, qu’il n’ose absolument repousser, dit qu’un bon nombre de théologiens et d’exégètes s’en sont émus. Il ajoute qu’elle n’a point été visée par les Pères du concile de Trente, qui ont seulement déclaré qu’on ne peut admettre une interprétation tenue pour hérétique par les Pères, les papes et les conciles. Historia concilii Tridentini, 1. vi, cap. xviii, édit. de 1775, p. 234. Cependant le dominicain Ambroise Catharin, hardi et singulier lui aussi dans ses doctrines, dénonça les commentaires de Cajetan à la faculté de théologie de Sorbonne et en obtint une censure de seize propositions, tirées des commentaires sur les Évangiles. Cajetan se défendit en montrant que ces assertions n’étaient pas de lui, ou du moins qu’elles n’avaient pas le sens qu’on leur attribuait, ce qui n’empêcha pas Catharin, après la mort de Cajetan, de publier ses Adnotationes in excerpta quædam de commentariis Cajetani, Paris, 1535, ouvrage rempli de critiques très aigres et de sévères accusations de témérité, d’erreur, d’hérésie et de scandale. Le résultat de ces Annotations fut la revision et la correction de plusieurs passages de Cajetan, dans l’édition de 1639.
Cajetan fut aussi attaqué par Melchior Cano, dans le traité De locis theologicis, vii, 3-4, dans le Cursus theologicus de Migne, t. 1, col. 374-391, et par Dupin, Histoire des auteurs ecclésiastiques du XVIe siècle, Paris, 1713, p. 418. Au contraire, le dominicain Sixte de Sienne prit la défense de son explication de Gen., i, 1, en reprochant à son tour à Catharin de voir des difficultés où il n’y en avait pas. Bibliotheca sacra, t. v, Annotat. i, in-f°, Venise, 1566, p. 519. Richard Simon le défendit également dans son Histoire critique du Vieux Testament, t. ii, ch. xx ; t. iii, ch. xii, 1685, p. 319, 320, 419-421, contre le jésuite Gretser, Tractatus de novis translationibus, cap. ii, et contre Pallavicin, Historia concilii Tridentini, t. VI, cap. xviii, édit. de 1775, p. 234.
Les commentaires de Cajetan ont été réunis et publiés à Lyon, en 1639, 5 in-f°, sous le titre : Opera omnia quotquot in Sacræ Scripturæ expositionem reperiuntur, cura et industria insignis collegii S. Thomæ complectensis. Cette édition est précédée de la Vie de Cajetan par J.-B. Flavius Aquilanus, son secrétaire particulier.
Bibliographie. — Bellarmin-Labbe, Scriptores ecclesiastici, 1728, p. 540 ; Ekermann, Dissertatio de cardinale Cajetano, in-4o, Upsal, 1761 ; Fabricius, Bibliotheca mediæ ætatis, 1746, t. vi, p. 739-740 ; Quétif-Échard, Scriptores ordinis Prædicatorum, 1719, t. ii, p. 14-21, 824 ; Touron, Histoire des hommes illustres de l’ordre de Saint-Dominique, 1747, t. iv, p. 1-26 ; Limburg, Kardinal Kajetan, dans la Zeitschrift fur catholische Theologie, 1880, t. iv, p. 239-279.
CALAME (hébreu : ʿêt ; Septante : κάλαμος; Vulgate : calamus), roseau dont on se servait et dont on se sert encore en Orient pour écrire. Les Arabes l’appellent Modèle:Texte arabe qalam. — I. D’après quelques commentateurs, le šébét sôfêr, « bâton du scribe », dont parle Débora dans son cantique, Jud., v, 14, au sujet de Zabulon, ne serait pas autre chose que le roseau à écrire.
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16. — Scribes avec leur calame. Ghizéh. ive dynastie. D’après Lepsius, Denkmaler, Abth. ii, Bl. 11.
Quoi qu’il en soit de cette interprétation, c’est le mot hébreu ʿêt qui correspond à calame. Il désigne dans plusieurs passages de l’Écriture un style ou instrument pointu en fer dont on se servait, comme du ḥérét, pour graver des caractères sur la pierre ou sur une matière dure ; il est alors suivi du mot barzél, « fer, » Job, xix, 24 ; Jer., xvii, 1 ; mais, dans d’autres passages, il désigne certainement le roseau à écrire. Le ʿêt du scribe qui écrit rapidement, Ps. xlv
M
(Vulgate, xliv), 2, est un calame, jonc ou roseau, car on ne pouvait écrire vite avec le style en fer, tandis que le roseau, creux et taillé comme une plume d’oie, ou bien le jonc dont le bout mâché forme pinceau, est propre à retenir l’encre et peut courir avec agilité en traçant des caractères sur le papyrus, le parchemin, etc. Le’et des scribes dont parle Jérémie, viii, 8, est aussi probablement le calame. Les Septante l’entendaient ainsi, puisqu’ils ont traduit’et dans ce passage par <r/oïvoç, « jonc », se servant du mot par lequel Aquila a rendu le terme hébreu dans le Psaume xliv, 2. Voir J. F. Schleusner, Novus thésaurus philogico-criticus, 1821, t. v, p. 247. Ce qui est certain, c’est que son disciple Baruch se servait du calame pour écrire les prophéties que lui dictait son maître, puisqu’elles étaient écrites à l’encre. Jer., xxxvi, 18. Les Apôtres se servaient aussi du calame. IlIJoa., 13. — Dès une époque fort ancienne, les écrivains de profession, en Orient, portaient comme aujourd’hui à leur ceinture une écritoire contenant de l’encre, Ezech., ix, 2, 3, 11, et probablement aussi des joncs ou des roseaux taillés, dans un compartiment séparé. JA Voir S. Jérôme, In Ezech., ix, 2, t. xxv, col. 86-87 ; Epist. lxv ad Principiam, t. xxii, col. 627.
Les Hébreux avaient dû prendre en Egypte l’habitude d’écrire avec le calame. Cet usage, inconnu dans la Chaldée primitive, la patrie d’Abraham, où l’on traçait sur l’argile les clous qui constituent l’écriture cunéiforme avec un poinçon à pointe triangulaire, était, au contraire, très répandu dans la vallée du Nil, qui produisait en abondance av.ec le papyrus cyperus, d’où l’on tirait la matière sur laquelle on écrivait, les joncs et les roseaux avec lesquels on traçait à l’encre noire ou rouge les caractères hiéroglyphiques, hiératiques ou démotiques. On voit un grand nombre de calâmes représentés sur les monuments, et l’on en a trouvé aussi dans les tombeaux. Les scribes apparaissent souvent avec le pinceau à la main ou sur l’oreille (fig. 16), comme les décrit Clément d’Alexandrie, Strom., vi, 3, t. IX, col. 253 : « Le scribe sacré, dit-il, a dans sa main le livre et Fig. 17. k* palette (xavovot), qui contient l’encre et
Calâmes dans Ie J onc ave c lequel il écrit. » Le musée une palette égyptien du Louvre (armoire X) possède de scribe. plusieurs palettes, la plupart en bois,
quelques-unes en ivoire et en pierre, dans lesquelles sont creusés les godets où l’on détrempait l’encre sèche avec de l’eau ; il s’y trouve aussi une sorte de casier pour mettre les calâmes, que plusieurs conservent encore, comme celle du scribe Pai (xvine ou xixe dynastie) que nous reproduisons ici (fig. 17).
Dans leurs guerres contre les Égyptiens ou dans leurs rapports avec les populations de l’Asie antérieure, les Assyriens et les Chaldéens apprirent aussi à se servir de calâmes, dans les cas où l’emploi de la tablette d’argile, qui resta comme leur papier ordinaire, n’était point d’un usage pratique. Nous avons la preuve du fait dans un bas-relief assyrien où nous voyons un scribe écrivant avec un calame (fig. 18). C’est d’une manière analogue que pendant le fameux festin de Balthasar la main menaçante devait écrire sur les murs de la salle du festin les paroles mystérieuses : Mane, Thecel, Phares. Dan., v, 5-25.
II. Les écrivains du Nouveau Testament écrivirent natu 4Î
in
n
rellement les Évangiles et les Épitres à la manière grécoromaine, c’est-à-dire avec des calâmes de roseau. 1Il Joa., 13. Cf. III Mach., iv, 20 ; Pesachim, ꝟ. 57. Il y avait déjà à leur époque quelques calâmes artificiels en métal ou en matières précieuses. Voir H. Bender, Rom und rômisches Leben im Alterthum, 2e édit., in-8°, Tubingue, 1893, p. 349. Le musée d’Aoste en possède un en bronze. Ed. Aubert, La vallée d’Aoste, in-4°, Paris, 1860, p. 191192. Dans l’Anthologie palatine, vi, 227, édit. Didot, t. i, p. 200, le poète Crinagore envoie à Proclus, un de ses amis, pour l’anniversaire de sa naissance, un calame d’argent. Mais c’étaient des objets de luxe qui ne furent jamais à l’usage des Apôtres. Ils se servaient de
18. — Scribes assyriens inscrivant les têtes des ennemis tués » D’après Layard, Nineveh and its Bemains, t. ii, p. 184.
simples roseaux taillés, semblables à celui qu’on a trouvé à Herculanum dans un papyrus et qui est conservé aujourd’hui au musée de Naples (fig. 19), et tel que ceux que l’on voit si souvent représentés dans les fresques de Pompéi (fig. 20). Ils sont formés de la tige de Yarundo donax, variété du rotang ou rotin. C’est pour cela que dans les épigrammes grecques SôvocS et itàXa^o ? désignent l’instrument à écrire. On récoltait les plus estimés de ces roseaux en Egypte, aux environs de Memphis :
Dat chartis habiles calamos Memphitica tellus,
dit Martial, xiv, 38, 1, et sur le territoire de Cnide, ville de l’ancienne Carie. « Arrêtons là, dit Ausone, Epist., xvii, 49, édit. Teubner, 1886, p. 252, le roseau.
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19. — Roseau taillé trouvé à Herculanum. Musée de Naples.
de Cnide au pied fourchu, qui va dessinant sur la surface de la page aride les traits noirâtres des filles de-Cadmus, » c’est-à-dire les traits des lettres. On vantait encore ceux qui entouraient le lac Anaïtique, dans la grande Arménie, le lac d’Orchomène et la fontaine Acidalie dans la Béotie. Pline, H. N., xvi, 36 (64, 1. 157). Un édit de Dioclétien récemment découvert fixe le prix des différentes espèces de calâmes. Ce sont ceux d’Egypte qui sont taxés le plus cher. Journal of Hellenic Studies, 1890, t. xi, p. 318 et 323. Ces roseaux étaient taillés absolument comme le sont encore aujourd’hui les plumes d’oie, ainsi qu’on en peut juger par les échantillons reproduits plus haut. On se servait pour tailler les roseaux d’un canif pareil aux nôtres, appelé en latin scalprum, Tacite, Ann., v, 8 ; Suétone, Vitellius, 2 ; et en grec r.a), au. 6fXuso ; , Etymol. magn. (1848), 485, 35. À l’aide du canif, on taillait le petit roseau en pointe, et on le fendait par le bout. Anthol. palat., vi, 64, 65, t. i, p. 168, 169. Après s’être servi du calame, on le renfermait dans un étui. Pour le rafraîchir, on se servait d’une
petite lime ou d’une pierre ponce. Anthol. palat., vi, 68, t. i, p. 170. Ibn-el-Bawab, poète et calligraphe arabe du v* siècle de l’Hégire, donne aux scribes les conseils suivants : « vous qui désirez posséder dans sa perfection l’art d’écrire et qui avez l’ambition d’exceller dans la calligraphie, choisissez d’abord des qalams droits, solides et propres à produire une belle écriture,
— et lorsque vous voudrez en tailler un, préférez celui qui est d’une grosseur moyenne. — Examinez ses deux
quatre cents espèces. Les Hébreux ont donc certainement connu la calandre et le ver palmiste. Cependant les Livres Saints n’en font aucune mention bien certaine, quoique divers commentateurs aient cru la reconnaître, soit dans le gâzâm, soit dans le selâsâl. Mais 1° il est probable que le gâiàm est une espèce de sauterelle. Joël, i, 4 ; ii, 25 ; Am., iv, 9. Wood, Bible animais, Londres, 1884, p. 030. 2° Moïse dit, en menaçant des vengeances divines son peuple infidèle : « Le selâsâl (qerî)
Calâmes et instruments divers pour écrire. Fresques de Pompé], Museo Borbonico, t. i, pi. 12.
extrémités et choisissez, pour la tailler, celle qui est la plus mince et la plus ténue. — Placez la fente exactement au milieu, afin que la taille soit égale et uniforme des deux côtés. — Après que vous aurez exécuté tout cela en homme habile et connaisseur en son art, — appliquez toute votre attention à la coupe, car c’est de la coupe que tout dépend. » Spire Blondel, Les outils de l’écrivain, in-12, Paris, 1890, p. 76. — La plume à écrire proprement dite, c’est-à-dire la plume d’oiseau, est mentionnée pour la première fois au vne siècle par saint Isidore de Séville, Etymol., vi, 14, 3, t. lxxxii, col. 241. — Voir L. Low, Graphische Requisiten und Erzeugnisse bei den Juden, 2 in-8°, Leipzig, 1870-1871, 1. 1, p. 174 ; E.A.Steglich, Skizzen ùber Schriftund Bùcherwesen der Hebrâer zw Zeit des alten Bundes, in-4°, Leipzig, 1876, p. 10 ; R. Raab, Die Schreibmaterialien, in-8°, Hambourg, 1888, p. 107. F. Vigouroux.
CALANDRE. C’est un insecte de l’ordre des coléoptères tétramères et de la famille des rhyncophores, à laquelle appartiennent aussi les charançons, les bruches, etc. On connaît surtout, dans nos contrées, la calandre du blé et la calandre du riz, dont les larves dévorent l’intérieur des grains entassés dans les greniers, et causent de grands ravages. En Orient, on rencontre fréquemment la calandre palmiste, calandra ou curculio palmariim, qui atteint jusqu’à trois ou quatre centimètres de longueur (fig. 21). L’animal a le rostre long, les élytres d’un noir mat et profondément striées, les pattes robustes, le corps d’un noir velouté, le corselet ovalaire, rétréci en avant et arrondi en arrière. Il marche lentement et se cramponne au corps qui le soutient. La larve de la calandre, ou ver palmiste, est très grosse. Elle est d’un blanc sale. Elle vit dans les troncs de palmiers, dont elle dévore la matière féculente. Au moment de sa transformation, elle se fabrique une coque avec les filaments du bois de palmier. Dans certains pays, on fait griller le ver palmiste et on le considère comme un mets très délicat. — Les coléoptères abondent en Palestine, où les naturalistes en ont compté plus de
dévorera tous les arbres et les fruits de ton sol. » Deut., xxviii, 42. La calandre ou le ver palmiste sontils désignés par le mot selâsâl ? On peut en douter. Ce mot signifie « tintement », et suppose par conséquent un animal qui produit un certain bruit en se mouvant, comme la sauterelle, le criquet, le grillon, etc. Un pareil nom ne peut guère convenir à la calandre ni au ver palmiste.
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21. — La calandre palmiste.
Onkelos et la Peschito rangent le selâsâl parmi les sauterelles. Les Septante traduisent ce mot par ipuo-ië ?] et la
Vulgate par rubigo, « rouille » du blé.- CALANO##
CALANO (hébreu : Kalnô ; Septante : Xotiâvi]), ville ainsi nommée dans Isaïe, x, 9. Elle est appelée ailleurs Chalanné. Voir Chalanné.
- CALASIO##
CALASIO (Marius de), frère mineur, ainsi nommé du lieu de sa naissance, voisin de la ville d’Aquila, dans les Abruzzes, finit par être simplement appelé Calasius dans les écrits des savants. Il naquit en 1550, et mourut
à Rome en 1620. Il s’appliqua de bonne heure à l’étude de l’hébreu, et en acquit une connaissance si extraordinaire, que Paul V le fit venir à Rome pour l’enseigner, lui donna le titre de maître général d’hébreu et les privilèges ordinairement concédés aux docteurs ; la confiance de ce pape s’étant ensuite accrue par la vue des vertus de ce digne religieux, il le choisit pour confesseur, et l’admit fréquemment dans sa familiarité. Le P. Calasio enseigna l’hébreu au couvent de Saint-Pierre in Montorio et à celui de l’Aracœli. Arrivé à sa dernière heure, il se fit lire la passion du Sauveur, puis se mit à chanter des psaumes en hébreu, et rendit son àme à Dieu le 1er février’1620. -On a de lui : 1o Canones générales linguse sanctse, in-4o, Rome, 1616 ; 2o Dictionnarium hebraicum, in -.4o, Rome, 1617 ; 3o Concordantise sacrorum Bibliorum hebraicorum, 4 in-f°, Rome, 1622 ; Londres, 1747. Dans cet ouvrage, qui a rendu son auteur célèbre, Calasio donne aussi les concordances chaldaïques des livres d’Ësdras et de Daniel, puis les racines chaldaîques, syriaques, arabes et rabbiniques, avec leurs dérivés et le rapport qu’elles ont avec l’hébreu, leur traduction latine de la Vulgale et la traduction grecque des Septante, etc. Cette Concordance a pour base celle de Rabbi Nathan, imprimée à Venise, en 1523, et à Bâle, en 1581. Calasio y travailla pendant quarante ans, avec l’aide d’autres savants ; il mourut en 1620, avant que son œuvre fût publiée. Elle parut l’année suivante, sous les auspices et aux frais du pape. L’édition de Londres, publiée par V. Romaine, est inférieure à l’édition italienne, quoique Brunet, dans le Manuel du libraire, 1860, t. i, col. 1469, - dise le contraire.
P. Apollinaire.
- CALCÉDOINE##
CALCÉDOINE (Septante : -/aXxïjowv, Apoc, xxi, 19 ; Vulgate : chalcedonius).
I. Description. — Cette pierre précieuse est une variété de l’agate. Elle comprend tous les silex d’une couleur laiteuse, parfois même si incertaine qu’ils restent diaphanes. Cette nébulosité est nuancée des teintes les
22.
Calcédoine zonée.
plus variées, quelquefois disposéesen lignes concentriques, d’où le nom de calcédoine zonée (fig. 22). Son nom lui vient probablement de Chalcédoine, en Bithynie, d’où on la tirait dans l’antiquité. Sous le mot aklidonia, qalqadenion qui la désigne en arabe, on reconnaît également le -/aXxrjSwv antique. — Cette pierre se trouve en masses globuleuses dans les cavités de certaines roches ; on doit faire remarquer que les formes qu’elle revêt dans cette occasion ne lui sont pas particulières. C’est un produit neptunien, car on en a trouvé des formations dans les anciens conduits romains des bains de Plombières. Sa pesanteur spécifique est 2, 6. Elle comprend les variétés suivantes : saphirine, bleuâtre ; plasma, verdâtre ; enhydre, dans laquelle remuent des gouttes d’eau retenues dans la masse ; stigmite ou gemme de Saint -Etienne, piquetée de taches rouges. Le girasol est une sorte de calcédoine ; la calcédoine hydrophane
tire son nom de la propriété qu’elle a de devenir plus translucide quand elle est plongée dans l’eau. — Autrefois on tirait la calcédoine seulement de l’Asie, en particulier de la province de Peim, où Marco Polo l’a trouvée, et d’Afrique ; on la rencontrait également en Egypte aux environs de Thèbes, et dans le pays des Nasamons, d’après Pline, H. N., xxxvii, 30. Mais elle existe aussi dans l’Europe centrale, ’en Saxe, en Bohême, en Silésie, en Moravie. — On s’en sert pour graver des camées et des intailles. L’annulus pronubus, conservé d’abord à Chiusi chez les l’ranciscains, puis transporté à Pérouse au xv » siècle, et qu’on disait avoir été donné comme anneau de fiançailles par saint Joseph à la sainte Vierge, avait comme chaton une calcédoine. — Jusqu’à présent on supposait que les anciens n’avaient pas employé le mot yaXy.rfiûrj pour désigner la calcédoine ; on le trouve cependant cité sous la forme xttlyrfiôvio ; , dans Astrampsychus, auteur du n 8 siècle de notre ère, édité par le cardinal Pitra, Spicilegium Solesmense, t. iii, 1855, p. 393. Mais toute l’antiquité a confondu le chalcedonius, avec le charchedonius, espèce de carbunculus ou escarboucle. Cornélius a Lapide, Commentaria in S. Scripturam, édit. Vives, t. xxi, p. 386-388, et bon nombre d’interprètes s’y sont mépris et ont regardé le chalcedonius comme une sorte de rubis ou escarboucle. Pline, H. N., xxxvii, 25 et 30, distingue ces deux pierres, mais leur donne le même nom charchedonius, c’est-à-dire « pierre de Carthage », parce que cette ville en était le principal entrepôt. Le moyen âge a augmenté la confusion en ajoutant à ces deux noms celui de -^eXiSôvtoç, pierre d’hirondelle, qui sous le nom de cassidoine a été souvent pris pour la calcédoine. — Voir Ch. Barbot, Guide pratique du joaillier ou Traité des pierres précieuses, nouv. édit. revue parCh. Baye, in-12, Paris, 1888, p. 59 ; E. Jeannettaz et E. Fontenay, Diamants et pierres précieuses, in-8o, Paris, 1881, p. 303, 306, 307, 367.
F. DE MÉLY.
IL Exégèse. — D’après l’Apocalypse, xxi, 19, la calcédoine occupe la troisième place dans les fondations de la Jérusalem céleste. Les douze pierres fondamentales de cette sainte cité rappellent les douze pierres du rational, marquées au nom des douze tribus d’Israël ; sur les douze pierres fondamentales sont également inscrits les noms des douze Apôtres. Apoc, xxi, 14. Les interprètes ont souvent cherché à déterminer l’apôtre représenté par chacune de ces pierres précieuses. D’après les uns, la calcédoine représenterait l’apôtre saint André ; d’autres y voient saint Jacques le Majeur. Cornélius a Lapide, loc. cit., p. 387. Mais saint Jean ne donne ici aucune indication pouvant servir de base à une détermination. Il est peut-être plus sage de voir d’une manière générale, dans la diversité de ces pierres, « les dons divers que Dieu a mis dans ses élus et les divers degrés de gloire. » Bossuet, Apocalypse, dans ses Œuvres, édit. Vives, t. ii, p. 580.
— Il importe de remarquer que pour un bon nombre d’auteurs, le xaXxr.Stiv de saint Jean ne serait pas la calcédoine, mais plutôt un xap-/7|8râv, charchedonius ou escarboucle. J. Braun, De vestitu Sacerdotum hebrœorum, in-8° ; Leyde, 1680, p. 662. Il est vrai qu’il n’y a qu’un seul manuscrit pour cette variante ; mais on doit prendre garde que des douze pierres fondamentales de la Jérusalem céleste la calcédoine serait la seule qui ne se retrouverait pas parmi les pierres du rational, Exod., xxviii, 17-20 ; à sa place on voit précisément le nôfék, ou escarboucle. Voir Escarboucle. E. Levesque.
CALEB. Hébreu : Kdlêb, « chien, aboyeur ; » Septante : XaXÉë. Nom de deux Israélites. La Vulgate a un troisième Caleb dont le nom ne s’écrit pas de la même manière que les deux précédents en hébreu.
1. CALEB, fils de Jéphoné, de la tribu de Juda. Num., xiii, 7 ; xiv, 6, 24, 30. Il est appelé le Cénézéen, : 5 ?
CALEB
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Num., xxxii, 12 ; Jos., xiv, 6, 14, probablement parce que quelqu’un de ses ancêtres portait le nom de Cénez. On ne trouve pas toutefois ce nom de Cénez, non plus que celui de Jéphoné, dans les listes généalogiques de I Par., n ; mais il n’y a en cela rien d’étonnant, ces listes n’étant pas complètes. Certains interprètes, invoquant arbitrairement Gen., xxxvi, 11, 15, 20, et I Par., ii, 50, 52, et relevant en outre quelques expressions de Jos., xiv, 14 ; xv, 13, ont pensé que Caleb pourrait bien être un Iduméen, descendant de Cénez. Gen., xxxvi, 11, 15. A. C. Hervey, dans Smith’s Dictionary of the Bible, 1863, t. i, p. 242, rattache cette hypothèse à la théorie d’après laquelle on expliquerait par l’accession de familles étrangères le nombre prodigieux qu’avait atteint la population Israélite à l’époque de l’exode ; cf. de Broglie, Les nouveaux historiens d’Israël, Paris, 1889, p. 48, et A.-J. Delattre, Le sol en Egypte et en Palestine, dans les Éludes religieuses, novembre 1892, p. 399. Il faudrait ainsi compter Caleb et les autres descendants de l’Iduméen Cénez parmi ces étrangers incorporés à la nation choisie de Dieu. Quoi qu’il en soit en principe de cette théorie de l’agrégation des étrangers au peuple d’Israël, elle n’a pas d’application ici. On ne saurait alléguer aucune raison sérieuse pour prouver que Caleb n’était pas Israélite d’origine, tandis que, au contraire, d’importants détails de son histoire supposent en lui un descendant de Jacob, par exemple : son rang illustre dans la tribu de Juda, la première en Israël, cf. Gen., xlix, 8, 10 ; Num., ii, 3, 9 ; vii, 12 ; le choix qu’on fait de lui comme explorateur dans le pays de Chanaan ; son attitude énergique vis-à-vis de ses compagnons au retour de cette expédition, etc. Num., xiii, 3, 4, 7. Cf. Num., xxxiv, 17, 19.
C’est à l’occasion de cette mission dont il fit partie que l’Écriture nous parle pour la première fois de Caleb. Elle raconte comment, ayant d’entrer dans le pays de Chanaan, Moïse, se conformant en cela au désir du peuple, Deut., i, 22, en même temps qu’à l’ordre de Dieu, prit dans chaque tribu un espion ou plutôt un explorateur, choisi parmi les chefs. Num., xiii, 3, 4. Or Caleb fut l’élu de la tribu de Juda. Num., xiii, 7. Il fit voir au retour de l’expédition combien il était digne de la confiance que Moïse lui avait témoignée en le choisissant. En effet, lorsque, revenus à Cadèsbarné, où Israël était campé, les autres espions, sauf Josué, effrayèrent le peuple et « firent fondre son cœur », Jos., xiv, 8, en exagérant les difficultés de la conquête de Chanaan, Caleb essaya d’apaiser le murmure excité par ce rapport contre Moïse et d’encourager les Israélites. Num., xiii, 29-31. Ses premiers efforts étant restés infructueux, grâce à l’insistance de ses compagnons et à leurs nouvelles exagérations, qui provoquèrent un redoublement de murmures, Caleb en éprouva la plus profonde douleur, et, secondé par Josué, il adressa la parole à l’assemblée des enfants d’Israël. Il rétablit la vérité et leur montra l’excellence de la terre de Chanaan et la facilité qu’il y aurait à en faire la conquête. Mais les clameurs du peuple s’élevèrent contre lui, et on allait le lapider avec Josué, lorsque l’apparition « de la gloire de Dieu sur le tabernacle » vint les sauver. Num., xiii, 31-xiv, 1-10. Le Seigneur loua « son serviteur Caleb, qui était rempli d’un autre esprit [que le reste de la multitude ] », Num., xiv, 24, et le récompensa doublement de son courage et de sa fidélité. Cf. I Mach., ii, 56. D’abord il l’excepta, ainsi que Josué, de la terrible sentence portée contre le peuple, en punition de sa révolte, et en vertu de laquelle tout Israélite âgé de plus de vingt ans au dernier recensement fut condamné à ne pas entrer dans la Terre Promise. Num., xiv, 22-24, 29-30, 38. Dieu promit en second lieu à Caleb une portion de choix dans la terre de Chanaan, pour lui et pour sa postérité. Cette part, promise d’une manière générale, Num., xiv, 24, et Jos., xiv, 9, est clairement indiquée, Jos., xiv, 12-14 ; xv, 13-15 ; c’étaient les districts d’Hébron et de Dabir, au sud de la Palestine, région qui portait encore plusieurs siècles
plus tard le nom de Caleb. I Reg., xxx, 14. Hébron désigne ici le territoire et non la ville même ; celle-ci fut donnée aux enfants d’Aaron comme ville sacerdotale et cité de refuge. Jos., xxi, 13 ; I Par., vi, 55-56.
On pourrait, non sans raison, cf. Jos., xiv, 10-11, voir une troisième récompense accordée par Dieu à Caleb dans la vigueur juvénile qu’il lui conserva jusque dans une vieillesse assez avancée. Non seulement Caleb avait survécu aux Israélites qui étaient morts avant d’entrer dans la Terre Promise, mais il avait encore conservé toutes les forces de l’âge mûr. Aussi parle-t-il avec un sentiment de reconnaissance mêlé de fierté de ses quatrevingt-cinq ans, qui lui permettent de combattre aussi vigoureusement qu’il le faisait à quarante ans. Jos., xiv, 10-11 ; Eccli., xlvi, 11. Confiant dans cette vaillance et surtout dans la promesse de Dieu, Jos., xiv, 12, il demanda à Josué et obtint d’aller combattre les habitants de la région qui lui était dévolue. Jos., xiv, 6-15. Il prit Hébron et « extermina de cette ville les trois fils d’Énac, Sésaï, Ahiman et Tholmaï, de la race d’Énac ». Jos., xv, 14. La prise de Dabir, qu’il attaqua ensuite, offrit sans doute des difficultés particulières, puisqu’il crut devoir promettre la main de sa fille Axa à celui qui s’emparerait de cette ville. Cf. I Reg., xvo, 25, et I Par., xi, 6. Elle fut prise par Othoniel, frère de Caleb, d’après la Vulgate ; ou son neveu, d’après les Septante, Jud., i, 13 ; m, 9 ; ou son parent à quelque autre degré, comme le pensent certains interprètes. Othoniel devint ainsi le gendre de Caleb. L’histoire de Caleb se termine par le récit gracieux du don qu’il fit à Axa d’une terre fertile demandée par celle-ci comme complément de sa dot. Jos., xv, 18-19.
L’Écriture nous a laissé peu de détails sur Caleb ; néanmoins il est resté dans l’histoire sainte comme l’une des grandes figures des temps primitifs d’Israël. Il fut avant tout un homme de foi, plein de confiance dans l’appui et les promesses du Seigneur ; si ardent fut son zèle pour la gloire de Dieu, qu’il déchira ses vêtements en voyant son peuple refuser de suivre les glorieuses destinées auxquelles l’appelait la Providence. Num., xiv, 6. Sincère et loyal, son amour de la vérité lui fit tenir tète, au péril de sa vie, à tout un peuple révolté, et il prouva dans cette circonstance que le courage civique allait de pair chez lui avec le courage militaire. Enfin le dernier trait que la Bible rapporte de Caleb et que nous venons de rappeler complète sa physionomie en nous faisant voir en lui, à côté du patriote et du guerrier, un père tendre et débonnaire. Jos., xv, 18-19. "Voir Axa. E. Palis.
2. CALEB, fils d’Hesron, descendant de Juda et probablement ancêtre du précédent (Caleb 1). I Par., ii, 9, 18, 42, 48, 50. Il est appelé aussi Calubi (hébreu r Kelûbâï). I Par., ii, 9. Il épousa d’abord Azuba, dont il eut Jérioth. I Par., ii, 18. Après la mort d’Azuba, il prit pour femme Éphrata, dont il eut un fils, Hur. I Par., n, 19. Ce chapitre des Paralipomènes donne en outre sa postérité par Mésa, ꝟ. 42 ; puis par deux femmes de second rang, Épha, ꝟ. 46-47, et Maacha, y. 48-49, et sa descendance par Hur, le premier-né d’Éphrata. y. 50. Dans ce dernier verset, le texte hébreu est incorrect : « Voici les fils de Caleb, le fils de Hur, premier-né d’Éphrata… » Caleb n’est pas le fils de Hur, mais bien son père. I Par., ii, 19. On a voulu distinguer, mais sans raison suffisante, un autre Caleb, fils de Hur, et par conséquent petitfils du Caleb époux d’Éphrata. On a proposé aussi de lire sans tenir compte de la ponctuation : « Voici les fils de Caleb : le fils de Hur, premier-né d’Éphrata, [sous-entendu : était] Sobal. » Mais il est plus simple, en s’appuyant sur les Septante et la Vulgate, de voir une faute de copiste dans le texte hébreu, et de lire > : r, benê Hûr, au lieu de p, bén Ifûr. On aurait alors : « Voici les fils de Caleb : les fils de Hur, pre
mier-né d’Éphrata, sont Sobal, etc. » Caleb avait une fille du nom d’Achsa (hébreu : ’Aksâh, t. i, col. 148), qu’il ne faut pas confondre avec Axa (hébreu : ’Aksâh), fille de Caleb, le contemporain de Josué. D’après la Vulgate, I Par., ii, 24, ce n’est qu’après la mort d’Hesron que Caleb épousa Éphrata ; le texte hébreu a un sens tout dilférent et prend Caleb -Éphrata pour un nom de ville. Voir Caleb -Éphrata. E. Levesque.
3. CALEB (hébreu : Kelûb ; Septante : Xa)ig), frère de Sua et père de Mahir de la tribu de Juda. I Par., iv, 11. Ce Caleb, dont le vrai nom est Kelûb, n’a rien de commun par sa parenté ni avec le fils de Jéphoné ou Caleb 1, ni avec le fils d’Hesron ou Caleb 2.
E. Levesque.
4. CALEB (LE MIDI DE) (hébreu : négéb Kâlêb ; Septante : vôtoç XEXoùê), partie du Négéb ou « midi » de la Palestine occupée par Caleb et ses descendants. I Reg., xxx, 14. Caleb, en effet, comme récompense de sa conduite au moment de l’exploration de la Terre Promise, Num., xiv, reçut en partage le district montagneux d’Hébron avec ses villes fortes. Jos., xiv, 12-14 ; xv, 13. Plus tard, la ville elle-même avec ses faubourgs fut donnée aux prêtres, Jos., xxi, 10-11 ; I Par., vi, 55 ; mais « ses champs et ses villages » restèrent la possession de Caleb, Jos., xxi, 12 ; I Par., VI, 56, dont le territoire devait s’étendre dans un certain rayon autour d’Hébron, puisqu’un de ses descendants, Nabal, avait ses terres sur le Carmel de Juda, aujourd’hui El-Kourmoul, à quatorze kilomètres environ au sud A’El-Khalil (Hébron). Cette contrée est mentionnée, I Reg., xxx, 14, avec le côté méridional du pays philistin, à propos d’une invasion des Amalécites, dont l’intention était de ravager tout le sud de
Chanaan.5. CALEB-ÉPHRATA (hébreu : Kâlêb Éfrâtâh ; Septante : XaXïê ùi’Eçpa61), nom de l’endroit où mourut Hesron, père de Caleb, suivant le texte hébreu de I Par., Il, 24. Ce verset est des plus obscurs, et l’on se demande si le sens primitif n’en serait pas mieux conservé dans les versions grecque et latine que dans le texte original. Ce dernier, en effet, doit se traduire ainsi : « Et après la mort d’Hesron à Caleb -Éphrata (nrnsN abD3, be-Kâlêb’Éfrâtâh), la femme d’Hesron, Abiah, lui enfanta Ashur, père de Thécué. » Quel peut être le lieu où s’éteignit le descendant de Juda avant la naissance de ce fils ? On trouve, I Reg., xxx, 14, une contrée du sud de la Palestine, dans les environs d’Hébron, indiquée sous le nom de Caleb ou « midi de Caleb ». Voir Caleb 4. D’un autre côté, Bethléhem s’appelait autrefois Éphrata. Gen., xxxv, 19 ; xlviii, 7. Éphrata est aussi le nom d’une femme de Caleb, qu’il épousa après la mort d’Azuba. I Par., ii, 19. De là on a supposé que la partie nord du territoire qu’il possédait, lui ayant été apportée en dot par cette seconde femme ou se trouvant aux environs de Bethléhem, avait reçu sa dénomination de l’une ou de l’autre de ces circonstances. Ce serait pour quelques-uns la ville même de Bethléhem. J. Fûrst, Rebrâisches Handwôrterbuch, Leipzig, 1876, t. i, p. 593 ; Keil, Biblischer Comrr.entar, Chronik, Leipzig, 1870, p. 45. Mais d’abord, outre sa composition singulière, ce nom de Caleb - Éphrata ne se rencontre nulle part ailleurs, dans aucun livre sacré ou profane. Ensuite Hesron a dû mourir en Egypte, où aucune localité n’avait pu recevoir une pareille appellation.
— Les versions syriaque et arabe portent : « dans la terre de Chaleb en Éphrath. » Les Septante et la Vulgate font soupçonner que le texte hébreu a été corrompu. Les premiers, en effet, ont ainsi traduit notre verset : « Et après la mort d’Hesron, Caleb vint à Éphrata (yJXOî Xa).èo d ; ’Eypa6â) ; et la femme d’Hesron [était] Abia, et elle lui enfanta… » Ils ont donc lu : nrnss sb : ns, bâ’Kâlêb’Éfrâfâh, au lieu de : nmsN abîa, be-Kâlêb’Éfrâtâh.
Ce ne serait pas du reste la première fois que les copistes auraient omis I’n, a, de iii, bâ’; les massorètes en sont
témoins en corrigeant --, 2, bâgâd, Gen., xxx, 11, par le
Qeri, il N3, bâ’gâd, « le bonheur est venu. » Telle est
la remarque de C. Houbigant, Biblia hebraica, Paris, 1753, t. iii, p. 560. Malgré cela, on peut se demander encore ce que signifie ce voyage de Caleb d’Egypte en Chanaan. — L’auteur de la Vulgate a lu bâ’, comme les Septante ; mais il applique ce mot à la consommation du mariage de Caleb avec Éphrata. Il y a cependant ici une difficulté grammaticale : le verbe NÏ3, bô’, employé dans ce sens, doit être suivi de la préposition *w, ’êl. Cf. Gese nius, Thésaurus, p. 184. Nous en avons un exemple dans le même chapitre, ꝟ. 21 : bâ’Ifesrôn’él-bat-Mâklr, « Hesron s’approcha de la fille de Machir. » Force nous est de rester dans les conjectures et de laisser la question
non résolue.- CALEÇON##
CALEÇON (hébreu : miknâs, de kânas, « envelopper ; » Septante : TisptaxeXfi ; Vulgate : feminalia, Exod., xxvin, 42 ; xxxix, 27 [hébreu, 28] ; Lev., vi, 10 [hébreu, 3] ; xvi, 4 ; Eccli., XLV, 10 (femoralia) ; Ezech., XLiv, 18 l, sorle de ceinture enveloppant le milieu du corps et la partie supérieure des jambes. Chez les Romains, ce vêtement était appelé subligacula, cinctoria, lumbaria, constrictoria, collectoria. Les raisons de décence qui le firent adopter remontent à la déchéance du premier homme. L’usage bientôt adopté parmi les hommes de tuniques couvrant tout le corps jusqu’à mi-jambes empêcha que le caleçon ne devint un vêtement commun. En fait, dans l’Écritu—, rien n’indique que le peuple hébreu l’ait employé ordinairement, et ce qui est dit dans la Genèse, ix,
23. — Caleçons égyptiens. Serviteurs portant des offrandes. — Le premier à gauche et celui du milieu sont de la IVe dynastie. Gliizéh. Celui de droite est de la xviiie dynastie. Thèbea. D’après Lepsius, Deiikmiiler, Abth. ii, Bl. 28 et 31 ; Abth. ii, Bl. 40.
21-22, de Noé tombé en état d’ivresse et des railleries de Cham à ce sujet, indique clairement que les caleçons n’étaient point en usage ; cf. Deut., xxv, 11 ; Salmeron, Annal, eccles., 1625, t. i, p. 206-207. Cependant, d’après la prescription qui en fut spécialement faite chez les Hébreux pour la classe sacerdotale, on voit qu’ils n’étaient pas inconnus, ni même inusités. Ils avaient dû, en effet, s’en servir en Egypte. Les monuments de ce pays montrent que le caleçon était porté par tous, et à cause de la chaleur il était souvent l’unique vêtement des travailleurs, comme encore aujourd’hui (fig. 23-25). Herm. Weiss, Kostûmkunde, Sluttgart, 1860, t. i, p. 47, 204. Les Arabes portaient aussi des caleçons, et ils en portent encore m
CALEÇON
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aujourd’hui, mais le plus souvent par-dessous leur long manteau. Weiss, ibid., p. 147 ; Karst. Niebuhr, Beisebeschreibung nach Arabien, 1837, t. i, p. 268. Les peuples limitrophes de la Palestine, à l’orient et au nord, furent obligés de prendre des vêtements moins légers, et Hérodote, 1, 71, témoigne que les anciens Perses portaient d’autres vêtements par-dessus leurs caleçons faits de peaux d’animaux, munivac àvaSupiôaç.
être en liii, Exod., xxviii, 42, et Josèphe ajoute : en lin retors et d’étoffe très légère. Ant.jud., III, vii, 1. Les dimensions sont également indiquées, mais d’une manière vague ; il devait couvrir le corps depuis les reins jusqu’aux cuisses. Exod., xxviii, 42. Saint Jérôme pense qu’il descendait jusqu’aux genoux. Episl. lxiv, t. xxii, col. 613. D’après la description, d’ailleurs peu claire, qu’en fait Josèphe, on peut conclure qu’il descendait moins bas.
— Autres caleçons égyptiens. — À droite et à gauche, deux hommes armés. Celui de droite est de la vie dynastie ( Sautet el-Meitin) ; celui de gauche de la xii" dynastie (BéniHassan) ; celui du milieu est plus récent, xvin » dynastie (Tell el-Amarna). D’après Lepsius, Denkmaler, Abth. ii, BI. 106 et 130 ; Abth. iii, Bl. 105.
C’est à raison de leur ministère sacré dans le temple el surtout à l’autel des holocaustes, notablement élevé au-dessus du parvis et exposé au vent, à cause aussi des mouvements violents que les prêtres devaient faire pour immoler les victimes, les placer sur le brasier et en retourner les chairs, que Jéhovah imposa sous peine de mort, aux prêtres de l’ancienne alliance, l’usage du caleçon pendant l’exercice de leurs fonctions. Exod., xxviii,
Ant. jud., III, vii, 1. Rien n’étant prescrit pour sa forme, on peut se demander si ces caleçons étaient un simple jupon court et llottant, ou bien s’ils étaient adhérents et divisés à la partie inférieure en deux parties suivant la forme des jambes. Josèphe, loc. cit., dont le témoignage ne vaut guère que pour ce qui se passait de son temps, indique cette seconde forme, èu.6aivôvrav sic aÙTo twv tcoSwv wunepeï àvaîjupi’Sïç, ce qui est de beaucoup le plus
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25. — Autres formes de caleçons égyptiens de la iv dynastie.
— Calui de gauche est représenté h Ghizéh ; celui de droite à Saqqara. D’après Lepsius, Denkmaler, Abth. ii, Bi. 31 et 102.
42-43 ; xxxix, 27. On pourrait penser aussi que cette règle du rituel mosaïque avait été instituée comme une sorte de protestation contre plusieurs pratiques très inconvenantes du culte des fausses divinités auquel les Hébreux étaient enclins, comme dans le culte de Phogor, le dieu-nature, Num., xxv, 18 ; xxxi, 16 ; Jos., xxii, 17 ; cf. Maimonides, Moreh Nebuchim, iii, 45 ; Ugolini, Thésaurus, xin, 385, et dans certains rites religieux des Égyptiens, Hérodote, ii, 48.
L’Écriture prescrit la matière de ce vêtement ; il devait
26. — Caleçons royaux. — xix* dynastie. Thèbes. D’après Lepsius, Denkmaler, Abth. iii, Bl. 123.
vraisemblable. Le duel employé invariablement en hébreu pour désigner ce vêtement confirme cette conclusion. Jos. Braun, De vestitu sacerdotum hebrxorum, il, 1, 1680, p. 345 et suiv. En cela, les caleçons des prêtres hébreux se rapprochaient du maillot ( Si’aÇwu. ! , subligaculum) des acteurs grecs et romains. Cicéron, De offic., i, 35 ; Rien, Dictionnaire des antiquités romaines et grecques, 1883, p. 609. Ils s’éloignaient, au contraire, du caleçon des anciens Égyptiens, tombant le plus souvent en forme de draperie. Lenormant-Babelon, Histoire
ancienne de l’Orient, 1883, t. ii, p. 48, 79, 80, 124, etc. ; t. iii, p. 71-72. Il faut observer cependant que même en Egypte le caleçon fermé et descendant jusqu’à mi-jambes était en usage pour les rois (fig. 26), pour les représentations des dieux, et par extension pour les prêtres à leur service. Lenormant, ibid., t. ii, p. 45, 65, 67, 180, 212. Ces prêtres le portaient sous leur robe sacerdotale, et ainsi il semble que leur habillement se rapprochait beaucoup de celui des prêtres hébreux, d’où l’on peut conclure qu’en cela comme en beaucoup d’autres choses la législation mosaïque s’était inspirée des usages de l’Egypte. V. Ancessi, Les vêtements du grand prêtre, in-8°, Paris, 1875, p. 91. P. Renard.
CALENDES. Les Latins appelaient calendx ou kalendse le premier jour du mois. Ce mot, qui revient souvent dans la Vulgate, dérive du verbe grec xct/.sîv, e appeler, » d’où les Romains avaient fait calo. Dans les premiers temps de la république, le pontife mineur avait coutume de convoquer, calare, le peuple à la Curia Calabra, et d’annoncer, entre autres choses, combien de jours il y avait du premier du mois aux nones, savoir six ou sept, selon les cas, et il l’annonçait en se servant de cette formule : Quinque dies te calo, Juno novella, ou bien : Septem dies te calo, Juno novella. (Les premiers jours du mois étaient consacrés à Junon.) Varron, De lingua latina, vi, 27. De là le nom de calendes. — Elles étaient inconnues des Grecs. Comme leurs mois étaient lunaires, de même que chez les Hébreux, ils appelaient le premier jour de chaque mois veopivt’a, par contraction vo’j[iT, vt’a, proprement « le nouveau mois » ou « la nouvelle lune », de véo ; , « nouveau, » et [i^v, « mois, » ou [iT|Vrj, « lune. » — En hébreu, il n’existait pas de mot spécial pour désigner le premier jour du mois ; les auteurs sacrés l’appellent simplement « le commencement (la tête, r’ôs) du mois », Num., x, 10, etc. ; ou bien « le premier [jour] du mois », Exod., XL, 2, 15, etc. Les Septante ont traduit ordinairement ces passages par veo[iï)vîa ; la Vulgate a employé le plus souvent le mot latin calendse » Num., x, 10, etc., mais quelquefois aussi le mot neomenia, emprunté au grec. H Par., ii, 4 ; Ps. lxxx, 4, etc. — La loi mosaïque prescrivait pour le premier jour du mois des cérémonies particulières. C’était une sorte de fête qu’on appelle communément aujourd’hui « néoménie ». Voir Nkoménie.
F. Vigouroux.
CALENDRIER. Ce mot, dérivé de kalendœ., « calendes, » premier jour du mois chez les Romains, désigne le catalogue des jours de l’année, rangés par ordre et partagés en semaines et en mois (fig. 27). Les Hébreux n’avaient pas de calendrier proprement dit ; ils en connaissaient du moins les éléments et appliquaient à la division du temps certains principes, fondés sur des observations astronomiques et agronomiques. Les mouvements du soleil et de la lune formaient la métrique du temps. Gen., i, 14 ; Ps. ciii, 19 ; Eccli., xliii, 6-9. Les imperfections de leur mesure étaient corrigées par la coïncidence des saisons et des travaux de l’agriculture. Tout ce qui constitue le calendrier peut se ramener, hormis les fêtes liturgiques, au jour, à la semaine, au mois et à l’année. Nous ne ferons ici qu’un exposé sommaire des connaissances des Hébreux sur ces quatre sujets ; des articles spéciaux fourniront de plus amples renseignements.
I. Jour. — Les Hébreux désignaient du même nom, ydm, ce que nous appelons le jour civil et le jour naturel. Le jour civil, vu ; (IWj[i.£pov, II Cor-, xi, 25, allait du soir au soir, d’un coucher du soleil à un autre coucher. Dieu avait ordonné de célébrer ainsi les sabbats. Lev., xxiii, 32. On pense que les autres jours étaient réglés de la même manière. Cette mesure doit se rapporter aux jours de la création, qui se composaient d’un soir et d’un matin, Gen., i, 5, etc., correspondant à la nuit et au jour naturels. Cette dernière division, Ps. lxxxvii, 2 ; II Esdr., iv, 9, dépendait de la variation de la lumière et des
ténèbres. Gen., i, 4-5. Le jour proprement dit allait naturellement de l’apparition de l’aurore au lever des étoiles. Il Esdr., iv, 21. Il se divisait en trois parties, fournies par la nature : le matin, bôqér, Gen., xix, 27- ; midi, sohôrayim, Gen., xliii, 16 ; Deut., xxviii, 29, et le soir, ’éréb. Gen., xix, 1. Cf. Ps. liv, 18. D’autres moments de la journée avaient des noms particuliers, tirés des phénomènes naturels : sahar, « aurore, le malin, » Ps. LVII, 9 ; cvm, 3 ; néséf, « le crépuscule du matin, » Job, vii, 4 ; I Reg., xxx, 17 ; celui du soir, Job, xxiv, 15 ; Prov., vii, 9 ; IV Reg., vii, 5 et 7 ; Jer., xiii, 16 ; rûah hayyôm, « la fraîcheur du jour, » Gen., iii, 8. On distinguait deux soirs Exod., xii, 6 ; xvi, 12 ; xxix, 39 et 41 ; xxx, 8 ; Lev., xxiii 5 Num., ix, 3 ; xxviii, 4, 8, dans l’intervalle desquels certaines cérémonies religieuses devaient s’accomplir La
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27. — Calendrier romain indiquant les travaux a ov Musée de Naples. D’après le Muæo Borbonico. t ™ leoles’" Pi. XLIT.
durée en a été diversement fixée par les commentateurs juifs et chrétiens, soit depuis le déclin du soleil jusqu’à son coucher, soit du commencement à la fin de ce coucher, soit du coucher du soleil à l’entrée de la nuit. Cf. Talmud de Jérusalem, Berakhoth, ch.i"’, trad. Schwab, t. i, p. 4 ; Gesenius, Thésaurus, p. 1064-1065. Les Juifs n’ont pas connu les heures de soixante minutes. Le mot sâ’âh, traduit par hora, « heure, » apparaît pour la première fois dans Daniel, iii, 6 ; iv, 16 ; v, 5 ; mais il désigne un clin d’oeil, un instant, un temps court, et non pas une heure proprement dite. Dans le Nouveau Testament même, ripa, « heure », ne doit pas non plus se prendre dans le sens strict. Le jour cependant y est divisé en douze heures. Matth., xx, 1-6 ; Joa., xi, 9. Elles se subdivisent en quatre parties, de trois heures chacune, et spécialement mentionnées sous les noms de première, troisième, sixième et neuvième heures. La première commençait au lever du soleil, Marc, xvi, 9 ; la troisième vers neuf heures du matin, Marc., xv, 25 ; Act., ii, 15 ; la sixième à midi, Matth., xxvii, 45 ; Marc, xv, 33 ; Luc, xxiii, 44 ; Joa., iv, 6 ; xix. 14 ; Act., x, 9, et la neuvième vers trois heures du soir. Matth., xxvii, 45 et 46 ; Marc, xv, 34 ; Luc, xxm, 44 ; Act., iii, 1 ; x, 3. Ces douze heures étaient de durée inégale, selon les saisons, plus longues en été, plus courtes en hiver, puisqu’elles dépendaient du lever et du coucher du soleil. Pour les mesurer, on se servait probablement de sabliers et de clepsydres. Plus tard, les rabbins partagèrent l’heure en ôné, qui est un vin^tquatrième de l’heure ; en moment ou vingt-quatrième C5
CALENDRIER
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de Vôné, et en instant, vingtquatrième du moment. Talmud de Jérusalem, Berakhoth, ch. i 8r, trad. Schwab, t. i, p. 8.
La nuit, layelâh, commençait à l’apparition des étoiles. « Quand une seule étoile brille, il fait encore jour ; si deux ont paru, il est douteux que le jour a cessé ; mais quand trois sont à l’horizon, la nuit est arrivée certainement. » Traité des Berakhoth, dans les deux Talmuds, trad. Schwab, p. 2-3 et 222-224. Elle était divisée en trois veilles, ’asmurôt. Ps. lxii, 7 ; lxxxix, 4. La première durait du coucher du soleil à minuit, Lament., ii, 19 ; la seconde, de minuit au chant du coq, , Tud., vii, 19 et la troisième, du chant du coq au lever du soleil. Exod., xiv, 24 ; I Reg., xi, 11. Le Talmud de Babylone, Berakhoth, trad. Schwab, p. 225-226, indique le signe physique qui marque le début de ces veilles : « Pendant la première, l’àne brait ; à la seconde, les chiens aboient ; à la troisième, l’enfant suce le sein de sa mère, ou la femme cause avec son mari. » Les contemporains de Jésus-Christ avaient emprunté aux Romains la division de quatre veilles. Matth., xiv, 25 ; Marc, xiii, 35 ; Luc, ii, 8. La première, ôié, allait du coucher du soleil à neuf heures du soir environ, Marc, xi, 11 ; xv, 42 ; Joa., xx, 19 ; la seconde, [iesovùx-nov, « le milieu de la nuit, » de neuf heures à minuit, Matth., xxv, 6 ; la troisième, iXExiopoywvîa, « le chant du coq, » de minuit à trois heures du matin, Marc, xiii, 35 ; cf. III Mach., v, 23 ; la quatrième, itpwc, de trois heures au lever du jour. Joa., xviii, 28. Saint Luc, XII, 38, mentionne la seconde et la troisième veille. Les rabbins connaissaient ces deux supputations. Talmud de Babylone, loc. cit., p. 227-228. On comptait aussi les heures de la nuit, et la troisième est nommée Act., xxiii, 23.
IL Semaine. — Sept jours révolus constituaient la semaine, Sdbûa’. La semaine hébraïque a son fondement dans le récit de la création du monde ; la division du travail divin est devenue le modèle, la règle et la mesure du travail humain : six jours de labeur et un jour de repos. Gen., i, 3-il, 3 ; Exod., XX, 8-11. La semaine paraît avoir été connue avant Moïse, Gen., xxix, 27 et 28, qui, sur l’ordre de Dieu, aurait définitivement consacré au repos le septième jour. Elle a donc un caractère exclusivement religieux et n’est pas plus lunaire que planétaire, puisqu’elle ne tient pas compte des jours et des mois et forme une chaîne ininterrompue de sept jours en sept jours. Les Assyriens ont connu cette semaine et les sabbats ou jours de repos, parallèlement à des hebdomades lunaires, qui divisaient le mois d’une manière fixe et étaient terminées par des jours néfastes. F. Lenormant, Les origines de l’histoire, 2e édit., t. i, p. 243-244, note ; Sayce, La lumière nouvelle, trad. Trochon, in-12, Paris, 1888, p. 30-31. Les jours de travail n’ont pas de nom spécial dans la Bible ; le jour de repos est nommé s’abat, « sabbat, repos, ». La semaine entière s’appelait aussi sabbat. Lev., xxiii, 15 ; Deut.. xvi, 9. Plus tard, les jours de travail furent comptés à partir du sabbat. On en trouve la plus ancienne indication dans les titres des Psaumes de la version des Septante : Ps. xxiii, 1, tt, ; jxiâç aa66ciTou, « le premier [jour] de la semaine » ; Ps. xlvii, 1, ôe-JTsp ? gagëà-rou, « le second [jour] de la semaine ; » Ps. xciii, 1, TETpâSi aaSêin-j, « le quatrième [jour] de la semaine ; » Ps. xcii, 1, e ! ; tttv r.uipocv toO Tipaaaêrjâ-zav, « la veille du sabbat. » Ces rubriques marquent les jours auxquels ces cantiques étaient chantés au temple, pendant le sacrifice du matin. Le Nouveau Testament mentionne le premier de ces noms, îrptiTV) aabêârav, Marc, xvi, 9, ou x(<x. aaêëârav, « le premier [jour] de la semaine ». Matth., xxviii, 1 ; Marc, xvi, 2 ; Luc, xxiv, 1 ; Joa., xx, 1 et 19 ; Act., xx, 7. Les Juifs hellénistes appelaient le vendredi rcapaiTxs-j^, c’est-à-dire « préparation », parce qu’en ce jour on se préparait à la célébration du sabbat. Matth., xxvii, 62 ; Marc, xv, 42 ; Luc, xxiii, 54 ; Joa., xix, li, 31 et 42.
III. Mois. — Le début et la durée des mois hébraïques furent réglés sur les phases et le cours total de la lune.
DICT. DE LA BIllLK.
Un des noms du mois, celui dont se servaient ordinairement les Phéniciens, yërah, dérive étymologiquement du nom de la lune, yàrêah. Cf. Eccli., xliii, 8. Une autre dénomination plus usitée en hébreu, l, wdés, désignait la néoménie ou nouvelle lune. Les mois commençaient, en effet, avec la révolution de la luné. Or, comme cette révolution s’accomplit en vingt neuf jours et demi, les mois étaient de vingt-neuf ou de trente jours. Le Talmud de Babylone, Berakhoth, ch. iv, trad. Schwab, p. 340, appelle les premiers « défectifs », et les seconds « pleins ». Probablement des procédés tout empiriques servirent toujours à fixer la néoménie et à déterminer le commencement et la durée des mois. Dans les derniers temps, l’apparition visible du croissant, attestée par des témoins dignes de foi et proclamée par un tribunal officiel, était le point de départ du nouveau mois. Talmud de Jérusalem, Rosch haschana, i, 4, trad. Schwab, 1883, t. vi, p. 68. Deux mois de suite pouvaient donc avoir trente jours. Cependant c’était une règle générale qu’une année ne pouvait comprendre moins de quatre et plus de huit mois pleins.
Primitivement les mois se comptaient à partir du mois de la fête de Pàque, qui était le premier, et ils étaient désignés par leur numéro d’ordre : premier…, douzième. I Par., xxvii, 1-15. Cependant quatre eurent plus tard un nom spécial : le premier était le mois des épis, ’Abîb, Exod., xm, 4 ; xxiii, 15 ; xxxiv, 18 ; Deut., xvi.l (voir ce mot) ; le second le mois des fleurs ; Z’w, III Reg., vi, 1, 37 ; le septième, Efanim, le mois des courants, III Reg., viii, 2, et le huitième, Bul, le mois des pluies. III Reg., vi, 38. Cf. Talmud de Jérusalem, Roscli haschana, i, 1-2, trad. Schwab, t. vi, p. 61-62. M. Derenbourg, dans le Corpus inscriptionum semiticarum, t. i, p. 10, 93-94, croit que ces noms sont phéniciens, et il pense qu’ils ont été introduits chez les Hébreux par les ouvriers tyriens qui ont travaillé à la construction du Temple de Jérusalem. Dans les temps postérieurs à l’exil, la coutume se maintint de désigner les mois par leur numéro d’ordre, Agg., i, 1 ; n, 1 et II ; Zach., i, 1 ; viii, 19 ; Dan., x, 4 ; I Esdr., iii, 1, 6, 8 ; vi, 19 ; vii, 8 et 9 ; viii, 31 ; x, 9 et 16 ; I Mach., x, 21, concurremment avec les noms nouveaux. Le Talmud de Jérusalem, loc. cit., nous apprend que ces noms nouveaux ont été importés de Babylone au retour de la captivité. Les textes cunéiformes déjà déchiffrés ont confirmé cette affirmation traditionnelle et rendu insoutenable l’opinion des écrivains qui faisaient dériver ces noms de mots persans. En voici la nomenclature avec leur forme assyrienne et la comparaison approximative avec nos mois : 1° Nisdn, nisannu, mars-avril, II Esdr., n, 1 ; Esther, iii, 7 et 12 ; xi, 2 ; 2° Iyâr, airu, avril-mai ; 3° Sivdn, sivanu, mai-juin ; i° Tammuz, dûza, juinjuillet ; 5° Ab, abu, juillet-août (voir ce mot) ; 6° Elûl, ululu, août-septembre, II Esdr., vi, 15 ; I Mach., xiv, 27 ; 7° Tisri, taSritu, septembre - octobre ; 8° MarljeSvân, arafy-Samna, octobre-novembre ; 9° Kislêv, kisilivu, novembre-décembre, II Esdr., i, 1 ; Zach., vii, 1 ; I Mach., i, 57 ; iv, 52 et 59 ; II Mach., i, 9, 18 ; x, 5 ; 10° Tébéth, tébituv, décembre-janvier, Esther, ii, 16 ; Zach. i, 7 ; 11° Sebdt, sabalu, janvier-février, I Mach., xvi, 14 ; 12° Addr, addaru, février-mars, Esther, iii, 13 ; IX, 1. Cf. F. Lenormant, Les origines de l’histoire, 1. 1, appendice iv, 2e tableau ; Ed. Norris, Assyrian dictionary, 3 in-8°, Londres, 1868-1872 ; E. Schrader, Die Keilinschriften und das Alte Testament, 1872, p. 247. Deux mois macédoniens qui se suivent, le ôioixopivOioî ou Stôtr/.op-.çetle Eav81v.ôç, sontnommésdansle secondlivre desMachabées, xi, 21, 30, 33 et 38. Cf. Patrizi, Z)e consensu utriusque libri Machabxorum, pTod., c., ꝟ. 154-163.
Le nombre des mois était régulièrement de douze. III Reg., IV, 7 ; 1 Par., xxvii, 1-15 ; Dan., iv, 26. Mais pour faire concorder l’année lunaire avec l’année solaire, qui est plus longue de onze jours, il fallait ajouter, tous les trois ans environ, un treizième mois, qui n’est pas mentionné dans la Bible. Ce mois se plaçait à la fin de
II. - 3
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CALENDRIER — CALIXTE
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l’année, après le mois d’Adar, qui pouvait être seul redoublé. Aussi le Talmud, par une fausse interprétation de II Par., xxx, 2, blàme-t-il le roi Ézéchias d’avoir redoublé le mois de Nisan. Les rabbins appellent le mois intercalaire’Adar sênî, ’Adar bâfra, « Adar second ou postérieur, » ou simplement Ve’adar. Un tribunal de plusieurs membres décidait s’il y avait lieu de faire l’intercalation. En général, il le faisait chaque fois qu’à la fin du douzième mois le blé n’était pas assez mûr. Le Talmud de Jérusalem, Rosck haschana, trad. franc., t. vi, p. 80, nous a conservé le jugement empirique porté par trois pâtres et accepté par les sages. « Le premier dit : Au mois d’Adar, la température doit être assez avancée pour que les céréales mûrissent et que la iloraison des arbres commence. Le deuxième dit : En ce mois, le froid diminue tant, qu’en présence même du fort vent d’est ton haleine l’échauffé. Le troisième dit : À cette époque, le bœuf est transi de froid au matin, tandis qu’à midi il va à l’ombre du figuier se détendre la peau par suite de la chaleur. Or, cette année, nous ne voyons aucun de ces signes-là. » Il y avait lieu d’ajouter un treizième mois. C’étaient donc des observations agronomiques qui servaient à allonger l’année lunaire et à la faire coïncider avec le cours des saisons. Les Chaldéo - Babyloniens avaient, eux aussi, à intervalles très rapprochés, un treizième mois, qu’ils nommaient maqru sa addari, « incident à addar ; » mais leur système d’intercalation différait de celui des Hébreux. Lenormant, op. cit., t. i, p. 250-251, note.
IV. Année. — L’année, sânûh, chez les Hébreux, était régulièrement une année lunaire de douze mois, dont la durée exacte était de trois cent cinquante-quatre jours (quand on n’intercalait pas ve’adar). Suivant l’institution de Moïse, elle commençait au printemps, le premier jour du mois de Nisan, Exod., xii, 2 ; cf. Ezech., xl, 1, et servait de point de départ au cycle des fêtes. Lev., xxiii, 4-44 ; Num., xxviii, 16-xxix, 39. Cf. Patrizi, De Evangeliis, 1. iii, p. 528-534. L’année hébraïque n’a pas, comme on l’a cru, une origine égyptienne ; elle ressemble davantage au système chaldéen et semble en dériver. Cf. F. Lenormant, Histoire ancienne de l’Orient, 9° « dit., t. v, p. 179. Elle était à la fois civile et religieuse. Plus tard, probablement à l’époque de la domination macédonienne, les Juifs adoptèrent, pour les ventes, achats et affaires ordinaires, un autre début d’année, au premier jour de Tischri, septième mois de l’année religieuse. Une tradition juive, Talmud de Jérusalem, Rosch haschana, t. vi, p. 54 ; Aboda Zara, t. xi, p. 181, acceptée par quelques Pères de l’Église, prétendait que le monde avait été créé à cette date. L’historien Josèphe a affirme que cette supputation était antérieure à celle qu’établit Moïse pour les usages religieux. Mais l’antiquité de cette année civile est peu fondée ; on n’en voit de traces qu’après la captivité. Il est probable que les Juifs l’adoptèrent en raison de leurs relations avec les peuples étrangers ; elle coïncidait avec l’ère des Séleucides. Patrizi, De consensu utriusque libri Machabacorum, prod., p. 33-39. Voir t. i, col. 645-648. Enfin les anciens Juifs n’avaient pas un cycle d’années. Cf. Patrizi, De Evangeliis, 1. iii, p. 523-528. Ce n’est qu’au IVe siècle de notre ère que les rabbanites reçurent le cycle de dix-neuf ans, inventé par Méton. Cf. Isidore Loeb, Date du calendrier juif’, dans la Revue des études juives, t. xix, 1889, p. 214-218. E. Mangenot.
1. CALICE, mot latin, signifiant « coupe », qui est passé en français par la Bible, et qui désigne spécialement la coupe dans laquelle Notre -Seigneur consacra à la Cène le précieux sang et celle dont le prêtre se sert à la messe. Voir Coupe.
2. CALICE DE BÉNÉDICTION (EOTifaiov ttj ; fjoi(ai). Saint Paul emploie cette expression, I Cor., x, 16, pour
désigner la coupe qui contient le sang de Notre-Seigneur, Les usages juifs nous fournissent l’explication de cette expression. Jésus, à la dernière Cène, se conforma au rituel judaïque de la célébration de la Pàque. Or, dans, cette fête, le père de famille prenait au début du repas une coupe de vin mêlé d’un peu d’eau. « Béni soit le Seigneur, , qui a créé le fruit de la vigne, » disait-il, et il la faisait circuler parmi les convives. On mangeait ensuite quelques herbes amères, le père de famille versait une secondecoupe, et tous entonnaient l’Hallel ou chant d’action de : grâces (voir Hallel) ; ces deux coupes étaient déjà descoupes de bénédiction. Toutefois le nom de kôs habberêkâk, « calice de bénédiction, » était spécialement réservé à la coupe principale, la troisième, celle qu’on buvait immédiatement après avoir mangé l’agneau pascal, et qui était suivie du chant de la seconde partie de l’Hallel. C’était par excellence la coupe d’action de grâces ou de bénédiction. Cette locution juive dut venir naturellement à la pensée de saint Paul et des premiers chrétiens pour désigner la coupe eucharistique, qui était un souvenir de la Pàque juive, et la réalisation de ce qu’annonçait cette fête. Le vrai calice de bénédiction n’est plus celui que les Juifs appelaient de ce nom, mais celui que le Sauveur a béni, que saint Optât de Milève, De schism. Donat., vi, 2, t. xi, col. 1008, avec toute la tradition catholique, appelle « le porteur du sang du Christ ».
J. Bruneau.
- CALINO César##
CALINO César, jésuite italien, né à Brescia le 14 février 1670, mort à Bologne le 19 août 1749. Il entra au noviciat des Jésuites le 14 novembre 1684, enseigna les humanités à Fænza et à Parme, deux ans la rhétorique à Venise, prêcha à Modène, Parme, Ferrare, Rome, vingt-six ans à Bologne, et y expliqua sept ans l’Écriture Sainte dans l’église de la Compagnie. Ses Opère ont été réunis et publiés en 9 in-4°, Venise, 1759 ; ils sont ainsi divisés : Tome i. Traltenimento istoricoe cronologico suIIq, série dell’Antico Testamento, in cui si spiegano ipassi più difficili délia divina Scrillura appartenenti alla storiae cronologia. — Tome il. Cha contiene le Lezioni sacree morali sopra liprimi cinque capi del libro de’Re. — Tome m. Le Lezioni sopra gli altri cinque susseguienti capi del libro primo de’Re. — Tome iv. Trattenimento sopra i Santi Vangeli, in cui si espone la divinitée mcarnazione, e vita, e morte, e risurrezione di N. S. Gesù Cristo, ed il Trattenimento sopra gli Atti degli Apostoli. — Les tomes v-ix contiennent des sermons. — Le tome i parut d’abord en 1727 ; les tomes H et iii, en 1711-1723 ; le tome iv, en 1727-1731. — Dans son premier volume, le P. Calino critique continuellement l’historien Josèphe et l’accuse d’avoir corrompu la vérité par ses fables et ses mensonges. L’abbé Francesco Maria Biacca, de Parme, prit la défense de Josèphe dans son Trattenimento istoricoe cronologico, Naples, 1728. Le P. Calino lui répondit par Risposta ad una lettera di cavalière amico, 1728. Une réplique, suivie d’une autre, peut-être de Biacca, mais sous le nom d’ « un Pastor Arcade », parurent encore en 1728 et 1733. — Les ouvrages du P. Calino ont été traduits en partie en espagnol, en latin et en allemand. C. Sommeiwogel.
- CALITA##
CALITA, lévite, I Esdr., x, 23 ; même personnage que Célaïa. Voir Célaïa.
- CALIXTE George##
CALIXTE George, théologien luthérien, né à Meelby, dans le duché de Holstein, le 14 décembre 1586, mort à Ilelmstàdt le 19 mars 1650. Après avoir commencé ses études au collège de Flensbourg, il alla les continuer aux plus célèbres universités de l’Allemagne, et compléta son instruction par des voyages dans les divers pays de l’Europe. À son retour, il obtint une chaire à l’université de Helmstadt, dont il devint un des professeurs les plus estimés. Peu après il recevait l’abbaye de Kœnigslutter, ce qui lui assurait d’importants revenus. Très attaché au CALIXTE — CALLIRRHOÉ
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luthéranisme, il aurait voulu réunir toutes les Églises. Cet appel à la concorde lui suscita de nombreux ennemis, qui allèrent jusqu’à l’accuser de papisme, et cependant Calixte est un des adversaires les plus dangereux de l’Eglise catholique. Il eut de nombreux partisans, qui reçurent le nom de calixtins. Sa doctrine fut aussi appelée le Syncrétisme. Travailleur infatigable, il a laissé un grand nombre d’ouvrages. Parmi ceux-ci quelques-uns furent publiés par ses disciples, d’autres ne parurent qu’après sa mort. Nous nous bornerons à citer les suivants : Quatuor Evangelicorum scriptorum concordia et locorum qim in iis occurrunt difficilium et dubiorum explicatio, in-4°, Halberstadt, 1621 ; Viginti priorum capitum Exodi et locorum in iis difficiliorum expositio faciens potissimurn ad sensum litteralem quani ex ore Georgii Callixti suo tempore obitu notavit et nunc publico examini subjecit Stephanus Tuckerman, in-4°, Helmstadt, 1625. Le même E. Tuckerman publia également : Historia Josephi, sive xiv postremorum capitum Geneseos et locorum in iis difficiliorum expositio litteralis, in-4°, Helmslàdt, 1654 ; Historia magorum, in-4°, Helmstadt, 1628 (il s’agit des mages qui vinrent adorer l’enfant Jésus à Bethléhem) ; Expositio litteralis in epistolam S. Pauli ad Titum, in-4°, Helmstadt, 1643 ; De quxstionibus : num mysterium SS. Trinitatis solius Veteris Testaments libris possit demonstrari et num ejus temporis Patribus Filius Dei in propria sua hypostasi apparuerit dissertatio, in-4°, Helmstadt, 1619 ; Expositio litteralis in Epistolam S. Pauli ad Ephesios, in-4°, Brunswick, 1653 ; Tractatus de pactis qu.se Deus cum hominibus iniit, in-4°, Helmstadt, 1654 ; Expositio litteralis in Acla Apostolorum, in- 4°, Helmstadt, 1663 ; Scholee prophéties, ex prælectionibus in prophetas Jesaiam, Jeremiam et Ezechielem collectx, in-4°, Quedljnburg, ’1715 ; cet ouvrage fut publié par les soins d’Ernest de Schulenbourg. Frédéric Ulrich Calixte avait entrepris une édition des œuvres de son père ; il ne put mener ce travail à terme. — Voir Walch, Bibl. theol., t. i, p. 83 ; t. iv, p. 461, 557, 665, 670, 873 ; Ilenke, Caliœtus und seine Zeit, 2 in-8°, Halle, 1853-1856. B. IIeurtebize.
- CALLIRRHOÉ##
CALLIRRHOÉ (KaMcpp<5r)), sources d’eaux thermales, situées à l’est de la mer Morte, près du Zerqa Ha’in, célèbres daiis l’antiquité (Josèphe, Ant. jud., XVII, vi, 5 ; Bell, jud., i, xxxiii, 5 ; Pline, v, 16), et que beaucoup de commentateurs croient être les « eaux chaudes » (hébreu : hayyêmim) dont parle la Genèse, xxxvi, 24. Plusieurs exégètes y reconnaissent également Lésa. Gen., x, 19. Stanley, Sinai and Palestine, in-8°, Londres, 1866, p. 295, y place même, bien qu’à tort probablement, Engallim (hébreu : ’En’Églaîm, « source des deux génisses » ). Ezech., xlvii, 10. Si ce nom n’appartient pas directement à la Bible, il y touche par la littérature talmudique et l’histoire. « >mbp, Callirhoë était le nom postbiblique de Lescha (Lésa). » A. Neubauer, La Géographie du Talmud, in-8°, 1868, p. 254. Hérode le Grand vint inutilement demander aux thermes de Callirrhoé la guérison de l’affreuse maladie qui le consumait et le conduisit au tombeau. Ant. jud., XVII, vi, 5 ; Bell, jud., i, xxxiii, 5. Pour toutes ces raisons, ce mot mérite ici une mention spéciale. Laissant de côté la question d’identification qui concerne Lésa et Engallim (voir Lésa, Engallim), nous devons, avant de décrire les sources dont nous parlons, voir si elles répondent réellement aux « eaux chaudes » de Gen., xxxvi, 24.
I. Explication du texte. — Au milieu des renseignements généalogiques, historiques et géographiques que Moïse nous donne sur les descendants d’Ésaû, il insère, à propos de l’un d’eux, un petit épisode intéressant. « C’est, dit-il, cet Ana qui trouva des eaux chaudes (hébreu : Q’o>n-nM nxd, mâsâ’'et-hayyêmim) dans le désert, pendant qu’il paissait les ânes de Sébéon, son
i père. » Gen., xxxvi, 24. Le masculin pluriel hayyêmim
! est un omhX Àeyônîvov, dont l’explication a donné naissance
aux quatre opinions suivantes : — 1° Les docteurs juifs l’ont traduit par nulles, et prétendent qu’il s’agirait ici de la procréation de cette espèce d’animaux, dont Ana aurait découvert le secret « en faisant’paltre les ânes de son père ». Telle est la paraphrase que Jonathan donne au texte dans le Targum ; ainsi ont traduit les versions arabe et persane ; tel est le sentiment de Jarchi, Aben-Ezra, Kimchi et de plusieurs commentateurs protestants. Cf. S. Bochart, Hierozoicon, Leyde, 1712, p. 238-239. Mais plusieurs raisons combattent cette hypothèse. D’abord les Hébreux appellent le mulet-ns, péréd, et les expressions
employées dans les langues orientales pour désigner cet animal ne ressemblent aucunement à hayyêmim. Ensuite le verbe nïd, mâsâ’, ne signifie pas « inventer », c’est-à-dire découvrir ce qui n’existe pas, mais « trouver » une chose déjà existante. Enfin, on ne voit pas bien comment la seule mention des ânes de Sébéon peut amener la conclusion des rabbins. Le mulet est le produit de l’âne et de la jument ou du cheval et de l’ânesse. Or, dans le texte, il n’est pas question des chevaux. — 2° D’autres, au lieu de D>D » ii, hayyêmim, ont lu D>s>n,
hayyàmmîm, « les mers, » et veulent qu’Àna ait ainsi découvert dans le désert certaines nappes d’eau ou étangs. On fait justement remarquer contre cette idée que, pour les Hébreux, yammîm ne désigne pas n’importe quelle étendue d’eau, mais qu’il indique ou les mers proprement dites ou les grands lacs, tels que celui de Tibériade ou le lacvsphaltite ; et l’on ne pourrait vraiment faire à personne un grand mérite d’une semblable découverte dans un pays restreint et connu, où les lacs doivent frapper les yeux de tout le inonde. — 3° Bochart, Hierozoicon, p. 242-243, partage et défend l’avis de ceux qui regardent hayyêmim comme un nom propre, celui d’une race de géants, les Émim, habitants primitifs du pays de Moab, Gen., xiv, 5. Cette opinion s’appuie sur le texte samaritain, qui porte D’s’xii, nom de ce « peuple grand et puissant, d’une si haute taille, qu’on les croyait de la race d’Énac, comme les géants », Deut., ii, 10, 11, et sur le Targum d’Onkelos, qui a traduit par « géants ». II faut pour cela, il est vrai, changer l’orthographe du mot, puisque le nom des Émim renferme un aleph, N, que n’a pas hayyêmim. Ce nom est écrit de deux manières dans la Bible : D » D>Nn,
hâ-’Emim, Gen., xiv, 5, et n>2Nn, hâ-’Êmhn, sans le
premier yod. Deut., ii, 10, 11. Or, disent les partisans de cette hypothèse, en prenant la première orthographe, on peut admettre que dans n’D », yêmîm, la radicale initiale, n, aleph, est tombée, comme dans aT’i, vayyâréb, « et il dressa des embûches, » I Reg., XV, 5, qui est mis pour 3-ix>i, vayya’ârêb, etc. Si l’on prend la seconde orthographe, il faudra reconnaître que n>o>, yêmîm, est mis pour d’dn, ’émim, par la permutation de N, aleph, et
de », yod. D’un autre côté, le verbe mâsâ’est souvent pris dans le sens d’une « rencontre hostile », cf. Jud., 1, 5 ; I Reg., xxxi, 3 ; III Reg., xiii, 24, ou d’un « triomphe sur les ennemis », comme Ps. xx (hébreu, xxi), 9 : « Ta droite trouvera (atteindra) ceux qui te haïssent. » Ana serait donc resté célèbre par une victoire sur les Émim, qu’il aurait attaqués ou qui l’auraient surpris. Mais le changement de mots qui sert de base à cette opinion paraît fort douteux. De tous les manuscrits cités par B. Kennicott, Vet. Testant, heb., Oxford, 1776, t. i, p. 70, pas un ne porte Yaleph supposé perdu ou changé. Les Septante, qui appellent les Émim toù ; ’0|ji|Aaîo’jç, Gen., xiv, 5 ; ’0&lqu’v, Deut., ii, 10, 11, ont traduit ici par tôv’Ixpesv ; de même Aquila, Symmaque et Théodotion mettent
MIjaïv, l[i.B ! .[i : ce qui suppose une lecture semblable au texte massorétique et nous montre en tout cas que les traducteurs grecs n’ont pas vu ici le peuple géant connu dans la Bible. Il faut avouer enfin que l’auteur sacré est par trop laconique s’il veut parler d’un combat ou même d’une escarmouche. — 4° Le sentiment général parmi les commentateurs est d’accord avec la Vulgate pour admettre dans notre récit la découverte d’ « eaux chaudes ». Saint Jérôme, Lib. heb. Qusest. in Genesim, t. xxiii, col. 994, rattache le mot yêmim « à la langue punique, qui est voisine de l’hébreu ». Gesenius, Thésaurus, p. 586, et Fûrst, Hebrâisches Handuiôrterbuch, Leipzig, 1876, t. r, p. 516, le font venir de la racine D->, yôm, do>, yâmam, « être chaud, a qui a pour correspondant l’arabe « ^^a., hambn, et le syriaque Jv* -V) -- hamîma’, « thermes. » C’est en somme l’explication la plus naturelle, et l’on comprend alors la signification de la circonstance ajoutée par l’historien sacré : « pendant qu’Ana gardait les ânes de son père. » Ces animaux contribuèrent sans doute à la découverte, de même que les eaux de Karlsbad furent trouvées par un chien de chasse de Charles IV, qui en poursuivant un cerf se jeta dans une source chaude, et par ses hurlements attira les chasseurs. Cf. Keil, Genesis, Leipzig, 1878, p. 274. Dans cette hypothèse, il s’agit ici des sources thermales que l’on rencontre sur une certaine étendue à l’est de la mer Morte, et dont le groupe principal porte le nom de Callirrhoé.
II. Description. — Les sources de Callirrhoé, aujourd’hui Hammam ez-Zerqa, n’ont été visitées que par un tout petit nombre de voyageurs depuis Irby et Mangles, en 1818. La description la plus complète nous en est donnée par Tristram, The Land of Moab, in-8o, Londres, 1874, p. 240-252 ; nous la résumons dans les lignes suivantes. Il est presque aussi difficile de décrire ce site que de le photographier, aucun point ne permettant d’en saisir une vue générale. Enterrée dans la fente profonde d’un magnifique ravin, Callirrhoé ne peut pas même être soupçonnée du voyageur qui passe sur les hauteurs voisines. C’est seulement en approchant du bord septentrional qu’on aperçoit cette crevasse aux lianes rudes et escarpés, avec une masse de roches basaltiques ( fig. 28). La face nord diffère beaucoup de la face méridionale. Moins raide, plus impraticable cependant et plus élevée de soixante mètres, elle est formée d’un calcaire blanc légèrement teinté par la végétation jusqu’au fond du ravin, où apparaît le grès rouge. À partir de ce point, des fourrés de roseaux, à travers lesquels les sangliers ont tracé leurs sentiers, et de hauts palmiers marquent le cours des petils ruisseaux d’eau thermale sullureuse, qui murmurent en descendant vers le fond de l’ouadi et forment une série de petites cascades. De grands rochers noirâtres, à l’aspect volcanique, composés de dépôts sulfureux, et dont quelques-uns ont jusqu’à cinquante mètres de hauteur, sont couverts de plantes assez rares. Une asclépiade (Dœmia cordata), dont la fleur est petite, d’un rouge sombre, avec fond blanc, croît uniquement dans les « moraines » de la source principale. Une autre plante qu’on trouve seulement sur les rochers sulfureux et basaltiques est une crucifère assez semblable à la giroflée des murailles comme forme et comme accroissement, avec une tige couleur de soufre et des fleure orange pâle. On remarque encore de splendides orobanches, de deux espèces particulières, un géranium rose qui abonde parmi les pierres, et, dans les interstices des rochers, des masses de renoncules et de cyclamens. Pour la botanique de cette contrée, voir Palestine Exploration Fund, Quarterly Statement, 1888, p. 188.
C’est au point de jonction du grès rouge et du calcaire, du côté nord et vers le bas de la falaise, que jaillissent les sources de Callirrhoé ; elles sont au nombre de dix, disposées sur une longueur de quatre kilomètres environ. Leur température est de 65 à 70 degrés centigrades. Les
plus chaudes et les plus sulfureuses sont à l’ouest, vers l’embouchure de l’ouadi. Près de la cinquième, on observe un phénomène curieux, ce sont des troncs de palmiers pétrifiés en une sorte de craie poudreuse, qui s’émiette au toucher. La septième et la huitième, à l’ouest, jaillissent au pied de la falaise avec une grande force, et tombent dans un bassin, pour disparaître bientôt sous une épaisse couche d’incrustations qu’elles ont elles-mêmes formées. Les Arabes utilisent ingénieusement ce petit canal souterrain pour se ménager des bains. La
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28. — Callirrhoé. D’après une photographie.
dixième et dernière source est la plus chaude. Josèphe, Ant. jud., XVII, VI, 5, déclarait que l’eau de ces sources était bonne à boire. Tristram, The Land of Moab, p. 241, a confirmé cette assertion en disant que, bien qu’imprégnée de soufre, elle n’était pas du tout nauséabonde, et qu’il en but volontiers, sans inconvénient ; elle donnait seulement une légère saveur au thé. — Quant aux ruines romaines ou aux vestiges de la résidence d’Hérode en ce lieu, pendant le séjour qu’il y fit, c’est en vain qu’on les cherche aujourd’hui ; de même en est-il des monnaies, qu’on trouvait encore au temps d’Irby et de Mangles. A cela rien d’étonnant, car le dépôt sulfureux s’est formé si rapidement, que les constructions romaines, quelles qu’elles aient été, doivent être maintenant de plusieurs mètres au-dessous du sol. — On peut voir aussi U. J. Seetzen, Reisen dureh Syrien, Palâstina, etc., édit. Kruse, 4 in-8o, Berlin, 1854, t. ii, p. 336-338 ; E. Piobinson, Pliysical geograiJiy of the Holy Land,
in-8o, Londres, 1865, p. 163-164.- CALLISTHÈNE##
CALLISTHÈNE (Septante : Ka).)u<r6lvi, ; ), Syrien que le peuple de Jérusalem célébrant la victoire remportée sur Nicanor, brûla dans une maison particulière où il s’était réfugié. II Mach., viii, 33. Il s’était fait remarquer au pillage du temple, I Mach., i, 33, et iv, 38, en mettant le feu aux portes sacrées. II Mach., viii, 33. Il reçut ainsi le juste salaire de son impiété. E. Levesqle.
- CALMET Antoine##
CALMET Antoine, en religion dom Augustin, célèbre commentateur de la Bible, né le 26 février 1672 à Ménil
la-Horgne, auprès de Commercy (Meuse), et mort à l’abbaye de Senones, le 25 octobre 1757. Après avoir fait ses humanités au prieuré de Breuil et sa rhétorique (1687-1688) à l’université de Pont- à -Mousson, il prit l’habit monastique à l’abbaye bénédictine de Saint-Mansuy de Toul, et, son noviciat terminé, y fit profession religieuse, le 23 octobre 1689. Ses études de philosophie, commencées à Saint-Èvre de Toul, furent achevées, aussi bien que celles de théologie, à Munster, en Alsace. Dans la bibliothèque de cette abbaye, dom Augustin trouva la petite grammaire hébraïque de Buxtorf et quelques livres de la Bible dans leur langue originale. Cette circonstance insignifiante eut une influence notable sur le reste de sa vie et fui le point de départ de ses travaux sur l’Écriture. Il emporta secrètement ces volumes dans sa cellule et entreprit d’apprendre l’hébreu sans le secours d’aucun maître. Au bout de quelques mois il obtint, non sans peine, la permission de consulter le ministre luthérien Fabre, qui administrait la communauté protestante de Munster et avait une connaissance étendue de la langue hébraïque. Ce ministre donna des conseils à l’étudiant bénédictin et lui prêta la Bible hébraïque de Hutter et un des dictionnaires de Bux-’toi’f. À l’aide de ces ressources, Calmet devint bientôt assez habile pour comprendre le texte sacré dans l’original. Il s’appliqua aussi au grec, dont l’intelligence ne lui était pas moins nécessaire pour les travaux d’exégèse qu’il méditait. Ordonné prêtre le 17 mars 1696, dom Calmet passa à Moyen-Moutier et devint membre d’une académie que dirigeait dom Hyacinthe Alliot le jeune. Là et à Toul, où il résida quelques mois, sous un maître habile et avec le concours de ses confrères, il entreprit dans les écrits des Pères et des commentateurs modernes, dans les classiques grecs et latins et mémo dans les relations des voyageurs, des recherches sur tout ce qui pouvait éclairer les passages difficiles de l’Écriture. En six années, il rédigea presque tout son Commentaire sur l’Ancien Testament et quelques dissertations spéciales. Sur deux d’entre elles, concernant Ophir et Tanis, il consulta, au mois de mai 1704, Mabillon. Nommé sous-prieur de l’abbaye de Munster, en 1704, il termina avec l’aide de jeunes religieux, dont il dirigeait les études, l’œuvre qui devait l’immortaliser, et qu’il résolut définitivement alors de publier. Dans ce dessein, au commencement de 1706, il demanda au chapitre général de sa congrégation l’autorisation d’aller habiter Paris, afin d’y consulter des livres rares qui ne se trouvaient pas en Lorraine et d’y chercher un éditeur. Sur le conseil de l’abbé Duguet et malgré des avis diil’érents, Calmet se décida à donner son ouvrage en français, comme il avait été écrit. Le premier volume parut en 1707, chez Pierre Émery, sous le titre de Commentaire littéral sur tous les livres de l’Ancien et du Nouveau Testament. Les autres, imprimés successivement, furent accueillis avec faveur par le clergé et les savants. Ce légitime succès n’empêcha pas les critiques. En 1709, Fourmont attaqua vivement, dans deux lettres, divers passages du commentaire sur la Genèse, et reprocha à l’auteur de n’avoir pas tenu assez compte des interprétations des rabbins. L’année suivante, Calmet publia quatre Lettres de l’auteur du Commentaire littéral sur la Genèse, pour servir de réponse à la critique de M. Fourmont contre cet ouvrage. Richard Simon, dans une série de lettres adressées au P. Souciet et à d’autres savants, discuta plusieurs explications de Calmet. Comme la publication de ces lettres ne fut pas autorisée, la réponse de Calmet resta inédite. Ces hostilités, les lenteurs du libraire et un procès intenté au typographe pour avoir imprimé la traduction française de la Bible de Sacy retardaient l’apparition des deux derniers volumes du Commentaire. La première édition ne fut terminée qu’en 1716 ; elle compte 23 volumes in-4°. Dans l’intervalle, l’auteur avait été nommé, en 1715, prieur de Lay-Saint-Christophe. Mais, pour satisfaire aux nombreuses dernmdes du public, l’éditeur dut, avant l’achèvement de
la première édition, en entreprendre une deuxième, dont le tome premier parut en 1714, et le dernier en 1720 ; elle compte 25 volumes in-4°. Une troisième et magnifique édition en 9 volumes in-f° fut publiée à Paris encore, de 1724 à 1726. Le dominicain Jean Dominique Mansi fit une traduction latine du Commentaire, Lucques, 1730-1738, 8 tomes en 9 volumes in-f° ; réimprimée à Augsbourg et à Gràtz, chez Weith frères, 1734, etc., 8 in-f°, et à Wùrzbourg, 1789-1793, 19 in-4°. Un religieux somasque, François Vecelli, publia une autre traduction latine à Venise, 1730, 6 in-f", et à Francfort-surle -Mcin, 6 in-f".
Dans ce vaste ouvrage, on trouve : 1° une introduction particulière à chacun des livres de la Bible ; 2° en regard du texte latin de la Vulgate, la version française de Sacy ; 3° sur un ou plusieurs versets, au bas de chaque page, un commentaire plus ou moins étendu ; 4° des dissertations, au nombre de cent quatorze, sur des points spéciaux et les passages difficiles du texte sacré. Le commentaire expose principalement le sens littéral. L’auteur reproduit les meilleures explications des exégèles anciens et modernes, auxquelles il ajoute au besoin ses propres interprétations. Résultat d’immenses recherches et de connaissances fort étendues, son œuvre laisse à désirer. « Dom Calmet avait travaillé avec un peu trop de vitesse, sa critique n’était pas toujours assez judicieuse, assez sûre. Versé médiocrement dans la connaissance de l’hébreu, il n’avait point étudié les autres langues orientales, qui offrent, pour la parfaite intelligence du langage des livres de l’Ancien Testament, un secours précieux et même indispensable. » Quatremère, dans le Journal des savants, octobre 1845, p. 595. Il a passé trop légèrement sur des textes difficiles, et s’est contenté trop souvent d’aligner des interprétations différentes, sans porter de jugement et laissant le, lecteur indécis. Son style est négligé, diffus et trop uniforme. Lui-même l’a justement caractérisé dans une lettre à dom Matthieu Petitdidier, du 20 novembre 1711 : « J’écris tout simplement comme je pense, sans détours et sans finesse. » Néanmoins son ouvrage, « d’un travail très considérable et d’une grande érudition » (Ellies Dupin, Bibliothèque des auteurs ecclésiastiques du xra’siècle, t. vii, p. 174), a ramené les commentateurs de la Bible à une sage exégèse, et a servi longtemps de base aux études scripturaires des catholiques et des protestants eux-mêmes.
En préparant son Commentaire, Calmet recueillit les matériaux d’une Histoire de l’Ancien et du Nouveau-Testament et des Juifs, pour servir d’introduction à l’Histoire ecclésiastique de M. Fleury, Paris, 1718, 2 in-4°. Des additions nombreuses augmentèrent l’étendue des autres éditions, 1718, 4 in-12 ; 1725, 7 in-12 ;
; 1737, 4 in-4° ; 1770, 5 in-4°. Elle fut traduite en anglais
par Th. Stadehouse, 2 in-f », Londres, 1740 ; en allemand, 1 in-f°, Augsbourg, 1759, et en latin, 5 in-8°, Augsbourg. L’auteur s’était flatté de la voir devenir « classique » ; mais elle était trop étendue et sa composition trop peu attachante pour mériter cet honneur. L’Histoire de la vie et des miracles de JésusChrist, in-12, Paris, 1720 ; Nancy, 1728, extraite en partie de l’ouvrage précédent, contient un exposé clair et concis de la vie du Sauveur et une bonne dissertation sur sa double généalogie.
Devenu abbé de Saint -Léopold de Nancy, Calmet acheva son Dictionnaire historique, critique, chronologique, géographique et littéral de la Bible, commencé dès 1711. Son but était de populariser la science sacrée et de disposer par ordre alphabétique toute la substance du Commentaire et d’autres documents qu’il n’y avait pas employés. Les deux in-folio dont l’ouvrage se composait étaient complètement imprimés avant la fin de 1719, lorsque les éditeurs s’imaginèrent que le débit serait plus prompt et plus assuré, s’ils y joignaient des gravures. Ils firent donc exécuter cent cinquante planches, très médiocres, qu’ils y insérèrent. L’auteur, de son côté, ajouta au tome premier une Bibliothèque sacrée, ou liste très étendue et non sans
mérite des livres propres à faciliter l’étude de la Bible, : et, au tome second, une chronologie sacrée, la réduction des monnaies, poids et mesures des anciens, aux mon-’naies, poids et mesures de France, et une explication littérale des noms hébreux. Cette première édition fut mise en vente en 1722 seulement. Elle se ressentait de la précipitation apportée à sa rédaction ; on y constata l’absence de nombreux articles et l’insuffisance de quelques autres. Aussi Calmet composa-t-il un Supplément du Dictionnaire de la Bible, Paris, 1728, 2 in-f ». Les libraires de Genève en firent une contrefaçon, 4 in-4° sans figures, 1729 et 1730. Dans une deuxième édition, 4 in-f°, Paris, 1730, les articles de la première et du supplément furent remaniés et refondus, des améliorations et des additions importantes furent introduites, et de nouvelles figures, qui n’étaient pas mieux réussies que les premières, ajoutées. Cette édition a été plusieurs fois reproduite, 6 in-8°, Toulouse, 1783, sans gravures, et 4 in-8°, Paris, 1845. A cause de son utilité, le Dictionnaire fut bientôt traduit en latin par Mansi, 4 in-f », Lucques, 1725-1732, sans gravures ; 4 in-f », Ausgbourg et Grâtz, 1729-1738, avec gravures, et par un autre écrivain, 4 in-f°, Venise, 1726, etc., avec gravures ; en allemand, par Glockner, 4 in-4°, Liegnitz, 1751-1754 ; 2 in-8°, Hanovre, 1779-1781 ; en anglais, par S. d’Oyley et John Colson, 3 in-f°, Londres, 1732 ; 3 in-f », Cambridge, 1745 ; 5 in-4°, Londres, 1817-1828. C’est le meilleur, le plus utile et le plus estimé des ouvrages exégétiques de dom Calmet.
Un libraire d’Avignon ayant donné dès 1715, en 5 in-8°, une édition subrepfice des Dissertations détachées du Commentaire, les éditeurs français entreprirent une publication de même nature. Calmet rangea ses préfaces et dissertations dans un ordre méthodique, y ajouta dix-neuf dissertations nouvelles, et publia le tout sous ce titre : Dissertations qui peuvent servir de prolégomènes sur l’Écriture Sainte, 3 in-4°, Paris, 1720. Le premier volume renferme les dissertations relatives aux Livres Saints en général, le deuxième celles qui concernent l’Ancien Testament, et le troisième celles qui se rapportent au Nouveau. Les dix-neuf dissertations inédites sontmêlées aux autres et occupent la place que leur assigne l’ordre des matières. Cette collection obtint un tel succès, qu’elle fut réimprimée deux fois en Hollande, sous le titre de Trésor d’antiquités sacrées et profanes, 3 in-4° et 12 in- 12, Amsterdam, 1722. Elle fut traduite en anglais par Samuel Parker, Oxford, 1726 ; en latin par Mansi, 2 in-f°, Lucques, 1729 ; en hollandais, Rotterdam, 1728-1733 ; en allemand par Jean-Daniel Overbeck, avec une préface et des notes de Mosheim, 6 in-8°, Brème, 1738, 1744, 1747, et en italien. En faveur des possesseurs des deux premières éditions du Commentaire, Calmet édita séparément les dix-neuf Nouvelles dissertations importantes et curieuses sur plusieurs questions qui n’ont pas été traitées dans le Commentaire littéral sur tous les livres de l’Ancien et du Nouveau Testament, in-4°, Paris, 1720.
L’année durant laquelle il fut élu abbé de Senones, en 1729, Calmet publia un Abrégé chronologique de l’histoire universelle sacrée et profane, depuis le commencement du monde jusqu’à nos jours, Nancy, in-12 ; traduit en latin, Nancy, 1733, in-12. Il avait rédigé aussi un Tableau de l’Ancien et du Nouveau Testament, qui eût formé 2 in-4°. Cet ouvrage ne vit pas le jour à part, mais fut introduit dans VHistoire universelle sacrée et profane, depuis le commencement du monde jusqu’à nos jours, 17 in-4°, Strasbourg, Senones et Nancy, 1735-1771. Cette histoire, peu estimée, fut traduite cependant en latin par Meyer, Augsbourg, 1744, etc. ; en allemand par le P. Augustin d’Ornblut, 12 in-12, Augsbourg, 1776-1797 ; en italien par Salvaggio Canturani, Venise, 1742, etc., et les six premiers volumes en grec moderne, par ordre de l’hospodar de Valachie, Constantin Mavrocordato.
L’abbé de Senones ne fut pas entièrement distrait de
l’exégèse par ses travaux historiques. En 1731, il inséra dans le Mercure de France, mai, p. 891-901, une Lettre au sujet de la prophétie attribuée au roi David, Ps. xcv, 10 : « Dominus regnavit a ligno. » Quand l’abbé Rondet publia sa Bible, Calmet lui fit remettre, en 1742, onze dissertations nouvelles sur le paradis terrestre, l’arche de Noé, l’universalité du déluge, la ruine de Sodome et de Gomorrhe et la métamorphose de la femme de Lot, la manne, les faux messies qui ont paru depuis Jésus-Christ, la prophétie d’isaïe, xviii, la mort de la sainte Vierge, le Juif errant et la prophétie, Ps. xcv, 10. On les lit dans toutes les éditions de la Bible de Rondet ou de Vence. Calmet envoya encore au Mercure de France, décembre 1756 et janvier 1757, une Lettre sw la terre de Gessen et sur le royaume de Tanis, en Egypte. Les autres travaux scripturaires de sa vieillesse sont restés inédits, à savoir : 1° un Mémoire inachevé pour répondre aux attaques de La clef du cabinet, Luxembourg, 1749 et 1750, contre la chronologie sacrée du Dictionnaire ; 2° une multitude de Remarques, fort courtes, sur divers passages de l’Écriture (Bibliothèque municipale de SaintDié) ; 3° Réflexions sur l’idée que les Juifs se sont formée du Messie qu’ils attendent ; 4° Dissertation sur la chronologie du sixiènte âge du monde. Ses lettres et celles de ses nombreux correspondants, en partie inédites et conservées dans les bibliothèques des villes de SaintDié et de Nancy et du grand séminaire de Nancy, prouvent qu’il était consulté de tous côtés sur la Bible, et contiennent beaucoup d’indications intéressantes sur la littérature sacrée du XVIIIe siècle.
Voir Calmet, Bibliothèque lorraine, 1751, col. 209-217, et Notes autographes, publiées par Dinago à la suite de VHistoire de Senones, Saint-Dié, 1881, p. 415-421 ; dom Fange, La Vie du Très Révérend Père D. Aug. Calmet, Senones, 1762, traduite en allemand par Sébastien Sailer, Augsbourg, 1768, et en italien par M9 r Passionei, Rome, 1770 ; Histoire de l’abbaye de Senones, dans Documents rares ou inédits de l’histoire des Vosges, t. VI, 1880, p. 95-150 ; L. Maggiolo, Éloge historique de D. A. Calmet, Nancy, 1839 ; Edouard de Bazelaire, Dom Calmet et la congrégation de Saint-Vanne, dans le Correspondant, t. ix, 1845, p. 703-727, 846-874 ; A. Digot, Notice biographique et littéraire sur dom Augustin Calmet, Nancy, 1860 ; Hurter, Nomenclator litterarius, t. ii, 1879-1881, p. 1300-1305. E. Mangenot.
CALOMNIE. Les bergers d’Isaac ayant creusé un puits dans la vallée de Gérare, les bergers du pays leur en disputèrent la possession, ce qui fut cause qu’Isaac appela ce puits’Êséq, c’est-à-dire « Altercation, Rixe ». La Vulgate a traduit le nom hébreu par Calomnie. Gen., xxvi, 20. Voir Éseq.
- CALONA##
CALONA, Thomas de Palerme, de son nom de famille Calona, né en 1599, prit l’habit des Capucins le 15 novembre 1620. Il fut un savant hébraïsant. Il mourut dans la force de l’âge, à Trapani, le 14 décembre 1644, peu après avoir donné au public : Commentaria moralia super duodecim prophetas minores, Palerme,
1641. P. AFOLLINA.IRE.
- CALOR##
CALOR (hébreu : Bammaf), I Par., ii, 55. Voir
Rechab 2.
- CALOV Abraham##
CALOV Abraham, luthérien allemand, né le 16 avril 1612 à Morhungen, mort le 25 février 1686 à Wittenberg. Il avait étudié à l’université de Kœnigsberg, et fut successivement ministre à Rostock, à Kœnigsberg, à Danlzig et à Wittenberg, où il devint surintendant général. Il réunit les articles épars de la dogmatique luthérienne et en fit un corps de doctrine. Calov a beaucoup écrit ; nous ne mentionnerons que les ouvrages suivants qui se rapportent aux études sur l’Écriture Sainte : Genca
logia Cliristi ab erangelistis Matlhseo et Luca conscripta, in-4°, Wittenberg, 1652 ; Epistola Judée, analgtice, c.cegctice et polemice explicata, in-8°, Wittenberg, 1654 ; Discussio infallibilitalis novse chronologies biblicse C. Ravii, in-4°, Wittenberg, 1670 ; Commentarius in Genesim, iu-4°, Wittenberg, 1671 ; Biblia veteris et Novi Testamenti illustrata, seu commentarius in Vêtus et Novum Teslamentum in quo ut unicus lilteralis Scriptural sensus undequaque asserilw et confirmatur : præmissis -chronico sacro, tractatus de nummis, ponderibas et mensuris, insertis et vefutatis annotationibus Grotianis universis, 5 in-f", Francfort-surle -Mein, 1672-1676 ; 4 in-f », Dresde, 1719 ; Deutsche Bibel D. Martini Lutherï, ausder Grundsprache, demi Context und Parallelsprachen, mit Beyfùgung der Auslegung, die in Lutheri Scliriften zu finden, erklàrl, in-f", Wittenberg, 1682 ; Crilicus sacer Biblicus de Sacrée Scripturse auctoritate, canone, lingua originali, fontium puritate ac versionibus præcipuis imprimis vero Vulgata latina et grœca LXX interpretum, in-4°, Wittenberg, 1683 ; Apodixis articulorum fideie solis Sacrée Scripluree locis credenda demonstrans, in-4°, Lunebourg, 1684. Ugolini, clans son Thésaurus antiquitatum sacrarum (1744-1769), a publié une dissertation de cet auteur, De statu Judseorum ecclesiastico et polilico, ab anno primo Nativitatis Christi usque ad excidium Hierosolymæ t. xxiv, col. mxxvii. — VoirWalch, Bibl. theol., t. iii, p. 13, 14, 86, 410 ; t. iv, p. 181, 191, 202, etc. ; Kirchmaier G., Programma in funere A. Calovii, in-f°, Wittenberg, 1686 ; Orme, Bibliotlieca biblica (1824), p. 74.
- CALPHI##
CALPHI (Septante : XctXcpî), père de Juda, capitaine de l’armée de Jonathas. I Mach., xi, 70.
- CALUBI##
CALUBI (hébreu : Kelûbaï ; Septante : 6XâXeê), fils d’Hesron, le même personnage que Caleb 2.
- CALVAIRE##
CALVAIRE, lieu où fut crucifié Notre -Seigneur. — I. Signification du mot. — La transcription grecque du nom donné au Calvaire par les Juifs est ToXfoôS, Matth., xxvii, 33, mot qui correspond à Taraméen gulgotfâ, et à l’hébreu gulgolét, avec le sens de « crâne », du verbe gâlal, « rouler, » d’où la signification dérivée de « chose qui peut rouler, objet sphérique, crâne ». Saint Matthieu, saint Marc et saint Jean traduisent Golgotha par xpavïou TÔito ; , « le lieu du crâne ; » saint Luc, xxiii, 33, rend plus littéralement le mot hébreu par le grec xpaviov. Le féminin latin, employé par la Vulgate, calvaria, a le même sens de « crâne » dans Pline, H. N., xxviii, 2 ; xxx, 18. On a expliqué de trois manières différentes le nom donné au Calvaire :
1° C’est à cet endroit qu’on exécutait les criminels et qu’on enterrait sur place leurs cadavres. À la suite de saint Jérôme, dans son commentaire sur S. Matthieu, xxvii, 33, t. xxvi, col. 526, un certain nombre de commentateurs, jusqu’au XVIIe siècle, ont admis cette explication. Elle n’est pas acceptable, pour les raisons suivantes : — 1° Les Juifs n’avaient pas d’emplacement fixe pour l’exécution des sentences capitales. Il était seulement requis que le supplice eût lieu hors de la ville. Talmud de Babylone, Sanhédrin, ꝟ. 42 b. — 2° Il y avait à quelques pas du Calvaire un jardin dans lequel Joseph d’Arimathie s’était préparé un tombeau. Il n’est pas à croire qu’un riche membre du sanhédrin eût choisi, pour y placer sa sépullure, l’endroit où l’on mettait à mort les criminels.
— 3° Dans cette hypothèse, il eût été bien plus naturel d’appeler le Calvaire « le lieu des crânes », ou mieux encore « le lieu des cadavres ». Mais ce dernier nom lui-même ne pouvait convenir : on ne voyait là ni crânes ni cadavres. Le crucifié était achevé et détaché de sa croix dès le soir même, et le lapidé enseveli de suite ; car la loi juive ne permettait de laisser à découvert ni cadavres ni ossements humains.
2° Le Calvaire, d’après une opinion fort ancienne, devrait son nom au crâne d’Adam. C’était, en effet, une croyance assez répandue parmi les anciens, que le premier homme avait été enseveli dans la cavité inférieure du rocher du Golgotha. Origène, In Matth., 126, t. xiii, col. 1777 ; S. Athanase, De passione et cruce Domini, 12, t. xxviii, col. 207 ; S. Ambroise, J » Luc, x, 114, t. xv, col. 1832 ; Paula et Eustochium, Ep. ad Marcellam, xlvi, dans les Œuvres de saint Jérôme, t. xxii, col. 485, etc. C’est en souvenir de cette tradition que la chapelle souterraine du Calvaire est consacrée à Adam, et qu’au pied des crucifix on place souvent une tête de mort. — Mais cette tradition ne repose sur aucun fondement solide. Ni l’Ancien ni le Nouveau Testament n’en font mention, et il est bien certain que si les Juifs du temps de Notre - Seigneur l’avaient connue, ils n’auraient pas choisi cet endroit-là même pour y crucifier des condamnés. En réalité, Adam n’a été enseveli ni à cet endroit ni à Hébron, comme on le conclut à tort d’un texte mal traduit de la Vulgate. Jos., xiv, 15.
3° Le plus probable est que le nom du Calvaire lui venait de la configuration même du rocher, qui devait reproduire plus ou moins fidèlement la forme d’un crâne. C’est l’opinion que semble adopter saint Cyrille de Jérusalem, Catech. xiii, 23, t. xxxiii, col. 802, mieux placé que personne pour savoir à quoi s’en tenir. On sait avec quelle facilité le langage populaire donne à certains reliefs pittoresques du sol le nom des objets auxquels ils ressemblent. Rien de plus commun, par exemple, dans les pays de montagnes, que les noms d’aiguille, de fourche, de dent, de tête, etc. Le premier livre des Rois, xiv, 4, parle de rochers en forme de dents, et la montagne où l’on croit communément aujourd’hui que Notre -Seigneur prononça les béatitudes s’appelle les Cornes d’Hattin. Strabon, xvii, 3, donne à un promontoire le nom de xeçocW, « têtes ». Le nom du Calvaire aurait donc quelque analogie avec le mot « Chaumont », calvus nions, « mont chauve », si commun en France.
II. L’emplacement du Calvaire. — Saint Jean, xix, 20, dit que « le lieu où fut crucifié Jésus-Christ était près de la ville », et saint Paul, Hebr., xiii, 12, ajoute que Notre-Seigneur a souffert « hors de la porte ». Cette double indication répond parfaitement à l’intention bien connue des Juifs. Obligés de crucifier Jésus-Christ hors de la ville, ils firent en sorte cependant que son supplice pût avoir le plus de témoins possible, et pour cela choisirent le premier endroit propice, sur le bord de la route et en vue des murs de Jérusalem. L’emplacement assigné par la tradition au Calvaire et au saint Sépulcre répondil à ces conditions ? Oui, sans nul doute.
1° Données topographiques. — La ville de Jérusalem a eu plusieurs enceintes successives, dont Josèphe donne la description, Bell, jud., V, iv, 2. La première et la plus ancienne enfermait la colline où était bâti le temple (mont Moriah) et le mont Sion actuel ; elle franchissait en deux points la vallée du Tyropæon, qui sépare les deux collines. La seconde enceinte entourait le quartier bas appelé Acra, et situé à l’angle intérieur formé par la première enceinte, au nord de Sion et à l’ouest du Moriah. La troisième enceinte eut pour but d’annexer à la ville le quartier bâti au nord, sur la colline de Bézétha. Elle fut commencée, dans des proportions magnifiques, par le roi Hérode Agrippa (37-44), qui interrompit le travail sur les injonctions de l’empereur Claude, animé d’une juste défiance envers les Juifs. Ceux-ci achevèrent la muraille à l’époque du siège de la ville par Titus. Josèphe dit expressément que cette troisième enceinte « traversait les cavernes royales ». Ces cavernes sont d’immenses carrières calcaires qui s’étendent au-dessous de Bézétha, et d’où l’on a tiré des matériaux pour les grandes constructions de Jérusalem (Voir Carrière). L’enceinte actuelle les traverse. On est amené par là à conclure que la troisième enceinte de Josèphe suivait à peu près le périCALVAIRE
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mètre de l’enceinte actuelle. Celte troisième enceinte n’existait pas encore du temps de Jésus-Christ ; le Calvaire était donc alors en dehors de la ville (voir Jérusalem), probablement à une centaine de mètres au delà des murailles de la seconde enceinte.
2° Données traditionnelles. — À aucune époque de l’histoire, la connaissance du véritable emplacement du Calvaire n’a pu se perdre chez les chrétiens. Au temps de Notre-Seigneur, les environs de ce lieu commençaient à se peupler, puisque dix ans seulement plus tard, Hérode Agrippa (37-41) jugea à propos d’annexer toute cette région à la ville, en bâtissant la troisième enceinte. Josèphe, Ant. jud., XIX, vii, 2. Le saint Sépulcre appartenait à Joseph d’Arimathie. Nul doute que lui ou d’autres disciples du Sauveur ne se soient assuré la possession du Calvaire, et n’aient entouré ces lieux du plus profond respect. Au moment du siège, tout fut bouleversé dans ce quartier ; mais ni le saint Sépulcre, qui était un monument monolithe taillé dans le roc, ni le rocher du Calvaire, n’eurent à souffrir gravement, à raison de leur nature même. Si l’accès des restes de la ville fut ensuite interdit aux anciens habitants, « il va de soi que juifs et chrétiens firent souvent des visites furtives aux ruines de leurs Lieux Saints. » Duchesne, Les origines chrétiennes, in-8°, Paris, 1878-1881, p. 127. Cf. S. Cyrille de Jérusalem, Catecli. xvii, 16, t. xxxiii, col. 988. Bien plus, « quelque temps après les tragiques événements de l’an 70, quelques colons juifs et chrétiens se hasardèrent à venir demeurer au milieu de ces ruines, et y bâtirent des cabanes, de même qu’une petite église chrétienne, à l’endroit même où les premiers fidèles avaient coutume de se réunir après l’ascension du Sauveur, pour célébrer le repas eucharistique. » Hefele, Histoire des conciles, traduct. Goschler, Paris, 1869, t. i, p. 393 ; S. Épiphane, De mensur. et ponder., xiv, t. xliii, col. 260. Du reste, dès l’année 62, saint Siméon, qui était de la race de David, avait succédé au premier évêque de Jérusalem, saint Jacques le Mineur ; il ne fut lui-même martyrisé qu’en 110, sous Trajan. Eusèbe, H. E., iii, 32, t. xx, col. 281. Jusqu’en 132, des évêques judéo-chrétiens furent à la tête de l’Église palestinienne, et ne purent laisser se perdre les traditions concernant les Saints Lieux.
— Après la révolte de Barcochébas, Hadrien fit de Jérusalem une colonie romaine, sous le nom d’^lia Capitolina, et en interdit totalement l’entrée aux Juifs. La petite communauté chrétienne qui se réunit dans la nouvelle ville fut donc composée de convertis d’origine païenne, et Marc devint alors le premier évêque hellénochrétien de Jérusalem. Mais la Providence voulut que l’empereur prit soin de bien marquer lui-même la place du Calvaire, en érigeant une statue à Vénus sur le Golgotha, et une autre à Jupiter au-dessus du saint Sépulcre. Eusèbe, De Vita Constantin., iii, 26, t. xx, col. 1087 ; S. Jérôme, Ep. lviii ad Paulin., 3, t. xxii, col. 581. Aussi lorsque sainte Hélène vint à Jérusalem, deux cents ans plus tard, pour restaurer les Lieux Saints, elle trouva la place du Calvaire nettement indiquée par les monuments d’Hadrien. D’ailleurs, à leur défaut, la tradition orale eût amplement suffi à la renseigner, puisqu’on n’était séparé des contemporains du Sauveur que par un très petit nombre de générations. — La basilique élevée par sainte Hélène au-dessus du saint Sépulcre devint, à partir do ce moment, l’attestation monumentale de l’eudroit où Notre-Seigneur avait souffert. Sans doute cette basilique fut plusieurs fois depuis détruite et rebâtie ; mais les substructions restèrent toujours en place, et les nouvelles constructions s’élevèrent invariablement sur l’emplacement des anciennes. Dans les intervalles, aucun monument étranger ne se dressa sur les ruines. La perpétuité d’un souvenir de cette importance, toujours localisé au même endroit, soit avant, soit après Constantin, constitue une preuve du premier ordre en faveur de l’authenticité des lieux actuellement vénérés comme ayant été témoins de la passion du Sauveur. Toutes les communions chrétiennes
sont aujourd’hui réunies dans la basilique du SaintSépulcre : catholiques, grecs, arméniens, coptes, syriens, ont la conviction d’être en possession des Lieux Saints. Bon nombre de doctes protestants partagent leur avis, et à nul autre endroit de Jérusalem ne se trouve un monument, une ruine, un simple souvenir, pour revendiquer l’honneur d’avoir porté la croix du Sauveur. Voir V. Guérin, Jérusalem, II, ix (Authenticité du Golgotha et du Saint-Sépulcre), in-8°, Paris, 1889, p. 305-316 ; Sepp, Jérusalem und das Iteiline Land, Schaffouse, 1862, 1. 1, p. 174 ; Furrer, dans le Bibellexicon de Schenkel, t. ii, p. 506-508.
III. Transformations slxckssives du Calvaire. — 1° De NotreSeigneur à Constantin, — Le Calvaire n’était à l’origine ni une colline, ni même un monticule. V. Guérin, Jérusalem, p. 329. Il offrait l’aspect d’une simple protubérance rocheuse, élevée d’un côté à quatre ou cinq mètres du sol, et de l’autre s’inclinant en pente douce. La face abrupte de ce rocher était percée d’une grotte assez étroite. La route passait vraisemblablement à quelques mètres on avant, et de l’autre côté de cette route, dans la direction du nord-ouest, se trouvait le jardin de Joseph d’Arimathie, avec un sépulcre taillé dans le roc, à une trentaine de mètres du Calvaire. Dans la direction opposée, à vingt-cinq ou trente mètres à l’est du Calvaire, il y avait une ancienne citerne creusée dans le roc et desséchée, dans laquelle furent abandonnés les instruments de la passion. Ce lieu n’avait donc par luimême rien de lugubre. On y voyait quelques rochers plus ou moins dénudés et des jardins, et l’on apercevait à une centaine de mètres le mur de la seconde enceinte de la ville, une ou deux des portes qui le traversaient et quelques-unes des quatorze tours qui le défendaient. — Pendant le siège de Jérusalem, l’armée de Titus occupa le quartier compris entre la seconde et la troisième enceinte pendant deux mois, jusqu’à la prise de la tour Antonia. L’attaque de la seconde enceinte se fit à deux endroits opposés, vers Antonia et du côté de la ville haute, aux environs de la piscine d’Ezéchias. F. de Saulcy, Les derniers jours de Jérusalem, in-8°, Paris, 1866, p. 283. La lutte ne s’engagea donc pas sur l’emplacement des Lieux Saints, et ceux-ci n’eurent pas à en souffrir. — Hadrien, poursuivant d’une même animosité les juifs et les chrétiens de Jérusalem, fit apporter à la configuration des Lieux Saints des modifications importantes, et pour en faire perdre le souvenir s’appliqua à les défigurer. Par son ordre, « on apporta de la terre des environs pour combler tout cet endroit. Quand ensuite on eut établi un remblai de hauteur considérable, ou le dalla de pierres. On ensevelit donc ainsi le sépulcre divin sous d’épais terrassements. Lorsque tout ce travail fut terminé, on construisit pardessus l’abominable et maudit sanctuaire. » Eusèbe, De Vita Constant., iii, 26, t. xx, col. 1035, La nouvelle place, ainsi constituée à plusieurs mètres au-dessus du sol primitif, fut ornée à ses deux extrémilés par deux petits temples consacrés l’un à Jupiter, et l’autre à Vénus -Astarté.
2° De Constantin à nos jours. — À son arrivée à Jérusalem, sainte Hélène fit déblayer l’emplacement comblé par Hadrien, et un architecte de Constantinople, Eustache, construisit au-dessus une vaste basilique qui comprenait dans son enceinte le saint Sépulcre, le Calvaire et le lieu.de l’invention de la croix. On en fit la dédicace solennelle en 335. — En 615, la basilique fut complètement incendiée par les Perses. À sa place, on se hâta de reconstruire quatre églises différentes, et, en 629, Héraclius rapporta solennellement la vraie croix dans celle qui contenait le saint Sépulcre. — En 636, le khalife Omar s’empara de la ville, se contenta de venir prier sur les marches de l’église du S.iintSépulcre, et fit bâtir une mosquée sur l’emplacement du temple de Salomon. — En 1009, le khalife Hakem, animé d’une haine féroce contre les chrétiens, fit détruire les quatre églises élevées au
dessus des -Lieux Saints. Les monuments furent « démolis jusqu’au ras du sol », dit Guillaume de Tyr, Hisl. rerum Iransm., i, 4, t. cci, col. 217. Mais, dès Tan 1048. ils furent relevés par l’empereur grec, Constantin IV Monomaque. — Le vendredi 15 juillet 1099, les croisés entrèrent à Jérusalem. Pendant leur occupation, ils reconstruisirent on partie les quatre églises, et les réunirent en une seule. A la reprise de la ville par les musulmans, en 1187, Saladin laissa aux chrétiens la jouissance de la basilique, et cette jouissance s’est perpétuée sans interruption jusqu’à nos jours. En 1230, le pape Grégoire IX confia la’ce trou, et ont remplacé par d’autres pierres les morceaux enlevés au rocher. À droite de l’autel, le rocher est fendu. Cette fente est à environ deux mètres du trou de la croix, du côté de la chapelle latine. Un grillage d’argent en recouvre l’ouverture supérieure. Elle a 1™ 70 de long, environ m 25 de large, et descend en profondeur jusqu’à la petite abside de la chapelle inférieure. Les parties saillantes d’une paroi correspondent exactement aux parties rentrantes de l’autre, de sorte qu’elles pourraient se rejoindre parfaitement. Le rocher lui-même est un calcaire compact, d’un blanc grisâtre avec de petites plaques rosées. Dès le IVe siècle, on croyait que la fente
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29. — Façade de l’église du Saint - Sépulcre.
garde du Saint-Sépulcre aux franciscains, et depuis lors l’ancienne église est restée debout (fig. 29), abritant toujours les lieux consacrés par la mort et la sépulture du Sauveur.
3° Etat actuel du Calvaire. — Le Calvaire est maintenant situé dans une assez vaste chapelle de la basilique (lig. 30). On y monte de l’intérieur de l’église du Saint-Sépulcre par un escalier de dix-huit hautes marches. Cetie chapelle forme un édicule qui s’élève à 4 m G0 au-dessus du sol de la basilique. Elle se compose de deux étages, l’un au niveau de l’église, l’autre au niveau de la surface supérieure du rocher. L’étage supérieur repose en partie sur le rocher même, en partie sur une voûte que soutiennent de gros piliers. Il est à peu près carré. Deux larges piliers le divisent en deux chapelles parallèles. La première (lig. 31), qui est, suivant la tradition, à remplacement où la croix fut dressée, a 13 m de long sur -t™ 50 de large. Elle appartient aux Grecs non unis. Au fond est un autel placé sur quatre colonnettes. Sous cet autel est le trou qu’on croit avoir été pratiqué dans le rocher pour y planter la croix. En 1810, les Grecs nonunis ont détaché à coups de ciseau la paroi intérieure de
30. — Plan d’une partie de l’église du Saint-Sépulcre. D’après le F. Liévin.
Fenêtre qui a vue dans la chapelle des Douleurs.
Porte fermée.
Lieu où l’on dit qu’étaient la sainte Vierge et saint Jean
pendant la Crucifixion.
Entrée de la chapelle grecque de Sainte -Marie-l’Egyptienne. Chapelle de Saint -Jean.
Chapelle de Saint -Michel.
Autel du Crucifiement.
Chambre sous le Calvaire.
Autel où se trouve le trou de la croix. Fissure qui se fit dans le rocher a la mort du Christ. Autel du Stabat Matir.
Chambre sous le Calvaire.
Ancien escalier conduisant au Calvaire. Escalier grec.
Entrée de la chapelle d’Adam.
Escalier latin.
X. Partie du Calvaire où l’on honore Notre-Seigneur dépouillé
de ses vêtements avant d’être cloué a la croix. XI. Lieu où Jésus-Christ fut cloué à la croix. XII. Lieu où fut dressée la croix de Notre-Seigneur. XIII. Endroit où Jésus-Christ fut descendu de la croix
avait été produite à la mort du Sauveur. Matth., xxvii, 51. Saint Cyrille de Jérusalem, Catech., iv, 10 ; xiii, 4 : t. xxxiii, col. 467, 775, écrivait : « Si l’on veut nier qu’un Dieu soit mort ici, qu’on regarde seulement les rochers déchirés du Calvaire. » — La seconde chapelle, ou du Crucifiement, à peu près de mêmes dimensions que la précédente, occupe l’endroit présumé où Notre-Seigneur fut cloué 83
CALVAIRE
sur la croix et où se tenait la sainte Vierge. Elle appartient aux Latins, et renferme deux autels, celui du Stabat ou de la Compassion, adossé au pilastre du fond, entre les deux chapelles des Grecs et des Latins, et celui du Crucifiement (fig. 32), qui occupe le fond de la chapelle latine. Vers le milieu de cette chapelle, on aperçoit par une fenêtre grillée un petit sanctuaire consacré à Notre-Dame des Sept -Douleurs : c’est le porche supérieur d’un escalier conduisant autrefois de l’extérieur de la basilique à la chapelle du Crucifiement. Ce petit sanc puient sur des raisons sans valeur pour nier que ce soit vraiment l’endroit où fut placé le corps de Jésus ». Elucidatio Terrée Sanctse historica, édit. de 1639, t. ii, p. 515. Depuis lors, un certain nombre de protestants se sont donné la mission de contredire la tradition séculaire, sans réussir pourtant à donner le moindre degré de vraisemblance à leurs différents systèmes. Ces systèmes ont pour auteurs principaux : le voyageur allemand Korte, Reise nac.h déni Weiland gelobten Lande, 1741, p. 210 ; l’Américain Robinson, Bibliccd Researches in Palestine, t. i,
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31. — Chapelle du Calvaire. Autel des Grecs. D’après une photographie.
tuaire n’a que 3 m de long sur 2 m de large. — L’étage inférieur de l’édicule porte le nom de chapelle d’Adam. Il se compose de la grotte primitive et des voûtes ajoutées plus tard. Les croisés en avaient fait une chapelle mortuaire, et à l’entrée se voyaient jadis les tombeaux de Godefroy de Bouillon et de Baudouin Ier, les deux premiers rois latins de Jérusalem. Les Grecs, auxquels appartient maintenant la chapelle, les ont enlevés ou détruits, quand ils rebâtirent la coupole de la basilique, après l’incendie de 1808. Liévin, Guide-indicateur de la Terre Sainte, Jérusalem, 1887, t. i, p. 250-258 ; Socin, Palàstina und Syrien, Leipzig, 1891, p. 73, 74 ; V. Guérin, Jérusalem, p. 329-333.
IV. Objections contre l’authenticité du Golgotha.
— Au xvii= siècle, Quaresmius se plaignait déjà de « ces hérétiques d’Occident qui trouvent à redire à ce qu’on raconte du saint Sépulcre de Notre -Seigneur, et s’ap Boston, 1856, p. 407-418 ; Jlunk, La Palestine, 1845, p. 52 ; l’Anglais J. Fergusson, dans le Diclionary of tlie Bible, t. i, 1863, p. 1028 ; l’Allemand Titus Tobler, Golgotha, 1851, p. 287 ; M. Girdler Worral, dans le Palestine Exploration Fund, Quarterly Statement, avril 1885, p. 138, qui place le Calvaire dans la vallée de Hinnom, à sa jonction avec celle du Cédron ; le major Conder, Handbook to the Bible, Londres, 1880, p. 351, etc.
Les deux théories les plus spécieuses sont celles de Conder et de Fergusson. 1. Le premier place le Calvaire vers la grotte de Jérémie, au nord de la porte de Damas. On l’appelle le Calvaire de Gordon, du nom de son premier inventeur. C’est près de cet endroit que fut martyrisé saint Etienne. L’auteur en conclut que c’était probablement le lieu ordinaire des exécutions ; qu’il se trouve d’ailleurs hors de la seconde enceinte de l’ancienne ville, représentée par l’enceinte actuelle, qu’il a la forme d’un
crâne, et que dans les divers bouleversements qui ont précédé ou suivi Constantin, on a perdu le souvenir du lieu précis où a été crucifié Notre -Seigneur. Conder développe ces raisons dans un article du Palestine Exploration Fund, Quarlerhj Slalement, avril 1883, p. 69-78, qui a été presque entièrement traduit dans les Annales de philosophie chrétienne, 1883, p. 243-254. En somme, la plus forte de ses affirmations est la suivante : « Toutes les preuves réunies jusqu’ici s’accordent à montrer que le site traditionnel actuel n’était pas en dehors de Jérusalem à l’époque du crucifiement. Tous les écrivains anciens et modernes admettent que cette objection est
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32. — Chamelle ciu Calvaire. Autel du Crucifiement.
fatale à l’authenticité de cet emplacement. » P. 74. L’objection serait fatale en effet, si l’on pouvait prouver que le Calvaire actuel était compris dans l’enceinte de la ville au temps de Notre -Seigneur. Nous avons vu plus haut, II, 1° et 2°, qu’il en était tout autrement. D’autre part, une erreur de la tradition chrétienne sur une question de cette nature est aussi difficile à supposer qu’impossible à prouver. Dans sa réponse à l’article de Conder, 11. Duchesne, Annales de philosophie chrétienne, 1883, p. 451-456, fait cette observation : « Lorsque l’empereur Constantin et sa mère entreprirent, peu après le concile de Nicée (325), de consacrer par des édifices religieux l’endroit précis de Jérusalem où s’était dressée la croix du Sauveur et où avait été creusé son tombeau, on peut croire qu’ils prirent quelques renseignements sur les lieux, qu’ils interrogèrent la tradition, et ne s’exposèrent pas, de gaieté de cœur, aux contradictions des Juifs et des païens. » — « L’Écriture porte que Notre -Seigneur fut crucifié hors de la ville ; le lieu que l’on indiqua à Constantin était de son temps en dedans de l’enceinte ; si l’on
s’était guidé uniquement sur l’Écriture, on n’aurait certes pas choisi cet endroit. » L’argument qu’on tire de la destination antique de cet emplacement n’a pas plus de solidité que le précédent. « Toute la partie positive de la thèse de M. Conder, poursuit II. Duchesne, p. 455, repose sur une pétition de principe. Suivant lui, étant connu le lieu où s’exécutaient les sentences de lapidation, on a par là même le lieu où l’on crucifiait les criminels condamnés à la croix, et en particulier le Golgotha de l’Évangile. Or non seulement il n’est pas prouvé que la grotte de Jérémie fut le lieu des lapidations, ni même qu’il y eût un théâtre unique de ces exécutions ; mais, même en supposant qu’il y en ait eu un, il resterait à dire pourquoi les crucifiements, et en particulier celui du Christ et des deux larrons, doivent avoir eu lieu précisément en cet endroit. » Notons que, plusieurs années déjà avant de recevoir l’adhésion et l’appui de Conder, cette thèse était ruinée par la découverte des cavernes royales, dont l’emplacement fixe celui du mur d’Hérode Agrippa, et par celle des assises de la seconde enceinte, en deçà du saint Sépulcre. Voir Carrière. — Le calvaire de Gordon a encore aujourd’hui des partisans parmi les protestants. Son authenticité ne semble soulever aucun doute pour Haskett Smith, qui a refondu et réédité le Handbook for travellers in Syria and Paleslina de Murray, Londres, d892, p. 73-76. Il n’ajoute pas de raisons nouvelles à celles de Conder et fait grand fonds sur les traditions actuelles des Juifs, comme si ces derniers n’étaient pas intéressés à égarer la piété chrétienne. Nul n’ignore d’ailleurs qu’à partir de l’année 70, les Juifs furent pendant longtemps tenus à l’écart de la ville sainte, et qu’en conséquence leur tradition a subi une interruption que n’a point connue la tradition chrétienne. En réalité, cette opinion nouvelle ne repose sur aucun document ancien, ce qui suffit pour en démontrer la fausseté.
2. Plus singulière encore est la théorie de Fergusson. D’après lui, Notre -Seigneur aurait été crucifié sur les pentes du Moriah, et enseveli dans le caveau de la Sakhrah, que recouvre actuellement la mosquée d’Omar, ou Dôme-du-Rocher. Cette mosquée ne serait elle-même que l’ancienne basilique de Constantin. Dans cette hypothèse, la partie méridionale du Moriah aurait seule été occupée par le temple des Juifs. Il serait difficile à un système topographique d’avoir contre lui plus d’impossibilités.Voici seulement les principales. ° L’aire du temple d’Hérode était identique à l’esplanade actuelle du Haram ech-Chérif, « le sanctuaire noble ». Il est impossible que les Juifs aient laissé ensevelir le Sauveur à un point quelconque de cette enceinte. — 2° Les conquérants musulmans n’ont jamais cru posséder, dans la roche es-Sakhrah, le tombeau de Jésus-Christ. Cette roche, si vénérée par eux, forme une sorte de crypte, percée en haut d’un trou semblable à l’orifice d’une citerne, et pavée d’un dallage qui, à un endroit, résonne sous les pas. Il existe sous les dalles un canal souterrain, que les musulmans appellent le puits des Ames. Cette cavité n’est probablement rien autre chose qu’une ancienne citerne du Jébuséen Oman. Tout porte à croire que dans l’ancien temple l’autel des holocaustes était posé au-dessus de cette citerne, et que les eaux et le sang des victimes s’écoulaient jusqu’au Cédron par le canal qu’on avait pratiqué dans les substructions. Voir V. Guérin, Jérusalem, p. 367, et Aqueduc, t. i, col. 801. Ce ne fut donc jamais là un tombeau. Les mahométans, qui révèrent JésusChrist comme un de leurs grands prophètes, n’auraient pas manqué certainement de s’attribuer, à es-Sakhrah, la possession de sa sépulture, si l’authenticité du saint Sépulcre eut prêté au moindre doute. « En appliquant au saint Sépulcre les méthodes archéologiques ordinaires, on arrive au maximum de certitude que l’on puisse atteindre en pareille matière. Et certes, personne ne songerait à la contester s’il s’agissait d’un temple de Jupiter ou de Saturne, ou du tombeau d’un des grands hommes de l’antiquité païenne. Il n’est pas un des monuments anonymes de la Rome impériale qui n’ait changé dix fois de nom depuis le moyen âge. Pour le saint Sépulcre, au contraire, depuis Constantin jusqu’à nous, il y a une immuable fixité dans l’attribution. Avant Constantin, il y a une tradition locale, attestée par les témoignages écrits et par une série d’arguments. » M. de Vogüé, Le Temple de Jérusalem, in-f°, Paris, 1864, p. 117.
CALVIN Jean, de son nom de famille Cauvin, en latin Calvinus, d’où le français Calvin, né à Noyon en 1509, mort à Genève le 27 mai 1564. Tonsuré et pourvu dès l’âge de douze ans d’un bénéfice à la cathédrale de Noyon, il s’appliqua de bonne heure à la lecture de la Bible, dans laquelle il commença, dit-il, à découvrir les erreurs de l’Église romaine. Après avoir étudié le droit à Orléans et à Bourges, où il se confirma de plus en plus dans les doctrines de la Réforme, il publia son commentaire sur les deux livres de Sénèque, De Clementia (1532 1. Ce fut sa première manifestation. Doué d’un esprit pénétrant et subtil, très versé dans la lecture de la Sainte Écriture et des Pères, il était porté par tempérament aux opinions hardies. Caractère froid et esprit systématique, il fut moins impétueux que Luther, mais alla tout aussi loin que lui. Ses fréquentes relations avec les partisans de la Réforme, surtout avec Bèze et Wolmar, le rendirent suspect. Obligé de quitter l’université de Paris où il étudiait, il se réfugia à Angoulême, où il enseigna le grec, et secrètement continua à prêcher la nouvelle doctrine. C’est là qu’il composa en partie son ouvrage Christianiæ religionis institutio, vrai catéchisme de l’église calviniste, qu’il publia plus tard, in-8o, à Bâle, en latin, en 1536, et qu’il traduisit lui-même en français, en 1540. Calvin y enseigne que par suite de l’obscurcissement de l’esprit humain, produit par le péché originel, l’Écriture est devenue nécessaire. D’après lui, le moyen unique pour discerner les livres inspirés ou divins est le témoignage que le Saint-Esprit rend dans les âmes. Institution de la religion chrétienne, 1. i, ch. vii, 4, 5, édit. de Lyon, 1565, p. 35, 36. Ce témoignage est un goût intérieur, un attrait subjectif. Calvin rejette absolument l’autorité de l’Église pour établir le canon des divines Écritures. Ce système ne devait pas écarter les divisions ; au contraire, il en était le principe. Aussi, débordé par le mouvement qui multipliait les opinions et les controverses, Calvin en arriva à enseigner que le meilleur remède serait dans un synode d’évêques discutant les vérités de la religion et les définissant. Instit. de la relig., 1. iv, ch. IX, 13, p. 971. C’était revenir par une voie détournée au principe d’autorité nié auparavant.
Après avoir erré de ville en ville, Calvin passa en Suisse, où il essaya de propager ses erreurs. Chassé de Genève, en 1538. il se consolait en pensant à David persécuté non seulement par les Philistins, mais encore par ses compatriotes. Comm. in Psalm.præfat., édit. de Robert Etienne, 1557 (p. iv). Après un séjour de trois ans à Strasbourg, pendant lequel il publia son commentaire sur l’Épître aux Romains, il rentra triomphant à Genève, rappelé par le parti aristocratique. Là il regagna bientôt le terrain perdu, devint puissant, et se fit le grand maître de l’église à laquelle il donna son nom. Il fut très dur envers ses contradicteurs, et poussa la cruauté jusqu’à les exiler ou les envoyer à la mort. Il mourut lui-même à Genève, en 1564, en protestant qu’il n’avait jamais prêché que le pur Évangile.
On est surpris qu’avec une santé débile et malgré les multiples labeurs d’une nombreuse correspondance, d’une prédication quotidienne, et le gouvernement politique et ecclésiastique de Genève, Calvin ait pu laisser tant d’écrits. Ceux qui se rapportent à la Sainte Écriture sont : 1° des commentaires sur tous les livres de la Bible excepté les Juges, Ruth, les Rois, les Proverbes, Esther, Esdras ; le Cantique des cantiques, l’Ecclésiaste et l’Apocalypse. Calvin niait l’authenticité de l’Épître aux Hébreux, qu’il commenta, et n’osait se prononcer sur la seconde épître | de saint Pierre. Le commentaire des quatre derniers livres du Pentateuque, intitulé Harmonia quatuor posteriorum librorum Pentateuchi, n’est pas un commentaire littéral. — 2° Harmonia ex tribus Evangelistis Matthæo, Marco et Luca, composita cum commentariis, ouvrage qui eut de nombreuses éditions et fut traduit plusieurs fois en français. — 3° Calvin a retouché et corrigé La Bible en laquelle sont contenus tous les livres canoniques de la Saincte Escriture, translatée en franc par Olivetan, in-4o, Genève, 1540. On ignore d’ailleurs en quoi a consisté exactement le travail de Calvin. Ed. Reuss, Geschichte der heiligen Schriften Neuen Testaments, 6e édit., in-8o, Brunswick, 1887, n° 474, p. 539. — Dans l’édition complète des œuvres de Calvin, publiée à Amsterdam, en 1671, 9 in-f’, les travaux exégétiques remplissent les sept premiers volumes. On a fait depuis lors de nombreuses éditions partielles de ses commentaires. Parmi les plus récentes, on peut citer : Commentarii in Novum Testamentum, édités par Tholuck, Halle, 1833-1838 ; Commentarii in Psalmos, édités par le même, Halle, 1836 ; Commentarii in librum Geneseos, édités par Hengstenberg, 1838. — Les commentaires de Calvin, et principalement les commentaires sur le Pentateuque, Isaïe et les Psaumes, l’emportent de beaucoup sur tous les commentaires luthériens et zwingliens, par le soin que l’auteur met à rechercher le sens littéral, bien qu’il fasse profession d’admettre aussi le sens allégorique, Instit. de la relig., 1. iii, ch. iv, 5, p. 505 ; cf. t. ii, ch. v, 19, p. 255. À cause de cette tendance, les luthériens dédaignèrent les ouvrages exégétiques de Calvin et l’accusèrent souvent d’expliquer l’Écriture comme les Juifs et les sociniens. Cf. A. J. Baumgartner, Calvin hébraïsant, in-8o, Paris, 1889, p. 32-41.
Voir, sur la vie et l’exégèse de Calvin, le t. xxi (1879) de Joannis Calvini Opera quæ supersunt omnia, ediderunt G. Baum, Ed. Cunitz, E. Reuss, Brunswick, 1863 et suiv., formant les t. xxix et suiv. du Corpus Reformatorum ; * Ed. Reuss, Calvin considéré comme exégète, dans la Revue de théologie de Strasbourg, 1853. t. vi, p. 223-248 ; * Escher, De Calvino librorum Novi Testamenti interprete, in-8o, Utrecht, 1840 ; * A. Vesson, Calvin exégète, in-8o, Montauban, 1855 ; * A. Tholuck, Die Verdienste Calvins als Auslegers der heiligen Schrift, dans les Vermischten Schriften, Hambourg, 1839, t. ii, p. 330-360 ; * J. F. W. Tischer, Calvins Leben, Meinungen und Thaten, in-8o, Leipzig, 1794 ; * P. Henry, Das Leben Johan. Calvins, des grossen Reformators, 3 in-8o, Hambourg, 1835-1844 ; Audin, Histoire de la vie, des ouvrages et des doctrines de Calvin, 2 in-8o, Paris, 1841 ; * E. Stäbelin, J. Calvins Leben und ausgewählte Schriften, 2 in-8o, Eberfeld, 1860-1863 ; * F. Bungener, Calvin, sa vie, son œuvre et ses écrits, in-12, Paris, 1863 ; * Eug. et Em. Haag, La France protestante, 2e édit., t. m ( 1881), col. 508-633 ; * A. J. Baumgartner, Calvin hébraïsant et interprète de l’Ancien Testament, in-8o, Paris, 1889.
CALVITIE. Hébreu : gabbaḥat, de gâbaḥ, « être élevé, » avoir le front haut ; ce mot s’applique à la calvitie de la partie antérieure et supérieure de la tête, et gibbêaḥ désigne le chauve qui a le front dénudé ; qârḥah et qâraḥat, de qâraḥ, « rendre poli » comme de la glace, est la calvitie de l’occiput ; le chauve qui en est affecté s’appelle qêrêaḥ ; le verbe mârat signifie « rendre chauve », et au niphal « devenir chauve ». En dehors du passage du Lévitique, xiii, 40-43, où le mot gabbaḥaṭ ; est employé, et des deux passages du livre d’Esdras, où on lit le verbe mârat, c’est toujours du mot qârḥah dont i se servent les auteurs sacrés. Septante : ἀναφαλάντωμα, φαλάκρωμα, φαλάκρωσις ; Vulgate : calvitium, recalvatio, et pour désigner le chauve : calvus, recalvaster. Les Hébreux distinguaient deux sortes de calvities, celle qui se produit naturellement par la chute des cheveux, et celle qui résulte temporairement de l’opération par laquelle on a coupé ras ou rasé la chevelure.
1o Calvitie naturelle.
Elle était ordinairement une conséquence de la vieillesse. Quand elle apparaissait prématurément, elle pouvait prêter à rire. Elisée était relativement jeune (il vécut encore une cinquantaine d’années, cf. IV Reg., xiii, 14), lorsque les enfants des environs de Béthel se moquèrent de sa calvitie, en lui criant : « Monte, chauve ; monte, chauve ! » IV Reg., x, 23. Rien n’autorise d’ailleurs à croire que le mot qêrêaḥ fùt devenu un terme injurieux qu’on pût adresser à un homme pourvu de toute sa chevelure. La calvitie précoce, surtout quand elle se produisait rapidement, pouvait être un symptôme de lèpre. Le chauve avait alors à se faire examiner. Si le cuir chevelu, une fois dénudé, se recouvrait de taches blanchâtres et rougeâtres, le chauve devait se soumettre aux prescriptions concernant les lépreux. Dans le cas contraire, il restait pur. Lev., xiii, 40-43.
Isaïe, iii, 17, 24, prédit aux filles de Sion, si fières de leurs cheveux tressés et frisés, que le Seigneur leur infligera la honte de la calvitie, en punition de leurs fautes. Pendant le siège de Tyr par Nabuchodonosor, « toutes les têtes sont devenues chauves et les épaules meurtries » dans l’armée des Assyriens, par suite des grandes fatigues endurées et des rudes travaux entrepris pour s’emparer de la place. Le port prolongé des casques, voir t. i, col. 983-984, a pu contribuer aussi à produire cette calvitie dans l’armée assyrienne. Ez., xxix, 18.
2o Calvitie temporaire et artificielle.
La loi défendait de se couper les cheveux sur le devant de la tête, d’une certaine manière en usage chez les idolâtres, Lev., xix, 27 ; elle interdisait aussi de se raser la tête en signe de deuil, xxi, 5 ; Deut., xiv, 1, comme le faisait certains peuples païens. Homère, Il., xxiii, 46 ; Odys., iv, 197 ; Ælien, Hist. var., viii, 8. On avait cependant la coutume de se raser la tête pour marquer la douleur morale qu’on endurait. Job, i, 20 ; Is., xxii, 12 ; Jer., xvi, 6 ; Ezech., vii, 18 ; xxvii, 31 ; Am., viii, 10 ; Mich., i, 16.
Esther, xiv, 2, s’arrache les cheveux dans son deuil ; Esdras et Néhémie font de même pour témoigner leur indignation. I Esdr., ix, 3 ; II Esdr., xiii, 25. Sous les coups de la vengeance divine, « toute tête sera chauve et toute barbe rasée, » chez les Moabites, c’est-à-dire tout homme sera accablé par les calamités et réduit en captivité, parce qu’on coupait la barbe aux captifs en signe d’ignominie, Is., xv, 2 ; Jer., xlviii, 37. C’est parce que le roi d’Assyrie châtie au nom de Dieu qu’il est appelé un rasoir qui coupe la barbe et les cheveux de ceux que Dieu punit en les livrant comme prisonniers au vainqueur. Is., vii, 20. La calvitie, c’est-à-dire le malheur dont elle est le signe, tombera sur Gaza. Jer., xlvii, 5.
La calvitie temporaire n’est pas mentionnée après le retour de la captivité. On cessa sans doute de la pratiquer pour employer un signe de deuil qu’on pouvait faire disparaître plus rapidement. On se défigura la tête non plus en la rasant, mais en la couvrant de cendres. Voir Cendre.
CAMBOLAS (Jacques de), théologien français, vivait à Toulouse vers le milieu du xviie siècle. Nous avons de lui : Explanatio epistolarum Pauli et canonicarum, in-12, Toulouse (sans date).
CAMBYSE, roi de Perse, fils et successeur de Cyrus, régna de 529 à 522 avant J.-C. Il est surtout célèbre par la campagne qu’il fit en Égypte, la cinquième année de son règne (525), et par sa cruauté, qui touchait à la folie. Hérodote, iii, 8, 27-38. Il mourut sans laisser d’héritier et sans avoir désigné de successeur. Il n’est jamais nommé expressément dans l’Écriture, mais un certain nombre de commentateurs ont cru qu’il était désigné d’une manière indirecte. Ainsi :
- d’après Calmet, le roi qui doit dévaster Israël, Ezech., xxxviii-xxxix, « Gog, est Cambyse, roi de Perse. » Commentaire littéral, Ezéchiel, 1730, p. 381. Le savant bénédictin a même écrit une dissertation entière pour essayer de le démontrer. Ibid., p. xxi-xxxiii. Contrairement à son opinion, on admet communément aujourd’hui que Gog, roi de Magog, est le chef des peuplades scythes, comme l’avait déjà dit saint Jérôme avec les Juifs de son temps. In Ezech., l. xi, t. xxv, col. 356. Voir Gog et Magog.
- Beaucoup d’interprètes, à la suite de Josèphe, qui a commis le premier cette méprise, Ant. jud., XI, ii, 1-2, ont pensé que l’Assuérus auquel les ennemis des Juifs écrivirent, I Esdr., iv, 6, pour les perdre dans son esprit est Cambyse, fils de Cyrus (Clair, Esdras et Néhémias, in-8o, Paris, 1882, p. 23) ; mais Assuérus est dans ce passage, comme dans le livre d’Esther, le roi Xerxès Ier. Voir t. i, col. 1141.
- Quelques exégètes ont aussi voulu à tort identifier Cambyse avec le Nabuchodonosor du livre de Judith. Voir Calmet, Comment. litt., Ezéchiel, 1730, p. xxxii.
CAMÉLÉON (hébreu : ṭinšeméṭ ; Septante : χαμαιλέων ; Vulgate : chamæleon). La Bible ne mentionne qu’une fois le caméléon, et c’est pour le ranger parmi les animaux impurs. Lev., xi, 30. Le caméléon est encore très commun en Égypte, en Palestine et particulièrement dans la vallée du Jourdain ; les anciens Hébreux ont dû très bien le connaître. Bochart, Hierozoicon, t. i, p. 1083, et presque tous les auteurs s’accordent à voir le caméléon dans le ṭinšeméṭ, bien que les versions y aient vu la taupe, et aient donné dans le même verset le nom de caméléon au koaḥ, qui est un lézard. Voir Lézard.
33. — Caméléon.
Le caméléon (fig. 33) est un saurien qui a l’aspect d’un lézard à grosse tête, mais qui diffère de ce dernier par des caractères très tranchés. Il a le dos dentelé, les yeux saillants, recouverts d’une paupière qui ne laisse passer la lumière que par un trou central assez étroit, et capables de se mouvoir indépendamment l’un de l’autre, ce qui permet à l’animal de guetter sa proie de plusieurs côtés à la fois. Les pattes ont cinq doigts, qu’une peau extérieure réunit en deux paquets de deux et de trois doigts. La queue est préhensible, comme celle des singes, ce qui fait du caméléon un grimpeur. Il vit sur les branches d’arbres, et il y cherche les insectes dont il se nourrit. Sa langue très agile et terminée par un tube gluant les saisit facilement, bien que les mouvements de l’animal soient très lents et très compassés. Le caméléon peut, en effet, darder cette langue à une distance qui dépasse la longueur de son corps. Milne-Edwards, Zoologie, Paris, 10e édit., 1867, p. 455. Du reste, le caméléon est timide, et il s’agite d’autant moins qu’il peut rester des mois sans manger. Sa longueur est de quarante à cinquante centimètres. Sa propriété la plus curieuse consiste en ce que la majeure partie de sa peau n’adhère pas aux muscles. Le caméléon, grâce à ses poumons très larges, peut aspirer beaucoup d’air, l’introduire entre la chair et la peau, et ainsi se gonfler extraordinairement. De là sans doute son nom de ṭinšéméṭ, du verbe nâšam, « respirer. » Les anciens croyaient même que le caméléon ne vit que d’air. Pline, H. N., viii, 33. Ainsi distendue, la peau de l’animal devient demi-transparente, et selon les impressions ressenties, le pigment passe en plus ou moins grande quantité du derme dans l’épiderme et réciproquement, ce qui produit des colorations variées allant du jaune verdâtre au rouge brun et au noir. Cf. Tristram, The natural History of the Bible, Londres, 1889, p. 263.
Il ne faut pas confondre le ṭinšéméṭ de Lev., xi, 30 avec celui de Lev., xi, 18 : ce dernier est certainement un oiseau (Vulgate : « cygne »).
CAMÉLÉOPARD (Septante : καμηλοπάρδαλις ; Vulgate : camelopardalus. Deut., xiv, 5). C’est le nom de l’animal que nous appelons girafe ; en arabe : zurafet ; dans la version grecque Veneta :ζυράμφιος.
34. — Girafe sur un monument de la xviiie dynastie. Thèbes.
Lepsius, Denkmäler, Abth. iii, Bl. 118.
Les Grecs et les Latins l’appelaient d’un nom composé de ceux du chameau et du léopard, parce que sa forme rappelle celle du chameau et que son pelage est tigré comme celui du léopard. Cet animal est un mammifère de l’ordre des ruminants. Il se distingue par la petitesse de sa tête, la longueur de son cou, la hauteur de ses jambes, surtout de celles de devant,
beaucoup plus élevées que les membres postérieurs. La
taille de la girafe dépasse sept mètres. Le gracieux animal est absolument inoffensif, et il n’a pour se défendre que son extrême rapidité. La girafe n’habite que les déserts de l’Afrique, où elle vit en troupe. Les Hébreux avaient pu la voir en Égypte (fig. 34), mais elle n’a jamais existé en Palestine. Il est donc peu probable que la loi de Moïse s’en soit occupée, et c’est à tort que les versions la rangent au nombre des animaux dont il est permis de se nourrir. Deut., xiv, 5. Le mot hébreu correspondant,
zémér, vient de zâmar, qui signifie « jouer
d’un instrument à cordes ». et par extension « chanter, danser », parce que le chant et la danse se joignent souvent à la musique. Gesenius, Thesaurus, p. 420. Le zémér est donc un animal à vive allure, dans le genre du cerf ou de la chèvre. Quelques auteurs ont pensé au chamois ; d’autres, en plus grand nombre aujourd’hui, au mouflon ou mouton sauvage, parce que le chamois
ne se trouve pas en Palestine. Voir Chamois et Mouflon.
CAMERARIUS Joachim, humaniste allemand, protestant, né à Bamberg le 12 avril 1500, mort à Leipzig le 17 avril 1574. Son nom de famille était Liebhard, et ses ancêtres avaient reçu le surnom de Camerarius en souvenir des fonctions qu’ils avaient remplies à la cour d’Henri le Boiteux. Il enseigna le grec et le latin à Erfurt, et dès 1521 embrassa la réforme. Il se lia d’une étroite amitié avec Mélanchton. En 1526, il était appelé à Nuremberg pour y enseigner les lettres grecques et latines, et, en 1530, le sénat de cette ville le députait à la diète d’Augsbourg. À partir de ce moment, il prit part à toutes les principales discussions théologiques de son époque, et la modération de son esprit, jointe à une érudition profonde, lui fit occuper une place importante dans toutes ces réunions. En 1535, le duc Ulric de Wurtemberg le chargeait de réorganiser l’université de Tubingue, et les ducs Henri et Maurice de Saxe lui confiaient une mission analogue à Leipzig. Parmi ses nombreux écrits, nous citerons : Psalmus cxxxiii, de concordia, elegiaco carmine græco, in-8o, Leipzig, 1544 ; Historiæ Jesu Christi, filii Dei, nati in terris matre sanctissima semper virgine Maria, summatim relata expositio, itemque eorum quæ de Apostolis Jesu Christi singulatim commemorari posse recte et utiliter visa sunt, in-8o, Leipzig, 1566 ; Epistola ad Isaiam Cœpolitam. Cette lettre traite de l’ordre des psaumes ; elle se trouve à la fin du ve livre de la paraphrase des Psaumes d’Érasme Rudinger, in-8o, Gorlitz, 1580 ; Notatio figurarum sermonis in quatuor libris Evangeliorum indicata verborum significatione et orationis sententia, in-4o, Leipzig, 1572 ; Notationes figurarum sermonis in Scriptis apostolicis, in libro Praxeon et Apocalypseos, in-8o, Leipzig, 1556. Ces deux derniers ouvrages fuient réunis sous le titre : Commentarius in Novum Fœdus elaboratus, nuncdenuo plurimum illustratus et locupletatus cum Novo Testamento ac Theodori Bezæ adnotationibus, in-fo, Cambridge, 1642.
Voir Dupin, Bibliothèque des auteurs séparés de l’Église romaine du xviie siècle (1719), t. i, p. 462 ; P. S. C. Preu, Narratio succincta de vita et meritis J. Camerarii, in-4o, Altorf, 1792.
CAMÉRON Jean, théologien protestant, né à Glasgow vers 1580, mort à Montauban au commencement de l’année 1620. Il vint en France à l’âge de vingt ans, et enseigna la langue grecque au collège de Bergerac. Peu après il obtint une chaire de philosophie à l’académie de Sedan. En 1604, il quittait cette ville pour aller étudier la théologie aux universités de Genève et de Heidelberg. En 1608, il devint pasteur à Bordeaux, et dix ans plus tard il obtint, à la suite d’un concours, la chaire de théologie de Saumur. Son enseignement sur la grâce, le libre arbitre, la prédestination, lui suscita de nombreux adversaires, et à la suite de la disgrâce de Duplessis-Mornaix, son protecteur, il repassa en Angleterre, où la faveur du roi Jacques Ier lui fit obtenir la charge de principal du collège de Glasgow. Il ne resta que fort peu de temps en ce pays et revint à Saumur, mais ne put obtenir d’y donner des leçons publiques. Cette défense d’enseigner ayant été levée plus tard, Caméron devint professeur de théologie à l’académie de Montauban. Sa modération le fit s’opposer aux efforts des protestants qui voulaient résister à main armée aux ordres du roi. Il est le véritable créateur du système de l’universalisme hypothétique, que son disciple Amyraut devait propager quelques années plus tard. Parmi ses écrits, nous ne devons mentionner que le suivant : Prælectiones theologicæ in selectiora quædam loca Novi Testamenti una cum tractatu de ecclesia, 3 in-4o, Saumur, 1626-1628. Cet ouvrage fut réimprimé sous le titre : Myrotheticium evangelium, hoc est Novi Testamenti loca quam plurima post aliorum labores apte et commode vel illustrata, vel explicata, vel vindicata, in-4o, Genève, 1632. Une édition de ses œuvres précédée de sa Vie a été
bliée en 1 vol. in-f", Genève, 1658. — Voir Richard Simon, Histoire critique du Nouveau Testament (Rotterdam, 1693), p. 730 ; Dupin, Bibliothèque des auteurs séparés de l’Église romaine du xrne siècle (1719),
1. 1, p. 336.- CAMON##
CAMON (hébreu : Qâmôn ; Septante : ’Pajjiviiv ; Codex Alexandrinus : ’Pau.|jnô), lieu de la sépulture de Jaïr, un des Juges d’Israël, Jud., x, 5 ; il n’est mentionné qu’une seule fois dans l’Écriture. Josèphe, Ant. jud., V, vii, 6, en fait une « ville de Galaad », bt Kafiwvt hoXei tîj ; Taîia-Sïjvïjî, ce qui semble résulter des quelques détails que nous possédons sur Jaïr, originaire de cette contrée et y possédant de nombreuses villes. Jud., x, 3-4. C’est peut-être la Kajioûv que Polybe, Hist., V, lxx, 12, cite avec Pella
indication peut fort bien désigner le Tell Keimoun qui se trouve à la pointe sud-est du mont Carmel ; mais il nous est impossible de comprendre pourquoi les deux savants auteurs ont mis dans cette contrée le tombeau de Jaïr. — Il ne s’agit pas non plus ici de la Ku « (jlwv (Vulgate : Chelmon) du livre de Judith, vii, 3. Voir
Chelmon.1. CAMP, CAMPEMENT (hébreu : mahânéh [une fois, IV Reg., vi, 8, tahânôt ; Vulgate : insidias] ; grec : itïpe[ « .60Xr ; ; Vulgate : castra), lieu où des nomades dressent leurs tentes et font leur séjour, ou bien où s’arrête, spécialement pendant la nuit, soit une troupe de voyageurs, soit une armée en marche, et, par extension, le peuple ou l’armée qui campe. Exod., xiv, 19 ; Jos., v, 8 ; I Reg., .
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35. — Campement d’Arabes nomades. D’après une photographie de M. L. Heidet.
et d’autres villes de la Pérée prises par Antiochus. Cf. Reland, Palsestina, Dtrecht, 1714, t. ii, p. 679. J. Schwarz, Das heilige Land, in-8o, Francfort-sur-le-Main, 1852, p. 185, place Camon au village de Kumima, à trois heures à l’est de Bethsan (aujourd’hui Beisân), c’est-à-dire au delà du Jourdain. On retrouve encore actuellement au nord-est de Khirbet Fahîl (Pella) un endroit appelé Koumeim (plus exactement peut-être Qiméim, ^^S), et plus haut quelques ruines du nom de Kamm (J£s, Qamm). Cf. la carte de Palestine publiée par le comité du Palestine Exploration Fund, Londres, 1890, feuille 11. Fautil chercher là notre cité biblique ? Le nom et la situation dans l’ancienne tribu de Manassé oriental nous semblent favoriser cette hypothèse. Si Qiméim n’est qu’un diminutif, « le petit sommet, » donné par les Arabes comme nom à un endroit un peu élevé, Qamm paraît dériver de Qâmôn, par la suppression ou la chute de la dernière syllabe, ce qui est un fait assez fréquent. Eusèbe et saint Jérôme, Onomastica sacra, Gœttingue, 1870, p. 110, 272, identifient Camon, « la ville de Jaïr, » avec un bourg appelé de leur temps Kaiijitovi, Cimona, et situé dans « la grande plaine d’Esdrelou », à six milles (un peu plus de huit kilomètres) au nord de Legio ( aujourd’hui El-Ledjdjoun). Celle
xxviii, 19 ; Jud., vii, 15, etc. Les camps désignés dans ; l’Écriture sont d’abord les camps ou plutôt les campements des patriarches nomades : de Jacob, Gen., xxxii, 21 ; xxxiii, 8 (Vulgate : turmx) ; de ses fils, quand ils vont ensevelir leur père. Gen., L, 9 (Vulgate : turba) : Ces campements devaient être semblables à ceux des Arabes nomades de nos jours (fig. 35). Après la sortie d’Egypte, le mot’< camp » désigne successivement les endroits où les Hébreux s’arrêtent dans le désert, et, après la conquête de la Terre Promise, les endroits où les soldats séjournent pendant un temps plus ou moins long, dans les diversesguerres qu’ils ont à soutenir contre les peuples voisins.
I. Cajjps les Hébreux. — 1° Dans le désert du Sinaï.
— L’organisation du camp des Hébreux dans le désert nous est décrite par les Nombres, i, 48-51 ; ii, 1-32 ; m, 14-39. Au centre est placé le tabernacle. Il occupe la place de la tente du chef dans les campements des Arabes. Num., i, 48-54. Aussi quand Dieu veut marquer qu’il est irrité contre son peuple, par exemple après l’adoration du veau d’or, il ordonne à Moïse de placer le tabernacle hors du camp. Exod., xxxiii, 7. À l’est du tabernacle sont placés Moïse, Aaron et ses fils, qui ont la garde du sanctuaire, Num., iii, 38 ; au midi, les descendants de Caath, qui ont la charge des ustensiles du sanctuaire, de la table des pains de proposition, du chandelier, des autels, de
l’arche et des voiles qui la couvrent. Num., iii, 29. Au couchant sont les Gersonites, qui ont soin du tabernacle, du pavillon, de sa couverture et de la tapisserie qui sert de porte, Num., iii, 23 ; et enfin, au nord, les Mérarites, qui ont à porter les ais du tabernacle, ses barres, ses colonnes et leurs soubassements, les clous, les cordages, etc. Num., iii, 35. À l’enlour sont rangées les différentes tribus. Pour la place de chacune d’elles, le texte donne l’orientation de la première de chaque groupe de trois ; il indique simplement, pour les suivantes, qu’elles sont placées à coté d’elle. De là certains auteurs ont conclu que la première nommée occupait exactement le point cardinal indiqué, et que les deux autres l’encadraient. Ainsi Juda serait placé exactement à l’est, Issachar au nord-est et Zabulon au sud-est. Mais il faut remarquer que, dans ce cas, la liste serait faite d’après un ordre très compliqué, et comme l’ordre de marche n’aurait pas été le même que celui du campement, il aurait fallu, au départ et à l’arrivée, une série de manœuvres pour que chaque tribu put occuper sa place. Il est plus simple de supposer que l’ordre est le même dans les deux cas, et que, d’une manière générale, l’auteur sacré désigne pour la première des tribus le côté qu’occupent les trois dans le camp. On a ainsi : à l’est, les tribus de Juda {74600 hommes), d’Issachar (54400 hommes), de Zabulon (57 400 hommes) ; puis à la suite, en allant vers l’ouest et en revenant par le nord : au midi : Ruben {46 500 hommes), Siméon (59 300 hommes), Gad (45650 hommes) ; à l’ouest : Éphraïm (40500 hommes), Manassé (32200 hommes), Benjamin (35400 hommes) ; et enfin, au nord : Dan (G2700 hommes), Aser (41500 hommes) et Nephthali (53400 hommes). Num., Il, 1-32. Le camp formait donc la figure suivante :
. N.
O.
Dan
Aser
Nephthali
62, 700
41, 500
53, 400
Benjamin
Mérarites
Juda
35, 100
Manassé Geraonttes 32, 200 7, 500
Ephraïm
6, 200
74, 600
Moïse x.
Issachar Aaron
54, 400 prêtres
Zabulon
Tabernacle.
Caathitea
40, 500
8, 600
57, 400
Gad
Siméon
Ruben
45, 650 1
59, 300
46, 500
Chaque partie du camp est désignée par le même mot que le camp entier. C’est ainsi que l’on dit le camp de Juda, le camp d’Issachar, etc. Num., ii, 9, 10, 16, 18, 31. Le temps durant lequel on restait à chaque campement était réglé d’après l’arrêt ou la marche de la nuée qui planait au-dessus du tabernacle. Quand la nuée s’arrêtait, on campait et l’on restait là tant qu’elle demeurait immobile. Num., IX, 15-23. Néanmoins les Israélites eurent aussi des guides qui connaissaient le désert, notamment un Madianite nommé Hobab. Num., x, 31-33.
Le camp était fermé, nous ne savons par quel moyen ; mais il y avait une clôture quelconque, puisqu’il y avait des portes Exod., xxxii, 26, 27. Des règles sévères avaient pour objet la propreté et l’hygiène du camp. Deut., xxiii,
11-14. Il était ordonné de sortir pour satisfaire aux nécessités de la nature. Deut., xxiii, 12. Les lépreux étaient exclus du camp. Lev., xiii, 46 ; Num., v, 2. C’était en dehors des portes que les prêtres allaient constater leur guérison. Lev., xiv, 3. Cette prescription fut appliquée à Marie, sœur de Moïse, quand Dieu la frappa de la lèpre. Num., xii, 14. On transportait les cadavres hors du camp, Lev., x, 4, et tout homme souillé par le contact d’un mort devait demeurer sept jours hors des portes. Num., v, 2 ; xxxi, 19-24. Les exécutions des. criminels, et en particulier celles des blasphémateurs, avaient lieu hors du camp. Lev., xxiv, 14 ; Num., xv, 35. Quand on offrait à Dieu un sacrifice, les parties qui lui étaient offertes étaient brûlées sur l’autel, à l’intérieur du camp ; mais la chair, la peau, la fiente, étaient brûlées au dehors, comme pour les sacrifices expiatoires. Exod., xxix, 14 ; Lev., iv, 11-12, 21 ; vin. 17 ; ix, 11. C’est, en effet, au dehors du camp que se faisaient les sacrifices offerts pour les péchés du peuple. Num., xix, 3 ; Lev., xvi, 27. Il est fait allusion à cette coutume dans l’Épître aux Hébreux, xiii, 11-13, quand l’Apôtre dit que Jésus-Christ, comme les victimes expiatoires, a été immolé en dehors de la ville. On jetait enfin hors du camp toutes les cendres. Lev., iv, 12 ; vi, 1 1 ; Num., xix, 9.
La liste des campements des Hébreux dans le désert nous est donnée par le livre des Nombres, au chap. xxxm. Les derniers sont ceux que commanda Josué pendant la conquête de la Terre Promise, depuis Jéricho jusqu’à Galgala. Jos., iv, 3 ; v, 9 ; vi, 11, 18 ; ix, 6 ; x, 6, 15, 21, 29, 31, 34, 36, 43. Voir Stations des Israélites dans
LE DÉSERT.
2° Camps militaires des Israélites après la conquête de la Terre Promise. — Après la conquête de la terre de Chanaan, les Hébreux s’établirent dans des villes, et les camps ne furent plus destinés qu’à abriter les troupes pendant les expéditions militaires. L’Écriture nous donne peu de détails sur l’organisation de ces camps. Nous savons seulement que souvent ils étaient placés sur des hauteurs, Jud., vii, 8 ; x, 17 ; I Reg., xiii, 2, 3, 16, 23 ; xvii, 3 ; xxviii, 4, et près de l’eau, Jud., vii, 4 ; I Mach., IX, 33 ; xi, 67. Le camp était entouré d’une enceinte. C’est du moins ainsi qu’un grand nombre d’interprètes comprennent le sens du mot nia’gâl. I Reg.. xvii, 20 ; xxvi, 5. Quelques-uns supposent que cette enceinte était faite de chariots de bagage, d’autres que c’était un rempart de terre. Gesenius, Thésaurus lingual hebrasss, p. 989. Le ïargum traduit ce mot par karqamàh, c’est-à-dire « circonvallation » ; les Septante, I Reg., xvii, 20, par (ripo-y-pj).w(jt ; , « rond, » ce qui peut s’entendre du camp, qui avait souvent cette forme chez les Grecs ; la Vulgate emploie en cet endroit le mot Magala, en supposant qu’il s’agit d’un nom propre. La Peschito traduit par « camp ». L’usage d’entourer le camp de chariots existait chez les Numides. Quand l’armée livrait bataille, on laissait une garde au camp. I Reg., xvii, 22 ; xxx, 24. Pour donner les ordres, les cheTs envoyaient des hérauts à travers les rangs des tentes. Jos., i, 10 ; iii, 2 ; I Mach., v, 49.
II. Camps des peuples étrangers. — L’Écriture mentionne les camps d’un certain nombre de peuples avec lesquels les Israélites furent en guerre. — 1° Camp égyptien. Exod., xiv, 20, 21 : Judith, ix, 6. Dans ces passages, le mot est pris dans le sens d’année. Le camp égyptien proprement dit avait la forme d’un carré ou d’un rectangle, avec une entrée principale sur l’une des faces. Près du centre étaient la tente du général et celles des principaux officiers. Sa forme ressemblait à celle d’un camp romain. Parfois la tente du général était entourée d’un double fossé. Le fossé intérieur entourait directement la tente du chef ; entre les deux étaient placées trois autres tentes, probablement celles de ses lieutenants ou de ses officiers d’état-major. Près de l’enceinte extérieure un espace était réservé pour les chevaux, les bêtes de somme et les bagages. Près de la II. - 4
tente du général étaient les autels des dieux, les étendards et le trésor. Les monuments égyptiens représentent des personnages s’agenouillant devant des emblèmes sacrés couverts par un canopé. L’enceinte extérieure était formée par des boucliers disposés en palissades. Les gardes de la porte veillaient et dormaient en plein air. Le camp égyptien, tel qu’il est représenté sur les sculptures du Memnonium de Thèbes, est un camp établi après une victoire, ou du moins à un moment où l’on n’a pas à craindre les attaques de l’ennemi. (Voir fig. 36.) Quand on avait à craindre une agression, le camp était
mentionne les troupeaux placés à l’intérieur du camp. IV Reg., vii, 10, 12, 14, 16. — G » Camp des Assyriens. IV Reg., xix, 35 ; Judith, IX, G, 7 ; xiii, 12 ; xiv, 18 ; xv, 7 ; II Mach., xv, 22. — Le livre de Judith ne donne pas de renseignements sur la disposition du camp des Assyriens, il fournit seulement des détails sur l’aménagement de la tente d’Holopherne, xiii, 1-11, et mentionne les reconnaissances faites autour du camp par les soldats, x, 11. Les bas-reliefs assyriens nous permettent de suppléer à cette lacune. — Quelquefois les Assyriens bivouaquaient en plein air, mais le plus souvent, surtout quand
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37. — Camp assyrien. KoyoundjUi. D’après Layard, Monuments of Mneveh, t. ii, pi. 24.
muni de remparts plus solides et de fossés. Voir Wilkinson, The manners and cusloms of the ancient Egyptians, 2e édit., t. i, p. 267. — Les camps des autres peuples étrangers mentionnés dans l’Écriture jusqu’à l’époque des Machabées ne sont pour la plupart que simplement nommés. — 2° Camp des Madianiles. Le livre des Juges, vu, 1, 8, 11-15 ; viii, 11, décrit le campement de ces nomades, nombreux comme des sauterelles, avec une multitude de chameaux, dans la plaine d’Esdrelon. Il mentionne les sentinelles que font lever les soldats de Gédéon. Jud., vii, 19. — 3° Camp des Philistins. Il en est souvent question. I Reg., iv, 1 ; xiii, 16, 17 ; xiv, 19 ; xvii, 4, 46, 53 ; xxviii, 5 ; II Reg., v, 24 ; I Par., xi, 18 ; xiv, 15. Les Philistins plaçaient leurs camps dans des vallées, I Reg., xiii, 16, mais ils occupaient avec soin les postes importants. I Reg., xiv, 6, 11, 12, 15. — 4° Camp des Ammonites. I Reg., xi, 11 ; Judith, vii, 17-18 (grec).
— 5° Camp des Syriens. IV Reg., vii, 4, 5, 6. L’Écriture
ils faisaient le siège d’une ville, ils construisaient à une certaine distance un vaste camp retranché. D’après les monuments figurés, ce camp était entouré d’un mur en briques, flanqué de distance en distance de tours crénelées. L’intérieur du camp était divisé en quartiers, et les tentes étaient régulièrement disposées le long des rues. Une partie était réservée aux images des dieux. Sur un bas-relief de Nimroud, actuellement au Musée Britannique, on voit les prêtres, offrant, au milieu du camp, les sacrifices accoutumés à deux enseignes placées sur un char. Layard, Monuments of Nineveh, 2e série, pi. 24 (fig. 37). Sur un autre bas-relief de Nimroud, le roi Sennachérib, assis sur son trône, reçoit devant la porte de la tente royale des ambassadeurs étrangers. Layard, Monuments, t. i, pi. 77. La tente du roi se distingue des autres par une ornementation plus riche. Plus bas sont les tentes des soldats et des chefs. Celles des chefs sont, comme latente royale, terminées à chaque extrémité par
une sorte de demi-coupole, soutenue par une armature qui paraît formée de deux pièces de bois disposées en x. Le milieu de la tente est à ciel ouvert. On distingue très bien l’aménagement intérieur des tentes des soldats. Ces tentes sont coniques. La toile ou la peau qui les recouvre est soutenue par un mât vertical qui a deux fois la hauteur d’un homme, et d’où parlent des branches disposées comme les baleines d’un parapluie. Aux branches sont suspendus les ustensiles et les armes des soldats. Ceux-ci se livrent à diverses occupations. Les uns sont assis et. devisent, les autres disposent leur couchette ou se livrent à des travaux domestiques Dans l’enceinte fortifiée, en dehors des tentes, sont parqués les chevaux, les bestiaux destinés à la nourriture des soldats et aux sacrifices, et les bétes de somme. On y plaçait aussi les cha riots. Pendant qu’une partie des soldats se reposait, les autres conduisaient les travaux d’approche ou parcouraient la campagne, de façon à intercepter les communications des assiégés avec le dehors. Voir G. Rawlinson, The five great monarchies uf the ancient eastern World, in-8°, Londres, 1862-1867, t. ii, p. 72-74 ; Fr. Lenormantet E. Babelon, Histoire ancienne de l’Orient, in-4°, Paris, 1887, t. v, p. 60. — 7° Camp des Moabites, alliés des Assyriens. Judith, vii, 8, 11. — 8° Camp des rois grecs de Syrie, I Mach., iv, 18 ; v, 37, 41 ; vi, 32, 51 ; vu, 19, 39 ; ix, 2, 64 ; x, 48 ; II Mach., xiii, 15, etc. Le camp était souvent situé dans la plaine, et sur les collines environnantes les Grecs plaçaient des avant-postes. I Mach., xi, 73. Quand ils livraient bataille, ils laissaient une garde au camp. Jonathas surprit celle qui avait été laissée par Apollonius et qui se composait de mille cavaliers. I Mach., x, 79. Pour dissimuler leur fuite, ils laissaient des feux allumés dans le camp, comme s’ils y étaient demeurés ; c’est par ce moyen qu’ils échappèrent à Jonathas. I Mach., xii, 29.- Dans le camp venaient s’installer, avec les troupes, des marchands d’esclaves qui achetaient les prisonniers. I Mach., iii, 41. Les renseignements que nous donnent les auteurs profanes sur les camps des Grecs sont d’accord avec les indications bibliques. Ces camps étaient parfois de forme carrée, mais souvent ils étaient circulaires. Ce dernier plan était celui des Spartiates. Xénophon, De rep. Laced., xii. Au milieu du camp il y avait une place spéciale pour les armes, un autel et un marché où. les gens du pays venaient vendre des vivres aux soldats. Xénophon, Anab., iii, 2, 1. Le camp n’était pas fortifié, sauf de rares exceptions. Polybe, vi, 42 ; Xénophon, Anab., vi, 5, 1. Outre les avant-postes et les sentinelles, on envoyait des soldats en reconnaissance aux alentours. Anab., ii, -4, 23 ; v, 1, 9 ; vii, 3, 34 ; Cyropédie, iv, 1, 1 ; Mneas, Tactiq., xviii, 22. La nuit était partagée en quatre veilles dont la durée variait suivant les époques de l’année. Arrien, Anabas., v, 24, 2. Cependant quelques savants ont cru que la nuit était divisée en trois veilles seulement, Diodore de Sicile, xix, 38 ; Cornélius Nepos, Eumènes, 9 ; Pollux, i, 70 ; mais le sens de ces passages est douteux. Durant la nuit des feux restaient allumés dans le camp, et Xénophon nous apprend qu’on les éteignait parfois pour tromper, l’ennemi. Anab., vi, 8, 20. Il recommande aussi l’usage où étaient les Thraces d’allumer des feux en dehors du camp. Anab., vii, 2, 18 ; Cyrop., iii, 8, 25. Les ordres étaient communiqués aux soldats par des hérauts ou par la trompette. Anab., ii, 2, 1 et 20 ; iii, 1, 46 ; 4, 36 ; v, 2, 18. Voir G. Pascal, L’armée grecque, p. 84 ; H. Droysen, Heerwesen und Kriegfûhrung der Griechen, p. 89. — 9° Camp romain. Les Actes, xxi, 34, désignent aussi sous le nom de « camp », izxpzLofjXr, (Vulgate : castra), la tour Antonia. Voir Antonia. Celte caserne avait, en effet, la forme régulière d’un camp, c’est-à-dire la forme rectangulaire. Le prétorium (voir Prétoire), comme dans les camps romains, était placé au centre. A l’entour étaient les tentes des soldats, rangées on ligne droite, et dans le cas où, comme ici, il s’agissait d’une
construction permanente, les tentes étaient remplacées par des constructions en pierre. Dans les camps temporaires, les lignes des tentes étaient séparées les unes des autres par des rues, vise, à la fois dans le sens de la longueur et dans celui de la largeur. Le camp était lui-même entouré d’un rempart et d’un fossé. L’ensemble de la fortification s’appelait vallum. Au milieu de chaque côté du carré était une porte. Les portes ainsi que les angles étaient protégés par des tours. La description du camp que fait Polybe, vi, 27-32, s’applique à celui de grandes dimensions, c’est-à-dire qui contenait au moins une légion. La tour Antonia était, au contraire, de dimensions plus restreintes. Elle ressemblait aux camps permanents dont les vestiges ont été retrouvés en beaucoup d’endroits, notamment en Gaule. On le verra aisément en comparant
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38. — Camp de Jublains, près du Mans.
la description de la tour Antonia et le plan du camp do Jublains, près du Mans (fig. 38).
III. Emplois divers du mot « camp ». — 1° Joël, ii, 11, se sert du mot « camp » pour désigner l’armée de sauterelles envoyées par Dieu pour ravager le pays d’Israël. De même, il est question du camp (mahânèh) ou de l’armée des anges, Gen., xxxii, 3 (Vulgate, 2). Cf. I Par., xii, 22 ; Dan., vii, 10. Sous le nom de camp de Jéhovah, l’Écriture désigne les endroits où Dieu se montre, Gen., xxxii, 2 ; et ceux où les prêtres étaient établis. I Par., ix, 19 ; II Par., xxxi, 2. Dans l’Apocalypse, xx, 8, le ciel est appelé « le camp des saints ». — 2° Parmi les comparaisons que la Bible tire des camps, les unes en font ressortir l’ordre merveilleux, par exemple quand l’épouse des Cantiques est comparée à un camp ou à une armée bien ordonnée, Cant., vi, 3, 9 ; vii, 1 ; d’autres en rappellent le bruit, Ezech., i, 24, ou la mauvaise odeur. Amos, iv, 10. L’Ecclésiastique, xliii, 9, compare la lune au fanal qui brille dans le camp. Le grec emploie dans ce passage le mot axeùoc, que la Vulgate traduit par ras caslrorum. — 3° Enfin la Vulgate appelle « camp de Dan », castra Dani, une ville située près de Cariathiarim, dans la tribu de Juda. Jud., xviii, 12. Voir Mahanéii Dan. Elle traduit aussi quelquefois par « camp », castra, le nom propre de Mahanaîm, ville située sur les confins des tribus de Gaa et de Manassé et concédée aux lévites. II Reg., xvii, 21, 27 ; III fieg., ii, 8. Plus communément, saint Jérôme appelle Manaïm cette ville, que plusieurs croient être la localité dont parle la Genèse, xxxii, 2. Voir Maxaï.v. E. Beurlier.
103
CAMP — GAMPEN
104
2. CAMP. La Vulgate, à la suite des Septante, rend plusieurs fois par ce mot le nom de lieu appelé en hébreu Mal}ânaïm et qui était situé à Test du Jourdain, sur les confins de Gad et de Manassé. — Elle le nomme Mahanaïm, en l’interprétant par castra, « camp, » dans Gen., xxxii, 2 ; ailleurs elle écrit Manaïm. Jos., xiii, 26, 30 ; XXI, 37 ; III Reg., iv, 14 ; I Par., VI, 80. Dans les autres passages où il est question de cette ville, saint Jérôme traduit k camp », comme si c’était un nom commun. II Reg., il, 8, 12, 29 ; xvii, 21, 27 ; xix, 32 ; III Reg., ii, 8, et, d’après quelques commentateurs, Cant., vii, 1 (texte hébreu, vi, 13). Voir Mahanaïm et Manaïm.
F. Vigouroux.
3. CAMP DE DAN, nom d’un lieu situé à l’ouest de Cariathiarim, ainsi appelé parce que les Danites y campèrent lorsqu’ils marchaient contre Laïs. Jud., xviii, 12. Son nom hébreu est Mahânêh-Dan. Voir Mahanéh Dan.
- CAMPAGNOL##
CAMPAGNOL (hébreu : ’akbâr ; Septante : (lu ; ;
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30. — Campagnol.
Vulgate : mus), petit mammifère de l’ordre des rongeurs et de la famille des rats. Il se distingue des rats ordinaires par sa queue velue, ses pieds sans palmures, et son pouce de devant engagé sous la peau. Les campagnols se subdivisent en une vingtaine d’espèces, dont quatre ou cinq se rencontrent en Palestine. La plus commune, parmi ces dernières, est celle du campagnol connu sous le nom vulgaire de rat des champs, et appelé par les naturalistes Arvicola arvalis (fig. 39). Ce petit animal n’a guère que de huit à dix centimètres de long. Son pelage est d’un jaune brun, sauf sous le ventre, où il passe au blanc sale. La fécondité de ce rongeur est très considérable ; la femelle fait deux portées annuelles de huit à douze petits chacune. Ce campagnol habite les champs et s’y creuse des terriers qui comprennent deux ou trois réduits différents. Il se nourrit surtout de grains, mange les semences dans la terre où on les a jetées, et, le temps de la moisson venu, coupe le chaume, vide l’épi renversé sur le sol, el le mange sur place ou l’emporte dans ses terriers. Quand cette nourriture lui fait défaut, le campagnol s’attaque aux racines encore tendres des arbrisseaux ou bien en ronge la jeune écorce aussi haut qu’il peut atteindre, ce qui ne tarde pas à causer la destruction des végétaux. On comprend que la multiplication d’un pareil animal constitue un véritable fléau pour les régions où il s’établit. — Le mot hébreu’akbar désignait nécessairement plusieurs espèces de rats, ou même de rongeurs, que les Hébreux ne distinguaient pas les uns des autres. Aussi, quand Moïse range le’akbâr parmi les animaux impurs, Lev., xi, 29 ; quand Isaïe, lxvi, 17, parle des prévaricateurs qui le mangeaient, il
ne faut pas restreindre au seul Arvicola arvalis l’extension de ce mot. Mais il est un autre passage de la Bible dans lequel ce dernier semble indiqué de préférence à tout autre. Quand les Philistins eurent placé l’arche dans leur temple de Dagon, le Seigneur frappa les habitants d’Azot de deux fléaux. Le premier les atteignit dans leur corps, le second dans leurs récoltes. Voici comment s’en expriment les différents textes : « Au milieu de son territoire naquirent des rats, et il y eut dans la ville une grande confusion de mort. » Septante, I Reg., v, 6. La Vulgate dit de son côté : « Au milieu de ce pays, les fermes et les champs furent en ébullition, des rats naquirent, et une grande confusion de mort se produisit dans la ville. » Josèphe, Ant. jud., VI, 1, 1, raconte le fait plus clairement : « Des rats innombrables, sortis de terre, causèrent le plus grand dommage à tout ce qu’il y avait dans cette région, et ils n’épargnèrent ni les plantes ni les fruits. » Le texte hébreu, il est vrai, ne mentionne pas ce fléau des rats. Mais au chapitre suivant il est expressément question des rats « qui ont ravagé la terre », et les Philistins fabriquent cinq rats d’or pour les renvoyer avec l’arche, ainsi que les autres exvota offerts en expiation, I Reg., vi, 5, 11, 18. Ces rats, auteurs de si grands ravages dans le pays des Philistins, sont probablement des campagnols de l’espèce Arvicola arvalis. Tristram, The natural history of the Bible, Londres, 1889, p. 122 ; Wood, Bible animais, Londres, 1884, p. 92. — Notons, à litre de curiosité, qu’Hérodote, H, 141, fait intervenir les « rats de campagne » pour expliquer la destruction de l’armée de Sennachérib. Une multitude prodigieuse de ces animaux se seraient introduits dans le camp pendant la nuit, et auraient rongé les arcs et les courroies des boucliers, réduisant ainsi à l’impuissance les soldats du roi assyrien. L’historien grec, il est vrai, assigne Péluse comme le théâtre de cet événement. Son récit prouve du moins qu’on n’étonnait personne, en supposant les plaines qui bordent la Méditerranée, au sud de la Palestine, hantées par les rats des
champs.- CAMPBELL Georges##
CAMPBELL Georges, théologien protestant, né à Aberdeen, en Ecosse, le 25 décembre 1719, mort dans cette ville le 6 avril 1796. Il fut pasteur à Banchory-Ternan, en 1748, et devint principal du Mareschal Collège, où il avait commencé ses études. En 1771, il obtint une chaire de théologie. Nous avons de cet auteur : A dissertation on miracles, containincj an Examination of the principles advanced by David Hume, in-8°, Edimbourg, 1763 ; The four Gospels, translaled from the Greek. Witli preliminary dissertations and notes critical and explanatory, 2 in-4°, Londres, 1719 ; 4 in-8°, Aberdeen, 1814. — Voir W. Orme, Bibliotheca biblica (1824), p. 79. B. Heuriebize.
1. CAMPEMENT. Voir Camp.
2. CAMPEMENTS DES ISRAÉLITES DANS LE DÉ-SERT. Voir Stations des Israélites dans le désert.
- CAMPEN##
CAMPEN (Jean van), hébraïsant hollandais, né à Campen (Over-Yssel) vers 1490, mort de la peste à Fribourg le 7 septembre 1538. Il étudia l’hébreu sous Reuchlin et fut professeur de cette langue à Louvain, de 1519 à 1531. Il voyagea ensuite en Italie, en Allemagne et en Pologne. À Rome, le pape l’employa à divers travaux sur l’hébreu. On a de lui : De natura litterarum et punctorum hebraicoruin ex variis Elise Levitse opusculis libellus, in-12, Paris, 1520 ; Louvain, 1528 ; — Psalmorum omnium juxta hebraicam veritatem paraphrastica interpretatio, in - 16, 1532, explication littérale des Psaumes qui eut un grand succès et de nombreuses éditions au xvi a siècle, à Lyon, Paris, Nuremberg, Anvers, Slrasbourg, Bàle, et fut traduite en français, en allemand, en 105
CAMPEN — -CANA D’ASER
106
llamand et en anglais ; — Paraphrasis in Salomonis Ecclesiasten, Lyon, 1546 ; — Commentarioli in Epistolas Pauli ad Romanos et Galatas, Venise, 1534.
F. Vigouroux.
- CAMUËL##
CAMUËL, Hébreu : Qemûél ; Septante : Kx^ovr^l. Nom de trois personnages.
1. CAMUËL, troisième fils de Nachor. Gen., xxii, ’21. Les Septante et la Vulgate l’appellent « père des Syriens », traduisant ainsi’ârâm de l’hébreu. Mais les Syriens doivent leur origine à Aram, fils de Sem. Gen., x, 22.’D’après Keil, The Pentateuch, Edimbourg, 1885, t. i, p. 254, Aram désignerait ici la famille de Ram, d’où était issu Éliu. Job, xxxii, 2. On trouve une semblable abréviation Rammim, II Par., xxii, 5, pour Arammim. IV Reg., viii, 29. Le voisinage des noms de Hus et de Buz, Gen., xxii, 21, comme dans l’histoire de Job, rend celle conjecture assez plausible. Aram n’aurait pas formé de tribu, mais se serait uni à la tribu de Buz, son oncle.
2. CAMUËL, fils de Sephtan, un des chefs de tribus désignés pour faire le partage de la Terre Promise entre les fils d’Israël. Num., xxxiv, 24.
3. CAMUËL, père d’Hasabias, qui fut chef des Lévites -au temps de David. I Par., xxvii, 17.
CANA, nom d’un torrent et de deux villes, dont la première, située dans la tribu d’Aser, est mentionnée seulement dans le livre de Josué ; la seconde, située en Galilée, n’est connue que par le Nouveau Testament.
1. CANA (hébreu : Qânâh ; Septante : XsXxavâ, par amalgame de la dernière syllabe du mot nal.ial, qui en hébreu précède Qânâh pour indiquer que c’est une rivière ou torrent, avec le nom même de ce torrent ; Codex Alexandrinus : -/îi|i.appoi ; Kavot), vallée et rivière qui formait la limite de la tribu d’Éphraïm, au sud, et de Manassé, au nord, et qui décharge ses eaux dans la Méditerranée. Jos., xvi, 8 ; xvii, 9. Qânâh signifie « roseau » ; de là vient que la Vulgate, dans les deux passages, a traduit : Vallis arundineti, « vallée des roseaux ». Dans le premier, Jos., xvi, 8, elle ajoute que la rivière a son embouchure dans la mer « très salée », c’est-à-dire dans la mer Morte. Mais comme le territoire de la tribu de Manassé ne descendait pas jusqu’à la mer Morte, il ne saurait être ici question d’elle ; le texte original en parlant simplement de la mer, yam, sans autre détermination, a voulu désigner la Méditerranée. Quant à l’identification de Nal.ial Qânâh, elle n’est pas certaine. — Le mot nal.ial, comme aujourd’hui ouadi, désigne tout à la fois la vallée et le ruisseau ou le torrent qui y coule. — 1° Ed. Robinson, Biblical Researches, 1856, t. iii, p. 135, croit retrouver Qànâh dans un ouadi qui prend naissance au centre des montagnes d’Éphraïm, près d’Akrâbéh, à une dizaine de kilomètres au sud-est de Naplouse ; il porte le nom d’ouadi Qanah et s’unit à l’ouadi Zakur, qui est lui-même un affluent du Nahr el-Aoudjéh, dont les eaux se déversent dans la Méditerranée, au nord de Jaffa. Le nom de Qanah est propre à frapper l’attention. Quant au Nahr el-A oudjéh, il pouvait assurément servir de frontière naturelle, mais il est beaucoup trop au sud pour avoir limité la tribu d’Éphraïm. — 2° W. M. Thomson, The Land and the Book, 1876, p. 507, avait émis l’hypothèse que le nal.ial Qânâh est le Nahr Abou Zaboura ou Nahr Iskandérounéh actuel, qui prend sa source près de Dothaïn, se dirige vers l’ouest et se jette dans la mer au sud de Césarée, formant, dans la dernière partie de son cours, une rivière considérable. Nous l’avons traversé deux fois en avril 1894, de même que le Nahr el-Aoudjéh, et les deux rivières avaient alors environ un mètre d’eau. Si le Nahr el-Aoudjéh est trop au sud, le Nahr Abou Zaboura est trop au nord. Thomson a d’ailleurs aban donné depuis lui-même son hypothèse. The Land and the Book, Southern Palestina, 1881, p. 56. — 3° La dénomination de « Vallée des roseaux » peut parfaitement convenir aux rives marécageuses du Nahr el-Faléq, où, comme beaucoup d’autres voyageurs avant nous, nous nous sommes plusieurs fois embourbés, en 1894, au milieu des joncs et des roseaux qui y abondent. Son nom actuel de Nahr el-Faléq signifie « rivière de la fente ou de la coupure », Rochetailie (roche taillée), comme l’appellent les historiens latins des croisades ( Ricardus, Itinerarium peregrinorum et gesta régis Ricardi, 1. iv, c. xvi, dans Chronicles and Memorials of the Reign of Richard I, t. i, Londres, 1864, p. 259) ; mais le biographe arabe de Saladin, Bohæddin, lui donne un nom ayant la même signification que celui qu’il porte dans le livre de Josué, Nahr el-Kassab, « rivière des roseaux » (Bohæddin, Vita et res gestse Saladini, édit. Schultens, in-f°, Leyde, 1732, p. 191). Les roseaux qui le bordent, drus et serrés, sont d’espèces diverses ; on y remarque surtout celui que les Arabes appellent berbir et qui se distingue par l’élégance de sa forme. Ils remplissent, comme de petites forêts, les marécages que forme la rivière dans la plaine de Saron, avant de se jeter dans la mer ; on en traverse plusieurs en cet endroit lorsqu’on suit la grande route qui va de Gaza à la plaine d’Esdrelon et qui a été très fréquentée dans l’antiquité, et assurément aucun de ceux qui ont eu à passer à travers ces arundineta, pour employer le mot expressif de la Vulgate, n’en a jamais perdu le souvenir. Le Nahr èl-Faléq, à peu près à égale distance entre le NaJir el-Aoudjéh et le Nahr Abou Zaboura, convient, par sa position, comme frontière entre Éphraïm et la demi-tribu de Manassé occidental. Il se jette dans la Méditerranée au nord d’Arsouf, au nord-ouest d’Et-Thiréh. Voir la carte de la tribu d’ÉPHHAÏM. M. V. Guérin, Samarie, t. ii, n. 3H6, a déjà identifié cette rivière avec le nal.ial Qânâh. Ce qui empêche cependant de se prononcer avec une entière certitude sur l’identification du nahal biblique, c’est que le site de Taphua, près duquel il coulait, Jos., x’l, 8 ; xvii, 8, n’a pu être encore retrouvé. F. Vigouroux.
2. CANA D’ASER (hébreu : Qânâh, « roseau ; » Septante : Kav6àv ; Codex Alexandrinus : Kavâ), une des villes frontières de la tribu d’Aser. Jos., xix, 28. D’après l’ordre suivi par l’auteur sacré dans l’énuméralion des principales localités, ꝟ. 25-30, et dans le tracé des limites, elle appartenait au nord de la tribu, comme Rohob etHamon, qui la précèdent immédiatement. Voir Aser 3 et la carte, t. i, col. 1084. C’est la dernière mentionnée « jusqu’à Sidon la Grande » ; voilà pourquoi quelques auteurs ont voulu la chercher dans les environs de la cité phénicienne. Cf. Keil, Josua, Leipzig, 1874, p. 157. Nous ne croyons pas que les possessions israélites se soient étendues si loin : l’hébreu’ad employé ici, v. 28, 29, signifie « jusqu’au territoire » de Sidon et de Tyr, qui est donné, d’une façon générale, comme désignation de frontières. Il ne faut pas non plus la confondre avec Cana de Galilée, où Notre-Seigneur opéra son premier miracle, en changeant l’eau en viii, Joa., ii, 1-11, et qui se trouvait non loin de Nazareth, dans la tribu de Zabulon plutôt que dans celle d’Aser. C’est pourtant l’erreur qu’a commise Eusèbe, en disant : « Kana, jusqu’à Sidon la Grande, était dans le lot d’Aser. C’est là que NotreSeigneur et Dieu Jésus-Christ changea l’eau en vin ; c’est de là qu’était aussi Nathaiwël. C’était une ville de refuge, ç-jyaSsvT^piov, dans la Galilée. » Onomastica sacra, Gœttingue, 1870, p. 271. Saint Jérôme, dans sa traduction, fait la même méprise, et remplace la dernière phrase par ces mots : « C’est aujourd’hui un petit bourg dans la Galilée des nations. » Ibid., p. 110, ou Liber de situ et noniinibuslocorumhebraicoruni, t. xxiii, col. 886, avec les notes. Cette assertion est contraire en înêrre temps au texte de Josué et au récit évangélitjue.
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GANA D’ASER
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Voir Cana de Gaulée. On identifie généralement, et d’une manière qui nous paraît certaine, Cana d’Aser avec un grand village qui porte encore aujourd’hui exactement le même nom et se trouve à douze kilomètres environ au sud-est de Sour (Tyr). L’arabe JS, Qânâ, avec qof initial, est bien la reproduction de l’hébreu ïiip, Qànâh, et la position répond parfaitement aux données bibliques. Telle est l’opinion de Robinson, Biblical Researches in Palestine, Londres, 1856, t. ii, p. 456 ; R. J. Schwarz, Das heilige Land, Francfort-sur-le-Main, 1852, p. 153 ; Vaii deYelde, Memoir to accompany the Map of the Holy Land, Gotha, 1858, p. 327, etc.
Qânâ, dont la population’totale comprend au moins mille habitants, . se compose de trois quartiers. Le quar de signaler. Vers le nord-ouest, sur les flancs du profond et sauvage ouadi’Aqqàb, partout le rocher a été entaillé pour creuser des hypogées et des fours à cercueil, des pressoirs, etc. « De Kabr-Hiram ou de Hanaouéh à Cana, dit M. Renan, les antiquités de ce genre, taillées dans le roc, se rencontrent à chaque pas : c’est, par centaines qu’elles se comptent. La route de Cana est, sous ce rapport, l’endroit le plus remarquable que j’aie vu. Je signalerai en particulier des espèces de caveaux ayant dans le haut un trou rond, d’innombrables travaux industriels dans le roc, mêlés à de belles sépultures, aussi dans le roc. Les pierres en forme de potence (pressoirs ) abondent, les chambres dans le roc se voient de toutes parts. Il y a aussi des constructions, des restes de murs. La colline rocheuse près de Cana surtout est
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40. — Bochers soulptéa à Hanaouèh, près ûe Tyr. D’après Lortet, La Syrie d’aujourd’hui.
tier supérieur, qui passe pour être le plus ancien, occupe le sommet de la colline sur les pentes orientales de laquelle sont situés les deux autres ; il est presque entièrement abandonné aujourd’hui, sauf quelques maisons, et les pierres de ses constructions renversées sont transportées et utilisées dans les autres parties du village. Plus bas, vers l’est, est un second quartier, habité, comme le premier, par des Métoualis, au nombre de six cents environ. On y remarque deux mosquées, dont une à moitié ruinée, et une grande maison qui servait autrefois de résidence à un bey opulent. Plus bas encore, dans la même direction, se trouve le quartier chrétien, qui contient à peu près quatre cents Grecs unis, dont l’église, dédiée à saint Joseph, est nouvellement rebâtie. Une chapelle protestante l’avoisine. En continuant à descendre des pentes cultivées en figuiers, en oliviers et en tabac, on arrive bientôt à un puits appelé, on ne sait pourquoi, ’Aïn el-Qasîs, « la source du prêtre, » et près duquel on lit sur une belle pierre servant d’auge le mot grec : EKOCMHCEN, « a orné. » Le reste de l’inscription gît, à ce qu’il parait, au fond du puits, où elle a été projetée autrefois ; elle devait être placée sur un monument qui avait été décoré par un personnage dont elle faisait connaître le nom. "V. Guérin, Galilée, t. ii, p. 390-391.
Qânâ ne renferme pas beaucoup d’antiquités, mais ses environs en offrent de très curieuses, qu’il est utile
couverte de ces travaux, trous ronds, petits et grands, dans le rocher (les grands sont des ùnoÀ^via), bassins, rigoles, etc…, c’est aux environs de Cana qu’on trouve les plus belles sépultures tyriennes, souvent comparables par leur masse grandiose à celle qu’on a décorée du nom d’Hiram. » Renan, Mission de Phénicie, in-4°, Paris, 1864, p. 635, 636. Les vestiges d’antiquité les plus singuliers sont les sculptures bizarres qu’on remarque à quinze ou seize cents mètres au nord-ouest du village. Le ravin devient de plus on plus sauvage ; en beaucoup d’endroits les rochers ont été taillés verticalement, et à la surface de ces murs abrupts il y a une longue série de petites statues et de stèles funéraires taillées en ronde-bosse dans le calcaire du sol. « Ces statuettes ont de quatrevingts centimètres à un mètre de hauteur. Elles ont un caractère archaïque des plus prononcés ; leur corps est souvent terminé en pilastre quadrangulaire on par une large robe assyrienne fermée du coté gauche. Les yeux sont vus de face, tandis que la plupart du temps les figures sont tournées de profil. Dans les angles saillants du rocher on voit plusieurs têtes qui ne manquent pas d’un certain caractère. » Lortet, La Syrie d’aujourd’hui, . dans le Tour du monde, t. xli, p. 30. Cf. Palestine Exploration Fund, Quarterly Slatement, 1890, p. 259-’261, avec deux photographies. Voir fig. 40..M. Lortet pratiqua des fouilles à la base de ces sculptures, mais sans109
CANA D’ASER - CANA DE GALILÉE
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rien trouver qui pût en expliquer la destination ou en préciser la date ; il les attribue aux proto - Phéniciens. M. Guérin, Galilée, t. ii, p. 403, les regarde comme bien antérieures à l’époque gréco-romaine et y voit des marques de l’art égyptophénicien. M. Renan, Mission, p. 635, dit de son côté : « Impossible d’attribuer à un simple jeu de pâtres oisifs des images qui ont exigé un travail aussi suivi, et où l’on remarque beaucoup d’intentions ; il est bien difficile pourtant d’y voir des produits d’un art sérieux. » Une découverte non moins intéressante a été faite dans le voisinage immédiat de ces singuliers monuments. M. Lortet, ouv. cité, p. 31, y a trouvé des milliers de silex taillés et de nombreux fragments d’os et de dents ;
possible, Étude sur divers monuments du règne de Thoutmès III, dans la Revue archéologique, Paris, 1861, p. 360. Maspero est plutôt porté à l’identifier avec la Cana du Nouveau Testament, Sur les noms géographiques de la Liste de Thoutmos III qu’on peut rapporter à la Galilée, p. 5, extrait du Journal of Transactions of the Victoria Institute, or philosophical Society of Great Britain, t. xx, 1887, p. 301. Ce qu’il y a de certain, c’est que
l’égyptien a ^ 1 1 v, Qaïnaou, répond bien à l’hébreu Qânâh ; on trouve même la forme hiéroglyphique Cana ; cf. W. Max Mùller, Asien und Europa nach Altàgyptischen Denkmàlem, Leipzig, 1893, p. 193. On
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41. — Klilrbot Qana. D’aprèa une. photographie de M. L. Heidet.
parmi les silex on reconnaît les pointes et les racloirs du type dit moustérien ; les fragments de dents peuvent se l’apporter aux genres Cervus, Capra ou Ibex, Equus et Bos.
L’Écriture ne nous dit rien sur Cana ; la mention qu’en fait Josué, comme cité chananéenne, nous en montre seulement la haute antiquité. Mais les nombreux vestiges d’industrie humaine qui l’avoisinent ne nous révèlent-ils pas l’importance historique de l’emplacement qu’elle occupait ? Ces restes de l’âge de pierre, ces bas-reliefs et ces figures archaïques, ces hypogées et ces pressoirs, n’indiquent-ils pas une succession de races qui ont habité le pays depuis les temps les plus reculés jusqu’aux époques historiques ? Les monuments funéraires surtout et les travaux d’économie rustique qu’on rencontre à chaque pas dans la contrée manifestent comme un rayonnement de l’activité et de la civilisation qui régnaient à Tyr, dont Cana bordait le territoire. — Faut-il voir dans notre ville la Qaïnaou de la Liste de Thothmès III, n" 26 ? Mariette le pense : Les Listes géographiques des pylônes de Karnak, in-i", Leipzig, 1875, p. 21. E. de Rougé le croit
cherche à fixer l’emplacement d’après le groupement des villes sur la Liste. Il y a encore bien des obscurités sous
ce rapport.3. CANA (Kavâ), dite de Galilée, pour la distinguer de Cana d’Aser, est une localité mentionnée dans l’Évangile de saint Jean, ii, 1, 11 ; iv, 46 ; xxl, 2, mais que les synoptiques passent entièrement sous silence, à moins qu’ils n’en aient fait la ville d’origine de l’un des douze apôtres, Simon, qu’ils surnomment le Cananéen, Matth., x, 4 ; Marc, iii, 18 ; mais ceci est peu probable, la qualification de Kavavîni ; (ou Kavowœïo ; ), correspondant régulièrement à celle de ÇtjXcdt^ ; , que lui donnent les listes apostoliques. Luc, VI, 15, et Act., i, 13. On sait, en effet, que qannoV, signifie en hébreu « zélé ». Cf. Exod., xx, 5 ; Josèphe, Bell, jud., IV, iii, 9 ; Galat., i, 14.
I. Histoire. — Le quatrième Évangile nous dit que la petite ville de Cana fut le théâtre du premier prodige opéré par Jésus. C’est là, en effet qu’après son baptême, il inaugura sa vie publique, en assistant avec ses discipls-s à des noces où il changea l’eau en vin. Joa, ii, 1, 11.
411
CANA DE GALILÉE
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C’est là également que peu après, et comme il revenait encore de Judée, il guérit à distance le fils d’un officier royal malade à Capharnaûm. Joa., iv, 46, 54. Enfin au dernier chapitre du même Evangile de saint Jean, xxi, 2, il est précisé que l’apôtre Nathanaël était de Cana, mais en termes tout différents de la qualification de Cananéen ou Cananite donnée à Simon le Zélote.
II. Identification. — Malheureusement, de ces passages où Cana est mentionnée, pas un ne donne une indication topographique suffisante pour retrouver sûrement sa place. Nous savons qu’elle était sur un point élevé par rapport à Capharnaûm, car Jésus et les siens « des lité trois grandes étapes pour des voyageurs, et à travers des chemins très fatigants. Sur ces simples indications générales on se sent donc porté de préférence à chercher Cana au sud et non pas au nord de la plaine de Zabulon. — Deux sites (et même trois, si l’on voulait se préoccuper de l’Ain Cana signalée par Conder près de Reinéli, à trois kilomètres au levant de Nazareth), portent dans cette plaine le nom de Cana. L’un est Khirbet Qana, au nord, sur les premières ondulations de terrain qui s’élèvent rapidement du côté de Djefàt, l’ancienne Jopata ; l’autre au midi, Kefr-Kenna, sur le chemin qui va de Nazareth au lac de Tibériade. Ils ont eu tous deux leurs partisans.
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42. — Kefr-Kenna. D’après une photographie.
cendent », y.aziê-t], Joa., Il, 12, pour se rendre de Cana dans cette dernière ville ; mais c’était la situation générale des terres de Galilée dominant le lac de Génésareth et par conséquent les villes qui l’avoisinent. Ce qui peut paraître plus significatif, c’est que Jésus y arrive sitôt qu’il entre en Galilée, qu’il revienne soit des bords du Jourdain après son baptême, Joa., ii, 1, soit de Jérusalem après la première Pàque de sa vie publique. Joa., iv, 46. Il semble donc tout naturel de chercher Cana sur la frontière méridionale de la Galilée. On peut même faire cette observation que Jésus et ses disciples nouvellement choisis y arrivent en trois jours, étant partis de Béthanie ou Béthabara, le lieu du Jourdain où Jean baptisait. Joa., i, 43, comparé avec ii, 1. Voir notre Vie de Notre-Seigneur Jésus-Christ, 3e édit., t. i, p. 272. Il ne faut donc pas chercher trop au nord le site de Cana, puisque de Béthabara au Thabor, en suivant la route directe par Scythopolis, il y a déjà quatre-vingts kilomètres, soit quatrevingt-dix jusqu’aux hauteurs de Nazareth. C’était en réa Très certainement il n’y a pas d’impossibilité absolue à placer Cana de l’Évangile à Khirbet Qana (fig. 41), et cette localité, tout en étant au nord de la plaine, pourrait paraître encore assez à proximité de Nazareth et de Capharnaûm pour répondre à ce qui est dit dans l’Évangile, et même assez bien située comme point stratégique pour qu’il semblât utile à Josèphe de l’occuper. Vit., 16. Les ruines qu’on y voit sont, au moins dans la partie haute de la colline, d’un bel appareil. Il a dû y avoir là une place forte servant d’avant - poste à Jotapata. Cependant il faut reconnaître que Khirbet Qana n’a pas de fontaine, qu’on n’y voit pas trace d’anciens édifices religieux, et qu’étant donné le voisinage de Jotapata, il y a eu toujours plus d’utilité pour une armée à occuper Kefr - Kenna, au sud de la plaine, à cheval sur Séphoris et Tibériade, les deux capitales de la Galilée, que Khirbet Qana au nord. La science stratégique a ses données invariables. On sait que c’est à Kefr-Kenna que Kléber, et non loin de là, à Esch-Schedjarat, que Junot, dans les premiers
jours d’avril 1799, arrêtèrent l’avant - garde de l’armée turque allant de Damas sur Saint-Jean-d’Acre, et préparèrent la bataille du Mont-Thabor. La route militaire de Tibériade à la mer a certainement été de tout temps par le sud de la plaine de Zabulon, en dominant celle d’Esdrelon. Le seul argument sérieux en faveur de Khirbet Qana, et qui a provoqué depuis Robinson, Biblical Researches, 1856, t. ii, p. 347-349, un mouvement d’opinion contre Kefr-Kenna, c’est que celui-là aurait été désigné jusque dans ces derniers temps sous le nom de Qana el-Djélil. Or l’universalité de cette dénomination est tellement contestable, qu’il n’a pas été possible, pas plus à M. Victor Guérin, Galilée, t. i, p. 475, témoin scrupuleux et autorisé s’il en fut, qu’à ceux qui sont venus après lui, de la retrouver sur les lèvres d’un véritable habitant du pays.
Le plus sage demeure donc, pour retrouver avec pro 43. — Urne dite de Cana. Musée d’Angers.
habilité l’ancienne Cana de l’Évangile, d’interroger la tradition ancienne et de nous y tenir d’autant plus fermement, qu’elle s’accorde avec les indications topographiques suggérées par l’Évangile ou par Josèphe. Le plus ancien itinéraire où Cana se trouve mentionnée est celui de sainte Paule, tracé par saint Jérôme : « Cito itinere pereurrit Nazareth, nutriculam Domini, Cana et Capharnaum, etc. » Itiner., édit. Tobler, t. i, p. 38. Il ne précise rien, mais il semble supposer que Cana était sur la route directe de Nazareth à Capharnaûm. Théodose, De Terra Sancta, Itiner., édit. Tobler, t. i, p. 71, se contente de dire que de Diocésarée (Séphoris) à Cana de Galilée, ou à Nazareth, il y a une égale distance, cinq milles. Il peut y avoir erreur dans le chiffre, car c’est trois milles qu’il faut lire, mais le résultat acquis est l’égalité des distances ; or cette égalité est parfaite s’il vise Kefr-Kenna, elle n’existe plus s’il s’agit de Khirbet Qana. Séphoris se trouve, en effet, au sommet d’un triangle équilatéral dont Nazareth et Kefr-Kenna formeraient la base. Antonin le Martyr devient plus explicite. Itiner., édit. Tobler, t. i, p. 93. Il se rend de Ptolémaïde à Séphoris en suivant sans doute la grande voie militaire, et de Séphoris au bout de trois milles, ce qui est la distance exacte, il arrive à Cana, où le Seigneur avait assisté aux noces. Là même où Jésus s’était assis, le pieux voyageur écrit les noms de ses parents. Ce lieu avait été déjà transformé en église, puisqu’il s’y trouvait un autel où Anto-Jliii offrit une. des deux amphores encore conservées par
les fidèles, et où l’eau, une fois de plus, venait de se changer en vin à l’occasion de sa visite. Après cela il courut se laver, en signe d’actions de grâces, dans la fontaine de Cana. Près de deux siècles plus tard, vers 726, saint Willibald, étant allé de Nazareth à Cana, y trouve une grande église ; mais il n’y a plus qu’une des deux amphores vénérées par Antonin le Martyr. La piété des empereurs d’Orient et des princes d’Occident avait disputé aux pauvres paysans de Palestine ces illustres reliques. Il passe un jour à Cana et va de là au Thabor. Itiner., édit. Tobler, t. ii, p. 260. Ce pèlerin a donc vénéré lui aussi à Kefr-Kenna, et non à Khirbet-Qana, le souvenir du premier miracle de Jésus. L’église qu’on y voyait était probablement celle que Nicéphore Callistc, H. E., viii, 30, t. cxlvi, col. 113, suppose avoir été bâtie par sainte Hélène.
Au temps des croisades, la tradition devient peu à peu
44. — Tète de Bacchus de l’urne dite da Cana. Musée d’Angers.
indécise. Peut-être le texte erroné d’Eusèbe, où Cana d’Aser était confondue avec Cana de Galilée, donna-til quelques inquiétudes aux plus lettrés, et chercha-t-on au nord de la plaine de Zabulon un site moins éloigné de la tribu d’Aser. Quoi qu’il en soit, Sœvulf, vers 1103, place Cana à six milles au nord de Nazareth, sur une montagne. On n’y voit plus, assure-t-il, qu’un monastère dit de l’Arehitriclin. L’orientation de Khirbet Qana est certainement bien marquée au nord de Nazareth, mais la distance est fausse, car il y a neuf milles. Kefr-Kenna est à trois milles nord-est. Phocas, Descript. Terrx Sanctse, Patr. gr., t. cxxxiii, col. 933, dit que Cana était, de son temps, un château fort sans importance, dans les collines qui se groupent du côté de Nazareth. Il semble indiquer Kefr-Kenna. Jean de Wurzbourg suit son exemple et trouve Cana à quatre milles de Nazareth et à deux de Séphoris. Descript. Terrse Sanclæ, édit. Tobler, p. 112. Toutefois, en copiant la relation du moine Brocard, Marino Sanuto, vers 132 1, place catégoriquement Cana à Khirbet Qana actuel. Sécréta fidelium, à la suite des Gesta Dei per Francos, Hanau, 1611, p. 253 et carte n. La petite ville, dit-il, s’échelonne sur une montagne haute et ronde, au nord, et elle domine la piaine de Séphoris du côté du sud. On y montre sous terre la salle du festin devenue une crypte, après tous les bouleversements qui ont transformé le pays. De l’église, il ne dit rien ; mais le trouble apporté dans la tradition primitive,
peut-être par quelque personne intéressée à fixer au nord de la plaine de Buttauf ou de Zabulon un poste militaire, chevaliers de Saint-Jean ou autres, ne fit que s’accroître rapidement. Les chartes des XIIe et xme siècles, qu’on allègue dans la discussion, établissent simplement que dès cette époque on distinguait Kefr-Kenna, sous le titre de Casai - Robert, de Khirbet Qana, mais rien de plus. S. Paoli, Codice diplomatico del militare ordine Gerosolimitano, Lucques, 1733, t. i, p. 162, 173. Cependant la vieille tradition paraît avoir perdu peu à peu du terrain, si bien qu’en 1625, Quaresmius, Elucid., Venise, 1882, t. ii, p. 641, tout en mettant Cana à Kefr-Kenna, n’ose pas condamner l’opinion qui le place’à K/rirbet
111. Description, — Le petit village de Kefr-Kenna, que nous avons visité trois fois, en 1888 et en 1894 (voir Notre voyage aux pays bibliques, t. ii, p. 218), est agréablement situé au bas d’une colline, jadis couverte de constructions (fig. 42). Des débris de murs que la charrue a dispersés çà et là, des citernes, des caves nombreuses, creusées dans le tuf, indiquent l’ancienne importance de la petite cité. Il y eut même, sur la partie haute de la colline, une grande tour rectangulaire, qui servait de château fort. Aujourd’hui le modeste bourg, groupe de maisonnettes rectangulaires, basses et misérablement bâties, n’occupe guère qu’un tiers de l’ancienne cité. Près de huit cents habitants, dont trois cents musulmans, autant de
45, — Fontaine de Cana.
Qana. Il était pourtant custode des Saints Lieux. Très simplement il expose les raisons qui le portent à préférer Kefr-Kenna. Or ces raisons subsistent encore aujourd’hui et se résument à trois : sa situation sur la route de Nazareth à Tibériade, correspondant plus directement aux indications de Josèphe et de l’Évangile ; les ruines d’anciennes églises qu’on y exhume chaque jour, et enfin la belle fontaine qui a alimenté là de tout temps une importante population. À Khirbet Qana rien de semblable. Nous nous rangeons donc à l’avis de Quaresmius, avec la modération même qu’il emploie dans les termes. « L’opinion de ceux qui mettent Cana de l’Évangile à Kefr-Kenna, dit-il, p. 641, me paraît très probable, bien que je n’ose pas condamner l’autre. » Il pourrait se faire que des fouilles dans les broussailles de Khirbet Qana vinssent modifier la tradition, qui, malgré Robinson et quelques autres, demeure en faveur de Kefr-Kenna ; jusqu’à présent il n’en a rien été. — Pour le Qaanau des monuments égyptiens, voir Cana 2.
grecs, et le reste catholiques latins, peuplent ces gourbis, entourer, de haies de cactus et de plantations d’oliviers, de figuiers et surtout de grenadiers. Kefr-Kenna reçoit très’agréablement la brise du nord-ouest, qui lui arrive à travers la plaine du Battauf. Trois sanctuaires chrétiens situés au bas de la colline, vers l’ouest, y rappellent aux pèlerins des souvenirs évangéliques. Dans l’église grecque, que nous avons trouvée terminée à notre second voyage en Palestine, on montre deux urnes en grossier calcaire blanc qu’on dit contemporaines de Notre-Seigneur, et qui auraient vu l’eau changée en vin au festin des noces. Ces urnes ne sont pas authentiques : elles ne ressemblent aucunement aux amphores découvertes dans les caves du pays, ni à celles dont on se sert encore aujourd’hui pour conserver soit l’eau, soit le vin dans les maisons des paysans. Plusieurs hydrières, comme on les appelait autrefois, furent transportées d’orient en occident, comme élant celles qui avait servi au miracle. Michaud et Poujoulat, Correspondance d’Orient, 7 in-8°, Paris, 117
CANA DE GALILÉE — CANAL
US
-1833-1835, t. v, p. 458-459. L’une d’elles était à l’abbaye de Saint-Denis ; il n’en reste plus qu’un fragment conservé au cabinet des Médailles de Paris. Le musée d’Angers possède un vase de porphyre rouge (fig. 43), donné le 19 septembre 1450 par le roi René à la cathédrale de cette ville comme « urne de Cana » ; mais, quoique cette œuvre d’art soit fort ancienne et d’origine orientale, les deux têtes de Bacchus qu’on y remarque (fig. 44) ne permettent guère d’y voir une des hydrise de Cana. Voir Godard-Faultrier, Les urnes de Cana, dans Didron, Annales d’archéologie, t. xi, p. 253. Pour d’autres urnes auxquelles on attribue la même origine, voir de Vogué, ibid., t. xiii, p. 91 ; Gilbert, ibid, , p. 95 ; Mislin, Les Saints Lieux, 1858, t. iii, p. 445. Le miracle de Cana est souvent reproduit sur les monuments antiques de l’art chrétien. Voir Martigny, Dictionnaire des antiquités chrétiennes, art. Cana, 1877, p. 112 ; F. X.Kraus, Real-Encyklopâdie der christlichen Alterthùmern, t. ii, 1886, p. 91.
A l’église latine de Cana, on vient de mettre à jour des débris intéressants, colonnes, tympans, fragments de mosaïques, qui révèlent l’antiquité d’un sanctuaire chrétien bâti en ce lieu. Ce sanctuaire, devenu plus tard une mosquée, comme il arriva pour tous les sites les plus vénérables, abritait encore en 1652, quand Doubdan la visita, Voyage en Terre Sainte, c. nx, 3e édit., in-8°, Paris, 1666, p. 539, une crypte qui correspondait à la salle des noces. La construction supérieure, un carré divisé en deux nefs par un rang de colonnes, peut aujourd’hui être pleinement reconstituée. Non loin de là on peut voir, vers le nord-ouest, le site supposé de la maison de Nathanaël, un petit sanctuaire élevé dans un jardin d’ailleurs fort bien tenu. Mais la relique qui attire surtout l’attention, c’est la fontaine (fig. 45). Elle est au bas du village, à deux cents mètres environ vers le sud-ouest. On y vient puiser de l’eau de tous les côtés. Dans le grand bassin où elle se déverse, de grosses anguilles se promènent pour y dévorer les sangsues dont ces eaux pullulent. Au-dessous et dans d’autres récipients, des femmes lavent bruyamment le linge de leur ménage. Quand on veut boire pure un peu de cette eau de Cana, jadis miraculeusement changée en viii, il faut aller vers le sud, à travers une double haie de cactus et de grenadiers. Là est la source profonde qui alimente la fontaine publique. Les femmes qui craignent de puiser dans le bassin rectangulaire où se lavent les passants vont remplir leurs amphores à cette sorte de puits. Les jeunes filles alertes y descendent prestement, en posant leurs pieds sur des pierres placées en saillie dans la petite construction circulaire, et elles remontent bientôt après par cette singulière échelle, en tenant leur cruche gracieusement dressée sur l’épaule gauche. Comprenant notre désir de boire, à Cana, de l’eau moins souillée que celle de la fontaine publique, elles inclinent avec un charme incomparable l’urne sur leur bras gauche, et nous offrent à boire, dans l’attitude même que Rébecca dut prendre jadis vis-à-vis d’Éliézer. L’eau est bonne, mais médiocrement fraîche. La population semble très avenante. Le type est aussi remarquable ici qu’à Nazareth. Sur les coteaux on a récemment planté des vignes. Le vin qu’elles produisent est assez bon. — Quant à la pierre qu’on avait montrée à S. Antonin de Plaisance et sur laquelle, lui avaiton dit, s’était étendu Notre -Seigneur pendant le festin des noces, elle n’est plus à Cana ; mais c’est peut-être celle qui a été retrouvée en 1885, dans les ruines de la Panaghia, à Élatée, en Phocide. Elle est en marbre gris, veiné de blanc, longue de 2 m 33, large de m 64 et haute de m 33. On y lit l’inscription suivante, que, d’après les caractères paléographiques on peut reporter vers la fin du vi » siècle : ►£ OVTOCECT1N | OAI0OCAIIO | KANATHCrAJ_AIAEACOJ10T | TOTAÛPOINON | EnOlIlCEN KC | HMON IC XC » J( « C’est la pierre de Cana de Galilée, où Notre-Seigneur Jésus-Christ changea l’eau en vin. » Elle a dû être emportée de Palestine
à l’époque des croisades. Elle est conservée maintenant à Athènes. Ch. Diehl, La pierre de Cana, dans le Bulletin de correspondance hellénique, t. ix, 1885, p. 28-42 ; P. Paris, Élatée, la ville et le temple d’Athéna Cranaïa r in-8°, Paris, 1892, p. 299-312.
Voir en faveur de l’identification de Kefr-Kenna avec Cana de l’Évangile : V. Guérin, Galilée, t. i, p. 168-182. et 474-476 ; de Saulcy, Voyage autour de la mer Morte, Paris, 1853, t. ii, p. 449-494 ; Œgidius Geissler, Die Mission von Cana, dans Dos heilige Land de Cologne, 1881, p. 93-96, et Nachrichten aus.Cana in Galilâa, ibid., . 1883, p. 57-64. — En faveur de Khirbet Qana : Robinson, Biblical Researches in Palestine, 1856, t. ii, p. 346349, t. iii, p. 108 ; Thomson, The Land and the Book r édit. de 1876, p. 425. E. Le Camus.
CANAL. Il existe en hébreu plusieurs mots pour exprimer l’idée de canal. Ces mots s’appliquent à toutessortes de conduits artificiels pratiqués pour donner passage à l’eau ou à un liquide quelconque, depuis le petit tuyau de métal jusqu’au canal proprement dit. — 1°’Afîq, qui désigne ordinairement le lit naturel des rivières et des torrents, se prend aussi pour le petit conduit de métal (Vulgate : fistula), Job, xl, 13 (hébreu, 18). — 2° Sanf âr (Septante : ïnaçutnçik ; Vulgate : suffusorimn) est le petit tuyau qui amène l’huile. Zach., iv, 12. — 3° Sinnôr est le nom d’un conduit alimenté par une chute d’eau, dans lequel David ordonne de précipiter les Jébuséens. II Sam. (Reg.), v, 8 (hébreu). — ¥Mas’âb, Jud., v, 11 (hébreu) ; rehâlîm, Gen., xxx, 38, 41 ; Exod., ii, ; sôqét, Gen., xxiv, 20 ; xxx, 38 (Septante : >ï]vdç ; Vulgate : canalis), sont les noms des abreuvoirs, généralement en forme d’auges, dans lesquels on faisait boire les animaux. On les fabriquait en bois ou en pierre. Il n’y avait pas lieu d’en établir auprès des sources qui donnaient naissance à un ruisseau, mais seulement auprès des puits, trop profonds pour que les troupeaux parvinssent à s’y abreuver. On tirait l’eau du puits avec des outres ou des espèces de seaux, comme on le fait encore aujourd’hui près de Tantourah, par exemple, et on la versait dans les rigoles le long desquelles se rangeaient les troupeaux. — 5° Te’âlâh, est la rigole qu’Élie creuse autour de son autel sur le Carmel, III Reg., xviii, 32, 35, 38 ; le chemin que suit la pluie, Job, xxxviii, 25 ; le canal d’irrigation, Ezech., xxxi, 4, et surtout l’aqueduc. Is., vii, 3 ; xxxvi, 2 (Septante : iSpafwYo ? ; Vulgate : aquseductus). Les Hébreux avaient creusé un certain nombre de canaux remarquables, soit pour amener les eaux où il était besoin, soit pour conduire au Cédron celles qui avaient servi dans le temple, ainsi que le sang des innombrables victimes immolées près de l’autel. Sur ces travaux d’art, voir Aqueduc, t. i, col. 797-808. — 6° Ye’ôr est un mot d’origine égyptienne, iaur-âa, la « grande rivière », en copte iar-o. Le mot ye’ôr, qui est un des noms du Nil, s’applique aussi par extension aux canaux dérivés du grand fleuve. On sait, en effet, que, dès les âges les plus reculés, les habitants de l’Egypte s’appliquèrent à construire des canaux (fig. 46) et des digues, pour tirer le meilleur parti possible des inondations périodiques de leur fleuve. Maspero, Histoire ancienne des peuples de l’Orient, 1895, t. i, p. 6, 70. Pendant leur séjour dans la terre de Gessen, les Hébreux durent aussi creuser un certain nombre de canaux. Il est même assez probable que sous Séti I Er, grand-père de Menephtah, leur dernier persécuteur, ils furent employés à la construction du grand canal d’eau douce, la tenat, qui se dirige des environs de Pithom vers le golfe d’Arabie. Le voisinage de ce canal dut être d’un précieux secours pour les fugitifs. Vigouroux, La Bible et les découvertes modernes, 5e édit., t. ii, p. 392-396. Il est parlé de ces canaux sous le nom de ye’ôr (Septante : ^otï|iÔ5 ; Vulgate : (lumen), Exod., viii, 1 (hébreu) : IV Reg., xix, 24 (hébreu, et Nah., iii, 8. Le même mot désigne encore dans Isaïe, xxxiii, 21, un canal quelconque !
(Septante : Siûpug ; Vulgate : rivus), et dans Job, xxviii, 10, un canal creusé dans une mine pour l’écoulement des eaux d’infiltration (Septante : SiVr, ; Vulgate : rivus). — 7° Pélég a pris en hébreu le sens de ruisseau, Ps. i, 3 ;
QUI
46. — Canal égyptien. xrxe dynastie. Thèbes. D’après Lepsius, DenkmiUer, Abth. iii, Bl. 128.
txv, 10 ; cxtx, 136, mais dérive de palgu, nom par lequel les Assyriens désignaient leurs grands canaux (fig. 47). Les riverains du Tigre et de l’Euphrate donnèrent encore plus d’extension à leurs travaux d’hydraulique que les habitants de la vallée du Nil. Les textes assyro - babylo niens nous montrent les souverains du pays travaillant déjà, deux mille ans avant notre ère, à la création et à l’entretien de tout un réseau de canaux. Ces travaux continuent jusque sous Nabuchodonosor, qui déblaye le canal oriental de Babylone. Les canaux babyloniens avaient une double destination. Ils servaient de moyens de transport et répandaient la fécondité dans le pays quand, au moment propice, on inondait les plaines avec leurs eaux. Hérodote, I, 189-193, dit que « toute la Babylonie est sillonnée de canaux », et que le nahar Malcha était praticable aux vaisseaux, vi, uOT7tÉpifiTo ; . Xénophon, Anabase, I, iv, 12, 13, 18 ; vii, 14-16 ; II, ii, 16 ; iii, 10-13 ; iv, 13 ; Arrien, Anabas., VII, xxi, 1-4 ; Strabon, XVII, I, 9, 10, 11, font aussi mention de ces canaux. Voir la carte de Babylonie, t. i, col. 1361. Cf. A. Delattre, Les travaux hydrauliques en Babylonie, dans la Revue des questions scientifiques, octobre 1888, p. 451-507. Abraham a vu quelques - uns de ces canaux babyloniens.
47. — Canal assyrien. Koyoundjik. D’après Layard, Nineveh and Babylone, p. 231.
Pendant la captivité, ses descendants ont habité le long de ces différents cours d’eau, et pleuré sur leurs rives, au souvenir de Sion. Ps cxxxvii (Vulgate, cxxxvi), 1. (Le mot nahârût « fleuves, ruisseaux » ne désigne pas seulement l’Euphrate, mais aussi ses canaux.) Plusieurs Juifs ont pu même être employés à leur entretien ou à
leur réfection.CANARD. Oiseau aquatique, de l’ordre des palmipèdes, vivant soit à l’état sauvage, soit à l’état domestique (fig. 48). Le canard sauvage passe l’été dans les régions polaires et l’hiver dans les pays tempérés. Pendant cette dernière saison, on le trouve dans toute la Palestine. Une espèce particulière, Varias, angustirostris, habite toute l’année dans les marais du lac Houle, au milieu des épaisses touffes de papyrus. Quelques autres espèces se rencontrent seulement en hiver sur les bords du Jourdain, des affluents de la mer Morte, etc. H. B. Tristram, Fauna and Flora of Palestine (The Survey of Western Palestine), Londres, 1884, n°= 252-257, p. 115-116. Le canard domestique s’acclimate à peu près dans tous les pays. Les Égyptiens le connaissaient bien. Ils l’ont représenté assez souvent sur leurs monuments (fig. 49). Le canard occupait sa place parmi les volailles destinées à l’alimentation, à cause de la saveur de sa chair. Une ancienne facture égyptienne, trouvée sur un fragment de vase en terre cuite, nous apprend que, dans la vallée du Nil, une paire de canards se vendait le quart d’un
oulnou en cuivre, soit vingt-trois grammes de cuivre, ou vingt-trois centimes de notre monnaie de bronze. On éventail coûtait le même prix, et une chèvre deux outnou, c’est-à-dire autant que huit canards. Maspero, Lectures historiques, Paris, 1890, p. 22. Bien que les canards ne soient pas nommés dans la Bible, les Hébreux ont certainement du les connaître, et il est fort présumable
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48. — Canard.
que ces animaux faisaient partie des volailles mentionnées sous le nom de barburim, « oiseaux gras, » qu’on servait à la table de Salomon. III Reg., IV, 23 (hébr., I Reg., v, 3). Les (titiotôc, altilia, « animaux engraissés, »
49. — Canards égyptiens. Saqqara. Ve dynastie. D’après Lepsius, Denkmciïer, Abth. ii, Bl. 60 70.
dont parle saint Matthieu, xxii, 4, comprenaient probablement aussi des oiseaux, et spécialement des canards.
CANATH (hébreu : Qenàf ; Septante : v] KaâO ; Codex Alexandrinus : ïj KaavotO, Num., xxxii, 42 ; *, KaviG,
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50. — Monnaie de Canath.
ANTÛNOC. Buste lauré d’Antonin, à droite. — « , . KANA€)(H)NQN. Buste de Pallaa, à droite.
I Par., ii, 23 ; Vulgate : Clianath, Num., xxxii, 42 ; Canath, I Par., ii, 23), ville située à l’est du Jourdain, dans les régions d’Argob et de Basan (fig. 50). I. Identification. — On l’identifie généralement avec
Qanaouât, dont les ruines importantes s’étendent au pied occidental du Djebel Hauran, un peu au-dessous de la pointe sud-est du Ledjah. Les raisons de cette assimilation sont les suivantes. D’abord l’analogie est parfaite entre les deux noms, rup, Qenât, et CLiy£, Qanaouât.
J. G. Wetzstein, Reisebericht ïiber Hauran und die Trachonen, in-8°, Berlin, 1860, p. 77, note 1, la fait très bien ressortir d’après la tradition des Bédouins actuels : n ; p,
qenât, « possession, » est une forme contracte de m : p »
qenâvàh, ou m : p, qenâvét ; les habitants de la contrée
n’appellent la ville que Qanaoua, jamais Qanaouât ; ils.
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51. — Plan de Qanaouât. D’après G. Rey, Yoyage an Haouran.
ne reconnaissent donc pas dans ce mot une forme plurielle, qui, en arabe, signifiant « canaux », n’aurait aucun rapport avec le terme biblique : leur prononciation rappelle plutôt, comme en hébreu, l’idée de possession
(arabe : iij^s, qonouah). — En second lieu, plusieurs
auteurs anciens déterminent suffisamment sa position. Voici le témoignage d’Eusèbe et de saint Jérôme, Onomastica sacra, Gœttingue, 1870, p. 109, 269 : « Canath, bourg d’Arabie, maintenant appelé Canatha, Kava9à, pris par Naboth, qui lui donna son nom ; il appartenait à la tribu de Manassé, et il existe encore aujourd’hui dans la Trachonitide, près de Bostra. » Ce témoignage est précieux en ce qu’il fixe exactement la situation de Canatha, puis en ce qu’il prouve l’identité de Canatha et de la Canath biblique. De même Etienne de Byzance dit : « Canatha, ville près de Bostra d’Arabie. » Cf. Reland, Palxstina, Utrecht, 1714, t. ii, p. 682. Josèphe la mentionne sous les noms de KotvàOoc, Bell, jud., i, xix, 2, et de Kavdc, Ant. jud., XV, v, 1, à propos d’une défaite infligée aux troupes d’Hérode par les Arabes sous les ordres d’Alhénion ; mais il la place dans la Cœlésyrie,
Kiva6a tîj ; Ko ! ), ï)ç Svpfaç. Cette assertion ne saurait nuire à la thèse, car « les auteurs appliquent ce nom, non seulement à la Cœlésyrie proprement dite, entre le Liban et l’AnliLiban, mais aussi au pays damasquin et à toute la Pérée jusqu'à Philadelphie, ville dont les monnaies portent la légende *aaoe>.<p£wv Ko ; X » )ç Supîot ; ». W. H. Waddington, Inscriptions grecques et latines de la Syrie, Paris, 1870, p. 535. — Ensuite il semble résulter de Deut., m, 13, 14, et de I Par., ii, 21-23, que Canath appartenait au pays d’Argob, qui comprenait le Ledjah actuel et une partie de la grande plaine du Hauran (voir Arcob, t. i, col. 950). Qanaouàt rentre bien dans ce territoire. — Enfin
de la tribu de Manassé oriental. Cf. J. L. Porter, Five years in Damascus, Londres, 1855, t. ii, p. 111-112.
Cette identification a été acceptée par la plupart des auteurs. Elle paraît cependant douteuse à M. Waddington, Inscriptions grecques, p. 534. « L’identité des noms, dit-il, n’est pas une preuve décisive dans un pays où le même nom est souvent porté par plusieurs localités assez éloignées l’une de l’autre. » Il est vrai qu’il y a eu dans l’antiquité plusieurs villes de Kanatha, Kanata, Kana (cf. R. von Riess, Bibelvtlas, 2e édit., Fribourg-enErisgau, 1887, p. 17), et que la Palestine actuelle offre encore souvent des noms qui se ressemblent ; mais,
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52. — Es-Seraï, à Qanaouàt. D’après G. Rey.
la Table de Peutinger nous fournit un dernier argument. Traçant la voie qui menait de Damas à Bostra, elle donne les noms suivants avec les distances : Damaspo ; Aenos, xxvii ; Clianata, xxxvii. Damaspo est une faute pour Damasco, ou une abréviation de Damas polis. Aenos ou plutôt Pltænos, <î>aivo ; , Phœna, est l’ancienne capitale de la Trachonilide, que les monuments ont permis d’identifier avec El-Mousmiyéh, à la pointe nord du Ledjah. Or la voie romaine qui conduisait de Damas à Bostra, passant par les deux points intermédiaires mentionnés ici, est encore visible en plus d’un endroit ; elle parait avoir longé le pied de la montagne où est bâtie Qanaouàt ; mais elle devait rejoindre la ville ancienne par un embranchement. De plus, la distance respective entre les -différentes localités est parfaitement exacte : AenosMousmiyéh à xxvii milles romains (environ 40 kilomètres) de Damas, et C/icmata-Qauaouât à xxxvii railles /près de 55 kilomètres) d* Aenos ou Phssna. Voir la carte
quand l’onomastique est appuyée par d’autres arguments de valeur, comme ici, elle garde tout son poids. — La seconde difficulté qu’oppose le savant écrivain est tirée de certains passages de l'Écriture. Canath fut appelée Nobé par son conquérant. Num., xxxii, 42. Or, dans le récit de la campagne de Gédéon contre les Madianites, nous voyons celui-ci, marchant à la poursuite des ennemis, traverser le Jourdain, passer par Soccoth et Phanuel, puis « monter par le chemin de ceux qui habitent dans les tentes, à l’orient de Nobé et de Jegbaa », surprendre les fuyards à Karkor (suivant le texte hébreu), enfin, après les avoir taillés en pièces, revenir par Soccoth et Phanuel. Jud., viii, 4-17. Les localités mentionnées ici par la Vulgate appartenaient à la tribu de Gad, Jos., xiii, 27 ; Num., xxxii, 35 ; Soccoth était dans la vallée du Jourdain. « Il est donc évident, conclut M. Waddington, que Nobah (Nobé) était sur le versant oriental des montagnes de Galaad, dans la direction de Gérasa
ou de Bostra, et près de la limite des territoires de Gad et de Manassé ; et si, comme il y a tout lieu de le croire, la Nobah du livre des Juges est identique avec la KénathNobah du livre des Nombres, rien ne nous autorise à placer Kénath dans le Djebel Haourân ; si, au contraire, les deux localités sont distinctes, le champ est ouvert aux conjectures, et on peut identifier Kénath soit avec Kanatha, soit avec Kanata, ville de l’Auranite, située non loin de Bostra, soit encore avec Kané, village de la tribu de Manassé, cité dans VOnomaslicon d’Eusèbe. » Nous ferons remarquer d’abord que le texte sacré ne nous donne pas Nobé et Jegbaa comme le terme de la marche de Gédéon ou le lieu du combat ; il nous dit simplement que celui-ci
de gradins et un orchestre de dix-neuf mètres de diamètre. D’après une inscription grecque, copiée par M. Waddington, Inscriptions grecques de Syrie, p. 537, n° 2341, cet édifice fut élevé par un magistrat nommé Mipy.o ; OffXroos Auaiot ; . À cent pas plus haut se trouve un nympheum, dans lequel est une belle source qui alimentait, par des rigoles encore en place, le jet d’eau qui devait exister au centre de l’odéum. Un peu plus à l’est encore on voit deux tours, l’une carrée, de construction arabe ; l’autre ronde, malheureusement tronquée. En regagnant la rive gauche, et suivant un ancien aqueduc, on arrive à un moulin près duquel on observe un grand pan de mur, construit en énormes blocs de basalte joints sans
53. ~ Temple prostyle à Qanaouât. D’après G. Rey.
prit la voie des nomades, voie qui se trouvait à l’orient <le ces villes, et, étant peu connue des Hébreux, rendait plus audacieux le projet du chef Israélite et explique la surprise des ennemis. Pour la décrire, l’auteur des Juges prend deux points opposés, l’un au nord, l’autre au sud. Nous ne croyons donc pas non plus que Gédéon soit allé jusqu’au pied du Djebel Hauran. Du reste, rien ne nous montre l’identité de cette Nobé avec celle des Nombres ; il pouvait bien y avoir une ville de ce nom plus bas dans les montagnes de Galaad.
II. Description. — Qanaouât, surtout prospère au temps des Antonins, d’après les inscriptions qui y ont été recueillies, est aujourd’hui presque déserte. Il en reste de belles ruines qui s'étendent principalement sur la rive gauche de l’ouadi de même nom et occupent un espace de 1600 mètres de longueur environ sur 800 de largeur. Voir le plan, fig. 51. Une ancienne route pavée, à laquelle aboutissaient des rues latérales également pavées, traversait la ville de l’ouest à l’est et aboutissait au pont. En remontant l’ouadi vers l’est, on rencontre un petit théâtre, taillé dans les rochers de la rive droite, avec neuf rangs
ciment et avec de petites pierres dans les intervalles, à peu près comme dans les constructions cyclopéennes Au-dessus de cet endroit s'élève un ensemble de ruines connu sous le nom d’Es-Séraî (fig. 52). C’est d’abord, au sud ouest, un édifice qui fut primitivement un temple et fut ensuite entièrement remanié à l'époque chrétienne. De l’ancienne construction il ne reste que le mur du nord, une abside à l’est et le portique, qui était soutenu par quatre colonnes comprises entre deux antes très proéminentes et percé de deux larges arcades. L’abside de l’est, à trois niches, était flanquée de salles obscures, d’une destination difficile à déterminer. Au nord de ce premier édifice s'élève une grande et remarquable basilique, que M. de Vogué fait remonter au IVe siècle. Elle était construite, suivant la tradition romaine, avec un portique extérieur de huit colonnes corinthiennes, élevées sur des piédestaux, un atrium entouré de dix-huit colonnes, rangées en carré, à trois mètres environ des murs : l'église proprement dite était longue de vingt-quatre mètres, entourée intérieurement, comme l’atrium, de dix-huit colonnes, portant des arcades en plein cintre ; un chœur flanqué
de deux sacristies et une abside semicirculaire complétaient la construction.
A l’est d’EsSerai, on voit les ruines d’un temple prostyle (fig. 53), mesurant trente mètres de long sur quatorze de large, avec un portique formé de quatre grandes colonnes dont deux seulement sont restées debout, ainsi que les deux plus petites, placées entre les antes, de chaque côté de la porte. Ce monument, par la pureté du style et l'élégance des proportions, est un des morceaux d’architecture les plus remarquables du Hauran ; il appartient aux bonnes époques de l’art, comme l’ont prouvé d’ailleurs les inscriptions qu’y a recueillies M. G. Rey, Voyage dans le Haouran, in-8°, Paris, 1860,
Five years in Damascus, t. ii, p. 90-1 15 ; The Giant cilié » of Bashan, Londres, 1871, p. 39-46 ; G. Rey, Voyage dans le Haouran, p. 128-151.
III. Histoire. — Canath était une ancienne cité amorrhéenne, appartenant au royaume d’Og, roi de Basan, sans doute une des nombreuses villes fortes de ce pays. Deut., iii, 5. Sa position avantageuse en faisait avec Selchaou Salécha ( aujourd’hui Salkhad) un des forts avancés du côté de l’est. Deut., iii, 10. Les « bourgs » qui en dépendaient attestent aussi son importance. Num, xxxii, 42. Aussi dut-elle être enviée par les Israélites au moment de la conquête. Assignée par Moïse à la demi-tribu de Manassé oriental, Num., xxxii, 33, elle fut conquise par
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54. — Temple périptère à Qanaouât. D’après G. Rey.
p. 139-140. À droite de ce temple est un énorme monceau de débris, au milieu desquels gisent des restes de statues. Enfin, à droite de la route, que le même savant vovageur appelle la Voie des tombeaux, on visite un beau temple périptère ( fig. 54), dans une situation ravissante, sur une pente couverte de massifs d’arbrisseaux qui croissent au milieu des fûts et des chapiteaux renversés. Il mesure dix-neuf mètres de long et quatorze de large, et repose sur un soubassement de trois mètres environ de hauteur, auquel on arrive par un escalier, du côté du nord. L’entrée est précédée d’une double rangée de six colonnes ; sur les douze, cinq ont disparu. Dixsept colonnes, d’ordre corinthien et mesurant sept mètres cinquante de haut, entouraient la cella, sans compter celles du portique ; trois seulement sont restées debout. Ce beau monument est attribué à la même époque que le temple prostyle, dont il a le même caractère architectural. Chauvet et Isarnbert, Syrie, Palestine, Paris, 1887, p. 542-544. Cf. J. L. Buiekhardt, Travels in Syria and tlie Holy Land, Londres, 1822, p. 83-86 ; J. L. Porter,
Nobé, probablement de la famille de Machir, fils de Manassé, Num., xxxii, 39-40, pendant qu’un autre descendant du même patriarche s’emparait, dans la même contrée, des villes qu’il appela de son nom « Havoth Jaïr. » Num., xxxii, 41. Nobé imposa lui aussi son nom à la cité vaincue ; mais cette dénominalion dut tomber de bonne heure en désuétude. Il n’est pas sur, en effet, comme nous l’avons dit, que la Nobé de Jud., viii, 11, soit la même que celle de Num., xxxii, 42, et, à une époque inconnue, nous voyons Canath, avec son ancienne appellation, tomber, en même temps que les villes de Jaïr, au pouvoir des Gessurites et des Araméens, voisins de ce pays. I Par., ii, 23. Telle est toute l’histoire biblique de cette ville, dont les monuments n’indiquent la prospérité que sous la domination romaine.
Une inscription araméenne a été copiée dans les ruines d’une église, à Qanaouât, par Burckhardt, Travels, p. 84, et par Seetzen, Reisen durch Syrien, Patâslina, etc., 41n-8°, édit. Kruse, Berlin, 1834, t. î, p. 80. MM. de Vogué et Waddington n’ont pu la retrouver. Les deux copies
incorrectes rendent la lecture douteuse. Cf. M. de Vogué, Syrie centrale, Inscriptions sémitiques, Paris, 1869, p. 97 ; Corpus inscriptionum semiticarum, pars H, t. i, p. 193-200, Paris, 1893. Les inscriptions grecques sont assez nombreuses et bien expliquées par M. Waddington, Inscriptions grecques, etc., p. 533-540. Nous y voyons que l’ethnique de Canatha est Kocva6r)véî (n 08 2216, 2331 a) ou KsvaO’ivôî (n 2343). On ne signale que deux ou trois monnaies de cette ville. Cf. F. de Saulcy, Numismatique de la Terre Sainte, in-4o, Paris, 1874, p. 400. Elle figure dans les Notices ecclésiastiques et fut le siège d’un évêché. Pour le plan et les détails des ruines, voir G. Rey, Voyage dans le Haouran, atlas in-f°, pi. v-vm.
A. Legexdre.
- CANCER##
CANCER (grec : Y*YïP°" va > <( gangrène » ). D’après le grec, II Tim., ii, 17, saint Paul compare les fausses doctrines des hérétiques à la gangrène, dont le virus infecte le corps et corrompt peu à peu les parties saines avoisinantes, et, si l’on n’y apporte un remède énergique, amène la mort. Ainsi l’erreur, pénétrant dans une Église, en envahit peu à peu les membres et la ravage jusqu’à ce qu’elle l’ait corrompue en entier, à moins que par le glaive de l’excommunication on ne sépare promptement les membres gangrenés : c’est ce que fit saint Paul à l’égard d’Hyménée et d’Alexandre. — La Vulgate traduit yâyYpœcva par cancer, qui diffère sans doute de la gangrène, mais, comme elle, gagne de proche en proche et dévore les chairs jusqu’à ce que le corps entier périsse : ce qui ne change pas le sens de la comparaison. Plutarque, De discrimine adulatoris et amici, xxiv, 40, édit. Didot, Scripta moralia, t. i, p. 78, dans une comparaison analogue, unit les deux mots ; il compare la calomnie à la gangrène et au cancer.
E. Levesque.
- CANDACE##
CANDACE (grec : Kïvoaxri), reine d’Ethiopie (fig. 55). Le livre des Actes, viii, 26-40, rapporte que le diacre Philippe convertit à la foi un Éthiopien, eunuque de cette reine, et surintendant de tous ses trésors, qui était venu à Jérusalem pour y adorer Dieu, et s’en retournait par Gaza dans son pays. — Quelle est cette Candace, reine d’Ethiopie ? Le nom d’Ethiopie, à l’époque du livre des Actes, désignait constamment chez les Juifs les régions situées au sud de l’Egypte (voir Chus, Ethiopie) ; pour personne il ne saurait être douteux qu’il ne faille chercher de ce côté le royaume de Candace. Les chrétiens d’Abyssinie, qui revendiquent pour eux tout ce que la Bible rapporte des Couschites (ou Éthiopiens, comme traduisirent les Septante), n’ont pas manqué de faire de Candace une de leurs reines, et de l’eunuque le premier apôtre de leur pays. C’est ce que nous lisons, par exemple, dans le Masehafa Mesefîr ou Livre du Mystère (Bibl. Nat., fonds éthiopien, n. 113, fol. 59-60). Le P. de Almeida, missionnaire jésuite portugais du XVIIe siècle, dans son Ilistoria de Ethiopia, 1. ir, c. vin et x (en manuscrit au British Muséum, fonds portugais, n. 9861), ainsi que le P. Tellez (Historia gênerai de Ethiopia, 1. 1, c. xxviii, 1660), ont défendu ces traditions locales de l’Abyssinie. Malheureusement, cette opinion ne repose sur aucun fondement historique ; tous les éthiopisants en conviennent depuis Ludolf jusqu’à nos jours (Ludolf, Historia Aithiopise, 1. ii, c. iv, 1880 ; Dillmann, Zur Geschichte des axumilischen Reichs, 1880, p. 4). C’est au pays de Méroë, situé au confluent du Nil et de l’Astaboras (aujourd’hui Tacassi), et dont les anciens géographes, et Ludolf lui-même (ibid.), faisaient à tort une île, qu’il faut placer le royaume de Candace. En voici la preuve. On a trouvé dans les inscriptions hiéroglyphiques de l’île de Méroé le
nom dune reine
Ca, , dace’C~JI"HI%J’Kan raconte qu’au temps de César Auguste, pendant que Gallius jElius guerroyait en Arabie avec des troupes retirées d’Egypte, les Éthiopiens se révoltèrent, attaquèrent les garnisons romaines et renversèrent les statues de César. Pétronius rassembla aussitôt ses troupes, attaqua les rebelles, les repoussa jusqu’à Pselchis, ville d’Ethiopie, et finalement les mit en pleine déroute. Or, nous dit Strabon, XVII, i, 54, et c’est là le passage important à noter ici : « Parmi ces rebelles se trouvaient les généraux de la reine
taki. Lepsius, Denkmàler, Abth. v, Bl. 47, a et h ; II. Brugsch, Entzifferung der meroilischen Schriftdenkûiàler, in-4o, Leipzig, 1887, Abth. i, p. 7. Strabon nous
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55. — Candace ou reine de Méroé frappant un groupe
d’ennemis vaincus.
D’après Lepsius, Denkmàler, Temple de Naga,
Ethiopie, Abth. v, Bl. 56.
Candace, qui, de notre temps, a commandé aux Éthiopiens, femme vraiment courageuse, qui avait perdu un œil. » Toûtwv SVjffïv %aX oi tïj{ Ba<jeXÎ<J<JT] ; mparqy ot tt| ; KorvSxxy] ; , ^ xa9’r l ii, à ; ^pU TÛv AiOiôituv, àvSptxrj tiç ywri 71£7 ; ï]pw|jiv7) ^ô 7 ÊTspov tùv ôç8a).|i(ôv. Suivent quelques hauts faits de cette reine Candace, que Pétronius finit par atteindre dans sa ville royale, fixée à Napata, au-dessous de Méroé, l’île prétendue des anciens. — Pline, à son tour, dans son chapitre sur l’Ethiopie, nous dit que dans l’île de Méroé, dont il donne la description, règne une femme appelée Candace, nom commun depuis longtemps aux reines de ce pays : « Regnare fœminam Candacem, quod nomen multis jam annis ad reginas transiit. » Pline, H. N., vi, 35. Dion Cassius, Histor. rom., liv, â, rapporte les mêmes faits que Strabon, et nous dit que sous les consuls M. Marcelluset L. Aruntius, 732 de Rome, 22 avant notre ère, Candace commandait les Élhiopiens rebelles. Enfin, Eusèbe de Césarée nous atteste que selon la coutume de l’Ethiopie, où avait régné Candace, les femmes, encore de son temps, exerçaient le pouvoir. H. E., II, i, t. xx, col. 137. Il résulte de tous ces témoignages que l’ancien royaume de Méroé était gouverné, au 1er siècle de l’ère chrétienne, par des reines qui portaient le nom de Candace. On est donc de ce fait autorisé à placer dans ce
II. - 5
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CANDACE
CANNE
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pays la reine Candace dont parle le livre des Actes ; mais l’on ne peut pas affirmer avec le P. Patrizi, Comm. Act. Apost., 1867, p. 68, que la Candace de saint Luc fût la même que, vingt-deux ans avant J.-C, Pétronius atteignait dans sa ville capitale de Napata.
Quant au surintendant de la célèbre reine, on s’est demandé d’abord s’il était dit eunuque dans le sens propre du mot, ou si ce n’était pas là un simple titre pour désigner un officier intime du palais, selon le terme reçu chez les souverains de l’Asie et de l’Egypte. Cette seconde opinion paraît plus probable, si surtout l’on admet que le surintendant de Candace était, non pas un prosélyte sorti de la gentilité, comme le voulait Eusèbe, loc. cit., mais un Juif de race.
Le même Eusèbe et saint Jérôme après lui, Comm. in Is., 1. xiv, c. lui, v. 7, t. xxiv, col. 509, affirment que l’eunuque converti au christianisme devint dans la suite l’apôtre de l’Ethiopie. En cela, ils ne font que répéter ce qu’avait déjà dit saint lrénée, Cont. Hssr., iii, 12, et iv, 23, t. vii, col. 902, 1049. Une autre tradition, rapportée par Sophronius (Inter opéra S. Hieronymi, Patr. lat., t. xxiii, col. 721), mais dont il serait bien difficile de vérifier l’exactitude, veut que l’eunuque de Candace ait prêché l’Évangile dans l’Arabie Heureuse et jusque dans l’Ile de Ceylan, la Taprobana insula des anciens, où il serait moi’t pour la foi. L. Méchineau.
CANDÉLABRE. Voir Chandelier.
- CANDIDUS##
CANDIDUS, de son vrai nom Alexandre Blanckært, carme, né à Gand, mort le 31 décembre 1555. Il a laissé une version flamande de la Bible avec figures, remar^ quable par sa correction : Die Bibel, wederom met ijrooter neersticheyt oversien ende ghecorrigeert meer dan in zes hondert plætsen ende collationeert met den onden latynschen onghefalsten Bibelen, in-8°, Cologne, 1547. —’oir Biographie nationale, t. ii, Bruxelles, 1868, col. 450. A. Régnier.
- CANIF##
CANIF (hébreu : ta’ar hassôfér, « couteau, canif du scribe ; » Septante : Sjupb ? toO ~(pT.j.j.a.-cé<aç ; Vulgate : scalpellus scribse), petit couteau servant à tailler et à fendre les calâmes" ou roseaux à écrire. Il se compose essentiellement d’une lame aiguisée d’un côté et d’un manche en métal, en bois ou en os aux formes variées. Il faisait partie de la trousse du scribe ou du copiste. Chez les Hébreux on le nommait ta’ar, c’est-à-dire « lame nue ou servant à dénuder ». Pour ne pas le confondre avec le rasoir, on ajoute hassôfér, « de scribe. » C’est avec un canif que le roi Joachim coupa et mit en pièces le rouleau des prophéties de Jérémie dont la lecture l’irrita. Jer., xxxvi, 23. — Les scribes d’Egypte avaient certainement quelque instrument tranchant ou canif pour tailler les joncs ou les roseaux qui leur servaient de pinceau ou de calame, bien qu’on n’en ait pas encore retrouvé dans les tombeaux. Il en est de même des Grecs et des Romains. Chez les Grecs, il se nommait-fK^ic, r.a>.à|ioùv, Y'>'J ? avov > ou xaXajioYX’Jfo ; , ou encore ajnXr] covaxoyX’Jço : , Anthologies Palatinx Epigramm., vi, 295 ; chez les Romains, scalprum, scalprum librarium. Suétone, Vitellius, 2 ; Tacite, Annal., v, 8. On a trouvé des spécimens où la lame se repliant vient s’engager dans une rainure pratiquée dans le manche. A. Rich, Dictionnaire des antiquités grecques et romaines, 1873, p. 559. Le canif est souvent représenté dans les anciens manuscrits (fig. 55). Cf. B. de Montfaucon, Palseographia grseca, in-f », Paris, 1708, p. 22, 24. E. Levesque.
- CANINI Ange##
CANINI Ange, grammairien italien, né en 1521 à Anghiari, en Toscane, mort à Paris en 1557. Philologue distingué, il enseigna en diverses villes d’Italie, alla en Espagne et fut appelé en France par François 1°, qui lui donna une chaire de professeur. Il fut ensuite attaché à
la personne de Guillaume Duprat, évêque de Clermont. Il nous reste de cet auteur : Institutiones Unguarum syriæse, assyriæse et thalmudicse, una cum œthiopiese et arabiese collatione, quibus addila est ad calcem Novi Testamenti multorum locorum historica enarratio, in-4°, Paris, 1554 ; Disquisitiones in loca aliquot Novi Testamenti obscuriora, dans les Critici sacri, t. viii, p. 211 ; De locis S. Scripturse hebraicis commentaria, in-8°, Anvers, 1600. — Voir Tiraboschi, Storia délia letteratura italiana, t. vu (1824), p. 1504.
- CANISIUS Pierre##
CANISIUS Pierre, Canis, de son vrai nom, jésuite hollandais, né à Nimèguele 8 mai 1521, mort à Fribourg (Suisse), le 21 décembre 1597. Il fut admis dans la Compagnie de Jésus le 8 mai 1543, et en fut une des premières gloires. L’Allemagne et la Suisse furent le théâtre de son zèle apostolique, et il contribua puissamment, par ses prédications et ses écrits, à entraver les progrès de la Réforme. Son Catéchisme a rendu sa mémoire impérissable. Il fut béatifié par Pie IX, le 20 novembre 1864. Parmi ses ouvrages, il faut citer : 1° Epistolse et Evangelia quae dominicis et festis diebus de more catholico in templis recitantur, in-16, Dillingen, 1570, plusieurs * fois réimprimé ; 2° Commentaria de Verbi Dei corruptelis, Dillingen, 1571, 1572 ; Ingolstadt, 1577, 1583 ; Paris, 1584 ; Lyon, 1584 ; réimprimé en partie dans la Summa aurea de laudibus B. M. Virginis de Migne, 1862. Cet ouvrage est divisé en deux volumes ; le premier contient : De sanctissimi preecursoris Donnni Joannis Baptistehistoria evangelica ; le second : De Maria Virgine hicomparabili et Dei Génitrice sacrosancta. L’auteur réfuteles hérétiques, en particulier les centuriateurs de Magdebourg. — Son ouvrage Notse in Evangelicas lectiones, , Fribourg, 1591, in-4°, rentre plutôt dans l’ascétisme.
C. SOMMERVOGEL.
1. CANNE qui sert à marcher. Voir Bâton.
2. CANNE, mesure de longueur, la plus grande dont il soit question dans l’Écriture. Ézéehiel la mentionne dans ses prophéties, xl, 3-8 ; xli, 8 ; xlii, 10-19, pour mesurer les bâtiments du nouveau temple de Jérusalem. Il l’appelle qânéh, mot qui signifie « roseau », comme le latin canna, d’où vient notre mot canne. C’était un roseau d’une longueur déterminée, dont on se servait pour mesurer les longueurs. Aussi son nom complet est-il « roseau à mesurer », qenêh ham-middâh. Ezech., XL, 3, 5 ; xlii, 16-19. La Vulgate l’appelle calamus [mensurœ], elles Septante xàXajio ; [uitpov]. Dans l’Apocalypse, xi, 1, saint Jean reçoit « un roseau semblable, à une verge », xàXa(ioç Sjioioi ; pâëSiii, pour mesurer le temple de Dieu. Plus tard, Apoc, XXI, 15-16, l’ange qui mesure la cité sainte se sert aussi de la « canne », mais elle est en or, xôXa[jiov -^pvao-j’i (Vulgate : mensuram arundineam auream).
La détermination de la longueur de la canne d’Ëzéchiel ; n’est pas absolument certaine. Le prophète nous dit lui-même, xl, 5, que le roseau à mesurer, dont se servait l’homme qui lui apparut en vision, avait « six coudées et un palme, tôfâl}, [de plus], par coudée », c’est-à-dire six coudées et six palmes. Cf. Ezech., xliii, 13. Il semble résulter de là que la coudée sacrée avait un palme de plus que la coudée ordinaire. La longueur de la coudée ordinaire n’est pas déterminée avec certitude. Voir Coudée. En l’évaluant à m 525, et le tôfali ou petit palme à m 0875, la canne équivaut à 3 m 675 environ.
F. Vigouroux.
3. CANNE AROMATIQUE. Voir JONC ODORANT.
4. CANNE ou CANN John, théologien anglais non conformiste, né en Angleterre, on ignore à quelle date, mort à Amsterdam en 1667. Il est surtout connu par une édition anglaise de la Bible, accompagnée de notes qui ont joui longtemps d’une grande réputation : The Bible » with marginal notes, showing Scripture to be the best Interpreter of Scripture, in-8°, Amsterdam, 1661 ; Edimbourg, 1727. — Voir W. E. A. Axon, dans L. Stephen, Dictionary of national Biography, t. viii, 1886, p. 411 ; W. Orme, Bibliotheca biblica, 1824, p. 81.
CANNELLE écorce aromatique de deux espèces de plantes appartenant à la famille des Lauracées : le cannelier de Ceylan, appelé Laurus cinnamomum ou Cinnamcmum Zeylanicum, et le cannelier de Malabar ou de Chine, le Laurus cassia ou Cinnamomum cassia. La cannelle tire son nom de la forme que prend l’écorce en se desséchant ; elle se roule en petits tuyaux, cannella. Les Hébreux connaissaient ces deux substances aromatiques. Voir Cinnamome et Casse aromatique.
CANON DES ÉCRITURES.
I. Notion.
§ 1. Origine et signification du mot.
Canon est un mot grec, κανών, qui a des significations très diverses.
56. — Saint Luc, écrivant. Devant lui sont les Instruments qui servent à l’écrivain : en haut, le canif ; au-dessous, le compas ; au bas, à droite, les ciseaux ; à gauche, l’encrier.
Reproduit, d’après de nombreux manuscrits, par Montfaucon, Palæographia græca, vis-à-vis de la page 22.
1° Acceptions classiques.
Il se rattache probablement au sémitique קָנֶה, qânéh, « roseau, » « perche (à mesurer, notre ancien mot canne) ». Credner, Zur Geschichte des Kanons, in-8°, Halle, 1847, p. 7. Son sens propre et pri-
mitif en grec est celui de bâton ou verge droite, telle que les baguettes ou le bois destiné à tenir droit un bouclier, IL, viii, 193 ; xiii, 407 ; telle encore que l’ensuble ou cylindre (liciatorium) dont se servent les tisserands, 11., xxiii, 761 ; telle que le fléau de la balance, la règle du charpentier, régula, norma, Anthol. pal., xi, 120, édit. Didot, t. ii, p. 306, ou le bâton dont on se sert pour mesurer. De cette signification originaire sont dérivées par métaphore de nombreuses significations particulières. Les Grecs appelèrent canon ce qui servit de règle : 1. En morale (Spoi tûv iyaOùv xal xocvôvôç, Démosthène, Pro corona, 294, édit. Didot, p. 171 ; cf. Aristote, Ethic. Nicom., iii, 4, 5 ; v, 10, 7, édit. Didot, t. ii, p. 29, 65) ;
— 2. Dans le langage, les xavovs ; étaient ce que nous désignons sous le nom de règles grammaticales, Westcott, General Survey of the history of the Canon of the New Testament, in-8°, Londres, 1855, p. 541. — 3. En art : la statue du Doryphore de Polyclète ayant été prise comme règle des proportions que devait avoir le corps humain, on l’appela le Canon de Polyclète, Lucien, xxxiii, De sait., 75, édit. Didot, p. 359 ; Pline, H. N., xxxiv, 55, édit. Teubner, 1860, t. v, p. 43. — 4. En littérature, les critiques d’Alexandrie appelèrent xavôvsç les écrivains classiques qui devaient servir de règle et de modèle ; cf. Quintilien, Inst. rhet., x, I, 54, édit. Teubner, t. ii, p. 156.
— 5. En histoire, les tables chronologiques furent appelées xavôveç xP ovlxot’- Plutarque, Sol., 27, édit. Didot, t. i, p. 111.
2° Acceptions scripturaires. — L’emploi scripturaire et théologique de ce mot, dans les traducteurs grecs de l’Ancien Testament et dans les auteurs du Nouveau, ainsi que dans les Pères, correspond aux différentes acceptions des auteurs profanes. — 1. Aquila a traduit le mot qav, « ligne, règle, » par xavwv. Ps. xviii, 4 (hébreu, xix, 5) ; Job, xxxviii, 5. Dans Judith, xiii, 6, les Septante emploient xavtôv pour désigner une colonne du lit d’Holopherne ou bien la baguette d’où pendaient les rideaux. — 2. Le sens métaphorique ne se rencontre que dans le quatrième livre des Machabées, vii, 21, 6 trjî çcXoo-oçîai ; xavâv, <c la règle de la sagesse. »
Dans le Nouveau Testament grec, nous trouvons le mot « canon » employé plusieurs fois. — 1. Dans lï Cor., x, 13, 15, il désigne un espace mesuré, déterminé, une région, le territoire qui a été confié à saint Paul pour y exercer son apostolat ( Vulgate : régula). Dans un sens analogue, xavûv marquait chez les Grecs une étendue de terrain mesurée, comme le mviSv d’Olympie (to jxÉTpov to-j mjSr^jiaToç. Poilux, Onomast., iii, 151). — 2. Dans Gal., vi, 16, et Phil., iii, 16 (textus receptus), xavûv (Vulgate : régula) signifie « règle » de conduite, manière de vivre conformément à la doctrine chrétienne. Cf. H. Cremer, Biblisch-theologisches Wôrlerbuch der Neutestamenllichen Grâcilât, 7e édit., in-8°, Gotha, 1893, p. 491.
3° Acceptions ecclésiastiques. — Chez les Pères, le mot « canon » fut employé tout d’abord dans le sens de règle en général, et specialement.de « règle de la vérité », Clément d’Alexandrie, Strom., vi, 25, t. ix, col. 348 ; « règle de foi. » Polycrate, dans Eusèbe, H. E., v, 24, t. xx, col. 496. Cette acception du mot dans le sens de règle apparaît clairement dans l’appellation donnée aux décisions des conciles, qui par leurs définitions ou leurs prescriptions réglèrent la foi et les mœurs ; ces décisions reçurent le nom de « canons ». On rencontre pour la première fois cette dénomination appliquée aux décisions du concile arien d’Antioche, en 341. Mais déjà auparavant on disait la règle ou « le canon de la vérité », /.aviva Trj ; àltfldai ; . S. Irénée, Adv. User., i, 9, 4, t. vii, col. 545, pour désigner l’enseignement de la foi, qui, comme l’explique l’évêque de Lyon dans ce passage, « nous fait connaître le sens des noms, des locutions et des paraboles des Écritures. »
§ 2. Signification et définition du mot « canon » appli qué à la Bible. — La coutume de considérer les Livres Saints comme la règle de la foi amena peu à peu l’usage d’appeler ces livres canoniques, et finalement de nommer leur collection même le canon. Mais l’expression « canon des Écritures » ne fut employée que plus tard, lorsque les dérivés de ce mot, l’adjectif « canonique » et le verbe xavovtÇeaOai étaient déjà appliqués depuis longtemps aux livres de l’Ancien et du Nouveau Testament. On rencontre pour la première fois xavovixà $iêia dans le 59e canon qu’on attribue au concile de Laodicée, au IVe siècle. Mansi, Concil., t. ii, col. 754. Kavovtxô ; est mis là en opposition avec îSiwtixô ; et àxavdviaro ; . La traduction latine d’Origène, De princ, iv, 33, t. xi, col. 407, se sert de l’expression Scripturss canonizatse, et celle du Commentaire sur saint Matthieu, 28, t, xiii, col. 1637, de libri canonizati. On lit dans la version latine du Prologue du même auteur sur le Cantique, faite par Rufin, t. xiii, col. 82, haberi in canone ; mais cette phrase peut être simplement la traduction du verbe x « voviÇe <r9ai. On peut voir d’autres passages dans F. Vigouroux, Manuel biblique, n° 25, 9e édit., t. i, p. 78-79.
— Quelle signification précise attachaiton à l’adjectif « canonique » ? Credner pense que ce mot veut dire : « ayant force de loi. » Zur Geschichte des Kanons, p. 67. Westcott est, au contraire, d’avis que le titre de « canonique » fut donné d’abord aux écrits qui « étaient admis par la règle ». Voir Westcott, History of the Canon of the New Testament, Appendix A, 1855, p. 547 ; F. C. Baur, Die Bedeutung des Wortes Kavwv, dans Iïilgenfeld, Zeitschrift fur wissenschaflliche Théologie, 1858, 1. 1. p. 141-150.
On en vint ainsi à entendre par canon la « collection » ou la « liste » des livres qui forment et contiennent la règle de la « vérité inspirée par Dieu pour l’instruction des hommes ». C’est de la sorte que saint Amphiloque (mort vers 394) dit : xavcbv twv 6eoTrveijaTcov ypacpaiv, Iambiad Seleuc., 319, t. xxxvii, col. 1598, et que saint Jérôme et saint Augustin disent de certains livres : Non sunt in canone (Prolog. Galeat., t. xxviii, col. 556) ; Nec inveniuntur in canone (De Civ. Dei, xviii, 38, t. xli, col. 598). Saint Isidore de Péluse (vers 370-450) nous explique très bien comment on était arrivé à cette notion, lorsqu’il écrit : tbv xayôva tt| ; àX. » ]8s ! aç, xà ; Œsaç Çll" rpaçiç, « les divines Écritures sont le canon (la règle) de la vérité. » Epist., 1. iv, ep. cxiv, t. lxxviii, col. 1186. Comme les livres de l’Ancien et du Nouveau Testament sont la règle de la foi et de la vérité chrétienne, il était naturel de s’exprimer comme l’ont fait les Pères. Saint Augustin nous explique en quelque manière la transition d’un sens à l’autre, lorsqu’il dit : « Perpauci ea scripserunt quae auctoritatem canonis obtinerent. » De Civ. Dei, xvii, 24, t. xli, col. 560. Ces auteurs en petit nombre, dont parle l’évêque d’Hippone, devinrent ainsi « canoniques », et la collection de leurs œuvres forma le « canon ». De là l’acception communément reçue, d’après laquelle le « canon » est la collection des écrits inspirés.
§ 3. Quels livres sont canoniques. — De ce qui vient d’être dit, il résulte qu’un livre pour faire partie du canon ou être canonique doit être inspiré de Dieu. Voir Inspiration. Il faut de plus qu’il soit certainement connu comme tel. C’est à l’Église qu’il appartient de déclarer qu’un livre est inspiré, et par conséquent divin et canonique. Un livre inspiré dont l’inspiration ne serait pas officiellement constatée n’aurait pas l’autorité de règle de foi. L’Église n’a' pas le pouvoir de rendre inspiré un livre dont le Saint-Esprit ne serait pas l’auteur premier, mais elle a le pouvoir et le droit de donner à un livre inspiré le litre et la valeur de canonique, qu’il n’avait pas auparavant. « Car la canonicité, comme le remarque très justement M « r Gilly, n’est pas l’inspiration : la canonicité est la constatation du fait de l’inspiration. Ce fait peut être resté incertain pendant un espace de temps plus ou moins long, puis constaté et déclaré, et il entre dans
les prérogatives de l’Église de le constater et de le déclarer. » Précis d’introduction à l’Ecriture Sainte, 3 in-12, Nîmes, 1867, t. i, p. 91. Ces observations sont fort importantes au point de vue de l’étude théologique du canon.
§ 4. Livres protocanoniques et deutérocanoniques. — Les livres qui ont été partout et toujours, depuis le commencement, reconnus comme inspirés par l’Église, sont appelés protocanoniques. Ceux dont l’autorité n’a pas été aussi certaine dès le commencement et qui ont été d’abord le sujet de doutes ou de discussions, mais ont été plus tard placés dans le canon par l’Église, sont désignés sous le nom de deutérocanoniques. On les nomme ainsi parce qu’ils sont entrés en quelque sorte dans un second canon, ajouté au premier qui renfermait les écrits dont l’inspiration n’a jamais été contestée. Les protestants appellent « apocryphes » les livres deutérocanoniques. Les catholiques réservent ce nom d’apocryphes aux écrits que l’Église rejette du canon, quoiqu’ils aient été admis à tort comme inspirés par quelques Églises particulières ou par des hérétiques. Voir Apocryphes, 1. i, col. 767. Les expressions protocanonique et deutêrocanonique ne sont pas antérieures au xvie siècle, et l’on croit qu’elles ont été inventées par Sixte de Sienne (1520-1569), dans sa Bibliotheca sacra, parue en 1566. Voir édit. de Cologne, 1626, p. 2. Mais les termes seuls sont nouveaux. Eusèbe, dans un passage célèbre de son Histoire ecclésiastique, iii, 24, t. xx, col. 268, distingue d’une manière analogue, dans le Nouveau Testament, les ô[ioXovo’j(i.ev « ou livres admis par tous, les àvxi-XEyôixeva ou livres dont l’inspiration était l’objet de discussions, et les v68a ou ceux dont les Apôtres et les disciples du Sauveur n’étaient pas les auteurs.
Les livres deutérocanoniques de l’Ancien Testament sont : 1° Tobie ; 2° Judith ; 3° la Sagesse ; 4° l’Ecclésiastique ; 5° Baruch ; 6° le premier livre des Machabées ; 7° le second livre des Machabées. — Ceux du Nouveau sont : 1° I’Épître aux Hébreux ; 2° l’Épître de saint Jacques ; 3° la seconde Épître de saint Pierre ; 4° la seconde Épltre de saint Jean ; 5° la troisième Épître de saint Jean ; 6° l’Épître de saint Jude ; 7° l’Apocalypse. — En dehors des livres entiers qui viennent d’être énumérés, il y a quelques parties ou fragments tant de l’Ancien que du Nouveau Testament qui sont deutérocanoniques. Dans l’Ancien : 1° les additions du livre d’Esther, x, 4-xvi, 21 ; 2° la prière d’Azarias et le cantique des trois enfants dans la fournaise, Dan., iii, 24-90 ; 3° l’histoire de Susanne, Dan., xm ; 4° l’histoire de Bel et du dragon, Dan., xiv. — Dans le Nouveau Testament : 1° la conclusion de l’Évangile de saint Marc, xvi, 9-20 ; 2° le passage relatif à la sueur de sang de Notre-Seigneur dans le jardin des Oliviers. Luc, xxii, 43-44 ; 3° l’histoire de la femme adultère. Joa., viii, 2-12. On peut y ajouter, 4° le passage I Joa., v, 7, sur les trois témoins célestes, dont l’authenticité est contestée par un certain nombre de critiques.
II. Histoire du canon. — L’histoire du canon de l’Ancien Testament et celle du Nouveau étant très distinctes, il faut les traiter séparément. On ne devra jamais d’ailleurs oublier que le sens du mot « canon » n’ayant été fixé que vers le IVe siècle de notre ère, il ne faut pas l’entendre avant cette époque dans le sens strict, mais seulement dans le sens général de collection ou de liste d’écrits inspirés.
/ « PARTIE. CANON DE L’ANCIEN TESTAMENT. — Le Canon
des livres de l’Ancien Testament doit être d’abord étudié, conformément à l’ordre historique : 1° chez les Juifs de Palestine ; 2° chez les Juifs alexandrins ; 3° dans l’Église chrétienne.
I. Canon des Juifs de Palestine ou formation du canon. — Ce canon comprend les livres de l’Ancien Testament écrits en hébreu (avec quelques parties en chaldéen ou araméen, Dan., iv, 4-vn, 28 ; I Esdr., iv, 8-vi, 18 ; vu, 12-26 ; Jer., x, 11). Ils sont au nombre de trente-six,
mais ils ont été réduits à vingt-deux, afin que leur nombre fût le même que celui des lettres de l’alphabet hébreu. Ils sont divisés en trois catégories : 1° la Loi, fôrâh ; 2° les prophètes, nebî’im, et 3° les hagiographes, kefûbim. Voici la liste des vingtdeux livres : — I. Tôrâh : 1° Genèse ; 2° Exode ; 3° Lévitique ; 4° Nombres ; 5° Deutéronome. — IL Nebî’im : 6° Josué ; 7° les Juges (avec Ruth) ; 8° les deux livres de Samuel (les deux premiers livres des Rois de la Vulgate) ; 9° les deux livres des Rois (IIIe et IVe de la Vulgate). Ces quatre histoires sont désignées sous le nom collectif de nebî’im r’isônim ou « premiers prophètes », pour les distinguer des écrivains auxquels nous réservons le nom de prophètes et qui sont appelés nebî’im’aljiarônim, « derniers prophètes. » Ce sont : 10° Isaïe ; 11° Jérémie (avec les Lamentations) ; 12e Ézéchiel ; 13° les douze petits prophètes (qui ne sont comptés que pour un seul livre). — III. Ketûbim : 14° les Psaumes ; 15° les Proverbes ; 16° Job ; 17° le Cantique des cantiques ; 18° l’Ecclésiaste ; 19<>Esther ; 20° Daniel ; 21° Esdras et Néhémie (comptant comme un seul livre) ; 22° les Chroniques ou Paralipomènes. (Les écoles juives de Babylone admirent vingt-quatre livres au lieu de vingtdeux, en énumérant séparément : 23° Ruth ; 24° les Lamentations).
A quelle époque cette collection a-t-elle été formée ? Quel en est l’auteur ? « Sur l’origine du canon hébraïque, dit le P. Cornely, on nous a transmis peu de chose, et ce qui nous a été transmis est peu certain. » Introductio in libros sacros, t. i, 1885, p. 36. La question de la formation du catalogue des Livres Saints est, en eflet, le sujet de grandes controverses. Nous pouvons recueillir néanmoins dans l’Écriture un certain nombre de détails importants. Voici d’abord ce qu’elle nous apprend sur la première origine des livres canoniques. « Moïse écrivit cette loi, lisons-nous Deut., xxxi, 9, et il la donna aux prêtres, fils de Lévi, qui portaient l’arche d’alliance de Jéhovah, et à tous les enfants d’Israël. » Il leur ordonna de la lire publiquement tous les sept ans. Deut., xxxi, 10-13. Enfin il prescrivit aux lévites de placer dans l’arche le volume de la loi. Deut., xxxi, 24-26. Voilà la première origine du canon. — Nous ne savons pas avec une entière certitude si d’autres écrits sacrés furent ajoutés à ce premier canon avant la captivité de Babylone, mais il est probable que les autres livres de l’Ancien Testament vinrent grossir successivement la collection, à mesure qu’ils furent composés. Cf. Jos., xxiv, 25-26 ; I Reg., x, 25 ; Is., xxxiv, 16 (cf. xxix, 18). Divers passages font allusion à des collections proprement dites, comme à celles des Psaumes. II Par., xxix, 30. Ézéchias fit recueillir un certain nombre de proverbes de Salomon, qu’il fit joindre à ceux qui étaient déjà réunis en un corps. Prov., xxv, 1. Daniel parle expressément « des livres » qu’il avait lus, et parmi lesquels se trouvaient les prophéties de Jérémie. Dan., ix, 2 (voir aussi Zach., vii, 12). On peut donc admettre comme une chose très vraisemblable que les Juifs avaient déjà, avant la captivité, une collection de Livres Saints.
— Ce que firent après la captivité Néhémie et Judas Machabée, qui formèrent une bibliothèque des livres sacrés ( II Mach., ii, 13 ; cf. Josèphe, Bell, jud., VII, v, 5 ; Ant. jud., V, i, 7), les Juifs de l’époque antérieure avaient du le faire également. Cf. IV Reg., xxii, 8 ; II Par., xxxiv, 14. Par ces passages, nous voyons que la loi de Moïse était conservée dans le temple ; il est à croire que les autres écrits sacrés étaient de même soigneusement recueillis et gardés.
Jusqu’au xixe siècle, si l’on excepte Richard Simon, Histoire critique du Vieux Testament, Amsterdam, 1085, p. 53, et quelques autres critiques, les catholiques et même les protestants admettaient communément que le canon des Juifs de Palestine, — contenant les livres protocanoniques de l’Ancien Testament qui sont écrits en hébreu, — avait été fixé définitivement du temps d’Esdras et par ses soins. Aujourd’hui la plupart des protestants et
un certain nombre de catholiques, tels que Ma r Malou, La lecture de la Sainte Bible en langue vulgaire, 2 in-8°, Louvain, 1846, t. ii, p. 30 ; le bénédictin Nickes, De libro Jud’Uhæ, Breslau, 1854, p. 50, etc., soutiennent que le canon juif n’a été déterminé que plus tard ; mais ils sont loin de s’entendre sur l’époque précise où eut lieu cette fixation. Les opinions sont on ne peut plus diverses. « Le canon juif comprend trois couches, dit Wellhausen : 1° les cinq livres de la Thora ; 2° les Prophètes… ; 3° les hagiographies… D’après une tradition rabbinique digne de créance, quoique indéterminée et fragmentaire, les docteurs pharisiens fixèrent définitivement le contenu du canon après l’an 70 de notre ère… C’est là la conclusion de l’histoire du canon. » Dans Bleek’s Enleitung in das Aile Testament, 1878, p. 547-549. Edouard Reuss, Geschichte des Allen Testament, 1881, p. 714, révoque en doute que le canon palestinien ait été déjà fixé à l’époque où furent composés les écrits du Nouveau Testament. Un catholique, Movers, Loci quidam historiés Canonis Veteris Testamenti illustrati, în-8°, Breslau, 1842, de même que Nickes, loc. cit., soutiennent aussi que le canon juif ne fut clos qu’après la venue de Jésus-Christ.
Il est à propos, pour résoudre la question, de distinguer entre la formation et la clôture du canon. D’après les données que nous fournit l’Écriture elle-même, dès avant la captivité, on avait graduellement recueilli et conservé les Livres Saints, comme nous l’avons vu. Après la captivité, Esdras, « scribe habile dans la loi de Moïse, » I Esdr., vii, 6, forma, d’après les traditions juives, une première collection des Écritures. Nous savons positivement, par le second livre des Machabées, H, 13 (texte grec), que son contemporain Néhémie, auquel il dut prêter son concours, « construisit une bibliothèque {pt6X.io6ïjxïjv) et y rassembla les (écrits) sur les rois, les prophètes, les (psaumes) de David et les lettres des rois [de Perse] relatives aux offrandes. » Les simples fidèles avaient en leur possession des exemplaires de la Torâh, puisque Antiochus Épiphane les faisait rechercher, déchirer et brûler. I Mach., i, 59. Cf. Josèphe, Ant. jud., XII, v, 4. Le prologue de l’Ecclésiastique, qui est certainement antérieur à l’ère chrétienne d’au moins 130 ans (voir Ecclésiastique), énumère expressément les trois divisions du canon palestinien, qui ont été indiquées plus haut, c’est-à-dire la loi (toC vdfiou), les prophètes (twv Ttpoçïiuôv) et les hagiographes, qu’il désigne par les mots : « les autres livres des pères » (twv èîXXwv îiarpfwv (SiSXi’wv) et « le reste des livres » (xà Xowrà twv gsëXîwv). Cette division, qui embrasse les trois parties du canon juif, était dès lors si connue, que Sirach y fait allusion jusqu’à trois fois dans son court prologue et sans qu’il se croie obligé de l’expliquer. Il n’y manque que l’énumération expresse et détaillée des Livres Saints. Nous la rencontrons pour la première fois dans Josèphe, Cont. À pion, i, 8, édit. Didot, t. ii, p. 340. « Il n’existe pas parmi nous, dit-il, une multitude innombrable de livres discordants et contradictoires, mais il y en a seulement vingt-deux, qui embrassent l’histoire de tout le temps et qui sont justement regardés comme divins. Parmi eux, il y en a cinq de Moïse, qui renferment les lois et le récit des événements qui se sont accomplis depuis la création de l’homme jusqu’à la mort du législateur des Hébreux, ce qui comprend un espace de temps de prèsde trois mille ans. Depuis la mort de Moïse jusqu’au règne d’Artaxercès, qui gouverna les Perses après Xercès, les prophètes qui succédèrent à Moïse racontèrent en treize livres les faits qui se passèrent de leur temps. Les quatre autres livres contiennent des hymnes en l’honneur de Dieu et des préceptes très utiles pour la vie humaine. Depuis Artaxercès jusqu’à nous, les événements ont bien été aussi consignés par écrit ; mais ces livres n’ont pas acquis la même autorité que les précédents, parce que la succession des prophètes n’a pas été bien établie. Quant à la vénération dont nous
entourons ces livres, elle est manifestée par ce fait que, depuis tant de siècles écoulés, personne n’a osé rien y ajouter, rien retrancher, rien changer. On inculque, en effet, à tous les Juifs, aussitôt après leur naissance, qu’il faut croire que ce sont là les ordres de Dieu, qu’il faut les observer, et, s’il est nécessaire, mourir volontiers pour eux. » Cf. Eusèbe, H. E., iii, 10, t. xx, col. 241. Ces paroles de Josèphe sont certainement l’expression de la croyance des Juifs de son temps.
Un siècle plus tard, vers l’an 200, le rédacteur du Pirkê aboth, i, écrivait : « Moïse reçut la loi sur le mont Sinaï, il la transmit à Josué, Josué aux anciens, les anciens aux prophètes ; les prophètes la transmirent aux membres de la Grande Synagogue. » Lin célèbre passage du Talmud, Baba Bathra, ꝟ. 14 6-15 a, raconte la même chose, mais avec plus de détails : « Nos docteurs nous ont transmis [cet] enseignement : Ordre des prophètes : Josué et les Juges, Samuel et les Rois, Jérémie et Ezéchiel, Isaïe et les douze… Ordre des hagiographes : Ruth et le livre des Psaumes, et Job, et les Proverbes, l’Ecelésiaste, le Cantique des cantiques et les Lamentations, Daniel et le volume d’Esther, Esdras et les Chroniques… Et qui les a écrits ? Moïse écrivit son livre [le Pentateuque ] et la section de Balaam et Job. Josué écrivit son livre et huit versets de la loi [ceux qui racontent la mort de Moïse, Deut., xxxiv, 5-12]. Samuel écrivit son livre, les Juges et Ruth. David écrivit le livre des psaumes par les dix anciens, Adam le premier [homme], Melchisédech, Abraham, Moïse, Héman, Idithun, Asaph, les trois fils de Coré [c’est-à-dire, David joignit à ses Psaumes ceux qu’on attribuait à Adam, Ps. cxxxviii ; à Melchisédech, Ps. cix ; à Abraham, Ps. lxxxviii, etc.]. Jérémie écrivit son livre, le livre des Rois et les Lamentations. Ézéchias et son collège [cf. Prov., xxv, 1] écrivirent [probablement : transcrivirent, recueillirent, éditèrent] pwD>, laMSaQ [c’est-à-dire les livres que désigne ce mot mnémotechnique, savoir : ] Isaïe, les Proverbes, le Cantique et l’Ecclésiaste. Les hommes de la Grande Synagogue écrivirent nsp, QaNDaG [c’est-à-dire les livres que désigne ce mot mnémotechnique, savoir : ] Ézéchiel, les douze prophètes, Daniel et le volume d’Esther. Esdras écrivit son livre et continua les généalogies des Paralipomènes jusqu’à son temps. Et ceci est la confirmation de la parole du maître. Rab Juda dit qu’il a entendu dire à son maître qu’Esdras ne monta point de la Babylonie avant d’avoir continué les généalogies jusqu’à son époque ; après cela, il monta. Qui les termina ? Néhémie, (ils d’Helcias. » Cf. G. H. Marx, Traditio rabbinorum velerrhna de librorum Veteris Testamenti ordîne atque origine illustrata, in-8°, Leipzig, 1884. D’après les auteurs juifs du moyen âge, la Grande Synagogue dont il est question dans ce passage était un conseil composé de cent vingt membres, parmi lesquels se trouvaient les prophètes Aggée, Zacharie et Malachie. Elle eut Esdras pour fondateur et premier président, en 444 avant J.-C. Elle dura jusqu’à Simon le Juste, vers l’an 200 de notre ère. Buxtorf, Tiberias, c. x, in-4°, Bâle, 1665, p. 88 et suiv. Il en est souvent question dans le Talmud. Certains critiques nient néanmoins jusqu’à son existence. Joh. Eb. Rau, Diatribe de synagoga magna, Utrecht, 1727 ; A. Kuenen, Over de Mannen der Groote Synagoge, Amsterdam, 1876. Cf. C. H. H. "Wright, The Book of Koheleth, Excursus iu(The men of the great Synagogue), in-8°, Londres, 1883, p. 475-487. Il est certain que les rabbins ont rendu son histoire fort suspecte par les détails fabuleux qu’ils y ont entremêlés, et l’on n’a plus le moyen de discerner ce qu’il y a de vrai et de faux dans cette tradition. Il semble cependant raisonnable d’en retenir qu’Esdras a joué un rôle important dans la fixation du canon, ce qui semble aussi résulter du quatrième livre apocryphe d’Esdras, xiv, 22-47, qui fait de ce scribe célèbre le restaurateur des
: Livres Saints. Quelques expressions importantes du pas1 sage talmudique que nous venons de rapporter ne sont MA
CANON DES ÉCRITURES
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pas d’ailleurs très claires, et Ton n’y trouve rien de précis sur la date des travaux de la Grande Synagogue, à qui l’on attribue plusieurs siècles d’existence. D’autres endroits du Talmud font entendre que, même vers le commencement de notre ère, il y avait encore parmi les rabbins des discussions sur le caractère canonique de certains livres, tels que celui des prophéties d’Ézéchiel, Sabbath, 30 ; l’Ecclésiaste, Yadaïm, iii, 5 ; Sabbath, i. 30 b ; S. Jérôme, In Eccl., xii, t. xxiii, col. 1116. Cf. Fùrst, Der Kanon des Allen Testaments, in-8o, Leipzig, 1869, p. 148 ; Th. Zahn, Geschichte des Neutestamentlichen Kanons, t. i, Erlangen, 1888, p. 125.
Quoi qu’il en soit, il est du moins certain, par les témoignages talmudiques, que vers la fin du IIe siècle de notre ère, et, par le témoignage de Josèphe, qu’à la fin du i", tous les livres protocanoniques de l’Ancien Testament étaient admis comme divins par les Juifs de Palestine. Les citations que font de l’Ancien Testament les auteurs du Nouveau établissent la même vérité pour le commencement de l’ère chrétienne, bien qu’ils n’aient pas eu occasion de faire usage de quelques livres moins importants. Tous les livres protocanoniques étaient donc reconnus comme inspirés et divins par les Juifs de Palestine du temps de Notre-Seigneur. Esdras avait dû recueillir tous ceux qui étaient déjà composés de son temps, car les difficultés faites par quelques rabbins du Ier siècle contre certains écrits montrent elles-mêmes qu’on les regardait communément comme divins ; cependant Esdras n’avait point clos le catalogue des livres sacrés de telle manière qu’on ne pût y en ajouter d’autres, si Dieu en inspirait de nouveaux.
IL Canon des Juifs d’Alexandrie. — Les Juifs de Palestine avaient d’abord admis dans leur canon au moins quelques-uns des livres deutérocanoniques ; mais ils exclurent définitivement les écrits qui ne leur semblèrent pas rigoureusement conformes à la Loi mosaïque, qui n’avaient pas été composés en Palestine ou au moins rédigés en hébreu, et qui enfin, comme le dit Josèphe dans le passage cité plus haut, n’avaient pas une certaine ancienneté. Les Juifs d’Alexandrie ne furent pas si exclusifs, ils acceptèrent en outre comme sacrés tous les livres et parties de livres deutérocanoniques qui ont été déjà énumérés, de sorte que leur canon fut plus étendu et plus complet. C’est celui qu’a accepté l’Église catholique ; tous les livres reconnus comme canoniques par le concile de Trente sont ceux que contient la Bible des Septante.
Nous n’avons aucun témoignage direct de l’existence d’un canon particulier des Juifs d’Alexandrie ; mais elle résulte d’un certain nombre de faits incontestables. — 1o L’Église chrétienne a adopté pour l’Ancien Testament un canon plus étendu que celui des Juifs de Palestine, un canon qui comprend tous les livres deutérocanoniques, tomme nous le montrerons bientôt. Or il n’est pas douteux qu’elle n’ait reçu ses livres sacrés des mains des Juifs. Puisque les livres deutérocanoniques n’étaient pas acceptés comme Écriture par les Juifs de Palestine, elle les a donc reçus des hellénistes, qui avaient sur ce point une autre manière de voir que leurs frères non hellénistes. — 2o Aussi les protestants et les rationalistes eux-mêmes, quoiqu’ils nient que les deutérocanoniques aient « té transmis à l’Église par les Juifs, sont nonobstant forcés d’admettre ce fait, d’ailleurs incontestable, savoir : que les Alexandrins avaient dans leurs exemplaires <les Écritures les livres et les fragments deutérocanoniques aussi bien que les protocanoniques, qu’ils n’établissaient pas de distinction entre les uns et les autres, et qu’ils mêlaient les premiers aux seconds dans leurs exemplaires, sans reléguer les parties qui n’étaient pas acceptées par les Juifs de Palestine dans un appendice, comme on le fait dans nos éditions de la Vulgate pour le troisième et le quatrième livres d’Esdras. C’est, en effet, ce qu’attestent les manuscrits. Les Alexandrins
avaient donc une Bible plus étendue que les Palestiniens, une collection plus considérable de livres sacrés ; en un mot, pour employer le terme aujourd’hui consacré, ils avaient un canon différent. Un auteur peu suspect, S. Davidson, le reconnaît expressément : « La manière même dont les livres apocryphes [c’est-à-dire deutérocanoniques ] sont insérés au milieu des livres canoniques dans le canon d’Alexandrie montre qu’on assignait aux uns et aux autres un rang égal. » The Canon of the Bible, in-8o, Londres, 1877, p. 181. — 3o Ce que témoignent les Septante pour les Juifs d’Alexandrie est confirmé par ce qui nous reste des versions grecques de Théodotion, d’Aquila et de Symmaque. Théodotion avait traduit Daniel avec ses parties deutérocanoniques, et sa version fut même substituée de bonne heure à celle des Septante dans l’Église grecque. S. Jérôme, Comni. in Dan., Prol., t. xxv, col. 493. Il est certain que les traductions d’Aquila et de Symmaque contenaient au moins l’histoire de Susanne.
Comment expliquer une divergence en matière si grave, entre les Juifs de Palestine et ceux d’Egypte ? Pourquoi ces derniers ont-ils accepté comme divins des livres qui étaient rejetés à Jérusalem ? — On ne peut pas répondre d’une manière certaine à ces questions ; mais il est assez probable que si les Alexandrins ont admis dans leur Bible les écrits que nous appelons aujourd’hui deutérocanoniques, c’est parce que les Palestiniens les avaient aussi admis tout d’abord. —1o Il importe de remarquer qu’au commencement de notre ère, en Palestine, on ne fait aucun reproche spécial à la version des Septante. Josèphe en fait l’éloge, Ant. jud., XII, ii, 13, édit. Didot, t. i, p. 444. Le Talmud de Jérusalem lui-même, Megilla, I, 9, ne trouve que treize fautes à lui reprocher pour le Pentateuque. Ce ne fut que plus tard, lorsque le christianisme eut déjà fait des progrès sensibles, que les Juifs attaquèrent la version grecque et peut-être aussi qu’ils rejetèrent complètement les livres deutérocanoniques. — 2o Car on ne peut douter qu’ils n’en eussent d’abord fait usage. Leurs Midraschim l’attestent pour Tobie et Judith. (Voir Ad. Neubauer, The Book ofTobït, in-8o, Oxford, 1878, p. vu ; J. Chr. Wolf, Bibliotheca hebraica, 4 in-4o, Hambourg, 1715-1733, t. ii, p. 197.) Josèphe, Ant. jud., XI, vi, 6 et suiv., a reproduit mot à mot des passages des fragments deutérocanoniques d’Esther ; divers rabbins les ont aussi cités. (De Rossi, Spécimen variarum lectionum et chaldaica Eslhein fragmenta, Rome, 1782, p. 119.) Ils ont fait de même pour l’Ecclésiastique et pour la Sagesse. (S. Épiphane, Adv. lissr., viii, 6, t. xli, col. 213 ; Zunz, Die gottesdienstlichen Vortrage der Juden, 2e édit., in-8o, Francfort-surle-Main, 1892, p. 106-112.) Origène, In Ps. i, t. xii, col. 1084, nous assure que de son temps les Juifs joignaient Baruch à Jérémie dans le canon de Palestine, et les Constitutions apostoliques, v, 20, Patr. gr., t. i, col. 896, témoignent qu’au ive siècle on lisait ce prophète dans les synagogues. Quant aux livres des’Machabées, qui sont les derniers écrits deutérocanoniques de l’Ancien Testament, Josèphe a fait grand usage du premier, Ant. jud., XII, v, 1-XIII, vii, et le martyre des sept frères Machabées, raconté dans le second, II Mach., vi-vn, est célébré par les Juifs dans leurs livres hagadiques. Zunz, Gottesdienslliche Vortrage, 1892, p. 130-131. Remarquons enfin que tous les livres et fragments deutérocanoniques, de l’aveu de la plupart des critiques, ont été composés en hébreu ou en araméen, à part la Sagesse et le second livre des Machabées, qui ont été écrits en grec. On peut donc admettre avec probabilité que c’est de Palestine même que les Alexandrins ont reçu les livres deutérocanoniques écrits en langue sémitique, comme ils en recevaient en général la direction religieuse. Cf. la note ajoutée à Esther par les Septante et traduite dans la Vulgate, Esth., xi, 1 ; II Mach., ii, 15 ; Josèphe, Cont. Apion-, i, 7. Du reste, comme l’a observé Ms r Malou : « La tradition chrétienne
est donc la seule voie, [nous dirons : la seule entièrement sûre, ] qui puisse nous conduire à la connaissance certaine du canon des Juifs, en rattachant le canon de l’Église primitive à celui de la Synagogue et en nous manifestant la véritable croyance des Juifs dans celle des Apôtres et des premiers chrétiens. » La lecture de la Bible, t. ii, p. 31-32.
III. Canon chrétien de l’Ancien Testament. — g I. Canon des auteurs du Nouveau Testament. — Nous ne possédons point de catalogue officiel des Écritures promulguées par les Apôtres, mais nous, pouvons constater par les écrits du Nouveau Testament quels sont les livres de l’Ancien dont ils se sont servis et qu’ils ont considérés comme la parole de Dieu. — 1. Notre-Seigneur lui-même a fait appel aux Écritures pour confirmer sa mission : « Examinez les Écritures (-àç fpaçî ; ), dit-il, car ce sont elles qui rendent témoignage de moi. » Joa., v, 39. « Il explique » aux disciples d’Emmaùs, « en commençant par Moïse et continuant par tous les prophètes, ce que toutes les Écritures disaient de lui. » Luc, xxiv, 27. Il rappelle la triple division de l’Ancien Testament, quand il dit à ses Apôtres : « Il faut que s’accomplisse tout ce qui a été écrit de moi dans la Loi de Moïse, dans les prophètes et dans les Psaumes. » Luc., xxiv, 44. — 2. Les Apôtres suivent l’exemple de leur Maître, et ils citent constamment la Suinte Écriture. On sait que c’est un des caractères les plus marqués de l’Évangile de saint Matthieu de montrer dans Jésus le Messie promis, parce qu’en lui se sont accomplies les prophéties dont il rapporte expressément les textes. Matth., ii, 5-6, 15 ; iii, 3, etc. Les autres évangélistes rapportent aussi des passages de l’Ancien Testament. Saint Paul en a fait un usage très fréquent. Nos éditions du Nouveau Testament sont pleines de références à l’Ancien. Il suffit de les ouvrir pour s’en convaincre. On y voit des emprunts faits à tous les livres protocanoniques (excepté à Estlier, aux deux livres d’Esdras, à l’Ecclésiaste, au Cantique des cantiques, à Abdias et à Nahurn, que les Apôtres n’ont pas eu occasion de citer). Ce qu’il importe le plus de noter, c’est qu’ils citent aussi des passages tirés de livres deutérocanoniques. Un savant protestant, R. E. Stier (1800-1862), dans Die Apokryphen, Vertheidigung ihres altgebrachten Auschlusses an die Bibel, in-8°, Brunswick, 1853, a recueilli tous les endroits qui lui ont paru être tirés des parties deutérocanoniques, et il en a trouvé un grand nombre. Quelques-unes des citations sont douteuses, mais un certain nombre sont certaines, comme l’a établi Bleek, Ueber die Stellung der Apokryphen des Alten Teslamentes in christlichen Kanon, dans les Theologische Studien und Kritiken, t. xxvi, 1853, p. 337-349. Il reproduit le texte grec original, dans lequel il faut faire la comparaison pour se rendre exactement compte des emprunts. Les livres et les passages suivants, par exemple, ont été présents à l’esprit de l’écrivain sacré :
Judith, viii, 14 I Cor., Il, 10.
Sagesse, ii, 17-18. Matth., xxvii, 39-42.
Sagesse, iii, 5-7 I Petr., i, 6-7.
Sagesse, v, 18-20 Eph., vi, 13-17.
Sagesse, vii, 26 Hebr., i, 3.
Sagesse, xm-xv Rom., i, 20-32.
Sagesse, xv, 7 Rom., ix, 21.
Ecclésiastique, v, 13 Jac, i, 19.
Ecclésiastique, xxviii, 2… Matth., VI, 14.
II Machabées, vi, 18-vn, 42.. Hebr., xi, 34-35.
Cf. aussi Yincenzi, Sessio quarta Concilii Tridentini vindicata, Rome, 1844, t. i, p. 15-24 ; pour les Épitres de saint Paul et la Sagesse, Ed. Grafe, Das Verhâltniss der paulinischen Schriften zur Sapientia Salomonis, dans Theologische Abhandlungen, in-8°, Fribourg-en-Brisgau, 1892, p. 253-206, et pour l’Épître de saint Jacques et l’Ecclésiastique, Werner, Ueber den Brief Jacobi, dans la Theologische Quartalschrift de Tubingue, 1872, p. 265.
On doit remarquer particulièrement dans ces citations celles de la Sagesse et du second livre des Machabées, les deux seuls écrits de l’Ancien Testament qui ont été composés en grec. Elles prouvent que les Apôtres faisaient usage de la Bible grecque et acceptaient comme Écritures les livres contenus dans les Septante. Il est d’ailleurs certain, par la manière dont ils rapportent les passages de l’Ancien Testament, et c’est là un fait reconnu de tous, qu’avaient déjà observé les Pères (S. lrénée, Adv. Hter., iii, 21, 3, t. vii, col. 950 ; Origène, In Rom., viii, 6, 7 ; x, 8, t. xiv, col. 1175, 1179, 1264, etc.), qu’ils citent les livres protocanoniques eux-mêmes d’après la traduction grecque. — Nous avons donc le droit de conclure que les livres deutérocanoniques sont, pour ainsi dire, « canonisés » par le Nouveau Testament comme les protocanoniques.
Afin d’atténuer la force de ce raisonnement, on prétend que les deutérocanoniques n’ont pas été considérés comme divins par les Apôtres, quoiqu’on soit obligé de reconnaître qu’ils en ont fait usage. Mais on ne peut justifier une pareille affirmation, parce qu’il est impossible de trouver aucune distinction dans le Nouveau Testament entre les deux classes de livres. Le chapitre xi de l’Épître aux Hébreux loue la foi des Machabées de la même manière que celle de Gédéon, de David et de Samuel. — On a essayé, mais sans y réussir, de découvrir des citations d’auteurs apocryphes dans quatre ou cinq passages du Nouveau Testament, savoir : Luc, xi, 49-51 ; Joa., vii, 38 ; I Cor., ii, 9 ; Eph., iv, 14 ; Jac, iv, 5-6. — Luc, xi, 49-51, est comme l’écho de nombreux passages qu’on lit dans les prophètes ; Joa., vii, 38, s’appuie sur un mot de Zacharie, xiv, 8 ; I Cor., ii, 9, sur Is., lxiv, 4 ; Eph., v, 14, sur Is., lx, 1, combiné avec Is., xxvi, 19 ; Jac, iv, 5-6, ne renferme pas de citation. Le seul endroit qu’il semble qu’on pourrait alléguer avec quelque probabilité, c’est l’Épître de saint Jude, ꝟ. 9 et jS". 14, où l’apôtre rapporte des faits qui sont racontés dans le livre d’Hénoch ; mais il pouvait connaître ces faits autrement que par cette œuvre apocryphe. — Les Apôtres se servirent donc, dans la prédication de l’Evangile, des livres de l’Ancien Testament que contenaient les Septante, et c’est cette Bible, plus complète que celle des Juifs de Palestine, qu’ils léguèrent comme contenant la parole de Dieu à leurs disciples et successeurs, comme nous le prouve ce qui nous reste des Pères apostoliques.
§ 2. Canon des Pères apostoliques. — « Aucun des Pères apostoliques n’a dressé le catalogue de l’Ancien Testament. D’autre part, le petit nombre et la médiocre étendue de leurs écrits ne permettent pas d’attendre beaucoup de citations. On trouve néanmoins chez eux l’usage des deutérocanoniques, sans trace de doute au sujet de leur autorité. Ainsi, saint Clément de Rome, qu’il faut citer le premier à cause de la grande place qu’il a tenue dans l’Église primitive, emploie dans son Épître aux Corinthiens l’Ecclésiastique et la Sagesse, analyse le livre de Judith et la recension grecque d’Esther. Cf. I Epist. ix-x et Eccli., xliv, en particulier les fꝟ. 16-20 ; — /// et Sap., ii, 24 ; — xxru et Sap., xi, 22 ; xii, 12 ; — lv et Judith, passim ; Eslh., XIV. L’auteur de l’homélie très ancienne qu’on appelle seconde Épître de saint Clément se sert de Tobie. Cf. II Epist. xri, et Tob., xii, 9. Celui de l’Épître attribuée à saint Barnabe cite l’Ecclésiastique. Cf. Barn., xix, et Eccli., iv, 31. Hermas emploie le même livre ainsi que le second livre des Machabées. Ct. Mand. 1, Simil., v, 5, vii, 4, et Eccli., xviii, 1 ; Vis. m, 7, et Eccli., xviii, 30 ; Simil., vi, 4, et Eccli., xxxii, 9 ; Simil., v, 7, et Eccli., xlii, 8 ; Mand. i, et II Mach., vii, 28. Enfin saint Polycarpe cite Tobie. Cf. Epist. x, 8, et Tob., iv, 10. Il résulte au moins de ces témoignages que les successeurs immédiats des Apôtres se servaient de la Bible grecque avec les deutérocanoniques. Ces derniers ne se sont pas encore tous présentés à nous ; mais, comme la pratique des premiers Pères achève de prouver que les Apôtres n’ont point prononcé de sentence
exclusive contre les deutérocanoniques, et qu’ils les ont transmis à l’Église comme inspirés ; de même les témoignages postérieurs nous apprennent le juste nombre des additions qui ont été faites au canon hébreu par l’autorité apostolique. » A. Loisy, Histoire du canon de l’Ancien Testament, in-8°, Paris, 1890, p. 71-72. Il est à peine besoin de faire remarquer que les Pères apostoliques, comme ceux qui sont venus après eux, ont fait usage des protocanoniques toutes les fois qu’ils en ont eu l’occasion. Comme le fait n’est contesté par personne, il suffit d’avoir signalé les deutérocanoniques dont ils se sont servis. — Pour les indications complètes des passages scripturaires cités par les Pères apostoliques, voir Patrum apostolicorum Opéra, 3e édit. de 0. de Gebhardt, A. Harnack et Th. Zahn, 3 in-8°, Leipzig, 1876-1877, t. î, p. 144-145 ; t. ii, p. 382-384 ; t. iii, p. 272 ; Opéra Patrum apostolicorum, édit. Funk, Tubingue, 1878-1881, t. i, p. 564-578.
§ 3. Pères de la fin du n° et du me siècle. — Les continuateurs des Pères apostoliques ont écrit davantage ; ils citent par conséquent plus souvent les Saintes Écritures.
1° Pères originaires de Palestine. — Saint Justin le Martyr, qui florissait au milieu du IIe siècle, fait usage dans ses écrits, quoiqu’il fût originaire de Palestine, du canon alexandrin, que les Apôtres avaient transmis à l’Église. Il fait un tel cas de la version des Septante, que, le premier parmi les auteurs chrétiens, il en proclame l’inspiration, dans un écrit dont, il est vrai, l’authenticité n’est pas certaine. Cohort. ad Gr., 13, t. vi, col. 205. Il en fait l’éloge au juif Tryphon et blâme ceux qui n’acceptent pas leur traduction ; il est ainsi l’écrivain le plus ancien qui signale la différence qui existe entre le canon palestinien et le canon alexandrin, et c’est pour se prononcer explicitement en faveur du second. Cependant il s’abstient, pour discuter avec Tryphon, de lui alléguer les livres qu’il n’accepte pas, Dial. cum Tryph., 71, t. vi, col. 643 ; mais dans sa première Apologie, 46, ’t. vi, col. 397, il rappelle l’histoire d’Ananias, de Misaël et d’Azarias. Dan., m. — Un contemporain de saint Justin, Hégé sippe, originaire comme lui de Palestine, mais de plus Juif de naissance, qui écrivit, entre 150 et 180, ses Mémoires sur l’histoire de l’Église, dont il ne nous reste malheureusement qu’un petit nombre de fragments, parle de l’Ecclésiastique (îtavâpsiov o-oçi’av), au témoignage d’Eusèbe, H. E., IV, 22, t. xx, col. 384, et de Nicéphore, H. E., iv, 7, t. cxlv, col. 992.
2° Église d’Alexandrie. — Pendant que saint Justin adressait, en 138 ou 139, à Antonin le Pieux sa première Apologie, l’Église d’Alexandrie commençait à se distinguer entre toutes par l’éclat de l’enseignement de ses docteurs. Il nous est resté de plusieurs d’entre eux des écrits considérables, et par conséquent leur canon des Écritures nous est mieux connu. Ils ne font pas moins usage des livres deutérocanoniques que des protocanoniques. Clément d’Alexandrie (f vers 217) cite trois fois Tobie, deux fois Judith, les fragments d’Ésther, plus de vingt fois la Sagesse, plus de cinquante fois l’Ecclésiastique, vingt-quatre fois au moins Baruch, dans un seul de ses ouvrages, le Pédagogue, où il rapporte un passage de ce prophète, Bar., iii, 16-19, avec l’affirmation expresse : « La divine Écriture dit, t> Pasdag., H, 3, t. viii, col. 433 ; il rapporte l’histoire de Susanne, mentionne le premier livre des Machabées et cite une fois le second. Dans les Stromales, 1, 21, t. viii, col. 833 et suiv., il mentionne tous les livres de l’Ancien Testament, à l’exception de Judith, qu’ii cite ailleurs. Strom., ii, 7 ; iv, 19, t. viii, col. 969, 1328. — Le disciple de Clément, Origène (185-254), la gloire de l’Église d’Alexandrie par sa science et son esprit critique, n’ignore pas les attaques des Juifs de Palestine contre les deutérocanoniques ; mais il fait l’éloge de ces livres et les allègue comme parole divine. Il cite plus de dix fois Tobie, trois fois Judith, vingt fois environ la Sagesse, plus de soixante-dix fois l’Ecclésias
; tique, deux fois le premier livre des Machabées, quinze
fois le second. Il défend expressément contre Jules Africain les parties deutérocanoniques de Daniel, aussi bien que Tobie et Judith. Dans plusieurs endroits, il appelle les deutérocanoniques en termes formels « Écriture Sainte ». Il revendique pour l’Église le droit de déterminer elle-même quels sont les livres inspirés et canoniques. — Vers le milieu du me siècle, Denys d’Alexandrie († 264), dans les fragments de ses œuvres qui nous ont été conservés, continue les traditions de son Église relativement aux deutérocanoniques de l’Ancien Testament, et rapporte des passages de Tobie, de la Sagesse, de l’Ecclésiastique, de Baruch, en les faisant précéder de la formule consacrée : « Comme il est écrit ; comme dit l’Écriture. » Voir Migne, t. x, col. 1257, 1268, et Opéra S. Dionysii, édit. Simon de Magistris, Rome, 1796, p. 169, 245, 266, 274. (Migne a omis une partie de ses Œuvres dans sa Patrologie.)
3° Églises grecques d’Asie et d’Europe. — Les Églises d’Asie ne parlent pas autrement que celle d’Alexandrie dans ce qui nous a été conservé. Saint lrénée († 202), dont la voix est comme l’écho de l’enseignement de l’apôtre saint Jean en Asie Mineure, quoiqu’il soit devenu évêque de Lyon et soit par là en même temps un témoin de la foi des Gaules, saint lrénée cite la Sagesse, Baruch, l’histoire de Susanne, celle de Bel et du dragon. — L’Athénien Athénagore († 177) cite Baruch, iii, 36, comme un prophète, Légat, pro Christ., 9, t. VI, col. 908. — Saint Théophile d’Antioche (vers 170), dans son livre à Autolycus, cite plusieurs fois les deutérocanoniques. — La lettre synodale du second concile d’Antioche au pape Denys rapporte un passage de l’Ecclésiastique, en le faisant précéder de ces mots : « Comme il est écrit. » — Saint Grégoire le Thaumaturge, disciple d’Origène et évêque de Néocésarée, vers le milieu du IIIe siècle, cite Baruch, De fid. capit., 12, t. x, col. 1133. — Les Constitutions apostoliques, dans leurs six premiers livres, dont on place la composition au milieu du me siècle, rapportent des passages de tous les livres deutérocanoniques, à l’exception des Machabées. — Méthode de Tyr († 311) allègue comme Écritures, dans ses Discours, la Sagesse, l’Ecclésiastique, Baruch, Susanne et Judith.
4° Église de Syrie. — Archélaus, évêque de Carchar, en Mésopotamie, au me siècle, cite la Sagesse dans sa Dispute avec Manès, 29, Pair, gr., t. x, col. 1474.
5° Église d’Afrique. — Le canon dont elle faisait usage au me siècle nous est connu par deux de ses grands écrivains, Tertullien (160-240) et saint Cyprien (f258). Ils ont entre les mains une version latine des Écritures faite, non sur le texte original, mais sur le grec des Septante et qui, comme la version grecque, renferme sans aucune distinction les protocanoniques et les deutérocanoniques ; ils attachent tous les deux, aux uns et aux autres, une égale importance. Tertullien cite Judith, la Sagesse, l’Ecclésiastique, Baruch, l’histoire de Susanne et celle de Bel et du dragon, le premier livre des Machabées. Dans les œuvres authentiques et indiscutables de saint Cyprien, nous rencontrons vingt-deux citations de la Sagesse et trente-deux de l’Ecclésiastique, sept de Tobie, une de Susanne, une de Bel et le dragon, quatre du premier et sept du second livre des Machabées. Le livre de Judith est le seul dont l’évéque de Carthage n’ait pas eu occasion de parler.
6° Église romaine. — Nous pouvons clore ces témoignages par celui de l’Église mère et maîtresse de toutes les autres, celle où saint Pierre a établi son siège. Vers 170, nous rencontrons un vrai catalogue des Livres Saints, celui qui est connu sous le nom de Muratori, et qui fut | écrit en grec à Rome. Malheureusement la partie relative j à l’Ancien Testament est perdue, mais dans ce qui a été I conservé nous trouvons encore une mention précieuse, celle du livre de la Sagesse. Un autre catalogue complet i est parvenu jusqu’à nous. Quoique sa véritable origine
soit incertaine, nous pouvons le rattacher â l'Église romaine, puisqu’il est écrit en latin. Il est inséré dans le Codex Claromontanus, ainsi nommé parce qu’il provient de Clermont, près de Beauvais (Oise). Ce Codex contient les Épitres de saint Paul en grec et en latin ; il est conservé aujourd’hui à la Bibliothèque nationale de Paris, n° 107, où il est entré en 1707. Entre l'Épître à Philémon et l'Épître aux Hébreux se trouve un catalogue stichométrique de l’Ancien et du Nouveau Testament ; il a été publié pour la première fois en 1672 par Cotelier (voir Patres apostolici, édit. de Jean Leclerc, 1. 1, Amsterdam, 1721, p. 8). Le manuscrit des Épîtres est du VI 8 siècle, mais divers indices prouvent que la liste des Livres Saints qu’il reproduit est du ine siècle. Voir Claromontanus (Codex). Cf. C. A. Credner, Geschiehte des Neutestamentliches Kanons, 860, p. 175 ; Th. Zahn, Geschiehte des Neutestamentliches Kanons, t. ii, p. 157-172, 1012. Voici ce catalogue :
(fol. 467 v.) Versus Scribturarum Sanctarum
ita Genesis ver [s] us ÏIÏÏD [4500]
Exodus versus ÏÎÎDCC [3700]
Leviticum versus iÎDCCC [2800]
Numeri versus HÏDCL [3650]
Deuterenomium ver ÏIÎCCC [3300]
Iesu Navve ver fi" [2000]
Iudicum ver Il [2000]
Rud ver CCL [250]
Regnorum ver.
Primus liber ver ÎÏD [2500]
Secundus lib. ver n [2000]
Tertius lib. ver ÏÏDC [2600]
Quartus lib. ver HCCCG [2400]
Psalmi Davitici ver fj [5000]
Proverbia ver IdC [1600]
Aeclesiastes dc [600]
Cantica Canticorum CCC [300]
Sapientia vers î [1000]
Sapientia IHÛ- ver Bp [2500]
XI profetæ ver ÏÏÏCX [3110]
(fol. 468 r.) Ossee ver DXXX [530]
Amos ver CCCCX [410]
Micheas ver ceex [310]
Ioel ver XC [90]
Abdias ver LXX [70]
Jonas ver CL [150]
Naum ver CXL [140]
Ambacum ver CLX [160]
Sophonias ver CLX [160]
Aggeus vers. ex [110]
Zacharias ver DCLX [660]
Malachiel ver CC [200]
Eseias ver UIDC [3600]
Ieremias ver IIIILXX [4070]
Ezechiel ver IIIDC [3600]
Daniel ver ÎDC L16O0]
Maccabeorum sic
Lib. primus ver ÏÏCCC [2300]
Lib. secundus ver ïtCCC [2300]
Liber quartus ver I [1000]
Iudit ver ÎCCC [1300]
Hesdra ÏD [1500]
Ester ver ï [1000]
lob ver IDC [1600]
Tobias ver I [1000]
(Voir le fac-similé, fig. 57. Cf. Codex Claromontanus, primum edidit C. Tisehendorf, gr. in-4°, Leipzig, 1852, p. 468-469 ; Th. Zahn, Geschiehte des Neutestamenliches Kanons, t. ii, p. 158-159.) Ce qui est le plus digne de remarque dans cette liste, c’est qu’elle contient tous les deutérocanoniques de l’Ancien Testament. Nous avons déjà vu du reste que ceux des Pères apos toliques qui avaient vécu à Rome, le pape saint Clément et Hermas, admettaient aussi les deutérocanoniques. Un autre témoin de la foi de l'Église romaine, que nous pouvons ajouter ici, est le martyr saint Hippolyte († 235), disciple de saint Irénée et évêque de Porto : il a commenté le livre de Daniel et en particulier l’histoire de Susanne, Explan. Sus., t. x, col. 089 ; il blâme les Juifs qui ne l’admettent pas dans leur Bible. Ce Père cite également la Sagesse, Baruch, Tobie et les deux livres des Machabées. — L’ancienne « version latine », antérieure à saint Jérôme, dont se sert l'Église romaine à cette époque, renferme aussi tous les livres protocanoniques et deutérocanoniques, comme l’atteste Cassiodore, Institut, divin, lilt., 14, t. lxx, col. 1125.
Ainsi, au m » siècle comme au il 8, dans toutes les parties de l'Église, sans exception, on admet unanimement les livres deutérocanoniques comme les protocanoniques, transmis les uns et les autres au clergé et aux fidèles par les Apôtres, comme la règle de foi. Quelques-uns citent çà et là quelques livres apocryphes ; mais ces écrits ne sont pas universellement admis comme les autres, et parfois on reconnaît même expressément leur caractère suspect. Ainsi, par exemple, Tertullien admire le livre apocryphe d’Hénoch, et il l’accepterait volontiers comme canonique ; mais il est forcé de reconnaître qu’il n’est reçu comme tel ni par les Juifs ni par les chrétiens. De cuit, fxm., î, 3, t. î, col. 1307. Pendant cette première période de l’histoire du canon de l’Ancien Testament, l’unanimité est donc complète. Aussi un des historiens protestants du canon, Éd. Reuss, le reconnaîtil expressément, en parlant de la fin du IIe siècle : « Les théologiens de celle époque, dit-il, ne connaissaient l’Ancien Testament que dans la recension grecque dite des Septante, et par conséquent ne font point de distinction entre ce que nous appelons les livres canoniques et les livres apocryphes [deutérocanoniques]. Ils citent ceux-ci avec autant de confiance que les premiers, avec les mêmes formules honorifiques, et en leur attribuant une égale autorité basée sur une égale inspiration. » Histoire du canon, in-8°, Strasbourg, 1863, p. 99.
On ne peut donc rien désirer de plus fort, do plus net et de plus concluant en faveur du canon de l'Église catholique, solennellement sanctionné par le concile de Trente. Il faut néanmoins poursuivre cette histoire pour se rendre compte comment des dissentiments ont pu se produire dans la suite. Ces dissentiments sont naturellement provenus de ce que les Juifs de Palestine n’admettaient que les écrits hébreux que nous appelons protocanoniques et rejetaient les autres. Ce n'était pas assurément aux Juifs, mais à l'Église, qu’il fallait demander la règle de la foi catholique ; cependant, comme le christianisme était sorti de la synagogue, il élait assez naturel de s’informer des livres qu’elle acceptait comme inspirés, puisque c'était une part de l’héritage qu’on avait gardé en se séparant d’elle. De plus, et surtout pendant les premiers siècles, les docteurs chrétiens eurent souvent à discuter avec les Juifs, et ils ne purent se servir contre eux, comme nous le voyons dans saint Augustin et dans Origène, que des livres dont ces ennemis nés de la religion du Christ acceptaient l’autorité. De là la nécessité de les connaître et de les distinguer. Origène, qui vivait au milieu des Juifs, en Egypte, sait exactement quels étaient les livres admis par les Palestiniens, et, suivant son penchant habituel pour l’allégorie, il cherche même une fois, In Ps. î, t. xii, col. 1084, à établir une comparaison mystique entre le nombre des lettres de l’alphabet, qui « sont une introduction à la science et à la doctrine », et celui des livres sacrés juifs, qui « sont une introduction a la sagesse divine » ; mais, comme nous l’avons déjà vii, il n’y a pas un seul de ses écrits où il ne fasse usage des deutérocanoniques. — Saint Juslin, disputant, à Éphèse, avec le Juif Tryphon, et sachant aussi quels sont les livres dont il
ivres selon leur capric enne pour tromper 1 e d’antiquité. » — Dai s voyons apparaître ni ons souvent désormai simplement canoniqu cation ; mais il faut r ie s’appuie sur l’autori ogue ; qu’il range, dai liques, tels que Barucl il distingue rigoureus apocryphes ». L’origii ns un usage de l’Egli gène, In Num., Hom onsistait à faire lire ai =r, de Judith, de Tob irce qu’on n’y renconl t, par exemple, le Lév
; troublé et ne reçoit p
se, comme Origène, c lutorité divine desdeut tamment dans ses écri tés de foi et leur doni ent., 9, U, 17, 44, t. xx nt Cyrille de Jérusale
- me du judaïsme paies !
ânes que « les vingt-dei nt traduits les Septante 3 ; mais, dans ses écril anoniques comme Eci saint Athanase. — Sai 30), dans son poème si , t. xxxvii, col. 472, i s livres palestiniens (i
: « rm., i, 12, t. xxxvi
saint Basile et saint Gr s aux deutérocanoniqu e (vers 310-403), évêqi e, parle dans quatree , livres de l’Ancien Tes' 13, t. xliii, col. 244, 11 ), t.XLI, C0l. 413, t. XL e même, que trois foi : i du canon palestinie ressèment comme cai ( ueet, ajoute-t-il, « tou
, xxvi, 5, t. xlii, col.E
rienne, l’hérétique 1 h
ine partie des livres p
itique des cantiques,
fut condamné au sec
e (Coll. iv, 67, 68, Mai
e nous montre que. I'
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de l'Église dans laqi
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anisme. Saint Jean C
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38 deutérocanoniqui
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t. lxxxi, col. 30. 1
ùstoire de Susanne.
enons de parler onl
émoignage mérite
phraate, entre 336 1
obie, lEcclésiastiqi
Machabées, etc. Voir t. i, col. 737. Saint Éphrem (-p379), le plus illustre écrivain de l’Église de Syrie, fait usage des livres deutérocanoniques.
Tels sont les témoignages des Pères de l’Eglise orientale. On s’est demandé si, en dehors des écrits des docteurs, les conciles d’Orient s’étaient occupés du canon de l’Ancien Testament. Plusieurs historiens croient que le célèbre concile de Nicée (325) promulgua un canon des Écritures, mais le fait n’est pas établi. Saint Jérôme, Prsef. in Judith, t. xxix, col. 39, dit expressément que ce concile « compta Judith au nombre des Écritures sacrées », ce qui semble indiquer qu’il dressa un catalogue des Livres Saints et que ce catalogue renfermait les deutérocanoniques. Cependant les paroles du saint docteur ne sont pas assez explicites pour trancher la question. Cassiodore semble supposer aussi l’existence de ce canon. De Inst. div. litt., 14, t. lxx, col. 1125 ; mais, quoiqu’on puisse l’admettre comme probable, un témoignage formel fait défaut. Voir Jean Chrysostome de Saint-Joseph, De canone Sacrorum Librorum constituto in magno Nicœno Concilio, Rome, 1742. — On possède un canon du ive siècle qui est connu sous le nom de Canou du concile de Laodicée (en Phrygie). L’authenticité en est contestée ; la date même à laquelle s’est tenu le concile est incertaine : Baronius le place en 314, Hefele entre 343 et 380, Pagi en 363, Hardouin en 372, etc. Le canon 60 qui lui est attribué ne contient que les protocanoniques de l’Ancien Testament. Mansi, Conc, t. ii, col. 574. lîickell a essayé d’en défendre l’authenticité dans les Theologische Studien und Kriliken ( Ueber die Echtheit des Laod. Bibelkanons, t. iii, 1830, p. 591). Ce qui rend ce canon suspect, c’est qu’on ne le trouve point dans les anciennes collections des Conciles. Voir A. Vincenzi, Sessio IV Concilii Tridenlini vindicata seu Introductio in Scripturas deutero-canonicas, 3 in-8°, Rome, 1842, t. i, p. -186-197 ; Malou, La lecture de la Bible en langue vulgaire, t. ii, p. 82 ; Herbst, dans la Theologische Quartalschrift de Tubingue, 1823, p. 43-45 ; Pitra, Juris eccle. Grsec. hist. et monum., t. ii, 1864, p. 503 ; et parmi les auteurs protestants, Spittler, Kritische Untersuchungen des 60. Laodic. Kanons, TU (Sâmmtliche Werke, t. viii, 1835, p. 66) ; Credner, Geschichte des Neutestamentlichen Kanon, Berlin, 1860, p, 217-220 ; B. F. Westcott, History of the Canon, 1855, p. 496-505 (édit. de 1881, p. 540) ; Zahn, Geschichte des N. T. Kanons, t. ii, p. 193. A. Boudinhon, Note sur le concile de Laodicée, dans le Congrès scientifique international des catholiques, 1888, t. ii, Paris, 1888, p. 420-427.
Le canon 85 des Apôtres, qui contient un catalogue semblable à celui de Laodicée, est apocryphe. Pair, gr., t. cxxxvii, col. 211. Il doit dater de la seconde moitié du IVe siècle.
2° Église d’Afrique. — Saint Augustin (354-430) est la gloire et la lumière de l’Église d’Afrique au IVe siècle. Dans son livre De Doctrina christiana, ii, 8, 13, t. xxxiv, col. 41, publié en l’an 397, il a inséré un canon des Livres Saints tout à fait conforme à celui du concile de Trente, et aussi aux trois célèbres conciles d’Afrique tenus de son temps et dont il fut l’àme, celui d’Hippone en 393, ceux de Carthage en 397 et 419. Voir le canon 39 du concile de Carthage de 397, dans Mansi, Conril., t. iii, col. 891.
A ces catalogues depuis longtemps connus, nous pouvons en ajouter un autre découvert depuis peu. 51. Mommsen a trouvé en Angleterre, dans la collection Phillips, à Cheltenham, pendant l’automne de 1885, un manuscrit du Xe siècle, qui porte le n » 12.266, et contient, entre autres choses, un canon de l’Ancien et du Nouveau Testament avec stichométrie. Il l’a publié dans V Hermès, Zeitschrift fur klassische Philologie, t. XXI, 1886, p. 144-146. Comme une note paraît fixer à ce catalogue la date de 359 de notre ère, il a une véritable importance. Il paraît être d’origine africaine, et l’omission de l’Epitre aux Hébreux, qui fut expressément admise, i
dans cette province, par le concile de Carthage tenu en 397, dont nous venons de parler, est un nouvel indice que ce canon est antérieur à cette époque. Voici le catalogue des livres de l’Ancien Testament :
. Incipit indiculum veteri (sic) testamenti qui sunt libri cannonici (sic).
Genesis versus fiÎDGCC [3800]
Exodus versus ÏÏÎ [3000]
Numeri versus m [3000]
Leviticum versus. ÎÏCCC [2300]
Deuteronomium versus ÏÏDCC [2700]
Ihû Nave versus MDCCL [1750]
Iudicum versus MDCCL [1750]
fiunt libri VII versus xvHfC [18100]
Rut versus CCL [250]
Regnorum liber I versus… ÎÏCCC [2300]
Regnorum liber II versus… ÎÏCC [2200]
Regnorum liber III versus… ÎÎDL [2550]
Regnorum liber IIII versus… ffCCL [2250]
fiunt versus VIÏÏÏD [9500]
Paralipomenon lib. I versus.. iïXL [2040]
Paralipomenon lib. II versus.. îîc [2100]
Machabeorum lib. I versus… ÏÎCCC [2300]
Machabeorum lib. II versus… MDCCC [1800]
lob versus MDCCC [1800]
Tobias versus DCCC [800]
Hester versus dcc [700]
Iudit versus mc [1100]
Psalmi Davitici CLI versus… v [5000]
Salomonis versus vîD [6500]
profetrc majores versus XVCCCLXX [15370] n° IIII
Ysaias versus TflDLXXX [3580]
Ieremias versus ÎÎÏTCCCCL [4450]
Daniel versus MCCCL [1350]
Ezechiel versus ÏTÏCCCXL [3340]
profetae XII versus ÏÏÏDCCC [3800]
erunt omnes versus n LXV1IIID [69500]
Sed ut in apocalypsis (sic) Iohannis dictum est : Vidi xxini seniores mittentes coronas suas ante thronum. Majores nostri probant, hos libros esse canonicos et hoc dixisse seniores.
Tel est ce catalogue, pour la partie relative à l’Ancien Testament. Nous le reproduisons d’après Erwin Preuschen, Analecta, Kùrzere Texte zur Geschichte deralten Kirche und des Kanons, in-8°, Fribourg-en-Brisgau, 1893, p. 138-139. Voir aussi Th. Zahn, Geschichte des Neutestam. Kanons, t. ii, p. 143-156, 1007-1012.
Ce catalogue paraît incomplet à première vue, mais il ne l’est qu’en apparence. Les deux livres d’Esdras n’y sont pas nommés ; c’est certainement par suite d’une distraction du scribe. La liste doit contenir, en effet, d’après la note finale, vingt-quatre livres, or elle n’en énumère que vingt-trois : Heptateuque, 7 ; Ruth, l ; Rois, 4 ; Paralipomènes, 2 ; Job, 1 ; Tobie, 1 ; Esther, 1 ; Judith, 1 ; les Psaumes, 1, Salomon, 1 ; les prophètes, 1 ; total : 23. Le livre oublié, le 24e, est Esdras I et II (qui ne comptait que pour un, comme dans un grand nombre d’anciens catalogues, où le livre de Néhémie (II Esdras) ne fait qu’un avec I Esdras). Quant au livre appelé « de Salomon », le canon de Cheltenham désigne par là les cinq livres sapientiaux, que plusieurs anciens catalogues rangent indistinctement sous le nom de Salomon, parce qu’il est l’auteur de la plupart d’entre eux. La preuve qu’il en est bien ainsi dans le cas présent nous est fournie par la somme des versets, qui est de mille cinq cents, total des cinq livres. Sur ces chiffres, voir C. H. Turner, The Old Testament Stichometry, dans les Studia biblica, t. iii, Oxford, 1891, p. 306. Le chiffre des vingt-quatre livres de l’Ancien Testament rapproché de celui des vingt-quatre vieillards de l’Apocalypse, lv, 10, qu’on retrouve dans beaucoup de Pères, fut sans doute primitivement un procédé mnémotechnique pour se rap
peler le nombre des livres sacrés, et plus tard on y chercha’un sens mystique. — Le catalogue de Cheltenham est d’autant plus remarquable, qu’il contient tous les livres protocanoniques et deutérocanoniques, la seule Épître aux Hébreux exceptée, et qu’il donne à tous ces livres le nom de « canoniques ». Tout porte à croire que ce catalogue, quoi-qu’il nous vienne d’Afrique, est celui de l’Église romaine.
3o Église romaine. — Nous avons un document officiel, le plus ancien de ce genre, qui nous fait connaître le canon de l’Église romaine. C’est le décret De recipiendis et non recipiendis libris, dont les critiques de nos jours attribuent le premier chapitre, c’est-à-dire le canon des Écritures, au pape Damase (366-384), à la suite de A. Thiel, qui a étudié la question dans De Decrelali Gelasii papse de recipiendis et non recipiendis libris et Damasi concilia romano de explanalione fidei et canone Scripturæ Sacrse, P. Coustantii suasque anirnadversiones præmisit et textum secundum probatissimos codices edidit, in-4o, Braunsberg, 1866. Voir A. Thiel, EpistolseRonianorumPontificum genuinse, t. i, Braunsberg, 1868, p. 44-58 ; Ph. Jafïé, Regesta Pontificum romanorum, 2e édit., t. i, 1885, p. 40, 91 ; C. A. Roux, Le pape saint Gélasel" ; in-8o, Paris, 1880, p. 163-193. Il fut réédité plus tard, en 495 ou 496, avec des additions, par le pape saint Gélase (492-496), ce qui fait qu’il estplus connu sous le nom de Decretum Gelasianum ; on l’a attribué aussi au pape saint Hormisdas (514-523), qui le publia de nouveau. Il fut enfin inséré par Gratien dans les Décrétales, Dist. xv, 3. Le voici pour la partie relative à l’Ancien Testament : « Nunc vero de Scripturis divinis agendum est, quid universalis catholica recipiat Ecclesia vel quid vitare debeat. Incipit ordo Veteris Testamenti. Genesis liber i. Exodi liber i. Levitici liber i. Numeri liber i. Deuteronomii liber I. Jesu Nave liber i. Judicum liber i. Ruth liber i. Regum libri iv. Paralipomenon libri n. Psalmorum cl liber i. Salomonis libri m. Proverbia liber i. Ecclesiastes liber i. Cantica Canticorum liber i. Item Sapientiae liber i. Ecclesiasticus liber i. Item ordo prophefarum. Isaiae liber i. Jeremise liber i, cum Chinoth, id est, Lamentationibus suis. Ezechielis liber i. Daniheli liber i. Oseae liber i. Amos liber i. Michœæ liber i. Joël liber i. Abdiaî liber i. Jonre liber i. Naum liber i. Abbacuc liber i. Sophoniae liber i. Aggæi liber i. Zachariae liber i. Malachiae liber i. Idem ordo historiarum. Job liber i, ab aliis omissus. Tobiae liber i. Hesdroe libri il. Hester liber i. Judith liber i. Machabæorum libri n. » Thiel, De Decretali Gelasii papse, 1866, p. 21, ou Labbe, Concil., 1671, t. iv, col. 1260. Baruch n’est pas nommé, probablement parce qu’on ne le séparait pas de Jérémie.
En 405, le pape Innocent Ier envoya à saint Exupère, évêque de Toulouse, qui le lui’avait demandé, un catalogue des Livres Saints : il est la reproduction de celui de saint Damase, et par conséquent en tout conforme à notre canon actuel. Mansi, Conc, t. ii, p. 1040-1041.
Cependant, malgré la croyance générale de l’Église occidentale et en particulier de l’Église romaine, les idées qui avaient cours en Orient eurent leur écho dans l’Église latine, à la suite des rapports fréquents des deux parties de l’empire romain et du séjour que plusieurs Latins firent en Orient.
Parmi les Pères de l’Église d’Occident, saint Hilaire de Poitiers, In Ps. Prol., 15, t. ix, col. 241, dit qu’il y a dans l’Ancien Testament autant de livres que de lettres dans l’alphabet hébreu, c’est-à-dire vingt-deux ; il les énumère en y comprenant Jérémie avec les Lamentations « et la lettre » (Baruch, vi) ; puis il ajoute que quelques-uns ont jugé à propos, par l’addition de Tobie et de Judith, de porter le nombre des livres à vingt-quatre, selon le nombre des lettres de l’alphabet grec. Dans ce passage le saint docteur imite Origène, comme l’avait déjà remarqué saint Jérôme. De vir. ill., 100, t. xxiii, col. 699, et il se propose seulement, dans la première partie, de rap porter le canon palestinien. Il est loin d’ailleurs de rejeter les deutérocanoniques, car il en fait usage dans toutes ses œuvres et en particulier dans son commentaire des Psaumes.
Rufin distingue expressément les livres que nous appelons protocanoniques et deutérocanoniques. La divergence entre le canon palestinien et l’alexandrin a fini par introduire définitivement cette distinction, que nous retrouverons maintenant à travers tout le moyen âge Le prêtre d’Aquilée ne les désigne pas par le même nom que nous, mais il appelle les seconds ecclesiastici, par opposition aux premiers qu’il nomme canonici. La raison de cette dénomination d’ « ecclésiastiques » vient de ce que les Pères « ont voulu, dit-il, qu’ils fussent lus dans les Églises, mais non qu’ils fussent allégués comme autorité pour confirmer les choses de la foi ». In Symb. Apost., 36-38, t. xxi, col. 373-375. Cette distinction et cette explication rappellent ce qu’avait dit saint Athanase. Rufin est le premier qui se soit exprimé ainsi chez les Latins, comme saint Athanase est le premier qui ait parlé de la sorte chez les Grecs. Mais il faut remarquer que, tandis qu’à Alexandrie on faisait seulement lire les deutérocanoniques aux catéchumènes, il résulte du témoignage même de Rufin qu’en Occident on lisait soit les protocanoniques, soit les deutérocanoniques dans les Églises, sans faire entre eux aucune différence, parce qu’en réalité, dans la pratique, comme dans la croyance primitive, il n’existait entre eux aucune distinction. Rufin est allé chercher cette distinction dans l’Église grecque, et comme il n’a pu l’expliquer de la même manière que saint Athanase, il a imaginé que les livres qu’il appelle « ecclésiastiques » n’étaient que des livres d’édification et n’avaient pas d’autorité en matière de foi ; il est probable qu’il a appliqué faussement ce qu’avait dit Origène dans sa lettre à Jules Africain, 5, t. x, col. 60, savoir qu’on ne devait pas alléguer en matière de foi les deutérocanoniques « contre les Juifs » ; il a généralisé à tort ce que le docteur d’Alexandrie avait eu soin de limiter exactement. Rufin admet d’ailleurs la divinité des deutérocanoniques. Cf. Rufini vita, ii, c. 18, 2, t. xxi, col. 270. Il les défendit même avec véhémence contre son grand adversaire, saint Jérôme, ainsi que nous le verrons plus loin.
Saint Jérôme, ce grand docteur de l’Église latine, qui a tant fait pour la traduction et l’explication des Saintes Écritures, a eu cependant sur le canon des opinions qui ne concordent pas toujours rigoureusement avec le langage des anciens Pères. Cette âme ardente, qui se laissait quelquefois entraîner par la passion et ne pesait pas rigoureusement toutes ses paroles, s’est exprimée d’une manière assez contradictoire dans divers passages de ses écrits. L’impression qui se dégage de la lecture de ses œuvres, c’est que, sous l’influence du milieu juif dans lequel il avait beaucoup vécu, et en particulier des rabbins qui avaient été ses maîtres, il aurait été porté à ne garder que le canon palestinien ; mais comme sa foi lui faisait un devoir de se soumettre à l’autorité de l’Eglise, il acceptait avec elle les livres deutérocanoniques contenus dans la Bible des Septante, quoiqu’il ne les trouvât pas dans la Bible hébraïque. Plus il est porté par son tempérament, ses habitudes et ses préférences juives, à repousser les deutérocanoniques, plus l’hommage qu’il est forcé de leur rendre comme malgré lui est significatif et concluant en faveur de la croyance de l’Église. Dans sa Prœf. in lib. Salom. t. xxviii, col. 1242-1243, il parle comme son ennemi Rufin, il dit que Tobie, Judith, les Machabées, « ne sont pas parmi les Écritures canoniques ; » mais que « l’Église les lit pour l’édification du peuple, non pour la confirmation des dogmes ecclésiastiques ». Il ajoute souvent quelque mol restrictif sur leur autorité lorsqu’il mentionne les deutérocanoniques (voir R. Cornely, Introd. in lib. sac, t. i, p. 105-108) ; mais cela ne l’empêche point de les citer et de les qualifier de « sacrés », Epist. lxv ad Princip., i, t. xxii, col. 623, comme les
Pères qui l’avaient précédé. Rufin lui avait opposé, Apol., H, 33-34, t. xxi, col. 661-662, que Pierre, pendant les vingt-quatre ans qu’il avait gouverné l’Eglise romaine, avait fait connaître aux fidèles les livres qui contenaient la parole de Dieu, et n’avait pas pu leur mettre dans les mains les deutérocanoniques comme canoniques s’ils ne renfermaient pas la vérité. « Gomment donc pourrait-il se faire, continuait-il, qu’après quatre cents ans, l’Église reconnût que les Apôtres ne lui avaient pas mis entre les mains le véritable Ancien Testament, et qu’elle députât ses enfants vers ceux qu’on appelait [les hommes de] la circoncision pour les supplier et les conjurer de leur communiquer au moins quelque chose delà vérité qu’ils possédaient ? » L’argumentation de Rufm reposait sur un fait si certain, elle était tellement irréfutable, que dans sa réponse saint Jérôme protesta qu’il n’avait fait qu’exprimer l’opinion des Juifs, non la sienne : « Non quid ipse sentirem, sed quid illi [Judsei ] contra nos dicere soleant, explicavi. » Apolog. cont. Rufin., ii, 33, t. xxiii, col. 455. Nous trouvons donc dans l’Eglise tout entière, malgré quelques paroles un peu discordantes produites par les rapports des chrétiens avec les Juifs, la croyance au caractère divin de tous les livres protocanoniques et deutérocanoniques de l’Ancien Testament. Cette croyance est aussi attestée par les monuments figurés. 4° Témoignage des monuments figurés. — Le caractère sacré et divin que l’Église attachait aux deutérocanoniques comme aux
protocanoniques est confirmé par les monuments figurés des premiers siècles qui sont parvenus jusqu’à nous : fresques des catacombes, sarcophages, fonds de coupes, lampes, pierres gravées, vases et objets divers. Tous les sujets empruntés aux récits deutéro58. Tobie le Jeune canoniques qui ont pu se prêter au avec le poisson. symbo lisme de l’art chrétien ont été D après Garucci, Vetrt …., ., i i
ornali m figure in traites P ar les P eintr es et les sculporo, pi. 111. teurs chrétiens, et ils l’ont fait sous
la surveillance et avec l’approbation des pasteurs de l’Église, qui, connaissant l’importance de cet enseignement donné aux fidèles par les yeux, ne laissaient exposer dans les cimetières et dans les basiliques, pendant les quatre premiers siècles, rien qui fût emprunté aux écrits apocryphes. C’est ainsi que les différentes scènes de l’histoire de Tobie sont souvent figurées dans les catacombes et sur les monuments antiques. Tobie le jeune apparaît souvent avec le poisson qu’il tire des eaux du Tigre, parce que les Pères virent dans ce poisson le symbole du Christ. (S. Optât de Milève, De schism. Donat., iii, 2, t. xi, col. 991.) Un fond de coupe nous montre le jeune voyageur (fig. 58) la main dans la gueule du poisson. Les représentations de ce genre abondent. Voir Martigny, Dictionnaire des antiquités chrétiennes, 2e édit. 1877, p. 760 ; Heuser, dans Kraus, RealEncyklopàdie, t. ii, 1886, p. 871. Tobie le père se rencontre plus rarement, mais saint Paulin de Noie, Poem., xxviii, 23, t. lxi, col. 663, nous apprend qu’il avait été peint au commencement du Ve siècle, dans le porche de la vieille basilique de saint Félix, à Noie, de même que Job, Judith et Esther :
At geminas [cellas] quæ sunt dextra lævaque patentes
Biais historiis ornât pictura fideiis :
Unam sanctorum comptent sacra gesta virorum :
Jobus vulneribus tentatus, lumine Tobit ;
Ast aliam sexus minor obtinet : inclyta Judith,
Qua simul et regina potens depingitur Esther.
Toutes les parties deutérocanoniques de Daniel ont fourni des sujets aux premiers artistes chrétiens. Les trois enfants dans la fournaise de Babylone, Ananias, Misaël et Azarias, sont fréquemment représentés, et ils le sont plusieurs fois avec des détails empruntés à la partie grecque
du chapitre m de Daniel, détails qui ne se lisent que dans la partie chaldaïque, tels que la présence de l’ange, qui descend au milieu des flammes pour en éteindre l’ardeur autour des jeunes Hébreux. Dan., iii, 45-50. C’est ainsi qu’on le voit (fig. 59) sur une lampe trouvée en Afrique, actuellement au musée de Constantine. Il se tient derrière les trois jeunes gens, les mains levées en signe d’encouragement et pour commander aux flammes. Le
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59. — L’ange et les trois jeunes gens dans la fournaise.
Lampe du musée de Constantine, d’après Héron de Villefosse.
Mus. Arch., 112.
personnage de droite porte dans les mains un objet qui ressemble à un instrument de musique, pour indiquer le cantique que les courageux confesseurs de la foi chantent au milieu de la fournaise. Dan., iii, 52-90.
L’histoire de Susanne, pauvre brebis que voulaient dévorer des bêtes féroces, comme nous. la montre une fresque des catacombes où elle est représentée sous cette forme entre un loup et un léopard (Perret, Catacombes de Rome, t. i, pi. 78), avait sa place marquée dans les monuments de ces première chrétiens persécutés dont elle était l’emblème ; aussi l’y rencontre-t-on assez souvent. (Heuser, dans Kraus, Real-Encyklopâdie, t. ii, p. 800.) Une célèbre cassette d’ivoire de Brescia (lipsanoteca bresçiana), publiée par Odorici, Antichità cristiane di Brescia, in-f°, Brescia, 1845, pi. 5, n » 11, et p. 67, et qui, d’après Kraus, Real-Encyklopàdie, t. i, p. 407, est du rve siècle, représente, entre autres sujets (fig. 60), plusieurs scènes de l’histoire de Susanne. On voit, à gauche, les deux vieillards cachés chacun derrière un arbre du jardin, puis la scène du jugement. À l’extrémité, à droite, est figuré un. autre épisode qui est aussi très souvent représenté dans l’art primitif, et qui peut se rapporter aux fragments deutérocanoniques de Daniel : c’est ce prophète dans la fosse aux lions. Seulement, comme il y a été jeté deux fois, Dan.,
vi, 16-23, et xiv, 30, et que le second récit seul est deutérocanonique, il est impossible dans plusieurs cas, comme figure 60, de déterminer lequel des deux événements a été figuré. La présence d’Habacuc, Dan., xiv, 32-38, dans plusieurs œuvres d’art, permet d’affirmer avec une entière certitude que c’est bien au fragment deutérocanonique que l’emprunt a été fait. C’est ainsi que sur un sarcophage de Brescia, publié également par Odorici, Antichità cristiane di Brescia, 1845, pi. 12, p. 69, nous voyons Habacuc portant à Daniel, dans la fosse aux lions de Ba nous prouve bien comment les deutérocanoniques étaient mis sur le même rang que les prolocanoniques. Ce petit monument, qui doit être du IVe siècle, a l’avantage de préciser par des légendes les scènes qu’il reproduit. Le sacrifice d’Isaac en est la scène principale ; au milieu d’autres scènes, empruntées au Pentaleuque et à l’Évangile, nous voyons les sujets deutérocanoniques deSusanne, de Daniel et du dragon (fig. 63). La croyance de l’Église à l’inspiration de tous les livres contenus dans la version des Septante et dans l’ancienne version latine qui repro 60. — Susanne entre les deux vieillards et devant Daniel. Cassette d’ivoire de Brescia, d’après Odorici, Antichità cristtane di Brescia, tav. v.
bylone (fig. 61), un pain et un poisson. On n’aperçoit que la main de l’ange qui transporte Habacuc par les cheveux ; mais pour montrer que c’est une main céleste qui accomplit le miracle, le ciel est figuré par sept étoiles. Daniel prie avec confiance au milieu de deux lions. La mort du dragon de Babylone, qui avait été cause de cette seconde condamnation du prophète à la fosse aux lions, et qui est racontée dans le même chapitre xiv, 22-26, est aussi figurée sur les antiques monuments
61. — Habacuc transporté par la main d’un ange dans la fosse aux lions. D’après Garucci, Storia âelV arte, t. v, pi. 323, n » 2.
chrétiens. Un fond de verre (fig. 62), conservé aujourd hui au British Muséum, représente Daniel donnant au serpent le gâteau de graisse, de poix et de poils, avec lequel il le fait mourir. À côté de lui est le Messie qui l’inspire. Voir aussi Kraus, Real-Encyklopâdie, 1. 1, p. 342. Nous retrouvons ainsi dans l’art chrélien primitif de nombreux sujets tirés des deutérocanoniques, tandis que, au moins avant le Ve siècle, on ne rencontre aucune scène tirée des écrits apocryphes. Les deutérocanoniques étaient donc traités par l’Église avec le même respect que les protocanoniques. S’il en fallait encore des preuves, il nous suffirait de remarquer que, dans tous ces monuments figurés, les scènes empruntées aux uns et aux autres sont entremêlées sans aucune distinction. Par exemple, une coupe en verre blanc transparent, trouvée à Podgoritza, l’ancienne Docléa, en Dalmatie, et publiée, en 1877, par J.-B. de Rossi, L’insigne piatto vitreo di Podgoritza oggi nel Museo Basilewsky in Parigi (Bulletlno di Archeologia cristiana, 1877, p. 77-85, tav. v-vi),
duisait exactement les Septante est donc pleinement confirmée par les monuments figurés. Voir F. Vigoureux, Le Nouveau Testament et les découvertes archéologiques modernes, p. 365-379 ; U. Ubaldi, Introductio in Sacram Scripturam, 2e édit., t. ii, Rome, 1882, p. 382-392.
§ 5. Écrivains des v et vi" siècles. — Depuis le milieu du v « siècle jusqu’au concile de Trente, les canons ou
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62. — Daniel et le dragon.
D’après un fond de verre du British Muséum.
catalogues des livres inspirés deviennent nombreux dans l’Église d’Orient et surtout dans l’Église d’Occident. Ils ont été réunis dans H. Hody, De Bibliorum textibus originalibus, versionibus grsecis et latina Vulgata libri quatuor, in-f°, Oxford, 1704, p. 644-662. On peut voir aussi le tableau de J.-B. Malou, La lecture de la Bible en langue vulgaire, t. ii, p. 120-122 ; reproduit dans J.-B. Glaire, Introduction aux livres de l’Ancien et du Nouveau Testament, 3e édit., 1862, t. i, p. 88-92. Cf. aussi B. F. Westcolt, Hislory of the Canon, Appendix D, 1855, p. 566-584.
1° Eglise d’Orient. — Assémani, Bibliotheca onenlalis, t. iii, 2, p. 236, a montré que les Églises orientales, même hérétiques, mirent les deutérocanoniques sur le même rang que les protocanoniques.
2° Eglise occidentale. — Saint Hilaire, légat du pape saint Léon le Grand en Orient, puis son successeur (461-468), compte soixante-dix livres dans l’Ancien et le Nouveau Testament, c’est-à-dire les protocanoniques et
les deutérocan uniques, au témoignage du Codex Amia, tinus (t. i, col. 482), le meilleur parmi les anciens manuscrits de la Vulgate hiéronymienne. Novum Testamentum latine ex Codice À miatino, édit. Tischendorf, Leipzig, 1854, p. x ; Id., Velus Testamentum Hieronymo interprète ex antiquissima auctoritate, Prol., Leipzig, 1873, p. vin. — Denys le Petit, Codex canon, eccl., 24,
saint Ildefonse de Tolède (607-667), De Sapt., 59, t. xcvi, col. 140, et saint Eugène de Tolède ( J- 657), Versus in Biblioth., t. lxxxviii, col. 394, admettent tous le canon complet. Saint Grégoire, Moral, in Job, xix, 21, t. lxxvi, col. 119, parlant des livres des Machabées, dit qu’ils ne sont pas « canoniques », c’est-à-dire contenus dans le canon de la Synagogue, mais qu’ils sont cités « pour l’édification
63. — Scènes diverses empruntées aux livres protocanoniques et deutérocanonlques. Conpe de Podgoritza. D’après Le Blant. Études sur les sarcophages d’Arles, 1878. PI. xxxv.
t. lxvii, col. 191 ; Cassiodore, Inst. div. litt., 12, 13, 14, t. lxx, col. 1125 ; font de même. Seul Junilius Africanus, De part. div. leg., i, 3-7, t. lxviii, col. 16 [cf. Kihn, Theodor von Mopsuestia und Junilius Africanus als Exegeten, in-8°, Fribourg-en-Brisgau, 1880, p. 356-357, nous offre une exception ; il a sur le canon des idées particulières, mais il les emprunte à Théodore de Mopsueste, et elles ont toujours été désapprouvées par l’Église.
§ 6. Pères du vu’siècle. — Le pape saint Grégoire le Grand (540-604), saint Isidore de Séville (570-636),
de l’Église », et il se sert souvent, en effet, des deutérocanoniques ; il ne pense pas autrement que son ami saint Isidore de Séville, qui écrit, Ettjm., vi, 1, 19, t. lxxxif, col. 229 : « Quartus est apud nos ordo Veteris Testamenti librorum, qui in canone hebraico non sunt. Quorum primus Sapientiæ liber est, secundus Ecclesiasticus, tertius Tobias, quarîus Judith, quintus et sextus Machabæorum, quos licet Hebræi inter apocrypha séparent, Ecclesia tamen Christi iuter divinos libros et honorât et prœdicat. » — Dans ce même siècle, en Orient, le
concile In Trullo reçoit formellement le canon complet de Carthage. Un catalogue grec, publié par Cotelier, Patres apostolici, édit. Le Clerc, Amsterdam, 1724, t. i, p. 197, place les deutérocanoniques de l’Ancien Testament en dehors des soixante livres canoniques, en les désignant par ces mots : « Et ceux qui sont en dehors des soixante, » Kai ôo-a Ë ?a> tûv Ç’, et en les distinguant soigneusement de ceux qu’il appelle « apocryphes », àrcôxp-jça. Le catalogue stichométrique de Nicéphore, archevêque de Gonstantinople, les range sous le titre de « ceux qui sont contestés », âvTiXs’y’VTSi, mais il les distingue de la même manière des « apocryphes ». Nicephori Opuscula hisiorica, édit. G. de Boor, Leipzig, 1880, p. 132.
§ 7. Ecrivains des vin" et IX’. siècles. — Le V. Bède (673-735) commente Tobie et cite tous les deutérocanoniques. — Alcuin (723-801) donne deux fois en vers le canon complet des Écritures, Carm., vi, t. ci, col. 101, 731. — Rhaban Maur, évêque de Mayence (786-856), a commenté la plupart des livres deutérocanoniques. — Walafrid Strabon (-f vers 849), dans sa Glossa ordinaria, tout en rappelant la distinction de Rufin et de saint Jérôme entre les livres canoniques et les livres édiliants, les interprète tous sans distinction.
§ 8. Écrivains du Xe au xv> siècle. — La plupart admettent simplement et sans distinction tous les livres de l’Ancien Testament, comme Yves de Chartres († 1117), Décret., iv, 61, t. clxi, col. 276 ; Honoré d’Autun (f vers 1125), Gemma animse, iv, 118, t. clxxii, col. 736 ; Pierre de Rlois († 1200), De divis. et script. S. lib., t. ccvii, col. 1052 ; Gilles de Paris (f vers 1180), qui s’exprime ainsi (De num. lib. Utr. Test., t. ccxii, col. 43) :
styloque Dei digestus et editus orbi
Cunon Scripturas creditur esse sacrae. Qui tamen excipit hos : Tobi, Judith et M achabæos,
Et Baruch, atque Jesum, pseudographumque librum (la Sagesse) ; Sed licet excepti, tamen hos authentîcat usus
Kcclesite, iîdei régula, scripta Patrum.
Quelques-uns cependant, sous l’inlluence de ce qu’avait dit saint Jérôme, semblent attacher trop d’importance aux distinctions de ce Père. L’auteur de la célèbre Hisloria scholastica, Pierre Comestor († 1178), appelle « apocryphes » les livres de la Sagesse, de l’Ecclésiastique, de Judith, de Tobie et des Machabées ; mais il a soin d’ajouter que c’est « parce qu’on ignore quels en sont les auteurs », — ce qui est inexact pour l’Ecclésiastique, — et que « l’Église les reçoit parce qu’il n’y a pas de doute sur leur véracité ». Hist. schol., Prsef. in Jos., t. cxcviii, col. 1260. Rupert de Deutz († 1135), In Géra., iii, 31, t. clxvii, col. 318 ; Hugues de Saint -Victor († 1141), De scriptur.
et scriptor. sac, 6, t. clxxv, col. 15 ; Pierre le Vénérable, abbé de Cluny († 1185), s’expriment avec peu d’exactitude. Jean de Salisbury (1110-1180), Epist. cxiiii, t. cxcix, col. 126, s’égare complètement. Hugues de Saint-Cher (-ꝟ. 1263), Prol. in Jos., Opéra omnia, Lyon, 1669, 1. 1, p. 178, rappelle les distinctions de saint Jérôme, mais il admet néanmoins les deutérocanoniques comme vrais, quoiqu’il les place hors du canon :
Lex vêtus his libris (les protocanoniques) perfecte tata tenetur, Restant apocrypha, Jésus, Sapientia, Pastor, Et Machabæorum libri, Judith atque Tobias. Hi quia sunt dubîi, sub canone non numerantur, Sed quia vera canuut, Ecclesia suscipit illos.
Nicolas de Lyra (vers 1270-1340) partage la même opinion, de même que saint Antonin, archevêque de Florence (1389-1459), Ghron., i, 3, 5, 9, Lyon, 1586, 1. 1, p. 65, 85 ; Summa theolog., iii, 18, 6, Vérone, 1740, t. iii, p. 1043 ; Alphonse Tostat, évêque d’Avila (1412-1455), Cornm. in I Reg. In Prol. Gal., q. 27, 28, Opéra, Venise, 1728, t. xi, p. 19, etc. ; le cardinal Cajetan (1469-1534), Conim. in Eslh. x, 3, dans In omnes libros authenticos Scripturx comment., Lyon, 1639, t. ii, p. 400.
Malgré ces rares voix discordanles, la tradition de l’Église restait inébranlable. Toutes les Bibles du moyen âge contiennent les deutérocanoniques en même temps que les protocanoniques. Aussi le décret d’Eugène IV, promulgué au concile de Florence, en 1441, sur l’union des Jacobites, renferme-t-il « Tobie, Judith, Esther, la Sagesse, l’Ecclésiastique, les deux Machabées », comme le Pentateuque et les prophètes. Voir Theiner, Acta Conc. Trid., Agfam, 1874, t. i, p. 79. Luther, en rejetant ces livres, se sépara donc de la tradition, et le concile de Trente ne fit qu’affirmer ce qu’on avait toujours cru dans l’Église, malgré l’hésitation de quelques-uns, dans la promulgation de son Canon des Livres Saints, qui eut lieu le 8 avril 1546. Il contient les mêmes livres que les canons des conciles d’Afrique, du décret du pape Gélase, d’Innocent Ier et du concile de Florence. Les Pères de Trente refusèrent d’établir aucune distinction réelle entre les protocanoniques et les deutérocanoniques, et leur décision mit fin aux discussions entre catholiques. Quoique les protestants refusassent de se soumettre à l’autorité du concile, ils continuèrent cependant à insérer les deutérocanoniques dans leurs éditions de la Bible. Les Sociétés bibliques ne les ont supprimés que depuis le commencement de ce siècle. Voir t. i, col. 1788. Nous allons résumer dans le tableau synoptique suivant les témoignages des anciens écrivains ecclésiastiques relatifs aux livres deutérocanoniques :
— Tableau des citations des deutérocanoniques de l’Ancien Testament dans les anciens écrivains ecclésiastiques.
Les citations précédées d’un point d’interrogation sont douteuses. — Le tiret indique l’absence de citations.
DiTES
ÉCRIVAINS
TOBIE
JUDITH i EST11ER
| X, 4 -XVI
SAGESSE
ECCLÉSIASTIQUE
BARUCH | DANIEL
i
MACHABÉES
Pape vers 01-101
S. Clément, pape.
—
/ Cor., 55, 59 ; I Cor., 55.
I Cor., 3, 27, etc.
I Cor., 9-10, 20, 60.
—
—
( ?)
Auteur de II Cor.
Il Cor., 16.
" 1 ~
Il Cor., 17. II Cor., 16.
— i i
—
!
iVmsiso (î.
1
Doctr. Apotlol.
? Doct., i, 2
—
—
Doct., , 2.
?0<>C « ., i, 2, 6.
"
II. - 6
163
CANON DES ECRITURES
164
DATES
ÉCMYAOS
TOBIE
JUDITH
ESTHER
X, 4-XVI
SAGESSE
ECCLÉSIASTJOnt
BARBU
DANIEL
.MACHABÊES
Vers 120 î
S. Barnabe.
—
—
—
—
Epist., 19.
—
—
—
Bntre 140-150 ?
f 155
Hermas.
—
—
Mand.,
8, etc.
Sim., v, 5 ; vu, 4, etc.
—
—
? Mand., 1
S. Polycarpo.
Philip., 10.
—
—
—
—
—
—
—
f vers 167
S. Justin.
—
—
—
—
—
—
Apol., i, 46.
—
f 177
Athénagore.
—
—
—
—
Leg., 9.
—
—
f 202
S. Irénée.
Adv. Rœr., I, 80, 11.
—
Adv. Eser.,
IV, 38, 3 ;
v, 2, 3.
—
Sdv.Eœr., v, 35, 1, etc.
Adv. Rœr.,
IV, 5, 2 ;
26, 3.
—
f vers 217
Clément d’Alexandrie.
Strom., ii, 23 ; VI, 12.
itrom., ii, 7.
._
Strom.,
iv, 16 ; vi, 11,
14, 15, etc.
Strom., ri, fi, etc.
l’œd., i, 10 ; n, 3.’: Eclog. ex
Script, proph., 1.
? Strom., v, 14.
f vers 235
S. Hippolyte.’i In Dan.,
idit. Migno.
697.
Select.
in Jer.,
23.
In Cant. Prol. ; Dem. cont. Jud., 9, 10.
—
Adv. Noël. 2, 4, 5.
Comm. in
Dan., Aligne, 639.
? De AtMchr. , 49 ;
Fragm. in Dan., 32.
f vers 240
Tertullien.
—
Adv. Marcion. , 7 ; De Monog., 17.
—
De prœscr., 7 ; Adv. Marcion., î, 16 ; De
Monog., 114.
Adv. Marc., î, 16.
Scorp., S.
Adv.’iermog., 44 ;
De Idol,
18, etc.
^ont.Jud, , *
185-254
Origène.
iïpitt. ad A/ric., 13 ; De Orat., 11.
? Rom. IX in Jud., 1.
Epist. ad A/ric, 13 ; De Orat., 11
Cont. Cels.,
m, 72 ; v, 29, etc.
Comm. in Joa.,
- XXXII##
XXXII, H.
Select, in
Ps. cxxv ;
Select : in
Jer., xxxi.
Epist. ad A/ric.
De Prinz., il, 1, 5.
f 258
S. Cyprlen.
De Orat. dom., 32, etc.
. Epist,
- LVIII##
LVIII, 5.
TeMm.,
il, 14 ;
De Morial.,
9, etc.
Tcstim., ii, l ;
De Mortal,
9, etc.
Ccstim., ii, 6.
De Orat. dom., 8.
Testim., p. 117, etc. :
Ad Fort., u
f 264
S. Denys d’Alexandrie.
Epist., 10.
—
—
70nt. Paul. Bam., e, 9, 10.
De
Xat.fragm.,
3, 5, etc.
ont. Paul. Sam., 10.
—
f vers 270
S. Grégoire
le
Thaumaturge.
—
—
—
—
—
DeFidecath. Mignr’, p. 1157.
—
—
Vers 230
S. Archélaiïs de Carchar.
—
—
—
Disp. cum Man., 29.
—
—
—
—
X vers 311
S. Méthode.
—
? Conv., xi, 12.
—
Conv., I, 2, etc.
Conv., î, 3, etc.
COHV., YlU, i
î Conv., XI, 2.
— '
DATES
ÉCRIVAINS
T0B ! E
JUDITH
ESTHER
X, 4-XTI
SACESSE
ECCLÉSIASTIQUE
BARUCE
DANIEL
MACHABÉES
Vers 270-310
Ensèbc de Césaréc.
Apol. ad
Const., 17,
242.
—
—
Prsep. Ev. I, 9.
—
Dem. Ev., vi, 19.
—
—
f 367 ou 308
S. Hilalre de Poitiers.
In Ps.
- CXXIX##
CXXIX, 7.
In Ps.
CXXV, 6.
—
In Ps. cxviii, 2, 8.
In Ps. lxvi, 9, etc.
In Ps. lxviii, 19 ; De Trinit.,
iv, 142.
In Ps.
l.ll, 19, etc.
—
Vers 296-373
S. Athanase.
Cont.
Arian., i,
p. 379.
Cont.
Arian., ir, 34,
p. 397.
—
Cont.
Arian., ir, 33,
p. 395.
Cont.
Arian., ii, 4,
p. 372.
Cont.
Arian., i, 13.
p. 329.
Cont. Arian., i, 13,
p. 329 ; m, p. 580.
In Ps.
LXXVII.
Vers 371
Lucifer de Cagliari.
Pro Athan., Migne, p. 871.
De non parc, p. 955.
—
Pro
Athan., i,
p. 860.
—
—
Pro Athan., II, p. 894 et suiv.
De non
parc,
p.598etsuiv.
Vors320-378
S. Éphrem.
—
In Ezech., 32, 26 ;
Op. syr., II, 29J.
—
—
—
Serm. adv.
Jud.,
Op. syr.,
h, 212.
Serm. ad
noct.resurr.,
ï ; Eym., i,
liait. Lamy,
1882,
530, 77.
Sehol. in
Dan.
Hym„ 8,
in Ep.,
édit. Lamy.
1882, p. 75.
Vers 330-379
S. Basile.
—
—
—
Adv.
Eunom.,
v, 12.
—
Adv.
Eunom.,
iv, 16.
Hom., xii ; in Prov., 13.
—
Vers 315-38C
S. Cyrille de Jérusalem.
—
—
—
Cat., ix, 2.
Cat., vi, 14 ;
XI, 9 ;
XXII, 17.
Cat., xi, 15.
Coi., ir, 16 ; xvi, 31, etc.
—
t 384
Priscillicn, quæ supersuu t <5dit. Schepps,
in-8°. Vienne, 1889.
Te, I. p. 32, 22.
—
Tr., xi,
106, 3 ;
Tr., i,
10, 9, etc.
Tr., vi, 70, 4, etc.
ÏY., i, 5, 8, ctc.
Tr., iii, 49, 24.
—
Vers 326-389 ou 390
S. Grégoire de Nazianze,
—
—
—
—
—
—
Orat., xxxvi, 3.
—
f 390
Apollinaire
de Laodicéc,
quw supersunt.
édit.J.Dràseke.
in- 8°, Leipzig, 1892.
—
—
—
—
—
Cont. Eun., p. 221, 17.
f)e Incarn., p. 390, 10.
—
Entre 333 et 340-397
S. Ambroise.
Lib. de Tobia.
—
—
DeSpir.Sto.,
ni, 18,
135, etc.
De Bono mortis, 8.
In Ps. CXVIII, 1 ?, 2.
DeSpir.Sto., III, 6, 39.
—
f entre 384 et 398
S. Optât de Milève.
—
—
De schism. Donat., 11, 25.
De schism. Donat., iii, 3.
—
—
—
—
Entre 310320-403
S. Épiphaue.
—
?Z)e num., 3.
—
Hier., xxvi
(Onost.),
15, etc.
User., xxiv, 6, etc.
Eser, lvii, 2, etc.
Anchor., 23, 24.
? De num., 3.
167
CANON DES ÉCRITURES
168
DATES
ÉCRIVAINS
TOBIE
JUDITH
ESTHER
X, 4 -XVI
SAGESSE
ECCLÉSIASTIQUE
BARDCH
DAMEL
MACHABÉES
Vers347-407
S.Jean-Chrysostome.
—
—.
—
In Ps. cix, 7.
De Laz., ii, 4.
In Ps.
XLIX, 3.
—
-.
Vers 3 3 1-420
S. Jérôme.
In Eccle., vhi, 2.
Ejnst., lxv, adPrinc, 1.
Epist.,
cxxx, 4,
ad Démet.,
etc.
? Dial. cum Pelag., 1, 3*.
? Dial. cum Péiag., i, il.
—
In Nah., v, 13, etc.
In Is., xxin, i, etc.
351-430
S. Augustin.
De Doctr. chr., ii, 8, 13.
De Doctr. chr., ii, 8, 1- : .
—
In Ps.
LVII, 1.
In Ps.
- LXVII##
LXVII, 8.
De Civ. Dè. XVIII, 34.
Serm.,
CCCXLIII.
Cont. Oaud., il, 38, etc.
ꝟ. 444
S. Cyrille d’Alexandrie.
—
—
—
De ador. in
Spir., x,
p. 704, etc.
De ador. in
Spir., i, p. 107, etc.
De ador. in Spir., i, fin,
p. 209. In Baruch,
t. LXX,
p. 1457, etc.
Thésaurus. assert. 15, p. 285, etc.
—
11° Partie. Histoire du CAA r oy du Nouveau Testament. — Cette histoire est enveloppée d’obscurités dans ses commencements, parce que non seulement les Apôtres, mais même leurs premiers successeurs, ne fixèrent point d’une manière expresse le canon du Nouveau Testament. La règle que suivit l’Église pour déclarer un écrit canonique et par conséquent inspiré, ce fut de s’assurer qu’il émanait immédiatement des Apôtres ou du moins était approuvé par eux, comme l’Évangile de saint Marc et celui de saint Luc. Tertuïlien, Adv. Marcion. , iv, 2, t. ii, col. 363, 367 ; S. Irénée, Adv. Huer., iii, 4, 1, t. vii, col. 855. Mais cette constatation ne fut pas toujours aisée, surtout en certains lieux, d’où il résulta que quelques écrits furent, pendant un temps plus ou moins long, douteux et contestés, et qu’il existe aussi dans le Nouveau Testament une classe de livres deutérocanoniques, comme on l’a vu plus haut, col. 137. Le Nouveau Testament lui-même ne nous parle que d’une collection des Épitres de saint Paul, qu’il met sur le même rang que « le reste des Écritures ». II Petr., iii, 16.
§ 1. Canon du Nouveau Testament dans les Pères apostoliques. — On ne tarda pas cependant à faire des collections des écrits des Apôtres. Le pape saint Clément, vers l’an 95, connaît déjà les quatre Évangiles, la plupart des Épîtros et l’Apocalypse. Les autres Pères apostoliques, saint Ignace, saint Polycarpe, ont aussi des allusions fréquentes aux écrits du Nouveau Testament. La lettre qui porte le nom de saint Barnabe cite le passage : « Beaucoup sont appelés, mais peu sont élus, » Matth., xx, 16 ; xxii, 14, avec les mots consacrés : u ; yiypim-zii, « comme il est écrit » dans les Écritures inspirées. Tous ces écrivains, quoique contemporains ou voisins de l’époque apostolique, établissent d’ailleurs une ligne de démarcation très tranchée entre leurs écrits et ceux des Apôtres inspirés de Dieu. Saint Clément, lorsqu’il écrit aux Corinthiens, 1 Cor., i, 47, édit. Funk, p. 120, ne prétend pas être inspiré comme l’était saint Paul, lorsqu’il écrivait aux mêmes Corinthiens ; saint Polycarpe, Phil., iii, ibid., p. "270, déclare aux Philippiens qu’ « il ne peut avoir la sagesse du bienheureux et glorieux Paul qui… leur a écrit son Épitre » ; saint Ignace, Rom., IV, p. 217, suppliant les Romains de ne pas lui dérober la couronne du martyre, ajoute : « Je ne vous donne pas d’ordre, comme Pierre et Paul ; ils étaient Apôtres, je ne suis qu’un condamné. »
La Doctrine des Apôtres, retrouvée en 1883, et qui se rattache étroitement à l’âge apostolique, fait des emprunts à saint Matthieu et probablement aussi à saint Luc, à saint Jean, à I Corinthiens, à I Pierre, à saint Jude, et peut-être aussi aux Éphésiens, à II Pierre et à l’Apocalypse. Sa manière de parler semble indiquer aussi que les Évangiles étaient déjà réunis ensemble : w ; èxéAsvæv 6 Kiiptoç èv tû E-JayyeXc’w, dit-il en rapportant le Pater, viii, 2 ; cf. xi, 3 ; XV, 3, 4. Lehre dér zwôlf Apostolen, édit. Harnack, Leipzig, 1884, p. 26, 38, 59, 60 ; cf. p. 65, 69, 83. Cf. Zahn, Geschichte des Neutestamenllichen Kanons, t. ï, p. 363 ; Salmon, Introduction to the New Testament, p. 601-618.
§ 2. Canon du Nouveau Testament dans les Pères apologistes et leurs contemporains (120-170). — 1° Les apologistes du IIe siècle eurent plus souvent occasion que les Pères apostoliques de parler de la vie et des paroles de Notre-Seigneur ; mais ils procédèrent surtout par voie d’allusion, sans citer ordinairement mot à mot les écrits du Nouveau Testament. — Saint Justin (f vers 167), dans son Dialogue avec Tryphon, 103, t. vi, col. 717, parle « des mémoires (àito[j.vrinove’j[i.oc(îtv) écrits par les Apôtres et par leurs disciples », allusion frappante aux quatre Évangiles écrits par les deux Apôtres saint Matthieu et saint Jean, et par les deux disciples des Apôtres, saint Marc et saint Luc. Dans sa première Apologie, 66, t. vi, col. 429, il nous explique en termes exprès quels sont ces à7to ; i’; r’|[j.ovsy[j.ocTa des Apôtres, il nous dit qu’on les appelle « Évangiles », S -/.oXtXTai E-ja-néXia (cf. Zahn, Geschichte des Neutestamentlichen Kanons, t. ï, p. 417). Il fait des emprunts à saint Matthieu, xvii, 3 (Dial., 49) ; à saint Marc, iii, 16, 17 (Dial., 106) ; à saint Luc, xxiii, 46 (Dial., 105) ; à saint Jean, Apol., i, 61 ; Dial., 88, etc., t. vi, col. 420, 688. On a contesté ses emprunts à saint Jean, mais ce qu’il dit du Verbe divin est si frappant, que Volkmar, Vrsprung unserer Evangelien, Zurich, 1866, p. 100, ne voulant pas admettre l’authenticité du quatrième Évangile, a prétendu que son auteur avait puisé dans saint Justin sa doctrine sur le Verbe. — Saint Justin n’a pas eu occasion de mentionner en termes exprès les autres écrits du Nouveau Testament, excepté l’Apocalypse, qu’il cite sous ce nom, en l’attribuant expressément à l’Apôtre saint Jean et en l’appelant une prophétie. Dial., 81, t. vi, col. 669. Mais on peut constater qu’il connaissait les Actes, Apol-, i, 50, 67, t. vi, col. 404,
429, toutes les Épîtres de saint Paul (celle à Philémon exceptée), et au moins quatre des Épîtres catholiques, celle de saint Jacques, les deux de saint Pierre, et la première de saint Jean. Voir Grube, Die hermeneutische Grundsâlze Justin’s des Martyrers, dans le Katkolik de Mayence, année 1880, t. i, p. 20 ; Hilgenfeld, Einleitung in das Neue Testament, p. 68 ; A. Loisy, Histoire du Canon du Nouveau Testament, in-8°, Paris, 1891, p. 48-58. — Papias, à peu près contemporain de saint Justin, connaissait les Évangiles de saint Matthieu et de saint Marc, et très probablement aussi celui de saint Jean, dont une tradition dit qu’il était le disciple et le secrétaire, de même que la première Épltre de saint Jean, la première Épître de saint Pierre et l’Apocalypse.
2° Les hérétiques qui attaquent l’Église à cette époque nous fournissent eux-mêmes de précieux témoignages sur le canon du Nouveau Testament. Les plus anciens écrits gnostiques qui nous sont parvenus font usage de saint Matthieu, de saint Jean et de la première Épître aux Corinthiens. Philosoph., vi, 16 ; ix, 13 ; t. xvi, part, iii, col. 8210, etc. Les Homélies pseudoclémentines empruntent à tous les Évangiles. Cf. Hom., xix, 20, 22 ; xx, 9 ; Pair, gr., t. ii, col. 441, 444, 456, etc. — Le gnostique Basilide (vers 125) cite les livres du Nouveau Testament de la même manière que ceux de l’Ancien, avec la formide : « II est écrit ; l’Écriture dit. » Eusèbe, H. E., iv, 7, t. xx, toi. 316, 317, Philosoph., vii, 22, 25, 26, 27, etc., t. xvi, col. 3306 et suiv. Héracléon composa des commentaires sur les écrits du Nouveau Testament. — Marcion, lorsqu’il se rendit du Pont à Rome, en 142, portait avec lui l’Évangile de saint Luc (altéré à dessein) et une collection des Épîtres de saint Paul qui les contenait toutes, excepté celles àTimothée, à Tite et aux Hébreux. Il existait donc dés lors des recueils proprement dits des livres du Nouveau Testament. Marcion divisait le sien en deux parties, qu’il appelait T Evangelicon (contenant l’Évangile de saint Luc tronqué) et V Apostolicon (les dix grandes Épîtres de saint Paul). Tertullien, Adv. Marcion. , iv, 1, t. ii, col. 361 ; S. Épiphane, Adv. Hser., xui, 9, t. xli, col. 708. Voir F. Vigouroux, Les Livres Saints et la critique rationaliste, 4e édit., t. i, p. 119.
— On a recueilli plus de cent soixante citations du Nouveau Testament, emprunts ou allusions, dans ce que les Philos ophoumena rapportent des sectes gnostiques : ophites, pérates, séthiens. Voir Migne, Patr. gr., t. xvi, col. 3458-3460. — Vers 160-170, un disciple de saint Justin, Tatien, compose le Diatessaron, harmonie des quatre Évangiles qui atteste qu’on reconnaissait quatre Évangiles canoniques et quatre seulement, ce qui suppose que dès cette époque leur autorité éiait déjà établie depuis un certain temps. Voir Tatien. Le texte grec est perdu, mais le P. Ciasca en a publié une version arabe, Tatianus, Evangeliorum harmonia arabice, in-4°, Rome, 1888.
3° La traduction syriaque du Nouveau Testament connue sous le nom de Peschito, qui est aussi du if siècle, fournit la preuve que le Nouveau Testament renfermait à cette époque non seulement les quatre Évangiles, mais aussi les Actes, quatorze Épîtres de saint Paul, I Jean,
I Pierre, Jacques ; elle n’a point saint Jude, II Pierre,
II et III Jean et l’Apocalypse. Nous trouvons donc le canon déjà à peu près complet chez les chrétiens de Syrie qui parlent la langue araméenne. Mais nous avons aussi une autre preuve de l’existence d’un canon proprement dit du Nouveau Testament dans la seconde moitié du 11= siècle ; elle nous est certifiée par un précieux fragment Connu sous le nom de Canon de Muratori.
4° Ce canon est de l’an 170 environ, d’après les renseignements qu’il nous fournil lui-même. Il est d’autant plus précieux qu’il provient de l’Église romaine. Le commencement manque. Les premiers mots sont une allusion à l’Évangile de saint Marc ; il cite ensuite saint Luc comme le troisième livre (du Nouveau Testament), puis
saint Jean, les Actes, les treize Épîtres de saint Paul, l’Épître de saint Jude, deux Épîtres de saint Jean et l’Apocalypse de saint Jean. Il mentionne aussi la réception, mais par quelques-uns seulement, de l’Apocalypse de saint Pierre. Il omet l’Épître aux Hébreux, de même que celle de saint Jacques et la seconde Épître de saint Pierre. Le voici d’après le fac-similé publié par Tregelles. (Comme il fourmille de fautes d’orthographe et de latin, les plus grossières ont été corrigées pour le rendre intelligible.) « … quibus tamen interfuit et ita posuit. » Tertio Evangelii libruin secundum Lucam. Lucas, istc medicus, post ascensum Christi, cum eum Paulus quasi ut juris studiosum secundum adsumpsisset, nomine suo ex opinione conscripsit. Dominum tamen nec ipse vidit in carne. Et idem, prout assequi potuit, ita et a nativitate Johannis incipit dicere. » Quarti Evangeliorum Johannes ex discipulis. Cohortantibus condîscipulis et episcopis suis dixit : « Conjejunate mihihodie triduo, et quid cuique fuerit revelatum, » alterutrum nobis enarremus. » Eadem nocte revelatum Andreae ex apostolis, ut recognoscentibus cunctis Johannes suo nomine cuncta describeret. Et ideo, licet varia singulis Evangeliorum libris principia doceantur, nihitamen differl credentium fidei, cum uno ac principali spiritu declarata sint in omnibus omnia, de nalivitate, de passione, de resurrectione, de conversatione cum discipulis suis ac de genuino ejus adventu, primo in humilitate despectus, quod fuit, secundo [in] potestate regali præclarum, quod futurum est. Quid ergo mirum si Johannes tam constanter singula etiam in epistolis suis proférât, dicens in semetipsum : Quse vidimus oculis nostris et auribus audivimus et manus nostrse palpaverunt, hsec scripsimus vobis. Sic enim non solumvisorem, sed et auditorem, sed et scriptorem omnium mirabilium Domini per ordinem profitetur. » Acta autem omnium Apostolorum sub uno libro scripta sunt. Lucas optime Théophile comprenait quia sub præsentia ejus singula gerebantur, sicuti et semote passionem Pétri evidenter déclarât, sed et profeclionem Pauli ab Urbe ad Spaniam proficiscentis. » Epistulse autem Pauli, quas, a loco vel ex qua causa directae sint, volentibus intelligere ipse déclarant. Primum omnium Corinthiis schismse hæreses interdicens, deinceps Galatis circumeisionem, Romanis autem ordinem Seripturarum, sed et principium earum esse Christum intimans, prolexius scripsit, de quibus singulis necesse est ab nobis disputari. » Cum ipse beatus Apostolus Paulus, sequens prædecessoris sui Johannis ordinem, nonnisi nominatim septem ecclesiis scribat ordine tali : Ad Corinthios prima, ad Efesios secunda, ad Philippenses terlia, ad Colossenscs quarta, ad Galatas quinta, ad Thessalonicenses sexta, ad Piomanos septima. Verum Corinthiis et Thessalonicensibus licet pro correptione iteretur : una tamen per omnem orbem terræ lxclesia diffusa esse dignoscitur. Et Johan^ nés enim in Apocalypsi, licet septem Ecclesiis scribat, tamen omnibus dicit. » Verum ad Philemonem unam, et ad Titum unam, et ad Timothæum duas pro affectu et dileclione ; in honore tamen Ecclesia ; catholicæ in ordinatione ecclesiasticœ disciplinae sanctificatee sunt. » Fertur etiam ad Laodicenses, alia ad Alexandrinos. Pauli nomine finctae ad hserescm Marrionis, et alia plura, quæ in catholicam Ecclesiam recipi non potest. Fel enim. cum melle misceri non coiigruit. » Epistola sane Judae et super scripti Johannis duas in catholica habentur, et [ut] Sapientia ab amicis Salomonis in honore ipsius scripta. » Apocalypsem etiam Johannis et Pétri tantum recipimus, quam quidam ex nostris legi in Ecclesia nolunt.
d Pastorem vero nuperrime temporibus nostris in Urbe Roma Herma conscripsit, sedente cathedra Urbis Eomse ecclesise Pio episcopo fratre ejus. Et ideo legi eum quidem oportet, se publicare vero in Ecclesia populo neque inter Profetas completum numéro, neque inter Apostolos in finem temporum potest. » Arsinoi autem seu Valentini vel Miltiadis nihil in totum recipimus. Quin etiam novum psalmorum librum Marcioni conscripserunt. Una cum Basilide Asianum catafrygum constitutorem… » (La fin manque.)
Ce canon a été l’objet de nombreux travaux. Voir Muratori, qui l’a publié le premier dans ses Antiquitates italicx medii sévi, t. iii, p. 851 ; S. P. Tregelles, Canon Muratorianus (avec un fac-similé de l’original), in-4°, Oxford, 1867 ; F. Hesse, Dos Muratorische Fragment, Giessen, 1873 (avec une bibliographie complète jusqu’en "1873) ; Harnack, Muratorische Fragment, dans la Zeitschrifl fur Kirchengeschichte, t. iii, 1879, p. 258-408, 595-598 ; Frz. Overbeck, Zur Geschichte des Kanons, zwei Abhandlungen, in-8°, Chemnitz, 1880, p. 71 ; Th. Zahn, Geschichte des Neulestamentlichen Kanons, Erlangen, t. ii, 1890, p. 1 et suiv. ; A. Hilgenfeld, dans la Zeitschrift fur ivissenschaftliche Théologie, 1881, p. 129 ; B. F. Westcott, À gênerai Survey of the histonj of the Canon of the New Testament, 6e édit., 1889, p. 521 ; A. Kuhn, Der muratorische Kanon, Zurich, 1892 ; G. Koffmane, dans les Jahrbûcher fur deutsche Théologie, herausgegeben von Lemme, t. ii, p. 163 ; F. Vigouroux, Manuel biblique, 9e édit., 1895, 1. 1, n° 102, p. 102-108.
Au ii= siècle, à part des lacunes accidentelles, nous ne trouvons guère que la seconde Épître de saint Pierre qui ne soit pas expressément mentionnée comme apostolique, ce qui peut s’expliquer facilement par la brièveté de cet écrit. De tous ces témoignages, il résulte donc que, dès la seconde moitié du IIe siècle, le canon actuel du Nouveau Testament, à l’exception de quelques parties deutérocanoniques contestées, était admis par l’Église tout entière, et spécialement par l’Église romaine, mère et maîtresse de toutes les Églises. L’apostolicité de certains écrits, tels que l’Épître aux Hébreux, était seulement douteuse dans quelques parties de l’Église, de même que divers autres étaient acceptés çà et là, à tort, comme inspirés.
§ 3. Histoire du canon du Nouveau Testament depuis le troisième quart du il’siècle jusqu’à la fin du ni’.
— Ce qui caractérise cette période, c’est que désormais les écrits du Nouveau Testament sont devenus d’un usage si commun, que dans la pratique ils ne font plus qu’un seul tout avec l’Ancien, et réunis ensemble forment le corps unique de l’Écrilure. S. Irénée, Adv. Hser., Il, 28, 2-3, t. vii, col. 804-807 ; Clément d’Alexandrie, Strom., vil, 3, t. jx, col. 417 ; cf. vi, 11 ; iv, 1, col. 309 ; t. viii, col. 1216 ; Tertullien, Adv. Marcion., IV, 1 ; Adv. Prax., iô, t. ii, col. 361, 172. Saint Irénée se sert des quatre Évangiles, Adv. Hxr., iii, 11, t. vii, col. 885 ; des Actes, qu’il attribue à saint Luc, Adv. Hser., iii, 14, t. vii, col. 913 ; d’au moins treize Épîtres de saint Paul, de deux de saint Jean, de la première de saint Pierre et de l’Apocalypse. Clément d’Alexandrie, au témoignage d’Eusèbe, H. E., vi, 14, t. xx, col. 549, analysait dans ses Hypotyposes tous les écrits des deux Testaments sans exception, et dans ce qui nous reste de lui, nous trouvons des citations de tous les écrits du Nouveau Testament, à l’exception de la seconde Épltre de saint Pierre. Origène non seulement connaît tous les écrits du Nouveau Testament, mais il nous en a laissé l’énumération. Honi. in Luc, I, t. xiii, col. 1803 : « L’Église, dit-il, a quatre Évangiles. Les hérésies en ont un grand nombre, entre autres celui qui est dit selon les Égyptiens, et celui qui est dit selon les douze Apôtres… Parmi tous ces écrits, nous approuvons ce que l’Eglise approuve, c’est-à-dire les quatre Évangiles qui
doivent être reçus. » Dans d’autres passages importants, qu’Eusèbe nous a conservés dans son Histoire ecclésiastique, vi, 25, t. xx, col. 581-585, le savant alexandrin s’exprime ainsi : « J’ai reçu, dit-il, de la tradition quatre Évangiles, qui sont admis seuls, sans aucune contradiction, dans toute l’Église qui est sous le ciel. Le premier est selon Matthieu, d’abord publicain, puis apôtre de Jésus-Christ ; il l’écrivit en langue hébraïque et le donna à ceux du judaïsme qui s’étaient convertis à la foi. Lesecond est selon Marc, qui l’écrivit comme Pierre le lui avait exposé. [Pierre] le reconnaît aussi comme son fils dans son Épître catholique, en ces termes : « L’Église « élue qui est à Babylone vous salue, ainsi que Marc, mon, « fils. » Le troisième Évangile est selon Luc, il a été loué par Paul et écrit pour les Gentils. Le dernier est selon Jean… Celui qui a été fait le digne ministre du Nouveau Testament, non par la lettre, mais par l’esprit, Paul, qui a porté l’Évangile depuis Jérusalem et ses environs jusqu’en Illyrie, n’a pas écrit à toutes les Églises auxquelles il a prêché, et à celles auxquelles il a écrit, il a adressé seulement quelques versets. Pierre, sur lequel est bâtie l’Église du Christ, contre laquelle ne prévaudront point les portes de l’enfer, a laissé une seule Épltre acceptée par tous. Admettons aussi que la seconde est de lui, car là-dessus il y a doute. Et que faut-il dire de celui qui reposa sur la poitrine de Jésus, de Jean, qui nous a laissé seulement un Évangile, quoique, dit-il, il aurait pu écrire tant de livres, que le monde n’aurait pas pu les contenir ? Il a écrit aussi l’Apocalypse, ayant reçu l’ordre de se taire et de ne pas décrire la voix des sept tonnerres. Il a écrit aussi une Épître très courte, et même, si l’on veut, une seconde et une troisième, quoique tous n’admettent pas qu’elles soient authentiques ; les deux contiennent à peine cent versets… Le style de l’Épître qui est adressée aux Hébreux n’a pas ce caractère de rusticité qui est propre à l’Apôtre ; car il avoue lui-même qu’il est inhabile dans la parole, c’est-à-dire dans la forme. Or quiconque peut juger de la différence des styles reconnaîtra que cette Epître l’emporte [sur les autres] par la composition et est en meilleur grec. Du reste, les pensées développées dans cette Épître sont admirables et ne le cèdent en rien à celles des lettres de l’Apôtre acceptées de tous : quiconque a lu avec attention les écrits apostoliques reconnaîtra que c’est la vérité… Je pense donc que les pensées sont de l’Apôtre, mais que les phrases et la rédaction sont d’un autre, qui note les paroles de l’Apôtre et qui a voulu résumer par écrit l’enseignement du maître. Si donc une Église regarde cette Épître comme étant de Paul, qu’on la cite sous son nom, car ce n’est pas sans raison que les anciens ont transmis la tradition qu’elle était de Paul. Qui a rédigé l’Épître ? Dieu sait la vérité. Les écrivains dont les récits sont parvenus jusqu’à nous ont dit, les uns, qu’elle avait été écrite par Clément, qui devint évêque de Rome ; les autres, par Luc, qui écrivit l’Évangile et les Actes. » Origène reçoit aussi l’Épître de saint Jacques et de saint Jude. In Exod., Hom. viii, 4, t. xxii, col. 355 ; In Matth., x, 17, t. xiii, col. 877, etc.
Non seulement ces passages nous renseignent sur la croyance de l’Église d’Alexandrie relativement au canon du Nouveau Testament, mais ils nous montrent aussi avec quel soin on s’efforçait de distinguer les écrits authentiques des Apôtres des écrits douteux, et de discerner, pour ceux qui étaient le sujet de quelque contestation, le degré de probabilité qu’on pouvait faire valoir en leur faveur ; comment aussi on était exact à ne pas donner une opinion personnelle comme l’expression de la tradition de l’Église. Ce que pense Origène sur les autres écrits de l’Église primitive fait ressortir encore davantage, s’il est possible, le zèle avec lequel s’exerçait alors sur ce point ce que nous appellerions aujourd’hui la critique. « Fidèle aux traditions d’Alexandrie, Origène se montre favorable au Pasteur d’Hermas, à l’Épître de Bar
nabé, à celle de saint Clément… Ce sont pour lui des Écritures divines, mais il tient compte des traditions qui ne sont pas conformes à celles d’Alexandrie… Tout autre est sa manière de traiter les apocryphes. Ce n’est pas qu’il soit hostile à ces livres. Il en cite quelques-uns avec un certain respect ; … mais… quand la doctrine de ces apocryphes lui semble erronée ou peu sûre, il a soin d’observer que ce ne sont pas des livres ecclésiastiques ni émanant d’Apôtres ou d’hommes inspirés. De princ. Prsef., 8, t. xi, col. 119-120. » A. Loisy, Histoire du canon du Nouveau Testament, in-8°, Paris, 1891, p. 145-146.
§ 4. Histoire du canon du Nouveau Testament, pendant le ire siècle. — 1° Église grecque. — Un passage célèbre d’Eusèbe, dans son Histoire ecclésiastique, iii, 25, t. xx, col. 228, nous fournit des renseignements nets et précis sur l’état du Canon du Nouveau Testament à cette époque. En voici la traduction : « Il paraît à propos, dit-il, d’énoncer brièvement ici les Écritures du Nouveau Testament qui sont [connues dans l’Église]. — I. Il faut placer en premier lieu le saint nombre quaternaire des Évangiles, puis le livre des Actes des Apôtres. On doit compter ensuite les Épîtres de Paul, auxquelles il faut ajouter celle qui est dite la première de Jean et pareillement la première de Pierre. On y joindra, si l’on veut (eîye çœvecVi), l’Apocalypse de Jean, au sujet de laquelle nous dirons en temps et lieu ce que nous pensons. Ce sont là les livres reçus d’un commun accord (êv ài.oXoiov).kvoi ; ). — II. Quant à ceux qui sont controversés (twv à’ « vTtXeyo|xév(ov), mais qui sont regardés par la plupart comme authentiques (Yvwpiixwv 6* oùv Siimç toïç itoXXoïc), ce sont l’Épitre dite de Jacques, celle de Jude, la seconde de Pierre, et celles qui sont appelées la seconde et la troisième de Jean, soit qu’elles aient été écrites par l’Évangéliste, soit qu’elles l’aient été par un homonyme. — III. Parmi les apocryphes (èv-rot ; vôBoi ; , spuria), il faut placer le livre des Actes de Paul, celui qui est appelé le Pasteur, de plus l’Épître de Barnabe, et ce qu’on nomme les Enseignements (SiSa^otî) des Apôtres, et aussi, si l’on veut, comme je l’ai dit, l’Apocalypse de Jean, que quelques-uns, comme je l’ai remarqué, mettent de côté ( « Oîtoûo-’.v), mais que les autres comptent parmi les livres reçus d’un commun accord (toïî 5|xoXoyou|ji.évoiî). À ces livres, quelques-uns ajoutent aussi l’Évangile selon les Hébreux, dont se servent surtout ceux qui parmi les Hébreux ont reçu la foi du Christ. Ce sont là sans doute tous les livres qui sont controversés. Nous avons pensé que nous devions en dresser le catalogue (y.xiàloyo-i) en distinguant les écrits qui, selon la tradition ecclésiastique, sont vrais, authentiques, admis par tous, et ceux qui sont contestés, n’étant pas dans les listes (év8ca6r, xo-j : ), mais sont connus de la plupart des hommes ecclésiastiques, afin que nous les connaissions nous-mêmes,
— IV. ainsi que les écrits qui sont reçus chez les hérétiques sous le nom des Apôtres, soit qu’ils contiennent les Évangiles de Pierre, de Thomas, de Matthieu et autres, ou les Actes d’André, de Jean et des autres Apôtres ; aucun homme ecclésiastique, dans la succession continue de l’Église, n’a jamais daigné tenir compte d’aucun de ces écrits. Du reste, même leur manière de parler, différente de celle des Apôtres, leurs pensées et leur enseignement, qui s’écartent le plus souvent de la véritable orthodoxie, montrent clairement que ce sont des productions des hérétiques. On ne doit donc même pas les placer parmi les apocryphes (iv vô601ç), mais les rejeter absolument comme absurdes et impies, »
Eusèbe, pour écrire ces pages, avait entre les mains un grand nombre de documents que nous ne possédons plus ; mais ceux qui nous restent suffisent, comme nous le verrons, pour apprécier ces affirmations. Il distingue quatre classes de livres : 1° ceux que nous appelons aujourd’hui protocanoniques, admis de tous, les quatre Évangiles, les Actes, les Épîtres de saint Paul, la pre i mière de saint Jean et la première de saint Pierre, et, ] avec une restriction, l’Apocalypse. Pour les Épîtres de saint Paul, elles sont si connues, qu’il croit inutile d’en indiquer même le nombre ; mais nous sommes certains qu’il les comprend toutes, sans exception, car il a dit plus haut, dans ce même livre de son Histoire, iii, 3, t. xx, col. 217 : « Les quatorze Épîtres de Paul sont bien connues de tous ; il faut cependant savoir que quelques-uns mettent de côté l’Épître aux Hébreux, parce qu’on dit que l’Église de Rome la refuse à Paul. » Nous verrons, en effet, qu’on faisait quelques difficultés dans l’Église d’Occident contre l’Épître aux Hébreux ; de même que, dans certaines parties de l’Orient, on en faisait contre l’Apocalypse. Origène nous a déjà indiqué qu’il existait quelques doutes sur l’Épître aux Hébreux, mais seulement sur son origine paulinienne ; il n’a exprimé aucune incertitude sur l’Apocalypse. — Eusèbe, en second lieu, énumère les écrits canoniques controversés, àvTiXey6|j.iv2, qui sont admis pour la plupart, c’est-à-dire cinq des Épîtres catholiques, celle de saint Jacques, celle de saint Jude, la seconde de saint Pierre, la seconde et la troisième de saint Jean. Son témoignage est ici d’autant plus précieux, qu’il est plus catégorique et qu’il a trait à des écrits que la plupart des écrivains n’ont pas eu occasion de citer, à cause de leur brièveté. Il est certain d’ailleurs que leur authenticité était regardée comme douteuse par certaines Églises. — La troisième classe d’Eusèbe comprend les écrits qu’il appelle v<58a, parce qu’ils ne sont pas des auteurs à qui on les attribue, comme l’Apocalypse de Pierre, ou du moins qu’ils ne sont pas la parole de Dieu inspirée, comme le Pasteur. On lisait ces livres dans certaines Églises ; ils ne sont pas condamnables en eux-mêmes, mais ils ne font pas partie du canon,-rEnfin la dernière classe, qu’Eusèbe qualifie d’absurde et d’impie, comprend les œuvres hérétiques.
Du passage d’Eusèbe, il résulte que l’Apocalypse était presque universellement acceptée, de sorte qu’il la place parmi les homologoumena ; mais il fuit quelques réserves, parce qu’en effet l’Église d’Anlioche ne l’admettait pas, et que Denys d’Alexandrie, surnommé le Grand, l’avait rejetée. Denys († 264), disciple d’Origène et son successeur dans les fonctions de catéchiste dans l’église d’Alexandrie, puis évêque de cette ville, avait composé deux livres perdus, Des promesses, pour réfuter un évêque égyptien, nommé Népos, qui soutenait le millénarisme en s’appuyant sur l’Apocalypse, xx, 4-7. Cf. Eusèbe, H. E., vii, 24, t. xx, col. 692. Afin d’enlever à Népos l’autorité qu’il invoquait en sa faveur, Denys, relevant les différences de style qu’il remarquait, avec sa subtilité d’Alexandrin, entre les Évangiles et les Épîtres, d’une part, et l’Apocalypse, d’autre part, nia que ce dernier écrit fût de l’Apôtre saint Jean. Eusèbe, H. E., vii, 25, t. xx, col. 697. Eusèbe de Césarée, qui nous a conservé ces détails, les avait présents à l’esprit lorsqu’il disait que quelques-uns contestaient l’authenticité de l’Apocalypse. Cependant l’opinion de Denys était si contraire à la croyance générale, qu’elle ne put pas prendre pied, même dans l’Église d’Alexandrie. Nous lisons, en effet, dans la lettre festivale 39 de saint Athanase, écrite en l’an 367, t. xxvi, col. 1176 : « Il ne faut pas manquer d’énumérer aussi les livres du Nouveau Testament : les quatre Évangiles selon Matthieu, selon Marc, selon Luc et selon Jean ; ensuite les Actes des Apôtres et les Épîtres des Apôtres appelées catholiques, au nombre de sept : une de Jacques, deux de Pierre, trois de Jean, une de Jude ; en outre, les quatorze Épîtres de Paul l’Apôtre, en cet ordre : la première aux Romains, deux aux Corinthiens, ensuite aux Galates, aux Éphésiens, aux Philippiens, aux Colossiens, aux Thessaloniciens deux, aux Hébreux ; ensuite à Timothée deux, à Tite une, et la dernière à Philémon, une, et enfin l’Apocalypse de Jean. Ce sont là les sources du salut, etc. » L’Apocalypse, on le voit, est acceptée sans aucune restriction, et il n’existe entre ce catalogue du Nouveau
Testament et le canon du concile de Trente qu’une légère différence dans l’ordre d’énumération des Épitres. ( Cet ordre est très divers dans les canons, dans les Codices et dans les divers auteurs. M. W. Sanday en a publié le tableau pour l’Ancien Testament, The Clieltenham List, dans les Sludia biblica, t. iii, 1891, p. 227-232. Pour le Nouveau Testament, voir ce qu’il dit p. 244.) Cf. aussi C. R. Gregory, Prolegomena ad Novum Teslamentum grsece de Tischendorf, edit. vm a, p. 131. Le successeur de saint Athanase, saint Cyrille d’Alexandrie, suit de même exactement le canon de ce docteur dans ses écrits, et il cite en particulier l’Apocalypse, en l’attribuant à saint Jean, De ador. in spiritu, , t. lvhi, col. 433, etc.
Cependant l’opinion de Denys ne resta pas sans écho, et l’Apocalypse, qui avait été reçue unanimement comme divine jusqu’au milieu du ni » siècle, et continua à l’être à Alexandrie, devint plus ou moins suspecte dans plusieurs parties de l’Église d’Orient, en Asie Mineure et à Antioche.
Le canon de Laodicée, en Phrygie, qui paraît remonter à la seconde moitié du iv siècle et exprime l’opinion d’une partie de l’Église de l’Asie Mineure, quoi qu’il en soit de son authenticité (voir plus haut, col. 151), ne mentionne pas l’Apocalypse ; il contient cependant tous les autres livres. Mansi, Conc, t. ii, col. 574. Le canon lxxxv des Canons apostoliques, Pair, gr., t. cxxxvii, col. 211, est semblable à celui de Laodicée. Le canon grec des soixante livres (voir plus haut, col. 161), ne parle pas de l’Apocalypse, quoiqu’il contienne toutes les Épitres deuttrocanoniques (pour lesquelles il ne fait aucune restriction) et même les apocryphes. (Le catalogue stichométrique de Nicéphore, voir plus haut, col. 161, place l’Apocalypse parmi les anlilegomena et ne fait aucune réserve pour les Épitres deutérocanoniques. ) Saint Grégoire de Nazianze (f vers 389), Carm., i, i, 12, t. xxxvii, col. 475, omet l’Apocalypse, et saint Amphiloque (-ji vers 380), Carm. ianib., t. xxxvii, col. 1537, dit que beaucoup la rejettent. Saint Cyrille de Jérusalem († 386) n’en parle point, Calech., iv, 22, t. xxxiii, col. 500 ; saint Épiphane († 403) parle des difficultés qu’on soulève contre ce livre prophétique. Cependant les doutes de ces, Pères paraissent surtout théoriques.
II faut remarquer, en etfet, que saint Cyrille de Jérusalem, Calech., x, 3, t. xxxiii, col. CI34, et saint Grégoire de Nazianze, Oral., xxix, 17, etc., t. xxxvi, col. 97, font usage de l’Apocalypse. André et Arétas, évêques de Césarée en Cappadoce, ont composé des commentaires de ce livre où ils disent, l. cvi, col. 220, 493, qu’ils se sont servis des explications données sur cet écrit par saint Grégoire de Nazianze. Saint Basile, Adv. Eunom., iv, 2, t. xxix, col. 677, et son frère saint Grégoire de Nysse, Eunom., ii, t. xlv, col. 501, font également usage de l’Apocalypse. De même saint Éphrem, qui connaît aussi les Épitres catholiques. — L’Église d’Antioche seule semble rejeter complètement la prophétie de saint Jean. On ne rencontre point de citations de ce livre, non plus que des courtes Épitres de saint Jude, de II Pierre et de II et
- III Jean dans saint Jean Chrysostome##
III Jean dans saint Jean Chrysostome († 407) ni dans Théodoret. Léonce de Byzance, Cont. Nest. et £ulych., i, t. lxxxvi, col. 1366, reproche à Théodore de Mopsueste, originaire d’Antioche, d’avoir rejeté les Épitres catholiques. La Synopse de l’Écriture, qu’on place parmi les Œuvres de saint Jean Chrysostome. t. lvi, col. 308, 424, omet l’Apocalypse et ne mentionne que trois Épitres catholiques.
C’est donc à l’Église d’Antioche qu’Eusèbe avait fait allusion lorsqu’il range I’Épître de saint Jacques, celle de saint Jude, la seconde de saint Pierre, la seconde et la troisième de saint Jean parmi les antilegomena ; mais il a bien raison d’ajouter que ces Épitres sont regardées « par la plupart comme authentiques », puisqu’elles sont acceptées partout ailleurs. Il dit du reste expressément
dans un autre passage, H. E., Ht, 23, t. xx, col. 205 : « On a coutume d’attribuer à Jacques la première des Épitres appelées catholiques. Il faut savoir que, à la vérité, on la regarde comme apocryphe (vofisOstai), car beaucoup d’anciens n’en font pas mention, non plus que celle qui porte le nom. de Jude et qui est aussi une des sept catholiques ; nous savons cependant qu’elles sont lues publiquement avec les autres dans la plupart (èv wXîio-ïïi ; ) des églises. » Le contexte montre clairement qu’Eusèbe entend par écrit apocryphe, sans paternité connue (v ; 160 ; ), celui en faveur duquel de nombreux témoignages des anciens font défaut ; mais l’historien reconnaît expressément que la plupart des Églises acceptent ces deux Épîtres. Il dit de même à propos de la seconde Épitre de saint Pierre, H. E., iii, 3, t. xx, col.’216 : « Une seule Épitre de Pierre, celle qui est appelée la première, est universellement reçue ; les anciens s’en sont servis dans leurs écrits comme d’une œuvre authentique ; quant à celle qui est appelée la seconde, on nous a appris qu’elle n’est pas dans le canon ( Jux £vSiî6r, xov) ; cependant, parce qu’elle a été jugée utile par un grand nombre, elle a été reçue soigneusement avec le reste des Écritures. » Quant à la seconde et à la troisième Épitres de saint Jean, il les joint à la première et les attribue sans aucune restriction à saint Jean, dans sa Démonstration évangélique, iii, 5, t. xxvii, col. 216. L’opinion de l’Église d’Antioche, relativement a ces cinq Épitres catholiques, est donc isolée, et l’ensemble de l’Église orientale, comme toute l’Église occidentale, est dès les premiers temps en faveur de leur authenticité.
2o Eglise occidentale. — Comme nous venons de le voir, l’Eglise latine, au iv » siècle, admettait le canon du Nouveau Testament tel qu’il est reçu aujourd’hui. Il n’y avait eu d’hésitation que pour un seul écrit, I’Épître aux Hébreux. Elle est exclue du Canon de Cheltenham, dont voici la partie relative au Nouveau Testament (voir l’Ancien Testament, col. 152) :
Item indiculum novi testamenti
— evangelia IIII Matheum vr… ÏÏDCC [2700]
— — Marcus vr MDGC [1700]
— — Iohannem vr… MDCCC [1800]’— Luca vr filCCC [3300]
— iiunt omnes vr.. x [10000]
— eplaî Pauli n. XIII
— actus aplorum ver ÏTlDC [3600]
— apocalipsis ver MDCCC [1800]
— epla ; Iohannis III vr CCCCL [450]
— una sola
— eplae Pelri II vr CCC [300]
— una sola
Les mots deux fois répétés : una sola, doivent être complétés ainsi, selon l’explication plausible de M. l’abbé Duchesne, Bulletin critique, 15 mars 1886, p. 117 : « [Jacobi] una sola ; [Judae] una sola. »
L’Épitre aux Hébreux n’est pas non plus nommée dans le Canon du Codex Claromontanus, qui contient l’énumération stichométrique suivante des livres du Nouveau Testament ( voir, pour l’Ancien Testament, col. 147) :
Evangelia IIII
Mattheum ver ÎÎDC [2600]
Johannes ver îî [2000]
Marcus ver ÎDC [1600]
Lucam ver ÏÏDCCCC [2900]
Epislulas Pauli
ad Piornanos ver îxl [1040]
ad Chorintios -Iver ïlx [1060]
ad Chorintios IIver LX.X [70]
ad Galatas ver CCCL [350]
ad Efesios ver CCCLXXV [375]
ad Timotheum -Iver CCVIII [208]
ad Timotheum IIver CCLXXXVIIII [289]
ad Titum ver CXL [140]
ad Colosenses ver GCLI [251]
ad Filimonem ver L [50]
ad Petrum prima CC [200]
ad Petrum -IIver CXL [140]
Jacobi ver CCXX [220]
Pr. Johanni Epist CCXX [220]
Johanni Epist. -11- XX [20]
Johanni Epist. -IIIXX [20]
Judæ Epistula ver LX [60]
Barnabæ Epist. vers DCCCL [850]
Johannis revelatio ÏCC [1200]
Actus Apostolorum ÎIDC [2600]
Pastoris versi IIII [4000]
Actus Pauli ver ÏÏÏDLX [3500]
Revelatio Pétri. CCLXX [270]
Les Épîtres aux Philippiens et I et II Thessaloniciens, qui sont contenues dans le Codex Claromontanus siveEpislului Pauli omnes grsece et latine (edidit C. Tischendorf, in-4o, Leipzig, 1852, p. 409), ont été oubliées dans le catalogue qu’on vient de lire. Cf. C. R. Gregory, Prolegomena ad Novutn Testamentum grsece de Tischendorf, edit. vin », t. iii, p. 120. — Quant à l’Épître aux Hébreux, Tertullien, De pudicit., xx, t. ii, col. 1021, l’attribue à saint Barnabe ; il serait à la rigueur possible qu’elle fut désignée par la Barnabx Epistula, puisqu’elle est placée entre l’Épître de saint Jude et l’Apocalypse ; mais on ne saurait l’affirmer, l’Épître qui porte le nom de saint Barnabe étant réellement, comme nous l’a dit Eusèbe, col. 173, un des écrits vôOtu qu’on lisait dans les églises avec le Pasteur, les Actes de Paul et l’Apocalypse de Pierre dont il est aussi question ici. Ce qui semble surtout indiquer que l’Épître aux Hébreux n’était pas comprise dans ce canon, ou du moins qu’elle n’était pas primitivement attribuée à saint Paul, c’est qu’elle est placée après le catalogue, dans ce Codex qui contient toutes les autres Épîtres de saint Paul.
Quoi qu’il en soit, nous savons qu’au me siècle l’Épître aux Hébreux fut rejetée en particulier par l’Église d’Afrique. Les hérétiques de ce pays, connus sous le nom de novatiens, invoquant en faveur de leurs erreurs un passage mal interprété de l’Épître aux Hébreux, les évêques de cette province rejelèrent l’écrit apostolique dont on abusait ainsi. Voir S. Philastre, Hier., 89, t. xii, col. 1200-1201. Cf. F. Vigouroux, Les Livres Saints et la critique rationaliste, 4e édit., t. v, p. 518-520. — Saint Jérôme, Epist. cxxix, 3, ad Dardan., t. xxii, col. 1103 ; De vir. ill., 59, t. xxiii, col. 669, et saint Augustin, De Civ. Dei, xvi, 22, t. xii, col. 500 ; ci. De Pecc. mer. et remis., i, 50, t. xliv, col. 137, etc., ont souvent rappelé ces doutes et ces incertitudes ; mais l’hésitation ne dura pas longtemps. Le troisième concile de Carthage, en 397, porte encore la Irace des discussions anciennes, tout en les tranchant, par la manière dont il énumère séparément l’Épître aux Hébreux : « Pauli Epistolœ tredecim, ditil ; ejusdem Epistolse ad Hebroeos, » ajoute-t-il. Mansi, Conc., t. iii, p. 294. Quelques années plus tard, au concile tenu à Carthage en 419, il ne reste plus aucun vestige de cette distinction : « Pauli Epistola ; quatuordecim, » ditil. Mansi, Conc., t. iv, p. 430. Saint Augustin, De doct..christ., ii, 8, t. xxxiv, col. 41, donne le catalogue complet. Les écrivains postérieurs ont rappelé historiquement les faits. mais ce n’est qu’au XVIe siècle que le cardinal Cajétan et Érasme ont douté de nouveau de l’origine paulinienne de cette Épître.
Le canon du pape saint Damase, reproduit par saint Gélase, est tout à fait conforme au canon actuel : « Item ordo Sçripturarum Novi et celerni Testamenti, quem catholica sancta Romana suscipit et veneratur Écclesia :
id est Evangeliorum libri IV, secundum Matlhœum liber i, secundum Marcum liber i, secundum Lucam liber i, secundum Johannem liber i. Item Actuum Apostolorum liber i. Epistolae Pauli Apostoli numéro xiv : ad Romanos epistola i, ad Corinthios epistolse ii, ad Ephesios epistola i, ad Thessalonicenses epistolæ ii, ad Galatas epistola i, ad Philippenses epistola i, ad Colossenses epistola i, ad Timotheum epistolae ii, ad Titum epistola i, ad Philemonem epistola i, ad Hebroeos epistola I. Item Apocalypsis Johannis liber i. Item canonicæ epistolse numéro vu : Pétri Apostoli epistolæ ii, Jacobi epistola i, Johannis Apostoli epistola i, alterius Johannis presbyteri epistola ? ii, Judæ Zelotis epistola i. Explicit canon Novi Testamenti. » Thiel, Décret. Gelas., p. 21, ou Labbe, Conc, t. iv, col. 1261.
Le pape saiut Innocent I", dans sa lettre à saint Exupère de Toulouse, reproduit le catalogue complet. Le pape Eugène IV, avec l’approbation du concile de Florence, Décret, union, cum Jacob., le renouvela de nouveau. Enfin le concile de Trente promulgua solennellement, le 8 avril 1545, contre les protestants qui rejetaient tous les livres deutérocanoniques, le Canon de l’Ancien et du Nouveau Teslament. Nous le reproduisons ici, comme la conclusion de cette étude sur le Canon : « Sacrorum vero Librorum indicem huic decreto (de Canonicis Scripturis) adscribendum censuit, ne cui dubitatio suboriri possit, quinam sint, qui ab ipsa Synodo suscipiuntur. Sunt vero infrascripti Testamenti Veteris : Quinque Moysis, id est, Genesis, Exodus, Leviticus, Numeri, Deuteronomium ; Josue, Judicum, Ruth ; quatuor Regum ; duo Paralipomenon ; Esdrae primus, et secundus, qui dicitur Nehemias ; Tobias, Judith, Esther, Job, Psalterium Davidicum centum quinquaginta Psalmorum, Parabolæ Ëcclesiastes, Canticum Canticorum, Sapieritia, Ecclesiasticus, Isaias, Jeremias cum Baruch, Ezechiel, Daniel ; duodecim prophetæ minores, id est, Osea, Joël, Amos, Abdias, Jonas, Michœas, Nahum, Habacuc, Sophonias, Aggœus, Zacharias, Malachîas ; duo Machabœorum, primus et secundus. Testamenti Novi : Quatuor Evangelia secundum Matthoeum, Marcum, Lucam et Joannem ; Actus Apostolorum a Luca Evangelista conscripti : quatuordecim Epistola ; Pauli Apostoli : ad Romanos, duæ ad Corinthios, ad Galatas, ad Ephesios, ad Philippenses, ad Colossenses, duæ ad Thessalonicences, duæ ad Timotheum, ad Titum, ad Philemonem, ad Hebroeos ; Pétri Apostoli duoe ; Joannis Apostoli très ; Jacobi Aposioli una ; Judoe Apostoli una ; et Apocalypsis Joannis Apostoli. Si quis autem libros ipsos integros, cum omnibus suis parlibus, prout in Ecclesia catholica legi consueverunt, et iii veteri vulgata Latina editione habentur, pro sacris et canonicis non susceperil, et traditiones prœdiclas, sciens et prudens, eontempserit, anathema sit. » Conc. Trid., De Canonicis Scripluris decretum, sess. iv.
Le concile du Vatican a renouvelé le canon du concile de Trente : « Veteris et Novi Testamenti libri…, prout in ejusdem (Tridentini) Concilii decreto recensentur… pro sacris et canonicis suscipiendi sunt. » Sess. iii, c. m.
La définition du concile de Trente et du concile du Vatican n’a fait que sanctionner la croyance générale de l’Église primitive, en déclarant quels étaient les livres canoniques. Il avait fallu un certain temps, dans les commencements du christianisme, pour s’assurer de l’authenticité de quelques écrits qui avaient été adressés à des Églises particulières et étaient la plupart fort courts ; mais, au v « siècle, la croyance de l’Église était fixée. Voici le tableau synoptique des citations des parties deutérocanoniques du Nouveau Testament (la plupart des passages indiqués dans le tableau sont rapportés tout au long dans J. Kirchhofer : Quellensammlung zur Geschichte des Neutestamentlichen Canons bis auf Hieronymus, mit Anmerkungen, in-8o, Zurich, 1844) :
II. — Tableau des citations des deutérocanoniques du Nouveau Testament pendant les premiers siècles de l’Église.
Les citations précédées d’un point d’interrogation sont douteuses. — Le tiret indique l’absence de citations.
DATES
ÉCRIVAINS
ÉPITRE
AUX HÉBRECX
JACQUES
II PETR.
II, III JOA.
JUDE
APOCALYPSE
Pap3 vers 91-101
S. Clément de Rome.
I Coi-., 36.
I Cor., 10, 38.
I Cor., il.
—
—
—
Vers 130 ( ?)
Doctrino 4posl.’! Doct., x, 25 ;
XIV, 2.
? Dock, ii, 5 ; IV, 4, 14.
? Doct., iii, 6 ; v, 2, etc.
? Doct., xi, 2 ; xvi, 3.
? Doct., II, 7, lit, 6.
1 Doct., ii, 2, etc.
Vers 120 ( ?)
S. Barnabe.
? Epist., v, 1 ;
XIX, 9.
? Epist, xix, 5 ; i, 2 ; ix, 9 ; xvi, ꝟ.
? Epist., ii, 3 ; IV, 12.
—
—
? Epist., xxi, 3 ; XIX, 11.
Entre 14$1-$2E0
Hennas.
—
Vis., iii, 9 ; Mand., ii, îx, xi.
—
—
—
Vis., ii, 4 ; IV, 2.
f 155
S. Polycarpe.
—
—
Ep., 3.
—
.
—
f" vers 167
S. Justin, martyr.
A-Pol, 1, 12, 63.
—
—
—
Dial., 81.
Vers 180
S Théophile d’Antioche.
—
—
—
—
—
Dans Eusèbe, E.E., iv, 21.
f 203.
S. Irénée.
( Eusèbe, S. M., v, 26.)
? Adv. Ecer., iv, 16, 2.
—
Adv. Eser., 1, xvi, 3 ; I, u.
—
Adv. Hasr., V, xxxv, 2 ; cf. Eusèbe, H. E., v, 8.
fyers 217
Clément d’Alexandrie.
Strom., VI, 8, 62 ;
cf. Eusèbe, E. E., vi, 14.
î Cf. Eusèbe, II. E., vi, 14.
Cf. Eusèbe, H. E., vi, 14.
Cf. Strom., u, 15, 66.
Strom., iii, 2, 11 ;
cf. Eusèbe, a. E., vi, 13.
Psedag.j
il, 10, 108 ;
Sfrotn, vi, l3, l07.
f vers 235 f vers 240
S. Hippolyte.
—
—
—
—
—
De Antlchr., 35.
Tertullien.
IDepudic, 20.
—
—
Cont. Ctnost., 12
De hao. mut, a
Ado. Marc., m, 14.
18$1-$25 i
Origène.
Dans Eusèbe, H, E., vi, 25, etc
Select.
in Fs. xxx.
? Comm.inJoa..’XIX, 6.
Hom. in Jos.,
vu, 1 ; in Lev., vii, 4.
Cf. Select.
in Ps. m.
? Eom. in Jos..
VII, 1.
Comm. in Mallh., t. ix, 17 ;
? t. XVII, 3.
Dans Ki-sèbe,
H. E., VI, 25 ;
Comm. in Joa.,
I, 14.
f 258
S. Cyprien.
Dans Eusèbe, E. E., vi, 41.
De exhot t. mari., 11.
ma.
Ibid.
Ibid.
De op.
et éleem., 14.
f 264
Dtnys d’Alexandrie.
Comm. in Luc.. XXII, 46.
—
? Tans Eusèbe, E. E., va, 25.
Hom. in Gen., XIII, 12.
Cf. Eusèbe, H. E., vil, 10. E.E., vii, 21.
t vers 312
S. Méthode.
!
De Resurr., v,
p. 269 (éd. Migne), Conv., v, 7.
—
—
—
—
De Resurr., 9, p. 315 ;
Conv., vni, 4, p. 143.
181
CANON DES ECRITURES
182
DATES
ÉCRIVAINS
ÉPITKB
AUX HÉBREUX
JACQUES
II PETR.
II, III JOA.
JUDB
APOCALYPSE
Fers 270-34C
Eusèbe de Césarée.
Ed. proph.,
I, 20, etc.
? Cf. H. E., iii, 3.
? H. E., iii, 25.
? 77. E., iii, 25.
? 77. E., iii, 25
? H. E., iii, 25.
î 77. E., iii, 39.
f 367 OU 368
S. Hilaire de Poitiers.
De Trin., iv, 11.
De Trin., iv, 8.
De Trin., i, 17.
—
—
In PS. I ; De Trin., vi.
Vers 296-373
S. Athanase.
Eplst.fest., 3°.
Epist. fest., 39.
Epist. /est., 39.
Epist. /est., 39.
Epist. /est., 39.
Epist. /est., 39.
Vers 371
Lucifer de Cagliari.
De non conv. cum. huer., 10.
—
—
—
De non conv. cum. hier., 15.
—
Vers 320-370
S. tèphrem.
Comm. in Ileb.
—
Op. tyr., ii, 342.
Op. gr., iii, 5^ : I, 76.
Op. syr., i, 126.
Op. syr., ii, 332.
Vers 330-370
S. Basile.
—
Const. mon., 26.
—.
—
—
.4c71>. Eunom., n, 14 ; iv, 2.
Vers 318-38C
S. Cyrille de Jérusalem.
Cat. iv, 36.
Cat., iv, 36.
Cat., iv, 36.
Cat., iv, 36.
C « (., iv, 86.
Cat., xv, 13, 22, 27.
t 384
Frlsclllleu,
édit. Schepps.
Tr. î, 28, 10, etc.
7Y. viii, 89, 5 ; etc.
Tr. vi, 70, 2 3, etc.
Tr. î, 31, 4, etc
Tr. v, 64, 6, etc.
7Y. î, 25, 14, etc
Vers 326-380 OU 300
S. Grégoira de Nazianze.
Carm, de gen.
lib. insp. Script.
t. xxxvii, 474.
Ibld. ; Orat., 26, 5.
Ibid.
Ibid.
Ibid.
Serm., xlii, 9 ; xxix, 17, etc.
f 300
Apollinaire de Laodicée, édlt. Draseke.
Dial. de Tiïn., i, p. 258, 17, etc.
Dial.de Trin., ii, p. 286, 9, etc.
Dial. de Trin., î. p. 259, 29, etc.
ùial.deTrirt., ii, p. 32C, 9.
—
Cont. Eunom., p. 219, 12, etc.
Entre 333 et 340-397
S. Ambroise.
De fur/, sxc, 16, etc.
—
—
—
In Luc, vi, 43.
—
f entre 384 et 398
S. Optât de Milève.
—
De schism.
Don., i, 8.
Cité sous le
nom de Pierre.
—
—
—
—
Entre 310320-403
S. Épiphano.
Hat., TG, t. XLII. p. 560
Ex, : , 76.
User., 76.
77a°r., 76.
nier., 7C.
User., 76.
Vers 347-407
S. Jean Chrysostomc.
Synops. Script. ( ?)
Synops. Script. ( ?)
—
—
—
—
Vers 331-420
S. Jérôme.
Epist. ad Paul., etc.
Epist. ad Paul., etc.
Epist. ad Paul., etc.
Epist. ad Paul., etc.
Epist. ad Paul., etc.
Epist. ad raul., etc.
354-430
S. Augustin.
De Doct. chr.,
n, 12 ;
De Pecc. rein.,
i, 27.
De Doct. chr., il, 12.
De Doct. chr., n, 12.
De Doct. chr., il, 12.
De Doct. chr., n, 12.
De Doct. chr., il, 12.
f 444
S.Cyrille comm.inHeb. d Alexandrie, j
Comm. in Jacob
Comm. in II Petr.
—
Cojnm.inJud.
Bibliographie. — Les Introductions générales à l’Écriture Sainte traitent toutes la question du Canon. Nous n’indiquons ici que les livres spéciaux : * J. Cosin, À scholastical History of the Canon of the Holy Scriplures, 111-4°, Londres, 1657, 1072, 1083 ; * H. Hody, De Bibliorum lextibus originahbus, versionibus grsecis et latina Vttlgata libri quatuor, in-f°, Oxford, 1704 (inexactitudes ) ; * J. Ens, Bibliotheca sacra sive Dïatribse de Librorum Novi Testamenti canone, in-12, Amsterdam, 1710 ; " J. Jones, New and full Metliod of settling the Canonical authorily of the New Testament, 3 in-8°, Londres, 1720-1727 ; Oxford, 1798, 1827 ; J. Bianchini, Vindicise canonicarum Scripturarum Vulgatx latinœ editionis, in-f », Rome, 1740 ; * E. H. D. Stosch, Commentatio historico-critica de librorum Novi Testamenti Canone, in-8°, Francfort, 1755 ; *J. S. Seniler, Abhandlungen von freyer Untersuchung des Canons, 4 in - 8°, Halle, 1771-1775 ; î" partie, 2e édit., 1770 ; * Chr. Frd. Schmid, Historia antiqua et vindicatio canonis sacri Veteris Novique Testamenti, in-8°, Leipzig, 1775 ; "H. Corrodi, Beleuchtung der Geschichte des jùdischen und christlichen Bibelcanons, 2 in-8°, Halle, 1792 ;
- A. Alexander, Canon of the Old and New Testament
ascertained, in-12, Princeton, 1820 ; Londres, 1820, 1831, « te ; Fr. C, Movers, Loci quidam historiée Canonis Veteris Testamenti illustrait, - in-8°, Breslau, 1842 ; Vincenzi, Sessio quarta Concilii Tridentini vindicata seu Introductio in Scripturas deulerocanonicas Veteris Testamenti, 3 in-8°, Rome, 1842-1844 ; * Kirchhofer, Quellensammlung zur Geschichte des neutestamentlichen Kanons bis auf Hieronymus, in-8°, Zurich, 1844 (inexactitudes ) ; " M. Stuart, Critical History and Defence of lhe Old Testament Canon, Andover, in-12, 1845 ; Edimbourg et Londres, 1849 ; J.-B. Malou, La lecture de la Sainte Bible en langue vulgaire, 2 in-8°, Louvain, 1846 ;
- H. W. J. Thiersch, Versuch zur Herstellung des historischen
Standpunkts fur die Kritik der neutestamentlichen Schriften, Erlangen, 1845 ; Id., Erwiederung, etc., Erlangen, 1840 ; [Vieusse], La Bible mutilée par les protestants, publiée par M" r d’Astros, in-8°, Toulouse, 1847 ; * C. À. Credner, Zur Geschichte des Kanons, in-8°, Halle, 1847 ; Id., Geschichte des neutestamentlichen Kanon, herausgegeben von G. Volkmar, in-8°, Berlin, 1860 ; ’Br. F. Westcott, À gênerai Survey of the history of the Canon of the New Testament during the first four centuries, in-12, Cambridge, 1855 ; 6e édit., Londres, 1889 ; B. Welte, Bemerkungen ûber die Enstehung des alllestamenlichen Kanons, dans la Theologische Quarialschrift de Tubingue, 1855, p. 58-95 ; " Aug. Dillmann, Veber die Bildung der Sammlung heiliger Schriften Allen Testaments, dans les Jahrbûcher fur deutsche Théologie, t. iii, 1858, p. 419-491 ; * Gausseu, Le Canon des Saintes Écritures au double point de vue de la science et de la foi, 2 in-8°, Lausanne, 1800 ; * Éd. Reuss, Histoire du Canon des Écritures Saintes dans l’Église chrétienne, in-8°, Strasbourg, 1803 ; 2e édit., 1864 ; Id., Die Geschichte der heiligen Schriften neuen Testaments, 6= édit., in-8°, Brunswick, 1887 (Geschichte des Kanons), p. 316-403 ; "Hilgenfeld, Der Kanon und die Kritik des Neuen Testaments in ihrer yeschichtlichen Ausbildung und Gestaltung, in-8°, Halle, 1803 ; " J. Fûrst (israélite), Der Kanon des Alten Testaments nach den Veberlieferungen in Talmud und Midrasch, in-8°, Leipzig, 1868 ; " Sam. Davidson, The Canon of the Bible, its formation, history and fluctuations, in-8°, Londres, 1877 ; 3e édit., 1880 ; Id., Canon, dans l’Encyclopœdia Bri-’tannica, 9e édit., t. v, Londres, 1870, p. 1-15 ; * A. Charj teris, Canonicily, a collection of earhj testimonies to the j canonical books of lhe Neiv Testament, in-8°, Edimbourg, 1880 ; ’K. "Wieseler, Zur Geschichte dér Neutestamentlichen Schrift, in-8°, Tjeipzig, 1880 ; A. Loisy, Histoire du i Canon de l’Ancien Testament, in-8°, Paris, 1890 ; Id., j Histoire du Canon du Nouveau Testament, in-8°, Pa- !
ris, 1891 ; *Th.Zahn, Geschichte des Neutestamentlichen Kanons, 2 in-8°, Erlangen, 1888-1892 ; G. Wildebœr, ’The Origin of the Canon of lhe Old Testament, traduit du hollandais par B.-W. Bacon, in-8, Londres, 1895.
F. VlGOUROUX.
- CANONIQUES##
CANONIQUES (ÉPÎTRES). On donne le nom spécial d’Épltres canoniques ou catholiques aux sept Epîtres de Nouveau Testament qui ne sont pas de saint Paul : une de saint Jacques, deux de saint Pierre, trois de saint Jean et une de saint Jude. On les appelle canoniques parce qu’elles contiennent des canons ou règles relatives à la foi et aux mœurs.
CANSTEIN. (Charles Ilildebrand, baron de), protestant allemand, né à Lindenberg le 15 août 1667, mort à Halle le 19 août 1719. Il fut page de l’électeur de Brandebourg et prit du service dans les troupes dos Pays-Bas. Une grave maladie le contraignit à abandonner le métier des armes. Il se retira alors à Halle, où il se dévoua aux œuvres de piété. Le premier il entreprit de faire imprimer la Bible sur des caractères fixes, afin de la répandre plus facilement. Il consacra une partie de sa fortune à cette entreprise, qui fut appelée Institution biblique de Canstein. Cette œuvre eut un succès énorme et subsiste encore aujourd’hui. Il est l’auteur d’une Harmonie und Auslegung der heiligen vier Evangelisten, in-f°, Halle, 1718. — Voir A. H. Francke, Memoria Cansteiniana, in-f°, Halle, 1722.
- CANTABRIGIENSIS##
CANTABRIGIENSIS (CODEX). Voir Bez^s (Codex).
- CANTACUZÈNE Matthieu##
CANTACUZÈNE Matthieu, né vers 1325, mort à la fin du xive siècle. Fils de Jean V, empereur de Constantinople, il fut associé à l’empire en 1354. Après l’abdication de son père, il continua la lutte contre Jean Paléologue ; mais il fut vaincu près de Philippes, en Thrace, fait prisonnier et obligé de se retirer dans un cloître, après avoir renoncé à toutes ses prétentions au trône impérial. Dans la solitude qui lui était imposée, il s’occupa de travaux sur l’Écriture Sainte. Son Expositio in Cantica canticorum a été traduite en latin et imprimée à Rome par les soins de Vincent Riccardi, in-f », 1624. Celte édition est reproduite dans le t. Clii, col. 997-1084 de la Patrologie grecque de Migne. — Voir Fabricius, Bibliotheca grœca, t. vi (1726), p. 474.
- CANTINI Thomas##
CANTINI Thomas, chartreux italien, mort le 18 novembre 1649. Docteur en théologie, il quitta la Compagnie de Jésus pour entrer chez les Chartreux de Naples. Il fut prieur de plusieurs maisons de l’ordre. On a de lui : Expositio in Canticum canticorum, publiée parle chartreux D. Nabantino, in-32, Naples, 1859. M. Auiore.
CANTIQUE. Hébreu : Sîr ou sirâh. Septante : tàSf, ] Vulgate : canticum. — Sous ce mot sir il faut comprendre le chant, l’action de chanter (par exemple, I Par., xxv, 7 ; Il Par., xxix, 28), et le texte destiné à être chante (Deut., xxxi, 30 ; I [111] Reg., v, 12 [îv, 32] ; Ps. cxxxvii [cxxxvi], 3, 4 ; Is., v, 1). Ce terme se trouve souvent joint à mizmôr, J/a).(ioç, qui désigne originairement le jeu des instruments à cordes. Les expressions ainsi formées, sir mizmôr Ps. lxvi (lxv), et mizmôr sir, Ps. xxx (xxix), semblent indiquer l’une et l’autre, sans différence de sens, que la pièce poétique à laquelle elles servent de titre est un « chant destiné à être accompagné par les instruments ». Les Pères, comme saint Hilaire, Prolog, in Psalmos, t. ix, col. 245 ; saint Augustin, Enarr. in Ps. lxvii, t. xxxvii, col. 813, ont fait allusion à la signification originelle de ces deux termes, devenus synonymes dans l’usage. Mais la traduction des Septante : wSt, iivitoC et iïXuo ; i>)3 ?, ; ( Vulgate : Canticum psalmi et Psalmus cantici), en établissant une dépendance grammaticale d’un terme à
l’autre, semble faire entre les deux expressions une différence, qu’on a cherché à expliquer de plusieurs manières. Canticum psalmi serait le psaume précédé d’un prélude des instruments, et Psalmus cantici celui où les voix précèdent l’accompagnement. Mais si nous nous en tenons au texte, nous reconnaissons qu’en réalité les deux termes sont simplement apposés ; la double formule hébraïque équivaut à Canticum, psalmus, et Psalmus, canticum, soit « voix et instruments », « accompagnement et chant, » sans que l’ordre dans lequel les rédacteurs des titres des psaumes ont disposé ces mots suffise à justifier la différence de signification qu’on veut établir entre les deux formules.
Dans l’usage liturgique, « cantique » est l’appellation donnée 1° aux pièces poétiques de l’Ancien Testament dont l’Église fait un emploi analogue à celui qu’elle fait des Psaumes. Tels sont les cantiques de Moïse, Exod., XV, 1-19 ; Deut., xxxir, 1-43 ; d’Isaïe, xii ; d’Ezéchias, Is., xxxviii, 10-20 ; d’Anne, I Sam., ii, 1-10, et d’Habacuc, m, 2-19, à l’office de Laudes des six jours de la semaine.
— On l’applique 2° à des morceaux semblables aux précédents, mais dont le texte original ne fut peut-être pas rigoureusement soumis à la facture métrique. Ce sont le cantique des trois enfants dans la fournaise, Dan., iii, 57-88, et les trois cantiques du Nouveau Testament, le Benediclus, le Magnificat et le Nunc dimittis, employés aux heures de jour de l’office romain. Le Missel contient en outre aux messes des samedis de Quatre-Temps, sous la rubrique Hymnus, les versets 52-50 du chapitre cité de Daniel, disposés, comme la psalmodie antique, avec une antienne qui se répète à chaque verset. En plus de ces cantiques en usage dès l’origine en Orient comme en Occident, l’Église grecque emploie la prière de Jonas, n, 2-9 ; celle d’Isaïe, xxvi ; celle d’Azarias, Dan., iii, 26-45, et même des extraits des livres extra-canoniques, comme la prière de Manassès.
Saint Paul et les anciens écrivains ecclésiastiques mentionnent « les psaumes, les hymnes et les cantiques », iLSciç, Ephes., v, 19 ; Col., iii, 16, ce qu’il faut entendre probablement du recueil du psautier ; des cantiques des prophètes ou du Nouveau Testament, et des chants de l’Église primitive. J. Parisot.
CANTIQUE DES CANTIQUES. — I. Nom. - Ce livre est intitulé en hébreu : Sir haS-sirîm. Cette appellation, reproduite par les versions (Septante : ’Affjja àa(titwv ; Vulgate : Canticum canticorum), est une forme de superlatif, employée pour désigner un cantique plus remarquable que les autres par son excellence. Des expressions analogues sont familières aux écrivains hébreux. Ils disent « Dieu des dieux », Ps. xlix, 1 ; « Seigneur des seigneurs, » Ps. cxxxv, 3 ; « Roi des rois, » I Tim., vi, 15, en parlant du Tout -Puissant, etc. Ce titre indique donc déjà à lui seul que l’on doit s’attendre à trouver dans le livre une doctrine d’ordre supérieur.
II. Unité du livre. — Richard Simon interprète le titre dans le sens de « livre de cantiques », Histoire entique du Vieux Testament, l. i, ch. 4, édit. de 1685, t. iv, p. 30, ce qui donnerait à croire que le Cantique est une collection de morceaux détachés, mis par quelques scribes à la suite les uns des autres comme l’ont été les Psaumes ou les Proverbes. Certains rationalistes (Herder, Paulus, Eichhorn, Wellhausen, Reuss, etc.) n’ont pas manqué de tirer cette conclusion. Ainsi Reuss, tout en reconnaissant que « tous les éléments du livre appartiennent au même auteur », déclare cependant que « c’est un recueil de petits poèmes lyriques », qui se « compose d’un certain nombre de morceaux détachés ». La Bible, Poésie lyrique, le Cantique, Paris, 1879, p. 51. Cette manière de concevoir les choses permet d’attaquer plus aisément l’authenticité et le caractère sacré du livre. On peut, en effet, invoquer en faveur de cette opinion la variante i^rt-zT., « cantiques, » qui se lisait dans quelques manuscrits grecs, et que repro duisait probablement la plus ancienne traduction latine. Mais Origène, traduit par Rufin, In Canl., Prol., t. xiir, col. 82, témoigne que cette leçon était fautive, et qu’on doit lire, « au singulier, Cantique des cantiques. » Sans doute on constate une assez grande variété de forme dans les morceaux qui composent l’ouvrage. Les dialogues y alternent avec les monologues, et de temps en temps intervient un groupe de jeunes filles qui jouent un rôle assez analogue à celui du chœur dans les tragédies grecques. La facture poétique présente elle-même une notable variété. G. Bickell, Carmina Veteris Testamenti melrice, Inspruck, 1882, p. 103, a reconnu dans le poème des vers de quatre, de six et de huit syllabes, combinés suivant neuf agencements strophiques différents. Faut-il conclure de là que le Cantique n’est qu’une sorte d’anthologie, composée de fragments plus ou moins disparates ? Les raisons suivantes, tirées du fond même du livre, s’y opposent invinciblement : 1° Les mêmes personnages sont en scène du commencement à la fin : un époux, qui est roi de Jérusalem, Cant., r, 3 (hébreu, 4) ; iii, 7, 11 ; viii, 11 ; une jeune épouse, qui est vierge, a sa mère, ses frères, sa vigne, Cant., 1, 5 ; ii, 15 ; iii, 4 ; VI, 8 ; viii, 2, 8, 12, 13, et est l’objet de l’amour de l’époux, 11, 6, 16 ; iii, 4 ; vi, 2, 8 ; vu, 10, etc. ; enfin un groupe de jeunes filles de Jérusalem, 1, 4 ; ii, 7 ; iii, 5 ; v, 8, 16 ; viii, 4. — 2° Les mêmeslocutions caractéristiques se retrouvent dans tout le Cantique : l’époux est comparé à un faon de biche, Cant., ii, 9, 17 ; viii, 14 ; il habite au milieu des lis, Cant., ii, 16 ; iv, 5 ; vi, 2 ; les filles de Jérusalem sont adjurées dans les mêmes termes, Cant., ii, 7 ; iii, 5 ; viii, 4 ; l’épouse est appelée par elles la plus belle de toutes les femmes, Cant., 1, 8 (hébreu) ; v, 9 ; vi, 1 (Vulgate, v, 17) ; les formes interrogatives sont identiques, Cant, iii, 6 ; vi, 9 ; viii, 5 ; le relatif apocope ur, M, est seul employé dans tout le
poème, etc. — 3° Les auteurs qui ne veulent voir dans le livre qu’un assemblage de fragments disparates ne peuvent arriver à s’entendre pour fixer les coupures. Celles-ci pourtant devraient être aisément reconnaissables, si le lien entre les prétendus fragments était purement artificiel.
L’unité de l’œuvre demeure donc certaine. Loin de nuire à cette unité, la variété des formes ne sert qu’à la faire ressortir davantage. Sans doute on chercherait en vain à caractériser le Cantique par un de ces noms qui désignent les compositions classiques. Il n’y a là, à proprement parler, ni un drame, ni une idylle, ni une églogue. C’est un poème tout oriental, qu’on ne peut juger d’après les règles posées par les Grecs. Les interlocuteurs s’y succèdent sans ordre logique. L’action à laquelle Us prennent part est tout imaginaire, et absolument irréductible aux proportiohs harmonieuses d’un développement scénique. La fantaisie du poète se donne libre carrière dans l’expression multiple d’une idée fondamentale, qui est l’amour réciproque de deux jeunes époux. Les différentes répliques de ses personnages ne sont reliées entre elles par aucun récit. Peut-être devaient-elles être chantées. L’auditeur avait alors à suppléer d’imagination les transitions absentes. Il pouvait y réussir facilement, étant donné le thème général sur lequel roule tout le poème. Il y a donc unité dans le Cantique, mais unité entendue à la manière orientale, c’est-à-dire beaucoup plus dans la pensée inspiratrice que dans l’exécution de l’œuvre.
III. Authenticité. — Le titre complet est ainsi formulé en hébreu : sir has-sirîm’âSér lislomôh, « Cantique des cantiques lequel (est) de Salomon. » Ce titre existait à l’époque du traducteur grec, qui l’a conservé. L’indication qu’il fournit sur l’auteur du poème est exacte.
— 1° L’examen des particularités caractéristiques du Cantique le justifie pleinement. — 1. Il fallait que l’auteur vécût avant le schisme pour parler comme il le fait de certaines localités, Jérusalem, Thersa, Cant., vi, 4 (hébreu), Galaad, Hésébon, le Carmei, le Liban, l’Hermon, ete. Ces
lieux sont nommés comme faisant partie d’un même royaume ; il n’en fut plus ainsi après Salomon, et même Thersa devint la capitale de Jéroboam, dans le royaume du nord. Venant après le schisme, l’auteur eût exclusivement emprunté ses comparaisons au royaume du midi ou à celui du nord, suivant ses attaches politiques. — 2. Le bien-aimé est comparé à un coursier de la cavalerie du pharaon, Cant., i, 8, comparaison qui trahit l’époque où Salomon s’éprit si vivement de la cavalerie égyptienne. III Reg., x, 28. — 3. L’écrivain fait preuve de connaissances étendues en histoire naturelle. Dans les cent seize versets de son poème, il nomme une vingtaine de plantes et autant d’animaux. Or Salomon fut remarquable dans cet ordre de connaissances. III Reg., IV, 33.
— 4. Enfin l’auteur décrit avec tant de vivacité et de précision les choses de l’époque salomonienne, qu’on pourrait difficilement admettre qu’il n’en soit pas le contemporain. Après Ewald, de Wette le reconnaît lui-même : « Il y a là une série d’images et d’allusions, une fraîcheur de vie qui caractérisent le temps de Salomon. » Einleilung, 7e édit., p. 372. Frz. Delitzsch appuie la même conclusion : « Le Cantique porte en lui-même les traces manifestes de sa composition salomonienne. C’est ce qui ressort de la richesse des images empruntées à la nature, de l’abondance et de l’étendue des références géographiques et artistiques, de la mention d’un si grand nombre de plantes exotiques et de choses étrangères, et particulièrement des objets de luxe, comme tout d’abord du cheval d’Egypte. Il a de commun avec le Psaume lxxi (hébreu, lxxii) la fréquence des images empruntées à la flore, avec Job l’allure dramatique, avec les Proverbes beaucoup d’allusions à la Genèse. S’il n’était pas l’œuvre de Salomon, il devrait au moins appartenir à une époque très voisine de son temps. » llohes Lied, in-8°, Leipzig, 1875, p. 12. — On ne saurait objecter qu’un écrivain postérieur a fort bien pu revêtir, par un artifice de style, le personnage de Salomon, comme le fit plus tard l’auteur de la Sagesse. La pseudépigraphie se reconnaît au premier coup d’oeil dans la manière dont ce dernier raisonne et écrit. L’auteur du Cantique s’exprime, au contraire, du commencement à la fin de son œuvre, comme pouvait seul le faire un contemporain de Salomon. Or cet écrivain prend le titre de roi. Il en faut donc conclure qu’il n’est autre que Salomon lui-même, le roi à la fois magnifique et pacifique, auquel conviennent si exactement les descriptions du livre. Cette conclusion a toujours été adoptée sans hésitation par la tradition juive et ensuite par la tradition chrétienne. Saint Ambroise, Comm. in Cant., a Guillelmo collectus, i, 1, t. xv, col. 1853, ; saint Jérôme, Ep. un, ad Paul., t. xxii, col. 547 ; Théodoret, In Cant., Prasf., t. lxxxi, col. 30 ; saint Grégoire de Nysse, In Cant., i, 1, t. xliv, col. 765, ne font qu’exprimer la croyance de tous en attribuant le livre à Salomon.
2° C’est seulement depuis le siècle dernier que les rationalistes ont commencé à contredire la tradition sur ce point — 1. Rosenmùller, Scholia in Ecclesiasten et Canlicum, Leipzig, 1830, p. 238 ; Eichhorn, Einleit. in das Alt. Test., part, v, Gœttingue, 1823-1824, p. 219 ; Munk, Palestine, p. 450, etc., reculent la composition du livre jusqu’à la captivité, ou au moins jusqu’aux derniers rois de Juda, à raison des aramaïsmes que contient l’ouvrage. On en cite six : berot, Cant., i, 17 ; kifês, ii, 8 ; hôtel, il, 9 ; sefdv, ii, 11 ; tinêf, v, 3, et lâki pour làk, ii, 13.
— Rien de plus fragile que la preuve tirée des aramaïsmes. On peut toujours répondre : Tel mot est-il sûrement un aramaïsme ? est-il certain que tel aramaïsme ne se soit introduit dans la langue hébraïque qu’à telle époque ? Israël eut assez de relations avec ses voisins, particulièrement sous David et Salomon, pour que l’emprunt de certains mots étrangers soit très naturellement explicable, surtout dans les compositions poétiques, où l’on recherchait tous les éléments favorables à la variété. — 2. On cite encore d’autres expressions qu’on ne devrait pas trouver
sous la plume de Salomon, comme pardês, Cant., iv, 13, identique au zend pâiridaêza, « jardin fermé, » et’appiryôn, Cant., iii, 9, même mot que l’indien paryang, devenu en grec çopsîov, « litière. » — Il suffit de remarquer que, par ses rapports commerciaux avec les peuples qui l’entouraient, Salomon arriva à connaître certains de leurs usages et put avoir le désir de les introduire dans son royaume. Qu’y a-t-il d’extraordinaire dès lors à ce que, se faisant un jardin fermé comme ceux. d’Assyrie, et se procurant une litière comme celles de l’Inde, il ait conservé aux choses le nom qu’elles portaient dans leur pays d’origine ? — 3. On a prétendu trouver dans le Cantique des allusions formelles à des usages grecs, ce qui reporterait la composition du livre au me siècle avant J.-C. On signale, à titre d’importations helléniques, les litières, Cant., iii, 9 ; l’usage de se coucher pour se mettre à table, i, 12 (Vulgate, 11) ; la couronne de l’époux, iii, 11 ; les 3, 5 ; gardes de la cité, v, 7 ; les pommes aphrodisiaques, ii, vin, 5 ; les flèches d’Éros, viii, 6, etc. — Mais ces flèches et ces pommes n’ont nullement dans le texte les qualificatifs qu’on leur prête à plaisir. — Les Grecs n’étaient pas seuls à employer des gardes pour veiller sur les cités, Is., lxii, 6 ; Ps. cxxvi, 1, ni à connaître l’usage des couronnes. Ps. en, 4 ; Is., xxviii, 1. — Le texte i, 12, parle de mêsab, sorte de divan circulaire, dont l’origine est orientale bien plutôt que grecque. — Quant à la litière, ’appinjôn, quelle que soit sa forme, c’est d’Orient, non d’Occident, qu’elle est venue à Jérusalem. Cf. Frz. Delitzsch, llohes Lied, p. 59. — 4. Le Cantique a dû être composé postérieurement à Salomon et par un écrivain appartenant au royaume du nord, comme le donnent à penser les locutions particulières à ce pays, la connaissance détaillée que l’auteur paraît avoir de la Palestine septentrionale, et la mention de Thersa, capitale du royaume séparé. — La supposition d’une différence de langage entre le royaume du nord et celui du sud est purement arbitraire, et eùt-elle existé que nous n’aurions aucun moyen de la constater. — L’auteur parle, il est vrai, des villes et des sites du nord, remarquables par leur beauté, le Liban, le Carmel, Damas, Thersa, etc. ; mais il mentionne également des localités appartenant à l’autre partie de la Palestine, Jérusalem, Hésébon, Engaddi, Galaad, etc. Le texte hébreu se traduit, au % 4 du chap. vi : « Tu es belle, mon amie, comme Thersa, splendide comme Jérusalem. » Thersa n’est donc nommée ici que comme type de beauté, sans la moindre allusion à son rôle politique sous Jéroboam. Dira-t-on que le site de Thersa n’était pas déjà remarquable du temps de Salomon ? — 5. Le titre présente une double anomalie qui lui ôterait toute valeur. Le relatif y a la forme pleine’âSér, tandis que la forme apocopée est seule usitée dans le livre ; de plus, c’est d’un simple lamed, et non de la locution’âsér le, que les noms d’auteurs sont habituellement précédés en hébreu. — Le titre n’a rien de poétique ; il n’est donc pas étonnant que le relatif y conserve sa forme prosaïque, tandis qu’une forme plus brève et plus élégante est employée dans le texte. La locution’aSér le se retrouve dans le livre même sous la forme êélli, Cant., i, 6 ; iii, 7 ; viii, 12, ce qui tendrait plutôt à prouver que le titre est contemporain du poème. — 6. Enfin on trouve malséant que Salomon parle de son épouse, la fille du roi d’Egypte, comme d’une simple fille des champs. — Cette raison n’aurait de valeur que si l’on était obligé d’interpréter le Cantique dans le sens littéral non allégorique, mais nous allons voir qu’il en est tout autrement.
3’On n’est pas d’accord pour déterminer à quelle époque de sa vie Salomon a pu composer le livre. Cornely, Introduct. in libr. sacr., Paris, 1887, t. ii, p. 198, incline à penser que le Cantique est l’œuvre de la jeunesse du monarque ; la vivacité et la couleur du style y trahissent le jeune homme, et la nature du sujet traité semblerait peu convenir à un homme tel qu’était devenu Salomon à la suite de ses désordres. Calmet, Préface sur
le Cantique, 1713, p. 150 ; Dictionnaire de la Bible, 1730, t. i, p. 377, suppose que le mariage de Salomon avec la fille du roi d’Egypte a été l’occasion, et par conséquent marque l’époque de la composition du poème. Gietmann, Comment, in Cant. cant., Paris, 1890, p. 341, soutient, au contraire, que le Cantique n’a été écrit que dans les dernières années du roi, devenu repentant. C’est pour cela que le livre occuperait ordinairement dans les Bibles, sauf dans celle des Massorètes, le troisième rang après les Proverbes et l’Ecclésiaste. Il présente du reste une bien plus grande analogie de style avec ce dernier livre, œuvre de la vieillesse de Salomon, qu’avec le premier. En particulier, le relatif apocope, à, Se, si caractéristique, se
rencontre fréquemment dans l’Ecclésiaste, mais jamais dans les Proverbes. — La solution de cette question, d’ailleurs peu importante, dépend en grande partie de l’opinion qu’on embrasse au sujet de la conversion de Salomon. Voir Salomon.
Il n’est pas possible non plus de déterminer de quelle manière le poème a été écrit. Salomon en a-t-il composé lui-même toutes les pièces ? Y a-t-il fait entrer quelques morceaux antérieurs à lui ou composés par d’autres poètes ? Le tout n’a-t-il été recueilli et mis dans l’ordre actuel qu’après la mort du roi ? On l’ignore. En somme, la définition de l’Église oblige à admettre l’inspiration et le caractère divin du Cantique, dans la forme définitive où il a été transmis par les Juifs ; la tradition permet d’assurer que le livre est l’œuvre de Salomon, et l’examen de l’ouvrage fournit un témoignage concordant. Là s’arrêtent les certitudes. Les autres questions de détail sont du domaine de l’hypothèse.
IV. Forme littéraire du Cantique. — D’après la notation métrique de Bickell, Carmina Vet. Testant., p. 103, le Cantique des cantiques se composerait de poésies de différents mètres ainsi agencées : Cant., i, 1-8, six strophes ayant chacune cinq vers de six syllabes ; I, 9-n, 6, cinq strophes de six vers ayant même mesure ; ii, 7, deux slrophes de trois vers, dont deux de quatre et un de huit syllabes ; ii, 8-16, six strophes de six vers hexasyllabiques ; m, 1-4, cinq strophes de trois vers ayant même mesure ; m’, 6, strophe de quatre vers alternativement de huit et de six syllabes ; iii, 7-iv, 8, trois strophes de six vers hexasyllabiques ; IV, 9-11, trois strophes de trois vers octosyllabiques ; iv, 12-v, 1, neuf strophes de trois vers, deux de quatre et un de six syllabes ; de v, 2 à vii, 10, reprennent les vers hexasyllabiques à six par strophe, sauf v, 8-16, composés de quatrains, et vi, 10- vii, 1, dont les quatrains sont formés de vers alternativement octosyllabiques et hexasyllabiques ; vii, 2-10, cinq strophes de six vers hexasyllabiques ; de vii, 11 à viii, 7, quatrains de vers alternatifs de huit et de six syllabes ; Vin, 8-10, quatrains hexasyllabiques ; viii, 11, 12, deux strophes de trois vers dont deux de six et un de huit syllabes ; viii, 13, 14, deux strophes de trois vers hexasyllabiques.
Au point de vue des idées, la division du texte n’est point aisée à établir. Le lien logique entre les différentes pièces du poème fait à peu près défaut. Aussi les résultats obtenus par les interprètes qui ont tenté d’analyser le texte sont loin de concorder. Bossuet, In Canticum cant., Prtef., iii, édit. de Bar-Ie-Duc, t. iii, 1863, p. 413, suivi par Calmet et Lowth, divise le Cantique en sept chants correspondant aux sept jours de la semaine. Il trouve la raison d’être de cette division dans les passages du Cantique, il, 7, iii, 5 ; ii, 17 ; iv, 6, et pense que chaque journée marque un progrès dans l’amour : Ier jour, Cant., i-n, 6, amour imparfait ; IIe jour, II, 7-17, amour pénitent ; IIIe jour, m -IV, 1, amour épuré par l’épreuve ; IVe jour, iv, 2- vi, 8, amour perfectionné par l’épreuve ; v « jour, vi, 9- vii, 10, amour digne d’admiration ; VIe jour, vii, 11viii, 3, amour se donnant sans réserve ; VIIe jour, viii, 4-14, amour au repos. — L’idée de Bossuet a séduit tous les interprètes postérieurs par son caractère judicieux, et
tous ceux qui l’ont suivi, protestants et rationalistes même, en ont admis au moins le principe. Malheureusement les divergences s’accusent dès qu’on en vient aux détails. Voici cependant la manière dont les principaux auteurs disposent le Cantique. Ewald, Dos Hohelied Salomo’s, Gœttingue, 1826, le divise en cinq actes comprenant chacun différentes scènes : act. i, se. 1 : i, 1-8 ; se. 2 : i, 9-n, 7. Act. ii, se. 1 : ii, 8-17 ; se. 2 : iii, 1-5. Act. iii, se. 1 : iii, 6-11 ; se. 2 : iv, 1-v, 1 ; se. 3 : v, 2-8. Act. IV, se. 1 : v, 9vi, 3 ; se. 2 : vi, 4-vn, 1 ; se. 3 : vii, 2-10 ; se. 4 : vii, 11-vm, 4. Act. v : viii, 5-14. — F. Hitzig, Das Hohe Lied, Leipzig, 1855, partage le Cantique en neuf scènes : se. 1 : i, 1-8 ; se. 2 : i, 9-n, 7 ; se. 3 : ii, 8-m, 5 ; se. 4 : iii, 6-v, I ; se. 5 : v, 2- vi, 3 ; se. 6 : vi, 4- vii, 1 ; se. 7 : vii, 2-11 ; se. 8 : vii, 12- viii, 4 ; se. 9 : viii, 5-14. — Brown, dans le Dictionary of the Bible de Smith, 1863, t. i, p. 271, fait du Cantique un drame qui se divise en cinq sections : sect. 1 : i-n, 7 ; sect. 2 : ii, 8-m, 5 ; seet. 3 : iii, 6-v, 1 ; sect. 4 : v, 2-vin, 4 ; sect. 5 : viii, 5-14. — E. Renan, Le Cantique des cantiques, Paris, 1870, voit dans le Cantique une scène de harem. Comme le théâtre n’était pas à la mode chez les Hébreux, « ce poème se représentait dans des jeux privés et en famille, » p. 83. Il s doit être envisagé comme tenant le milieu entre le drame régulier et l’églogue ou la pastorale dialoguée. Il a de moins que le premier la marche continue ; il a de plus que la seconde le nœud, l’action et les incidents », p. 88. L’auteur y distingue cinq actes : act. i, se. 1 : I, 1-6 ; se. 2 : I, 7-11 ; se. 3 : i, 12-n, 7. Act. ii, se. 1 : ii, 8-17 ; se. 2 : iii, 1-5. Act. iii, se. 1 : iii, 6-11 ; se. 2 : iv, 1-6 ; se. 3 : iv, 7-v, 1. Act. iv : v, 2- VI, 3. Act. v, se. 1 : vi, 4-9 ; se. 2 : vi, 10vn, 11 ; se. 3 : vii, 12-vin, 4 ; se. 4 : viii, 5-7. Épilogue : vm, 8-14. — Frz. Delitzsch, Hohes Lied, 1875, p. 10, appelle le poème une « pastorale dramatique », et le partage en six actes : Act. i, se 1 : i, 2-8 ; se. 2 : i, 9-n, 7. Act. ii, se. 1 : ii, 8-17 ; se. 2 : iii, 1-5. Act. iii, se. 1 : iii, 6-11 ; se. 2 : iv, 1-v, 1. Act. iv, se. 1 : v, 2-vi, 3 ; se. 2 : vi, 4-9. Act. v, se. 1 : vi, 10- vii, 6 ; se. 2 : vii, 7-vm, 4. Act. vi, se. 1 : viii, 5-7 ; se. 2 : viii, 8-14. — O. Zbckler, Das Hohelied, Bielefeld, 1868, admet la même division, avec cette différence qu’il ne fait qu’un seul acte de v, 2vlli, 14. — Éd. Reuss, Le Cantique des Cantiques, Paris, 1879, compte seize morceaux détachés : 1o i, 1-8 ; 2* I, 9h, 7 ; 3o ii, 8-17 ; 4o iii, 1-5 ; 5o iii, 6-11 ; 6o iv, 1-7 ; 7o iv, 8-H ; 8o iv, 12-v, 1 ; 9o v, 2-vi, 3 ; 10o vi, 4-10 ; 11o vii, 2-10 ; 12o vii, 11-vm, 4 ; 13o viii, 5-7 ; 14o viii, 8-10 ; 15o viii, 11-12 ; 16o viii, 13, 14. Il est à remarquer que les divisions adoptées par cet auteur concordent assez bien avec celles de Bickell. — Enfin Stickel, Das Hohelied, Berlin, 1888, pour lequel le Cantique est un mélodrame en actes et en scènes, p. 157, a aussi sa division en cinq actes : Act. i, se. 1 : i, 2-6 ; se. 2 : i, 7, 8 ; se. 3 : i, 9-14 ; se. 4 : i, 15-n, 4 ; se. 5 : ii, 5-7. Act. ii, se. 1 : ii, 8-17 ; se. 2 : iii, 1-5. Act. iii, se. 1 : iii, 6-11 ; se. 2 : iv, 1-6 ; se. 3 : iv, 7-v, 1. Act. iv, se. 1 : v, 2-vi, 3 ; se. 2 : vi, 4viii, 4. Act. v, se. 1 : viii, 5-7 ; se. 2 : viii, 8-12 ; se. 3 : vm, 13, 14.
Parmi les auteurs catholiques, A. Le Hir, Le Cantique des cantiques, Paris, 1882, partage le poème en huit parties, sans indiquer l’idée qui préside à cette division : 1o i, 1-3 ; 2o i, 4-n, 7 ; 3o ii, 8-17 ; 4o iii, 1-5 ; 5o iii, 6-vi, 1 ; 6o vi, 2- vii, 10 ; 7o vii, 11-vin, 4 ; 8o viii, 5-14. — Ut’Meignan, Salomon, Paris, 1890, p. 467-560, préfère la division en cinq chants : 1o désirs et rencontres, Cant., i-ii, 7 ; 2o une rêverie, la recherche et la rencontre, ii, 8-m, 5 ; 3o la pompe du cortège royal et la simple beauté de la Sulamite, iii, 6-v, 1 ; 4o l’attente patiente, la Sulamite méconnue et maltraitée, portrait de l’époux, bonheur de se retrouver, v, 2-vi, 2 ; 5o portrait de l’épouse et de l’époux, vi, 3-vin, 7 ; conclusion, viii, 8-14. — Gietmann, Comm. in Eccle. et Cant., p. 413, trouve dans le Cantique trois parties comprenant sept, scènes. Première partie : préparation de l’épouse, se. 1,
i, l-u, 7 ; se. 2, II, 8-17 ; se. 3, iii, 1-5. Seconde partie, le mariage, se. 4, iii, 6-v, 1. Troisième partie : perfection et fécondité de l’épouse, se. 5, v, 2-vi, 8 ; se. 6, vi, 9- viii, 4 ; se. 7, viii, 5-14. — Les interprètes des siècles précédents, Salazar, Rupert, Honorius d’Autun, divisaient le livre en quatre parties. Quant aux Pères, ils se contentent de l’expliquer, sans s’inquiéter d’aucune division. De toutes ces divergences, il y a lieu de conclure que les distinctions de jours, de chants, de scènes, ont quelque chose d’artificiel. Chacune peut se soutenir, mais nulle ne s’impose. Le poème n’a pas été composé d’après nos idées modernes, et pour y trouver des développements logiques, il faut prêter à l’auteur ce qu’on désire trouver dans son œuvre. Notons bien que l’intelligence du sens général du Cantique est indépendante de la manière dont on juge à propos de le diviser. On y remarque la peinture d’un amour qui unit deux jeunes époux, s’exprime par toutes sortes de témoignages et semble devenir de plus en plus ardent. Il reste à savoir en quel sens il faut entendre cet amour.
V. Interprétation du Cantique. — Le Cantique a été l’objet de bien des explications différentes. Les anciens Pères y ont cherché surtout matière à réflexions pieuses. Sans en méconnaître le sens principal, ils se sont d’abord préoccupés surtout d’en tirer des leçons de morale à l’usage de lame chrétienne. Dans les temps plus modernes, au xviie siècle en particulier, on s’est appliqué à serrer de plus près le sens du livre, et même à chercher s’il n’existerait pas un fond historique servant de base à une doctrine très élevée, comme, par exemple, dans les paraboles de Notre -Seigneur. Enfin, exagérant l’importance de ce prétendu sens historique, les interprètes protestants ont fini par n’en plus voir d’autre. De là trois espèces d’interprétations du Cantique : historique, mystique et allégorique.
1° Interprétation historique et exclusivement littérale.
— Le Cantique serait un épithalame célébrant soit l’union de Salomon avec la fille du roi d’Egypte ou avec la Sulamite, soit l’union d’un berger et d’une bergère, en tout cas, une union purement humaine. Cette interprétation se fit jour, probablement sous l’influence des sadducéens, dès l’époque de Notre -Seigneur. Le rabbin Akiba la combattit vivement et déclara que le Cantique des cantiques est très saint ; qu’aucun jour n’est plus précieux que celui où Israël le reçut, et qu’aucun Israélite n’a jamais douté de son caractère sacré. Yadaïm, ꝟ. 157 a. — Théodore de Jlopsueste prétendit plus tard que Salomon écrivit le Cantique pour atténuer l’impopularité de son mariage avec la fille du pharaon ou avec la Sulamite. Le cinquième concile général réprouva cette interprétation et reprocha à son auteur d’avoir par là « tenu des propos abominables pour des oreilles chrétiennes ». Mansi, Cône, t. ix, p. 225. — Quelques hérétiques du ive siècle, signalés par Philastre, évêque de Brescia, De hseres., 135, t. xii, col. 1267, embrassèrent le sentiment de Théodore. Cette idée ne reparaît plus ensuite qu’au xvie siècle, à l’époque de la Réforme. Seb. Castalio est chassé de Genève par Calvin pour l’avoir soutenue. Les anabaptistes s’en font ensuite les défenseurs. Hugo Grotius l’enseigne. Au xviiie siècle, Jacobi, Das gerellete Hohelied, 1771, prétend reconnaître dans le Cantique le récit imagé d’un enlèvement. Une jeune bergère y triomphe de la passion du voi en personne. Cette idée a défrayé depuis lors, moyennant quelques variantes, toute l’exégèse rationaliste. Renan s’en est emparé à son tour, Etude sur le Cantique, p. 2b Puis, pour lui donner plus de piquant, il a imaginé que le Cantique, écrit bien après Salomon, était un pamphlet dirigé contre le monarque, devenu odieux à ses sujets à raison de ses dépenses démesurées. Histoire du peuple d’Israël, t. ii, p. 173.
L’interprétation historique du Cantique des cantiques est absolument inacceptable. 1° Les Juifs n’ont jamais entendu le livre dans ce sens, comme le montre la pro testation indignée d’Akiba. D’ailleurs ils n’auraient point admis au nombre des Livres Saints un écrit de caractère exclusivement profane. Aussi Sehammaï et ses disciples, qui cherchaient à l’interpréter historiquement, avaient-ils soin de lui dénier le titre de livre sacré. — 2° L’interprétation purement historique est étrangère à toute la tradition chrétienne. — 3° Elle oblige à admettre dans le livre une foule d’incohérences qui auraient frappé les anciens aussi bien que nous, et ne leur auraient permis de croire ni à l’unité ni à l’inspiration du Cantique. Ainsi 1. l’épouse porte le nom de sœur, Cant., iv, 9, 10, 12 ; v, 1, 2 ; viii, 8 ; or, remarque saint Jérôme, qui connaissait bien la valeur des termes hébreux, ce mot « exclut tout soupçon d’amour charnel ». Contra Jov., i, 30, t. xxiii, col. 251. — 2. On ne peut rapporter à la fille du roi d’Egypte les traits suivants : l’épouse est née sous un pommier, Cant., viii, 5 ; elle garde ses vignes, i, 5 ; elle fait paître ses chevreaux en compagnie d’autres pasteurs, i, 7 ; elle court la ville pendant la nuit à la recherche de son époux, iii, 2, 3 ; elle est battue par les gardes, v, 7, et elle mène son époux dans la maison de sa mère à elle, iii, 4.
— 3. Ces traits ne conviennent pas davantage à Abisag, la Sunamite, avec laquelle on veut identifier la Sulamite. Salomon n’avait pas à la poursuivre au dehors, dans les vignes, puisqu’il l’avait trouvée dans le harem de David, d’où elle ne pouvait sortir. III Reg., i, 15. D’autre part, l’épouse ne se nomme pas Sunamite, mais Selomif, nom qui est le féminin de Selômôh, et qui ne désigne aucune personne connue dans l’histoire. Ce nom, inventé à dessein, ne peut se rapporter qu’à une personne idéale. — 4. Des incohérences analogues s’opposent à l’hypothèse qui fait du Cantique une histoire d’enlèvement. Tout d’abord, rien de moins oriental et de plus moderne que ce roman d’une jeune fille qui, recherchée à la fois par le roi et par un berger, donne sans hésiter la préférence à ce dernier. Rien de moins naturel que ce roi et ce berger faisant assaut de beau langage auprès de la bien-aimée, et que cette bergère narguant le prince en lui répétant sans cesse l’éloge de son préféré. Roman ou pamphlet composé plus ou moins de temps après Salomon, le Cantique n’en devrait pas moins conserver la couleur locale de l’époque, ce dont l’hypothèse rationaliste ne tient pas assez compte. Si encore on pouvait s’accorder dans la détermination du sujet et dans l’indication des paroles proférées par le roi et de celles que l’écrivain prête à son heureux rival ! Mais il n’en est rien. « Selon les uns, » dit Reuss, qui du reste tombe dans le même travers que les autres, « le sujet est historique ; selon d’autres, c’est une fiction. La scène se passe d’après ceux-ci à Jérusalem, d’après ceux-là à Baal-Hermon, d’après d’autres à Tliécué ; en un mot, au nord ou au midi, à la fantaisie de chacun. Suivant les différents avis, l’épouse est née à Sunam ou dans quelque faubourg ; l’époux habite à Engaddi ou au mont Liban ; pour ceux-ci c’est un roi, pour ceux-là un berger. L’épouse aime le roi, à moins qu’elle ne le déteste ; elle est elle-même l’épouse ou bien l’amante d’un berger, vendue par ses frères ou enlevée par les gens du roi, chassée violemment du harem, ou simplement congédiée par un roi magnanime. Toutes ces suppositions sont arbitraires, car le texte n’en dit mot. » Gesc/iichte des Alt. Testant., p. 221. Le même auteur écrit ailleurs avec beaucoup de bon sens : « La science exégétique s’est fourvoyéeavec cette idée du drame de l’enlèvement du sérail. Du moins, si cette hypothèse du cantique-drame devait n’êtrepas le fruit d’une étrange méprise, il faudrait convenir que jusqu’ici on n’a pas réussi à la rendre plus plausible. » Le Cantique, 1879, p. 50.
Pour tout concilier, les rationalistes ont recours à la : plus singulière hypothèse : toutes les paroles qui ne cadrent pas avec la situation imaginée par eux seraient dites en rêve par la jeune fille, ilais comment croire qu’un écrivain sérieux ait mélangé la réalité et l’hallucination dans son poème, sans laisser au lecteur aucun.
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CANTIQUE DES CANTIQUES
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moyen de faire le discernement ? On ne peut que répéter ce que Théodoret, In Cant., Prsef., t. lxxxi, col. 29, disait de la théorie de son maître, Théodore de Mopsueste : « Les saints Pères ont placé ce livre parmi les divines Écritures et l’ont approuvé comme plein de l’Esprit de Dieu et digne de l’Église. S’ils eussent été d’un autre sentiment, ils n’auraient point mis au nombre des Saintes Écritures un livre dont le sujet serait l’incontinence et la passion… C’est imaginer des contes dont seraient incapables même de vieilles femmes en délire, que de faire écrire de telles choses par le sage Salomon sur lui-même et sur la fille du pharaon, ou de remplacer la fille du pharaon par Abisag, la Sunamite. » Ajoutons que le livre, entendu dans un sens purement profane et littéral, pourrait prêter au reproche d’immoralité. Il en serait alors du Cantique comme de ces passages où les prophètes, Ézéchiel, xvi, par exemple, peignent l’idolâtrie sous les couleurs de la fornication et de l’adultère. On ne peut s’arrêter au sens littéral des mots, sans courir le danger de se heurter à des images charnelles. De là chez les anciens, tant juifs que chrétiens, l’usage de ne pas permettre à tous la lecture de ce livre. Pour en prendre connaissance, il fallait être en âge de dominer son imagination, et capable de chercher les vérités supérieures cachées derrière des voiles dangereux. « Voici mon avis, écrivait Origène, In Cant., t. xiii, col. 61. et le conseil que je donne à quiconque n’est pas encore à l’abri des attaques de la chair et du sang et qui n’a pas renoncé à l’amour de la nature matérielle : qu’il s’abstienne totalement de la lecture de ce livre et de ce qui y est dit. La même règle, dit-on, s’observe parmi les Hébreux : personne ne peut même avoir ce livre entre les mains, s’il n’a atteint la pleine maturité de l’âge. » Saint Jérôme, In Ezech., i, t. xxvi, col. 15, reproduit la même ob*rvation. Ces précautions, communes aux Juifs et aux chrétiens, prouvent qu’à leurs. yeux il n’y avait pas à s’arrêter à la lettre du Cantique. Bien loin d’aider à trouver la vraie signification du livre, la recherche d’un sens littéral historique n’eût pu qu’y mettre un dangereux obstacle.
2° Interprétation mystique. — C’est celle des auteurs qui admettent à la fois dans le Cantique un sens littéral et un sens mystique, se rapportant le premier au mariage de Salomon, le second à l’union de Jésus-Christ et de son Église. Honorius d’Autun (In Cant., prol., t. clxxii, col. 352), au XIIe siècle, adopta le premier cette interprétation. Son idée a été reprise par Jansénius de Gand, Paraphras. in Psal. Davidicos, Ps. xliv, in-f°, Lyon, -1580, ꝟ. 58 b ; Bossuet, dans son commentaire du Cantique ; Calmet, dans sa préface sur le même livre, la Bible de Vence, et quelques protestants modernes, Frz. Delitzsch, Zô’ckler, etc. — Cette seconde interprétation ne mérite pas la même réprobation que la première ; néanmoins elle n’est pas soutenable, puisque, comme nous venons de le voir, l’ensemble du Cantique né peut avoir de sens littéral et historique. On n’échappe pas à la difficulté en entendant dans le sens mystique tout ce qui serait inacceptable dans le sens propre littéral. On procède ainsi dans les prophéties, il est vrai ; mais quand on abandonne le sens littéral propre, c’est à raison de la sublimité des termes, trop relevés pour pouvoir être entendus à la lettre. Dans le Cantique, rien de pareil. Les détails qu’il faudrait interpréter mystiquement sont aussi simples que ceux auxquels on voudrait prêter un sens littéral ; ce n’est pas la sublimité des termes, c’est la difficulté de les rapporter à un même personnage qui suggérerait l’interprétation mystique, ce qui est contraire à toute logique et à toute analogie scripturaire. On ne peut donc rien interpréter dans le sens littéral propre, même comme support d’un sens mystique.
3° Interprétation allégorique. — C’est la seule qui ait été admise par toute la tradition juive et chrétienne, à l’exception des quelques partisans d’un sens littéral et mystique. Voici comment s’expriment les Pères : « Ce livre doit être entendu dans le sens spirituel, c’est à-dire dans
DICT. DE LA BIBLE
le sens de l’union de l’Église avec Jésus-Christ, sous le nom d’épouse et d’époux, et de l’union de l’âme avec le Verbe divin… Par l’époux, il faut entendre le Christ, et l’Église est l’épouse sans tache et sans ride. » Origène, In Cant., Hom. i, t. xiii, col. 3. — « Par l’épouse, la divine Écriture entend l’Église, et c’est le Christ qu’elle appelle l’époux. » Théodoret, In Cant., prolog., t. lxxxi, col. 27. — « Ce qui est écrit fait penser à des noces, mais ce qui est compris est l’union de l’âme humaine avec Dieu. » S. Grégoire de Nysse, In Cant., Hom. i, t. xxiv, col. 413. — « Salomon unit l’Église et le Christ et chante le doux épithalame des saintes noces. » S. Jérôme, Ep. lui, 7, ad Paulin., t. xxii, col. 279. — « Le Cantique des cantiques est la joie spirituelle des saintes âmes aux noces du roi et de la reine de la cité, le Christ et l’Église. Mais cette joie est enveloppée de voiles allégoriques, pour rendre les désirs plus ardents et la découverte plus agréable à l’apparition de l’époux et de l’épouse. » S. Augustin, De Civit. Dei, xvii, 20, t. xli, col. 556. — « Salomon, divinement inspiré, a chanté les louanges du Christ et de l’Église, la grâce du saint amour et les mystères des noces éternelles. » S. Bernard, Sup. Cant., Serin, i, 8, t. clxxxiii, col. 788. Saint Thomas d’Aquiu interprétait le Cantique dans le même sens, à l’abbaye de Fossa-Nova, quand la mort vint l’interrompre.
Ce sens n’a pas été imaginé arbitrairement par les interprètes. —1. Il a une base solide dans les nombreux passages de l’Ancien et du Nouveau Testament qui. pré-’sentent les rapports de Dieu avec son peuple sous l’image de l’union conjugale. Le Psaume xliv traite ce sujet sous une forme analogue. Dans Osée, ii, 19, 20, 23, le Seigneur dit à la nation choisie : « Je te prendrai pour épouse à jamais. » Dans Jérémie, ii, 2 : « Je me suis souvenu de toi, par pitié pour ta jeunesse, et de l’amour qui m’a fait t’épouser, quand tu m’as suivi dans le désert, dans cette terre où rien ne germe. » Ézéchiel, xvi, 8-14, décrit en conséquence l’infidélité à Dieu comme un adultère. Le Seigneur est fréquemment présenté comme époux, et l’Église comme épouse, dans le Nouveau Testament. Matth., ix, 15 ; xxv, 1-13 ; Joa., iii, 29 ; Eph., v, 23-25, 31, 32 ; II Cor., xi, 2 ; Apoc, xix, 7, 8. — 2. L’union de l’époux et de l’épouse étant la plus intime qui s’établisse sur la terre entre les créatures, il n’est point étonnant que Dieu ait voulu se servir de ce symbole pour faire peindre par les écrivains sacrés l’intimité de son union avec l’humanité régénérée, ni qu’il ait fait allusion aux sentiments les plus passionnés de l’homme pour donner quelque idée de son ardent amour envers sa créature. D’instinct, les saints qui ont le mieux aimé Dieu ont saisi le sens de cette allégorie. « Vous ne devez point vous étonner, écrivait sainte Thérèse, quand vous rencontrez dans l’Écriture des expressions très vives de l’amour de Dieu pour les hommes… Ce qui m’étonne beaucoup davantage que les paroles du Cantique et me met comme hors de moi, c’est ce que l’amour de NotreSeigneur lui a fait souffrir pour nous. Je suis loin d’être surprise par les paroles de tendresse du Cantique. Non, ce ne sont pas là des expressions trop fortes ; elles n’approchent point de l’affection que ce divin Sauveur nous a témoignée toute sa vie et par sa mort. » Conceptos del amor de Dios, dans Escritos de Santa Teresa, Madrid, 1861, t. i, p. 389. — 3. La canonicité du livre et la croyance générale à son inspiration parmi les. Juifs et les chrétiens prouvent que chez les uns et les autres on est toujours allé droit au sens spirituel, sans s’arrêter à la signification littérale de certaines descriptions.
Donc, non seulement il ne conviendrait pas de serrer de trop près le sens naturel des expressions employées par l’auteur sacré, mais cette attention trop grande prêtée à la lettre ne pourrait qu’égarer l’intelligence du lecteur. Puisque, d’après l’enseignement de toute l’antiquité, le vrai sens du Cantique est un sens allégorique, il est évident que l’unique objet qui s’est présenté à l’es II. - 7 $
prit de l’écrivain sacré est cet amour surnature] qu’il veut décrire. L’amour humain n’intervient que pour prêter, non pas ses sentiments ou ses manifestations, mais ses expressions. Or ces expressions demeurent toujours très imparfaites et même grossières, si on les compare à ce qu’elles doivent rendre. Par conséquent, moins on s’arrête à leur valeur littérale, plus on s’élève vers le véritable sens du livre. Entreprise dans ces conditions, la lecture du poème sera sans péril. Car « tout est pur pour ceux qui sont purs ; pour ceux qui sont souillés et pour les infidèles, rien n’est pur. » Tit., i, 15.
Il n’y a pas lieu d’ailleurs de s’étonner qu’un livre sacré, très court, il est vrai, soit écrit tout entier sous forme d’allégorie. Comme l’a remarqué avec raison Rosenmûller, « une poésie allégorique et religieuse telle qu’est le Cantique des cantiques d’après l’interprétation antique et générale n’a rien d’étrange ni de choquant pour les Orientaux. » Das alte und neue Morgenland, Leipzig, 1818, t. IV, p. 180. Les livres sacrés des Hindous fournissent de nombreux exemples d’allégories analogues. Dans le YagurVéda, la relation entre l’Aurore et le Soleil est représentée par l’allégorie de la fée Urvasi, qui voue son amour à Purùravas, « le brillant, » « histoire qui n’est vraie que du Soleil et de l’aurore, » observe Max Mùller. Essais sur la mythologie comparée, trad. Perrot, Paris, 1874, p. 130-135. La même allégorie se retrouve développée dans une sorte de drame en cinq actes, du poète Kalidâsa, insérée sous plusieurs formes différentes dans les Pourânas et dans le Brihat-Kathâ, ou grande histoire. Max Millier, Essais, p. 146-163. Les sentiments exprimés et les métaphores qui jaillissent de la plume des poètes ont ici la plus grande similitude avec ce qu’on lit dans le Cantique. Un autre poète, vivant il y a au moins deux mille ans, Jayadeva, plus ancien peut-être que Kalidàsa, a laissé un petit drame pastoral appelé Gitagovinda, inséré dans le dixième livre du Bhagavat. Il y décrit l’amour réciproque de Krichna, le dieu bon, avec Radha, l’âme humaine, en faisant intervenir des bergères autour de Krichna, le pasteur. Or berger et bergères ne sont que des symboles religieux, dont les écrivains hindous cherchent à donner l’explication mystique. W. Jones, The mystical Poetry of the Persians and Hindus, dans ses Works, Londres, 1807, t. iv, p. 211-235 ; A. Weber, Histoire de la littérature indienne, trad. Sadous, Paris, 1859, p. 330-331. Dans le Gulchendras ou « parterre de mystère » des soulis de la Perse, le Menavi forme un gros livre dans lequel l’union avec Dieu est décrite sous l’allégorie d’un amour mystique. Chardin, Voyage en Perse, Amsterdam, 1735, t. iii, p. 210, 213. D’autres poèmes d’écrivains persans plus modernes affectent le même caractère littéraire. Vigoureux, Les Livres saints et la critique rationaliste, Paris, 1891, 4e édit., t. v, p. 83-89. Du reste, les poèmes allégoriques ne sont pas particuliers aux seuls Orientaux. La grande trilogie d’Eschyle sur Promélhée, dont il nous reste la seconde partie, « Prométhée enchaîné, » n’est que le développement allégorique d’une idée. Le titan Prométhée représente en même temps l’être révolté contre Dieu et séducteur de l’homme, et le rédempteur compatissant qui sauve l’humanité. Dœllinger, Paganisme et judaïsme, trad. J. de P., Bruxelles, 1858, t. ii, p. 68. Il faut encore mettre au rang des œuvres allégoriques les « Oiseaux » et « Plutus » d’Aristophane, la « Psyché » d’Apulée ; au moyen âge, le « Roman de la Rose », etc. D’ailleurs, la Sainte Écriture elle-même fournit d’autres exemples d’allégories, dont plusieurs prennent une extension assez considérable. On peut ranger dans ce nombre le cantique de la vigne, ls., v, 1-6 ; celui du pressoir, ls., lxiii, 1-3 ; les allégories d’Ézéchiel sur le bois de la vigne, Ezecli., xv, 1-6 ; sur l’épée aiguisée, Ezech., xxi, 9-13 ; sur les ossements desséchés, Ezecli., xxxvii, 1-10 ; celles que Daniel décrit dans ses visions, I, iii, vi, etc. ; l’allégorie évangélique du bon Pasteur, Joa., x, 1-16, et celles qui remplissent le livre de l’Apo | calypse. L’allégorie du Cantique appartient donc à un genre littéraire aussi familier aux écrivains sacrés qu’aux écrivains orientaux en général.
Un autre sujet d’étonnement, à la première lecture du Cantique, c’est que l’Esprit -Saint ait jugé à propos de se servir de la peinture la plus ardente de l’amour humain pour exprimer les sentiments surnaturels du plus haut et du plus chaste mysticisme. — Cet étonnement n’a pasété partagé par les anciens, et il ne l’est pas davantage aujourd’hui par les populations de l’Orient. Ceux qui se scandalisent des expressions du Cantique ont le double tort d’entendre littéralement ce qui n’a qu’un sens mystique, et de suppléer par l’imagination à ce que le textene dit pas. Ils veulent trouver un drame continu, une histoire « vécue », comme on dit aujourd’hui, là où l’écrivain sacré s’est contenté des traits choisis qui conviennent à son but mystique. Évidemment le sujet allégorique qu’il a entrepris de traiter présente un danger pour les esprits mal préparés. On pourrait en dire autant de plusieurs passages des Proverbes, v, 15-20 ; vii, 4-24 ; d’Ézéchiel, xvi, etc., et de bien des histoires racontées dans la Genèse et dans les livres des Rois. Ce danger prouve que l’Écriture Sainte n’est point faite, dans la pensée de celui qui l’a inspirée, pour être lue intégralement par tous indistinctement, et que la Synagogue et l’Église ont eu raison d’interdire à certaines catégories de lecteurs plusieurs passages des Livres Saints. Mais le danger n’existe plus pour celui qui lit le Cantique dans l’esprit qui a présidé à sa composition. Un tel lecteur passe immédiatement de la lettre au sens allégorique, sans s’arrêter au. sens vulgaire qu’auraient les expressions, si on les interprétait d’un amour purement humain. C’est ainsi qu’ont : procédé les interprètes catholiques du Cantique. Saint Bernard, saint François de Sales, Bossuet, Le Hir et cent autres en ont tiré les plus pures descriptions de l’amour divin, et les plus hautes leçons de vertu. L’Église elle-même ne craint pas d’en insérer dé notables passages, dans ses offices, bien qu’elle n’ignore pas que certaines âmes pourraient y trouver prétexte à scandale.
VI. Objet du Cantique. — 1° L’objet propre et principal du Cantique est l’union de Jésus-Christ et de son Église.
— 1. Saint Jean Baptiste appelle Notre -Seigneur l’époux et se présente comme l’ami de l’époux. Joa., iii, 29. — 2. NotreSeigneur se donne lui-même comme l’époux, attendu, Matth., îx, 15 ; Marc, ii, 19 ; Luc, v, 34, 35, et parle de son royaume des cieux, c’est-à-dire de son Église, en empruntant l’allégorie nuptiale de Salomon. Matth., xxii, 2-10 ; xxv, 1-13. — 3. Saint Paul présente plus expressément encore Jésus-Christ comme l’époux, et l’Église comme l’épouse. Eph., v, 22-32 ; II Cor., xi, 2.
— 4. Saint Jean célèbre les noces de l’Agneau, et chante l’époux, qui est le Christ, et l’épouse, qui est l’Église. Apoc, xix, 7-9 ; xxi, 2 ; xxii, 17. Sans doute Notre-Seigneur et les Apôtres ne se réfèrent pas nommément au livre de Salomon ; mais en inspirant les mêmes expressions allégoriques à Salomon, à saint Jean Baptiste et aux écrivains évangéliques, l’Esprit de Dieu montre assez qu’il suit la même idée, et que l’objet de la mystérieuse allégorie du Cantique doit être cherché parmi les réalités messianiques. — 5. Cet objet propre du Cantique est reconnu par la plupart des Pères, Origène, Philon, évêque de Chypre et contemporain de saint Athanase, Enarr. in Cant., t. XL, col. 32, Théodoret, saint Augustin, Cassiodore, Juste, évêque d’Urgel au vie siècle, In Cant., i, 1, t. lxvii, col. 962 ; saint Grégoire le Grand, Sup. Cant., Proœm., 8, t. lxxix, col. 476 ; le vénérable Bède, In Cant., 1. ii, t. xci, col. 1083 ; saint Bernard, saint Thomas d’Aquin, etc. — Rapportés à cet objet, tous les détails du Cantique s’expliquent aisément. On peut dire de Jésus-Christ qu’il est aimable, Cant., i, 2 ; parfaitement beau, v, 10-16 ; roi, iii, 7-11 ; pasteur, i, 6 ; plein d’amour pour son épouse, ii, 4, etc. De son côté, l’Église est belle entre toutes, i, 4 ; ii, 2 ; iv, 1-7, jusqu’à exciter la ja
lousie, i, 5 ; elle est d’abord petite, viii, 8 ; elle cherche ! son divin Époux, iii, 2, 4 ; elle l’aime, ii, 5 ; lui est dé- ! vouée, viii, 1, 2 ; devient reine, vii, 7-9 ; mère, vii, 3 ; I forte et puissante, vi, 3 ; faisant paître son troupeau, 1, 7, et pourtant persécutée et dépouillée, v, 7, etc. — Néanmoins il ne convient pas de s’arrêter à tous les détails et d’en vouloir désigner l’application. Les sentiments de l’époux et de l’épouse ne sont en définitive qu’une figure très imparfaite des sentiments de Jésus-Christ et de son Église. Aussiserait-ce tomber dans la puérilité que de vouloir trouver un sens spirituel à tous les traits de l’allégorie. « Tout ce qui se trouve.dans la parabole, remarque Mart. del Rio, n’appartient pas au sens historique et allégorique, et ne doit pas nécessairement lui être rapporté. Il y a des traits qui sont pour l’ornement et pour l’élégance, mais n’en forment point une partie intégrante. Ce sont des images que l’habitude, et non la nécessité, a fait introduire. » In Cant. comment. Isagoge, p. xxxiv.
2° À cet objet principal s’en rattachent d’autres qui sont compris dans le premier. Ces autres objets sont :
i. L’union du Seigneur avec son peuple d’Israël. Le Cantique tout entier a été expliqué dans ce sens par les docteurs juifs de tous les temps. Plusieurs auteurs catholiques ont admis qu’une partie au moins du Cantique a la Synagogue pour objet. Ainsi saint Thomas rapporte la fin du livre, vi, 10-vn, 14, à la conversion des Juifs. Tiefenthal explique en ce sens les chapitres v-vm. D’autres voient la Synagogue dans l’épouse qui désire et appelle l’époux au début du livre. Sans doute l’ancienne loi est la figure de la nouvelle, et la Synagogue prépare l’Église, liais on ne peut appliquer à la première les paroles du Cantique que dans un sens indirect et incomplet, c’est-à-dire dans la mesure où l’ancien peuple peut être considéré comme ne faisant qu’un avec le nouveau. — a) Israël était le peuple de Jéhovah ; or Salomon, le « roi pacifique », ne fut pas la figure de Jéhovah, mais du Fils de Dieu, qui a épousé l’Eglise, non la Synagogue. — 6) Salomon et le peuple d’Israël sont des figures ; Jésus-Christ et l’Église, des réalités. Mais Salomon n’a pas été pour son peuple ce que Jésus-Christ est pour son Église. Il y aurait donc une certaine incohérence à faire de la Sulamite le type de la Synagogue. — c) Enfin le Cantique ne reproche à l’épouse aucune infidélité, trait fort important qui ne saurait convenir au peuple d’Israël. Cf. Gietmann, Comm. in Cant. cantic, p. 407.
n. L’union de Jésus-Christ avec la très sainte Vierge Marie. L’application du Cantique à la Mère du Sauveur a été faite par plusieurs Pères, particulièrement par saint Ambroise, dont l’abbé Guillaume a collectionné les textes, Patr. lat., t. xv, col. 1945, et ensuite par Rupert de Deutz, Denis le Chartreux, saint Bernard., etc. L’Église autorise cette application, en se servant elle-même d’un grand nombre de textes du Cantique dans les offices de la Sainte Vierge. Cf. Schâfer, Das hohe Lied, p. 253. C’est à bon droit qu’elle agit de la sorte, car — 1. Marie résume en elle toutes les qualités de l’épouse bien-aiméc, la beauté, la pureté, l’amour, etc. — 2. Marie est un membre de l’Église tellement éminent par sa sainteté, qu’elle peut en être considérée comme la personnification la plus parfaite. Néanmoins il faut se garder de vouloir appliquer à la Sainte Vierge tous les traits du Cantique. On ne pourrait le faire sans tomber dans des interprétations et des accommodations arbitraires.
m. L’union de Jésus-Christ avec l’âme chrétienne. Ce sens a été développé, conjointement avec les deux précédents, par Origène, saint Ambroise, saint Grégoire de Nysse, Théodoret, saint Basile, Hom. xii, in princip. Prov., 1, t. xxxi, col. 388, d’après lequel le Cantique « renferme l’union de l’époux et de l’épouse, c’est-à-dire l’amitié familière de l’âme avec le Verbe de Dieu ». « Non point, ajoute saint Bernard, que personne puisse avoir la présomption d’appeler son âme l’épouse du Seigneur ;
mais comme nous faisons partie de l’Église, qui s’honore de porter ce nom et de le mériter, c’est à bon droit que nous prenons part à cet honneur. » Serin, in Cant., Serm. xii, 11, t. clxxxiii, col. 833.
3° Il ne serait pas complètement exact de comprendre dans l’allégorie : — 1. L’union du Verbe avec la nature humaine dans le mystère de l’Incarnation. Ce fut l’idée d’Aponius, au VIIe siècle, et quelques auteurs contemporains la suivent encore. « L’ensemble du sacré Cantique se prête mal à cette interprétation, et il est visible que le Verbe, envisagé dans sa nature humaine, est l’époux lui-même ; mais que l’épouse est son corps mystique, son Église considérée dans son tout et dans ses membres. » T, e Hir, Commentaire, p. 101. D’ailleurs l’épouse du Cantique est manifestement une personne, et l’humanité prise par le Verbe de Dieu n’a point à elle seule le caractère de personnalité. — 2. L’union de Salomon avec la sagesse. Rosenmùller, Scliolia in Cant., p. 271 et suiv. L’union avec la sagesse est représentée dans un des Livres sapientiaux sous le symbole de l’union conjugale. Sap., viii, 2, 9, 16, 18. On trouve aussi dans l’Ecclésiastique, xxiv, 20, 23, 25-27, etc., des traits qui semblent empruntés au Cantique. Ces emprunts permettent de croire que les auteurs postérieurs ont cherché à imiter l’écrit de Salomon ; mais rien ne prouve qu’ils aient eu la pensée d’en fixer le sens véritable. Ils font de l’accommodation et non de l’interprétation.
4° Ce qui a été dit précédemment de l’authenticité et de l’interprétation du Cantique ne permet point de l’entendre dans les sens rationalistes, par exemple de l’union désirée entre les dix tribus schismatiques et le royaume d’Ézéchias (Hug, Herbst), de la restauration du culte sous Esdras et Néhémie (Kaiser, Vemes), etc.
5° Plusieurs auteurs se sont efforcés de trouver dans la suite du Cantique les phases diverses de l’amour de Jésus-Christ pour son Église, ou les différentes formes de son union avec la créature. Saint Thomas voit dans ce livre la peinture de l’amour de Jésus-Christ pour l’Église :
— 1° dans les premiers temps, quand les Juifs refusent d’entrer dans la société nouvelle, Cant., i-ih, 6 ; — 2° dans l’état intermédiaire, quand l’Église grandit et reçoit les nations dans son sein, iii, 7- vi, 9 ; — 3° dans les derniers temps, quand Israël sera sauvé, vi, 10- viii, 13. — Nicolas de Lyre explique le Cantique de l’amour de Dieu pour son peuple : — 1. dans l’Ancien Testament : a) à la sortie d’Egypte, l, 1-11 ; — b) au désert, i, 12-iv, 7 ; — c) en Judée, iv, 8-vi, 12 ; — 2. dans le Nouveau Testament : a) au berceau de l’Église, vii, 1-10 ; — b) pendant son accroissement, vil, 11-13 ; — c) pendant son repos, viii, 1-13. — Cornélius a Lapide y trouve : 1. l’enfance de l’Église, i-ii, 7 ; — 2. les progrès de l’Église, ii, 8- iii, 5 ; — 3. la maturité de l’Église, iii, 6-v, 1 ; — 4. la décrépitude de l’Église, v, 2-vi, 2 ; — 5. le renouvellement et le perfectionnement de l’Église, vi, 3- viii, 14. — Schjefer, Das Hohe Lied, Munster, 1876, croit que le Cantique célèbre :
— 1. les noces du Christ avec la nature humaine, i-ii, 7 ;
— 2. les noces du Christ avec l’Église, ii, 8-v, 1 ; — 3. les noces du Christ avec chaque âme, v, 2-vin, 5. — Gietmann, Comm. in Cant., p. 413, résume ainsi son commentaire : 1. 1, 1-n, 7, l’époux, répondant aux désirs de l’épouse, la visite et la console par les plus douces caresses ; — 2. ii, 8-17, il la visite de nouveau et la dispose à la vie active ; — 3. iii, 1-5, il l’éprouve et la console ; — 4. il l’épouse avec le plus magnifique appareil ;
— 5. v, 2- vi, 8, l’épouse s’encourage à souffrir pour l’époux dont elle conquiert toute la faveur ; — 6. vi, 9-vm, 4, l’épouse recueille des fruits abondants de ses travaux et par là fait la joie de l’époux ; — 7. viii, 5-14, elle est transportée dans le séjour céleste de l’époux.
Ces différents exemples montrent que cette allégorie sacrée prête à beaucoup d’interprétations qui concordent pour le fond, bien qu’elles varient dans l’explication des détails. D’autres seront sans doute encore imaginées dans
l’avenir. Elles seront légitimes tant qu’elles se conformeront, comme les précédentes, à l’esprit des Pères, et s’écarteront des sens réprouvés plus haut.
VII. Principaux commentateurs. — 1° Anciens. Origène, Scolies, t. xvii, col. 253-288 ; deux Homélies traduites par S. Jérôme, t. xiii, col. 37-58 ; Commentaire traduit par Rufin, t. xiii, col. 61-197 ; S. Grégoire de Nysse, xv homélies, t. xuv, col. 755-1120 ; Théodoret. t. lxxxi, col. 27-214 ; Philon de Carpasa, t. xl, col. 27-151 ; S. Grégoire le Grand, commentaire extrait de ses œuvres par S. Patère, Claudius et Guillaume, abbé de Saint-Théodéric, t. lxix, col. 471-548 ; t. clxxx, col. 441-474 ; Bède, Allegorica expositio, t. xci, col. 1065-1236 ; Alcuin, Compendium, t. c, col. 639-664. — 2° Moyen âge. Rupert de Deutz, In Canticum libri ru, t. clxviii, col. 839-962 ; Honorius d’Autun, Expositio, t. clxxii, col. 347-548 ; S. Bernard, Sermones in Cantica, t. clxxxiii, col. 779-1198 ; S. Thomas d’Aquin, dont les œuvres contiennent deux commentaires, le second seul authentique ; c’est celui qui commence par ces paroles : « Sonet vox tua. » Cf. Gietmann, Canticum canticorum, p. 354. Nicolas de Lyre et Denis le Chartreux, dans leurs commentaires sur tous les Livres Saints. — 3° Modernes. Michel Ghislierius, Canticum Salomonis, Rome, 1609 ; Genebrard, Trium rabbinorum commentarium in Canticum, Paris, 1570, et Canticum versibus iambicis et commentariis explicatum, Paris, 1585 ; Titelmann, O. Cap., Comment, in Canticum cum adnotationibus, Anvers, 1547 ; Jean de Pineda, S. J., Prselectio sacra in Canticum, Séville, 1602 ; Del Rio, Commentarius literalis et catena mystica, Lyon, 1611 ; Bossuet, Canticum canticorum Salomonis, Paris, 1693 ; Kistemaker, Canticum illustratum, Munster, 18 18 ; Schuler, Das Hohelied, Wûrzbourg, 1858 ; Schæfer, Das Hohe Lied, Munster, 1876 ; Le Hir, Le Cantique des cantiques, précédé d’une étude sur le vrai sens du Cantique, par Grandvaux, Paris, 1883 ; Tiefenthal, O. S. B., Das Hohe Lied, in-8°, Kempten, 1889 ; Schegg, Das hohe Lied Salomo’s, Munich, 1885 ; Langen, Dos Hohelied nach seiner mystichen Erklàrung, in-8°, Fribourg-en-Brisgau, 1889 ; Ms r Meignan, dans Salomon, p. 288-354, Paris, 1890 ; Brevet, Le Cantique des cantiques, Paris, 1890 ; Gietmann, S. J., Comm. in Ëccl. et Canticum canticorum, Paris, 1890. — Protestants : Zockler, Das Hohelied, Bielefeld, 1868 ; Frz. Delitzsch, Hohes Lied und Koheleth, Leipzig, 1875 ; Stickel, Das Hohelied,
Berlin, 1888.- CAPALLA Jean Marie##
CAPALLA Jean Marie, religieux dominicain, né à Saluées, en Piémont, mort à Bologne le 2 novembre 1596. Il professa la théologie à Fænza et à Bologne, fut provincial de Lombardie et inquisiteur général à Crémone. Il a composé plusieurs écrits, parmi lesquels : Arca salutis humanæ sive Commentaria locupletissima in Testamentum et Passionem Jesu Christi, in-f°, Venise, 1606, ouvrage qui fut publié après la mort de son auteur par Vincent Farnutius, religieux du même ordre. — Voir Échard, Scriptores Ord. Prsedic, t. ii, p. 319.
B. Heurtehize.
- CAPÉRAN Armand Thomas##
CAPÉRAN Armand Thomas, orientaliste français, né à Dol le 6 avril 1754, mort au Tronchet le 26 novembre 1826. Il embrassa l’état ecclésiastique, et, forcé de quitter son pays pendant les troubles de la révolution, il visita presque toutes les contrées de l’Europe. Il demeura trois ans à Rome, et obtint dans cette ville une chaire de professeur de langues orientales. De retour en France, il se fixa au Tronchet, dans le diocèse de Rennes, lit ériger une paroisse en cette commune et en fut le premier curé. De ses nombreux écrits, nous mentionnerons : Sens prophétique du Lxrii* psaume de David : Exsurgat Deus et dissipentur inimici ejus, in-8°, Londres, 1800. La bibliothèque de Rennes possède plusieurs ouvrages ou fragments d’ouvrages manuscrits de cet orientaliste, parmi lesquels : Le sens historique et
prophétique des Lamentations de Jérémie, notes, commentaires et traduction latine du texte original.
B. Heurtehize.
CAPH, : , onzième lettre de l’alphabet hébreu, dont le nom signifie « main, paume de la main ». Le caph phénicien représente grossièrement une main, y, u. Dans
l’écriture hébraïque carrée, le 3 ressemble à la paume de la main fermée, et le C latin est le même signe renversé, parce que les Grecs et les Latins écrivirent de gauche à droite, tandis que les Phéniciens écrivaient de droite à gauche. La forme : n’est point primitive. Le xâima grec tire son nom et sa forme du caph phénicien. Voir Alphahétique (Poème).
1. CAPHAR, mot hébreu. kâfâr, qui signifie « village », et qui entre dans la composition d’un certain nombre de noms de lieux : Capharnaûm, Matth., iv, 13, etc. ; Kefar hâ-’ammôni, Jos., xviii, 24 (qeri : hâ-’ammônâh ; Vulgate : villa Emona) ; Capharsalama, I Mach., vii, 31. Voir aussi Caphara. Les noms de lieux commençant par Caphar deviennent surtout communs au commencement de l’ère chrétienne et après, comme on le voit par le’Talmud.
2. CAPHAR HÂ-’AMMÔNI ou HÂ-’AMMÔNÂH, nom
hébreu d’une localité appelée villa Emona par la Vulgate. Jos., xviii, 24. Voir Émona.
- CAPHARA##
CAPHARA (hébreu : hak-Kefîrâh, avec Tarticle, « le bourg, » Jos., IX, 17 ; xviii, 26 ; Kefirâh, I Esdr., Il, 25 ; II Esdr., vii, 29 ; Septante : Kepipà, Jos., ix, 17 ; xai 4>ipà, Jos., xviii, 27 ; Xaçipà, I Esdr., ii, 25 ; Kacpipà, II Esdr., vii, 29 ; Vulgate : Caphara, Jos., xviii, 26 ; Caphira, Jos., ix, 17 ; Cephira, I Esdr., ii, 25 ; IL Esdr., vu, 29), une des quatre villes des Gabaonites, Jos., ix, 17, assignée plus tard à la tribu de Benjamin, Jos., xviii, 26, et dont les habitants revinrent, après la captivité, sous la conduite de Zorobabel. I Esdr., ii, 25 ; II Esdr., vii, 29. Mentionnée avec Cariathiarim (Qariet el-’Énab), Jos., ix, 17 ; I Esd., ii, 25 ; II Esdr., vii, 29 ; Amosa (Khirbet Beit Mîzéh), Jos., xviii, 26 ; Gabaon (El-Djîb), Jos., ix, 17 ; Béroth (El-Biréh), Jos., ix, 17 ; I Esdr., ii, 25 ; Il Esdr., vii, 29, et Mesphé (peut-être Scha’fat), Jos., xviii, 26, elle a sa place marquée tout naturellement à l’ouest de la route qui va de Jérusalem à Naplouse, c’est-à-dire dans la partie occidentale de la tribu de Benjamin. C’est là qu’elle subsiste toujours sous le même nom de Kéfiréh (M. V. Guérin, Description de la Palestine, Judée, t. i, p. 284, écrit’ij^iS, Qefîréh, avec qof initial ; les explorateurs anglais, Survey of Western Palestine, Name lists, Londres, 1881, p. 297, donnent une orthographe plus conforme aux deux racines hébraïque et arabe en mettant le kaf, ak-oi ?, Kefîréh, « le petit village, » de yÀS, Kefr ; hébreu :-iss, kâfâr ; m » S3, kefirâh ) ; elle se trouve à l’ouest de Nébi Samouîl, au nord de Qariet el-Énab. Voir Benjamin, tribu et carte, t. i, col. 1589’.
Robinson, Biblical Researches in Palestine, Londres, 1856, t. iii, p. 146, est le premier Européen qui, passant un jour à Yâlô (Aïalon), entendit parler du village de Kefir ou Kefiréh et l’identifia avec l’ancienne Caphara ; mais il n’eut pas le loisir de l’examiner de près. Plus heureux, M. V. Guérin, Judée, t. i, p. 284-285, l’a visité et nous en a laissé la description la plus complète. Vingt minutes après avoir quitté Qatannéh, en suivant un sentier extrêmement raide, on remarque, dans les flancs supérieurs et méridionaux de la montagne, six grandes citernes antiques, creusées dans le roc et revêtues autrefois d’un ciment très épais, qui n’a pas encore complètement disparu. On voit ensuite les traces d’un premier mur d’enceinte, qui environnait la ville de Caphara, au
jourd’hui détruite de fond en comble, et était construit avec des blocs d’un assez grand appareil, mais très mal taillés et quelques-uns bruts encore. Plus haut, sur la pai’tie culminante de la montagne, une seconde enceinte, plus petite et bâtie de la même manière, dont on suit facilement le périmètre, enfermait l’acropole ou la citadelle. On y remarque, comme sur l’emplacement de la ville proprement dite, les vestiges de constructions presque entièrement détruites. L’intérieur de ces deux enceintes, inhabitées depuis de longs siècles, est envahi par de hautes herbes ou cultivé par les habitants de Qatannéh, qui y sèment chaque année de l’orge ou du froment. Ils y vénèrent, vers le nord-est, un ouaH, ombragé par deux vieux chênes verts et dédié à la mémoire d’un santon auquel, par un usage assez fréquent en Palestine, ils ont donné le nom même de la cité antique, en l’appelant Scheikh Abou Kafîr. Du sommet de l’ancienne acropole, un magnifique horizon se déroule aux regards. La vue se promène sur une multitude de montagnes, qui forment le grand massif de la Judée et de la Samarie ; à l’occident, la Méditerranée confond au loin son azur avec
celui du ciel.- CAPHARNAUM##
CAPHARNAUM, nom d’une petite ville qui devint la patrie d’adoption de Notre -Seigneur Jésus-Christ, sa ville, ï) c8 : ’a itoXiç. Matth., ix, 1 ; cf. iv, 13-17. Plusieurs prononcent Capernaûm, parce que quelques manuscrits du Nouveau Testament portent, en effet, Capernaiim, et que Ptolémée, dans sa Géographie, v, 16, 4, écrit aussi Komapvaoû|j.. Mais la leçon véritable est Capharnaùm, telle qu’elle se trouve dans les meilleurs textes, les plus anciennes versions (syriaque de Cureton et Peschito : Kaphar Nachum ; Vulgate : Capharnaùm), Marcion et les premiers Pères de l’Église. Nous lisons, en effet, Midrasch Koheleth, vii, 20, que les mots bibliques « le pécheur y sera pris » s’appliquent aux enfants de Kephar-Nahum ; enfin Josèphe, Vit., 72, parle d’un bourg, à peu de distance de Julias, qui s’appelait Ketp « pv(i(ir), et ailleurs, Bell, jud., III, x, 8, de la fontaine de Ka<p « pvaoû |j., qui arrosait la terre de Génésareth. L’étymologie du mot est Bourg de Nahum, à cause du tombeau, sinon du prophète Nahum, au moins de quelque rabbin portant un nom analogue ; ou Bourg de Consolation, parce que là devait se produire le Consolateur d’Israël.
I. Histoire. — Cette localité n’est pas mentionnée dans l’Ancien Testament, mais le district auquel elle devait appartenir est indiqué par la prophétie d’Isaïe, ix, 1 ; et saint Matthieu, iv, 15, 16, donne une portée très précise à ce texte. En revanche Capharnaùm, dans le Nouveau Testament, a une place d’honneur. C’est là le point de repère de la vie publique de Jésus en Galilée. Le Maître y établit son domicile, après avoir vainement essayé d’évangéliser ses concitoyens de Nazareth, Matth., iv, 13-16 ; Luc, iv, 16-31 ; et Capharnaùm sera si bien sa ville, Matth., ix, 1, qu’il y vivra désormais comme chez lui, dans la maison soit de Simon Pierre, soit de parents ou amis que l’Évangile ne nomme pas. C’est à Capharnaùm, au bureau des percepteurs, Matth., ix, 9, ou non loin de là, sur la grève, Marc, i, 16, 17, 20, qu’il s’attache définitivement une partie de ses disciples, Matthieu-Lévi, Pierre, André, Jacques et Jean ; c’est là qu’il opère de nombreux et éclatants miracles : guérison du serviteur d’un centenier, Matth., viii, 5, et Luc, vii, 1 ; de la belle-mère de Pierre, Matth., viii, 14 ; Marc, i, 30 ; Luc, iv, 38 ; du’paralylique, Matth., ix, 2 ; Marc, ii, 3 ; Luc, vi, 10 ; du possédé, Marc, i, 23 ; Luc, iv, 33 ; de l’hémorroïsse, Marc, v, 25, et tant d’autres ; là il ressuscite la fille de Jaïre, Marc, v, 22-43 ; là il paye l’impôt en recourant à un prodige ; là il prononce une série de discours célèbres : sur le jeûne, au banquet de Lévi-Matthieu, Matth., ix, 10-17 ; sur le formalisme des Pharisiens, Matth., xv, 1-20 ; sur la foi et l’eucharistie, Joa., vi, 22-71 ; sur l’humilité et divers autres sujets, Marc,
ix, 33-50. En nulle autre ville, Jésus ne manifesta plus énergiquement sa toute-puissance et sa bonté. Aussi faut-il reconnaître que, pendant la première période de sa vie publique, il y excita le plus vif enthousiasme religieux. Malheureusement le parti pharisaïque de Jérusalem vint bientôt y battre en brèche l’œuvre messianique, et les habitants de Capharnaùm, mobiles dans leurs impressions, comme il arrive presque toujours dans les milieux où domine le bien-être, prirent peu à peu une attitude hostile. On sait le triste adieu que le Maître adressa à cette cité infidèle, au moment de quitter la Galilée pour transporter en Judée le centre de son activité finale : « Et toi, Capharnaùm, monteras-tu toujours jusqu’au ciel ? Va, tu seras abaissée jusqu’au fond de l’abîme, etc. » Matth., xi, 23.
II. Site. — Cette parole s’est si terriblement accomplie, que retrouver aujourd’hui la place de Capharnaùm est un problème topographique des plus difficiles à résoudre. La tradition ecclésiastique, demeurant sur ce point peu précisée, ou même variable, ne saurait être d’un grand secours. Eusèbe, saint Jérôme et saint Épiphane désignent Capharnaùm comme un bourg (-/.<iu, r, ) ou une petite ville (oppidum), près de Tibériade, de Bethsaïde et de Chorozaïn. Dans VOnomasticon il est même dit par saint Jérôme, corrigeant Eusèbe, que Chorozaïn ruinée se trouve « in secundo lapide a Capharnaùm ». Au livre des Hérésies, 1. ii, Hssr., ii, 15, t. xli, col. 916, saint Épiphane, parlant de Bethsaïde et de Capharnaùm, dit : o-j jiaxpàv tû Siiavfii.at<.. Il y a même dans cet auteur un détail intéressant, c’est que l’empereur Constantin permit à un Juif converti, nommé Joseph, de bâtir à Capharnaùm, habité jusqu’alors exclusivement par des Juifs, une église chrétienne, comme à Tibériade, à Sepphoris et à Nazareth. C’est cette église qu’Antonin le Martyr, t. lxxii, col. 901, dit avoir visitée. Elle avait été bâtie sur la maison même de saint Pierre : « Venimus in civitatem Capharnaùm, in domum beati Pétri, quee est modo basilica. » Arculfe, t. lxxxviii, col. 801, à la fin du vu" siècle, voit, mais seulement à distance et du haut d’une colline, Capharnaùm, qui n’a pas de mur d’enceinte et se compose d’une longue suite de maisons bâties le long du lac, dans la direction du couchant au levant, sur un point où une montagne, au nord, et le lac, au sud, laissent peu d’espace libre. Au xme siècle, Brocard, Locorum Terrse Sanctse desçriplio, dans Ugolini, Thésaurus, t. vi, col. mxxxiv, ne trouve plus sur les ruines de Capharnaùm que sept cabanes de misérables pêcheurs, qui conservent encore le nom de l’antique cité. Après cela ce nom même disparaît, et il ne nous reste, pour essayer de retrouver le site perdu, qu’à combiner les diverses indications topographiques de l’Évangile, de Josèphe et des premiers pèlerins chrétiens.
D’après l’Évangile, Matth., iv, 13 ; Joa., vi, 21, Capharnaùm est une ville située sur le bord occidental du lac de Génésareth, sur le chemin de la mer, au point de contact des anciennes tribus de Nephthali au nord, et de Zabulon au sud. Elle est sur la terre de Génésareth, Matth., xiv, 34 ; Joa., vi, 17, 21, 24. Quand on vient de Nazareth ou de Cana, on descend pour y arriver, Joa., n, 12 ; Luc, iv, 31, bien qu’elle ait pu être bâtie sur une colline, comme l’indique pour quelques exegètes le mot j’iwôsïda dans l’adieu menaçant que lui adresse Jésus. Matth., xi, 23. Les évangélistes l’appellent invariablement « une ville ». Matth., ix, 1 ; Marc, i, 33. Toutefois elle ne paraît avoir eu qu’une synagogue, bâtie comme œuvre charitable, par le centurion qui commandait le détachement de soldats romains cantonnés sur ce point. Luc, vu, 1, 8 ; Matth., viii, 9. C’était une station de douaniers ou de percepteurs d’impôts, Matth., ix, 9 ; Marc, ii, 14 ; Luc, v, 27, justement parce qu’elle se trouvait sur la grande route des caravanes allant de Damas vers Césarée ou vers l’Egypte. Quaresmius, Elucidatio, Venise, 1882, t. ii, p. 653.
A ces indications ; Josèphe en ajoute deux assez importantes : l’une est dans su Biographie, § 72, où il raconte que, s’étant blessé à la main en tombant de cheval, tandis qu’il poursuivait les ennemis, échelonnés sur les routes conduisant à Cana et à la forteresse de Gamala, il fut transporté au bourg de Képharnomé, où il passa la journée en proie à la fièvre ; l’autre est dans le passage où, nous décrivant la plaine de Génésareth, Bell. jud., III, x, 8, il observe qu’elle est arrosée dans sa longueur, SiipSeTai, par une source très fécondante, à laquelle les habitants du pays donnent le nom de Capharnaoum, Ka^apvaoù[i a
r’/ xaXoO<riv. Ce nom étant, comme sa première partie l’indique, celui d’un village, il est évident que la fontaine l’empruntait au lieu d’où elle venait, et un moyen assez sur de préciser le site de la petite ville perdue sera de retrouver la source elle-même, avec le long développement que Josèphe lui assigne dans la plaine
.s-.--* r=, =" Si’i -.-î^Tl’ï. A-~£ -1- =’64. — Carte de la partie nordouest du lac de Tlbériade.
de Génésareth. De tous les arguments à produire dans une question fort débattue, il me semble que le plus puissant doit venir de cette recherche même. Aussi, dans notre second voyage en Orient, au printemps de l’année 1894, nous sommes-nous préoccupé plus particulièrement de la fameuse source, et nous allons exposer le résultat de nos investigations.
Il y a, parmi les savants, deux opinions courantes à propos du site de Capharnaùm : les uns placent la petite ville dans l’anse de Tell - Houm, les autres vers le petit promontoire qui s’élève entre Miniyéh et Aïn -Tabagha. Voir la carte (fig. 61). La première hypothèse, que nous avions adoptée avec Wilson, Ritter, Van de Velde, Bonar, Thomson, dans notre Vie de NotreSeigneur Jésus-Christ, ne me parut plus soutenable du jour où, en 1888, j’eus étudié la question sur place. Tell -Houm est à près de cinq kilomètres de la plaine d’El - Ghoueïr, le petit Rhôr, ou la petite vallée, la seule, autour du lac, qui corresponde à la description faite par Josèphe de la plaine de Génésareth. Or les indications de saint Marc, vi, 45, 53, et de saint Jean, vi, 21, supposent que Capharnaùm était dans cette plaine. En outre, Tell-Houm n’a pas de fontaine importante. Les terres où il se trouve sont plus hautes que l’Aïn -Tabagha, et une série de collines les en sépare. Xi nominalement ni effectivement, la source de Tabagha n’a jamais pu, à travers quatre kilomètres, se rattacher à la ville dont les ruines sont
à Tell-Houm. Dès lors comment expliquer son nom de Capharnaiim ? Josèphe s’est-il trompé en la désignant ainsi ? Il devait pourtant connaître le pays, puisqu’il y avait fait la guerre. Supposer que la fontaine n’avait rien de commun avec la bourgade, tout en portant le même nom et en se trouvant dans les mêmes parages, semble d’autant plus violent, que le nom même, dans sa première partie, Caphar, indique, comme nous l’avons déjà dit, un village et non une source. Ajoutons à ces observations que jamais une grande voie de communication, via maris, ne paraît être passée par Tell-Houm. Les khans actuels marquent encore les grandes routes antiques, et ceux-là ne sont pas du côté de Tell-Houm. Tout au plus si l’on y retrouve des indications de petits chemins ayant relié cette ville à celles qui étaient près du petit Jourdain. En tout cas, on s’éloigne ici de plus en plus des confins de Zabulon et de Nepththali. Il n’y a jamais eu dans l’anse de Tell-Houm un lieu de transit propice soit pour les caravanes, on y est en dehors des voies principales de communication ; soit pour les barques, le rivage n’y offre pas même l’emplacement d’un petit port. Des douaniers ou percepteurs y auraient été mal postés. Les seules raisons qu’on ait d’identifier Tell-Houm avec Capharnaùm sont généralement prises d’indications de pèlerins, mal données ou mal comprises, d’une ressemblance de nom fort arbitraire, et enfin des ruines importantes qu’on y trouve. Les témoignages des pèlerins, tels que nous les donnerons tout à l’heure, ne disent rien de concluant en faveur de Tell-Houm, si l’on fixe bien le point de départ des voyageurs. Que Caphar, village, soit devenu Tell, amas de ruines, c’est possible ; mais que Nachurn soit devenu Houm, par la suppression de la première syllabe, qui est la caractéristique du mot, c’est fort douteux. Josèphe, dans sa biographie, défigure bien un peu le nom ; mais il se garde de supprimer le nun, et dit Capharnomé. On a donc bien fait de chercher une autre explication à cette dénomination de Tell-Houm, et les uns ont supposé qu’il faut le traduire par la Butle-Noire (Houm signifie « noir » dans l’arabe moderne, comme dans l’hébreu, et les énormes blocs de basalte qui sont mêlés aux ruines leur donnent un sombre aspect), les autres voulant y voir la Butte-des-Chameaux, le mot Houm signifiant aussi, en arabe, « troupe de chameaux. » Plusieurs prétendent que Tell-Houm est une corruption de Tanchum, nom d’un rabbin célèbre enseveli en ce lieu. Voir Keim, Jésus de Nazareth, trad. angl. de Geldart, Londres, 1876, t. ii, p. 369.
Quant aux ruines elles-mêmes (fig. 65), dont nous ne contestons pas l’importance relative, elles prouvent tout simplement qu’il y eut là une petite ville où, après la destruction de Jérusalem, les Juifs s’étaient groupés, comme en un lieu presque solitaire, en dehors de la voie romaine, caché au pied des montagnes, où il était facile de se faire oublier. Si, en effet, il y a encore tant de ruines à Tell-Houm, c’est que les chameaux et les betes de somme n’y arrivent pas aisément, et que les barques elles-mêmes doivent stationner à quelque distance de la grève ; sans cela le site serait aussi dépourvu de pierres taillées qu’à Tabagha et à Khan Miniyéh. Sans doute il y aurait un charme réel pour notre piété à se dire que ces fûts de colonnes, sur lesquels nous nous sommes assis, sont ceux-là mêmes qui entendirent le Maître instruisant la foule, guérissant les malades, prononçant le sublime discours sur le pain de vie. Mais ce serait là de l’enthousiasme mal fondé. Il suffit d’avoir visité les synagogues encore à moitié debout de Meiroun et surtout de Kefr-Beram, au-dessus de Safed, pour reconnaître que celle de Tell - Houm remonte exactement à la même époque. La ressemblance de celle-ci avec les deux de Kefr-Beram est particulièrement frappante. Non seulement l’orientation du sud au nord est la même, mais l’entrée y eut les même ? portes, deux latérales rectangulaires avec moulures à crossette, sur des pieds droits, et une au milieu, plus
grande que les deux autres, avec remarquable linteau orné de feuilles de vignes, de raisins, et une rosace. Il suffit pour s’en convaincre d’examiner les arasements et les débris de l’édifice de Tell-Houm. À l’intérieur se dressèrent des colonnes monolithes pareilles, avec demicolonnes prises dans deux piliers carrés. Enfin, pour achever la ressemblance, on vient de retrouver à Telllloum, sur une plaque de marbre, une inscription hébraïque qu’on a transportée à Jérusalem, ce qui nous a privé de la lire, mais dont la teneur rappelle très probablement, d’après le peu qu’on nous en a dit, les inscriptions de Kefr-Beram : « Que Dieu donne la paix
étendue que celle du sud, n’est traversée que par l’ouadi Amoud, torrent absolument sec au temps des chaleurs. Aussi avait-on songé, de très bonne heure, à amener dans cette partie de la plaine des eaux très abondantes, venant du nord-est, à travers un petit promontoire qui limite au nord la terre de Génésareth. La large entaille pratiquée dans le roc sur la partie orientale de ce promontoire en est la preuve.
Quand nous l’examinâmes pour la première fois, en 1888, on nous assura que ce travail considérable, — il mesure 140 mètres de long sur l m 20 en moyenne de large, — avait été fait pour conduire de l’eau à quelques
G5. — Ruines de Tell-Houm. D’après une photographie de M. L. Heidet.
à ce lieu et à tous les lieux d’Israël. C’est le lévite Joseph. , fils de Lévi, qui a fait ceci. Que la bénédiction soit sur son œuvre. »
Laissant donc de côté ces indications insuffisantes, il faut, pour chercher utilement le site de Capharnaùm, en suivre de plus précises. Deux semblent particulièrement décisives : la première c’est que, d’après les Évangiles, comme d’après Josèphe, Capharnaùm fut au moins limitrophe de la terre de Génésareth ; la seconde, c’est que de cette cité partait une grande fontaine, arrosant de part en part, dans sa majeure partie, 8tâp5=7ït, la plaine fameuse. Cette plaine, espèce d’arc dont la corde, marquée par le lac, mesure six kilomètres, et la flèche, <ie l’est à l’ouest, quatre, se trouve largement pourvue d’eau, dans sa partie méridionale, par l’ouadi Hamam, la fontaine Ronde ou Aïn el-Moudaoueréh, et l’ouadi Rabâdiyéh, qui est des trois ruisseaux le plus important, puisqu’il fait marcher des moulins. La partie septentrionale de la petite plaine, deux fois plus importante comme
jardins qui environnent KhanMiniéh ( t. I, fig. 517, col. 1717), et y faire marcher un moulin. En réalité, on nous avait montré la trace d’un déversoir au-dessus de la fontaine du Figuier, Aïn et-Tîn. Toutefois, avec plus de réflexion, il nous avait paru inadmissible qu’on eût créé un si long aqueduc, contournant la colline sur un développement de trois kilomètres, et débouchant finalement à travers de grandes roches taillées, pour alimenter un moulin ou arroser quelques terres à côté de la fontaine d’Ain et-Tîn. C’était peu raisonnable, et la pensée se présenta désormais obstinément à nous que l’aqueduc ne s’arrêtait pas à KhanMiniéh, mais qu’il contournait la plaine de Génésareth. Lors donc que nous sommes revenus, en avril 1894, à Ain-Tabagha (t. i, fig. 516, col. 1715), notre première préoccupation fut d’aller constater que nos prévisions étaient fondées. Un peu au-dessus du khan en ruines, nous perdîmes la trace de l’aqueduc, mais pour la retrouver cinquante mètres plus loin, et la suivre désormais pendant très longtemps II y
a dans la construction de l’aqueduc de Tabagha cela de particulier, que, comme à celui qui descend des Vasques de Salomon à Jérusalem, la pente est insensible. Grâce à ce ménagement très habile du niveau, l’eau de Tabagah contournait et arrosait toute la. partie nord-ouest de la plaine, et l’expression StâpSsToa se trouve ainsi absolument fondée. La joie de D. Zéphyrin, l’aumônier qui garde la fondation récente du comité catholique autrichien à Tabagha, fut non moins vive que la nôtre devant cette constatation négligée jusqu’à ce jour. Restait une objection. Des deux grandes sources qui jaillissent à Tabagha, une seule est réellement apte à féconder les terres, ce n’est pas celle de la tour octogonale dite d’Ali-el-Daher, car elle est sulfureuse et alcaline, et on l’emploie uniquement à faire mouvoir des moulins ; mais bien celle de Tannour-el-Hasel, qui est un peu au nord-est et plus élevée dans les terres. La plupart des explorateurs de ce site ont cru que la première seule pouvait alimenter le canal se déversant dans la plaine de Génésareth, et dès lors ils rejetaient à priori la pensée qu’on eût jamais essayé de conduire au loin des eaux si peu favorables à la culture. Or ils se trompaient sur la source déviée dans l’antique aqueduc. De celle d’Ali-el-Daher jamais on ne s’est préoccupé, mais bien de celle de Tannourel-Hasel, qui, s’élevant dans sa tour jusqu’à sept mètres de haut, en un point qui domine toute la petite baie, allait contourner les collines de l’est à l’ouest, franchissait sur des piles dont les arasements subsistent encore deux lits de torrent, et atteignait enfin au bout du circuit le passage creusé dans le roc dont nous avons parlé tout à l’heure, pour déboucher dans la vallée de Génésareth.
Ce point important étant pour nous définitivement établi, nous sommes amené à conclure que la ville de Capbarnaùm, à laquelle la fontaine devrait son nom, fut soit à la source de Tabagha, soit à Miniyéh, où elle débouchait dans la plaine de Génésareth, sur l’un des deux versants, nord ou sud, du petit promontoire d’El-Arimah, à moins d’admettre, ce qui peut paraître très vraisemblable, que Capharnaûm fut sur le promontoire lui-même. La petite hauteur, en effet, a été jadis disposée en étages successifs, où, au milieu de débris de poterie, on voit la trace d’escaliers et de maisons. Les fouilles faites pour construire l’établissement du comité catholique autrichien viennent de prouver qu’il y avait eu sur le versant nord des constructions très anciennes. D’autre part, le petit port ensablé dont on voit encore le circuit près d’Ain et-Tin indique nettement qu’il y eut là un centre ou petit entrepôt de commerce. En plaçant Capharnaûm sur ce point, on comprend qu’il fût occupé par un détachement de soldats romains, car il commandait au nord la plaine de Génésareth, comme Magdala la fermait au sud. C’était aussi un excellent poste de douane, surveillant tout à la fois la voie romaine et le chemin de transit longeant le lac ; car à ce point il n’est plus possible de suivre la grève, la colline rocheuse s’avance abrupte dans les eaux, et il faut nécessairement la gravir pour franchir ce passage. Le petit port, qu’abritait le pro. inontoire, et la grande route des caravanes venant de Damas faisaient de Miniyéh un site privilégié et de première importance. C’est peut-être sur cette route des caravanes, où Sylla avait échelonné des troupes pour isoler Cana, que Josèphe tomba de cheval ; car il n’est nullement dit que l’accident lui soit arrivé aux portes de Julias, et il y a des endroits marécageux, après les pluies, ailleurs que sur les bords du Jourdain. En tout cas, Capharnaûm dut être le point où l’on aboutissait le plus aisément par une bonne route, ce qui était important pour un blessé, et la place défendue où l’on pouvait stationner sans redouter un coup de main de l’ennemi, ce qui ne paraît pas avoir été la moindre préoccupation du général, car, dès la nuit suivante, il voulut être transporté : à Tarichée.’Le nom de Capharnaûm s’est perdu, comme presque.
tous les autres, sur ces bords du lac où la désolation la plus complète règne depuis tant de siècles ; cependant on a cru, non sans quelque vraisemblance, y retrouver une allusion dans le mot Miniyéh, dénomination haineuse que les Juifs lui auraient substituée. Communément on dit que Miniyéh, diminutif de Minah, signifie « petit port » -Mais, dans sa racine hébraïque et araméenne, il signifie « la chance », et dans le Talmud sont appelés Minai les sorciers, les jeteurs de sort. Cette injurieuse épithète se trouve, dès les temps les plus reculés, appliquée aux Juifs devenus chrétiens, et il est curieux de voir dansla littérature rabbinique les pécheurs, Huta, appeléstantôt « fils de Capharnaûm », tantôt « Minaï ». Voir Buxtorf, Lexicon rabbin., in-f°, Bàle, 16W, col. 1200. Cf. Midrasch Koheleth, fol. 85, 2. L’expression était même passée dans le langage usuel, et quand, en 1334, Isaac Chelo va de Tibériade à Kcfr-Anam, il laisse à sa droite, en entrant dans l’ouadi el-Amoud, les ruines de-Capharnaûm à deux kilomètres environ, en observant que là habitèrent jadis les Minaï, sans doute parce quelà Jésus avait fait ses premiers prosélytes. Voir Carmoly, Itinéraires, p. 259 et 260.
On pourra contester l’importance de la tradition juivesur ce point, mais l’unanimité avec laquelle elle place-Capharnaûm à Miniyéh n’en est pas moins frappante. Quant à la tradition chrétienne, tout en paraissant au premier coup d’œil peu précise, elle finit, dans son immense majorité, par conclure dans le même sens. Ainsi, à commencer par saint Jérôme, l’indication qu’il donne en mettant Corozaïn au second milliaire après Capharnaûm (sans compter qu’elle peut être inexacte, car pour corriger l’erreur d’Eusèbe, qui avait dit au douzième, il a supprimé rondement la dizaine) s’accommode mieux du site de Miniyéh que de celui de Tell-Houm ; car de Miniyéh au point où il fallait quitter la voie romaine pour descendre aux ruines actuelles de Khorazéh, il n’y a guère plus de deux milles. De Tell-Houm aucune voie romaine n’allait sur Khorazéh, et si la distance est un peu moins grande que de Miniyéh, les communications étaient plus difficiles, et en tout cas impossibles à déterminer par des bornes milliaires. Dans le livre de Théodose, De silu Terres Sanctse, an 530, il est dit qu’il y a de Tibériade à Magdala deux milles, de Magdala aux Sept-Fontaines (probablement la fontaine Ronde) deux milles (dans le De Terra Sancta il dit cinq, peut-être parce qu’il visele lieu de la multiplication des pains), des SeptFontaines à Capharnaûm deux milles, de Capharnaûm i Bethsaïde six. Voir Itinera, édit. Tobler, t. i, p. 72 et 83.
Quoi qu’il en soit de la distance entre les SeptFontaines et Capharnaûm, au moins celle de Capharnaûm à Bethsaïde est acquise. Or très certainement il n’y a pas huit kilomètres de Tell-Houm au Jourdain où fut Bethsaïde. Antonin le Martyr ne précise rien ; mais dans le voyage d’Arculfe, édit. Tobler, p. 183, il est dit qu’on va de Tibériade, en laissant à gauche le chemin qui mène au lieude la multiplication des pains (probablement de l’endroit mentionné dans Théodose), à Capharnaûm, et qu’à partir de ce chemin de bifurcation on y arrive bientôt tout en suivant la plage. Arculfe n’y arrive pas, mais il voit de sur la montagne la petite ville, allant de l’ouest à l’est et resserrée entre une colline au nord et le lac au sud. Son récit est vague, comme celui d’un homme qui a vu de loin. UHodœporicon de saint Willibald, Itinera, édit. Tobler, t. ii, p. 261, constate qu’en partant de Tibériade et en longeant le lac, on arrive d’abord à Magdala, ensuite à Capharnaûm, de là à Bethsaïde où l’on couche, pour se rendre le lendemain à Chorozaïn. Ceci devient catégorique en faveur de Miniyéh. Le dominicain Brocard, dans le récit du voyage qu’il fit, en 1282, met seulement une lieue entre le mont des Béatitudes et Capharnaûm, qu’il trouve misérable, réduit à sept maisons de pauvres pêcheurs. Voir Locorum Terrx Sanctse Descriptio, c. iv, Il et 12, dans Ugolini, Thésaurus, t. vi, col. mxxxiv. Ces
maisons sont à deux lieues du point où le Jourdain se jette dans le lac. C’est certainement le site de Miniyéh qu’il vise. Enfin, au commencement du xviie siècle, quaresmius, Elucidatio Terrai Sanctae., 1. vii, c. viii, "Venise, 1882, t. ii, p. 653, place positivement en ce lieu Capharnaûm, et déclare qu’on y voyait encore de nombreuses ruines. Enfin ajoutons que, dans la série des malédictions adressées aux villes du lac, Notre-Seigneur parle d’abord à Corozaïn, ensuite à Bethsaïde, et termine par Capharnaûm, indiquant ainsi qu’il ne faut pas chercher cette dernière entre les deux autres, mais en deçà des deux autres.
Il est regrettable que des fouilles mieux suivies, soit à
p. 184 et suiv., et Recovery of Jérusalem, p. 342 ; — et en faveur de Miniyéh : Robinson, Biblical Researches, 1856, t. iii, p. 347-357 ; Conder, Tentwork in Palestine, t. ii, p. 182 et suiv. ; Kitcbener. Quarterly Statement of the Palestine Exploration Fund, juillet 1879 ; Merril, East of the Jordan, p. 467 ; notre Voyage aux pays bibliques, Paris, 1890, t. ii, p. 232 et suiv. E. Le Camus.
- CAPHARSALAMA##
CAPHARSALAMA (Xa<pap<nx).a[xc< ; syriaque : JbàSA. « -2LS, Kefar slômôh, « village de la paix ; » cf. Ghem. de Jérus., Aboda zara, ꝟ. 44 6), localité inconnue où les troupes du général syrien Nicanor furent taillées en pièces par Judas Machabée. I Mach., vii, 31.
C6. — Ediflce construit à Tell-Houm par les Franciscains. D’après une photographie de M. L. Heidet.
Tell-Houm, soit à Tabagha et à Miniyéh, ne viennent pas trancher enfin un débat où l’on se passionne d’autant plus que la foi chrétienne aurait une plus vive satisfaction à se dire : C’est bien là que le Maître a vécu, parlé, opéré des prodiges, constitué le premier noyau de son Eglise. Les Pères Franciscains, qui, après avoir acheté Tell-Houm, y ont déjà construit un petit édifice (fig. 66), ne tarderont pas. sans doute à fouiller les belles ruines dont ils sont les propriétaires. Espérons que, de son côté, le comité catholique de Tabagha ne se découragera pas, et exhumera des antiquités qui parleront plus sûrement que les indications des pèlerins et que toutes les argumentations hypothétiques des archéologues.
Consulter en faveur de Tell-Houm : V. Guérin, Galilée, t. i, p. 227 et suiv. ; Dr Wilson, Lands of the Bible, t. ii, p. 139-149 ; Ritter, Erdkunde, t. xv, p. 335-343 ; Thomson, The Land and the Book, t. i, p. 542 et suiv. ; Ruckert, Reise dwch Palâstina, p. 381 ; le major Wilson, dans Plumptre’s, Bible Educalor, t. iii,
Josèphe, Ant. jud, XII, x, 4, l’appelle « village », xiijir ; Kccp(xp<Ta).a|iâ. U paraît avoir été dans le voisinage de Jérusalem et au sud de cette ville, parce qu’il est dit que les fuyards syriens se réfugièrent dans « la cité de David ». I Mach., vii, 32 ; cꝟ. 33, 39. On a émis l’hypothèse que Capharsalama pourrait être identique au village actuel de Siloam, au sud de Jérusalem, appelé par les Arabes KefvSelouan ; mais il est peu vraisemblable que la bataille ait été livrée si près de Jérusalem et en un pareil lieu. Les autres identifications qu’on a proposées avec Caphargamala, patrie du prêtre Lucien, à vingt milles de Jérusalem, et avec Carvasalim, près de Ramléh, aux confins de la Samarie, ne sont pas mieux établies.
F. Vigouroux.
- CAPHÉTÉTHA##
CAPHÉTÉTHA (Xocpevafti), nom d’une partie du mur de Jérusalem, qui était située à l’est de la ville. Jonathas Machabée le fit réparer. I Mach., xii, 37. Les fondements en étant trop faibles, il avait dû s’écrouler dans le torrent du Cédron. L’élymologie du nom est
inconnue, et la forme véritable en est elle-même incertaine. Le texte syriaque porte J J^*lâ.flOâ, Kesfomfo’, et quelques manuscrits grecs (Cod. 64, 93) Xao-çevafià. On a rapproché ce mot du chaldaïque xii’JSD, kafnîtâ", « datte non mure, » Buxtorf, Lexicon chaldaicum, col. 1071, et l’on y a vu une allusion à la fertilité de la vallée, comme dans le nom de Béthanie, « maison des dattes, » de Bethphagé, « maison des figues, » et du mont des Oliviers lui-même, toutes localités voisines de Céphététha ou Céphénatha. Josèphe ne parle point de ce mur.
F. Vigouroux.
CAPHIRA. La Vulgate écrit ainsi, Jos., ix, 17, le nom de la ville de Palestine qu’elle écrit Caphara, Jos., xviii, 26, et Céphira, I Esdr., ii, 25 ; II Esdr., vii, 29. Voir Caphara.
- CAPHTOR##
CAPHTOR (hébreu : Kaftôr ; Septante : KairoaSoxi’a ; Vulgate : Cappadocia), nom du pays d’où venaient les Caphtorim. Deut., ir, 23 ; Jer., xlvii, 4 ; Amos, IX, 7. Voir Cappadoce 1 et Caphtorim.
- CAPHTORIM##
CAPHTORIM (hébreu : Kafpôrim, Gen., x, 14 ; Deut., il, 23 ; I Par., i, 12 ; Septante : ra ?Topiei|jL, Gen., x, 14 ; K « 7t7tâ80-/.E{, Deut., Il, 23 ; omis I Par., i, 12 ; Codex Alexandrinus : Kaçpopieîjj. ; Vulgate : Caphtorim, Gen., x, 14 ; I Par., i, 12 ; Cappadoces, Deut., ii, 23. — Hébreu : Kaftôr, Deut., ii, 23 ; Jer., xlvii, 4 ; Amos, ix, 7 ; Septante : KaTCTiafioxïa ; Vulgate : Cappadocia), nom d’une population comptée parmi les descendants de Mizraïm dans la table ethnographique du chapitre x de la Genèse. D’après Deut., ii, 23, elle chassa lés Hévéens qui habitaient jusqu’à Gaza et en occupa le territoire. En ce dernier passage les Septante traduisent par KaTt71dc80xEç, . suivis en cela par d’anciens commentateurs comme Eusèbe, saint Jérôme, saint Cyrille, Théodoret, Procope et d’autres plus récents. Calmet, après avoir pensé que les Caphtorim
sortaient de l’île de Chypre, soutint ensuite qu’ils étaient venus de Crète. Voir Crète. À cette dernière g) opinionsesontrangésLenormant, f - Dillmann. Voir Céréthéens, col. 413.Mais Ebers, Aegyptenunddie Bûcher Moses, m-9f>, Leipzig, 1886, p. 127 sq., et H. Brugsch, Geographie ^, ii, p 87, prétendentque les Caphtorim sont partis d’Egypte. 1° Les noms des peuples indi qués dans la Genèse comme descendants de Mizraïm, père des
Égyptiens, ont été reconnus dans les monuments par Ebers, ouvr. cité, et ses conclusions ont été en général favorablement accueillies
67 - Kfa Soleb d68 é gyP tolo g ues - Pour les Ka f~
xW ajnakk D^rès * Jr&w - U reconnaît t i racine de
Lepsius, ner, kmà<er, ce nom > K f a ou Ka f l > dans
Àbth. iii, Bl. 88. quelques monuments égyptiens,
comme dans l’inscription du trône
de Thothmès III, où parmi les peuples vaincus figure
Kfa ( lig. 67). Lepsius, Denkmàler, Bl. iii, Abth. 88 a.
Dans d’autres monuments on lit’—Y — " ! tr J » *- « , « JV’* I I II i^iMt’Kfa àau hir uat’ur, « Kfa, côtes sur la grande mer. » Le signe <^, déterminant des iles, a fait croire à plusieurs que Kfa était
une île, l’Ile de Crète. Mais <^s ou I jk egsa, àa,
signifie « côte » aussi bien qu’ « île », comme >N, ’î, en hébreu, employé précisément devant Kaftôr, Jer., XL vii, 4.
De plus il faut observer que dans l’inscription de Tothmès III, déjà citée, le nom de Kaf est associé à celui de Naharina ou Mésopotamie et à d’autres contrées qui ne sont certainement pas des îles. Le même nom se lit sur la stèle bilingue de Tanis ou de Canope, où l’on parle du blé apporté de différentes régions : Em Rotennu abli, em ta en Kaft, em aa Nabinaï enli em hir ab uat’ur, « Des Rotennu de l’est (Syrie), de la terre de Kaft, de l’île de Nabinaï (Chypre), qui est dans la grande mer. » Dans la traduction grecque du décret égyptien, au mot Rotennu correspond’iv. Evpîaç ; à Nabinaï, KÛTipov, et le nom de Kaft est traduit par çoivt’xri ; . Cf. Reinisch, Die Zweisprachige Inschrift von Tanis, Vienne, 1866, lign. 9. D’où Ebers conclut que Kaft et la Phénicie sont la même chose ; de plus, rapprochant ce nom de celui de Koptos, qui se trouve écrit Kabt et Kba, il pense que Kaft devint le nom même de Afyvmto ; . Ainsi nous
avons I a~ » a J^ I fi, « Isis de Kabt, » Brugsch, Geogr. Inschriften, 1, 198, et l.<*>." « » Q J II Q, « Osiris,
seigneur de Kabta, » Lepsius, Denkmàler, iii, 223 c, où le signe des peuples étrangers indique que dans Koplos il y avait des colonies étrangères. D’après Ebers, les Phéniciens s’étaient établis sur les côtes du Delta à une époque très ancienne, et peut-être même furentils les premiers que les Égyptiens rencontrèrent jusqu’à la mer. Ils avaient appelé ce littoral sinueux iii, ’î, « île, » et nr ; , Kefat, « sinuosité, » d’où l’égyptien kab et akab, avec la même signification. Le nom même de mnSD >n, ’i Kaftôr, se trouve dans Jérémie, xlvii, 4. Donc le nom de Kaft, que les Égyptiens donnaient aux Phéniciens et à leurs colonies, dérive, d’après Ebers, de celui-là même que les Phéniciens portaient durant leur séjour dans le Delta. Les Phéniciens appelaient tout leur pays du nom de Kaft ; mais pour distinguer leurs colonies d’Egypte de la Phénicie proprement dite, ils donnèrent aux colonies le nom de Kaft-ur, Magna Phœnicia ; cf. Magna Grsecia.
2° L’opinion d’Ebers sur les Caphtorim n’a pas été universellement acceptée ; et récemment le P. de Cara, Gli Hethei-Pelasgi, Ricerche di storiae di archeologia orientale, greca ed italica, Rome, 1894, t. i, p. 459 et suiv., a proposé une autre explication. Il soutient que l’origine Cretoise des Caphtorim n’est pas bien établie, puisqu’elle est fondée seulement sur le nom de » m3, Cerethi, de I Reg., xxx, 14, et sur celui de D>rTD, Kerêfîm, d’Ézéchiel, xxv, 16 (Vulgate : inlerfectores) et de Sophonie, ii, 5 (Vulgate : perditorum). Dans ces trois passages, les Septante et le syriaque ont vu les Cretois. Mais ce nom est synonyme de Philistins et indique une tribu de ce peuple au sud-ouest du pays de Chanaan. Nous n’avons aucune preuve non plus que les Philistins soient venus de la Carie, comme le prétendent ceux qui rattachent étymologiquement ce nom à celui de Cerethi. Du reste, ce nom de Cerethi peut s’expliquer autrement, et il est à noter qu’il se donne aussi à quelques gardes du corps.
Le pays de Caphtor est appelé « île », >N, ’i ; mais ce nom peut signifier aussi « plage » ou « côte maritime » : donc les Caphtorim ne sont pas nécessairement les Cretois. D’un autre côté, on ne peut prouver certainement que Ai-Capht soit l’élymologie de AiyurcTo ; , qui du reste, d’après le plus grand nombre des égyptologues, se
dérive de À j J | J Q, Ha-Ka-Ptah, « la demeure
du double de Ptah, » nom très ancien de Memphis, où il y avait un temple consacré au dieu Ptah. Et à son avis il n’y a pas de preuve historique qu’un peuple soit venu d’Egypte pour chasser les Hévéens et prendre leur place.
Selon son opinion, Caphtor dérive de » —, Kaf ii,
ou jk --, Kafa, des inscriptions hiéroglyphiques,
nom qui exprime la Phénicie, d’après l’inscription do
Canope, comme on l’a vu plus haut, liais ici la Phénicie doit se prendre dans un sens large, comprenant sous cette dénomination toute la contrée placée à l’ouest de la
Palestine et de la Syrie, dite aussi i "V^ JM --’, Kar
ou Kal. Et l’on doit entendre la Phénicie au sens de pays et non de race, c’est-à-dire au sens géographique et non ethnographique. Dans la Phénicie, habitée d’abord par des populations chamites, vinrent s’établir plus tard des Sémites, tels que les Phéniciens, si célèbres dans l’histoire de la civilisation ; et parmi les habitants les plus anciens de cette région nous devons compter aussi les Caphtorim. Quant au suffixe or du nom de Caphtor, le P. de Cara ne croit pas qu’il vienne de l’égyptien ur, « grand ; » mais ce serait un suffixe indiquant l’appartenance, et Caphtor signifierait « la terre des Cafti ou Chefti », nom qu’il trouve donné à un pays où s’établirent les Héthéens chamites, identifiés par lui avec les prolopélasges. De là, selon les plus récentes études, les Caphtorim furent des peuples chamites de la même souche que les Egyptiens, établis à une époque très reculée le long de la côle de la mer Méditerranée, où fut la terre de Kapht, appelée plus tard Phénicie. Ils appartenaient à la grande confédération des Héthéens, dont les nouvelles recherches de M. Sayce et du P. de Cara nous ont permis d’apprécier l’importance. C’est pourquoi par l’Ile de Caphlor d’où sortirent les Caphtorim nous devons entendre les côtes maritimes de la Palestine et de la Syrie septentrionale. Enfln la version KarniiSo-zie ; des Septante, d’où dépend Cappadoces de la Vulgate, qu’Ebers accusait d’inexactitude, est en somme bien fondée. En fait, le nom de Cappadoce nous est connu seulement sous la forme persane de Katapatuka ou Katpatuka ; et il est certain <jue les Perses modifièrent selon les lois de leur langage un mot déjà existant. Or. les Cappadociens sont appelés Chananéens par Philon, in Caten. ined. ad Genesim, 26, 28 ; cf. Pape, Wôrlerbuch der griechischen Eigennamen, au mot KseTraaSoxia ; et ce nom démontre qu’entre les Chananéens et les Cappadociens devait exister un lien de parenté ou de commune origine : lequel trouve son explication dans ce fait démontré par le V. de Cara, que la Cappadoce fut un des séjours primitifs des Héthéens, descendants de Chanaan, comme les Héthéens du pays de Chanaan et de la Syrie. Et de là il conclut que dans le nom de Cappadoce se cache probablement le nom de Caphtor. En effet, les radicales des deux noms sont au fond les mêmes ; et le nom primitif devait être Ka-pa-t ou Ka-fa-t, d’où vient celui de Caphtor et de Caphtorim. Voilà tout ce qu’on peut dire jusqu’ici ; mais ces questions d’origine ne sont pas encore suffisamment élucidées. Voir Céréthéens, Philistins.
H. Marucchi.
- CAPELLA André##
CAPELLA André, chartreux espagnol, mort le 12 septembre 16Û9. Né à Valence (Espagne), il fut d’abord jésuite et professeur au Collège romain. Rentré en Espagne, vers 1509, il se fit chartreux à Scala Dei, près de Tarragone, et devint évêque d’Urgel en 1587. On a de lui : Commentaria in Jeremiam prophetam, guibus latina Vulgata editio dilucidatur, et cum hebraico fonte et Septuag. editione et paraphrasi chaldaica confertur. Excudebat Hubertus Gotavdus in cartusia Scalse Dei, in-4°, 1586.
M. Al’tore.
- CAPITAINE##
CAPITAINE, chef qui commande des hommes armés. Voir Armée, t. i, col. 977.
CAPITATION. La capitation est l’impôt perçu sur les personnes. On l’appelle ainsi parce qu’il est fixé â tant par tête (caput). Les Juifs ont payé des impôts de ce genre à leurs rois et aux divers souverains étrangers qui ont successivement soumis la Palestine à leur joug. Nous ne nous occupons ici que de la redevance personnelle payée au temple. Pour les redevances payées aux rois
nationaux, voir Impôts ; pour celles qui furent payées aux rois étrangers, voir Tribut.
Moïse avait imposé à tous les Israélites âgés de vingt ans qui furent recensés dans le désert une capitation. d’un demi-sicle par personne (environ 1 fr. 40). Ce demisicle était une offrande faite à Dieu pour le tabernacle. Il était interdit au riche de donner plus et au pauvre de donner moins. Exod., xxx, 12-16. Dans ce passage, il n’est pas dit explicitement qu’il s’agisse d’un impôt permanent ; mais un passage des Paralipomènes prouve que l’obligation de le payer fut durable et qu’elle fut appliquée au temple après sa construction. II Par., xxiv, 4-11. Joas reproche, en effet, au grand prêtre Joïada de n’avoir pas fait lever l’impôt prescrit par Moïse, et dont à ce moment la perception est particulièrement utile à cause des déprédations commises dans le temple par Athalie. Tendant la captivité, le demi-sicle ne fut pas perçu. Après le retour de la captivité, la perception de la capilation devint plus régulière. Néhémie prescrivit une redevance annuelle d’un tiers de sicle pour l’entretien du temple. II Esdr., x, 32-33. « Nous avons ordonné, dit Néhémie, de payer tous les ans un tiers de sicle pour le service de la maison de notre Dieu ; pour les pains de proposition, pour l’oblation non sanglante, pour l’holocauste perpé-. tuel, pour les sabbats, pour les néoménies, pour les fêtes et pour les sacrifices pour le péché, afin de réconcilier Israël, et pour tout ce qui regarde le service de la maison de notre Dieu. » Quelques auteurs, notamment le P. Knabenbauer, Commentarius in Malthseum, Paris, 1893, t. ii, p. 100, ont pensé que c’était alors seulement qu’avait été établie une capitation permanente, et que les contributions levées par Moïse et par Joïada n’avaient été que des impôts extraordinaires exigés pour des circonstances particulières. On ne voit pas comment on peut concilier cette opinion avec le texte des Paralipomènes. Au temps de Néhémie, l’impôt fut abaissé probablement à cause de la misère générale des Israélites ; mais il fut perçu avec une régularité plus grande, c’est-à-dire chaque année. Par la suite il fut de nouveau élevé à la somme primitive, c’est-à-dire à deux drachmes, qui étaient l’équivalent d’un demi-sicle.
Cet impôt était dû par tous les Israélites du sexe masculin à partir de vingt ans. Philon, De monarchia, ii, 3. D’après la Mischna, Sekalim, ii, 4, on l’exigeait même des enfants depuis l’âge de treize ans. Les enfants au-dessous de cet âge, les femmes et les esclaves en étaient seuls exemptés. Le même traité ajoute que la perception du didrachme avait lieu du 15 au 25 du mois d’Adar, mais qu’on ne l’exigeait pas d’une manière absolue avant la Pâque. Surenhusius, Mischna, sive totius Hebrscorum juris systema, in-f°, Amsterdam, 1690-1702, t. ii, p. 176-177. La Mischna ne nous fait pas connaître l’époque à laquelle ces dates furent fixées pour la perception du didrachme, nous ne savons donc pas si elles étaient déjà déterminées au temps de Jésus-Christ. Les Juifs établis hors de la Palestine payaient le didrachme comme ceux qui habitaient le pays. Quand la collecte avait été faite, on envoyait l’argent à Jérusalem, et l’on expédiait ainsi de certains pays, par exemple de Babylone, des sommes très considérables. Josèphe, Ant.jud., XVIII, IX, 1 ; Cicéron, Pro Flacco, 28. Des contrées éloignées on pouvait apporter l’argent au temps de la Pentecôte et de la fête des Tabernacles. Surhenhusius, Mischna, t. ii, p. 184-185.
Saint Matthieu, xvii, 23-26, nous rapporte que pendant le séjour de Notre - Seigneur à Capharnaùm, les collecteurs du didrachme se présentèrent à saint Pierre et lui demandèrent si son maître ne payait pas l’impôt. Pierre répondit qu’il le payait, et entra dans la maison où se trouvait Jésus. Avant même que l’Apôtre eut eu le temps de parler, le Sauveur lui posa cette question : « Que te semble-t-il, Simon ? De qui les rois de la terre reçoivent-ils le tribut ou le cens ? Est-ce de leurs fils ou des étran21E
CAPITATION
CAPPADOCE
216
gers ? » Pierre répondit : « Des étrangers. » Jésus repartit : « Les fils en sont donc exempts. Néanmoins, pour éviter le scandale, va à la mer, jette un hameçon, ouvre la bouche du premier poisson que tu prendras, tu y trouveras un statère, donne-le pour toi et pour moi. » Saint Jérôme, In Mattli. xvii, t. xxvi, col. 126, et après lui un certain nombre d’interprètes anciens, Bède, Raban-Maur, Albert le Grand, saint Thomas, Maldonat, Cornélius a Lapide et d’autres ont cru qu’il s’agissait ici d’un tribut à payer à César ou à Hérode. Cette opinion n’est plus soutenue aujourd’hui que par Wieseler, Chronologische Synopse der vier Evangelien, in-8°, 1843, p. 265. L’examen du texte ne permet guère, en effet, de douter qu’il s’agisse de l’impôt dû pour le temple. On ne percevait pas d’impôt fixé à cette somme pour le compte des empereurs, et aucun texte n’indique qu’on en percevait un au profit d’Hérode. De plus, NotreSeigneur montre bien clairement dans son langage qu’il s’agit d’un impôt religieux. Il le compare aux impôts levés par les rois de la terre, ce n’est donc pas un de ces impôts. Il déclare qu’en droit il serait exempt de l’impôt parce qu’il est le fils de celui au profit de qui l’argent est recueilli. Jésus ne veut évidemment se dire ni fils d’Hérode ni fils de César, mais fils de Dieu ; il s’agit donc d’un impôt levé au profit de la maison de Dieu.
L’impôt du didrachme continua à être payé au temple de Jérusalem jusqu’à la destruction de ce temple par Titus. Josèphe, Bell, jud., VII, vi, 6 ; Dion Cassius, lxvi, 7. L’empereur Vespasien décida qu’il serait désormais payé au temple de Jupiter Capitolin. Domitien exigea le didrachme avec la plus grande rigueur. Suétone ; Domitien, 12. Les recherches qui furent faites alors, pour trouver les Juifs qui dissimulaient leur nationalité, furent une des causes de la persécution de cet empereur contre les chrétiens. Gsell, Essai sur le règne de Domitien, in-8°, Paris, 1893, p. 289-291. L’empereur Nerva interdit les dénonciations
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68. — Monnaie de Nerva.
IMP 1WRVA CAE3 AVG PMTRP COS II PP. Tête laurée de l’emperecr Nerva, a droite. — fy FISCI IVDAICI CALVMNIA SVBLATA. Palmier entre les lettres S C.
faites au profit du fisc, et selon toutes les probabilités on n’exigea plus le didrachme que des Juifs restés fidèles à la religion de leurs pères. C’est à cette occasion que furent frappées les médailles qui portent en exergue : Fisci judaici calumnia sublata (fig. 08). Eckhel, Doctrina Numorum, t. vi, p. 401 ; Cohen, Monnaies impériales, Nerva, n os 54 et suiv. — Voir Schiïrer, Geschichte des Judischen Volkes, 2e édit., t. ii, p. 36, 206, 530, 531, 548.
E. Beurlilr.
- CAPITON Wolfgang Fabricius##
CAPITON Wolfgang Fabricius, théologien luthérien, né à Haguenau, en Alsace, en 1478, mort à Strasbourg le 10 janvier 1541. Son véritable nom était Kcepfel. Pour obéir aux ordres de son père, il se fit recevoir docteur en médecine ; mais, dès qu’il fut libre, il se livra tout entier aux études de théologie et de droit canon. En 1512, Philippe de Rosenberg, évêque de Spire, l’appela près de lui et lui donna la cure de Bruchsal. Ce fut alors qu’il connut Œcolampade. Du diocèse de Spire, il passa dans celui de
Bâle, puis de Mayence. Il se lia avec tous les hérétiques célèbres de son époque, et, en 1517, il était en relations avec Luther. Cependant il dissimulait encore ses erreurs, et, en 1521, Léon X lui accordait, à la demande de l’électeur de Mayence, la prévôté de Saint -Thomas, à Strasbourg. Bientôt il se maria, et se déclara aussitôt partisan zélé des nouvelles doctrines. Il abolit le culte catholique à Haguenau, sa patrie. Il prit part à un grand nombre de conférences et de synodes, où, ainsi que Bucer, il se montrait partisan de la conciliation entre les diverses sectes qui déjà divisaient le protestantisme. La peste l’enleva à Strasbourg, en 1541. Voici quelques-uns de ses ouvrages : Institutiones hebraicx, in-4°, Bâle, 1518 ; Enarrationes in Habacuc, in-8°, Strasbourg, 1526 ; Commentarius in-Hoseam, in-8°, Strasbourg, 1528 ; Hexameron sive opus sex dierum explicatum, in-8°, Strasbourg, 1539. Outre la Vie d’Œcolampade, il donna une édition des commentaires de cet hérétique sur Jérémie et sur Ézéchiel. — Voir Dupin, Bibliothèque des auteurs séparés de l’Église romaine du xrie siècle (1718), t. i, p. 97 ; Baum, Capilo und Butzer, Leben und ausgeivàhlte Schriften, in-8°,
Elberfeld, 1860.- CAPONSACCI DE PANTANETO Pierre##
CAPONSACCI DE PANTANETO Pierre, dune noble famille d’Arezzo, en Toscane, vivait dans la seconde moitié du xvie siècle, et appartenait à une branche de l’ordre franciscain que l’on ne trouve nulle part indiquée. Il a donné au public un ouvrage dont la première édition, in-4°, ’parut à Florence, en 1571, sous le titre A’Observationes in Cantica canticorum. Une seconde édition parut au même lieu, in-f°, en 1586, sous ce nouveau titre, rapporté par plusieurs bibliographes : Pétri Caponsachi de Pantaneto, Aretini, in Joannis apostoli Apocalypsim observatio ad Selymum II, Turcarum Imperatorem. L’écrit relatif au Cantique des cantiques ne venait qu’en second lieu dans cette édition.
P. Apollinaire.
CAPPADOCE. Nom de deux pays différenlsdans la Vulgate.
1. CAPPADOCE. La Vulgate, à la suite des Septante, a rendu par ce mot l’hébreu Kaftôr, Deut., ii, 23 ; Jcr., xlvii, 4 ; Amos, ix, 7. Voir Caiuitor.
2. CAPPADOCE (KaiticaSoxfa), province d’Asie Mineure. Saint Luc, dans les Actes, ii, 9, nomme la Cappadoce immédiatement après la Judée parmi les pays qui eurent des représentants à Jérusalem, au jour de la Pentecôte, et qui entendirent la première prédication de saint Pierre. — La première Épilre du chef des Apôtres est adressée, entre autres Églises, à celle de Cappadoce. I Petr., i. Il y avait donc une colonie juive en Cappadoce, et de bonne heure une Église chrétienne y avait été fondée.
Le mot Cappadoce, en perse Katpatuha, est d’origine sémitique. Les Grecs appelaient Syriens ceux que les Perses, dit Hérodote, i, 72 ; vii, 72, appelaient Cappadociens, et qui furent sujets des Médes, puis des Perses. Quoique les descriptions d’Hérodote soient assez confuses, on peut en inférer que, pour lui, les Cappadociens sont situés à l’est de l’Halys et s’étendent jusqu’au Pont-Euxin. Hérodote, i, 72. Ailleurs, v, 49, il leur donne pour voisins les Phrygiens à l’ouest, les Ciliciens au sud. Ailleurs encore, v, 52, il fait de l’Halys la limite entre la Phrygie et la Cappadoce On ne peut donc tirer de là qu’une seule conclusion, c’est que pour Hérodote la Cappadoce est de moindre étendue que le pays qui porta plus tard ce nom. Au temps de Strabon, xii, 3, 10, les Cappadociens étaient encore désignés par les Grecs sous le nom de Leucosyriens ou Syriens blancs, pour les distinguer des peuples situés au delà du Taurus, qui avaient la peau plus brune. Sous les Perses, la Cappadoce fut divisée en deux satrapies, qui, après la conquête de l’Asie par Alexandre, for
mèrent deux royaumes vassaux, dont l’un s’appela le royaume de Cappadoce et l’autre le royaume du Pont. Strabon, xii, 1, 4. Mais ce dernier royaume conserva encore le nom de Cappadoce ; on le voit par une inscription d’Éphèse, où Mithridate est appelé KaititaSox ; [aç paat).e-Jî]. Lebas -Waddington, Voyage archéologique, t. iii, n° 136 a ; cf. ibid., p. 59. — La Cappadoce comprenait donc plusieurs peuples et changea souvent d’étendue et de divisions ; mais ces peuples parlaient une même langue, le cappadocien. Strabon, xii, 3, 25. Ils occupaient la portion de terre comprise entre le Taurus de Cilicie, au sud ; l’Arménie et la Colchide, à l’est ; le Pont-Euxin jusqu’à l’embouchure de l’Halys, au nord ; et par la Paphlagonie
L.TtaaUer.adt
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69. — Carte de Cappadoce.
et la partie de la Phrygie qu’occupaient les Galates, à l’ouest. Strabon, xii, 1, 1. Voir la carte (fig. 69).
Les rois de Cappadoce se rendirent complètement indépendants des Grecs à la mort de Séleucus I" Nicator, en 281. L’un d’eux, Ariarathe V, est mentionné dans I Mach., xv, 22. Voir Ariarathe. En l’an 17 après J.-C, à la mort d’Archélaùs le dernier roi, Tibère résolut de faire de la Cappadoce une province romaine. Tacite, Annal., ii, 42 ; Strabon, xii, 1, 4. La province de Cappadoce eut pour limites : au nord, le Pont et la petile Arménie ; à l’est, l’Euphrate la séparait de la grande Arménie ; au sud, l’Amunus et le Taurus la séparaient de la Commagène et de la Cilicie, et enfin, à l’ouest, elle confinait à la Galatie. La division du pays en onze stratégies fut conservée telle qu’elle existait sous le dernier roi, Archélaùs. Strabon, xii, 1, 4. Cette division subsistait encore au temps d’Antonin le Pieux. Plolémée, v, 6 et 7. — Auguste avait placé un procurateur romain auprès d’Archélaùs. Dion Cassius, lvii, 16. Ce fut également un procurateur, et par conséquent un chevalier, qui gouverna la province une fois organisée. Dion Cassius, lvii, 17 ; Tacite, Annal., xii, 49. Comme le procurateur de Judée, il était protégé par le légat pro-préteur de Syrie. En 70, Vespasien changea cet état de choses et confia la Cappadoce à un légat propréteur de rang consulaire. Suétone, Vespasien, vin. Cf. Josèphe, Bell, jud., Yll, i, 3. Ce changement fut nécessité par les fréquentes incursions des Barbares voisins.
La Cappadoce, quoique située au sud du Pont, est plus froide que cette contrée ; l’hiver certaines parties sont même couvertes de neige. Aussi n’y a-t-il que très peu d’arbres fruitiers. Le pays produit cependant du blé. On y rencontre de nombreux troupeaux de chèvres. Les moutons, qui y sont aujourd’hui très nombreux, y étaient autrefois inconnus. Les habitants se livraient aussi à l’éle vage des chevaux et à celui des mulets, grâce à la présence de nombreux troupeaux d’onagres. Les mulets de Cappadoce sont encore aujourd’hui célèbres en Orient. Les rois de Perse s’étaient réservé une partie du pays pour en faire des parcs de chasse. Parmi les richesses de la Cappadoce, il faut encore signaler les mines de sel, la terre de Sinope, qui contient beaucoup de minium, et enfin des mines de cristal, d’onyx et de minéraux de tous genres. Strabon, xii, 2, 10 ; cf. iii, 5, 10.
Le pays est traversé du nord-est au sud-ouest par l’Anti-Taurus. A 1 ouest de la chaîne se trouve la vallée de l’Halys, à l’est celle du Mêlas, affluent de l’Euphrate et celle du Karamelas, affluent du Pyramus. Entre les deux chaînes parallèles de l’AntiTaurus coule le Sarus. Les villes y étaient peu nombreuses et peu importantes. Les principales sont : Mélitène, Comana, près de laquelle était le célèbre sanctuaire de la déesse Ma, dont subsistent encore des ruines importantes. Strabon, xii, 2, 3, Mazaca, qui devint plus tard Césarée et qui était située près de l’Argœus, volcan éteint et point culminant de la Cappadoce ; Garsaura ou Archélais ; Tyane, patrie d’Apollonius, dont on tenta, au IIe siècle après J.-C, d’opposer la personne à celle du Sauveur, et Nysse, dans la vallée de l’Halys.
Les habitants avaient très mauvaise réputation. Un proverbe grec, cité par Suidas, Lexicon, au mot xâitita, fait allusion aux trois peuples détestables dont le nom commence par un cappa : Tpi’a xâitita xâxcaTa, c’est-à-dire les Cappadociens, les Ciliciens et les Cretois. Cf. Plaute, Curculio, ii, 1, 18. Ce fut seulement au IVe siècle après J.-C. que saint Grégoire de Nazianze, saint Grégoire de Nysse et saint Basile de Césarée donnèrent meilleur renom à la Cappadoce. Les Cappadociens habitaient dans des grottes et se revêtaient de poils de chèvres. On trouve encore aujourd’hui un grand nombre de ces grottes, mais il n’est resté aucun monument de la langue cappadocienne. Voir, sur la Cappadoce, Ch. Texier, Asie Mineure, dans VUnivers pittoresque, Paris, 1863, t. ii, 1. vii, p. 500 ; Hamilton, Researches in Asia Minor, in-8°, Londres, 1842, t. i et ii, p. 100 ; Mommsen et Marquardt, Manuel des antiquités romaines, trad. franc., t. ix, Organisation de l’empire, in-8°, Paris, 1892, t. ii, p. 288 ; H. Kiepert, Manuel de géographie ancienne, trad. franc., in-8°, Paris, 1887, p. 57 ; Mommsen, Histoire romaine, trad. franc. ; t. x, Paris, 1888, p. 105.
E. Beurlieh.
- CAPPADOCIENS##
CAPPADOCIENS, traduction dans la Vulgate, Deut., il, 23, du nom du peuple appelé en hébreu Kaftôrïm. Dans les deux autres endroits de l’Écriture où les Caphtorim sont nommés, Gen., x, 14, et I Par., i, 12, notre version latine a conservé la forme hébraïque ; Voir Capiitorim.
1. CAPPEL Jacques, théologien protestant, né à Rennes en mars 1570, mort à Sedan le 7 septembre 1624. Il était fils d’un conseiller au parlement de Rennes, qui, ayant dû abandonner sa charge à cause de la Réforme qu’il avait embrassée, vint se réfugier près de Sedan. Jacques Cappel étudia la théologie en cette ville et y exerça ensuite les fonctions de pasteur et de professeur de langue hébraïque. Ses explications sur les livres de l’Ancien et du Nouveau Testament ont été imprimées avec les œuvres de son frère, Louis Cappel, par les soins de son neveu, et également dans les Critici sacri, 13 in-f°, Amsterdam,
1698-1732. Voir Cappel 2.2. CAPPEL Louis, théologien protestant, frère du précédent, né à Saint-Élier, à quelques lieues de Sedan, le 15 octobre 1585, mort à Saumur le 18 juin 1658. Il étudia à Sedan, et à vingt-quatre ans était ministre de l’église réformée de Bordeaux, qui lui fournit les moyens de parcourir les principales universités étrangères. Il resta deux ans à Oxford, et après avoir visité l’Allemagne et la Hol
lande fut appelé à Saumur (1614), où il enseigna successivement l’hébreu et la théologie. Le premier de ses ouvrages fut publié sous ce titre : Arcanum punctationis revelatum, sive de punctorum vocalium et accentuum apud Hebrœos vera et genuina auctoritate, in-4°, Leyde, 1624. Il prouve dans ce traité que les points-voyelles et les accents ne font pas partie intégrante de la langue hébraïque, et quïls ont été ajoutés par des grammairiens à une époque où elle n’était plus en usage. À ces études se rapporte le traité suivant : Diatriba de veris et antiquis Ebrœorum liltrris, in-12, Amsterdam, 1645. Louis Cappel y soutient que les caractères samaritains sont les caractères hébreux primitifs. Parmi ses autres ouvrages, mentionnons : Spicilegium seu notze in Novum Teslamentum, in-4°, Genève, 1632 ; Historia apostolica illustrata ex Actibus Apostolorum et Epistolis inter se collalis collecta, accurate digesta, ejusque cum historia exotica connexio demonsirata, in-4°, Genève, 1634 ; Animadversiones ad novam Davidis lyram, iii-8°, Saumur, 1043 ; De ultimo Christi Paschate et Sabbato Deutero-Primo, in-12, Amsterdam, 1644 ; Chronologia sacra, in-i", Paris, 1655. En 1650, son fils, Jacques Cappel, publia un important ouvrage sous ce titre : Ludovici Cappelli critica sacra sive de variis quæ in Sacris Veteris Testamenti libris occurrunt lectionibus libri sex : subjecta est qusestio de locis parallelis Veteris et Novi Testamenti adversus injustuni censorem, animadversiones ad librum cui titulus est : Nova Davidis lyra cum gemina dialriba de nomine Dei, in luceni édita studio et opéra Joannis Cappelli auctoris filio, in-f°, Paris, 1650. L’auteur s’applique à donner les règles à suivre pour rétablir le texte des Livres sacrés dans sa pureté primitive ; les variantes qu’on y rencontre ne peuvent en rien ébranler l’autorité de l’Écriture Sainte. Cet ouvrage trouva de nombreux contradicteurs parmi les protestants ; les théologiens suisses, en 1675, condamnèrent les doctrines de Louis Cappel, qui avait publié pour sa défense les deux livres suivants : Epistola apologetica de critica nuper a se édita, in qua Arnoldi Bootii criticæ censura refellitur, 111-4°, Saumur, 1651 ; Responsio ad Jacobi Usserii epistolam et ad furiosarn Arnoldi Bootii appendicem admonilio, in-4°, Saumur, 1652. C’est à son fils également qu’est due la publication suivante : Commentarii et notée criticeein Vêtus Testanientum. Accessere Jacobi Cappelli, Ludovici fratris, observationes in eosdem libros. Item Arcanum punctationis auctius et emendatius, ejusque Vindicim hactenus ineditse. Editionem procuravit Jacohus Cappellus Ludovici filius, in-f°, Amsterdam, 1689. Les Vindicise sont la réponse de Louis Cappel au livre de Buxtorf contre son Arcanum punctationis. — Dans la Polyglotte de Wallon, au tome i, se trouvent deux dissertations de cet auteur, sous les titres de Chronologia sacra, que nous avons mentionnée plus haut, et de Templi hierosolymilani delineatio triplex : Cette dernière est reproduite au tome v des Critici sacri, 131n-f°, Amsterdam, 1698-1732. Dans cette collection se trouvent, outre plusieurs des ouvrages que nous avons énumérés : au t. ii, un opuscule De voto Jephtie ; au t. iv, Excerpta ex Villalpando ad c. xl, xli, xlii et xlvi Ezechielis, et, au t. VI, une dissertation sur le mot Corban, qui se lit en saint Marc, au ch. vii, ^. 11. — Voir la préface mise par Jacques Cappel aux Commentarii et noise criticse, in-f°, Amsterdam, 1689.
- CAPPONI DELLA PORRETTA Serafino Annibale##
CAPPONI DELLA PORRETTA Serafino Annibale, dominicain italien, né à Porretta en 1536, mort à Bologne le 2 janvier 1614. Il revêtit fort jeune l’habit des Frères Prêcheurs, dans le couvent de Bologne. Après ses études il professa la métaphysique, la théologie morale et l’Écriture Sainte. Envoyé à Ferrare, il fut chargé du soin des jeunes religieux et, après avoir habité vingt-cinq ans le couvent des Dominicains de Venise, il revint à Bologne, où il enseigna pendant deux années les sciences sacrées
aux Chartreux établis en cette ville. Voici les principaux ouvrages de ce savant religieux : Veritates aurem saper totam legem veterem tum littérales, tum mysticm per modum conclusionume sacro textu mirabiliter exculptse, in-f°, Venise, 1590 ; c’est un commentaire sur le Pentateuque ; Prseclarissima sacrorum Evangeliorum commentaria, veritates catholicas super totam legem novam conclusionum instar continentia, cum annotationibus textualibus. Le commentaire sur saint Matthieu a paru à Venise, in-4°, 1602 ; sur saint Jean, in-4°, 1604. Les notes sur saint Luc et sur saint Marc n’ont pas été publiées. Après la mort de Capponi parurent ses Commentarii in Psalterium Davidicum ; le premier volume parut en 1692 ; enfin l’ouvrage complet fut imprimé à Bologne, en 1736, en 4 vol. in-f ». — Voir G. M. Pio, Vita del R. P. S. Capponi, in-4°, Bologne, 1625 ; Échard, Scnptores ord. Prsedicatorum, t. ii, p. 392.
CAPRE. — I. Description. — Fruit du câprier, arbrisseau épineux, de la famille des Capparidacées,
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70. — Le câprier.
atteignant de un mètre à un mètre cinquante de hauteur, propre aux pays méridionaux (fig. 70). La tige diffuse est couchée ou pendante sur les vieux murs ; ses feuilles d’un beau vert, ses belles et grandes lleurs blanches, à étamines roses, étalées comme des houppes de soie, en font une des plus charmantes plantes que l’on puisse voir. Son calice, d’un vert pâle, est à quatre divisions, qui alternent avec les quatre pétales de la corolle. Le fruit est charnu, de la grosseur d’une noix, ovale, un peu sillonné, et contenant, à l’intérieur, de petites graines ; il est porté sur un long pédoncule plus ou moins arqué.
221
CAPRE — CAPTIF
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Le bouton de la fleur constitue, à l’état jeune, ce qu’on appelle câpre (lig. 71). La câpre, confîle au vinaigre, ainsi du reste que les.jeunes pousses et les fruits verts, est un excellent condiment ; elle est stimulante et antiscorbutique, très appréciée partou’. et de tout temps.
Les principales espèces de câpriers qu’on trouve en Palestine sont : 1° le câprier épineux, Capparis spinosa ; c’est un arbrisseau à rameaux flexueux ; ses feuilles sont alternes, épaisses, ovales-arrondies, entières sur les bords, munies ordinairement de deux petits aiguillons arqués à la naissance de leur support ; d’autres fois ces aiguillons manquent ; ses fleurs, très grandes, sont d’un blanc teinté de rose, naissant à la base des feuilles, solitaires ; ses pétales sont réguliers, ovales, protégeant des étamines très nombreuses ; le fruit est charnu. On trouve ce câprier à Jérusalem, croissant sur les murs et les rochers les plus
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71. — Fleur et fruit du câprier.
abruptes ; il est très commun dans la vallée du Jourdain. Tristram, Fauna and Flora, p. 234. — 2° Le câprier herbacé, Capparis herbacea, qui diffère du précédent par sa tige non ou à peine ligneuse, ses feuilles ovales ou elliptiques, terminées au sommet par une pointe épineuse, et à la base par des aiguillons assez robustes, enfin par ses Heurs plus grandes. Toute la plante, au lieu d’être verte, est recouverte d’une pubescence blanchâtre et comme farineuse. — 3° Le câprier d’Egypte, Capparis segyptia ; c’est un arbrisseau à rameaux ligneux, entrelacés, à feuilles charnues, de forme ovale, obtuse, recouvertes d’une poussière glauque, tantôt épineuses, tantôt dépourvues d’aiguillon ; ses ileurs sont de grandeur médiocre ; la plante est velue ou glabre. On la trouve surtout dans le voisinage de la mer Morte. Voir Boissier, Flora orientalis, t. i, 1867, p. 420. M. Gandoger.
II. Exégèse. — Le mot’âbiyyônâh, qui signifie « câpre », ne se rencontre qu’une seule fois dans la Sainte Écriture ; c’est dans la célèbre description de la vieillesse faite par Salomon. Eccle., xii, 5. Quelques interprètes, retenant la signification première de la racine’, rcx, ’âbâh, « désirer, » entendent ce mot, comme le chaldéen, dans le sens de convoitise, désirs ou appétits de toute nature, qui s’affaiblissent chez les vieillards. Mais le développement régulier de la description demande plutôt la continuation du style figuré. D’ailleurs les versions sont d’accord à voir dans’âbiyyônâh la câpre (Septante : t) xiTraapi ; ; Yulgate : capparis ; arabe : alkabbar). Dans la Mischna, Ma’aser, iv, 6 ; Berakôth, 36 a, le câprier s’appelle selâf ; les boutons de Heurs, qafrim, et les fruits ou capsules contenant les graines, êbeyônôf.’Abiyyônâh désigne donc bien la câpre, et non pas l’arbuste lui-même ou câprier, ni les boutons de ileurs dont on se sert maintenant après les avoir confits dans le vinaigre. Autrefois on employait plutôt le fruit, ce qu’on appelle aujourd’hui les cornichons de câpre. Pline, H. N., xiii, 44 ; xx, 59. — Si le sens de câpre est reconnu par le plus grand nombre des interprètes, ils ne s’entendent pas pour expliquer l’image contenue dans l’expression vetâfêr hâ’âbiyyônâh (Vulgate : dissipabilur capparis). Pour quelques-uns il s’agit de la rapidité avec laquelle se fane la belle fleur du câprier, symbole de la vie qui va bientôt finir pour le vieillard : « Avant le temps où le câprier se fane. » Mais ce n’est pas le sens du verbe vetâfêr, et du reste il est question de la câpre, non de l’arbre qui la produit. — Le plus grand nombre voit ici une allusion à la propriété qu’a la câpre de stimuler l’appétit, propriété d’où elle tire son nom : « Avant le temps où la câpre n’a plus d’effet. » Il vient un temps pour le vieillard où son estomac devenu paresseux n’est plus excité par les meilleurs condiments. Gesenius, Thésaurus, p. 13 ; Hoheslied und Koheleth, in-8°, Leipzig, 1875, p. 402. Mais le sens de « n’avoir plus d’effet », donné au verbe pârar, nous paraît forcé et dépasser les bornes légitimes de la dérivation. Pârar, dont la signification première est « briser, rompre », ne veut dire « rendre vain, sans effet, annuler », que dans les cas où l’idée première de rompre se conserve, par exemple, rompre ou rendre sans effet une alliance, une loi, un dessein. Ici « briser la câpre » ne peut signifier lui enlever son effet, tout au contraire. Il n’est donc pas légitime de traduire : « la câpre n’a plus d’effet ». —De plus, dans la description de la vieillesse développée dans Eccle., xii, 5, on s’attend naturellement à trouver un nouveau symbole après les deux premiers qui sont assez énigmatiques : « Avant le temps où l’amandier fleurit (c’est-à-dire avant les cheveux blancs) ; avant le temps où la sauterelle s’alourdit (c’est-à-dire avant que les jambes ne refusent leur service). » Si l’on traduit ; « Avant le temps où la câpre n’a plus d’effet, n’excite plus l’estomac », on n’a plus de symbole énigmatique, comme dans les deux premiers cas ; c’est un sens propre qui n’est plus dans le même ton. Il vaut donc mieux garder au verbe tâfêr son premier sens de « briser, rompre », comme dans les Septante, et traduire : « Avant le temps où la câpre se brise, éclate. » Le fruit est, en effet, une sorte de gland allongé, qui laisse tomber, en se fendant, de petites graines rouges. Ibn-El-Beithar, Traité des simples, t. iii, n° 1877, dans Notices et extraits des manuscrits de la Bibliothèque nationale, t. xxvi, i « part., p. 134. N’est-ce pas l’image du corps qui se brise par les maladies et va laisser échapper l’âme ? L’idée de mort qui suit dans la description est ainsi tout naturellement amenée : « Car l’homme s’en va dans sa demeure éternelle, et les pleureurs parcourent les rues. » Cf. E. V. C. Rosenmùller, Scholia, Ecclesiasles, p. 237.
Ê. Levesque.
- CAPTIF##
CAPTIF (hébreu : ’âsir et’assîr, de’âsar, « lier ; » sebût et Sebit, iiebi et sibyàh, « le captif » dans le sens collectif, de sàbûh, « faire prisonnier ; » Septante : aî-/|xoc).u)to ; ; Vulgate : captivus, vinclus). Nous entendons ici par captif toute personne, homme, femme ou enfant, prise à la guerre et emmenée par le vainqueur. Pour les prisonniers proprement dits, voir Prisonnier.
I. Chez les Hébreux. — Au temps des patriarches, on emmenait captifs, à la suite de la guerre, les femmes, les jeunes filles et les enfants. Gen., xxxi, 26 ; xxxiv, 29. Cette coutume persévéra chez les Israélites, depuis l’époque des Juges, Jud., v, 12, jusqu’à celle des Machabées. I Mach., v, 8. Les captifs étaient traités avec humanité chez les Hébreux, et la loi intervenait en leur faveur dans certains cas. Comme c’étaient surtout les femmes et les jeunes filles qu’on réduisait en captivité, un Israélite pouvait épouser sa captive, mais seulement après lui avoir accordé un mois pour son deuil. Si ensuite il la répudiait, il était
obligé de lui donner la liberté, et ne pouvait lui infliger aucun mauvais traitement. Deut., xxi, 10-14. Les captives qui n’étaient pas épousées demeuraient en esclavage et bénéficiaient de la douceur de la législation mosaïque à leur égard Voir Esclave. Sous Achaz, au moment où la plus grande animosité régnait entre les deux royaumes d’Israël et de Juda, les Israélites attaquèrent leurs frères et emmenèrent en captivité deux cent mille femmes, enfants et jeunes filles de Juda. Mais, à Samarie, un prophète du nom d’Oded leur conseilla de bien traiter ces prisonniers et de les renvoyer dans leur pays. Telle était encore l’influence d’un prophète parlant au nom de Dieu, que malgré la rivalité des deux peuples Oded fut obéi. Il Par., xxviii, 8-15.
II. Chez les autres peuples. — Les Israélites, qui faisaient surtout des captives, comme tous leurs voisins, redoutaient eux-mêmes la captivité pour leurs femmes et leurs enfants. Num., xiv, 3 ; Deut., i, 39. Ils fuient souvent victimes, sous ce rapport, des peuples qui les environnaient. — 1. C’est ainsi qu’on voit les Amulécites leur enlever des femmes et des enfants, entre autres deux des femmes de David, I Reg., xxx, 2-5, et plus tard les brigands de Syrie faire des incursions dans le pays d’Israël pour s’emparer des jeunes filles. Une de ces dernières donna à Naaman le conseil d’aller consulter Elisée pour se faire guérir de la lèpre. IV Reg., v, 2. — 2. Cet enlèvement des jeunes filles étrangères était particulièrement dans le goût des Phéniciens, qui trafiquaient de tout et s’emparaient volontiers d’une proie qui ne manquait pas de valeur sur les marchés d’Egypte et d’Assyrie. Le plus souvent ils attiraient sur leurs bateaux, sous prétexte de leur montrer des bijoux ou des étoffes précieuses, celles dont ils convoitaient la possession, puis ils levaient l’ancre sans qu’elles s’en aperçussent. Homère, Odyss., xv, 427 ; Hérodote, I, 1. Souvent, soit dans les ports, soit aux frontières du pays, des femmes israélites durent être victimes de leur rapacité. Cf. Joël, iii, 4 ; Amos, i, 9-10 ; I Mach., m, 41. Plus tard, les Juifs fournirent encore des captifs et surtout des captives aux rois de Syrie et aux nations voisines. I Mach., i, 34 ; v, 13. — 3. Ils payèrent fréquemment ce même tribut aux Égyptiens. Gen., xii, 15, etc. Sur les bords du Nil, les captifs étaient assez durement traités, et parfois les captifs habitaient des prisons. Exod., xii, 29. Cf. Gen., xxxix, 20. Les monuments figurés représentent ordinairement les captifs enchaînés. Voir t. i, col. 511, fig. 124. Sur un trône d’Aménophis III, de la xviiie dynastie, on voit une série de captifs figurer dans Ja décoration du soubassement ; sous le siège sont enchaînés deux autres captifs, l’un sémite et l’autre éthiopien ; enfin, sous l’accoudoir même, un sphinx terrasse un prisonnier (fig. 72). Dans leurs invasions en Palestine, les Égyptiens se saisirent naturellement de nombreux captifs.
— 4. Mais ce sont les Assyriens et ensuite les Chaldéens qui infligèrent aux Israélites les plus désastreuses captivités, ïhéglathphalasar transporte en Assyrie les tribus transjordaniques et les habitants de la Galilée. I Par., v, 26 ; IV Reg., xv, 29. Salmanasar, IV Reg., xvii, 3, 6, et Sargon, Is., xx, 1, achèvent la déportation qui dépeuple le royaume de Samarie. Juda eut ensuite son tour sous Sennachérib, IV Reg., xvhi, 13, et sous Nabuchodonosor. IV Reg., xxiv, 14 ; xxv, 11 ; II Par., xxxvi, 20 ; Jer., LU, 28, 29. Dans ses inscriptions, Sargon se vante d’avoir enlevé 27 280 captifs de Samarie. Oppert, Fastes de Sargon, i, 22-25. Sennachérib prétend en avoir emmené 200 150 des villes de Juda, dans sa campagne contre Ézéchias. Prisme de Taylor (cylindre C de Sennachérib), col. iii, 17. Dans sa première expédition contre Jérusalem, Nabuchodonosor fit 10000 captifs, IV Reg., xxiv, 14, et il emmena le reste des habitants après la prise définitive de la ville. Les monuments assyriens représentent fréquemment de longs cortèges de captifs (fig. 73). Ils s’en vont par bandes, sous la surveillance d’un soldat, les hommes chargés d’un petit sac à provisions, les femmes portant leurs enfants sur les bras
et sur l’épaule. Pendant un siège, ceux qui tombent aux mains des Assyriens à la suite des sorties sont impitoyablement empalés, pour épouvanter les assiégés. Après la victoire, les chefs des vaincus sont torturés et mis à mort, ou bien on leur crève les yeux et on leur perce les lèvres ou le nez, afin d’y passer un anneau et de les conduire avec une corde comme des animaux. Le cortège des prisonniers arrivait enfin en Assyrie, pour figurer au triomphe du vainqueur. Mais la plupart des captifs juifs étaient réservés à un sort plus doux, et, selon la coutume en vigueur parmi les Assyriens, avaient seulement à devenir les colons de nouvelles provinces. — 5. Les Romains furent
72. — Aménophls III sur son trône. Abd - el Qournah. xviiie dynastie. D’après Lepsius, Denkmuler, Abth. iv, Bl. 77.
les derniers à réduire les Juifs en captivité. Ils n’en firent pas de simples captifs, comme l’avaient fait les Assyriens et les Babyloniens, mais des esclaves. Ces derniers connaissaient bien les habitudes de leurs futurs vainqueurs. I Mach., viii, 10. Voir Esclave. Quand Jérusalem eut été prise par Pompée, en 03 av. J.-C., un bon nombre de juifs furent transportés captifs à Rome. Pendant les années suivantes, Cassius en envoya d’autres dans la capitale. Josèphe, Ant. jud., XIV, lv, 5 ; xi, 2 ; Bell, jud., i, xi, 2. Sur saint Paul captif à Césarée et à Rome, voir Prisonnier. À la suite de la prise de Jérusalem par Titus, une multitude de Juifs furent pris par le vainqueur, comme Notre-Seigneur le leur avait prédit. Luc, xxi, 24. Josèphe, Bell, jud., VI, IX, 3, estime à 97000 le nombre des captifs qui furent faits pendant toute la guerre de Judée.
III. Prières pour les captifs. — Instruit par les menaces et les promesses de Moïse, Deut., xxviii, 64 ; xxx, 3, Salomon prévit qu’un jour beaucoup d’Israélites seraient conduits en captivité à cause de leurs péchés. Au jour de II. -8
la dédicace solennelle du temple, il adressa à Dieu une touchante prière en faveur de ces fulurs captifs. III Reg., vin, 46-50 ; Il Par., vi, 36-37. Pendant la captivité, on ajouta à certains psaumes, plus fréquemment usités dans la liturgie, des invocations pour obtenir le retour des captifs. Ps. xiii, 7 ; xxiv, 22 ; xxxiii, 23, etc. Le Psaume Cxviii est une méditation composée probablement par un prisonnier, qui à plusieurs reprises réclame avec instance sa délivrance au Seigneur. Enfin le Psaume cvi est un cantique d’actions de grâces après la délivrance obtenue. IV. Les captifs spirituels. — Ce sont ceux qui, à raison du péché, sont au pouvoir du démon. Avant la rédemption, tous les hommes étaient aussi captifs de Satan, à cause du péché d’Adam. Aussi, en parlant du retour de la captivité de Babylone, les prophètes promettent-ils, au moins par le sens spirituel de leurs oracles, la délivrance du joug diabolique. Is., xlv, 13 ; Jer., xxx, 10 ; xxxii, 44 ; xlvi, 27 ; Habac, i, 9 ; Soph., m, 20. Le Messie vient pour annoncer là délivrance à ces captifs du démon. Luc, iv, 19. Il opère leur rédemption en mourant sur la croix, et après sa mort va porter l’heureuse nouvelle aux âmes « qui étaient en prison », dans le se’ôl, en attendant leur libération. I Petr., iii, 19. Enfin, au jour de son ascension, JésusChrist entraîne au ciel à sa suite toute « la captivité », c’est-à-dire les anciens captifs de Satan, qui par une vie sainte et la foi au Messie à venir s’étaient rendus dignes de la récompense. Epli., iv, 8. Depuis lors l’homme n’est captif du démon que s’il le veut bien, en se faisant lui-même l’esclave du péché. Joa., viii, 34. Mais la liberté est assurée au chrétien fidèle. Rom., viii, 21 ; Gal., iv, 31 ; v, 13 ;
Jac, i, 25.CAPTIVITÉ. Ce mot désigne, dans l’histoire du peuple de Dieu, l’exil auquel furent soumises les douze tribus d’Israël, du vnie au VF siècle avant J.-C, à la suite des déportations successives que leur infligèrent les Assyriens et les Chaldéens.
I. Captivité des tribus du royaume d’Israël. — 1° Leur déportation. — Dès le règne de Salmanasar 11 (858-823), le royaume de Samarie dut fournir un premier contingent de déportés. À la bataille de Qarqar, Salmanasar prit au roi Açhab 2000 chariots et 10000 hommes. Schrader, Die Keilinschriften und das Alte Testament, 2= édit., p. 193-201. Voir Achab, t. i, col. 122. Les textes ne disent pas que ces 10 000 hommes aient été mis à mort, et il est probable qu’un certain nombre d’entre eux furent emmenés comme prisonniers en Assyrie. Sous les rois suivants, il n’est question que d’un tribut payé aux Assyriens. Mais les grandes déportations d’Israélites commencent avec Théglathphalasar II (743-727), très probablement le même que Phul. Voir Vigouroux, La Bible et les découvertes modernes, 5e édit., t. iv, p. 86-99. Dans ses inscriptions, ce prince mentionne parmi ses tributaires les rois d’Israël et de Juda. En 746, il s’était rendu maître de Babylone, et dès lors il se mit à déporter d’un bout à l’autre de son empire des peuples entiers, de manière à mêler toutes les races, poulies dominer plus sûrement. En 733 (734), il accourut à l’appel d’Achaz, roi de Juda, contre lequel s’étaient alliés Rasin, roi de Syrie, et Phacée, roi d’Israël. Il battit ces derniers, mais ne put s’emparer de Samarie. Cependant il prit plusieurs villes, « la Galilée et tout le pays de Nephthali, et en transporta les habitants en Assyrie. » IV Reg., xv, 29. « Il déporta Ruben, Gad, la demi-tribu de Manassé, et les emmena à Lahela, Habor, Ara et au fleuve de Gozan. » I Par., v, 26. Les inscriptions assyriennes font allusion à cette déportation. Schrader, Keilinschriften, p. 255-256. Le successeur de Théglathphalasar, Salmanasar IV (727-722), acheva la ruine du royaume d’Israël. Le roi Osée ayant tenté de secouer le joug assyrien pour chercher un appui du côté de l’Egypte, Salmanasar assiégea Samarie, dans laquelle s’étaient en fermés tous les hommes en état de combattre. Le siègedura deux ans. Sargon, son successeur (722-705), emporta la place (721), et transporta les habitants en Assyrie. IV Reg., xvii, 23. Lui-même raconte cet événement dans ses inscriptions : « J’ai assiégé la ville de Samarina (Samarie), je l’ai prise, j’ai déporté 27 280 habitants. » Oppert, Fastes de Sargon, , 23, 24 ; Schrader, Keilinschriften, p. 272. Pour remplacer les Israélites, il fit venir dans la contrée les populations d’autres pays conquis par lui. IV Reg., xvii, 24. Dans la pensée divine, cette déportation était le châtiment des crimes d’Israël. IV Reg., xvii, 7-18. Pour Sargon, elle ne constituait pas une simple vengeance ; elle présentait une grande utilité politique. L’Egypte était la rivale acharnée, parfois victorieuse, de l’empire assyrien. En supprimant le royaume d’Israël, trop souvent enclin à favoriser les visées égyptiennes, et en lui substituant une population totalement nouvelle, Sargon-se ménageait un appui pour le jour de la défense ou même pour celui de l’attaque.
2° Lieux de la déportation d’Israël. Voir les cartes d’Assyrie et de Babylonie, t. i, col. 1148 et 1361. — Les inscriptions ne disent pas en quels endroits furent envoyés les déportés de Théglathphalasar et de Sargon ; mais la Bible les indique. Ce sont d’ailleurs les mêmes endroits pour les deux déportations, ce qui prouve déjà que les conquérants tenaient avant tout à éloigner les Israélites de leur patrie, et s’inquiétaient fort peu de les voir rassemblés en grand nombre sur un autre point de leur empire. Les Israélites furent déportés a Hala (Hâlah), à Habor (Hàbôr), fleuve de Gozan (Gôzân), et dans les villes des Mèdes. IV Reg., xvii, 6 ; xviii, 11 ; I Par., v, 26. Sur Ara, ville citée dans ce dernier texte, voir Ara, t. i, col. 818. Hala, le même que Lahela des Paralipoinènes, est identique à Chalcitis de Ptolémée, v, 18, et se trouve représenté aujourd’hui par un monceau de ruines du nom de Gla, sur le Khabour supérieur. Les listes géographiques assyriennes le nomment Ha-lah-hu, et le placent près de Gozan et de Nisibe. Habor est le fleuve Khabour, qui prend sa source dans le groupe des montagnes appelées mont Masius, au nord de Nisibe. Enfin Gozan est la Gauzanitis de Ptolémée, v, 18, province de Mésopotamie voisine de Haran, à l’ouest de Nisibe. Les listes assyriennes, donnent pour chef-lieu à cette province une ville du même nom, Gozan. Voir Gozan, Habor, Hala. La Bible indique encore les villes de Médie comme séjour des exilés. Théglathphalasar s’était, en effet, emparé de la. Médie. Sargon fit de nouveau la guerre aux Mèdes, et choisit parmi eux les populations qu’il déporta à Samarie pour remplacer les Israélites. Le livre de Tobie constate que plusieurs de ces derniers résidaient jusqu’au fond de la Médie, à Ecbatane et à Rages. Voir Vigouroux, La Bible et les découvertes modernes, t. iv, p. 150-153. Josèphe, Ant. jud., IX, xiv, 1, se contente de désigner en général la Médie et la Perse comme lieux de la déportation d’Israël. Cf. Calmet, Commentaire littéral, Paris, 1726, t. iii, p. x-xvi. — De la Samarie à la province de Gozan, la distance est de sept cents kilomètres en ligne directe. Mais les déportés avaient à parcourir un chemin plus long afin d’éviter le désert d’Arabie, impraticable à une multitude nombreuse. Ecbatane se trouve à plus de huit cents kilomètres au delà de Gozan, et Rages à plus de mille.
3° Situation des déportés Israélites. — Dans es déportations en masse, les Assyriens visaient moins à se procurer des esclaves qu’à expatrier les peuples vaincus et à fournir de colons certaines de leurs provinces. Le sort des exilés était donc en général assez doux, et la somme de liberté qu’on leur laissait assez considérable Néanmoins un certain nombre d’entre eux menaient la vie d’esclaves proprement dits, soit à raison de la part qu’ils avaient prise à la défense de leur patrie, soit à cause de leur force, de leur jeunesse, et de leurs autres avantages corporels. On a retrouvé un contrat assyrien par lequel
un Phénicien vend à un Égyptien deux Juifs, appelés Heiman et Melchior, et une Juive. Le contrat est de l’année 708, par conséquent du règne de Sargon. Oppert, Comptes rendus de l’Académie des inscriptions et belleslettres, 6 mai 1887, t. xvi, p. 165. Il y eut donc à Babylone des esclaves juifs à la suite de la déportation d’Israël. Le livre de Tobie fournit quelques détails intéressants sur le sort fait aux autres exilés. Tobie appartenait à la tribu de Nephthali, que Théglathphalasar II avait déportée en 733. Il fut naturellement facile à certaines familles de cette tribu d’échapper au désastre, ne fut-ce que par leur éloignement momentané du théâtre de la guerre. La famille de Tobie fut de celles-là. Elle ne subit la captivité qu’à l’époque de Salmanasar, à la suite du siège de Samarie commencé par ce roi, ou même pendant le cours de la campagne et avant la mort du prince. Le lieu d’exil qu’on lui assigna fut Ninive même, Tob., i, 11, ce qui permet de croire qu’en dehors des villes indiquées par le quatrième livre des Rois, beaucoup d’autres servirent de séjour aux déportés. Tobie avait été personnellement l’objet des faveurs du roi et en avait reçu une somme de dix talents d’argent, équivalant à quatre-vingt-cinq mille francs. Tob., 1, 17. La somme était considérable. La grandeur du présent montre que les rois assyriens savaient exercer leur bienveillance à l’égard des vaincus, sans doute pour gagner le cœur de ceux que leurs armes avaient asservis. Du reste, le don d’une pareille somme ne coûtait guère à des princes qui accumulaient dans leurs trésors toutes les richesses des pays conquis. À l’autre extrémité de la Médie, à Rages, vivaient d’autres Israélites. De Ninive, on ne pouvait s’y rendre qu’en traversant les déniés des monts Zagros. Une relégation si lointaine aggravait notablement le sort de ceux qui avaient à la subir. À Rages, Tobie possédait un parent qui était pauvre, et il lui confia en dépôt ses dix talents. Tob., i, 17. À Ecbatane vivaient d’autres parents de Tobie. Ceux-ci étaient beaucoup plus à l’aise. Raguel avait des esclaves, Tob., viii, 20, et en le quittant, le jeune Tobie put emmener toute une caravane d’esclaves et de troupeaux. Tob., xi, 3. À Ninive, Tobie eut tout d’abord pleine liberté d’aller et de venir, et de visiter ses compatriotes malheureux. Tob., i, 19. Il pouvait même en réunir un certain nombre dans sa maison aux jours de fête. Tob., Il, 2. On sait d’ailleurs que des prêtres accompagnaient les exilés. IV Reg., xvii, 28. Cf.
III Reg., xii, 31. — Sennachérib se montra moins bienveillant pour les Israélites que Salmanasar ; il devint même tout à fait hostile, à la suite de sa campagne malheureuse contre Jérusalem. Tob., i, 18, 21. Après lui, l’hostilité persévéra à Ninive, et de temps à autre quelques Israélites périssaient par violence. Tob., ii, 3, 9. Malheureusement les hommes comme Tobie faisaient exception parmi les exilés d’Israël. Beaucoup avaient emporté de Samarie des sentiments d’indifférence et d’impiété, Tob., i, 12, dont les parents même de Tobie fournissent un triste exemple. Tob., H, 15, 16, 22, 23. Cf. Grætz, Gescliichte der Ismeliten, Leipzig, 1875, t. ii, 1°> partie, p. 210-221..
II. Captivité des tribus du royaume de Juda. — 1° Leur déportation. — 1. Sennachérib (705-681), racontant sa campagne contre Ézéchias, se vante d’avoir pris « 46 de ses places fortes, des bourgades et petites localités sans nombre de son royaume, … 200150 hommes et femmes, grands et petits, des chevaux, des mulets, des ânes, des chameaux, des bœufs et des brebis sans nombre j’emportai et comme butin je comptai ». Prisme de Taylor, col. iii, 13-20 ; Schrader, Keilinschnften, p. 288-300. Les Livres Saints parlent de villes prises par les Assyriens pendant cette campagne, mais non de prisonniers.
IV Reg., xviii, 13 ; ls., xxxvi, 1. Ils n’auraient point passé sous silence la déportation d’un si grand nombre de captifs, si réellement elle avait eu lieu. Il est donc fort probable que Sennachérib n’accuse tant de milliers de prisonniers que pour pallier la honte de sa défaite, dont il se garde
bien d’ailleurs de faire la moindre mention, conformément aux usages invariables de la cour assyrienne. Toutefois les circonstances autorisent à supposer que le renseignement consigné dans son inscription a quelque fondement, et que Sennachérib fit un assez grand nombre de prisonniers dans les villes de Juda et des pays voisins dont il s’empara. Peut-être même réussit-il à en emmener un certain nombre jusqu’en Assyrie. — 2. Sous Assurbanipal (668-625), d’après l’opinion la plus probable, un général assyrien fut envoyé contre Béthulie, qui commandait à la fois la route de Samarie et celle de Jérusalem. Les Israélites qui avaient pu échapper au sort de leurs compatriotes et étaient restés dans le pays s’étaient ralliés à leurs frères de Juda. Ils reconnaissaient l’autorité du grand prêtre de Jérusalem. Judith, iv, 5, 7 ; II Par., xxx, 10-12, 18. Le roi d’Assyrie fit enjoindre aux uns et aux autres de se soumettre, et dans ce but il envoya ses représentants « dans toutes les provinces maritimes, le mont Carmel, Galaad, la haute Galilée, la grande plaine d’Esdrelon, toutes les villes de Samarie et les rives du Jourdain jusqu’à Jérusalem ». Judith, i, 8, 9 (texte grec). Malgré l’issue du siège de Béthulie, il est possible ici encore que des hommes des villes d’Israël ou de Juda aient été réduits en captivité, au cours des razzias que les généraux d’Assurbanipal faisaient dans toute l’Asie occidentale. Cf. Cylindre A, col. iii, 34 ; fragment de la tablette K 2675, 11 ; cylindre A, col. viii, 6 ; G. Smith, History of Assurbanipal, p. 64-67, 81, 256-261. — 3. Les grandes déportations de Juda eurent lieu sous Nabuchodonosor (604-561). On en compte quatre successives. — A) Nabuchonosor n’était pas encore roi, quand son père, Nobopolassar, l’envoya combattre le pharaon Néchao II, qui depuis trois ans s’était rendu maître de la Palestine et de la Syrie. Le jeune prince défit l’ennemi à Carchamis, sur la rive droite de l’Euphrate, et le poursuivit jusqu’à la frontière d’Egypte. IV Reg., xxiv, 1-7. Chemin faisant, il s’empara du roi de Juda, Joakim, et le chargea de liens pour le conduire à Babylone, à cause de sa connivence avec le roi d’Egypte. Maître de Jérusalem (606), il y fit un certain nombre de prisonniers qu’il destina à la déportation. Mais la nouvelle inopinée de la mort de son père l’obligea à reprendre en toute hâte le chemin de sa capitale, afin de s’assurer la possession du trône. Il conclut un traité avec le pharaon et partit. On ne sait pas au juste s’il laissa Joakim à Jérusalem, ou s’il l’emmena à Babylone (d’après le texte hébreu, II Par., xxxvi, 6), pour le renvoyer ensuite en Palestine. Toujours est-il que ce prince mourut à Jérusalem, où probablement il ne reçut pas la sépulture royale. IV Reg., xxiv, 5 ; Jer., xxii, 19 ; xxxvi, 30. Mais il y eut d’autres déportés. Voici ce que raconte à ce sujet l’historien Bérose, dans un passage conservé par Josèphe, Ant. jud., X, xi, 1 : « Sitôt après avoir appris la mort de son père, Nabuchodonosor mit ordre à ses affaires en Egypte et dans le reste du pays. Quant aux captifs juifs, phéniciens, syriens et des peuples d’Egypte, il donna ses instructions à plusieurs de ses amis pour les conduire à Babylone avec les gros bataillons et les bagages, tandis qu’avec un petit nombre il traverserait le désert pour se rendre à Babylone… Quand les captifs arrivèrent, il leur fit assigner des colonies dans les endroits les plus convenables de la Babylonie. » Cf. Cont. Apion., i, 19. Daniel encore jeune et ses compagnons firent partie de cette première déportation, qui eut lieu « la troisième année du règne de Joakim ». Dan., i, 1-3. De son côté, Jérémie, « la quatrième année de Joakim, fils de Josias, roi de Juda, qui est la première année de Nabuchodonosor, roi de Babylone, » annonça que le roi babylonien allait accourir pour « réduire tout le pays en solitude et en état épouvantable ». Jer., xxv, 1, 9. Il y a contradiction apparente entre les dates assignées par les deux prophètes à un événement aussi mémorable que la prise de Jérusalem par Nabuchodonosor. On a voulu l’expliquer
en disant que Daniel parlait du départ de Nabuchodonosor pour sa campagne de Syrie, la troisième année de Joakim, et Jérémie de l’arrivée du prince à Jérusalem, la quatrième année de Joakim. Mais « Fannée du départ de Nabuchodonosor importait peu, et Daniel a eu surtout en vue de marquer l’époque de la prise de Jérusalem. Cette date â dû se présenter d’une façon d’autant plus instante, et s’imposer à l’écrivain, qu’elle était en même temps la date de son exil et aussi celle du commencement de la transmigration de son peuple à Babylone… Il a écrit à Babylone, mais il s’exprime d’après les souvenirs d’un homme qui se trouvait à Jérusalem lorsque arriva l’armée qui s’empara par surprise de la ville sainte et fit de lui un otage ». Fabre d’Envieu, Le livre du prophète Daniel, Paris, 1890, t. ii, i re part., p. 2. Mieux vaut donc attribuer aux deux prophètes une manière différente de compter, Jérémie parlant d’une quatrième année qui commence, et Daniel d’une troisième année qui s’achève pendant le siège de la ville. Cf. Calmet, Commentaire littéral, In Jer., xxv, 1, Paris, 1726, t. vi, p. 127. — B) En 602, Nabuchodonosor revint en Syrie, pour y réprimer les tendances à la révolte contre son autorité, et à cette occasion Joakim fut encore battu, contraint à payer tribut et assujetti à une dépendance humiliante. Trois ans après il renouait des intrigues avec les Égyptiens et les Tyriens. Le roi de Babylone se mit encore en marche ; mais avant son arrivée Joakim était mort, peut-être de mort violente. IV Reg., xxiv, 1-2 ; Jer., xxii, 18, 19 ; xxxvi, 30. Joakim eut pour successeur son fils Joachin ou Jéchonias. Celui-ci ne put résister à son puissant envahisseur, et dut se liv-er à lui avec sa famille et ses trésors (598). Nabuchodonosor entra encore une fois à Jérusalem, et fit déporter, à Babylone Jéchonias et sa famille, les notables de la ville, au nombre de 10000, des hommes valides, au nombre de 7000, et 1000 ouvriers, au total 18000 hommes. IV Reg., xxiv, 11-16. La mention de ces hommes valides et de ces ouvriers n’est pas indifférente. Nabuchodonosor était grand bâtisseur ; il mettait son orgueil à embellir Babylone de magnifiques monuments. Dan., IV, 27 ; Inscription de la compagnie des Indes, col. vil-ix ; Vigouroux, La Bible et les découvertes modernes, t. iv, p. 319-320. Il se proposait naturellement d’utiliser dans sa capitale les déportés de Jérusalem. Jérémie, lii, 28, enregistre pour cette déportation 3023 Juifs, c’est-à-dire probablement des hommes de Juda, pris en dehors de la ville, ce qui porterait le total général à 21023 captifs. On ne doit pas attacher à ces chiffres une trop grande importance. Ils ont pu facilement s’altérer dans le cours des temps ; de plus, les captifs ne partaient pas seuls ; ils emmenaient avec eux leur famille, dont les membres n’entrent pas en ligne de compte dans les listes officielles. On pouvait donc obtenir un nombre plus ou moins grand de déportés, suivant l’extension qu’on donnait à la qualité d’homme valide, d’ouvrier ou de chef de famille. Dans cette déportation de 598 furent compris le prophète Ézéchiel, I, 2-3 ; xxxiii, 21, et Mardochée, l’oncle d’Esther. Esth., Il, 5-6 ; xi, 4. — C) Sédécias, oncle de Jéchonias, avait été placé sur le trône de Jérusalem par Nabuchodonosor. Profitant des embarras momentanés que ce dernier avait avec les Mèdes, Sédécias céda à son tour aux instances du parti égyptien. Il se coalisa donc avec ses voisins pour secouer le joug de la domination chaldéenne. La ruine définitive de Jérusalem en fut la conséquence. Nabuchodonosor poursuivit le siège de la ville pendant dix-huit mois, du dixième mois de la neuvième année de Sédécias au quatrième mois de sa onzième année (588). Malgré une interruption du siège motivée par une tentative d’intervention du roi d’Egypte, Ouhabrâ, la capitale, réduite par la famine, dut ouvrir ses portes. Les Chaldéens ruinèrent tout et brûlèrent le temple. IV Reg., xxv, 1-21. Tout ce qui restait dans la ville fut déporté. Jérémie, lu, 29, ne compte ici que « 832 personnes de Jérusalem »
emmenées en captivité. On ne laissa dans le pays que les gens de rien, et la contrée demeura à peu près déserte, sans que les Chaldéens y envoyassent des colons, comme jadis les Assyriens en avaient envoyé à Samarie. Cette déportation est datée de la dix-neuvième année de Nabuchodonosor dans le quatrième livre des Rois, xxv, 8, et de la dix-huitième par Jérémie, iii, 29, et Josèphe, Cont. Apion., i, 21. Cette divergence s’explique de la même manière que celle qui a été signalée plus haut entre Jérémie et Daniel. « Les dates qui diffèrent ainsi ne se contredisent pas, mais accusent une manière différente de compter… Il est possible que cette différence ait sa raison d’être dans les façons diverses d’assigner le commencement des années. » Grætz, Geschichte der Isræliten, t. ii, 2e partie, p. 378. Dans toutes les autres dates qui ont trait à la captivité, Jérémie est ainsi en avance d’un an ; mais il n’y a pas à hésiter sur l’identité des faits qu’il rapporte. — D) Une quatrième et dernière déportation eut lieu la vingt-troisième ou vingt-quatrième année de Nabuchodonosor. Ce prince avait laissé un simple gouverneur, Godolias, pour veiller sur le pays. Les Israélites qui avaient réussi jusque-là à éviter la déportation se réunirent autour de lui. Mais des exaltés ayant assassiné Godolias, tout ce. qui restait d’Israélites s’enfuit en Egypte, pour échapper à la colère de Nabuchodonosor. IV Reg., xxv, 22-26. Jérémie, qu’ils entraînèrent de force avec eux, leur avait prédit que l’Egypte tomberait aux mains du roi chaldéen. Jer., xlvi, 13-26 ; xliii, 6-13. Du fond de sa captivité, Ézéchiel, xxix, 2-10, 18-20, avait fait la même annonce. Ces prophéties s’accomplirent. Nabuchodonosor envahit l’Egypte par deux fois, la vingtquatrième et la trente-septième année de son règne. Cf. Vigouroux, La Bible et les découvertes modernes, t. iv, p. 412-419. Dans la première invasion, « il reprit les Juifs qui se trouvaient là et les déporta à Babylone. » Josèphe, Ant. jud., X, ix, 7. Ces Juifs étaient au nombre de 745. Jer., iii, 30. — Jérémie compte en tout 4600 déportés, et le quatrième livre des Rois, xxiv, 14-16, en compte 18000. Josèphe, Ant. jud., X, vi, 3 ; vii, 1, se livre à des combinaisons de chiffres qui n’inspirent pas une pleine confiance : il fait transporter, sous Joakim, 3000 captifs, au nombre desquels il met Ézéchiel ; sous Jéchonias, il en compte 10 832. Ce dernier chiffre se compose des 10000 notables du livre des Rois à la seconde déportation, et des 832 personnes de Jérusalem que Jérémie compte à la troisième déportation.
2° Causes de la captivité de Juda. — Les prophètes s’étendent longuement sur les causes qui ont attiré le terrible châtiment sur Juda. Voici celles qu’ils signalent plus particulièrement : I. l’infidélité en général, Is., xxii, 1-14 ; — 2. le manque de confiance en Dieu, Is., vii, 15-25, tandis que les Juifs mettaient leur espoir dans les hommes, Jer., xvii, 5-18, spécialement dans les faux prophètes, Jer., xxiii, 9-14, et même dans les institutions mosaïques, Jer., vii, 1-vin, 22 ; — 3. l’ingratitude envers Dieu, Êzech., xx, 1-44 ; — 4. la violation de la loi divine, Is., l, 1-11 ; lviii, 1-14 ; Jer., xvii, 19-27 ; — 5. l’idolâtrie, qui est le crime le plus détestable, Jer., xvi, 21-xvii, 4, surtout chez les grands, Ezech., viii, 1-18 ; — 6. la corruption, spécialement celle des plus grands personnages, Ezech, , xill, 1-xiv, 23, corruption inséparable de l’idolâtrie, Ezech., xxii, 1-31 ; — 7. les injustices publiques, Hab., 1, 2-4 ; — 8. les mauvaises mœurs du peuple tout entier, Ezech., xv, 1-8 ; xvii, 1-24, mœurs que le prophète décrit en paraboles, et les péchés de chacun. Ezech., xviii, 1-32 ; — 9. l’impénitence et l’endurcissement dans le mal, Jer., v, 1-31 ; IX, 1-22 ; xi, 18-xil, 17 ; Soph., m, 1-8 ; — 10. la Providence avait aussi des vues d’avenir en transportant son peuple hors de la Terre Sainte. Elle tira, comme elle le fait souvent, le bien du mal. Elle dispersa les Juifs dans tout le monde ancien, avant l’avènement du Messie, pour qu’ils commençassent à faire connaître le vrai Dieu et pour que les Apôtres, lorsqu’ils
iraient prêcher l’Évangile aux païens, trouvassent dans toutes les grandes villes un centre tout préparé pour les recevoir et leur faciliter le moyen d’annoncer la bonne nouvelle.
III. Condition des exilés en Babylonie. — 1° Lieux de leur séjour. — La plupart des Juifs déportés, auxquels on laissa une certaine liberté, habitèrent à Babylone, sur la rive droite de l’Euphrate, dans la partie de la ville qui s’appelle aujourd’hui Hillah, et autrefois, d’après M. Oppert, Halalat, « la profane. » C’était comme la cité ouvrière, dans laquelle demeuraient tous ceux que les Chaldéens regardaient comme profanes. Voir le plan de l’ancienne Babylone, t. i, col. 1352 ; Vigouroux, La Bible et les découvertes modernes, t. iv, p. 326. La ville de Babylone avait une superficie immense, circonscrite par une grande muraille. Elle pouvait recevoir facilement une multitude de nouveaux habitants. L’Euphrate, qui traversait la ville entre des digues monstrueuses, se déversait dans des canaux sans nombre qui arrosaient Babylone et toute la basse Chaldée. Le principal portait le nom de Nahar Malka, « fleuve royal ; » il fut réparé par Nabuchodonosor même. Au sud de la ville, de grands lacs artificiels recevaient aussi les eaux du fleuve. Les exilés juifs habitaient sur le bord de ces canaux. Ils chantaient, dans un de leurs psaumes de l’exil :
Près des fleuves de Babylone nous sommes assis,
Et nous pleurons au souvenir de Sion ;
Aux saules de ses rives
Nous suspendons nos Jtinnorim.
Ps. CXXXVI (cxxxvii), 1-2.
Ezéchiel, i, 1, 3, se trouvait auprès du Chobar (Kebâr), « dans la terre des Chaldéens, » quand il eut sa première vision. Comme le prophète faisait partie des déportés de Juda, le fleuve Chobar ne saurait être identifié avec le Khabour ou Habor (Hâbôr), sur les rives duquel avaient été établis une partie des déportés de Samarie. Voir plus haut, I, 2°. Le Chobar, dont le nom dérive de kâbar, « être grand, long, » était sans doute un canal, peut-être le Nahar Malka, le grand canal royal, à supposer toutefois que ce canal royal passât à Babylone. Grætz, Geschichte der Isræliten, t. ii, 2° partie, p. 3. Voir Chobar. Sur les rives de ce canal, le prophète habitait au milieu des exilés, dans une localité appelée Tell Abib. Ezech., iii, 15. Baruch, 1, 4, parle de « ceux qui habitaient à Babylone, près du fleuve Sodi ». Sodi est encore évidemment le nom d’un des canaux de Babylone. Quant au fleuve Ahava, d’où les Juifs partirent avec Esdras pour retourner en Palestine, I Esdr., viii, 21, 31, peut-être n’était-il aussi qu’un canal babylonien. Il est possible cependant que ce nom soit celui d’un gué de l’Euphrate. Voir Ahava, t. i, col. 290. D’autres exilés durent se fixer dans des villages voisins de la capitale, Tell Melakh, Tell Harsa, Keroub-Addan, dont la position est restée inconnue. I Esdr., ii, 59. A Casphia, autre localité dont on ignore également la situation, s’étaient retirés des prêtres et des serviteurs du temple. I Esdr., viii, 17. Avec le temps, beaucoup de Juifs s’éloignèrent du séjour que Nabuchodonosor leur avait assigné dans sa capitale. Ils allèrent s’établir dans tous les centres importants de l’empire chaldéen, et plus tard de l’empire médoperse et des royaumes de Syrie et d’Egypte. Dan., viii, 2 ; Esth., ii, 5-6 ; ix, 2 ; II Mach., vn, "l ; Act., ii, 9-11.
2° État social des Juifs exilés. — Parmi les déportés, les uns furent réduits en esclavage, les autres conservèrent une liberté plus ou moins complète. — 1. Les esclaves. Nabuchodonosor s’assura bon nombre d’esclaves pour l’exécution de ses grands travaux. C’est dans ce but qu’il emmena spécialement de Jérusalem les ouvriers et les hommes jeunes et forts. Les officiers de son armée reçureut aussi des esclaves juifs en partage. On ignore suivant quelles règles se fit la répartition ; mais il y eut là naturellement beaucoup d’arbitraire, et la convenance
des vainqueurs servit de loi dans le traitement inlligé aux vaincus. En général, c’est au moyen des immenses razzias faites dans leurs expéditions guerrières que les Assyriens et les Chaldéens recrutaient les ouvrière et les esclaves dont ils avaient besoin. Les Juifs leur en fournirent une grande quantité. Les documents cunéiformes mentionnent assez souvent des esclaves juifs. Dans les textes juridiques, par exemple, il est question d’un Israélite du nom de Yukub ou Jacob, revendiqué par celui qui le possédait en vertu du droit de guerre ; d’un autre esclave juif appelé Bazuz, c’est-à-dire « enlevé », qui est vendu par une Babylonienne ; d’un Juif nommé Idihi-el, condamné pour avoir tué un esclave, etc. Oppert, Comptes rendus de l’Académie des inscriptions et belles-lettres,
1887, t. xvi, p. 172, 227, 228. La condition des esclaves était loin d’être aussi dure chez les Chaldéens que dans beaucoup d’autres contrées. « Ce qui nous surprend, écrit M. Oppert, La condition des esclaves à Babylone, Paris,
1888, p. 4, c’est l’extrême liberté dont jouissent ces esclaves, qui, loin d’être une res, comme à Rome, sont des personnes à Babylone, pouvant contracter indépendamment de leurs maîtres, et encore plus pouvant obliger des hommes nés libres. » Ces esclaves étaient traités comme des serviteurs ; on rétribuait leurs services, et Us avaient la faculté de se libérer avec l’argent gagné par leur travail. Le prix de leur libération s’appelait iptiru, et eux-mêmes prenaient le nom significatif de abdu iptiru, « esclaves pouvant se racheter à prix d’argent. » Oppert, loc. cit., p. 5. Les Juifs, naturellement industrieux, surent à merveille profiter des facilités que leur ménageait la coutume chaldéenne, et si les contrats de vente désignent beaucoup d’esclaves dont les noms reflètent une origine palestinienne, on peut être assuré que la grande majorité d’entre eux parvinrent à reconquérir leur liberté, comme plus tard le firent si habilement à Rome les Juifs emmenés en captivité par Pompée. À Babylone, un homme né libre ou de noble origine pouvait être temporairement esclave ; mais, dans certaines circonstances, il reconquérait sa liberté, en fournissant la preuve de sa noblesse. On a retrouvé les pièces d’un curieux procès relatif à un Juif nommé Barachiel. Vendu, puis mis en gage et ensuite racheté, il s’enfuit, mais fut repris. Il chercha alors à recouvrer sa liberté en se prétendant né de condition libre. Le juge lui demanda de prouver son « état de fils d’ancêtre ». Barachiel assura qu’il avait rempli une fonction sacrée dans un mariage babylonien de haute lignée, fonction réservée aux hommes libres. L’assertion fut reconnue inexacte, et Barachiel subit les conséquences de son mensonge. Oppert, loc. cit., p. 6. On voit toutefois par là que les déportés de Juda savaient mettre en jeu tous les moyens pour reconquérir leur liberté. C’était l’usage de changer les noms des captifs d’origine étrangère. Les textes babyloniens le prouvent, et ce qui se passa pour Daniel et ses compagnons, Dan., i, 7, ne fut pas une exception. Oppert, loc. cit., p. 7. — 2. Les hommes libres. Les Juifs auxquels on avait laissé la liberté et ceux qui l’avaient reconquise à prix d’argent vivaient à Babylone à peu près avec les mêmes droits que le reste de la population chaldéenne. L’histoire de Suzanne, qui date d’une époque où Daniel était encore jeune, Dan., xiii, 45, par conséquent des premières années de la captivité, fourni quelques renseignements sur la situation de certaines familles juives de Babylone. Joakim, l’époux de Susanne, est très riche. Il possède un magnifique jardin, avec un bassin dans lequel on peut se baigner. Susanne a tout un personnel à son service. Dan., xiii, 4, 15, 17. La maison de Joakim sert de rendez-vous à ses compatriotes, et c’est là que deux vieillards de race sacerdotale, désignés chaque année, rendent la justice à leurs compatriotes et peuvent même porter des sentences de mort, exécutées sans que l’autorité locale en prenne ombrage. Dan., xiii, 4-6, 41, 02. Les anciens du peuplé continuaient donc à exercer leurs fonctions sur la terre d’exil. Jer., xxix, 1 ; Ezech., XX, 1.
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CAPTIVITÉ
§3C
Voir anciens, t. i, col. 550. — Le livre de Baruch, i, 4-10, montre également que les Juifs de Babylone pouvaient se réunir facilement, qu’ils faisaient des collectes, et recueillaient entre eux assez de ressources pour racheter une partie des vases d’argent emportés du temple par Nabuchodonosor et les renvoyer aux prêtres restés à Jérusalem, avec le prix des holocaustes à offrir sur un autel élevé sans doute au milieu des ruines. Quelques exilés arrivèrent même à do brillantes situations, comme Daniel, II, 48 ; vi, 2, ses trois compagnons, Dan., iii, 97, et plus tard Néhémie, II Esdr., ii, 1. Zorobabel occupa aussi sans doute quelque charge à la cour de Cyrus. Il est appelé « prince {nâSV) de Juda ». Peut-être exerçait-il une autorité sur tout l’ensemble de ses compatriotes. Munk, Palestine, p. 458. Le chapitre. xxxiv d’Ézéchiel donnerait à penser que les chefs du peuple exilé ne montraient malheureusement pas toujours une grande compassion ni un dévouement suffisant à l’égard de leurs compatriotes moins fortunés. — Comme l’époux de Susanne, tous les Juifs exilés pouvaient acquérir et posséder des terres et des maisons. Beaucoup durent recevoir des terrains qu’ils firent valoir par eux-mêmes ou par d’autres. Ils payaient en retour certaines redevances, une contribution foncière ou un impôt personnel. Jérémie, xxix, -4-7, connaissait bien la situation faite aux exilés, quand il écrivait « à toute l’émigration » qui vivait à Babylone : « Bâtissez des maisons et habitezles ; plantez des jardins et mangez-en les fruits ; mariezvous et ayez des fils et des filles ; donnez des épouses à vos iils et des époux à vos filles : qu’ils aient des fils et des filles, mullipliez-vous là-Las et que votre nombre ne diminue pas. Travaillez à la paix de la ville dans laquelle je vous ai fait émigrer, priez le Seigneur pour elle, parce que de sa paixdépend votre paix. » Ces paroles témoignent à la l’ois de la durée de la captivité el de la liberté dont les exilés jouissaient à Babylone. Ils devaient se multiplier pour former les éléments nécessaires à un retour en masse en Palestine, et à une colonisation puissante dans l’empire do leurs vainqueurs. Les prières que Jérémie leur conseillait d’adresser à Dieu pour la ville qui les abritait ne furent point omises. Bar., i, M, 12. Il ne faut pas oublier que lorsque les captifs de Juda arrivèrent en Babylonie, ceux de Samarie se trouvaient établis depuis plus d’un siècle dans les provinces du nord. Beaucoup de ces derniers s’étaient peu à peu rapprochés de la capitale et. y avaient pénétré à des titres divers. Le malheur et le temps avaient eu raison de leur ancienne hostilité. Leur présence dans le pays fut donc un précieux avantage pour les nouveaux venus de Juda.
— Dans les premières années de l’exil, la condition des Juifs dut être un peu plus dure qu’elle ne le devint dans la suite. Nabuchodonosor, irrité des révoltes d’un peuple qui l’avait obligé à entreprendre plusieurs campagnes, fit sentir aux exilés le poids de sa vengeance. Peu à peu sa colère s’apaisa, quand il reconnut que les Juifs constituaient pour sa capitale et pour son empire un élément de prospérité. Son fils, Évilmérodach (561-559), se montra plus bienveillant. Il fit sortir le roi Jéchonias de la prison dans laquelle il était enfermé depuis trente-sept ans, lui rendit les honneurs royaux et le fit asseoir à sa table. IV Reg., xxv, 27-30 ; Jer., lii, 31-34. Nériglissor (559-556), assassin de son frère Évilmérodach, ne paraît pas avoir eu pour les exilés les mêmes faveurs. Cf. Grætz, Geschichte der Isræliten, t. ii, 2° partie, p. 1-76 ; Hanebcrg, Histoire de la révélation biblique, trad. Goschler, Paris, 1856, t. i, p. 420-436.
3° Situation religieuse des exilés. — La captivité ne devait être qu’une épreuve pour les Juifs. Elle n’impliquait pas, de la part du Seigneur, une répudiation définitive de son peuple, comme plus tard la destruction de Jérusalem par Titus. Au point de vue religieux, elle présenta de grands dangers ; mais ces dangers furent en partie conjurés par des secours providentiels. — A) Les dangers. Ils provenaient surtout de cette brillante civi lisation babylonienne au milieu de laquelle lès Juifs se voyaient tout d’un coup jetés. Babylone était une ville magnifique, dans laquelle tout chantait la gloire des grands dieux chaldéens, Bel, Nabo, Istar, et de leur orgueilleux serviteur, Nabuchodonosor. Quelle tentation d’adorer ces dieux, qui aux yeux du vulgaire idolâtre possédaient plus de puissance que Jéhovah, puisqu’ils avaient assuré aux Chaldéens la victoire sur le peuple de Jéhovah ! Quand Nabuchodonosor ordonnait de rendre les suprêmes hommages au dieu national de Babylone, « tous les peuples, les tribus et les langues » se pliaient à son caprice, et la mort attendait ceux qui se refusaient à cet acte d’idolâtrie. Dan., iii, 7, 21. Se contenter d’adorer Jéhovah constituait donc un acte de révolte contre le prince, un attentat contre les dieux protecteurs de Babylone. D’où, pour les Juifs, inclination à croire, que Jéhovah les avait vraiment abandonnés, qu’il avait manqué à leur égard ou de puissance ou de bonté, qu’eux-mêmes pouvaient en tout cas associer à son culte celui de ces dieux de Babylone, qu’on portait en triomphe à travers la ville au milieu d’un peuple en délire, et qui savaient si bien ménager victoire, gloire et richesses à leurs adorateurs. Ce danger de perversion grandissait encore par le fait que les Juifs vivaient mélangés avec une population de même origine qu’eux, presque de même langage, de traditions, de mœurs, de goûts identiques sur bien des points. Vigouroux, La Bible et les découvertes modernes, t. iv, p. 329-341. On ne peut dire combien de Juifs se laissèrent prendre aux attraits d’une si brillante idolâtrie. Dans le sein même de l’émigration, il se trouvait des hommes pour entraîner leurs frères au mal. Jérémie, xxix, 8-9, disait aux exilés : « Que vos prophètes qui sont au milieu de vous, que vos devins ne vous égarent pas. Ne prêtez pas attention aux rêves que vous suscitez. Ils vous prophétisent en mon nom ; mais c’est à faux, je ne les ai pas envoyés, dit Jéhovah. » Pour contrebalancer ces causes de perversion, les Juifs n’avaient plus ni leur temple, ni les magnificences de leur culte, ni les réunions d’un peuple innombrable à l’époque des grandes solennités. Il ne leur en restait qu’un souvenir, et la génération qui commença à s’élever dans l’exil ne connut tout ce brillant passé que par ouï-dire. — B) Les secours providentiels. Dieu n’abandonna pas son peuple sans défense au milieu des dangers. Les Juifs emportaient tout d’abord avec eux les Saintes Écritures, le livre de la Loi, contenant les menaces et les promesses du Seigneur, et les écrits des premiers prophètes qui leur promettaient un avenir meilleur. Abdias, 21, leur annonçait des sauveurs sur le mont Sion ; Amos, ix, 11, le relèvement de la tente de David ; Osée, iii, 5, la conversion d’Israël ; Michée, iv, 1-13, le concours de tous les peuples à Jérusalem et le retour certain de la captivité. Isaïe, après avoir prédit les châtiments destinés au peuple de Dieu, ix, 8-x, 4 ; xxii, 1-14 ; xxviii, 1-15, célébrait dans de triomphants oracles la prochaine délivrance de la captivité, xl, 3-xli, 29 ; xliv, 21-xlv, 26, et la gloire future de Jérusalem, Liv, 1-lvi, 8 ; lx, 1-22. Jérémie, que les captifs connaissaient bien et dont ils eurent le malheur de mépriser les avertissements, avait à maintes reprises fait savoir à Juda la punition qui l’attendait. Jer., iii, 6xxih, 40 ; xxv, 1-38. Mais en même temps il avait prophétisé la fin de la captivité et l’heureux retour du peuple de Dieu. Jer., xxx, 1-xxxin, 26. Les exilés pouvaient donc se dire, comme plus tard leurs descendants : « Nous avons pour nous consoler les Saints Livres qui sont dans nos mains. » I Mach., xii, 9. Mais Dieu leur ménagea un secours encore plus puissant dans le ministère de ses prophètes. Jérémie ne peut se rendre lui-même à Babylone ; il ne laisse pourtant pas partir ses malheureux compatriotes sans leur remettre une lettre où il cherche à les prémunir contre les dangers que leur foi courra dans la capitale chaldéenne. Bar., vi, 1-72. Son disciple Baruch va en son nom retrouver les captifs
et les exhorte à la pénitence et à la confiance en la miséricorde divine. Bai’., iii, 9-v, 9. Ézéchiel, emmené avec eux, vit au milieu d’eux ; il est reconnu comme prophète du Seigneur, et on vient le consulter en cette qualité. Ezech., viii, 1 ; xiv, 1 ; xx, 1 ; xxxiii, 30 ; dès le commencement de son exil, sous Jéchonias, il est appelé à la mission prophétique et préposé par Dieu à la garde de son peuple, Ezech., ii, 1 - iii, 21 ; il annonce les derniers malheurs qui vont frapper la ville de Jérusalem, infidèle au Seigneur, Ezech., iii, 22-xxiv, 27 ; mais décrit ensuite la restauration de tout Israël et les splendeurs du nouveau royaume. Ezech., xxxvi, 1-xxxix, 29 ; xlvii, 13xlviii, 35. Ézéchiel devient bientôt comme un centre de ralliement pour les exilés. On se réunit autour de lui, comme on se réunit dans la maison de Joakim, mari de Susanne, comme on se réunissait auprès des personnages les plus notables de l’émigration. — Ce fut là, au dire de quelques auteurs, l’origine des synagogues. Le Talmud de Babylone, Meghilla, ꝟ. 28 a, prétend même que les compagnons de captivité de Jéchonias auraient bâti une synagogue sur la terre d’exil avec des pierres apportées de Palestine. VoirSYNAGOGUK. De fait, la nécessité dut inspirer aux captifs la pensée de se réunir pour entendre la lecture de la Loi, prier ensemble, et chanter ces cantiques de Sion qu’on refusait d’exécuter devant les idolâtres moqueurs. Ps. cxxxvi, 3-4. De cette époque datent quelques Psaumes, lxxiii, lxxvhi, cxxxvi, ci, et certaines additions aux Psaumes antérieurs, additions ayant pour but de demander la délivrance et la restauration d’Israël. Voir Captifs. — Pendant qu’Ézéchiel vit au milieu du peuple et rend des oracles au moins jusqu’à la vingtseptième année de sa transmigration, Ezech., xxix, 17, Daniel est élevé à la cour de Nabuchodonosor. Il y acquiert peu à peu une situation si influente, qu’il est à même d’assurer à ses compatriotes une protection efficace. Il apparaît du reste au milieu de Babylone comme le représentant officiel de Jéhovah. Il l’emporte en intelligence sur les ministres de tous les autres dieux. Dan., ri, 14-45 ; tv, 16-24 ; v, 9-29. Nabuchodonosor est forcé de convenir que le Dieu de Daniel est le Dieu des dieux. Dan., ii, 47 ; m, 91-97. Plus tard, le prophète montre l’inanité de Bel, la grande divinité chaldéenne, Dan., xiii, 65-xiv, 26 ; il échappe miraculeusement aux supplices qu’on tente de lui infliger, à cause de son mépris pour les faux dieux de Babylone, Dan., vi, 1-28 ; xiv, 29-42, et ses trois compagnons participent à son immunité. Dan., iii, 1-97. Ces exemples montrent aux Juifs que les dieux si pompeusement honorés ne sont que néant, et que Jéhovah protège efficacement ceux de ses serviteurs qui refusent de les adorer. Enfin, dans ses visions prophétiques, Daniel fait entrevoir les splendeurs de l’avenir messianique, et rappelle ainsi à ses compagnons de captivité que Dieu n’a point renoncé à ses grands desseins en leur fiveur. Daniel survécut au retour des tribus en Palestine ; il put donc veiller sur elles pendant tout l’exil, et il termina ses jours au milieu de ceux qui restèrent sur la terre étrangère.
4° Durée de la captivité. — Par deux fois, Jérémie, xxv, 12 ; xxix, 10, annonce que la captivité durera soixante-dix ans. Il fait cette prophétie la quatrième année de Joakim (609-598), par conséquent en 606. II est tout naturel de penser que les soixante-dix ans en question partent de cette date. Ils aboutissent alors à l’année 536, qui fut l’année où Cyrus s’empara de Babylone et permit aux Juifs de retourner en Palestine sous la conduite de Zorobabel. D’autres préfèrent placer ces soixante-dix ans entre la destruction du premier temple (588) et l’achèvement <iu second (516). Cette seconde hypothèse paraît moins vraisemblable que la première, parce que Jérémie, xxv, 12 ; xxix, 10, donne comme second terme de sa période la conquête du pays chaldéen, et nullement la reconstruction du temple. D’ailleurs la captivité ne dura cet espace de temps que pour une partie des déportés de
Juda. Il y eut en effet, comme on l’a vii, quatre départs, en 606, en 598, en 588 et en 582 ou environ, et deux retours principaux, avec Zorobabel en 536, avec Esdras en 459. La captivité dura ainsi de quarante-six à cent quarantesept ans, suivant qu’on prend les dates les plus rapprochées ou les plus éloignées l’une de l’autre. Pour ceux du royaume d’Israël, déportés en 733 et 721, l’exil dura beaucoup plus longtemps.
IV. Les conséquenxes de la captivité. — 1° Les résultats d’ordre moral. — Ils furent de plusieurs sortes.
— 1. Le châtiment infligé à la nation porta coup, et jamais plus elle ne s’abandonna tout entière à l’idolâtrie. Sans doute il y eut encore sous ce rapport des défaillances à l’époque des Machabées ; mais elles ne furent jamais générales et soulevèrent toujours de vives protestations de la part des Juifs fidèles. Le peuple de Dieu fut l’objet d’un renouvellement moral qui le transforma profondément, selon la prophétie d’Ézéchiel, xxxvi, 24-28. — 2. Ayant vu comment Jéhovah faisait tout arriver suivant ses prédictions, châtiments et délivrance, comment aussi il avait terrassé les dieux de la puissante nation chaldéenne et livré Babylone à Cyrus, les Juifs apprirent à mettre davantage toute leur confiance en lui, et à espérer une autre délivrance plus merveilleuse, celle qu’opérerait le Messie.
— 3. La communauté du malheur contribua à réunir ensemble les survivants des deux royaumes de Juda et d’Israël. Désormais ils ne firent plus qu’un seul peuple, soit en Palestine, soit dans les pays où ils demeurèrent.
— 4. Pendant la captivité, plusieurs points de la croyance religieuse s’éclaircirent pour les Juifs, particulièrement les grandes vérités de l’immortalité de l’âme et de la résurrection. Les doctrines en honneur chez leurs vainqueurs n’eurent d’ailleurs aucune prise sur eux et ne laissèrent pas de trace dans leurs monuments écrits.
— 5. À la suite de tout ce temps passé sans temple et sans culte extérieur, les exilés commencèrent à mieux comprendre que la loi rituelle importe beaucoup moins que la loi morale, et que l’essentiel est d’aimer Dieu et de lui obéir. Cette notion fut malheureusement altérée dans la suite par les pharisiens. — 6. Enfin la captivité fut un très grand bienfait pour les peuples établis sur les bords du Tigre et de l’Euphrate. Les Juifs semèrent parmi eux les vérités religieuses dont ils étaient les dépositaires, et préparèrent ainsi, comme nous l’avons remarqué plus haut, les voies à l’Évangile.
2° Le nombre de ceux gui revinrent. — Zorobabel ramena avec lui 42 360 exilés, sans compter 7 337 personnes de service, dont 200 chanteurs et chanteuses.
I Esdr., ii, 64, 65 ; II Esdr., vii, 66, 67. D’après 1Il Esdr., v, 41, le nombre de ceux qui accompagnèrent Zorobabel fut de 42340, et d’après Josèphe, Ant. jud., XI, i, 3, de 42 462. Les chiffres qui, dans les recensements particuliers, composent ce nombre ne fournissent qu’un total de 30000 en moyenne, dans les livres qui portent le nom d’Esdras. On explique cette différence en supposant que le recensement détaillé ne porte que sur les tribus de Juda, de Benjamin et de Lévi. L’écart de 12000 représenterait le contingent fourni par l’ancien royaume d’Israël. Les Juifs ramenèrent avec eux un certain nombre d’animaux, porteurs de leurs bagages, 736 chevaux, 245 mulets, 435 chameaux et 6720 ânes. I Esdr., ii, 66, 67 ;
II Esdr., vii, 68, 69. — Josèphe prétend que Zorobabel retourna à Babylone pour obtenir la permission d’achever le temple, et qu’ensuite il ramena avec lui d’autres exilés. Ant. jud., XI, iii, 10. Le livre d’Esdras ne fait aucune mention de ce voyage de Zorobabel, et tout le récit de Josèphe est très suspect. — Le second retour authentique eut lieu sous la conduite d’Esdras, plus de soixante-dix ans après le premier. On compta alors 1 496 chefs de famille, 38 prêtres et 220 serviteurs du temple. I Esdr., VIII, 1-20 ; III Esdr., viii, 31, 50. Les familles nommées parmi celles qui accompagnèrent Esdras se trouvaient déjà représentées parmi celles qui revinrent avec
Zorobabel. Un certain nombre de leurs membres ne prirent donc part qu’au second retour. Ces chiffres, ainsi que ceux qui précèdent, ne comprennent que des chefs de famille. Si leur nombre total s’élève pour les deux retours à environ 45000, il faut le multiplier au moins par 5 ou 6 pour avoir le total de la population qui revint de l’exil, en comprenant les femmes et les enfants.
3o Les Israélites restés en Babylonie. — Il s’en faut de beaucoup que tous les déportés d’Israël et de Juda aient profité du décret de Cyrus pour revenir en Palestine. Une grande partie d’entre eux, peut-être la plus notable, restèrent fixés avec leurs familles dans les pays où les conquérants assyriens et chaldéens avaient conduit leurs ancêtres. Ce furent surtout les anciennes tribus d’Israël qui se firent une seconde patrie du pays de l’exil, à tel point que plusieurs prétendirent qu’Israël était demeuré tout entier à l’étranger. Ainsi on lit dans Josèphe, Ant. jud., XI, v, 2 : « Deux tribus seulement vivent sous l’empire de Rome en Asie et en Europe. Les dix autres tribus habitent jusqu’à ce jour les pays au delà de l’Euphrate. Il y a là des milliers et des milliers d’hommes dont on ne peut faire le dénombrement. » Cf. Philon, Légat, ad Caium, Opéra, Leipzig, 1828, p. 587. A l’époque d’Akiba, vers la fin du Ier siècle de l’ère chrétienne, les docteurs juifs discutaient encore la question du retour des dix tribus, Sanhédrin, x, 3, et ils concluaient qu’elles étaient restées à l’étranger en s’appuyant sur Deut., xxix, 27. Il est écrit d’ailleurs dans le Talmud : <c Les dix tribus ne doivent pas revenir. » Sanhédnn, ex, 2. Cette assertion n’est point conforme à la vérité : les prophètes avaient formellement annoncé le retour des dix tribus. Ose., xi, 9-11 ; Am., ix, 14, 15 ; Ezech., xxxvii, 11-14 ; xxxix, 25-29. Cf. Théodoret, In Jer., l, 3 ; In Ezech., iv, 6, t. lxxxi, col. 739, 858. Calmet, Commentaire littéral, t. iii, p. xv, xvi ; t. vi, p. 356-360. Mais en réalité ce fut seulement la minorité d’Israël qui revint en Palestine. Les autres exilés du royaume nord et une partie des tribus de Juda et de Benjamin restèrent librement dans les pays voisins de l’Euphrate. Sous Xerxès Ier (485-465), l’Assuérus du livre d’Esther, on les trouve établis en nombre dans les villes de l’empire des Perses. Une Juive de la tribu de Benjamin, Esther, devient l’épouse du monarque, et l’oncle d’Esther, Mardochée, est élevé aux plus grands honneurs à Suse. Esth., ii, 5, 9 ; VI, 7-11 ; viii, 1, 2 ; x, 3. Les Juifs formaient une population considérable dans l’empire, Esth., iii, 6 ; vii, 3, et la raison qui les met en péril de mort est tout à leur honneur : ils refusent, à l’exemple de Mardochée, de plier le genou devant Aman. Ce qui donne l’idée de leur nombre et de leur force, c’est que, pour.les autoriser à se défendre contre les persécuteurs soudoyés par Aman, le roi fait écrire à toutes les autorités des cent vingt-sept provinces de son empire. Eslh., viii, 9. À Suse et dans les villes de province, on eut peur de se mesurer avec eux. Ils n’en tuèrent pas moins huit cents de leurs ennemis dans la capitale et soixante-quinze mille dans les villes et les villages des provinces. Esth., ix, 6, 15, 16. Pour exercer de pareilles représailles, il fallait que les Juifs fussent en force dans les différentes localités de la Perse. Dans la suite de l’histoire, il est souvent question des Juifs de ces contrées. En 340, Artaxerxès III Ochus (358-337), après sa campagne d’Egypte, transporte un grand nombre de Juifs en Hyrcanie et sur les bords de la mer Caspienne. George le Syncelle, i, 486 ; Orose, m, 7. Alexandre le Grand confirme les privilèges des Juifs de Babylone, malgré leur refus de contribuer à la restauration du temple de Bel. Josèphe, Ant. jud., XI, vin, 5 ; Gant. Apion., i, 22. Antioehus le Grand ordonne à Zeuxide de prendre en Mésopotamie et en Babylonie deux mille familles juives avec tous leurs bagages, et de les conduire en Lvdie et en Phrygie, où elles serviront les
intérêts du roi de Syrie. Ant. jxid., XII, iii, 4. Phraate, roi des Parthes, traite avec bienveillance Hyrcan II, l’avant-dernier des princes asmonéens, et lui permet de vivre en liberté à Babylone, où « la multitude des Juifs » l’accueille en pontife et en roi. Ant. jud., XV, ii, 2. Sur l’invitation d’Hérode, un Juif de Babylone, Zamaris, vient s’établir en Batanée avec cinq cents cavaliers et cent de ses amis, et de là il protège la route que suivent les Juifs pour venir de Babylone sacrifier à Jérusalem. Ant. jud., XVII, ii, 1-3. À l’époque de Caligula, Néarda, ville de Babylonie, située sur l’Euphrate, paraît avoir été le siège d’une puissante colonie juive, comme l’était aussi Nisibe, à peu de distance de là. C’est à Néarda que-deux jeunes révoltés juifs, Asinæus et Anilseus, finirent par se rendre assez puissants pour obliger le roi des Parthes, Artapan, à s’allier avec eux. Ant. jud., XVIII, îx, 1 - 10. Ces quelques renseignements historiques montrent qu’à la suite de la captivité de puissantes colonies juives s’étaient formées dans toute la contrée qu’oc-. cupèrent successivement les empires des Assyriens, des Chaldéens, des Perses et des Parthes. Cf. Jost, Geschichte der Isrælilen, Berlin, 1820, n « partie, p. 335-339 ; Schûrer, Geschichte des jûdischen Volkes, Leipzig, t. ii, 1886, p. 496-498 ; Fouard, Saint Pierre, Paris, 1893, 2 a édit., p. 46-53. La colonie juive de Babylone était regardée avec tant de faveur à Jérusalem, qu’on lui donnait le pas sur toutes les autres. Sanhédrin, 11. C’est elle qui gagna à sa religion la famille régnante d’Adiabène, petit royaume situé sur le Tigre. La reine de ce pays, Hélène, vint elle-même en pèlerinage à Jérusalem, y soulagea les Juifs pendant la famine et voulut avoir son tombeau près de la ville sainte. Ant. jud., XX, II, 1-5. — De la Babylonie, les Juifs se répandirent peu à peu dans des contrées plus lointaines. On lit au quatrième livre d’Esdras, xiii, 40-45, que les dix tribus déportées par Salmanasar au delà de l’Euphrate s’en allèrent encore plus loin, dans le pays d’Arsareth, et qu’ils y sont restés. On ne sait où se trouve le pays ainsi désigné. On a conjecturé que les exilés israélites avaient donné naissance à différentes peuplades, et l’on a voulu reconnaître leurs descendants dans les populations qui habitent au pied de l’Himalaya, les Juifs nègres de Malabar, les Afghans, les Tartares, les tribus du Turkestan et de Kaschmir, les. Nestoriens et même les Indiens de l’Amérique septentrionale. Toutes ces allégations manquent d’ailleurs de preuves. — À la Pentecôte, on reconnaissait parmi les auditeurs de saint Pierre des Parthes, des Mèdes, des Eternités et des habitants de la Mésopotamie, tant juifs que prosélytes. Act., ii, 9, 11. Ils représentaient la portion d’Israël demeurée sur les bords de l’Euphrate. Ils remportèrent avec eux la semence évangélique, que l’apôtre saint Thomas, et aussi, croit-on, saint Matthieu, vinrent bientôt cultiver dans ces contrées. Eusèbe, H. E., iii, 1, t. xx, col. 216 ; Socrate, H.E., i, 19, t. lxvii, col. 125. — Après la grande guerre de Judée sous Titus, et la répression de la dernière révolte sous Adrien, révolte au cours de laquelle Lucius-Quietus organisa une armée contre les Juifs de Babylone et « écrasa leur grande multitude », Eusèbe, H. E., iv, 2, t. xx, col. 305 ; Orose, vii, 2 ; Dion Cassius, lxviii, 32, la Babylonie produisit de nombreux docteurs juifs. Sur la Mischna, qui était le commentaire de la Loi et la remplaçait trop souvent, on fit d’autres commentaires qui en formaient le développement interminable. On appela cescommentaires Ghémaras ou suppléments. Pendant qu’on en rédigeait à Tibériade, en Palestine, les docteurs babyloniens en composèrent d’autres à Sura, à Néarda, à Pumbaditha : ce fut l’origine des deux Talmuds de Jérusalem,
et de Babylone, Voir Talmud.1. CARA Joseph, fils de Siméon Gara, exégète juif, , contemporain de Raschi, mais plus jeune, florissait au nord de la France, vers la fin du xie siècle. Son nom se trouve également sous la forme Kara, mais serait mieux.
transcrit Qàrâ, puisqu’il est écrit >np, « le lecteur, » épi thète honorifique donnée à son père et devenue le nom de la famille. En France et en Allemagne, au xie siècle, dans les écoles juives, on donnait tous ses soins à l’étude du Talmud, et l’on négligeait le sens littéral de la Bible pour se livrer à une sorte d’homélie allégorique. Bien que son père fut partisan déclaré de cette méthode, il l’abandonna pour suivre plutôt son oncle, Menahem ben Helbo, et Raschi, qui avait commencé ce mouvement. Il s’attache plus encore que ce dernier au sens littéral, et prend du reste ses commentaires pour base, en y ajoutant ses propres remarques. Il a commenté ainsi presque tout l’Ancien Testament ; quelques parties ou fragments seulement ont été imprimés. 1o Son Pêrûs hattôrâh, « commentaire de la Loi, » ou gloses du commentaire de Raschi sur le Pentateuque, a été publié par Geiger, sous le titre de Liqqûtîm, dans Nit’ê na’àmântm, in-8o, Breslau, 1847.
— 2o Des fragments de son commentaire des prophètes ont été réunis par de Rossi, dans ses Variée lectiones, in-4o, Parme, 1785. — 3o Le commentaire sur Job, dont quelques auteurs avaient donné des fragments, a été imprimé dans le Monatschrift fur Geschichte und Wissenschaft des Judenthums, 1856-1858. — 4o Des fragments de ses commentaires d’Esther, de Ruth et des Lamentations ont été publiés par Adolphe Jellinek, in-8o, Leipzig, 1855. — 5o Le commentaire des Lamentations, imprimé in-4o, Naples, 1487, l’a été de nouveau dans la collection intitulée Dibrê l.takàmîm, in-8o, Metz, 1819, p. 46-23. — 6o Le commentaire sur Osée a été publié in-8o, Breslau, 1861. — 7o Le commentaire de l’Ecclésiaste a été donné par Einstein Berthold, sous ce titre : R. Josef Kara, und sein Commentar zit Kohelet, in-8o, Berlin, 1886. Voir l’étude qui accompagne le texte, sur Josef Kara, son nom, sa famille, l’époque où il a vécu, ses relations avec Raschi-, ses commentaires et son exégèse. Voir aussi Abr. Geiger, Veber Jos. Kara und seine exegetischen Werke, dans Beitrâge zur Jïtdischen Literaturgeschichte, in-8o, Breslau, 1847, p. 17-29, et Zunz, Jos. Kara ben Siméon und seine Arbeiten, dans le Raschi de cet auteur, p. 318, et Zur Geschichte und Literalur, in-8o, Berlin, 1845, p. 68-70.
E. Levesque.
2. CARA Siméon ben Helbo, auteur juif du XIe siècle, appelé aussi R. Siméon HaDarschan (Homiliaste), à cause de sa collection de Midraschîm. Il a rassemblé selon l’ordre dos versets de l’Écriture les observations des anciens Midraschîm ou commentaires moraux, homilétiques. Cette collection, sorte de catena ou chaîne des explications morales de tous les âges, porte le nom de Yalqût èhne’ôni, « Collection de Siméon. » Dans ce recueil, il a sauvé de l’oubli des fragments d’anciens Midraschim, comme ceux de la Pesikla de Cahana ben Tachlifa ; de plus, sa collection, embrassant toutes les parties de l’Écriture (et c’est la seule qui ait cette étendue), est devenue pour les Juifs comme le Thésaurus de la littérature homilétique. Aussi, à partir de 1521, on en compte dix éditions différentes, dont les principales sont : in-f", Salonique, 1521 ; in-f°, Venise, 1566 ; în-f°, Lublin, 1643 ; in-f", Francfort-surle -Mein, 1687, et in-f°, Francfortsur- 1’Oder, 1709. Cf. Zunz, Die Gottesdienstlichen Vortrâge der Juden, in-8, Berlin, p. 295-303.
E. Levesque.
- CARACCIOLO Landolphe##
CARACCIOLO Landolphe, né à Naples, de la famille princïère de ce nom, mort vers 1350. Il se fit Frère Mineur, suivit à l’université de Paris les leçons de Scot, devint docteur ; revenu dans sa patrie, il fut fait évêque de Castellamare di Stabia, puis archevêque d’Amalfi, et mourut en grande opinion de sainteté. Arthur de Moutiers, dans son Martyrologe franciscain, le mentionne au 1er mars. Il a laissé : 1o Commentaria moralia in quatuor Evangelia, qui furent imprimés à Naples, en 1637, en un vol. in-4°. Un exemplaire manuscrit en
était conservé au sacré couvent d’Assise. 2o Postilla super Epistolam ad Hébrxos. Poslilla in Zachariam, ouvrages cités par les bibliographes depuis le xv° siècle, et dont le lieu de dépôt, indiqué vaguement, paraît avoir été longtemps le couvent des Frères Mineurs de Padoue. P. Apollinaire.
CARACTÈRE DE LA BÊTE. Saint Jean, dans l’Apocalypse, xiii, 16-17 ; xiv, 9, 11 ; (xv, 2) ; xvi, 2 ; xix, 20 ; xx, 4, dit que le « caractère de la Bête », rà yiçifXV- 3 - toî ©ïjpfo’j, c’est-à-dire son nom ou le chiffre qui le représente, sera marqué sur la main droite ou sur le front de tous les hommes. La Bète est l’Antéchrist ou la Rome païenne, personnification du paganisme et de l’idolâtrie. Voir t. i, col. 1644. Le « caractère » dont parle saint Jean est sans doute une espèce de tatouage (yâ.pay |xa vient de ^apocairu, qui signifie « graver, inciser » ). Cf. Apoc, vii, 3 ; Gal., vi, 17. Le tatouage, autrefois comme aujourd’hui, a été très pratiqué en Orient. On le pratiquait particulièrement en l’honneur des dieux. Le troisième livre des Machabées, II, 29, raconte que Ptolémée IV Philopator fit marquer des Juifs d’une feuille de lierre, insigne du culte de Bacchus, -/âpdcucrs<x6at xoù Stec itupbç eiç xb <rcb|xa 71apacrr|[JUi> AtovOaoy xiafféçuMu. Philopator portait lui-même sur son corps la feuille de lierre, comme marque de sa dévotion à Dionysos (Elymol. inagn., au mot TàXXoç ; cf. Cless, dans Pauly, Realencyklopâdie, t. vi, p. i, p. 211). Lucien, De syr. dea, dit que les Syriens peignaient le caractère de la déesse sur leurs poignets (atiÇEdBat ê ; xapreoûç). Prudence nous apprend qu’on faisait ces tatouages au moyen d’aiguilles brûlantes, avec lesquelles on piquait la peau de manière à former le dessin voulu :
Quid, cum sacrandus accipit sphragitidas ? Aous minutas ingerunt fornacibus :
His membra pergunt urere ; utquo igniverint, Quamcumque partem corporis fervens nota Stigmarit, hanc sic consecratam prœdicant.
(Peristeph., Bymn. X, 1076-1080, t. LX, col. 525.>
Cf. Philon, De monarch., i, 8, Opéra, t. ii, p. 220. Les esclaves étaient aussi souvent marqués, de même que les soldats. Végèce dit de ces derniers, I, 8 ; ii, 5 : Puncluris in cute punctis scribuntur milites. L’Apocalypse fait donc allusion à ces divers usages, qui marquent la piété des hommes envers leur dieu ou leur dépendance. F. Vigouroux.
- CARAFFA Antoine##
CARAFFA Antoine, né à Naples, en 1538, fut créé cardinal, en 1586, par Pie V, et devint un des membres les plus influents de la congrégation qui fut instituée pour l’étude de la Bible et l’explication du concile de Trente. Il mourut le 12 janvier 1591. Son principal ouvrage est la belle édition des Septante, qu’il entreprit à l’instigation du pape rie V, et qui parut, avec une traduction latine et des notes, d’abord à Rome, en 1587, in-f°, et plus tard à Paris, en 1628, 3 vol. in-f". On a aussi de lui une édition de la Vulgate, imprimée à Rome, jn-f°, 1588 ; Catena veterum Patrum in Cantica Veteris et Novi Testamenti, in-4o, Padoue, 1565 ; in-8o, Cologne, 1572 ; Commentarium Tlteodoreli in Psalmos, Padoue, 1565. A. Regmer.
- CARAÏTE##
CARAÏTE, adhérent d’une secte juive qui rejette la tradition talmudique et n’admet que l’Écriture. Dans le langage rabbinique, le texte de la Bible s’appelle qâr’, qar’âh ou miqrà’, littéralement « ce qui est lu » ; de là le nom de qera’im, littéralement textuaires, scripturaires, ou celui de benê miqrà’, baàlê miqrâ’, « fils du texte, maîtres ou possesseurs du texte, » donnés à ces partisans du texte biblique, en opposition aux traditionnaires ou rabbanites.
I. Origine. — Les origines des caraïtes sont assez
obscures. À en croire les rabbins modernes, cette secte remonterait seulement au vnie siècle ; son fondateur serait Anan, fils de David. À la mort de son oncle Salomon (761), qui était r'ôs gelutâ, « chef de la captivité » de Babylone, la succession lui revenait comme de droit ; mais on lui préféra son frère cadet, Hanania, qui cependant lui était inférieur en mérites. Blessé de cette préférence, il se serait vengé en se séparant des rabbanites et en fondant avec ses partisans une secte nouvelle, qui reçut le nom d’ananites, puis celui de benê migra', et enfin celui de qaraïm, « caraïtes. » Il faut dire que les rabbanites en général parlent assez mal de leurs adversaires, et sont suspects dans leurs appréciations à leur endroit. Les caraïtes de leur côté disent que leur parti existait déjà au temps d’Anan, et que celui-ci ne fut pas accepté comme chef par lès rabbanites précisément à cause de ses idées, et parce que ces derniers, sous le gouvernement d’Hanania, espéraient avoir plus facilement raison de leurs adversaires. Embrassant alors avec chaleur la cause des caraïtes, Anan les défendit contre les violences de leurs ennemis et fut comme le restaurateur de la secte. En face de ces traditions contradictoires, on peut dire que l’esprit de la secte est certainement plus ancien que le vme piècle : la réaction contre les subtilités et les exigences tyranniques du rabbinisme dut se faire sentir beaucoup plus tôt. Les sadducéens autrefois avaient secoué le joug des pharisiens, dont les rabbins ont continué l’esprit. Probablement ce furent les idées plus larges et plus indépendantes d’Anan qui le firent écarter par les partisans des traditions talmudiques. À son époque, en effet, le mouvement d’opposition dut s’accentuer davantage, sous l’influence de la philosophie arabe sur les Juifs de Babylone. De plus, dès le commencement des Abbassides, un certain nombre de Juifs furent en faveur à la cour des califes ; ils profitèrent de leur position pour se soustraire à l’autorité du chef de la captivité, dont les prescriptions devenaient insupportables. Leur situation et leurs idées philosophiques les amenèrent peu à peu à secouer le joug de la tradition talmudique ; et lorsque Anan, favorable à leurs idées, fut mis de côté par les rabbanites, il trouva un parti tout prêt à le soutenir. — Bien qu’il y ait des rapports de tendance et d’idées entre les caraïtes et les sadducéens, il ne faut pas cependant les confondre avec ces derniers et les regarder comme la continuation de leur secte : certains points de doctrine les différencient nettement.
II. Doctrine. — Les caraïtes rejettent les traditions rabbiniques pour s’attacher à l'Écriture. Ce sont, comme on l’a dit, les protestants du judaïsme. Ils ne rejettent pas cependant toute tradition, mais toute cette superfétation de traditions minutieuses, souvent bizarres, qui forment le Talmud. Voici en résumé les principaux articles de leur croyance, dont plusieurs concernent les Écritures. Le monde a été créé ; il est l'œuvre d’un Dieu éternel, unique, personnel, qui a envoyé Moïse auquel il a donné sa loi parfaite. Dieu a inspiré aussi les autres prophètes. Le vrai croyant doit connaître le texte de l'Écriture et sa signification ; sa signification est claire par ellemême, sans qu’il soit besoin d’addition humaine. Dieu récompensera chacun selon ses œuvres, et au jour du jugement il ressuscitera les morts. En cette vie Dieu n’abandonne pas les hommes ; il les corrige et les améliore par les épreuves jusqu'à ce qu’ils soient dignes d'être sauvés par le Messie, fils de David. — Sauf le rejet des traditions, ce sont donc au fond les mêmes points de doctrine que les rabbanites, auxquels est attachée la majorité des Juifs. Il est à remarquer qu’ils ont toujours été moins opposés aux chrétiens que les autres Juifs. Quant à l’interprétation de l'Écriture, elle est en général plus littérale, plus rationnelle que celle des rabbanites des premiers temps. Négligeant les traditions talmudiques, ils se sont attachés davantage à l'étude du texte en lui-même, et ont fait progresser la science grammaticale et philologique de
l’hébreu ; et ils n’ont pas été sans influence sur le retour de certains rabbins célèbres à l'étude de la langue et du texte. Du reste, leurs principes d’interprétation se trouvent en réalité dans la Mischna ; mais ils ont eu le mérite de ne pas abandonner ces principes rationnels pour une exégèse purement morale ou cabalistique. — Dans les observances, il existe plusieurs différences entre les caraïtes et les rabbanites, notamment pour la fixation de la Pàque. Ils rejettent les phylactères, etc.
III. DÉVELOPPEMENT DE LA SECTE ET PRINCIPAUX ÉCRIVAINS. — Animée d’un ardent prosélytisme, la secte se répandit rapidement en Babylonie et en Perse. Dans ce dernier pays, vers 820, Benjamin Nahâwendi se fit connaître par un commentaire du Pentateuque et un sêfér ham-mifevôt, « livre des préceptes, » où il suit la méthode et l’esprit d’Anan. — La colonie de Jérusalem remonte à Anan lui-même, qui fut obligé par ses adversaires de s’y réfugier ; elle prit une telle importance, que, jusqu’en 1099, ce fut la résidence de leur patriarche ou nasî, pris du reste dans la famille d’Anan. Dans la première moitié du xe siècle, Yapheth ben Heli de Bassora y donna un commentaire des Psaumes. Au XIe siècle, une école s’y forma autour de Josué ben Juda, Aboul Faradj ; elle s’occupa de traduire les œuvres caraïtes écrites en arabe, pour les répandre dans d’autres contrées. Après la prise de Jérusalem par les croisés (1099), ils se dispersèrent les uns à Alep, d’autres en Egypte, à Constantinople et en Espagne. Ce fut un élève de Josué ben Juda, un zélé caraïte du nom de Ibn Altaras, qui transporta en Espagne avec les ouvrages de son maître les principes de sa secte ; ils s’y multiplièrent et y acquirent une influence qui fut sur le point de ruiner l’autorité des rabbanites ; mais cette influence fut passagère, car après Ibn Ezra on n’en entend plus parler. Il n’en fut pas de même en Egypte, où ils s'étaient établis vers la même époque. Le Caire fut pendant longtemps, après Jérusalem, le siège de leur chef, et leur communauté y fut très florissante. Un des plus célèbres écrivains caraïtes y vécut et y mourut (1369), Aaron ben Élie ; il y donna son 'Es j/ayîm, « Arbre de vie, » traité de philosophie religieuse qui rappelle le Guide des égarés de Jlaimonide. Aussi l’a-t-on nommé quelquefois le Maimonide du caraïsme. Ses principes d’interprétation, qui furent ceux de sa secte, sont exposés dans cet ouvrage. Constantinople, plus encore que le Caire, fut le centre littéraire du caraïsme après leur émigration de Jérusalem, au xie siècle. Vers 1150, Juda ben Élie Hadassi, y donne son 'Eskol hakkofér, où sont formulés avec précision les dogmes du caraïsme et les différences qui le séparent du rabbanisme. Là aussi vécut, au xme siècle, le premier des auteurs de la secte, Aaron ben Joseph, célèbre par ses commentaires sur la plus grande partie de la Bible, ses essais de grammaire et de critique sacrée et son livre des prières à l’usage des caraïtes. Ceux-ci ont encore une communauté à Constantinople. Mais ils sont plus nombreux en Lithuanie, en Moldavie, en Valachie, en Galicie surtout, où ils jouissent d’immunités grâce à une charte remontant au roi Etienne de Hongrie (1578) ; ils sont exemptés de certains impôts que payent les autres Juifs. Les caraïtes ont aussi de nombreux établissements en Crimée, où ils paraissent s'être établis dès le XIIe siècle, lorsqu’ils furent chassés de Castille. Au xvii 8 siècle, cette colonie était florissante. Ils y ont encore une très belle synagogue à Bàkhtchisaraï ; c’est à celle de Tschufuttkale que fut trouvé le Codex Babylonicus Petropolitantis (t.i, col. 1359). — On estime actuellement le nombre des caraïtes à six mille environ. Ils n’ont plus de patriarche unique ; chaque communauté s’administre isolément, sous la direction d’un Ijdkâm, qui remplit les fonctions de rabbin chez les autres juifs.
IV. Bibliographie. — Les caraïtes étaient restés longtemps inconnus en Occident, en France, en Italie, en Allemagne ; ce sont les travaux du P. Moriii, Exerci
tationes biblicse, 1. ii, Exercit. vii, iti-f", Paris, 1069, p. 305-318 ; de Richard Simon, Histoire critique du Vieux Testament, I, xxix, in-4°, Rotterdam, 1695, p. 160165 et passim, qui les ont fait connaître au xviie siècle. Le caraïle Mardochée ben Nissan, en réponse aux questions que J. Trigland de Leyde lui avait posées, rédigea une notice très complète sur les caraïtes, intitulée Dod Mordekaï, qui a été imprimée avec une traduction latine, sous le titre de Notilia Karxoruin, par Chr. YVolf, in-4°, Hambourg, 1714. La plupart des auteurs ont puisé à cette source : J. G. Schupart, Secta Karssorum, in-8°, Iéna, 1701 ; J. Trigland, Diatribe de secta Karseorum, in-8°, Delft, 1703, et dans Ugolini, Thésaurus, t. xxii, col. cco cccclxxxvii ; Jost, Geschichte des Judcnthums und seiher Sekten, Leipzig, 1857, t. n ; J. Furst, Geschichte des Karâerthums, 3 in-8°, Leipzig, 1862-1869 ; Grâtz, Geschichte der Juden, 2e édit. in-8°, Leipzig, 1863, t. v, p. 76-79, 454-463 ; trad. franc., t. iii, Paris, 1888, ch. xiv, p. 318-336 ; Ad. Neubauer, Beitràge und Dokumente zur Geschichte des Karâerthums, in-8°, Leipzig, 1886 ; P. F. Frankl, Karâiten, dans Ersch et Cruber, AHgemeine Encyklopâdie der Wissenschaften, t. xxxii, p. 11-24 ; et Beitràge zur Literaturgeschichte der Karàer dans la cinquième Bericht ûber die Lehrenstalt fur die Wissenschaft der Judenthum, in-8°, Berlin, 1887. E. Levesque.
- CARAMUEL Y LOBKOWITZ Jean##
CARAMUEL Y LOBKOWITZ Jean, théologien
espagnol, religieux de l’ordre de Cîteaux, évêque de Vigevano, dans le Milanais, né à Madrid le 23 mai 1606, mort à Vigevano le 8 septembre 1682. Doué des aptitudes les plus diverses, il se distingua non seulement comme évêque, par sa piété et sa science, mais encore par ses talents dans la politique et dans l’art militaire ; il combattit même en personne contre les Suédois, qui assiégeaient Prague, en 1648, tandis qu’il résidait en cette ville comme vicaire général de l’archevêque, le cardinal de Harrach. Il disait que rien ne devait être étranger au philosophe et au théologien, et il parvint, grâce à la facilité merveilleuse de son esprit, à pratiquer cette maxime. Écrivain très fécond, il a laissé de nombreux ouvrages sur la grammaire, les mathématiques, l’astronomie, la philosophie, la politique, le droit civil, le droit canon, la théologie. On lui reproche, avec raison, les principes relâchés de sa morale. Nous n’avons à citer de lui que : Tiempo di Salomone (avec figures), 3 in-f°, Vigevano, 1678. —Voir Niceron, Mémoires, t. xxix, 1734, p. 259-278 ; Tardisi, Memorie délia vita di Giov. Caramuele, in-4°, Venise, 1760.. A. Régnier.
- CARAVANE##
CARAVANE (hébreu : ’ôrhdh, de’ârah, « marcher, » Gcn., xxxvii, 25 ; Job, VI, 19 ; Is., xxi, 13 ; et hâlikâh, de liàlak, « aller, » Job, vi, 19. Les versions prêtent à ces deux mots le sens de « route » ). Notre mot « caravane », dérivé du persan ^j S, karman, « troupe de voyageurs, » désigne ces réunions d’hommes qui, en Orient, se groupent ensemble pour parcourir de longues distances et traverser les déserts.
I. Caravanes de nomades et de voyageurs. — Les tribus nomades ne sont guère autre chose que des caravanes tantôt au repos et tantôt eu marche. Les patriarches, dont la Genèse raconte l’histoire, ne voyageaient que par caravanes. C’est ainsi que Tharé se transporte avec sa lamille de Chaldée en Chanaan, Gen., XI, 31 ; qu’Abraham se rend de Chanaan en Egypte, Gen., xil, 10 ; qu’Éliézer va chercher une épouse à Isaac, Gen., xxiv, 10 ; que Jacob revient de Mésopotamie en Chanaan, Gen., xxxi, 17 ; que les frères de Joseph, puis Jacob lui-même, partent pour l’Egypte. Gen., xlii, 3 ; xliii, 15 ; xlvi, 5-6. Une caravane amène auprès de Job ses trois amis, Éliphaz, Baldad et Sophar. Job, ii, 11. Dans les temps postérieurs, la Sainte Écriture signale encore, ou du moins permet de supposer les caravanes qui transportent la
reine de Saba auprès du roi Salomon, III Reg., x, 2 ; II Par., ix, 1 ; Naaman, prince de Syrie, auprès d’Elisée, IV Reg., v, 5 ; les mages auprès de l’enfant Jésus, Matth., ii, 1, etc. — Une caravane de nomades comprend ordinairement toutes sortes d’animaux domestiques, chameaux, dromadaires, chevaux et ânes, pour porter les fardeaux et les voyageurs (fig. 74) ; brebis et chèvres, pour assurer la nourriture de la famille. Rien de pittoresque comme une telle troupe en marche, surtout quand elle est nombreuse. C’est un spectacle qu’on a souvent sous les yeux en Orient. Layard, Nineveh and its remains, 1849, t. i, p. 89-90, en fait cette description : « Nous partîmes de grand matin. Notre vue était bornée à l’est par un pli de terrain. Quand nous en eûmes atteint le sommet, nos regards se portèrent sur la plaine qui se déployait à nos pieds. Elle paraissait remplie d’un essaim en mouvement. Nous approchions, en effet, du gros de la tribu des Schammar. Il est difficile de décrire l’aspect d’une tribu considérable, comme celle que nous rencontrions en ce moment, lorsqu’elle émigré pour chercher de nouveaux pâturages… Nous nous trouvâmes bientôt au milieu de troupeaux de brebis et de chameaux qui occupaient un large espace. Aussi loin que notre œil pouvait atteindre, devant nous, à droite, à gauche, partout la même foule et le même mouvement : de longues lignes d’ânes et de bœufs chargés de tentes noires, de grands vases, de tapis aux diverses couleurs ; des vieillards, hommes et femmes, que leur grand âge rendait incapables de marcher, attachés au-dessus dés meubles domestiques ; des enfants enfoncés dans des sacoches, montrant leur petite tête à travers l’étroite ouverture, et ayant pour contrepoids des chevreaux et des agneaux liés de l’autre côté du dos de l’animal ; des jeunes filles vêtues seulement de l’étroite chemise arabe ; des mères portant leur nourrisson sur leurs épaules ; des enfants poussant devant eux des troupeaux d’agneaux ; des cavaliers, armés de longues lances ornées de touffes, explorant la plaine sur leurs cavales agiles ; des hommes, montés sur les dromadaires, les pressant avec leur court bâton recourbé, et conduisant par une corde leurs chevaux de race ; les poulains galopant au milieu de la troupe… ; telle était la multitude mélangée à travers laquelle nous dûmes nous frayer un chemin pendant plusieurs heures. » Cf. Lortet, La Syrie d’aujourd’hui, dans le Tour du monde, t. xliii, p. 191. De telles foules ne peuvent se mouvoir que très lentement, lemas’êhém, « de halte en halte, » comme dit l’écrivain sacré. Gen., xiii, 3 ; Num., xxxiii, 1-2. Elles marchent d’abord en désordre, mais l’ordre et la régularité s’établissent peu à peu. Il faut toujours beaucoup de temps pour charger et décharger les bagages ; une fois qu’on est en mouvement, on avance avec une grande uniformité. Ezech., xii, 3. La première étape est courte. Les jours suivants, on voyage sept à huit heures en moyenne, et l’on fait une trentaine de kilomètres. Quand il fait chaud, on part le soir, Ezech., xii, 4, et l’on s’arrête vers minuit. Cf. Luc, xi, 5-6. Dans la saison tempérée, on marche pendant le jour, et l’on fait halte vers midi, pour prendre un léger repas. Lorsque émigré un peuple tout entier, la caravane prend les proportions les plus gigantesques. C’est ce qui arriva quand les Hébreux sortirent d’Egypte. Pendant quarante ans, ils menèrent la vie nomade dans le désert. Leur interminable caravane, quand ils se mettaient en route, comprenait six cent mille hommes. Num., ii, 32. Elle présentait un spectacle que reproduisirent plus tard, à l’organisation près, les grandes émigrations des barbares.
IL Caravanes commerciales. — Par suite de sa situation à l’intersection des trois parties du monde antique, l’Asie, l’Europe et l’Afrique, la Palestine servait de lieu j de passage à toutes les caravanes qui faisaient le com-I merce entre les différents peuples. « Cette position de la
! terre de Chanaan au milieu du monde ancien lui donnait
! une véritable importance politique et commerciale… Toutes
les grandes voies de communication des peuples anciens, par terre et par mer, touchaient la Palestine. Une grande voie commerciale conduisait de l’Egypte à Gaza, une autre de Damas à la côte de Phénicie, par la plaine de Jezraël… Le commerce maritime entre l’Asie d’une part et l’Afrique de l’autre était concentré dans les grandes villes commerçantes de la Phénicie d’abord, Alexandrie et Antioche ensuite. » Vigouroux, Manuel biblique, 9e édit., 1. 1, p. 656. Les caravanes qui faisaient le trafic entre ces différentes villes empruntaient donc nécessairement le territoire de la Palestine. Une route conduisait encore de Palestine en Mésopotamie par Damas et le désert de Syrie. Là elle se bifurquait pour aller traverser l’Euphrate soit au gué de Thapsaque, soit préférablement à celui de Circésium, dont le chemin était plus sur. Sur cette grande voie de communication, Salomon bâtit la ville de Thadmor ou Palmyre, afin d’assurer la sécurité du passage à travers le désert.
de Juda. ^eurs chameaux étaient chargés d’aromates, de baume et de myrrhe, et ils auraient certainement acheté volontiers un autre Joseph à ses frères pour le conduire en Egypte et le vendre comme esclave à quelque Putiphar. » Clarke r Travels in various counlries of Europe, Asia and Africa, xv, 1813, t. ii, p. 512. Cf. Vigouroux, La Bible et les découvertes modernes, t. ii, p. 10. Isaïe, lx, 6, fait allusion à ces caravanes commerciales, quand il dit de Jérusalem restaurée après la captivité : « Une troupe de chameaux, les dromadaires de Madian etd’Épha, tous ceux de Saba arrivent ; ils apportent l’or et l’encens. » Les caravanes commerciales se composent, en effet, à peu près exclusivement de chameaux. On rencontre ces animaux par longues files sur les routes de l’Orient, parfois divisés en plusieurs groupes d’une dizaine chacun. Ils sont attachés les uns aux autres par une corde et conduits par un homme ou par un âne. Les conducteurs et les
"4. — Caravane de nomades. D’après une photographie.
III Reg., ix, 18 ; II Par., viii, i. Du golfe Persique à la Méditerranée, le transport des marchandises se faisait par les tribus arabes, dont le centre était Pétra. À cette ville aboutissait la route qui arrivait du golfe, et de là en partaient deux autres qui se dirigeaient au nord vers la Syrie, à l’ouest vers l’Egypte. Ces tribus seules étaient capables de faire la traversée des déserts. L. de Laborde, Voyage de l’Arabie Pétrée, Paris, 1830, in-f", p. 12. À ces tribus appartenaient les Madianites auxquels les fils de Jacob vendirent leur frère Joseph. Gen., xxxvii, 25, 28, 36. Ces Madianites portaient aussi le nom équivalent d’Ismaélites, qui était plus général et convenait à bon nombre de tribus arabes. Quand ils trouvèrent les fils de Jacob à Dothaïn, ces trafiquants venaient de Galaad, avaient traversé le Jourdain à Bethsan et se rendaient en Egypte avec un chargement d’aromates. Mais le commerce d’aromates n’était pas le seul que fissent les caravanes arabes. Elles importaient aussi, pour les bazars de Memphis ou de Thèbes, des esclaves syriens, particulièrement estimés en Egypte. Ces esclaves s’y trouvaient en si grand nombre, que le mot abata, de l’hébreu’ébed, « serviteur, » désignait les gens de condition servile. Les descendants de ces Madianites continuent encore aujourd’hui le même trafic sur les bords du Nil. « Nous y vîmes longeant la vallée, dit un voyageur anglais, une caravane d’Ismaélites qui venaient de Galaad, comme aux jours de Ruben et
marchands sont à pied ou montent sur une de leurs bêtes. Us sont armés, car ils peuvent avoir besoin de se défendre. Isaïe, xxx, 6, fait allusion aux difficultés qui arrêtent les caravanes, spécialement en temps de guerre.
Deux grands dangers menaçaient, autrefois comme de nos jours, les caravanes de commerce. Le premier venait des Bédouins pillards qui ne vivaient que de rapine. Non contents des razzias opérées sur les troupeaux, Jud., vi, 4 ; Job, i, 15, 17, ils s’attaquaient aux caravanes de marchandises, par surprise ou bien ouvertement, suivant le nombre et l’armement des voyageurs. Il fallait prendre des précautions pour déjouer ces attaques. La nuit surtout, on se servait de fanaux pour se diriger et être à même de reconnaître le danger. « Dans tout l’Orient, écrit L. de Laborde, les caravanes et les troupes armées qui marchent la nuit, pour éviter la chaleur du jour, se font précéder par des porteurs de fanaux, à cheval ou à pied. Ces fanaux, qui éclairent la route et évitent les rencontres gênantes dans un défilé ou sur un pont, sont en forme de réchauds placés au bout d’une pique. Le feu y est entretenu avec du bois résineux ou de la résine en pâte. Lorsque je quittai Constantinople, ces réchauds, appelés maschlas, avaient trouvé place parmi les rares ustensiles de notre équipement de voyage, et plus d’une fois, pour atteindre la halte du soir, si nous étions surpris par la nuit, nous allumions nos fanaux. » Commentaire géographique sur
l’Exode et les Nombres, Paris, 18’tl, p. 72. Quand les Hébreux entreprirent leur long voyage à travers le désert, le Seigneur prit soin lui aussi de leur procurer un fanal miraculeux, la colonne de feu qui les éclairait durant la nuit. Exod., xiii, 21. — Il y avait un autre danger, plus terrible encore que le premier. Les caravanes pouvaient s’égarer dans l’immensité des déserts, n’y pas trouver l’eau sur laquelle elles comptaient et périr misérablement de soif. Job, vi. 15-20, compare les amis qui l’abandonnent aux torrents qui se dessèchent tout d’un coup dans le désert :
Mes frères m’ont abandonné comme un torrent, Comme le lit des torrents qui s’écoulent… Aux premières chaleurs, leur lit est à sec… Ils s’évaporent dans l’air et s’évanouissent. Les caravanes de Théma regardent de leur côté, Les voyageurs de Saba comptent sur eux ; Mais ils sont confondus dans leur espoir, Ils arrivent jusque-là et sont déçus. « La désignation de ces caravanes comme sabéennes et venant de Théma doit les faire distinguer des petites caravanes locales des bords du désert, qui ne sont pas exposées au manque d’eau. Elles représentent pour le lecteur le type de ces caravanes de l’antiquité, qui, analogues aux caravanes actuelles des pèlerins de la Mecque, se transportaient périodiquement de l’Yémen à Théma par Babylone, et de l’Akir, po-rt de Gerrha (Hagar), à Théma par la Syrie, à travers les arides déserts du centre. En 1857, la caravane de Damas à Bagdad s’égara entre les stations de Ka’ra et Kobèsa, dans la partie septentrionale du désert syrien, et y passa un long temps en allées et venues. Ceux qui avaient de vigoureux dromadaires cherchèrent à atteindre l’Euplirate, distant de quatre jours de route du lieu de leur infortune. Toutes les bêtes de somme, environ douze cents chameaux, périrent ainsi qu’une partie des voyageurs. Les marchandises furent pillées par les nomades ; une faible portion seulement en fut restituée plus tard, moyennant une forte rançon. » Wetzstein, dans Frz. Delitzsch, Dos Buch lob, Leipzig, 1876, p. 101.
III. Caravanes religieuses. — La loi de Moïse obligeait les Hébreux à se rendre à Jérusalem pour les trois fêtes de la Pâque, de la Pentecôte et des Tabernacles. Exod., xxiii, 14-17 ; xxxiv, 23 ; Deut., xvi, 16. Les hommes seuls et les jeunes garçons, dès l’âge de douze ans accomplis, étaient assujettis à cette prescription. Joma ꝟ. 82 o. Les femmes pouvaient se soumettre à la loi ou s’en dispenser à leur gré. Jerus. Kidouschin, ꝟ. 61, 3 ; Schekal., 1, 28. Ceux qui n’avaient pas de raison pour se dispenser de ces pèlerinages partaient ensemble des villes et des villages de la Palestine. Comme la fête de la Pâque était la plus solennelle et la plus fréquentée, trente jours auparavant on commençait à réparer les chemins, on écartait les pierres qui fermaient les puits, on blanchissait les tombeaux à la chaux ; en un mot, on préparait tout pour le passage des pieuses caravanes. Conr. Ikenius, Anliquitates hebraiæ I rs part., ch. xxi, Brème, 1732, p. 300. Les grandes fêtes hébraïques portaient le nom de îfag. Le même mot, hag ou hadj, désigne encore chez les Arabes le pèlerinage de la Mecque, que les traditions font remonter jusqu’à Abraham, et qui est en tout cas antérieur à Mahomet. Cf. Munk, Palestine, 1881, p. 186. Le hâg est donc la solennité à laquelle on se rend en caravanes, la fête qu’il faut aller célébrer à la maison du Seigneur. Les caravanes religieuses sanctifiaient leur route par la prière. En montant à Jérusalem, on chantait les psaumes hamma’âlôp, « des montées. » Ces quinze psaumes, cxix-cxxxiv, expriment les sentiments qui devaient animer les membres des caravanes : prières contre les ennemis, supplications pour obtenir les faveurs divines, protestations de fidélité et actions de grâces. Les pèlerins qui venaient du nord de la Palestine ne pouvaient passer par la Samarie qu’à leur corps défendant, à cause de l’hostilité opiniâtre des Sa maritains. Luc, ix, 53. Aussi les caravanes préféraient-elles faire un détour par la Pérée ou par la plaine de Saron. Les Juifs qui résidaient à l’étranger et même les simples prosélytes tenaient à visiter Jérusalem au moins une fois dans leur vie. L’eunuque de la reine Candace vint ainsi d’Ethiopie sur son char, accompagné sans nul doute d’un cortège faisant caravane ; comme les pèlerins juifs, il s’occupait de prières, de lectures et de méditations pieuses en accomplissant son pèlerinage. Act., viii, 27, 28.
— Les caravanes pascales ont donné lieu à l’un des plus touchants épisodes de l’Évangile. Saint Luc, ii, 41-45, nous apprend que chaque année la sainte Yierge et saint Joseph se rendaient à Jérusalem pour la Pàque. Ils faisaient naturellement le voyage en compagnie des autres pèlerins de Nazareth et des environs. Peut-être emmenaient-ils habituellement avec eux Jésus encore tout jeune enfant. Toujours est-il que, quand il eut atteint sa douzième année, le divin Enfant monta avec eux, non plus seulement pour s’associer à la dévotion de ses parents, mais pour obéir désormais aux prescriptions de la loi. A l’aller, tout se passa comme de coutume. Mais, au retour, l’enfant Jésus, profitant de l’encombrement que produisait à Jérusalem la multitude des pèlerins, demeura dans la ville à l’insu de Marie et de Joseph. Ceux-ci repartirent néanmoins sans s’inquiéter autrement, Jésus étant d’âge à se conduire seul. Ne le voyant pas à leurs côtés, ils pensèrent qu’il était in comilatu, sv t ?) <ruvooïoe, d’après le grec, « dans le cortège de ceux qui faisaient route ensemble, » c’est-à-dire dans la caravane. Après le premier jour de marche, correspondant à six ou sept heures de route, ils ne l’avaient pas encore aperçu. Ce trait suppose une caravane nombreuse, composée de Galiléens venus de Nazareth et des environs. Le soir, on se groupait vraisemblablement par familles et par habitants des mêmes villages, afin de camper ensemble. L’enfant Jésus ne se trouva pas dans le groupe plus restreint auquel appartenaient Marie et Joseph. H leur fallut donc le lendemain revenir sur leurs pas, et le troisième jour seulement ils le rencontrèrent à Jérusalem, dans le temple. Ce récit nous donne quelque idée de l’animation qui devait régner dans toute la Palestine, quand les caravanes se mettaient en mouvement sur tous les points du territoire et affluaient dans la ville sainte. Il fait aussi comprendre les plaintes de Jérémie, s’écriant sur les ruines de la cité : « Les rues de Sion pleurent, parce qu’il n’y a plus personne qui vienne pour la solennité. » Lam., i, 4. Par contre, ce sont les ennemis qui ont remplacé les pèlerins : « Tu as appelé comme à un jour de fête ceux qui m’épouvantent de toutes parts. >> Lam., Il, 22. — L’Évangile mentionne encore d’autres voyages que Notre-Seigneur fit à Jérusalem pendant sa vie publique, à l’occasion des fêtes. Matth., xx, 17, 18 ; Marc, x, 32 ; xv, 41 ; Luc, xix, 28 ; Joa., ii, 13 ; v, 1. Il accomplissait ces voyages suivant la coutume de ses compatriotes, en se mêlant aux caravanes, tout au moins au groupe de ses apôtres et de ses disciples. Cf. Joa., iv, 8, 27. Une fois seulement, pour une fête des Tabernacles, il refusa d’accompagner les autres et se rendit seul à Jérusalem après leur départ. Joa., vii, 2-10. Quand approcha la dernière Pàque, il passa par la Pérée, et se retrouva au milieu des caravanes qui arrivaient par le même chemin. Joa., xi, 55. Saint Marc, xv, 41, peut parler en conséquence des femmes qui le servaient, et de « beaucoup d’autres qui étaient montées à Jérusalem avec lui ».
H. I.ESÊTRE.
CARAVANSERAIL. Hébreu : màlôn, de lûn, « passer la nuit, » et une seule fois, Jer., xli, 17 : gérât, de gûr, « habiter en passant ; » Septante : xatiXJu, a, x<xrat).y<71c ; saint Luc : y.axiïXuiJ.a, ii, 7 ; 71avSoxEïov, x, 34 ; Vulgate : diversorium, stabulum.
I. Description. — Le caravansérail est un ensemble de bâtiments établis le long des routes ou à proximité des villes, pour servir d’abri passager aux voyageurs et
à leurs montures. Ces sortes de constructions sont particulières aux pays d’Orient. Le caravansérail tire son nom de deux mots persans, ^£L_co et ^Wr^ karwân et serai, « maison de la caravane. » Les Arabes l’appellent ^J^-, khân. On trouve encore le caravansérail en Orient à peu près tel qu’il a existé dans les temps primitifs. Il se compose essentiellement de quatre murs disposés en rectangle, servant d’appui à l’intérieur à une galerie couverte. L’espace que n’occupe pas la galerie reste à ciel ouvert ; on y parque les animaux pendant la nuit. L’installation est souvent assez sommaire. Sous la galerie sont disposées des banquettes fixes en bois, sur lesquelles on étend des nattes pour dormir. Le niveau du sol de cette galerie n’est pas toujours suffisamment élevé au-dessus du niveau de la cour intérieure. Aussi arrive-t-il assez fréquemment que, pour échapper au froid de la nuit ou aux intempéries, les animaux viennent chercher un refuge sous le toit qui abrite les voyageurs. Bètes et gens prennent alors leur repos en commun. D’autres fois le khan présente un peu plus de confort. Il comprend, par exemple, un bâtiment d’entrée qui sert de demeure à un gardien. Ce bâtiment forme habituellement une voûte sous laquelle il faut passer pour entrer et que ferme une porte solide. Des cellules sont ménagées sous les galeries pour les voyageurs, et des écuries peuvent recevoir les animaux. Une terrasse court à la partie supérieure des galeries. De là on surveille l’extérieur. Quand les brigands sont à craindre, des tours flanquent le caravansérail et le mettent à l’abri d’un coup de main. Autant qu’il est possible, on fait on sorte d’avoir une fontaine ou du moins des citernes à l’intérieur, surtout si les sources et les cours d’eau sont à grande distance. Le gardien du khan n’a pas à fournir de provisions aux voyageurs, chacun apportant avec lui tout ce qui lui est nécessaire. Il rend cependant certains services à ceux qui le demandent. Le caravansérail ne ressemble donc guère à une hôtellerie, bien que parfois on emploie ce dernier mot pour traduire diversorium clans le récit de la naissance de Notre -Seigneur. Luc, h, 7.
Les khans ont été bâtis dès que la manière de voyager spéciale aux Orientaux en a fait sentir la nécessité. Les peuples nomades n’en avaient nul besoin. Ils voyageaient en immenses caravanes et portaient avec eux tout ce qui était nécessaire pour le campement. Chez les peuples sédentaires, au contraire, on ne pouvait se passer d’abris pour dormir la nuit en sûreté, quand les nécessités du commerce ou des relations obligeaient à de longs voyages à travers des pays déserts. Aussi dès le temps de Jacob est-il fait mention de khans en Egypte même. C’est à leur première étape après avoir quitté Joseph, dans un mâlôn, que les fils de Jacob trouvent la coupe de leur frère dans un de leurs sacs. Gen., xlii, 27 ; xliii, 21. Les routes que suivaient les caravanes de marchands durent de bonne heure être pourvues d’abris analogues. Il est fort possible que le mâlôn dans lequel le Seigneur apparaît à Moïse, au mont Horeb, Exod., iv, 24, ne soit pas autre chose qu’un caravansérail très rudimentaire ménagé dans les rochers, et à l’usage des marchands ismaélites. Dans les pays où il existait des villes ou des villages, les habitants exerçaient eux-mêmes l’hospitalité. Toutefois, à la porte même des villes, on bâtissait d’ordinaire un khan, dans lequel pouvaient se retirer ceux qui arrivaient trop tard pour pénétrer dans la ville, ou qui n’avaient pas l’intention de s’arrêter plus d’une nuit. C’est peut-être dans une sorte de caravansérail ou de menzil, construit à l’intérieur de la ville de Jéricho et adossé à la muraille, que Rahab reçut les espions envoyés par Josué. Jos., ii, 1-15. Un envoyé de Louis XIV, de La Roque, nous a fait la description du menzil tel qu’il le trouva daus les villages de ; Palestine : « Le menzil signifie lieu de descente : c’est un ] appartement bas de la maison du cheikh, séparé de celui où il tient son ménage, s’il n’en a pas une tout entière qui,
soit destinée à loger les passans ; car en ce païs-là il n’y a ni cabaret ni hôtellerie : cet appartement est tout nud, n’y aïant ni lit, ni aucune sorte de meubles ; il est disposé de manière que la moitié de l’espace est occupée par un long et large banc de pierres, ou de terre, en forme d’estrade, où l’on met plusieurs nattes de jonc, sur lesquelles les passans étendent leurs tapis et leurs hardes pour coucher dessus : et l’autre moitié de ce lieu qui reste plus bas sert à mettre les chevaux. On les attache par les pieds à des piquets, qui sont préparés pour cela, et on met ainsi les passans avec leur équipage dans un même endroit, afin qu’ils n’aient aucune inquiétude sur leurs montures, qu’ils les voient manger et accommodertandis qu’ils sont assis et qu’ils se reposent. » De La Roque, Voyage dans la Palestine, Amsterdam, 1718, p. 125-126.
Des caravansérails existaient en grand nombre sur la route qui va de Damas en Egypte. Lortet, La Syrie d’aujourd’hui, Paris, 1884, p. 485. En Assyrie et en Perse, on en rencontrait beaucoup sur les principales voies de communication. Hérodote, v, 52, donne lecompte des stations (<jTa8|A0Î) et des khans (xaTaXùnetç) disposés le long de la route qui joint Suse à Éphèse. IL y en avait cent onze pour un parcours de 13500 stades, que les voyageurs mettaient quatre-vingt-dix jours à accomplir. Ils faisaient ainsi 150 stades (26 kilomètres) par jour, et rencontraient au moins un khan par journée de marche. De loin en loin, un fortin (ouXaxfrjpiov) assurait la sécurité de la route et des khans. Parmi ces caravansérails anciens, les uns ne sont plus représentés que par des ruines informes ou par des bâtiments abandonnés dont les brigands font leurs repaires. D’autres ont été conservés ou rebâtis et gardent encore aujourd’hui leurs dispositions antiques. M mo Jane Dieulafoy décrit ainsi celui dans lequel elle a séjourné au début de son voyage en Perse : « Le caravansérail est composé d’une cour assez spacieuse, clôturée par un mur de pisé autour duquel sont construites une série de loges voûtées recouvertes en terrasse. Chacun de ces arceaux est attribué à un voyageur. Dès son arrivée il y dépose ses bagages et ses approvisionnements. Seulement, comme le mois de mars est froid dans ce pays montagneux, les muletiers abandonnent des campements trop aérés et se retirent dans les écuries, où les chevaux entretiennent une douce chaleur. Le gardien nous offre comme domicile une petite pièce humide, sans fenêtre, dont la porte ferme par une ficelle en guise de serrure. Cet honneur no me touche guère, et je réclame, au contraire, la faveur de partager l’écurie avec les rares voyageurs arrivés avant nous… Le plus grand nombre des caravansérails sont, comme les mosquées, des fondations pieuses entretenues par la libéralité des descendants du donateur. Un homme de confiance, payé sur les fonds affectés à cet usage, reçoit les caravanes, ouvre et ferme les portes matin et soir. Les étrangers, s’ils ne lui demandent aucun service personnel, ne lui doivent aucune rémunération, quelle que soit la durée de leur séjour. Le gardien se contente des modiques bénéfices sur les maigres approvisionnements de paille, de bois et de lait aigre vendus aux muletiers. » La Perse, la Chaldée et la Susthne, Paris, 1887, p. 31-32. En Asie Mineure, non loin de Smyrne, L. de Laborde passa une nuit dans un caravansérail analogue. Voici ce qu’il en écrit : « Nous entrons donc dans un khan… Au premier est une galerie qui fait le tour du bâtiment, et sur laquelle s’ouvrent des chambres, autant de cellules, pour héberger les voyageurs. Ces chambres sont meublées d’une estrade. Les Turcs étendent là leurs nattes et leurs couvertures, sur lesquelles ils dorment tout habillés. Quant à nous, nous avons nos matelas, et de plus des moustiquaires pour nous défendre contre les moucherons. Nous aurions été assez bien, si nous avions pu en même temps éloigner les autres compagnons obligés du voyageur en Orient. Vains efforts ! L’envahisse
ment est complet. Force est d’accepter cette épreuve et d’en supporter le dégoût. » Voyage de l’Asie Mineure, Paris, 1838, p. 11. Les khans actuels de Syrie sont infestés par la vermine. Socin, Palàstina und Syrien, Leipzig, 1891, p. xli. Nul doute qu’il n’en ait été de même autrefois. Néanmoins le voyageur est trop heureux de n’avoir à affronter que des inconvénients de cette nature et de pouvoir compter sur un gîte pour passer la nuit.
IL Les caravansérails chez les Hébredx. — 1° Dans les prophètes. — Les livres historiques de l’Ancien Testament ne font aucune allusion à l’existence de khans en Palestine. Le mot diversorium se lit pourtant deux fois
a été mal traduit par les versions. On lit en hébreu : « Ilss’en allèrent et s’arrêtèrent dans le khan (gêrût) de Kimôhàm (qeri : Kimhâm), qui est auprès de Betliléhem. » Les versions ont pris Kimhâm pour un nom de lieu. C’est le nom d’un fils de Berzellaï, ami de David. Voir Chamaam. Le caravansérail en question portait ce nom parcequ’il avait été bâti soit par Chamaam lui-même, soit sur un terrain lui appartenant autrefois. Josèphe, Ant. jud., X, ix, 5, appelle cet endroit Mandra, et le Targum dit que-David l’avait donné au fils de Berzellaï. — Isaïe, x, 29, parle d’un caravansérail situé à Gaba, non loin de Jérusalem, dans lequel s’arrêtent les Assyriens qui viennent
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75. — Khan d’el-Hâtrour sur la route de Jérusalem a Jéricho.
dans la Vulgate ; mais la première fois, Jud., xviii, 3, il désigne la maison de Michmas, dans laquelle cinq Danites reçoivent l’hospitalité ; la seconde fois, III Reg., xviii, 27, il marque l’endroit où Élie suppose ironiquement que se trouve Baal, sourd aux prières de ses adorateurs. Dans les Proverbes, viii, 2, il est dit que la Sagesse se tient « au-dessus de la route, à l’intérieur des chemins, béi( netîbôt, y> c’est-à-dire dans les carrefours où les chemins se croisent. Les carrefours étaient des endroits tout indiqués pour l’établissement de caravansérails. L’auteur de la version grecque dite Veneta y pensait sans doute quand il a traduit les deux mots hébreux par êv oïxw SiôSwv, « dans la maison des passages. » Mais sa traduction est fautive. Bât, qui n’a ni article ni préposition dans le texte, y est pris lui-même comme préposition. Ici encore il ne s’agit donc pas de khan. Les prophètes seuls parlent de caravansérails. Le plus ancien dont il soit fait mention en Palestine est celui dans lequel s’arrêtent, auprès de Bethléhem, les Juifs de Jérusalem, quand ils se sauvent en Egypte après le meurtre de Godolias. Jer, , xli, 17. Le texte
assiéger la ville. — Jérémie, ix, 2, voudrait trouver un khan en plein désert pour y laisser à l’abandon son peuple prévaricateur. On ne peut, en effet, séjourner longtemps dans un khan situé en plein désert, sans être exposé à y manquer de tout et à y périr sous les coups des brigands.
2° Dans l’Evangile. — C’est dans le caravansérail voisin de Bethléhem que la sainte Vierge et saint Joseph vinrent chercher un refuge, la nuit même de la naissance du Sauveur. Luc, ii, 7. Mais la cour et la galerie étaient tellement encombrées, à cause de l’affluence des étrangers venus pour le recensement, qu’il leur fallut se retirer dans une grotte, à peu de distance. Sur le khan de Bethléhem, voir t. i, col. 1091. — Il est question d’un autre khan dans la parabole du bon Samaritain. Luc, x, 31. Le voyageur que Notre-Seigneur met en scène descend de Jérusalem à Jéricho par le chemin d’Adommim, le seul qui permette de se rendre d’une ville à l’autre, et qui, sur un parcours de vingt-cinq kilomètres, doit s’élever de mille quarante mètres. Voir Adommim, 1. 1, col. 222. Ce
chemin suit les bords de l’Oued el-Kelt, du côté sud. Il est taillé en corniche et court perpétuellement le long de l’abîme. Avant sa transformation en route carrossable, pendant ces dernières années, il présentait des pentes rocheuses à peine praticables, dont plusieurs étaient taillées en escaliers. Les crêtes des montagnes arides et les déchirures des rochers qui s’élèvent à pic sur le côté de la route donnent au site un aspect des plus lugubres. Des moines, contemporains de saint Zozime (Ve siècle), s’établirent dans des grottes artilicielles pratiquées à la partie inférieure du ravin, du côté septentrional. « Il est impossible, dit V. Guérin, de choisir un site plus sauvage, d’un aspect plus austère et d’un accès plus difficile que celui-là. » La Terre Sainte, Paris, 1882, t. i, p. 206. La route était cependant très fréquentée, et Notre -Seigneur l’a parcourue plusieurs fois avec ses apôtres. Les brigands trouvaient leur compte à cette aflluence de passants. Ils se dissimulaient dans les anfractuosités des rochers et attaquaient les voyageurs isolés ou les caravanes trop peu nombreuses pour pouvoir leur résister efficacement. Saint Jérôme constate que de son temps les Arabes, « nation adonnée au brigandage, font des incursions sur les frontières de la Palestine et assiègent la chemin de ceux qui descendent de Jérusalem à Jéricho. » In Jer., iii, 2, t. xxiv, col. C90. À environ douze kilomètres de Jéricho se voient les ruines de Qala’at ed-Demm, « château du sang, » qui marquent l’emplacement de l’ancien village d’Adommim et du poste militaire que les Romains construisirent pour protéger la route. À quelques mètres plus haut, à peu près à mi-chemin entre Jérusalem et Jéricho, on rencontre le khan d’el-Hdtrour (fig. 75). Voir la carte de la tribu de Benjamin, 1. 1, col. 1588. C’est à cet endroit que les plus anciennes traditions placent le caravansérail dans lequel le bon Samaritain conduisit le blessé. Cependant Liévin, Guide-indicateur, Jérusalem, 1887, t. ii, p. 314, le cherche à vingt minutes plus haut, à Khan el-Akmar, ancien khan jadis très fréquenté et détruit par Ibrahim-Pacha. Mais il n’indique pas les raisons de sa préférence. En tout cas, il n’y avait qu’un khan sur la route à l’époque de Notre -Seigneur, et le fortin de Qala’at ed-Demm a naturellement été bâti ensuite de manière à protéger le caransérail. Ce dernier était donc très voisin du poste militaire et devait se trouver à Khan él-Hâtrour. Saint Luc ne l’appelle plus xatàXupia, comme celui de Bethléhem, mais itav80x « ov, « lieu où l’on reçoit tout le monde. » Cette différence d’appellation tient sans doute à ce que le caravansérail d’Adommim était un peu plus qu’un khan ordinaire. Il y passait un très grand nombre de voyageurs, surtout à l’époque des fêtes, et les difficultés de la route obligeaient le gardien, le itavêo- ^eOç, à rendre aux passants des services plus variés. Le mot Ttavêo/etov est passé dans l’hébreu rabbinique avec le même sens. Le pûndaq est l’hôtellerie publique où l’on peut manger, boire et trouver un gîte ; le pûndaqi y vend à boire et à manger. Yebamoth, xvi, 7. Buxtorf, Lexicon chaldaïcum, Leipzig, 1869, p. 874. Le Targum de Jonathan appelle pûndâqîtâ’, « hôtelière, » Ruhab, à laquelle le texte hébreu donne le nom de zôndh. Le Samaritain de l’Évangile porte avec lui ce qui est nécessaire pour soigner les blessures. Il panse donc le malheureux qui a été victime des brigands, et comme l’attaque a eu lieu à une certaine distance du khan, il met le blessé sur son cheval, le conduit au caravansérail, y prend soin de lui personnellement, et ne le quitte que le lendemain. Mais avant de partir il le confie au gardien, et remet à celui-ci une petite somme, qu’il complétera au retour, s’il en est besoin. Luc, x, 34-35. Tous ces détails, pris sur le vif, montrent bien l’utilité des caravansérails sur les routes dangereuses, particulièrement sur celle d’Adommim. — Saint Luc, xxii, 11, donne encore le nom de xaiâX’Jna à la chambre haute ou cénacle que Notre -Seigneur choisit à Jérusalem pour y instituer la sainte Eucharistie. Évidemment ce n’était
pas un caravansérail. Mais le nom de y.airâ).’Ju.a indique peut-être qu’il s’agissait d’une salle d’emprunt, dans laquelle le divin Maître ne devait séjourner que peu de temps, pour y célébrer la Pàque ou « passage » du Seigneur.
3° Ruines de caravansérails en Palestine. — En somme, les Livres Saints ne font mention que de quatre caravansérails en Palestine : celui qui porte le nom de Kimhàm, Jer., xli, 17 ; celui de Gaba, Is., x, 29 ; celui de Bethléhem, Luc., ii, 7, et celui de la montée d’Adommim. Luc, x, 34. Beaucoup d’autres furent certainement construits dans les temps qui ont précédé l’ère chrétienne. Çà et là un certain nombre de localités actuelles portent encore le nom de klian et gardent les ruines d’antiques caravansérails. Sociri en cite plus de cinquante qui peuvent attirer l’attention du voyageur. Palâstina und Syrien, p. 425 (Chân). On ne saurait déterminer si tous ces khans datent d’avant 1ère chrétienne ; la plupart du moins doivent remonter aux anciens Juifs. Le mieux conservé de tous 1, et celui qui donne l’idée la plus exacte des caravansérails primitifs, est le KhanDjoubb-Yousef, à peu de distance de Tell Houm. Il a été construit à l’endroit où l’on croyait à tort que Joseph avait été jeté dans la citerne par ses frères. « Le khan, situé à 212 mètres d’altitude, est bâti en murs très épais formés par des assises alternativement en pierres noires basaltiques et en pierres blanches calcaires. Des escaliers, encore assez bien conservés, permettent d’arriver à la terrasse supérieure, d’où l’on a une belle vue sur le lac de Tibériade, le mont Thabor, le grand Hermon. .. Le khan renferme une grande citerne à peu près desséchée, et un puits profond de dix mètres, creusé en partie dans le rocher. Il ne contient que peu d’eau. » Lortet, La Syrie d’aujourd’hui, p. 525. « On y pénètre par un large passage cintré, entre des appartements qui à droite et à gauche constituent le diversorium ou logement des voyageurs… On débouche dans une cour environnée d’une galerie intérieure… La partie de cette galerie adossée à la colline trouve une sorte de prolongement dans des grottes profondes… Leurs ouvertures naturelles, trop larges pour garantir du froid, sont réduites par une maçonnerie grossière à de simples portes où les bœufs passent à peine. » É. Le Camus, Notre Voyage aux pays bibliques, Paris, 1890, t. ii, p. 255.
Les khans fonctionnent encore aujourd’hui en Palestine comme autrefois. Les caravanes continuent à s’y abriter pendant la nuit, et les voyageurs s’y reposent à l’ombre pendant le jour. Les gardiens leur procurent au moins de l’eau fraîche. Celle du Khan elHdtrour actuel est remarquable par sa qualité. Socin, Palâstina und Syrien, p. 165. Notons enfin que les khans de Palestine sont à peu près tous en ruine. Chauvet et Isambert,
Syrie, Palestine, Paris, 1882, p. 135.- CARBO Pierre##
CARBO Pierre, prieur de la Chartreuse de Bri’inn, en Bohême, mort en 1591. On a de lui : 1° Commentatio in dictum Geneseos, cap. in : « Ipsa conteret caput tuum, i> in-8°, Prague, 1580 ; 2° Contra viperarum genimina in illud Geneseos : « Ipsa conteret caput tuurn, » in-4° et in-12, Prague, 1590 ; 3° De Christo rege, législature, sacerdote, Deo. Psalmorum n et cix Vulgatx editio paraphrastica methodo exposita, in-4°, Prague, 1587 ; 4° De veritate hebraica, undenam hsec ad divinorum librorum intelligentiam atque versionem petenda sit, in-8°, Prague, 1590 ; 5° Vulgata editio grseci hebraicique textus, necnon ex utroque versiones et variarum annotationum suffragiis a Novatorum suggillationibus vindicata, et paraphrastica methodo exposita, in-8°, Prague, 1599. M. Autore.
- CARCAA##
CARCAA (hébreu : Haq-Qarqà’àh, avec l’article et le hé local ; Septante : tt, v xarà ô-jo-pùç Kdt6r|ç), une des villes frontières de la tribu de Juda, à l’extrémité méii
dionale de la Terre Sainte : Jos., xv. 3. Elle n’est pas mentionnée dans la délimitation de Num., xxxiv, 3-5, ni dans la liste des cités du midi. Jos., xv, 21-32 ; xix, 2-8 ; II Esdr., xi, 25-30. L’article qui précède qarqâ’âh pourrait taire croire à un nom commun, et c’est ainsi que l’a entendu Symmaque en traduisant par e5a ?o ; , « sol. » Le mot ypnp,
qarqa", se trouve du reste dans plusieurs passages de la Bible, où il indique soit le fond de la mer, Am., ix, 3 ; soit le sol du tabernacle, Num., v, 17, ou le pavé du temple. III Reg., vi, 15, 16, 30 ; vii, 7. Quelle est son étymologie ? Gesenius, Thésaurus, p. 1210, le rattache au talmudique "ip/iç, qarqar, qui signifie « fondement »,
de la racine ~np, qûr, « creuser, » à la forme pilpel ; dans ce cas, le -, , resch, se serait adouci en y, ’aïn. Cf. J. Fûrst, Hebràisches Handwôrterbuch, Leipzig, 1876, t. ii, p. 336337. Suivant d’autres, ce mot viendrait d’une racine quadrilittère, ypip, qui remonterait elle-même à -, ip, « creu-. ser, » et yip, « être profond. » Cf. F. Mùhlau et W. Volck, W. Gesenius" Handwôrterbuch, Leipzig, 1890, p. 762. E.Schrader, Die Keilinschriften und dus Alte Testament, Giessen, 1883, p. 583, le compare à l’assyrien qaqqaru (pour qarqaru), « étendue de terrain. » Avec le sens de « bas-fond », Qarqâ’âh pourrait désigner non une ville proprement dite, mais quelque district de la frontière palestinienne situé entre Adar et Asémona, un de ces bassins ou profonds encaissements qui se trouvent dans les régions de Cadés (Aïn Qadis). Cf. H. Clay Trumbull, KadesliBarnea, in-8o, New-York, 1884, p. 289-290. Cependant, outre la Vulgate, les versions anciennes, syriaque, arabe, paraphrase chaldaïque, ont vu ici le nom propre de Qarqâ’âh. Les Septante, pour traduire xa-uà Suajià ; KàSr) ; , ont sans doute lu nnp na>,
yammâh Qâdêi, au. lieu de nypiisn, haq - Qarqâ’âh.
Cf. Rosenmûller, Scholia, Josua, Leipzig, 1833, p. 282. Mais » quelle est la situation précise de cette localité ? Dans l’état actuel de nos connaissances, il nous est impossible de le savoir. Carcaa est placée entre Adar et Asémona, dont l’identification est problématique. Voir Adar, t. i, col. 210 ; Asémona, col. 1079. Elle se trouvait donc à l’ouest de Cadèsbarné, qui est pour nous, d’une manière très probable, ’Aïn Qadis. Voir Cadés 1. Si l’on assimile Adar à’Aïn Qoudéirah et Asémona à’Aïn Qaséiméh ou Guséïméh, dans les environs (ï’Aïn Qadis, il faudra nécessairement chercher Carcaa entre ces deux points. Voir la carte de E. H. Palmer, The désert of the Exodus, Cambridge, 1871, au commencement du tome n. On a voulu la reconnaître dans Vouadi Garaiyéh ou Qouréiyêh, situé bien au-dessous d’Ain Qadis. Cf. Keil, Josua, Leipzig, 1874, p. 118. C’est, il nous semble, reculer beaucoup trop au sud les limites de la Terre Sainte, et détourner sans raison bien suffisante la ligne frontière, qui, s’arrondissant en arc de cercle depuis la pointe méridionale de la mer Morte jusqu’au Torrent d’Egypte {Ouadi elvrisch), devait avoir son point le plus éloigné vers Cadès. Eusèbe et saint Jérôme, Onomastica sacra, Gœttingue, 1870, p. 92, 218, signalent comme existant encore de leur temps un village A’Accarca, "Axapxâ, situé dans le désert et appartenant à la tribu de Juda. Aucun voyageur ne l’a retrouvé jusqu’ici.
- CARCHOUNIE##
CARCHOUNIE (VERSION) DES ÉCRITURES.
On a ppelle ainsi la version arabe des Ecritures imprimée en caractères syriaques pour l’usage des chrétiens syriens, principalement de Mésopotamie, d’Alep et de quelques autres partie de la Syrie. Une édition bilingue du Nouveau Testament, contenant en deux colonnes le texte syriaque de la Peschito et le texte arabe d’Erpenius en caractères carchounis fut publiée à Rome, en 1703, pour les Maronites du Liban. E. de Quatremère et S. de Sacy en ont donné une nouvelle édition à Paris, en 1827, aux frais de la Société biblique de la Grande-Bretagne.
EICT. DE LA BIBLE
CARDEURS. Is., xix, 9. Voir Tisserand.
- CARDINAUX##
CARDINAUX (POINTS). Les Hébreux, comme les anciens en général, distinguaient quatre points cardinaux : l’est (orient ou levant), l’ouest (occident ou couchant), le sud (midi) et le nord (septentrion). Ils les nommaient, par rapport à la course du soleil : l’est, mizràh semés ou mizràh, et encore môsâ’, « l’endroitoù lesoleil se lève » ; l’ouest, mebô" SéméS, et encore ma’ârâb ou ma’ârâbâh, « l’endroit où le soleil se couche » ; le sud dârôm, « région de lumière », et le nord sâfon, « région de ténèbres ». Ils les dénommaient en outre par rapport à la position de l’observateur. Leur manière de s’orienter était dilférente de la nôtre. Nous avons coutume de nous tourner vers le nord pour fixer la place respective des autres points cardinaux ; les Hébreux, au contraire, se tournaient vers l’est. Par suite, ils appelaient l’orient ou levant qêdérn ou qâdîm, « ce qui est devant ; » l’occident ou couchant, ’âhôr, « ce qui est derrière ; » le sud, yâmîn ou têmân, « la droite, » et le nord, sem’ôl, « la gauche. » Enfin, par une application de ces données cosmographiques à la géographie locale, yâm, « la mer, » cest à savoir la mer occidentale, la Méditerranée, et négéb, « le désert, » indiquaient respectivement l’ouest et le sud. Aux quatre points cardinaux correspondaient les « quatre vents du ciel », ’arba’rûhôt has-lâmayhn, Zach., ii, 10 ; vi, 5 (cf. Ezech., xxxvii, 9 ; xlii, 20 ; Dan., vii, 2 ; I Par., ix, 24 ; Apoc, vii, 1), et « les quatre coins de la terre », ’arba’kanfôt hâ’ârés, [s., xi, 12 ; Ezech., vii, 2 ; Apoc, vu, 1 (cf. Job, xxxvii, 3 ; xxxviii, 13 ; Is., xxiv, 16), dont « les extrémités » (qesêh, qesôt, qesâvôt, Vs. lxv, 9) marquaient à la fois « les limites de la terre », qesêh hâ’ârés, Ps. xlvi, 10 ; Is., v, 26 ; xlii, 10 ; xliii, 6 ; xlviii, 20 ; xlix, 6 ; Jer., x, 13 ; xii, 12 ; xxv, 33 ; qesôt hâ’ârés, Job, xxviii, 24 ; Is., XL, 28 ; xli, 5, 9 ; qasvê’érés, Ps. lxv, 6, et « les limites du ciel », ’arba’qesôf has-sâmayîm, Jer., xlix, 36 ; qesêh has-sâmayîm, Deut., iv, 32 ; Ps. xix, 7 ; Is., xiii, 5 ; qesôt [haS-sâmayîm], Ps. xix, 7. Aux quatre coins de la terre ainsi qu’aux quatre vents du ciel présidaient des anges. Apoc, xvii, 1.
Une telle conception n’était point particulière aux Hébreux et se retrouve chez les Assyro-Babyloniens, qui sont considérés à bon droit comme leurs maîtres dans la science. Les noms dont ils désignaient les points cardinaux étaient en partie les mêmes et en partie différents. L’est s’appelait sit samëi, « le point où le soleil se lève, » et encore Sadû ; l’ouest, erib sainSi, « le point où le soleil se couche, » et encore aharru ; le nord, iltanu, et le sud, sûtu. Quant à la façon de s’orienter, elle était la même chez les deux peuples. La seule désignation de l’ouest par le mot aharru nous en est une preuve certaine » Aharru, l’occident, signifie, en effet, « ce qui « st derrière » l’observateur tourné du côté de l’orient. Ce mot prit plus tard une signification géographique et servit à désigner la Syrie, mat Aharru, pays de l’occident par rapport à la Babylonie et à l’Assyrie. Les points cardinaux d’ailleurs, chez les Assyro-Babyloniens comme chez les Hébreux, marquaient la direction des « quatre vents » du ciel, H. Rawlinson, The Cuneiform Inscriptions of Western Asia, ii, 29, 1, rev., col. 3, et des « quatre régions » (kibrâti irbilli) de la terre. Rien n’est plus commun, dans les textes cunéiformes, que cette expression kibrâti ïrbïlti, « les quatre régions, » donnée comme synonyme de l’univers. Cette appellation passa même dans le protocole des rois de Babylonie et d’Assyrie, et servit à exprimer, de façon emphatique, l’étendue de leur domination. Chacun de ces rois, en effet, s’intitulait couramment « roi des quatre régions », sar kibrâti irbïlti, c’est-à-dire « roi de l’univers ». Enfin, chez les deux peuples, les points cardinaux ne furent point conçus comme des points mathématiques, mais comme des points matériels. Les points cardinaux semblent avoir été représentés d’abord par des montagnes destinées à soutenir
II.- 9
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- CARDINAUX##
CARDINAUX (POINTS) — CAREM
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la voûte céleste et placées sous la protection de divinités spéciales. Aussi voyons-nous dans l’épopée de Gilgamès, dont l’importance est capitale pour la reconstitution de la vieille conception cosmographique, se dresser, à l’orient et à l’occident, les monts Masu, flanqués des hommesscorpions. Haupt, Das babylonische Nimrodepos, tab. ix, col. ii, 1-9. Sur toute cette question, voir Jensen, Vie Kosmologie der Babylonier, p. 163-170.
Une conception analogue, quoique formée sans doute de façon indépendante, se rencontre chez les anciens Égyptiens. Ils distinguaient quatre points cardinaux : 1e nord, à peu près inconnu ; le sud, Apit-to, la « corne de la terre s ; l’est, Bâkhou, « le mont de la naissance », et l’ouest, Manou ou Onkhît, « la région de la vie. » Maspero, Histoire ancienne des peuples de l’Orient classique, Les origines, t. i, p. 17-18. Pour s’orienter ils se tournaient vers le sud, — vers les sources du Nil, au point de communication du Nil céleste avec le Nil terrestre ; — par suite, ils plaçaient le nord derrière eux, l’orient à leur gauche et l’occident à leur droite. Chabas, Les inscriptions des mines d’or, 1862, p. 32 et suiv. Cf. Maspero, ouvr. cit., p. 19. Suivant la direction même des points cardinaux, l’univers était divisé en quatre régions ou plutôt quatre maisons. Maspero, ouvr. cit., p. 128. Chez les anciens Égyptiens d’ailleurs, comme chez les Assyro-Babyloniens, les points cardinaux furent figurés de façon matérielle. On imagina d’abord aux quatre coins de l’horizon quatre troncs d’arbre fourchus, pareils à ceux
qui étayaient la maison primitive YYYY, et un peu plus
tard des montagnes dont le sommet s’élevait jusqu’au ciel. Maspero, ouvr. cit., p. 16-18. Il advint même que cette conception fut personnifiée dans les légendes cosmogoniques. Dans de telles légendes, où l’univers est formé par l’extension ou développement indéfini du corps d’un dieu ou d’une déesse, les points cardinaux ou piliers du ciel furent représentés, dans les diverses traditions, tansot par les tresses du dieu Horus, tantôt par les jambes et les bras de la déesse Nouît, et encore par les quatre jambes de la vache Nouît. Chacun des points cardinaux ou piliers du ciel était placé d’ailleurs sous la protection d’une divinité spéciale. Maspero, ouvr. cit., p. 86-87, 128-129, 16$1-$269. J. Sauveplane,
- CARDOSO Jean##
CARDOSO Jean, Portugais, Frère Mineur de la Régulière Observance, qualificateur du Saint-Office à Lisbonne, dans la première moitié du xviie siècle, a donné au public : Commentaria in Ubrum Ruth, in-4o, Lisbonne, 1268. P. Apollinaire.
- CÀRÉE##
CÀRÉE (hébreu : Qâréah, « chauve ; » Septante : Kapr, 6, IV Reg., xxv, 23, et Kâprfi, dans Jérémie), père de Johanan et de Jonathan, partisans de Godolias, gouverneur de Jérusalem au nom de Nabucliodonosor. IV Reg., xxv, 23 ; Jer., xl, 8, 13, 15, 16 ; xii, 11, 13, 14, 16 ; xlii, 1, 8 ; xliii, 2, 4, 5.
- CAREHIM##
CAREHIM (hébreu : Haq-Qorhim, avec l’article ; Septante : ot Koprrai), nom que laVulgate donne comme celui d’une ville de Benjamin, à laquelle auraient appartenu certains guerriers qui passèrent du côté de David, pendant son séjour à Siceleg. I Par., xii, 6. D’autres localités sont ainsi mentionnées dans le même chapitre : Gabaath, Anathoth, ^.3 ; Gabaon, Gadéroth, ^. 4 ; Gédor, y. 7. Tous les commentateurs cependant voient ici, et avec raison, le nom patronymique des descendants de Coré le lévite. 2>n-p, Qorhim, est le pluriel de >rnp,
Qorhî, qui vient lui-même de rn’ij, Qôrah, Coré, fils
d’Isaar, fils de Caath, fils de Lévi. Exod., VI, 10, 18, 21. C’est ainsi que l’ont entendu les Septante en traduisant par oî Koptrai, « les Coréites. » On s’explique facilement comment ces Lévites se trouvent mêlés ici à des Benja mites N’ayant pas de territoire propre, les enfants de Lévi appartenaient civilement et politiquement à la tribu dans laquelle ils étaient fixés. Au moment du partage de la Terre Promise, les prêtres obtinrent des villes dans les tribus de Juda, de Siméon, de Benjamin, tandis que les Lévites, descendants de Caath, parmi lesquels les Coréites, eurent leur domicile dans les tribus d’Éphraïm, de Dan, de llanassé occidental. Jos, xxi, 4-5, 9-26. Mais, lorsque le Tabernacle fut transporté de Silo à Nobé, à Gabaon, les fils de Coré, qui en étaient les gardiens, durent s’en rapprocher et s’établir en Benjamin. Cf. Keil, Chronih, Leipzig, 1870, p. 133. Voir Coré.
- CAREM##
CAREM ( Septante : Kapé[i ; correspond à l’hébreu Kérém, « vigne » ou « verger » ), ville de la tribu de Juda, nommée dans les Septante seulement, Jos., xv, 59, avec dix autres villes que ne mentionnent non plus ni le texte hébreu ni les autres versions. Le Codex Alexandrinus, généralement plus exact dans la transcription des noms hébreux, les cite dans la forme et l’ordre suivant : ©exù xa’i E^paOà, aûnr] éitI Bï]9).eé[i., xai Vaytop xaï À ! xà[j. y.où KouXôv xai Tarâ|j.i xas Suip-f) ; v.a KapÈ[i xal ra).li(i y.at Bà19T|p xai Mavo-xœ. Saint Jérôme, Comment, in Mich., v, t. xxv, col. 1198, les transcrit sous la même forme : Thæco et Ephrata, heec est Betlilehem, el Phagor et yEtham et Culon et Tatatni et Soris et Carem et Gallim et Bsether et Manocho.
I. Identification. — Carem, selon quelques géographes, ne serait pas différente de Béthacarem ; les paroles de saint Jérôme, Comment, in Jer., t. xxiv, col. 725, indiquant Bétharcarma entre Jérusalem et Thécué, ne devraient pas se prendre dans un sens strict. La plupart des palestinologues n’admettent pas cette identité (voir Béthacarem) ; les uns et les autres s’accordent cependant à reconnaître Carem dans’Aïn-Kàrem, village situé à six kilomètres à l’ouest de Jérusalem, et à huit kilomètres au nord-ouest de Bethléhem. Tout autour et formant un même groupe avec lui, on trouve les villages de Couloniéh, Sàris, Beith-Djàla, Bettlr et Malaha, dont les. noms, les uns identiquement les mêmes et les autres à peine modifiés, sont ceux des localités nommées par les Septante avec Carem. Tatam doit peut-être se reconnaître dans Touta, Khirbet ou « ruine », au sommet de la montagne qui se dresse au sud de’Aïn-Kârem. Thécué, Bethléhem, ’Ethan et Beth-Fadjour forment un groupe distinct au sud du premier. Cette situation de "Aïn-Kârem et l’identité substantielle de son nom avec Carem ne permettent guère de douter de la justesse de l’identification. « La fontaine de Kârem », en arabe’Aïn-Kârem, qui coule à moins de cinq cents mètres au nord du village, aura reçu son nom de l’antique bourgade de Juda, qu’elle alimentait de ses eaux ; elle l’aura conservé, après sa ruine, pour le rendre au village qui a pris plus tard sa place.
IL Histoire et tradition. —’Aïn-Kàrem est célèbre chez les chrétiens de toute nation et de tout rite : un grand nombre la tiennent pour la « ville de Juda » dont parle saint Luc, i, 39, séjour de Zacharie et d’Elisabeth, où Marie vint les visiter et où naquit Jean-Baptiste. Une copie arabe manuscrite des quatre Evangiles, faite au Caire, au xive siècle, conservée aujourd’hui au couvent copte de Jérusalem, porte en marge, en face du verset 39, cette indication : « l’exemplaire de Sa’id [a] : ’Ain - Kârem. » Plusieurs anciens exemplaires gardés dans leurs églises et leurs couvents portent, m’attestent les Coptes et les Abyssins, dans le texte même : « en la ville de Juda’Aïn-Kârem. » Si ce n’est qu’une interpolation, elle témoigne du moins que depuis longtemps’Aïn-Kârem est reconnue pour la ville natale du précurseur par les chrétiens d’Egypte et d’Abyssinie. Cette croyance ne peut être que l’écho de la tradition reçue chez leurs voisins de Syrie et de Palestine. L’histoire nous montre, en effet, ’Aïn-Kàrem constamment vénéré par tous comme lieu natal de saint Jean. Le récollet Eug. Roger, dans sa relation
intitulée La Terre Sainte, ou Description topographique très particulière drs Saints Lieux et de la Terre de Promission, I. i, ch. xvii, in-4°, Paris, 1646, p. 184, appelle ce lieu Aain Charin ; le P. Michel Nau, jésuite, dans son Voyage nouveau de la Terre Sainte, 1. iv, ch. xix, in-18, Paris, 1679, p. 475, écrit comme nous Ain Karem. La plupart des descriptions ou relations appellent l’endroit Saint-Jean, la Maison de Zacharie ou d’autres noms semblables ; mais elles l’indiquent à l’occident de Jérusalem et du monastère de Sainte -Croix, et à une distance de la ville sainte équivalant à environ sept de nos kilomètres, c’est-à-dire là où se trouve’Aïn-Kârem. Voir, dans Itinéraires français des XIIe et xme siècles, publiés par la Société de l’Orient latin, in-8°, Genève, 1880, Le continuateur de Guillaume de Tyr, description rédigée vers 1261, x, ibid., p. 170 ; Les pèlerinages et pardouns de Acre, vers 1260, viii, ibid., p. 233 ; dans les Itinéraires russes, traduits par M"’de Khilrowoet publiés par la même Société, in-8°, Genève, 1889, Vie et pèlerinage de l’higoumène Daniel, écrit vers 1112, ch. lvh-lix, p. 49 et suiv. ; Pèlerinage de Grelhénios, vers 1400, ibid., p. 183 ; Pèlerinage de Basile Posniakoiv, en 1405, ibid., p. 326 ; dans les Archives de l’Orient latin, in-8°, Genève, 1882, t. ii, 2e part., p. 354 ; De itinere Terre Sancte, de Ludolphe de Sudheim (1336 i, p. 354 ; Theodorici libellus de Locis Sanctis, editus circa A. D. 1172, édit. Tobler, in-12, Saint-Gall, 1865, p. 86 ; De locis hierosolymitanis d’un anonyme grec du XIe ou xiie siècle, t. cxxxiii, col. 986 ; Ricoldo de Monte-Croce, Liber peregrinacionis, v, dans Peregrinalores niedii œvi quatuor, 2e édit. Laurent, in-4°, Leipzig, 1873, p. 111 ; Odoricus de Foro-Julii, Liber de Terra Sancta, xxxv, ibid., p. 152. Quatre descriptions du xii° siècle, copies d’un même texte, indiquent le lieu de la naissance de saint Jean à quatre et cinq milles de Jérusalem, mais au midi ; ce sont le Liber locorum sanctorum Terres Jérusalem de Fretellus, Patr. lai., t. clv, col. 1051 ; la Descriptio Terrée Sanctee de Jean de Wurzbourg, ibid., col. 1072 ; le Tractatus de distantiis locorum Terres Sanclæ d’Eugésippe, Patr. gr., t. cxxxiii, col. 1003, et le De situ, urbis Jérusalem et de locis sanctis d’un anonyme latin, dans l’appendice des Églises de la Terre Sainte de M. de Vogué, in-i°, Paris, 1860, p. 428. Le contexte fait voir clairement que par le midi ces auteurs désignent en réalité Voccidehl. À l’indication des distances la plupart des relations ajoutent d’autres renseignements. D’après la description de l’higoumène Daniel, loc. cit., p. 50, le plus ancien parmi les pèlerins donnant des détails nombreux, le village est situé au bas de la montagne qui s’étend de Jérusalem vers l’occident ; une église le domine ; sous le petit autel, à gauche en entrant, est une caverne ; c’est là que naquit le précurseur. À une demiverste ( environ cinq cents mètres), au delà d’une vallée pleine d’arbres, sur la montagne, est une autre petite église, élevée au lieu où Elisabeth cacha son fils pendant le massacre des Innocents ; sous cette église est une petite j grotte à laquelle est unie une chapelle ; de la grotte sort j une fontaine. Les relations signalent entre les deux églises une autre fontaine, où Marie, pendant son séjour chez Zacharie, dut venir puiser de l’eau. Voir Grethénios, loc. cit., p. 183 ; Pèlerinage du diacre Zozime, ibid., p. 216 ; Basile Posniakow, ibid., p. 326 ; l’anonyme grec, loc. cit., Jean Phocas, moine grec, pèlerin en 1185, Descriptio Terrée Sanctee, 26, t. cxxxiii, col. 956, et généralement toutes les descriptions écrites depuis le xiie siècle jusqu’à nos jours. Ces détails, qui se retrouvent exactement dans’Aïn-Kârem, sans être reproduits par aucune des localités des environs, ne laissent aucun doute sur l’identité de l’endroit désigné par ces descriptions avec ce village. Le témoignage du moine hagiopolite Épiphane, t. cxx, col. 264, que Rohrichl, dans sa Bibliotheca geographica Paleestinx, i n-8°, Berlin, 1890, p. 16, place à l’année 840, et qui est dans tous les cas antérieur aux croisades, nous fait constater l’existence de cette tradition avant le xiie siècle ; il appelle la
patrie du précurseur, Carmelion, du nom altéré deCarém, et l’indique « à six milles environ à l’ouest de la sainte cité », et « à dix-huit milles environ » en deçà d’Emmaûs (’Amoas), qui est lui-même à « dix milles » avant Ramblé ( Ramléh). Le Commemoratorium de Casis Dei vel monasteriis, édit. Orient latin, Itinera hierosolymitana latina, in-8°, Genève, 1877, 1. 1, p. 302, catalogue dressé vers 809, classe le monastère où saint Jean est né « parmi ceux des environs de Jérusalem, à moins de deux milles » (le mille est ici employé pour la lieue). La description De Terra Sancta de Théodosius, dans les mêmes Itinera hierosolymitana latina, 1. 1, p. 71, rédigé vers 530. place aussi le lieu « où sainte Marie alla saluer Elisabeth à cinq milles » (sept kilomètres et demi) de la ville sainte ; de même les Itinera latina, peut-être plus anciens, de Virgilius, dans les Analecta sacra et classica du cardinal Pitra, in-4°, Rome, 1888, t. v, p. 119. Cette distance est celle qui sépare’Ain - Karem de Jérusalem.
Trois textes toutefois contredisent les précédents. I.o premier, supposé d’Emoul et écrit vers l’an 1187, fait partie des Fragments sur la Galilée, publiés dans les Itinéraires français de la Société de l’Orient latin, p. 60 ; place le lieu de la Visitation dans le voisinage de Nazareth, sur une montagne où se trouvaient un monastère de moines grecs et une église de saint Zacharie, signalée encore par les Chemins et pèlerinages de la Terre Sainte, ibid., p. 198. L’auteur des Fragments a pu être induit en erreur par le nom ou aura accepté trop bénévolement une assertion de moines désireux d’attribuer de l’intérêt à leur maison. Le second texte est dans la Chronique pascale, Patr. gr., t. xcii, col. 492. La ville habitée par Zacharie est indiquée à douze milles (i(3’) de Jérusalem ; ce chiffre isolé, que rien ne confirme dans le contexte ni au dehors, peut être une de ces erreurs de nombre si communes dans les copies, à moins que ce ne soit une identification personnelle basée sur le nom de Beth-Zacharia, ville située, en effet, à environ douze milles au sud de Jérusalem. Le troisième texte est d’un moine Épiphane, du xie au xiie siècle, dans un recueil de récits apocryphes intitulé Vie de la bienheureuse Vierge, Patr. gr., t. cxx, col. 200 ; Bethléhem serait la ville de Zacharie, où Marie vint visiter sa cousine : la simple lecture du livre, où Gethsémani et Sion, Phiala et le lac de Génésareth, sont déclarés « une même chose », montre que les données géographiques n’y sont pas moins apocryphes que les récits.
III. Opinions diverses des commentateurs et des interprètes. — Si les interprétations du texte de saint Luc données par les commentateurs et les savants étaient exactes, la tradition montrant la patrie de saint Jean à’Aïn-Kârem devrait être rejetée comme fausse. — 1° Les principaux commentateurs du moyen âge, considérant les paroles : dç ™5uv’IoOSa comme déterminées, c’est-à-dire comme si saint Luc avait écrit : eî ; rj|v rcô), iv’IoûSa, « en la ville de Juda, » ont pensé qu’elles désignaient Jérusalem, la capitale et la ville par excellence de la Judée. Voir Cornélius a Lapide, Commentarïa in Sacram Scripturam, in Lucam, c. i, édit. Vives, t. xvi, p. 28. — 2° Baronius, Annales ecclesiastici, in-f°, Anvers, 1659, t. i, p. 43 et 44 ; Papebrock, Acta Sanclorum, De sancto Joanne prodromo, c. ii, § 3, édit. Palmé, junii, t. v, p. 604-606 ; Cornélius a Lapide, loc. cit. ; Math. Polus, Synopsis criticorum aliorumque Scripturse Sacrée interpretum et commentatorum, in-f°, Francfort-sur-le-Mein, 1712, t. iv, col. 819, et à leur suite un grand nombre d’autres interprètes, ont cru reconnaître dans ces mots la ville d’Hébron, la plus importante et la plus célèbre des villes attribuées à Juda, Jérusalem étant à Benjamin, et en même temps la première des villes sacerdotales attribuées aux fils de Caath, dont descendait, par Abia, Zacharie, père de Jean. — 3° Reland, Paleestina ex monumentis veteribus illuslrata, in-4°, Utrecht, 1714, p. 870, propose une autre conjecture : le nom’loOSa, suivant lui, pourrait bien être le nom propre de la ville, et n’être qu’une
forme ou variante de Jota ou Jeta, ville lévitique de la tribu de Juda, nommée en Josué, xxi, 16, située dans la montagne de Juda, Jos., xv, 55, et voisine d’Hébron. Saint Luc, ayant coutume de nommer les villes dont il parle, ne pouvait pas, pense le savant hollandais, taire le nom de la ville natale du précurseur. Le nom’lo-jôa, ajoutent les tenants de la même opinion, ne peut désigner la tribu, la division par tribu n’existant plus au temps de saint Luc ; il ne peut être employé pour nommer la province de Judée : le nom que dans ce même chap. i, ꝟ. 65, il emploie à cet effet est’louSata, le nom généralement usité ; il ne peut donc être qu’un nom propre de ville. — 4° Le P. Ger l’époque des Machabées, en effet, jusqu’à la ruine de Jérusalem, tout le territoire à partir de Bethsur, dans lequel est inclus Hébron, est constamment appelé Idumée. Cf. I Mach., iv, 61 ; v, 65 ; vi, 31 ; xiv, 33 ; Josèphe, Ant. jud., XII, viii, 6, et ix, 4 ; Bell, jud., IV, ix, 7 et 9. — 3° La conjecture de Reland a été adoptée de nos jours non seulement par les protestants en général, mais aussi par plusieurs savants catholiques. Voir Jota. La tradition d"Ain-Kârem est, au contraire, vivement combattuepar eux. Le silence d’Eusèbe sur la patrie de saint Jean dans VOnomasliçan, de saint Jérôme dans VEpitaphium Paulse, d’Antonin de Plaisance, d’Adamnan, de saint "Wil 76. — Aïn-Kàrom. D’après une photographie.
mer-Durand voit le nom propre de la ville dans les mots Oïxo’/ Za/ccptou, « Domus Zacharise : » ce serait le nom de la ville de Bethzacharia, I Mach., vi, 32 (grec), dont saint Luc aurait traduit le premier membre, Beth, « maison. » 1° La première opinion est depuis longtemps généralement abandonnée. Si saint Luc, dit Estius, Annotationes in prœcipua ac difficiliora Scriptural loca, in Lucam, c. i, in-f°, Anvers, 1699, p. 489, eût voulu parler de Jérusalem, il l’eût appelée de son nom, comme il fait partout ailleurs. — 2° Le sentiment de Baronius et des autres n’est guère admis aujourd’hui que de ceux qui s’en rapportent simplement à l’autorité de ces savants. Ou peut lui appliquer la remarque d’Estius sur l’opinion précédente : si saint Luc eût voulu désigner Hébron, il l’eût fait comme le font les auteurs des livres des Machabées et Josèphe. Cette opinion a de plus le tort de chercher en Idumée une ville que, de l’avis du P. Papebrock, loc. cit., saint Luc, I, 65, indique clairement en Judée : depuis
libald, de Sœvulf, dans leurs descriptions, prouverait que jusqu’en 1102 au moins, époque du pèlerinage de Sœvulf, il n’y avait point de tradition sur ce point ; la tradition d" Aïn - Kârem d’ailleurs, inconstante encore dans la suite, serait d’invention relativement récente. La légende XA1PECTE Wï MAPTYPEC, « Salut, martyrs de Dieu ! » d’un fragment de mosaïque découvert sur l’emplacement de l’église principale d"Aïn-Kàrem, démontrerait, avec la dernière évidence, qu’on ne faisait point jadis mémoire de saint Jean en cet endroit. — 4° L’interprétation du P. Germer -Durand concorde peu avec le contexte de saint Luc. La disposition de la phrase et l’article tôv joint au mot o’xov, d ; tôv o ! /.ov Zayapio-j, ne permettent guère d’y voir un nom propre de ville, et l’on se persuadera difficilement que l’é' angéliste, dont la coutume est de transcrire tels quels les noms hébreux composés de Beth, comme Bethléhem, Béthanie, Bethphagé, ait eu la pensée de traduire ce nom précisément en un pas
sage où cette traduction devait créer une équivoque par laquelle tous les chrétiens auraient été trompés jusqu’aujourd’hui.
Les défenseurs de la tradition locale, parmi lesquels se trouve Victor Guérin, présentent en sa faveur, entre autres, les arguments suivants : 1° La conjecture de Reland est une possibilité sans aucune preuve positive ; les témoignages historiques positifs lui sont tous contraires ; les variantes des manuscrits ont Judxx et Judse, une fois David. Cf. Tischendorf, Novum Testamentum grsece, -edit. 8° critica major, t. i, p. 419. — 2° Les faits du récit de saint Luc devant se concentrer dans l’enceinte de la maison de Zacharie, on ne voit pas quelles raisons devaient l’obliger à nommer Ja ville ; plusieurs faits et mi 77. — Église de la Nativité de saint Jean-Baptiste, h. Aïn-Kârem. D’après une photographie.
racles sont racontés en son Évangile sans que le lieu en soit marqué. Cf. v, 12 ; vii, 37 ; viii, 41 et suiv. ; ix, 28, 52 ; x, 38 ; xi, 1 ; xvii, 12. — 3° Saint Luc indiquant lui-même, 1, 65, la Judée comme théâtre des événements dont il parle, ne peut pas nommer Jota, qui de son temps était une ville, mon de Judée, mais d’idumée. — 4° Dans la plupart des livres de la ISible grecque, ’lo-JSa et’Io’jSaîa sont employés indifféremment pour désigner soit le royaume de Juda, soit la province de Judée ; mais jcô). : s’loùoa est, à une ou deux exceptions près, l’expression constamment usitée pour dire « une ville de Judée » ; on la trouve dans les mêmes chapitres où le mot’louS » a est employé pour désigner la Judée. Cf. II Par., xvii ; Jer., vu et xvii ; I Mach., iii, etc. ; saint Luc, pour dire « une ville de Judée », devait se servir de l’expression consacrée. — 5° La résidence de Zacharie n’implique pas nécessairement une ville sacerdotale ou lévi tique ; dés les temps les plus reculés, nous trouvons des prêtres et des lévites habitant des villes qui ne sont pas désignées, par Josué, comme villes lévitiques. Jud., xvii, 7 ; I Reg., i, 1, et I Par., vi, 57-58 ; II Esdi.,
xi, 20 ; xii, 28-29 ; I Mach., ii, 1. — 6° L’Onomasticon d’Eusèbe est une nomenclature incomplète des lieux bibliques ; VEpitaphium Pauise, une lettre rapide, non un traité, où ne sont mentionnés non plus ni le prétoire ni Gethsémani, connus cependant et vénérés des chrétiens. Les relations des autres pèlerins abondent en omissions qui ne peuvent détruire les témoignages positifs de Virgilius, de Théodosius, d’Épiphane hagiopolite, du Commenioratorium de Casis Dei et des autres. Le culte du titulaire primitif d’une église n’a jamais empêché le culte accessoire au même lieu d’autres saints et martyrs, ni l’érection ou la dédicace à ceux-ci de chapelles, d’autels, de tombeaux, d’images et d’inscriptions. — 7° Si l’on excepte l’assertion des Fragments sur la Galilée, dont l’erreur est évidente, et le chiffre incertain de la Chronique pascale, les autres contradictions ne sont qu’apparentes et s’évanouissent devant l’examen attentif du contexte fait de bonne foi. — 8° Les traditions locales de la Terre Sainte, au xiie siècle et dans les siècles précédents, étant généralement identiques aux traditions des IVe et me siècles, chacune d’elles, s’il n’est pas démontré formellement qu’elle s’est introduite postérieurement, a la même valeur et autorité : aucun document positif, formel et certain ne le démontrant pour la tradition d"Âïn-Kârem, l’arbitraire seulement peut la faire considérer comme apocryphe. — Il faut reconnaître cependant que l’absence de textes formels remontant aux premiers siècles ne permet pas de résoudre le problème avec une entière certitude.
IV. État actuel. —’Aïn-Kârem (fig. 76) est un village d’environ mille habitants, dont plus de la moitié sont musulmans. Bâti sur une colline, derrière les montagnes qui s’étendent à l’ouest de Jérusalem, il domine à gauche la belle vallée de Coloniéh, toute plantée d’oliviers et d’arbres fruitiers de toute espèce. Vers l’est du village se dresse l’église de la Nativité de saint Jean, avec son monastère carré et massif, auquel a été adjoint un hospice pour les pèlerins. L’ancienne église avait du être abandonnée après les croisades. Le patriarche de Jérusalem y venait seulement une fois l’an, à la fête de la Nativité du précurseur, célébrer les saints mystères. Elle ne tarda pas à tomber en ruines. Les musulmans y parquèrent leurs troupeaux, vendant aux chrétiens la permission d’y venir prier. Les Franciscains en achetèrent le terrain en 1579, et parvinrent à s’y établir en 1690. Ils relevèrent le sanctuaire et le couvent ; ce sont ceux que nous voyons aujourd’hui. L’église (fig. 77), assez spacieuse, est à trois nefs ; une coupole portée par quatre solides piliers la surmonte. Les divers tableaux qui la décorent représentent la vie du saint précurseur. Du côté de l’Évangile, sept degrés de marbre mènent à une grotte naturelle transformée en chapelle, dont le rocher forme la voûte. C’est sans doute la caverne dont parlent l’higoumène russe Daniel et le moine Phocas. Des bas-reliefs de marbre y rappellent de nouveau les faits de la vie de saint Jean. Au-dessous du pavé du porche de l’église est le fragment de mosaïque dont nousavons parlé. Vers l’extrémité ouest de la colline s’élève un grand et bel établissement fondé pour les orphelines par le P. Alphonse -Marie Ratisbonne, qui repose dans le cimetière de la maison. Plusieurs cavernes sépulcrales, creusées dans les flancs de la colline, attestent l’antiquité de la localité. À cinq cents pas au sud de l’église de saint Jean coule la « fontaine de Carerh », ’Aïn-Kârem ; les chrétiens la nomment fréquemment « la fontaine de la Vierge » ( fig. 78). La plate-forme de la chambre d’où elle jaillit, abritée de voûtes nouvellement relevées, auxquelles on a adjoint un minaret, est le lieu de prière des musulmans. La haute montagne du flanc de laquelle elle s’échappe a son versant nord faisant face au village, semé de jolies maisonnettes blanches émergeant du milieu de la verdure des vignes et des arbres fruitiers dont la montagne est toute couverte. Elles servent de retraite à de pieuses Russes, qui viennent y passer les dernières années de leur vie. Au milieu de ces constructions, à
quatre cents pas de la fontaine, se dresse un second petit couvent avec un campanile élancé, élevés, en 1892, sur les ruines d’un ancien monastère. La chapelle adjacente est une vieille crypte restaurée, au fond de laquelle est un enfoncement en forme de tunnel, en partie pratiqué dans le roc. Au-dessus se voit le cintre d’une abside, avec l’emplacement de l’autel et les restes des murs d’une petite église, sur les parois desquels se remarquent les traces de peintures. On y monte par un escalier pratiqué dans l’épaisseur du mur, au sud. Derrière ce mur, sous les vieilles arcades ogivales qui portent le couvent actuel, sort, dans les profondeurs du roc, une source appelée du
vità di san Giovanni Battista, Appendice II, du Viaggio-Biblico in Oriente, 3 in-8o, Turin, 1873, t. iii, p. 927-938 ; Raboisson, En Orient, 2 in-f°, Paris, 1887, t. ir, p. 113-122 ; Id., Encore Youtah, dans la Revue illustrée de la Terre Sainte, Paris, 1894, 15 juillet, p. 214-220, et 1er août, p. 225-229 ; A. Bassi, La patria del Precursore, dans la revue La Terra Santa, Florence, vne année quin 1882), n os 5, 6 et 7 ; Dan. Papebrocke, S. J., Acta sanctorum, t. v junii, De sancto Joanne prodromo, cap. ii, § 3, De loco concepti natique Johannis, édit. Palmé, p. 604-606 ; Sepp, Das Leben Jesu Christi, 4 in-4o, Ratisbonne, 1854, t. ir, . p. 47-50 ; Aug. Albouy, Esquisse sur Jérusalem et la Terre
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78. — Fontaine de la Vierge 4 Aïn-Kârem. D’après uno photographie do M. L. Heidet.
nom de sainte Elisabeth. Il n’est pas douteux que ce ne soit l’endroit reconnu par les anciens pèlerins pour la retraite de la mère du précurseur et de son fils. L’ancien couvent et l’église, abandonnés au départ des Francs, tombèrent entre les mains des Turcs. Les Franciscains parvinrent à l’acheter, et commencèrent, en 1860, la restauration du lieu par le rétablissement de la crypte en chapelle.
V. Bibliographie. — Plusieurs études ont été publiées ces dernières années, soit pour prouver qu"Aïn-Kàrem est la patrie du précurseur et la « ville de Juda » de saint Luc, soit pour le contester. Les principales sont celles de Victor Guérin, dans la Description géographique, historique et archéologique de la Palestine, Judée, in-8o, Paris, 1868, t. i, p. 83-106 ; P. Fiorovich, S. J., Sanctuaire de la Visitation, dans la revue Saint François et la Terre Sainte, Vanves ( près Paris), t. r. février, mars et avril 1892, p. 329, 365, 423 et 451 ; Th. Dalfi, Su ! luogo délia Nati Sainte, 2 in- 12, Paris, 1874, 2e part., ch. xiii, Saint Jean dans la montagne, t. ii, p. 377-397. L. Heidet.
- CARÊME##
CARÊME, mot qui vient du latin quadragesima, « quarantaine ; » il désigne les quarante jours de jeûne qui précèdent le temps pascal, et qui furent institués de bonne heure dans l’Église pour honorer les quarante jours de jeune de Moïse lorsqu’il reçut la loi sur le mont Sinai, Êxod., xxiv, 18, du prophète Élie allant au mont Horeb, III Reg., xix, 7-8, et surtout de Notre-Seigneur avant le commencement de sa vie publique. Matth., iv, 2. Cf. Luc, v, 34-35. Voir Jeûne.
- CARIATH##
CARIATH (hébreu : Qirijat ; Septante : ’Iotpfp ; Codex Alexandrinus : itiXi ; ’Iapijj.), la dernière des villes citées par Josué, xviii, 28, comme appartenant à la tribu do Benjamin. Le nom, que quelques-uns expliquent par « lieu de réunion, de rassemblement », de mp, qârâh.. « se réunir, . » mais dont l’origine est incertaine (cf. Gesenius, Thésaurus, p. 1236), est l’état construit de qiryâh, « ville, » mot employé beaucoup moins fréquemment que’Ir’; il est usité principalement dans les passages poétiques de la Bible et entre dans la composition de plusieurs noms propres de lieu, comme Cariatharbé, Cariathbaal, Carialhiarlm, Cariathsépher, etc. On le retrouve exactement sous la même forme en syriaque et en arabe. — Cariath représente- 1- elle une localité distincte, comme l’indique laVulgate, ou n’est-ce point plutôt l’élément d’un mot composé ? Il y a là une sérieuse difficulté, dont le nœud n’est pas facile à trancher. Voici les hypothèses auxquelles elle a donné naissance.
1° Cariath n’étant pas, dans le texte hébreu, distingué par la conjonction et du mot précédent, Gib’af, qui est lui-même à l’état construit, on a supposé que les deux noms unis indiquaient une seule ville, Gib’at-Qiryat. Telle est l’opinion de R., 1. Schwarz, Das heilige Land, Francfort-sur-le-Main, 1852, p. 98, 102. Mais, dans ce cas, le chiffre quatorze n’exprime plus le nombre exact des cités énumérées du ꝟ. 25 au ꝟ. 28. On répond, il est vrai, qu’une pareille divergence se remarque en d’autres endroits : cf. Jos., xv, 33-36 ; xix, 2-6. Cependant il est bon d’observer que les versions les plus anciennes et les plus importantes ont admis la conjonction : ainsi certains manuscrits des Septante portent y.ai avant 710X15 ou’Isepî|i ; cf. R. Holmes et J. Parsons, Vêtus Testamentwn grsecum cum variis leclionibus, Oxford, 1798-1824, t. Il (sans pagination) ; de même, avec la Vulgate, la Peschito donne : et Gebeath et Qouriathim. Il faut rappeler aussi que le vav manque en plus d’un endroit des énumérations, et entre des villes qui sont certainement différentes, comme Adullam et Socho, Jos., xv, 35 ; Accaïn et Gabaa. Jos., xv, 57. Gabaath est identifiée par quelques auteurs avec Djibî’a, au nord de Qariet el-’Enab, ou avec Khirbet el-Djoubéi’âh, au sud-est de la même localité ; d’autres l’assimilent à Gabaa de Benjamin ou de Saùl. Voir Gabaath. — 2° Un sentiment plus commun fait de Cariath la même ville que Cariathiarim ; et l’explication en est assez plausible. Pourquoi lit-on en hébreu Qiryat, à l’état construit, au lieu de Qiryâh, sinon parce que le mot suppose un complément, comme dans Qiryat Ba’al, « la ville de Baal, » Qiryat Sêfér, « la ville du livre ? » On a donc conjecturé qu’il fallait sous-entendre Ye’ârîm et admettre la lecture primitive de Qiryat Ye’ârîm, « la ville des forêts, » Cariathiarim. La disparition de ce mot est d’autant plus facile à comprendre, que le nom qui suit immédiatement dans le texte actuel, ’ârim, « villes, » lui ressemble beaucoup ; il n’y a que la différence de l’iod initial, la plus petite lettre de l’alphabet hébraïque. Un copiste distrait, au lieu de lire nny n>~ï » m-p, Qiryat Ye’ârîm’ârim, aura sauté le second mot. Ajoutons à cela qu’on trouve Ye’ârîm au lieu de’ârim dans trois manuscrits cités par B. Kennicott, Vet. l’estant, heb. cum variis lectionibus, Oxford, 1776, t. 1, p. 469, et que les Septante portent’lapt’n : le Codex Alexandrinus, en donnant tcôXl ; ’lapï|jL, est conforme à la leçon Qiryat Ye’ârîm.Vne difficulté cependant s’élève contre cette hypothèse, c’est que Cariath est attribuée à Benjamin, tandis que Cariathiarim est assignée à la tribu de Juda. Jos., xv, 60 ; xviii, 14. Mais ce n’est pas le seul cas où des villes frontières, — et Cariathiarim en était une, Jos., xv, 9 ; xviii, 14, 15, — restent dans une certaine ligne flottante ou passent d’une tribu à une autre : ainsi Accaron, Jos., xv, 45, énumérée avec les cités de Juda, est comptée, Jos., xix, 43, parmi celles de Dan. (Si la Vulgate met Acron dans le dernier passage, le mot hébreu est le même dans les deux endroits : ’Éqrôn.) De même, Bethsamès est attribuée à Juda, Jos., xxi, 16, tandis que, sous le nom de Hirsémès, Jos., xix, 41, elle est assignée à Dan. Voir Bethsamès 1, t. 1, col. 1732. — 3° Eusèbe et saint Jérôme, Onomastica sacra, Gœttingue, 1870, p. 109, 270, font de Cariath, KapiiO, une ville dépendant de Gaba comme
métropole, (itï’o (irjTpiîro) sv Taga6dt. C’est là une simple supposition. — 4° Enfin Conder et les Anglais qui ont travaillé à l’exploration de la Palestine distinguent les trois localités en question, Gabaath, Cariath et Cariathiarim. Gabaath, pour eux, est Djibi’â, au nord de Qariet el-’Enab ; Cariath est Qariet el-’Enab, appelée plus généralement Qariéh ou Kitriéh ; Cariathiarim est Khirbet’Ermà, au sud-ouest de la précédente. Cf. Conder, Handbook to the Bible, in-8 « , Londres, 1887, p. 412, 417, 418 ; Survey of Western Palestine, Londres, 1883, t. iii, p. 43 ; G. Armstrong, W. VVilson et Conder, Names and places in the Old and New Testament, Londres, 1889, p. 70, 112, 113, et la carte au 1/168, 960, feuille 14. Nous croyons qu’il faut placer Cariathiarim à Qariet el-’Enab plutôt qu’à Khirbet’Ettnâ ; nous en donnons les raisons à l’article consacré à cette ville ; et ainsi Cariath se trouve sans équivalent ou doit se confondre avec l’autre cité. — La solution serait-elle dans la fusion des deux premières hypothèses, et de la manière suivante ? Le premier livre des Rois, vii, 1, en racontant la translation de l’arche sainte de Bethsamès à Cariathiarim, nous dit que celle-ci fut portée « dans la maison d’Abinadab, à Gabaa ». L’hébreu Gib’âh, traduit dans laVulgate par un nom propre, est un nom-commun qui signifie « colline », et c’est ainsi que l’ont entendu les Septante en mettant ici =v t<jj po’jvôj. Il pouvait donc indiquer le sommet de la colline sur laquelle était bâtie Cariathiarim ; mais il pouvait en même temps désigner un quartier spécial ou un faubourg de la ville, portant le nom de Gabaa. Ce qu’il y a de certain, c’est que les habitants de Cariathiarim ne transportèrent pas dans un autre endroit l’objet sacre qu’ils étaient allés chercher. C’est là, « dans la maison d’Abinadab, » que plus tard David vint la prendre pour l’emmener à Jérusalem. I Par., xiii, 5-7 ; Il Reg., vi, 3-4. Gib’af-Qiryaf pourrait donc signifier Gabaa de Cariath et être l’équivalent de Qiryat-ye’ârîm. C’est une conjecture qui n’échappe pas à toute difficulté. Voir Gabaa, Cariathiarim.
A. Leoendre.
- CARIATHAIM##
CARIATHAIM (hébreu : Qiryâtaîm ; duel de qiryâh, « double ville » ), nom de deux villes, l’une appartenant au pays de Moab, l’autre à la tribu de Nephlhali.
1. CARIATHAIM (hébreu : èdvêh Qiryâtaîm, Gen., xiv, 5 ; Qiryafaîm, Num., xxxii, 37 ; Jos., xiii, 19 ; Jer., xlviii, 1, 23 ; Qiryâtâmâh, avec hé local, Ezech., xxv, 9 ; Septante : èv Sa’j^i t7 ttôXei, Gen., xiv, 5 ; KocoiaOân, Num., xxxii, 37 ; Kapia80c ; ’|ji, Jos., xiii, 19 ; Jer., xlviii, 23 ; KapiocOén, Jer., xlviii, 1 ; 7c<5Xea> ; TtapaOaXaaaia ; , Ezech., xxv, 9 ; Vulgate : Save Cariatliaim, Gen., xiv, 5 ; Cariatliaim, partout ailleurs), ville située à l’est de la mer Morte, occupée d’abord par les Émim, habitants primitifs du pays de Moab, Gen., xiv, 5, enlevée par les Israélites au roi amorrhéen Séhon et rebâtie par les enfants de Ruben, Num., xxxii, 37, qui la possédèrent, Jos., xiii, 19, jusqu’au moment où elle retomba au pouvoir des Moabites, dont elle était une des « gloires » au temps de Jérétnie, xlviii, 1, 23, et d’Ézéchiel, xxv, 9. LaVulgate l’appelle Savé Cariatliaim, Gen., xiv, 5 ; mais l’hébreu doit plutôt se traduire : « dans la plaine de Cariathaïm. » Mentionnée entre Astarothcarnaïm et les montagnes de Séir, elle se trouvait sur la route de Chodorlahomor à l’est du Jourdain et tomba sous ses coups. Le texte (ketib) d’Ézéchiel, xxv, 9, Qiryâtâmâh, et les mots grecs KapiaOifi, KaptaSÉn, semblent indiquer une seconde forme du nom, pareille à celle de Dôlân pour Dôfaîn, Gen., xxxvii, 17 ; IV Reg., vi, 13, et Yerûsdlam pour Yerùsâlaîm (Jérusalem). En rendant le même passage par tcôXjw ; t.x ; .x6aXao-<7Îac, « ville maritime, » les Septante ont dû lire n3> mp, qiryat yâmâh, au lieu de ns’n>-p, Qiryàlàye mâh, « vers Qiryâtaîm. »
L’emplacement de cette ville est, croyons-nous, suffisamment déterminé par celui des localités au milieu des
quelles elle est énumérée dans les différents livres de l’Ecriture : Baalméon (hébreu : Ba’al Me’ôn), Num., xxxii, 38, ou Bethmaon (hébreu : BêtMe’ôn), Jer., xlviii, 23, ou encore Béelméon, Ezech., xxv, 9, aujourd’hui Ma’in, à trois lieues sud-sud-ouest d’Hesbàn (l’antique Hésébon) ; Sarathasar (hébreu : Sérét ha’ssahar), Jos., xiii, 19, probablement Sara, non loin de la mer Morte, au sud de l’ouadi Zerqa Ma’in ; Bethgamul (hébreu : Bêt Gâmûl), Jer., xlviii, 23, Djémaîl, à l’est de Dibon. À ces indications générales Eusèbe et saint Jérôme ajoutent un renseignement précieux, Onomastica sacra, Gœttingue, 1870, p. 108, 269 : ils nous représentent comme existant encore de leur temps un village nommé Coraitha, Kxp’Ahx, entièrement composé de chrétiens, situé à dix milles (15 kilomètres) de Médaba, du côté de l’occident, près d’un endroit appelé Bare ou Baris. Médaba est bien connue sous le nom à peine changé de Mâdeba, au sud d’Hesbàn ; Baris ou Bàré (dans certaines éditions, Baare) doit être la même chose que Baaru, lieu signalé par saint Jérôme, Onomastica, p. 102, au mot Béelméon, comme possédant « des eaux thermales » ; c’est probablement aussi la vallée de Baâpaç, que Josèphe, Bell.jud., VII, VI, 3, place au nord de Machéronte (aujourd’hui M’kaour). Ces derniers détails nous conduisent dans l’ouadi Zerqa Ma’in, vers les eaux chaudes de Callirrhoé. Or, un peu plus bas, au sud d’Attarous (l’ancienne Alaroth), on trouve un site qui, par son nom, Qouréiyàt, et sa position, répond bien à Cariathaïm. L’arabe Cj^.r*, Qouréiyàt ou Qereyât, revient à un pluriel nVTp, Qeriyôt, mis pour le duel, ou c’est un
diminutif formé du mot hébreu. Cf. G. Kampffmeyer, Al ta Namen im heulingen Palâslina und Syrien, dans la Zeilschrift des deutschen Palàslina-Vereins, Leipzig, t. xvi, 1893, p. 03. D’un autre côté, on remarque les deux collines que couvrait l’antique cité et qui rappellent par là même la signification du nom biblique. Les ruines sont étendues, mais sans aucun caractère ; entre elles et l’Arnon, il y a très peu de restes de quelque importance. Cf. H. B. Tristram, The Land of Moab, in-8o, Londres, 1874, p. 275. Cette assimilation est admise parR. J. Schwarz, Das heilige Land, Francfort-sur-le-Main, 1852, p. 181 ; R. von Riess, Bibel-Allas, 2e édit., Fribourg-en-Brisgau, 1887, p. 17, et beaucoup d’autres. Seetzen, Reisen durch Syrien, etc., édit. Kruse, Berlin, 1854, t. ii, p. 342, connaissait les ruines de Korriat, mais il y voyait plutôt Cariolh de Jer., xlviii, 24, il ; Am., ii, 2. — On a voulu identifier Cariathaïm avec Et-Teim, situé à une demiheure au sud-ouest de Màdeba. Cf. J. L. Burckhardt, Travels in Syria and ihe Holy Land, Londres, 1822, p. 367. Il y a là aussi des ruines antiques qui occupent le sommet de deux collines voisines, séparées seulement par un petit vallon. Les populations arabisées auraient pris Cariath - thaïm pour un nom composé, dont elles n’auraient retenu que la dernière partie. Nous reconnaissons volontiers que cette opinion n’est pas opposée à l’ensemble des données bibliques ; mais elle est contraire au témoignage d’Eusèbe et de saint Jérôme ; et puis la raison onomastique nous paraît tout à fait insuffisante.
L’antiquité de Cariathaïm nous est attestée par la Genèse, xiv, 5 : Chodorlahomor et ses alliés, suivant, à l’est du Jourdain, la route qui devait les conduire dans la vallée de Siddim, frappèrent ses habitants, comme ils avaient battu les Raphaïm à Astarothcarnaïm, comme ils allaient vaincre, plus bas, les Chorréens dans les montagnes de Séir. Les Émim, qui l’occupèrent primitivement, étaient un « peuple grand et fort et d’une si haute taille, qu’on les regardait comme de la race des Énacim, comme des géants ». Deut., ii, 10, 11. Les Moabites leur succédèrent, Num., xxi, 26 ; mais ils furent dépossédés par Séhon, roi des Amorrhéens, qui était maître de la contrée quand les Israélites firent la conquête du pays transjordanien. Deut., ii, 26-30. Rebâtie et possédée par
les enfants de Ruben, Num., xxxii, 37 ; Jos., xiii, 19, la ville fut, vers les temps de la captivité, reprise par les Moabites, dont elle était une des cités importantes, lorsque les prophètes lançaient contre elles les menaces divines : « Malheur à Nabo, disait Jérémie, xlviii, 1, parce qu’elle a été détruite et confuse ; Cariathaïm a été prise, » et plus loin, xlviii, 21-23 : « Le jugement est venu sur la plaine, sur Hélon…, sur Dibon, sur Nabo, sur Beth-Diblathaïm, sur Cariathaïm. » Enfin Ézéchiel, xxv, 9, nous montrant comment Dieu va « ouvrir le flanc de Moab », pour laisser passer l’ennemi, compte Cariathaïm parmi les villes qui sont « l’ornement de la terre ». Son nom se retrouve sur la stèle de Mésa (ligne 10), qui se vante de l’avoir rebâtie. Cf. Héron de Villefosse, Notice des monuments provenant de la Palestine et conservés au musée du. Louvre, Paris, 1879, p. 1, 3 ; F. Vigouroux, La Bible et les découvertes modernes, 5e édit., Paris, 1889, t. iv, p. 61. — Quelques auteurs identifient Cariathaïm de Moab avec Qiryat - Husôt, mentionnée par le texte hébreu dans l’histoire de Balaam. Num., xxii, 39. Voir
Cariath Husoth.2. CARIATHAÏM (hébreu : Qiryâtaim ; Septante : f, K2pia9ïï[j.), ville de la tribu de Nephtliali, donnée aux Lévites, fils de Gerson. I Par., vi, 76. Elle n’est pas mentionnée dans la liste des possessions appartenant à la tribu, Jos., xix, 32-39. Dans l’énumération parallèle des cités lévitiques, Jos., xxi, 32, elle est appelée Carthan (hébreu : Qartàn, forme du duel comme Qiryâtaim). Elle est complètement inconnue. Voir Carthan.
- CARIATHARBE##
CARIATHARBE (hébreu : Qiryaf’Arba’, « ville d’Arba ; » Septante : 7t6).i ; ’ApSox, ttoàiç’Apyoë), nom primitif de la ville qui fut plus tard appelée Hébron. Tous les passages de l’Ecriture où est nommée Cariatharbé, à l’exception de II Esdr., xi, 25, l’identifient expressément avec Hébron, Gen., xxiii, 2 ; xxxv, 27 (dans ces deux endroits, la Vulgate ne l’appelle pas Cariatharbé, mais civilas Arbee, « la ville d’Arbé » ) ; Jos., xiv, 15 ; xv, 13, 54 ; xx, 7 ; xxi, 11 ; Jud., i, 10. Le nom d’Hébron ne supplanta pas complètement sa première appellation, puisque, après la captivité, Néhémie, II Esdr., xi, 25 (hébreu : Qiryat hà-’arba’), l’appelle simplement Cariatharbé. J. Maundeville, vers 1322, entendit encore appeler cette ville Karicarba par les Sarrasins, et Arbotha parles Juifs. Early Travels, Londres, p. 161. Voir Hébron et Arbé 1 et 2.
- CARIATHBAAL##
CARIATHBAAL (hébreu : Qiryat Ba’al, « ville de Baal, » probablement ainsi appelée parce que le dieu Baal y recevait un culte spécial ; Septante : KapiiB BioO.), nom ancien de la ville nommée ordinairement Carialhiarim. Dans les deux passages où elle est mentionnée. Jos., xv, 60 ; xviii, 14, il est dit expressément que c’est la même ville que Cariathiarim. Elle est aussi appelée, par abréviation, Baala, Jos., xv, 9, 10 ; I Par., xiii, 6 (hébreu), et Baalé de Juda, H Reg., vi, 2 (hébreu. Dans ce dernier passage, les Septante et la Vulgate ont traduit par « chefs ou hommes de Juda », au lieu de conserver le nom de ! a ville). Voir Cariathiarim et Baala 1.
- CARIATH HUSOTH##
CARIATH HUSOTH (hébreu : Qiryat husôt), ville moabite, Num., xxii, 39, dont le nom a été traduit par les Septante : rSi.u : iizi’j’i.tmv, et par la Vulgate par : urbs qux in extremis regni ejus (Balac) fmibus erat. Le mot è-a’jXei ; est celui par lequel les traducteurs grecs rendent ordinairement rv.-ï-, l}îisèrôt, <i village ; » ils ont donc lu cette expression au lieu de m™, husôt. Saint Jérôme a pris ce dernier terme dans le sens de « frontière, extrémité ». On explique ordinairement Qiryat husôt comme signifiant « ville des rues » (c’est-à-dire sans doute « ayant de belles rues ou des rues nombreuses » ), parce que hûs a, entre autres significations, celle de « rue ». Le Targuin
du PseudoJonathan explique Qiryai huçôt par « les rues de la grande ville, la ville de Séhon, qui est Birosa ». Il semble l’identifier avec Cariathaïm de Moab. Le Pentateuque samaritain, au lieu de husôt, porte mi>n, hizôt, « visions », et la version samaritaine >n, razê, « secrets, mystères », par allusion peut-être aux visions ou prophéties de Balaam. Celte diversité de leçons peut rendre douteux le Ifusôt des Massorètes ; en tout cas, elle montre que de tout temps ce passage a fait difficulté.
Nous savons, par le récit des Nombres, xxii, 39, que Cariath Husoth était le nom d’une ville où Balac accomgna Balaam aussitôt après son arrivée dans le pays de Moab. Aucun détail ne nous renseigne sur sa situation, et comme elle n’est mentionnée nulle autre part dans l’Ecriture, on en est exclusivement réduit aux conjectures. Jusqu’ici on n’a découvert dans la Moabitide aucun nom de lieu qui rappelle celui-là. Tout ce qu’on peut induire du livre des Nombres, c’est, en comparant les JrjL 36 et 41 du eh. xxii, que Cariath Husoth se trouvait entre l’Arnon et Bamothbaal ( Vulgate : Excelsa Baal). On a supposé que c’était la même ville que Carioth de Moab (Knobel, Nanieri, Leipzig, 1861, p. 136-137 ; Kneucker, dans Schenkel, Bibèl-Lexicon, t. iv, 1871, p. 536-537) ou que Cariathaïm 1 (Porter, Handbook for travellers in Syria and Palestine, part, ii, Londres, 1868, p. 284). Il est impossible de décider la question. Voir Cariathaïm 1 et Carioth 2. F. Vigouroux.
- CARIATHIARIM##
CARIATHIARIM (hébreu : Qiryat Ye’drîm, « ville des forêts, » Jos., ix, 17 ; xv, 9, 60 ; xviii, 14, 15 ; Jud., xviii, 12 ; 1 Reg., vi, 21 ; vii, 1, 2 ; I Par., ii, 50, 52, 53 ; xiii, 5, 6 ; II Par., i, 4 ; Il Esdr., vii, 29 ; une fois avec l’article Qiryat hay-Ye’ârim, Jer., xxvi, 20 ; et une fois abrégé en Qiryai’Arhn, I Esdr., ii, 25 ; probablement aussi indiqué, Ps. cxxxi [hébreu, cxxxii], 6, sous l’expression Sedê-Yà’ar ; Septante : itoXei ; ’lapîv, Jos., ix, 17 ; izokii’laoïV, Jos., xv, 9, 60 ; I Par., xiii, 5 ; Kapiafhapiv, Jos., xviii, 14 ; KaptaOïapiu, Jud., xviii, 12 ; I Reg., vi, 21 ; "vu, 1, 2 ; 1 Par., ii, 50, 52 ; Il Par., i, 4 ; Jer., xxvi, 20 ; KapiaOapiVi I Esdr., Il, 25 ; Il Esdr., vii, 29 ; nôXeiç’laïp, I Par., ii, 53 ;-kôIiç Aîcn’6, I Par., XIII, 6), ville située sur la frontière des tribus de Benjamin et de Juda, au sudouest de la première, au nord de la seconde. Jos., xv, 9 ; xviii, 14, 15. Elle est aussi appelée Baala, Jos., xv, 9, 10 ; Cariathbaal, Jos., xv, 60 ; xviii, 14, et probablement, par abréviation, Cariath. Jos., xviii, 28. Voir Baala 1, t. i, col. 1322 ; Cariathbaal et Cariath. C’était’primitivement une des quatre cités chananéennes qui appartenaient aux Gabaonites, Jos., ix, 17 ; elle tomba plus tard dans le lot de Juda. Jos., xv, 60.
I. Identification. — i"> Opinion. — La plupart des commentateurs et des voyageurs, à la suite de Robinson, Biblkal Researches in Palestine, Londres, 1856, t. ii, p. 11, 12, identilient Cariathiarim avec Qariet el-’Enab, village situé sur la route carrossable de Jérusalem à Jaffa, à treize kilomètres environ de la ville sainte, et plus généralement appelé aujourd’hui Abou-Gosch, du nom d’un chef de pillards, autrefois très redouté des caravanes. La colline sur les lianes de laquelle sont comme étagées les maisons de cette localité est à 726 mètres au-dessus du niveau de la mer et domine une vallée fertile, .ouverte de figuiers et d’oliviers. Un beau palmier précède la mosquée, et non loin coule une fontaine dont l’eau est aussi bonne qu’abondante. À l’entrée du bourg et isolée dans les vergers plantés de beaux arbres, s’élève une ancienne église chrétienne, dite de SaintJérémie, transformée en étable par les musulmans (fig. 79). C’est certainement une des plus intéressantes de la Palestine ; elle a été cédée à la France, en 1873, par le gouvernement turc. (On peut voir un plan général du village et de la propriété française dans C. Mauss, L’église de ISaint-Jérémie à Abou-Gosch, Paris, 1892, rr fasc, p. 16.) Ce monument forme un rectangle long de vingtsept
mètres sur dix-huit de large. Il se compose de trois nefs, terminées à l’orient par trois absides qui ne sont pas apparentes au dehors, dissimulées qu’elles sont dans l’épaisseur du mur qui délimite le chevet ; les arcades qui les séparent sont soutenues par des piliers massifs et sans ornement. Les murs portent encore de nombreuses traces de peintures à fresque aujourd’hui bien dégradées. Une crypte, ou église inférieure, reproduit toutes les dispositions de l’église supérieure ; au centre, on remarque une ouverture rectangulaire par laquelle on descend jusqu’à une source dont la nappe, facile à explorer, s’étend dans la direction du nord-ouest. La grande simplicité de l’édifice, la sobriété de l’ornementation et le caractère de la décoration intérieure, ont fait émettre la conjecture que cette église appartenait au premier âge de l’art byzantin ; on a supposé aussi qu’elle avait succédé à une tour de défense. Cf. M. de Vogué, Les églises de Terre Sainte, in-4°, Paris, 1860, p. 340-343 ; C. Mauss, L’église de SaintJérémie, p. 15-28 ; V. Guérin, Judée, t. i, p. 62-65. Les raisons de cette identification sont les suivantes : Cariathiarim était une des quatre villes des Gabaonites, Jos., ix, 17’; elle ne devait donc pas être très éloignée de la métropole, Gabaon (aujourd’hui El-Djib, au nord-ouest de Jérusalem). Or Qariet el-’Enab en est à huit ou neuf kilomètres, dans la direction du sud - ouest, à la même distance à peu près que Gaphira (Kefiréh), dont trois kilomètres seulement la séparent, et que Béroth (El-Bîréh), au nord-est. Voir la carte de la tribu de Benjamin, t. i, col. 1588. C’est avec ces deux dernières cités qu’elle est toujours mentionnée dans les livres d’Esdras. I Esdr., ii, 25 ; II Esdr., vii, 29. — 2° D’après la délimitation des tribus de Juda et de Benjamin, si nettement fixée par Josué, xv, 9-10 ; xviii, 14-15, elle se trouvait à l’angle ou au point d’intersection de deux lignes frontières : l’une, allant de l’est à l’ouest, de Jérusalem à Nephtoa (Lifta), pour venir, après Cariathiarim, du côté de Gheslon (Kesla) et de Bethsamès (’Aïn Schems), terminant Juda au nord, Benjamin au sud ; l’autre descendant du nord au sud, des environs de Béthoron inférieure (Beit-’Our et-Tahta) pour aboutir à Cariathiarim et former ainsi la limite occidentale de Benjamin. Tel est bien l’emplacement de Qariet el-’Enab. — 3° L’Écriture nous dit que six cents hommes de la tribu de Dan, marchant à la conquête de Laïs, au nord de la Terre Promise, « partirent de Saraa (Sarâ’a) et d’Esthaol (Eschou’a), puis montèrent et vinrent camper à Cariathiarim de Juda. Depuis ce temps, ce lieu reçut le nom de camp de Dan (Mafyânêh-Dàn), et il est derrière (c’est-à-dire à l’ouest de) Cariathiarim. De là ils passèrent dans la montagne d’Éphraïm. » Jud., xviii, 11-13. Qariet el-’Enab répond bien à cet itinéraire : le village se trouve sur la roule que devaient prendre les Danites pour aller de Saraa et Esthaol au pays d’Éphraïm ; son altitude dépasse de plus de trois cents mètres celle des villes de départ, et la vallée qu’il domine à l’ouest pouvait otlrir un campement facile à la petite armée pour sa première étape. — 4° La translation de l’arche d’alliance de Bethsamès à Cariathiarim, racontée I Beg., vi, 21 ; vii, 1, nous fournit encore une preuve. Frappés par Dieu pour un regard indiscret jeté sur l’objet sacré, les Bethsamites « envoyèrent des messagère aux habitants de Cariathiarim, disant : Les Philistins ont ramené l’arche du Seigneur, desvendez et ramenez-la chez vous. Les hommes de Cariathiarim vinrent donc et ramenèrent l’arche du Seigneur et la portèrent dans la maison d’Abinadab, à Gabaa ». L’expression o descendez » marque parfaitement la différence de niveau entre Qariet el-’Enab (726 mètres) et’Ain Schems (280 mètres) ; ensuite Qariet el-’Enab est bien sur la route de Silo (Seiloun), où l’arche devait être reportée. Le mot hébreu gib’âh, traduit dans la Vulgate par Gabaa, I Reg., vii, 1, est plutôt le nom commun « colline », indiquant la partie haute de la ville, où se trouvait la maison d’Abinadab. C’est ainsi que l’ont corn
pris les Septante en mettant âv ™ flouvù ; à moins que l’on ne fasse de Gabaa un quartier spécial, comprenant le point culminant de la ville, comme nous l’avons expliqué à propos de Caruth. Il est certain, en effet, que les habitants de Cariathiarim ne transportèrent pas dans un autre endroit l’objet vénéré qui leur était confié et qu’ils conservèrent pendant de longues années. Cf. I Reg., vii, 2 ; I Par., xiii, 5, 6. — 5° À la vérité, le nom ancien Qiryat Ye’ârim, a ville des forêts, » et le nom actuel Qariet el-’Enab, « ville des raisins, » n’ont de commun que le premier élément, qui a le même sens en hébreu et en arabe. Mais ne remarque-t-on pas chez presque tous les peuples une tendance naturelle à altérer certains noms de lieux pour
Khirbet’Ermâ, lieu ruiné, situé à six kilomètres à l’est à." Ain Schems, sur le chemin de fer actuel de Jaffa à Jérusalem. C’est une colline qui domine Youadi Isma’în et sur laquelle on remarque des débris de murs appartenant, les uns à l’époque arabe, les autres à une période plus ancienne. Sur le côté oriental est un pressoir creusé clans le roc ; sur le liane méridional est une grande citerne couverte par une énorme pierre creuse, qui forme la bouche du puits, et dont la dimension aussi bien que les apparences offrent les caractères d’une haute antiquité. On rencontre également sur le sol des fragments de vieille poterie. Le trait le plus singulier de ce site, c’est la plate-forme du rocher, dont l’aire s’étend du nord
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79. — CariatMariui, D’après une photographie.
leur donner une signification adaptée à des circonstances locales ? « Les forêts, du reste, dit M. V. Guérin, Judée, , t. i, p. 67, n’ont point entièrement disparu de cette localité, et plusieurs des montagnes voisines sont encore couvertes d’oliviers et de hautes broussailles, ce qui justifie la dénomination de Qiryat Ye’ârim, telle que l’interprète saint Jérôme. » — 6° Enfin Eusèbe et saint Jérôme, Onomastica sacra, Gœttingue, 1870, p. 109, 271, placent Cariathiarim « entre JEtia (Jérusalem) et Diospolis (Lydda), située sur la route, à neuf milles d’^Elia ». Ailleurs, au mot Baal, p. 103, 234, la distance indiquée est de dix milles. C’est donc entre ces deux chiffres qu’il faut chercher la mesure : le premier cependant est le plus exact, car en réalité, pour aller de Jérusalem à Qariet el-’Enab, il faut deux heures cinquante minutes au plus, au pas ordinaire d’un homme qui marche à pied. En tout cas, ce dernier village est bien sur la route de Jérusalem à Lydda, et neuf milles romains donnent justement 13 kilomètres 330 mètres.
2e Opinion. — Malgré ces raisons, les explorateurs anglais de la Palestine ont, avec Couder, cherché ailleurs le site de Cariathiarim et ont cru le retrouver dans
au sud sur une longueur de quinze mètres, et de l’est à l’ouest sur une largeur de neuf mètres ; la surface semble avoir été nivelée de main d’homme et domine de trois mètres le terrain environnant.
Voici les raisons mises en avant pour défendre cette hypothèse : 1° Le nom conserve les trois principales lettres de Ye’ârim ou plutôt de la forme abrégée’Arîm,
avec la gutturale’aïn : nny, ’Arîm, Lc-£, ’Ermâ. Cette
ressemblance, répondrons-nous, n’est que superficielle, et fut-elle fondée, elle ne suffirait pas à contrebalancer les arguments qu’opposent à cette conjecture les données script uraires. — 2° Le site en question se trouve juste à l’est de la grande plaine formée par la jonction des deux ouadis Isma’în etEl-Moutlouq, plaine qui s’étend d"Aïn Schems au sud-ouest, à Eschou’a au nord-est et à Sara’à au nord-ouest, et représente l’ancien « camp de Dan ». Le Mahânêh-Dân, en effet, que l’auteur sacré, Jud., xviil, 12, nous montre à l’ouest de Cariathiarim, était, d’après un autre passage, Jud., xiii, 25, situé entre Saraa et Esthaol. Khirbet’Ermâ est donc dans la position voulue. La raison est spécieuse ; mais il nous semble impossible de l’ap
puyer sur le texte biblique. Les six cents hommes de Dan quittent Saraa et Eslhaol, puis « montent » pour venir camper à Cariathiarim et se rendre de là dans la montagne d’Éphraïm. Jud., xviii, 11 -12. Il est clair d’abord qu’ils ne peuvent « monter » en s’établissant dans une plaine située au-dessous des villes mêmes qu’ils viennent de laisser. Ensuite pourquoi chercher un campement si près du point de départ ? Enfin pourquoi ce singulier détour vers Khirbet’Errnà pour gagner la route d’Éphraïm, tandis que le chemin direct vers Qariet el-’Enab est tout naturel ? Nous sommes donc disposé à distinguer deux « camps de Dan ». — 3° D’après Jos., xv, 10, Cariathiarim devait être au sud de Cheslon (aujourd’hui Kesla) ; c’est le cas pour Khirbet’Ermâ, mais non pour Qariet el -’Enab. Nous ne pouvons discuter ici la question des limites de Juda et de Benjamin ; nous ferons seulement remarquer que l’expression « au septentrion » montre la frontière se dirigeant au nord de Cheslon et non pas au nord de Cariathiarim : le tracé lui-même place Cheslon entre Cariathiarim et Bethsamès, ce qui se justifie dans notre hypothèse et non pas dans celle des Anglais. — 4° Khirbet Ermâ est bien plus près de Bethsamès, et l’on comprend que les habitants de cette dernière ville aient demandé qu’on transportât l’arche d’alliance dans une localité voisine, au lieu de courir aussi loin que Qariet el-’Enab. Josèphc du reste nous dit, Ant.jud., ^1, 1, 4, que Cariathiarim était proche de Bethsamès. Nous avons déjà trouvé dans la position de l’antique cité sur le chemin de Silo la raison du choix qu’on en fit pour recevoir le dépôt sacré. On ajoute un autre motif : c’est que les habitants, comme anciens Gabaonites, étaient dans une condition presque servile, Jos., ix, 17-27, et qu’on pouvait ainsi leur imposer une charge qu’ils ne refuseraient pas, les exposer même à toute la rigueur des châtiments qui avaient marqué les différentes stations de l’arche sainte. Cf. F. de llummelauer, Commentarius in lib. Sanmelis, in-8o, Paris, 1886, p. 84. Pour le témoignage de Josèphe, fautil y attacher une grande importance, quand nous voyons le même historien placer Cariathiarim auprès de Gabaon, Ant. jud., V, i, 16 ? Prenons un juste milieu entre ces deux assertions, et nous arriverons à Qariet el-’Enab. — 5° Les arguments tirés de la topographie conviennent aussi bien à l’une qu’à l’autre des localités. Cf. Survey of Western Palestine, Londres, 1883, t. iii, p. 43-50 ; Palestine Exploration Fund, Quarterly Stalemeat, 1879, p. 97-99 ; 1881, p. 261-2(56. — Aux difficultés par lesquelles nous venons de combattre la seconde hypothèse, nous ajouterons les suivantes : D’abord Khirbet’Ermâ est certainement trop loin pour avoir été une cité gabaonite. Ensuite cette localité n’est pas sur la route de Jérusalem à Lydda. Enfin elle est à bien plus de neuf milles de la ville sainte.
On a cherché aussi à identifier Cariathiarim avec’Ain Karim iCarem), à l’ouest de Jérusalem, ou avec Sôba, au sud-est de Qariet el-’Enab. Cf. Palestine Exploration Fund, Quarterly Stalement, 1878, p. 196-199 ; 1882, p. 61. Aucune raison ne nous semble de nature à changer notre opinion.
II. Histoire. — Les noms primitifs que portait Cariathiarim, c’est-à-dire Baala et Cariathbaal, « habitation, ville de Baal, » prouvent que, du lemps des Chananéens, elle était vouée au culte de cette divinité. Ce furent peut-être les Israélites qui changèrent cette dénomination païenne en celle de Qiryaf Ye’ârim, « ville des forêts. » Faisant partie de la confédération gabaonite, cette ville subit le sort des cités qui avaient surpris la bonne foi de Josué : les habitants furent épargnés, mais ils furent en même temps condamnés à être pour toujours « au service de tout le peuple et de l’autel du Seigneur, coupant du bois et portant de l’eau au lieu que le Seigneur aurait choisi ». Jos., ix, 27. C’est ainsi qu’ils furent en quelque sorte les esclaves du tabernacle à Silo, à Nobé, à Gabaon, chez eux-mêmes, quand l’arche sainte y fut transportée,
et c’est peut-être pour cela, nous venons de le dire, qu’ils furent requis par les Bethsamites. Les Hébreux, après la conquête, s’établirent à Cariathiarim, se mêlant à l’ancienne population : on trouve son nom dans les généalogies de Juda, où sa fondation est attribuée à Sobal, descendant de Caleb, I Par., ii, 50, et des familles qui s’y fixèrent sortirent « les Jethréens, les Aphuthéens, les Sémathéens, les Maséréens, desquels sont aussi venus les Saraïtes (habitants de Saraa) et les Esthaolites (ceux d’Esthaol) ». I Par., ii, 53. L’arche d’alliance y fut emmenée dans les circonstances que nous avons rappelées (voir aussi Bethsamès 1, Histoire, t. î, col. 1735) et placée sur la colline de Gabaa, dans la maison d’Abinadab, qui était probablement lévite, et dont le fils, Éléazar, fut constitué gardien du dépôt sacré. I Reg., vi, 21 ; vii, 1-2. C’est à ce séjour que, suivant beaucoup de commentateurs, il est fait allusion dans ces paroles du Ps. cxxxi (hébreu : cxxxii), 6 :
Voici que nous avons appris qu’elle était à Éphrata, Nous l’avons trouvée dans les champs de Yà’ar.
La Vulgate a traduit, les derniers mots par « les champs de la forêt » ; mais on s’accorde généralement à voir dans Sedê- Yà’ar le correspondant de Qinjat Ye’ârim. L’arche sainte resta à Cariathiarim jusqu’au moment où David, voulant l’amener à Jérusalem, la laissa pendant trois mois dans la maison d’Obédédom. II Reg., vi, 2-3 ; I Par., xiii, 5.-7 ; II Par., i, 4. (Les textes des Paralipomènes nomment formellement Cariathiarim ; le passage parallèle du second livre des Rois, vi, 2, l’appelle Ba’âlè Yehûdâh, expression que nous avons expliquée à propos de Baala 1, t. i, col. 1322 ; la traduction des Septante, I Par., xiii, 6, eîç itôXiv Aaufê, est une faute.) Jérémie, xxvi, 20-23, nous révèle le nom d’un prophète, Urie, fils de Séméï de Cariathiarim, qui annonça, comme lui, les malheurs de Juda. Le roi Joaldm, en ayant été informé, chercha à le faire mourir. Pour échapper à la colère royale, Urie s’enfuit en Egypte ; mais le monarque envoya des gens qui le ramenèrent à Jérusalem. Mis à mort, son corps fut enseveli sans honneur dans les tombeaux du commun du peuple. Dans le dénombrement des Juifs qui revinrent de captivité, on compte sept cent quarante - trois enfants de Cariathiarim, Céphira et Béroth. I Esdr., ii, 25 ; II Esdr., vii, 29.
- CARIATHSENNA##
CARIATHSENNA (hébreu : Qirijaf - Sannâh ; Septante : t16), iç ypafK.u. « TMv), ville de Juda. Elle n’est ainsi nommée qu’une fois, Jos., xv, 49, où le texte sacré nous apprend que c’est la même ville que Dabir. C’est probablement un ancien nom, comme celui de Cariathsépber, qui lui est quelquefois donné. Voir Dabir. Le mot Cariath signifie « ville » ; quant au mot senna ou sannâh, la signification est incertaine. Les Septante l’expliquent par « ville des livres », comme ils l’ont fait pour Cariathsépher ; quelques commentateurs par « ville de la loi » ; d’autres par « ville de la crête », c’est-à-dire placée sur le sommet d’une montagne ; d’autres par « ville de Sannâli », personnage inconnu ; ou par « ville des palmes ». Cette dernière explication est peu probable, car Cariathsenna était située dans les montagnes, Jos., xi, 21, qui ne sont pas propices au palmier. F. Vigouroux.
- CARIATH-SÉPHER##
CARIATH-SÉPHER (hébreu : Qiryaf-Sêfér, « ville du livre ; » Septante : TrdXtç ypau.u.iïtoy, Jos., xv, 15, 16 ; Jud., i, 12 ; Kapiaôo-ôcpsp, 7to).iç ypa.imiTMV, Jud., i, 11), nom primitif de la ville de Dabir, Jos., xv, 15 ; Jud., i, 11, appelée aussi Cariathsenna, Jos., xv, 49. Ce nom ne parait que dans deux passages parallèles de la Bible, Jos., xv, 15, 16- Jud., i, 11, 12, où il est question de la prise de la ville par Othoniel, qui reçut en récompense la main d’Àxa, fille de Caleb. Dabir était dans la « montagne » de Juda, Jos., xv, 49, et fut assignée aux enfants d’Aaron. Jos., xxi, 15. Les trois dénominations qu’elle
porte sont, comme sa position elle-même, l’objet de controverses. Pour nous en tenir à CariathSépher, la version grecque n’a mis qu’une fois, Jud., i, 11, le nom propre, ajoutant l’explication littérale, iroXiç ypan^âTciv, « la ville des lettres, » qu’on trouve seule dans les autres endroits. Jos., xv, 15, 16 ; Jud., i, 12. La Vulgate a ajouté la même interprétation : « Cariath-Sepher, id est, civitas litterarum. » Jos., xv, 15 ; Jud., i, 11. La paraphrase chaldaïque traduit par Qiryat’arkê, « la ville des archives, » comme si cette place eût été le dépôt des monuments littéraires de la nation chananéenne, et qu’elle eut conservé les archives de la contrée. Cf. J. Levy, Chaldàisches Wôrterbuch, Leipzig, 1881, p. 64. Le Talmud de Babylone, Abodah Zarah, prenant le mot Debir dans le sens de « parole » ou « science », ramène à la même idée les deux noms de la ville. On y lit : « Les Perses appellent un livre debir, ce qui est une allusion au verset « le nom « de Debir était autrefois Kiryath Sépher. » Cf. A. Neubauer, La géographie du Talmud, Paris, 1868, p. 127. Cette explication est sans fondement ; mais les traditions juives, attestées par les Septante, ne sont probablement pas dénuées de valeur historique. La terre de Chanaan était située entre la Chaldée et l’Egypte, qui avaient ensemble de fréquents rapports. Dans ces deux pays, les lettres étaient très cultivées. Les découvertes de Tell el-Amarna, en Egypte, qui nous donnent les tablettes de correspondance des pharaons et renferment plusieurs lettres de leurs agents en Palestine, montrent que l’écriture était bien connue des habitants de ce dernier pays. Cf. Palestine Exploration Fund, Quarterly Stateinent, 1888, p. 281. Y avait-il aussi dans les villes et à Cariath -Sépher en particulier, des collections d’archives, comme dans certaines villes d’Egypte et dans la plupart des villes de Chaldée ? C’est ce que des fouilles, qui n’ont pas encore été faites, pourront seules nous apprendre. — Certains auteurs pensent que Cariath -Sépher et Cariath-Senna renferment le nom d’un héros éponyme, Sépher ou Senna, d’où viendrait l’appellation de la ville, comme on retrouve dans Cariath-Arbé le nom du fondateur d’Héî >ron. Cf. F. de Hummelauer, Commentarius in libros Judiciwi et Rulh, inr8°, Paris, 1888, p. 44. Cette étymoiogie, possible pour Cariath -Senna, n’est pas probable pour le nom de Cariath -Sépher. Pour l’emplacement et
la description, voir Dabir.1. CARIE (Kapt’a), région de l’Asie Mineure. La Carie est indiquée parmi les endroits où furent envoyées parles Romains des lettres annonçant qu’ils prenaient le grand prêtre Simon et le peuple juif sous leur protection. I Mach., xv, 23. Elle était située à l’angle sud-ouest de l’Asie Mineure. La côte de Carie est coupée par des golfes profonds de la mer Egée, les golfes lassique, Céramique et Dorique. Elle forme plusieurs presqu’des rocheuses, dans lesquelles se trouvent des anses très nombreuses, mais inhospitalières. Les lies adjacentes sont le prolongement des chaînes de montagnes qui parcourent le pays. De toute antiquité, les Cariens apparaissent comme un peuple puissant sur la mer. Ils occupaient la plaine du Méandre, et les monts Messogis formaient leur limite du côté du nord. Au nord-est, la Carie confinait à la Phrygie ; à l’est, sa limite était les monts Salbace, limite orientale du bassin du Calbis et la rivière du Glaucus. Voir la carte, fig. 80.
Les Cariens sont appelés par les Grecs (Japêapôiiovot. Homère, Iliad., ii, 867 ; Strabon, viii, 6, 6 ; xiv, 2, 27. Leur origine est un problème. Tandis que quelques auteurs les rangent parmi les Sémites, D. Wachsmuth, Die Stadt Athen, in-8o, Leip/.ig, 1874, p. 446, d’autres plus nombreux contestent cette opinion, E. Renan, Histoire générale des langues sémitiques ! in-8o, Paris, 1863, t. i, p. 49 ; Schœmann, Antiquités grecques, trad. franc., Paris, 1884, t. i, p. 2 et 102 ; Curtius, Histoire grecque, trad. franc., Paris, 1880, t. i, p. 57. Voir aussi Lassen, dans la
Zeitschrift der morgenlândische Gesellschaft, t. x, 1856, p. 368 ; Neuen Jahrbûcher fur Philologie, 1861, p. 444. Ramsay, Journal of Hellenic studies, 1888, p. 360, pense qu’il y a eu deux couches successives de population, la première sémitique, la seconde grecque. En tout cas, c’était certainement un peuple très mélangé.
Les migrations des Grecs, et en particulier des Ioniens, qui s’établirent sur la côte, repoussèrent les Cariens à l’intérieur du pays, Strabon, vii, 7, 2 ; viii, 7, 1 ; et les villes de Milet et de Myonte, ainsi que leurs environs, sont dans le prolongement de l’Ionie sur la côte carienne. Les parties avancées dans la mer formèrent la Doride, ainsi nommée à cause des colonies doriennes qui y furent établies. Alabanda, Mylasa, Halicarnasse, Tralles, Bargylia,
L.TtailieMid*
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80. — Carte de la Carie,
Physcos et Cnide sont les principales. Sur la côte entourant ces villes dominaient les insulaires de Cos et de Rhodes. Les Cariens réfugiés dans les montagnes formèrent une confédération dont le centre fut le temple de Zeus Chrysaor. Strabon, xiv, 2, 25.
La Carie lit partie du royaume lydien de Crésus, Hérodote, i, 28, puis elle passa sous la domination des Perses, Hérodote, I, 174, et prit part à la révolte ionienne de 499 avant J.-C. Hérodote, v, 119-121. Les Perses, après leur victoire, établirent une dynastie de princes cariens qui gouvernèrent sous leur suzeraineté et qui fixèrent leur résidence à Halicarnasse. Après la fin des guerres médiques, les villes grecques de la côte de Carie, ainsi que les îles adjacentes, entrèrent dans la confédération délienne. Il y eut une circonscription appelée le « Tribut carien », Kapixo ; çôpo ; . Corpus Inscript, atticarum, t. i, 240. Thucydide, II, 9. La Carie retomba sous le joug des Perses à la suite du traité d’Antalcidas, en 387. Xénophon, Hellenic, v, 1, 31. Alexandre, dans son expédition, entra en Carie, et pour récompenser la reine Ada, qui lui avait rendu la place forte d’Alinda, la rétablit sur le trône. Arrien, Anabase, i, 23 ; Diodore de Sicile, xvii, 24. La Carie devint ensuite une province des Séleucides. C’était sa situation au moment où fut écrite la lettre des Romains. I Mach., xv, 23. Après la défaite d’Antiochus, en 190, les Romains partagèrent la Carie entre Eumène, roi de Pergame, et les Rhodiens. Polybe, xxii, 27 ; Tite Live, xxxvo, 56 ; Appien, Syriaca, 44. Enfin, en 129 avant J.-C., la Carie fut annexée à la province romaine d’Asie. Cicéron, Pro Flacco, xxvii, 65. Voir Asie.
Les Cariens sont représentés par les Grecs comme un peuple belliqueux. D’après Hérodote, i, 171, ces derniers leur empruntèrent une partie de leur équipement militaire, notamment les casques à aigrettes et les signes sur les boucliers. Les rois égyptiens, et en particulier Psammétique Ier, les employèrent comme mercenaires. Hérodote, ii, 163 ; iii, 11. Ils les établirent à Memphis, où ils devinrent la souche de ces interprètes que les écrivains grecs appellent Καρομεμφῖται. Polyen, Stratag., vii, 3. On a trouvé un certain nombre d’inscriptions cariennes en Egypte, à Memphis, à Ipsamboul, à Abydos, etc. Voir D. Mallet, Les premiers établissements des Grecs en Egypte, dans les Mémoires publiés par les membres de la mission archéologique française du Caire, t. xii 1, année 1893, p. 41, 42, 72, 89, 91, 323, 433, 443, etc. De même la garde des rois de Lydie comprenait des Cariens. Plutarque, Quest. Rom., xlv. Certains auteurs ont émis l’opinion bien peu vraisemblable que les Câri qui figurent dans la garde d’Achab et d’Athalie étaient des Cariens. IV Reg., xi, 4. Mallet, loc. cit., p. 42, note 2. Voir Céréthiens.
La partie la plus fertile de la Carie est la vallée du
Méandre et de ses affluents, le Marsyas et l’Harpasus.
Abstraction faite de cette plaine et de quelques parties
de côte, le pays tout entier est formé de montagnes et de
collines entrecoupées de vallées peu larges. Nombreuses
y sont les forêts de chênes et de pins et les pâturages où
se nourrissaient les troupeaux de moutons qui fournissaient
la laine de Milet. Les vallées produisaient des céréales ;
on y cultivait aussi des figuiers et des oliviers, et
sur certains coteaux la vigne, qui produisait d’excellent
vin, notamment aux environs de Cnide. En dehors des
villes grecques de la côte et des îles, les principales cités
étaient Mylasa, Tralles, Nysa, Caunes, Alabanda, Alinda,
Antioche sur le Méandre, Aphrodisiade et Stratonicée. —
Sur la Carie, voir les ouvrages indiqués à l’article Asie
(province romaine), et A. Kiepert, Manuel de géographie ancienne, trad. franc., Paris, in-8°, 1887, p. 70 ;
Ch. Texier, Asie Mineure, dans l’Univers pittoresque,
Paris, 1863, t. ii, 1. ix, p. 625 ; Bulletin de correspondance hellénique, t. i, 1877, p. 361-365 ; t. iv, 1880,
p. 315 ; t. ix, 1885, p. 468.E. Beurlier.
2. CARIE DES CÉRÉALES. Hébreu : šiddàfôn, Deut., xxviii, 22 ; III Reg., viii, 37 ; II Par., vi, 28 ; Amos, iv, 9 ; Agg., ii, 17 ; Septante : ἀνεμοφθορία, Deut., xxviii, 22 ; II Par., vi, 28 ; ἐμπυβρισμός, III Reg., viii, 37 ; πύρωσις, Amos, iv, 9 ; ἀφορία, Agg., ii, 17 ; Vulgate : aer corruptus, Deut., xxviii, 22 ; III Reg., viii, 37 ; ærugo, II Par., vi, 28 ; ventus urens, Amos, iv, 9 ; Agg., ii, 18. On trouve une fois, dans l’hébreu, sedêfâh, IV Reg., xix, 26 ; Septante : πάτημα ; Vulgate : arefacta est, et au lieu parallèle, Is., xxxvii, 27, sedêmàh, avec un ם, mem, mis par erreur pour un פ, phé ; Septante : ἄγρωστις ; Vulgate : exaruit. Cf. le participe šedûfôf, Gen., xli, 6, 23, 27 ; Septante : ἀνεμόφθοροι ; Vulgate : percussæ uredine, vento urente percussæ.
I. Description. — On désigne sous le nom général de « carie » des maladies causées chez les céréales par le
développement de champignons particuliers, qui produisent
des déformations et des destructions de tissus. Ils
déterminent une hypertrophie formant dans l’ovaire de
la fleur des boursouflures plus ou moins grandes, qui
crèvent et laissent sortir au dehors les spores arrivées à
maturité. Ces déformations atteignent aussi, mais plus
rarement, les autres organes floraux ou une portion
quelconque de la tige. Les champignons qui causent ces
maladies appartiennent à la famille des Ustilaginées. On
désigne plus spécialement sous le nom de « carie », et
surtout de « carie du blé », la maladie du caryopse, ou
grain, causée par le champignon du genre Tilletia ; c’est
l’Uredo caries des anciens botanistes. — Les causes qui
engendrent la carie du blé paraissent provenir d’un
abaissement de température à l’époque de la floraison,
et surtout des alternatives de rosées abondantes avec des
coups de soleil ardents ; on l’attribue aussi à la nature et
à la constitution du sol sur lequel croît le blé : terres trop
riches en agents de fertilisation, disproportion entre telle
ou telle espèce de matière minérale, terreuse, etc. — Voir
Prévost, Mémoire sur la cause immédiate de la carie, ou charbon des blés, in-4°, Montauban, 1807 ; Philippart,
Traité sur la carie, le charbon, l’ergot, la rouille et autres maladies des céréales, in-8°, Paris, 1842.M. Gandoger.
II. Exégèse. — Dans les fléaux dont Moïse, Deut.,
xxviii, 22, menace le peuple, s’il devient infidèle à Dieu,
est compris le siddàfôn. Salomon, III Reg., viii, 37 ;
II Par., vi, 28, dans sa prière à l’occasion de la dédicace
du temple, renouvelle les mêmes menaces. Dieu, en effet,
affligea son peuple de ce fléau. Amos, iv, 9 ; Agg., ii, 18
(hébreu, 17). Ce fléau est toujours uni au yêrâqôn, qui est
certainement la rouille des céréales. D’après son étymologie,
sàdaf, « brûler, noircir, » le siddàfôn paraît bien être
une autre maladie des céréales, le charbon ou la carie. La
Genèse, xli, 6, 23, 27, nous indique que cette maladie
est produite par le vent d’est, le qâdim. Le Charbon et la
carie sont produits ainsi par de brusques changements
de température. Il serait difficile de déterminer laquelle
des deux maladies est désignée par le mot siddàfôn ;
comme ces deux maladies ont des effets communs, il est
probable que les Hébreux les désignaient par le même
nom, comme souvent les cultivateurs de nos jours.E. Levesque.
CARIOTH (hébreu : Qeriyôt, « les villes » ), nom de deux villes, l’une appartenant à la tribu de Juda, l’autre au pays de Moab.
1. CARIOTH (hébreu : Qeriyôt ; Septante : αἱ πόλεις), ville de la tribu de Juda, mentionnée une seule fois dans l’Écriture, Jos., xv, 25 ; elle fait partie du premier groupe, celui des cités les plus méridionales. Plusieurs difficultés se rencontrent ici. La Vulgate distingue Carioth du mot suivant, Hesron, qui représente ainsi une localité différente ; mais en hébreu les deux noms doivent être unis, Qeriyôt Hésrôn. C’est ainsi que l’ont compris les Septante : αἱ πόλεις Ἀσερών, « les villes d’Aserôn ; » la version syriaque : qûriaf Hesrûn, « la ville d’Hesron, » et vraisemblablement la paraphrase chaldaïque, qui suit le texte original. On peut ajouter à cela l’absence du vav copulatif devant Hésrôn, particule qui, dans cette première énumération, ne fait défaut qu’au commencement des groupes particuliers, comme devant Ziph, ℣. 24, et Amam, ℣. 26, et devrait se trouver ici, s’il s’agissait d’un endroit distinct. Reste à savoir maintenant de quelle nature est le mot Qeriyôt. Quelques-uns en font un nom commun et lisent, comme le grec et le syriaque : « les villes d’Hesron. » D’autres, admettant la même interprétation, préfèrent traduire : « les ravins d’Hesron, » parce que l’hébreu qeriyâh répond à l’arabe qaraiya, « ravin ; » dans ce cas, s’il est vrai que Hesron se retrouve vers le Djebel Hadiréh, tout à fait au sud de la Palestine, Asor (hébreu : Hàsôr) ou « la forteresse », qui est identique à Carioth-Hesron, Jos., xv, 25, pourrait être la tour signalée par Palmer près d’un lieu ruiné, le long de la passe occidentale du plateau. Cf. Keil, Josua, Leipzig, 1874, p. 125. — Un certain nombre d’auteurs regardent comme plus naturel de reconnaître ici un nom propre composé, Carioth-Hesron, semblable à Asergadda (hébreu : Hâsar-Gaddâh), ℣. 27, et Hasersual (hébreu : Ḥăṣar-Sûʽal), ℣. 28, et le sens du texte : û Qeriyôṭ Ḥéṣrôn hîʾ Ḥàṣôr, est celui-ci : « et Carioth-Hesron qui est la même que
(ou s’appelait auparavant) Asor. » Cf. Jos., xv, 49. La ville subsisterait alors dans le Kltirbet él-Qouréitéin, au sud d’Hébron. Voir la carte de la tribu de Juda. Cf. Robinson, Biblical Researches in Palestine, Londres, 1856, t. ii, p. 101, note 1 ; Van de Velde, Memoir to accompany the Map of the Holy Land, Gotha, 1858, p. 328. Il est vrai que le nom actuel ne renferme plus que la première partie de l’antique dénomination ; mais la seconde a bien pu disparaître, ou la ville pouvait s’appeler simplement Carioth, suivant la remarque de Reland, qui donne des exemples du même fait tirés de la Belgique, Palsestina, Utrecht, 1714, t. ii, p. 700. Qu’on accepte cette explication ou qu’on adopte la leçon de la Vulgate, il est certain qu’il y a correspondance exacte entre les deux noms : l’arabe l ^^S, Qouréitéin, est un duel, signifiant « les deux villes, » représentant ainsi l’hébreu a’nnp, Qiryâfaim, qui est parfois remplacé par le pluriel ninp, Qeriyô{.
Voir Cariathaïm 1. Cꝟ. 6. Kampffmeyer, Alte Namen im heuligen Palàstina und Syrien, dans la Zeistchrift des deutsclien Palàstina-Vereins, Leipzig, t. xvi, 1893, p. 64. La position est-elle conforme aux données scripturaires ? Le crémier groupe des possessions de Juda, Jos., xv, 21-32, comprend tant d’inconnues, qu’il ne peut nous fournir aucun renseignement précis. Par sa situation, Khirbet elQouréitéin semblerait plutôt appartenir aux cités de « la montagne », Jos., xv, 48-60 ; cependant ce premier district est si étendu, qu’il pouvait, au nord, atteindre ce point, aussi bien qu’il parvenait jusqu’à Khirbet Oumm er - Roummâmim, site actuel de l’ancienne Remmon. Jos., xv, 32. Les deux endroits les mieux connus et les plus rapprochés, entre lesquels est mentionnée Carioth - Hesron, sont Adada (aujourd’hui El-’Ad’àdah, à quelque distance à l’ouest de la mer Morte) et Molada (Khirbet el-Milh). Jos., xv, 22, 26.
M. V. Guérin, Judée, t. iii, p. 180, décrit ainsi Khirbet elQouréitéin : « Les ruines de cette antique cité couvrent un espace d’au moins dixhuit cents mètres de tour. On distingue encore la direction de plusieurs rues. Les maisons, dont les vestiges jonchent partout le sol, paraissent avoir été construites avec des matériaux assez régulièrement taillés ; la plupart d’entre elles s’élevaient au-dessus de caveaux pratiqués dans le roc. À l’extrémité occidentale de l’emplacement qu’occupait la ville, je remarque les restes d’une église chrétienne, formant extérieurement un rectangle tourné de l’ouest à l’est. Des amas de belles pierres de taille en marquent les contours. Elle mesurait trente pas de long sur dix-sept de large, et était précédée d’un atrium carré, ayant dix-sept pas en tous sens. » — On croit généralement que Carioth est la patrie du traître Judas. L’épithète’Iffxapiuytriî, Iscariote, ajoutée à son nom, pour le distinguer de saint Jude, semble bien une expression calquée sur l’hébreu ni-np-WN, ’IS-Qeriyôt, « i’homme de Carioth, » équivalant à Cariothensis, à™ KspiûiTou, comme on lit dans l’Évangile de saint Jean, VI, 71, d’après plusieurs manuscrits. C’est ainsi que Josèphe, Ant. jud., VII, vi, 1, voulant désigner un individu natif de Tob, l’appelle "IcttwSo ; , comme il eût dit en hébreu’Is-Tôb, « l’homme de Tob. » Cf. Fillion, Évangile selon
saint Matthieu, Paris, 1878, p. 195.2. CARIOTH (hébreu : Qeriyôt, Jer., XLVin, 24 ; avec l’article : haq-Qeriyôt, Jer., xlviii, 41 ; Am., ii, 2 ; Septante : KapiM8, Jer., xlviii, 21, 41 ; twv ttoXewv ofjxîi ; , Am., ii, 2), une des villes de Moab contre lesquelles Jérémie, xlviii, 24, ii, et Amos, ii, 2, lancent les menaces divines. « Le jugement de Dieu est venu » sur elle, comme sur Dibon, Cariathaïm, Bethgamul, Bosra, et d’autres ; elle sera prise, et ses remparts seront détruits ; le feu consumera ses palais. L’article placé devant le mot Jer., xlviii, 41 ; Am., ii, 2, pourrait faire croire à un nom commun, « les villes, » et c’est ainsi qu’ont traduit les
Septante, Am., ii, 2 ; pour être conséquents, ils auraient du rendre de même le second passage de Jérémie, xlviii, 41, où cependant ils ont vu un nom propre. Avec la Vulgate, la Peschito et la plupart des commentateurs, nous reconnaissons dans nos trois textes la même ville de Moab, qui d’ailleurs, dans le premier, est incontestablement une localité distincte. La difficulté maintenant est de trouver son identification. J. L. Porter, Five years in Damascus, Londres, 1855, t. ii, p. 191-195, pense qu’elle subsiste encore dans le village actuel de Qouréiyéh, situé à la base sud-ouest du Djebel Hauran, entre les deux ouadis Zêdy et Abou Ilamâqa. Cette opinion est pour nous absolument inadmissible. L’auteur a été trompé par la similitude de certains noms. Croyant avoir retrouvé Bosra de Moab, Jer., xlviii, 24, dans la Bosra du Hauran, l’ancienne Bostra des Grecs et des Romains, et Bethgamul, Jer., xlviii, 23, dans Oumm el-Djemâl, au sud-ouest de la précédente, il était naturellement amené à confondre Carioth avec Qouréiyéh, au nord-est de Bosra. Mais plusieurs raisons renversent complètement cette théorie. D’abord Jérémie ne parle, dans son énumération, que des villes de « la plaine » (hébreu : hammïsôr), ꝟ. 21, c’est-à-dire des plateaux qui s’étendent à l’est de la mer Morte, et parmi elles les plus connues nous maintiennent précisément dans un certain rayon au nord de l’Arnon : Dibon (aujourd’hui Dhibàn), Cariathaïm (Qoureiyât), Bethmaon (Ma’in). Ensuite aucun témoignage ne nous prouve que le pays de Moab se soit étendu si haut vers le nord ; nous avons tout heu de croire, au contraire, qu’il n’allait guère au delà de la pointe septentrionale de la mer Morte. Enfin nous avons montré que Bethgamul correspond bien plus justement à D) email, à quelque distance au nord-est de Dibon, et que Bosra de Jer., xlviii, 24, ne peut être assimilée à Bosra du Hauran. Voir Bethgamul, t. i, col. 1685 ; Bosor 1, t. i, col. 1856. — Seetzen, Heisen durch Syrien, Palàstina, etc., édit. Kruse, Berlin, 1854, t. ii, p. 312, place Carioth à Qoureiyât (qu’il écrit Kôrriât). au sud du Djebel Attarous, là où nous avons reconnu le site de Cariathaïm. Voir Cariathaïm 1. Cette identification serait acceptable dans l’opinion de ceux pour qui Cariathaïm est EtTeim, au sud-sud-ouest de Mâdeba ; mais nous avons donné les raisons qui nous empêchent d’admettre ce sentiment. D’un autre côté, il est impossible de confondre en une seule les deux cités moabites, que Jérémie, ’xlviii, 23, 24, et la stèle de Mésa, lignes 10, 13, distinguent nettement. — Tristram, The Land of Moab, Londres, 1874, p. 99, 276, signale auprès de Kérak une localité du nom de Kureitun ; mais elle est trop éloignée du rayon dans lequel l’Écriture semble renfermer Carioth, à moins qu’on n’applique à cette dernière les paroles du prophète, dans le même verset : « celles [les villes] qui sont au loin, comme celles qui sont auprès. » Jer., xlviii, 24. Nous ne pouvons faire ici que des suppositions ?
Plusieurs auteurs coupent court à ces difficultés en
faisant de Carioth un synonyme de’Ar, l’ancienne capitale
de Moab (aujourd’hui Er-Rabbah, à peu près à
moitié chemin entre Kérak et l’Arnon) ; la forme plurielle
Qeriyôt indiquerait que la ville se composait de deux ou
plusieurs parties principales. Les arguments à l’appui de
cette thèse sont les suivants : 1° Là où, parmi les cités
de Moab, figure la capitale, ’Ar, comme dans la liste des
possessions de Ruben, Jos., xiii, 16-21, et dans la prophétie
contre Moab, Is., xv, xvi, on ne rencontre pas
Carioth ; là, au contraire, où Carioth est nommée comme
la ville la plus importante, Am., ii, 2, et mise au nombre
des grandes villes du pays, Jer.. xlviii, ’Ar n’est pas mentionnée.
— 2° Carioth désigne bien la capitale de la contrée :
dans Amos, ii, 2, par exemple, elle ne peut être
considéréeque comme telle, d’après le plan même de
toute la prophétie ; Jérémie, xlviii, 24, nous montre dans
Carioth et Bosra deux places très considérables, où élait
renfermée la force de Moab, et au ꝟ. 41 la prise de Carioth équivaut à la perte des forteresses, sa chute fait défaillir le cœur des vaillants de Moab, aussi bien que celle de Bosra anéantit le courage des héros d’Idumée. Jer., xlix, 22. Cf. Keil, Jeremia, Leipzig, 1872, p. 467-468. Les difficultés que nous venons d’énumérer nous permettent de suspendre notre jugement. — Au point de vue historique, il est certain, d’après ce que nous avons dit, que Carioth était une place forte de Moab. Il en est question du reste dans la stèle de Mésa. Après avoir relaté la prise d’Astaroth, le roi ajoute, lignes 12, 13 : « Et j’emportai de là l’ariel ( ?) Dodo et je le [pla-]çai par
Les Juifs de Djôbar, village qui est à une demi-lieue de Damas, au nord-est, montrent, attenant à leur synagogue, une petite chambre qui aurait été la cachette du prophète ; la rivière qui coule un peu plus bas serait le nahal Kertt. Cette tradition avait déjà cours parmi les Juifs de ce pays dans la première moitié du XVIIe siècle, puisque Quaresmius la signale dans VElucidatio Terrée Sanctæ, lib. vii, peregr. vi, c. vi, édit. du P. Cyprien de Trévise, Venise, 1881, t. ii, p. 662-661. On ne la tx-ouve pas aux siècles antérieurs, et elle est évidemment en contradiction avec les indications bibliques. — Le P. Burkard du Mont-Sion, au xme siècle, indique le torrent de Carilh
tffcTÉ*
SI.
Ouadi El-Kelt. D’après une photographie.
terre devant Chamos à Carioth. Et j’y ils habiter les hommes de Savon… » Cf. A. Héron de Villefosse, Notice des monuments provenant de la Palestine et conservés au musée du Louvre, Paris, 187&, p. 2, 3 ; F. Vigouroux, La Bible et les découvertes modernes, 5e édit., Paris, 1889, t. iv, p. 61. — On a supposé que Carioth était identique avec Cariath Husoth. Nu m. xxii, 39. Voir Caruth
Kusoth.- CARITH##
CARITH (TORRENT DE) (hébreu : nahal Kerît ; Septante : -/ei|jiâppoi ; Xoôp16), vallée où se tint caché le prophète Elie pendant toute la sécheresse de trois ans qui désola le pays d’Israël, sous le règne du roi Achab. Elle était située « à l’orient » du royaume de Samarie et « en face du Jourdain ». « Quitte ce pays, dit le Seigneur à Élie, dirige-toi à l’orient, et cache-toi dans le torrent de Carith, qui est en face du Jourdain. » 1Il Reg., xvii, 3.
près de Phésech ( Phasaëlis), qui est à quatre lieues (seize kilomètres) plus au nord que Jéricho. Descriptio Terras Sanctæ, édit. Laurent, Leipzig, 1873, p. 57. Marino Sanuto, en 1310, répète l’indication du P. Burkard. Liber sanctorum jidelium crucis, Bongars, t. ii, p. 247. Le géographe Cellarius semble l’accepter. Notitise orbis antiqui, Leipzig, 1706, t. H, p. 613. Van de Velde l’adopte pleinement. Le pays d’Israël, in-f°, Paris, 1858, p. 73 ; ibid., dessin 74 et carte du pays d’Israël, où l’ouadi Fasaïl est appelé torrent de Kerith. On ne voit pas sur quels fondements repose cette identification. — Robinson propose d’identifier le Carith avec l’ouadi el-Kelt (fig. 81). Biblical Researches in Palestine, Boston, 1841, t. ii, p. 288, note 2. M’J r Mislin, Les Saints Lieux, 1858, t. iii, p. 131 ; Victor Guérin, Description de la Samarie, 1. 1, p. 29-31, et après eux la plupart des palestinologues et des voyageurs modernes ont partagé cet avis. Le Kelt ou Kélet commence
à la fontaine du même nom, ’Aïn-el-Kelt, un peu à l’est du point de jonction des deux vallées de Fârah et de Soueînît. Les rochers à pic qui le resserrent dans la première partie de son cours sont percés de grottes nombreuses, très aptes à cacher des fugitifs. Il débouche dans le Gliôr, ou vallée du Jourdain, à deux kilomètres au sud du mont de la Quarantaine, en face de Jéricho ; passe au midi de cette localité et de Tell-Djeldjel, et aboutit au Jourdain à un kilomètre plus bas que Qasr-el-Yahoud ou le couvent de Saint-Jean-le-Précurseur. — Les motifs de cette identification sont la similitude des noms, le récit de l’historien Josèphe et les témoignages des anciens. Il n’est guère contestable que Kelt ou Kélet ait pu dériver de Kerit par la transformation du i, r, en ii, l. Josèphe traduit ainsi le passage de l’Écriture relatif à la retraite d’Élie : ovejjûpTjGôv s ! ; Ta Ttpo ; v6tov (ilpr), « il se retira dans les régions du côté sud. » Ant.jud., Vlll, xiii, 2. En traduisant le mot qédéni par veto ; (sud), l’historien l’aurait fait rarce que ce mot est susceptible de ce sens, et qu’une tradition positive lui aurait appris que le lieu de la retraite du prophète était au sud de la Samarie ou au sud-est. Le souvenir du séjour du prophète dans l’ouadi Kelt est encore conservé par le pèlerin Antonin de Plaisance, au vie siècle, qui indique non loin de’Aïn-Hadjelah la vallée où se cacha Élie. De Locis Sanctis, édit. Orient latin, Jtinera latina, t. i, p. 97. Ziegler, en 1532, marque le Cherith au C6o7’de longitude et 32o 1’de latitude nord, au sud de Galgala. Palssstina, Strasbourg, 1532, fol. xxxiii. La valeur de ces raisons est atténuée par les conclusions qui résultent des faits suivants. Jean Mosclun, au usiècle, dans le Pratum spirituale, t. lxxxvii, part. 3, col. 2852-2853, indique le Carith « tout à côté, à gauche » de la grotte de Saint-JeanBaptiste, dite de Sapsas, située a l’orient du Jourdain et non loin de l’église du Baptême du Seigneur ; Voir Bethabara, t. i, ocl. lt>48. Ce serait l’ouadi Kefrein. Cette tradition subsistait encore au xiie siècle, comme le prouve le témoignage de l’higoumène russe Daniel. Ibid.
Au IVe siècle, on montrait déjà, mais plus au nord, le « torrent de Chorath au delà du Jourdain », Xoppa "/£t[iâppouç iTTÉxeiva toO’lopôàvou. Eusèbe, Onomasticon, édit. de Larsow et Parthey, Berlin, 1862, p. 372. Saint Jérôme rend ce passage de manière à ne laisser aucun doute sur son identité avec le Carith : « Chorath, au delà du Jourdain, où se cacha Élie, vis-à-vis du même fleuve. » De locis hebraicis, t. xxiii, col. 889. Quelques personnes ont pensé que le torrent désigné par ces Pères pourrait être l’ouadi Qeleit (k-J>£ ^>U), dont les eaux se déversent dans le Chéri’at-el-Menadiréh ou Yarmouk, à près de trente-deux kilomètres à l’est du Jourdain. Cf. Gottlieb Schumacher, The Jaulân, Londres, 1888, p. 266, et Map of the Jaulân ; Id., Northern’Aijlûn, Londres, 1890, p. 117, et Map of a part of the Kada Irbid or Northern’Ajlùn. Le récit de la pèlerine du ive siècle, sainte Sylvie d’Aquitaine, ne permet guère d’accepter ce sentiment. Elle visite Salem, la ville de Melchisédech, puis Énon, où saint Jean baptisait. Cet Énon paraît être celui désigné par l’Onomasticon à huit milles, ou neul kilomètres, au sud de Bethsan, probablement, Oumm-el-’Amdàn. D’Énon elle veut se rendre au pays de Job. En y allant, elle s’écarte un peu de sa voie pour visiter Thisbé, la patrie du prophète Élie. « Continuant notre chemin, ajoute-t-elle, nous vîmes à notre gauche une grande et belle vallée envoyant au Jourdain les eaux d’un torrent abondant. Dans la vallée nous aperçûmes un monastère… On nous dit : « C’est la vallée de Corra, où se retira saint Élie « de Thisbé, au temps du roi Achab. » Gamurrini, SancHe Sylvise Aquit. Peregrinatio ad Loca Sancta, Rome, 1887, p. 60-61. Si, comme nous le croyons, Thisbé est pour la pèlerine l’endroit appelé aujourd’hui Estheb ou Lestheb, qui est à moins de deux kilomètres de latitude plus au sud que’Oumm-el-’Amdàn (voir Thisbé),
la vallée qu’elle voit bientôt à sa gauche, en reprenant la direction du Hauran, le pays de Job, paraît être l’ouadi Yàbis. C’est une vallée profonde et peu large. D-as rochers perpendiculaires la ferment à droite et à gauche, sur une grande partie de son étendue. Comme au Kelt, leurs flancs recèlent de nombreuses grottes qui paraissent avoir servi de cellules aux ermites d’une laure semblable à celles de Phara ou de Màr-Saba. Le ruisseau aux eaux limpides et abondantes qui la parcourt est bordé de platanes et de lauriers-roses. Les nombreux canaux que la main de l’homme en fait dériver arrosent en maints endroits des vergers d’arbres fruitiers, orangers, citronniers, pommiers, etc., au milieu desquels se perdent quelques habitations. Il se jette dans le Jourdain à environ douze kilomètres plus au sud que Bethsan. Comme il est certain qu’une multitude de noms et de souvenirs existaient en Terre Sainte, au ive siècle, qui se sont perdus ou détériorés depuis, il est incontestable qu’Eusèbe, saint Jérôme et sainte Sylvie étaient plus en état que les voyageurs des siècles suivants et que nous-mêmes de discerner le vrai Carith. Josèphe, il est vrai, qui est Juif et plus ancien, semble les contredire ; mais il ne faut pas perdre de vue que les écrivains hébreux donnent fréquemment aux mots grecs et latins des sens plus ou moins différents de ceux qu’ils ont chez les Hellènes ou les Romains. Et Reland, après Keuchen, fait remarquer que le mot v6toç, qui chez les Grecs signifie « sud », est employé chez les écrivains sacrés du Ier siècle avec la signification de Qédém. Palxstina illustrata, Utrecht, 1714, t. i, p. 293. Or le mot qédém, pour l’orientation, a chez les Hébreux le sens constant d’ « orient » ; d’où il appert que si l’historien juif n’est pas en contradiction avec l’Écriture, sa phrase àvE^œpYjfrev eï ; Ta îtpbç vôtov (Aépï], ne saurait signifier : « il se dirigea vers le pays qui est du côté du levant. » En résumé, sainte Sylvie, exprimant les indications de la tradition locale, semble désigner l’ouadi Yàbis comme le Carith. Les données de l’Écriture ne sont pas contraires à cette identification, ce que l’on ne peut dire ni pour Djôbar, ni pour l’ouadi Phasaïl, ni pour l’ouadi el-Kelt. L. Heidet.
CARMEL, nom d’une ville et de deux montagnes.
1. CARMEL (hébreu : Karmél ; Septante : XepjjiéX), ville de la tribu de Juda. Son nom apparaît pour la première fois Jos., xii, 22, dans la liste des trente et un rois vaincus par Josué. Jochanan, roi de Carmel, figure parmi eux. Dans le partage du pays conquis, cette ville est nommée, Jos., xv, 55, avec Maon, Ziph et Jota. Elle dut recevoir son nom de la montagne sur laquelle elle était bâtie. Au iv « siècle, on trouvait un très grand village appelé Chermekaou Chermel (XEpjrJXa, Xepficaa, XapiiéÀ), non loin d’Hébron, au sud, inclinant à l’est, à dix milles, dans la Daroma, près de Ziph. Les Romains y avaient bâti un fort où ils entretenaient un détachement de soldats. Eusèbe et saint Jérôme, De situ et nominibus locoruw, hebraicorum, au mot Carmelus, t. xxiii, col. 887. Cf. Eusèbe, Onomasticon, édit. Larsow et Parthey, Berlin, 1862, p. 198-199, 252-253, 368-369, aux mots Zsië, Kàpiiù.oi et Xap[ié). ; Théodoret, Comment, in I Reg., quoest. 59, t. lxxx, col. 585 ; Procope de Gaza, In I Reg., c. xxv, t. lxxxvii, col. 1112 ; Nolitia dignitatum imperii Romani, sect. 21, citée par Roland, Paleestina, p. 695. Au xii a siècle, Carmel n’était plus qu’un petit village. Le roi Amaury, redoutant l’attaque de Saladin, vint s’y établir à cause de la grande abondance d’eau ; « car il y avait là une antique piscine de très grandes dimensions, qui pouvait suffire à l’usage de toute l’armée. » Guillaume de Tyr, Historia rerum transmarinorum, 1. xx, c. xxx, t. ccn T col. 880. Aujourd’hui, Carmel n’est plus habité ; mais son nom demeure attaché à ses ruines, appelées par les Arabes Khirbet-Kermel (fig. 82). On les trouve à environ quinze kilomètres (dix milles) au sud d’El-Khalil (Hébron), tant
soit peu vers l’est. Elles occupent un grand espace et se développent en amphithéâtre sur le versant oriental de la montagne du même nom, autour d’une vallée appelée Ouadi Schahâdi. D’innombrables citernes creusées dans le roc, remontant à l’époque judaïque, sont dispersées au milieu des ruines et aux alentours. Plusieurs restes de constructions assez vastes, formées de belles pierres de taille, datent probablement du temps de la domination romaine. Trois églises ruinées, de grandeur médiocre, viennent sans doute de la période byzantine. Elles étaient à trois nefs, ayant chacune trois absides du côté de l’orient. Leurs colonnes gisent brisées sur.le sol. Vers le milieu des ruines et à la partie la plus élevée, se dresse un castel ruiné, de forme carrée, de douze mètres environ de côté. Le rez-de-chaussée et l’étage qui reste sont
gique de la Palestine, Judée, t. iii, p. 166-170 ; Ed. Robinson, Biblical Researches in Palestine, 3 in-8°, Boston, 1841, t. ii, p. 193-202. L. Heidet.
2. CARMEL (hébreu : Kàrmél ; Septante : Kcrp ! J.y, ).ov et xa Kâp[iï)iov), territoire dans la tribu de Juda. Il était situé dans le sud, du côté de l’Idumée, dans le voisinage de Maon. C’était une région de pâturages. 1 Reg., xv, 12 ; xxv, 7. Saint Jérôme l’appelle constamment une montagne. Comment, in Amos, c. i, 2 ; ix, 3, t. xxv, col. 993 et 1087 ; JnJsai., xxix, 17, t. xxiv, col. 335 Le même Père, In Amos, loc. cit., doute si le prophète, par les paroles « vertex Carmeli », ro’s hak - Karmél, désigne le grand Carmel ou le Cavmel de Juda. Les commentateurs l’ont plus généralement entendu, et c’est le plus probable, du
; 2. — Ruines de Carmel de Juda. D’après une photographie de M. L. Hetdet.
recouverts de grandes voûtes en ogives ; plusieurs pierres sont taillées en bossages, comme dans un certain nombre des monuments restant de l’époque des croisades. Au bas des ruines, dans la vallée, est un birket quscine) de quarante mètres de longueur et plus de vingt de largeur. Il était comblé par les terres qu’y avaient entraînées les pluies de l’hiver. Les habitants de Yetta, qui se sont mis en possession de tout le territoire de Kermel, viennent de le remettre en état de servir à son antique usage. A cinquante pas au nord, une source assez abondante sort du rocher et s’écoule, par des canaux, dans des puits creusés près de là. Les Arabes y amènent leurs troupeaux pour les abreuver et viennent de très loin y faire leurs provisions d’eau. Plusieurs tombeaux taillés dans le roc, suivant l’usage ancien, environnent les ruines. À six kilomètres au nord du Khirbet - Kermel, près de la route d’Hébron, on trouve la ruine appelée Tell ez-Zif ; le village toujours habité de Yetta est à cinq kilomètres au nord-ouest, et à moins de deux kilomètres vers le sud-est, on atteint le Kirbet-Ma’în, voisin du Tell du même nom — Voir Victor Guérin, Khirbet-Karmel, -dans Description géographique, historique et archéolo-DICT. DE LA Bit LE.
premier. — Saûl, à son retour de son expédition contre les Amalécites, arrivé au Carmel, s’y éleva un monument triomphal, et de là se rendit à Galgala. I Reg., xv, 12. — David, fuyant la jalousie de ce roi, se tint quelque temps caché au Carmel avec ses hommes. I Reg., xxv, 7. Nabal, le mari de la sage Abigaïl, y avait ses possessions et y faisait paître ses troupeaux. I Reg., xxv, 2. — Le roi Ozias, fils d’Amasias, y avait des vignobles où il entretenait des vignerons. II Par., xxvi, 10. On a fréquemment appliqué ce passage au Carmel de Galilée, ce qui est peu probable. Voir Carmel 3, col. 293. — La montagne appelée encore aujourd’hui par les populations du pn^sEl-Kermel, ou El-Karmel, « le Carmel, » est à quatorze kilomètres environ au sud d’El-Khalîl (Hébron). Sa hauteur est de 803 mètres. Le Carmel, semé d’orge au printemps, est dépouillé et nu le reste de l’année. Les Arabes de la région y font paître leurs troupeaux de chèvres et de moutons, comme au temps de Saül et de David, et y viennent quelquefois établir leurs campements. On voit çà et là d’antiques pressoirs. C’est sur les pentes orientales de la montagne que se trouve le Khirbet-Kermel, ruines de la ville du même nom. Voir Carmel i. L. Heidet.
II. — 10
291
- CARMEL##
CARMEL (MONT)
292
3. CARMEL, chaîne de montagnes dans la Galilée.
III Reg., xviii, 19. — I. Nom. — Elle est appelée tantôt simplement Carmel, hébreu : Karmél ; Septante : Kotp[A-rjX, ou avec l’article : « le Carmel, » hak-Karmél, o KipjiTpioç ; tantôt « la montagne du Carmel » ou « le mont Carmel », har hak-Karmél, o’po ; tî> Kapjiv.iov.
— Selon Origène, Lexicon nominum hebraicorum, Patr. lat., t. xxiii, col. 1231-1232, le mot « Carmel » signifierait « science de la circoncision », èrayviixri ; TîepiTtojjA ; , et ainsi serait formé des racines kârâh, a creuser, manifester, » et mûl, « circoncire. » S. Jérôme, Liber de nomin. hebraic, t. xxiii, col. 803-804, 819-820, au mot Carmel, traduit Origène, en ajoutant la signification « tendre », mollis ; mais, au mot Chermel, ajoute : « Il est mieux de traduire par agneau tendre, » le faisant dériver de kâr, « agneau, » et probablement’âmal, « être faible. » Les anciens commentateurs ont ordinairement adopté ces étymologies ; quelques-uns y ont vu les racines kâr et mûl, et ont traduit par « agneau circoncis ». Parmi les modernes, quelques-uns ont cru le mot Carmel composé de kérém et’êl, « vigne de Dieu » ou « jardin de Dieu » ; d’autres, avec Bochart, y voient le mot karmîl, « la pourpre, » qui se péchait au pied du Carmel ; mais presque tous, avec Gesenius, n’y reconnaissent qu’une forme de kérém, avec la désinence l, usitée en d’autres noms. Comme kérém, il a la signification de « vigne, jardin », avec l’idée de fertilité et de beauté. C’est en ce sens et comme nom commun qu’il paraît employé Is., x, 18 ; xxxii, 15 ; Jer., II, 7. On le trouve usité aussi, dans le texte hébreu,
IV Reg., iv, 42 ; Lev., ii, 14 ; xxiii, 14, pour désigner des fruits nouveaux, tendres et succulents. Voir Blé, t. i, col. 1818. Le charme de son aspect, l’abondance de sa végétation, la supériorité de ses produits, auront fait attribuer à la chaîne du Carmel cette dénomination comme nom propre. — Le Carmel devint en Israël le type et le symbole de la grâce et de la prospérité. Nabuchodonosor s’avançant dans sa gloire et sa puissance est comme le Thabor et le Carmel, Jer., xlvi, 18 ; la terre de Juda bénie de Dieu et comblée de biens resplendira comme le Carmel, Is., xxxv, 2’; ruinée et désolée, ce sera le Carmel dénudé et dépouillé de ses charmes. Is., xxxiii, 9 ; xicvii, 24 ; Jer., iv, 26 ; Amos, i, 2 ; Nahum, i, 4. Salomon compare la tête de l’épouse, Cant., vii, 5, au Carmel. C’est du moins l’interprétation des massorètes ponctuant Karmél et de la plupart des anciens commentateurs ; plusieurs cependant croient qu’il faut lire Karmîl, et voient dans ce passage une allusion à la pourpre ou à l’écarlate. Cf. Matth. Polus, Synopsis criticorum, in-f°, Francfortsur-le-Mein, 1712, t. ii, col. 1900 ; Migne, Scripturse Sacrée Cursus complétas, t. xvii, col. 271, note 1. Les orateurs sacrés et les écrivains ecclésiastiques ont souvent comparé Jésus-Christ, la très sainte Vierge et l’Eglise au Carmel, en leur appliquant les versets du Cantique. Voir Cornélius a Lapide, Comment, in Cant., vii, édit. Vives, in-4°, Paris, 1800, t. viii, p. 183-187.
IL Situation et nature. — Le Carmel était au sud de la tribu d’Aser, à laquelle il servait de limite de ce côté, Jos., xix, 26. Il était à cent vingt stades (environ vingt-deux kilomètres) d’Acco ou Ptolémaïde. Josèphe, Bell, jud., II, x, 2. Il s’étendait vers l’est jusqu’au Cison et à la plaine de Jezraël. III Reg., xviii, 19-45. Il bornait au sud-ouest la tribu de Zabulon, et faisait partie de la Galilée, qu’il terminait à l’ouest. Jos., xix, 11 ; Josèphe, Ant.jud., v, i, 22 ; Bell, jud., III, iii, 1. On le rencontrait près de la ville de Hépha (Caïpha), appelée aussi Sycaminon, entre Césarée et Dora (aujourd’hui Tantoura) et Ptolémaïde. Josèphe, Cont. Apion., ii, 9 ; EusèLe et S. Jérôme, De silu et nominibus locorum hebraicorum, aux mots Japhet et Jaflie, t. xxiii, col. 906 ; Mrabon et Ptolémée, dans Reland, Palseslina, 1714, p. 433 et 457, et Christ. Cellarius, Kotitia orbis antiqui, Amsterdam, 1706, t. ii, p. 507. Selon Théodoret, In Is., xxxii, y. 5, t. lxxxi, col. 384, a le Carmel est un mont de la Samarie. » Il servit de
borne entre la Palestine et la Phénicie. Eusébe et saint Jérôme, Onomasticon, édit. Larsow et Parlhey, p. 252 et 253.
De ces divers témoignages il résulte que la dénomination de Carmel embrassait toute la ramification de montagnes et collines, laquelle, prenant naissance en Samarie, près du Sahel’Arrabéh, à peu près à la latitude de Césarée, s’étend depuis l’extrémité sud-est du Merdj-Ibn-’Amer (plaine d’Esdrelon), en inclinant au nord-ouest, jusqu’à la mer, qu’elle atteint près de Caïpha, où elle forme le promontoire qui ferme au sud la baie de Saint-Jean -d’Acre. Elle se prolonge ainsi sur une longueur de plus de trente kilomètres, ne dépassant guère quinze kilomètres dans sa plus grande largeur. Le nom se trouve conservé par les indigènes rattaché à un village situé presque au centre du massif, et appelé par eux Daliet-el-Karmel, c’est-à-dire « Dalieh du Carmel » ; ils appellent plus communément la montagne, à cause de ses souvenirs historiques, « la montagne de saint Élie, » Djebel MûrElias.
Les sommets du Carinel n’atteignent point la hauteur des monts de la Galilée ou de la Judée. Le mont d’Es/iah, le plus élevé du Carmel, n’a que 651 mètres au-dessus du niveau de la Méditerranée ; le Mohraqah a 615 mètres seulement, et le promontoire, là où se dresse le couvent des religieux Carmes et le phare du Carmel, ne domine la mer que de 150 mètres. Les montagnes du Carmel, comme toutes celles de Palestine, affectent généralement la forme de mamelons ; elles ne sont un peu escarpées et abruptes que du côté de l’est, depuis Mansourah jusqu’à la mer. Elles sont formées presque exclusivement de calcaire ; mais elles sont recouvertes presque partout d’une terre végétale abondante et riche, pouvant se prêter à toute espèce de culture. Des sources jaillissent de toute part dans les vallées, souvent assez fortes pour donner naissance à des ruisseaux. La flore est variée et produit un grand nombre de plantes médicinales, dont les plus communes sont la mélisse et l’absinthe. Le chêne-vert, le pin, le lentisque, le poirier sauvage, le laurier, abondent dans la partie nord. Le sanglier, la gazelle, le lièvre, le chacal, le porc-épic, quelques panthères, le chat-tigre, habitent les fourrés. Tous les oiseaux de la Palestine s’y retrouvent en multitude.
III. Histoire. — La région du Carmel paraît avoir été conquise par Josué peu après Mageddo, Thanac et Cadès, lorsqu’il vainquit le roi Jochanan du Carmel. Jos., x », 22. Elle devint, selon Josèphe, Ant. jud., V, i, 22, le partage de la tribu d’Issachar, moins quelques villes situées dans les plaines inférieures, comme Thanac, Dor et leurs dépendances, qui furent concédées à Manassé. Jos., xvii, 11.
— Sous Salomon, la préfecture d’Issachar et du Carmel fut confiée à Josaphat, fils de Phavué. III Reg., iv, 17 ; Josèphe, Ant. jud., VIII, ii, 3. — Après le schisme de Jéroboam, à une époque inconnue, les Israélites lidèles à Dieu paraissent lui avoir élevé un autel sur un des sommets de la montagne ; c’est cet autel renversé que releva le prophète Élie, pour y offrir le sacrifice miraculeux qui rendit le Carmel à jamais illustre. III Reg., xviii, 30. Élie fait convoquer en ce lieu par le roi Achab tout Israël, les quatre cent cinquante prêtres de Baal et les quatre cents prophètes d’Astarté, qui mangeaient à la table de | Jézabel. Il démontre, en se raillant, l’impuissance de leur I dieu. Avec l’aide du peuple, il prend douze pierres, selon
; le nombre des tribus d’Israël, rétablit l’autel, y place l’holocauste,
invoque le Dieu d’Abraham, d’Isaac et de Jacob, et le feu descend du ciel, consume la victime, le bois, la pierre, la terre et l’eau. La foule proclame de nouveau le Dieu d’Israël pour son Dieu, et sur l’ordre d’Élie se saisit des prophètes de Baal, et va les immoler près du Cison, qui coule au pied de la montagne. Élie remonte au sommet du Carmel, pour implorer du Seigneur la pluie et la cessation de la sécheresse qui depuis trois ans désole la terre. Sept fois il envoie son serviteur : « Monte, lui
dit-il, et regarde du côté de la mer. » À la septième fgis celui-ci vient lui annoncer qu’il a aperçu un petit nuage grand comme une main d’homme, sëlevant de la mer, et Elie, se voyant exaucé, redescend de la montagne. III Reg., xviii, 19-46. Saint Basile, Epist. xur ad Chilonem, t. xxxiii, col. 358 ; saint Grégoire de Nazianze, Orat. x et xïv, t. xxv, col. 828 et 861, et quelques autres, sans doute d’après d’anciennes traditions, regardent le Carmel comme la demeure ordinaire du prophète Élie. — Après l’enlèvement d’Élie, Elisée y retourne. IV Reg., ii, 25. Pendant qu’il y séjourne, la Sunamite vient lui annoncer la mort du fils qu’il lui a obtenu du Seigneur et en attendre la résurrection. IV Reg., iv, 25. Le Carmel était redevenu un lieu de réunion et de prière, sous la direction des prophètes. Les Israélites fidèles à Dieu s’y rendaient spécia au peuple du Carmel l’ordre de lui envoyer des présents en signe de soumission ; on renvoya sans honneur les députés du puissant roi. Judith, i, 8. Le Carmel dut être soumis avant le siège de Béthulie. — Quarante ans avant l’ère chrétienne, le Carmel fut ravagé par les Parthes. Josèphe, Bell, jud., i, xiii, 2. La renommée de la sainteté de cette montagne s’était étendue jusque chez les infidèles. Pythagore, raconte Jamblique, De Pythagor. vit., m (15), édit. Didot, p. 18, alla souvent méditer de longues heures dans le lieu sacré (iepov) du Carmel, « montagne sainte entre toutes. » — Vespasien, avant la guerre de Judée, y ail i aussi adorer le Dieu du Carmel, qui, dit Tacite, Hist., I. ii, c. xvii, n’avait ni statue ni temple. Cf. Suétone, Vita Vespasiani, c. v. On ignore si le Dieu adoré alors au Carmel était le Dieu d’Israël
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83. — Promontoire du mont Carmel. D’après une photographie.
lement aux néoménies et aux jours du sabbat. Les paroles du mari de la Sunamite : « Pourquoi voulez-vous aller à lui (à Elisée) ? ce n’est aujourd’hui ni le premier du mois ni le sabbat, » le démontrent assez clairement. — Plusieurs pensent que le Carmel où le roi de Juda 0 ?ias avait des vignes et entretenait des vignerons est le grand Carmel dont nous parlons. II Par., xxvi, 10. Voir Armstrong, Wilson et Conder, Names and places in the Old Testament and apocrypha, Londres, 1887, p. 39. Il est plus probable qu’il s’agit, en ce passage des Paralipomènes, du Carmel de Juda. Voir Carmel 2. La jalousie schismatique des rois d’Israël ne pouvait guère laisser leur rival prendre pied précisément en une région où se réunissaient les fidèles du Dieu qu’on adorait à Jérusalem. La puissance de Samarie n’avait pas encore été renversée par Salmanasar. — Plus tard, l’épisode de Judith et la conduite de Josias voulant empêcher le roi d’Egypte, Néchao, de traverser la Galilée indiquent qu’après la captivité des dix tribus d’Israël les rois de Juda avaient dû étendre de nouveau leur domination sur la Galilée et le Carmel. IV Reg., xxiii, 29. Cf. II Par., xxxiv, 6, 9, 33 ; xxxv, 22. De nombreuses villes couronnaient alors ses sommets. Jer., iv, 26. Du temps de Judith, le roi d’Assyrie envoya
et d’Élie, et si le lieu où se rendit le général romain était le même où se réunissaient les Hébreux. Après la prise de Jérusalem et la dispersion des Juifs, le Carmel devint une montagne syrienne. Josèphe, Bell, jud., III, ni, 1.
Les Juifs ne perdirent cependant point de vue le Carmel ni les souvenirs d’Élie et d’Elisée. En 1170, nous trouvons Benjamin de Tudèle visitant sur la montagne, non loin de Hépha (Caïpha) et du cimetière des Juifs, la grotte du prophète Élie, où deux fils d’Édom (deux chrétiens ) avaient élevé une chapelle. Il allait sur la partie la plus élevée de la montagne contempler la place de l’autel relevé par Élie. Cette place était ronde, d’environ quatre coudées ; au-dessous coulait le Cison. Itinerarium Ii. Benjamin, in-18, Leyde, 1633, p. 37. Rabbi Iacob, 1258, parle du même autel dans sa Description des tombeaux sacrés (Carmoly, Itinéraire de la Terre Sainte, in-8°, Bruxelles, 1847, p. 184) ; R. Ishaq Hélo, 1334, dans les Chemins de Jérusalem, et l’auteur anonyme, 1537, du lelius-ha-’Abôf, signalent, de même que Benjamin, la caverne du prophète Élie non loin du cimetière des Juifs. Ibid., p. 255 et 448. Au XVIIe siècle, les Juifs avaient encore en profonde vénération l’endroit du sacrifice. Ils y venaient
passer les nuits en prière et lire l’Écriture. Ils gravaient leurs noms sur douze grandes pierres placées en rond autour de l’endroit où, disait-on, avait été l’autel d’ÉHe. Voir les Mémoires du chevalier d’Arvieux, publiés par J.-B. Labut, in-18, Paris, 1735, t. ii, p. 293 ; R. P. Philippe de la Sainte -Trinité, Voyage d’Orient, in-12, Lyon, 1652, p. loi ; Michel Nau, S. J., Voyage nouveau de la Terre Sainte, in-18, Paris, 1679, p. 66 ; Doubdan, Le Voyage de la Terre Sainte, in-8°, Paris, 1666, 3e édit., p. 65. Au xviii » siècle, le jour de la fête de saint Élie, les Juifs s’unissaient aux musulmans et aux chrétiens pour venir à la grotte du saint, au sommet du promontoire, célébrer le prophète. Voyages de Richard Pococke, in-12, Paris, 1772, p. 164. — Le Carmel ne fut pas moins honoré des chrétiens que des Juifs. Le pèlerin de Bordeaux, en
gieux latins ne tardèrent pas à revenir. Les relations des pèlerins et les histoires du xm 8 siècle et des siècles suivants les désignent sous le nom d’Ermites ou Frères du Carmel. Ils occupaient au haut du promontoire la grotte de Saint-Élie et la place de l’ancien monastère, et au-dessous, vers la base de la montagne, la grande caverne appelée par les Arabes El-lihàder (nom par lequel ils désignent le prophète), et par les chrétiens tantôt Saint-Élie, tantôt Saint-Elisée, tantôt l’École des prophètes. Nous les rencontrons aussi, une lieue plus loin vers le sud, près de la fontaine dite également de saint Élie, ou dispersés dans diverses grottes et lieux de la montagne. Ces récits nous les montrent s’efforçant d’imiter la conduite et les vertus des anciens cénobites et des disciples des prophètes, et honorant d’un culte particulier la très
3t J ?*^
Si. — Couvent du mont Catmel. D’après une photographie.
arrivant à la mansio Sycaminos, n’oublie pas de noter : « Là est le Carmel, où Élie offrit le sacrifice, » Itinerar., Patr. lat., t. viii, col. 790. On a attribué à sainte Hélène la fondation d’une église de Saint-Élie au mont Carmel. Les paroles de Nicéphore Callixte, H’. E., viii, 30, t. cxlvi, col. 113, sur lesquelles on appuie cette assertion, ne sont pas claires ; les affirmations de l’historien byzantin sont du reste sujettes à caution. Toutefois, peu après Constantin, on trouve certainement sur le Carmel des monastères et des églises dédiées aux prophètes Élie et Elisée. Antonin de Plaisance, vers 570, rencontrait à un mille de Sycaminos le camp des Samaritains, et à un demi-mille au-dessus visitait un monastère de Saint-Elisée. Itinerarium, Patr. lat., t. lxxii, col. 888. Les cénobites de ces monastères sont ceux probablement qui, au rapport de saint Jérôme, Vita S. Pauli eremitse, Prol., t. xxiii, col. 17, considéraient ces prophètes, dont ils faisaient profession d’imiter le genre de vie, comme leurs pères. Le moine grec Phocas visitait aussi, en 1185, la. grotte d’Élie. Elle était entourée des ruines d’un ancien et grand monastère. Il y trouvait un ermite, qu’il dit originaire de la Calabrc, et que l’on croit être saint Burthold, avec dix religieux ; ils s’étaient élevé au milieu des ruines une demeure avec une chapelle. Dispersés par les musulmans après la bataille de Hatlln (1187), les reli sainte Vierge Marie. Agités par de nombreuses vicissitudes, souvent victimes des persécutions des musulmans maîtres de la contrée, les Frères du Carmel reviennent toujours à la sainte montagne, où nous les retrouvons encore aujourd’hui. Voir Daniel higoumène russe, Pèlerinage, trad. de Noroff, in-4°, Saint-Pétersbourg. 1864, p. 116 ; Thietmar, Pereqrinatio, 2e édit., Laurent, p. 20, 21 et 81 ; Villebrand d’Oldenbourg, Peregrinatio, dans les Peregrinalores medii xvi quatuor, 2e édit., Laurent, in-4°, Leipzig, 1873, p. 183 ; Burkard du Mont-Sion, Descriptio Terrse Sanctse, ibid., p. 83 ; Ricoldo a Monte Croce, Liber peregrinacionis, ibid., p. 107 ; les Pèlerinages pour aller en Iherusalem, dans les Itinéraires français de l’Orient latin, in-8°, Genève, 1880, p. 90 ; Les saints pèlerinages que l’on doit requérir en la Terre Sainte, ibid., p. 104 ; Les chemins et pèlerinages de la Terre Sainte, ibid., p. 180, 189 ; Jacques de Vitry, Histoire, dans Bongars, 1611, p. 1075 ; Marino Sanuto, De secret, fidel., à la suite du Gesta Dei per Francos de Bongars, p. 246, et la plupart des relations depuis le XIIe siècle jusqu’à nos jours.
IV. État actuel. — Si l’antique splendeur du Carmel a disparu, il jouit néanmoins encore d’une beauté relative. Moins dépouillé que les monts de la Samarie et de la
i Judée, les broussailles de chènevert, de lentisque, da
laurier, et les bosquets de pins qui le couvrent dans presque toute sa partie nord lui donnent un aspect verdoyant que l’on retrouve peu ailleurs. Les grands arbres toutefois, nombreux il y a quelques années, achèvent de tomber sous le fer et le feu dévastateurs. Depuis l’établissement d’une colonie allemande près de Caïpha, tout le promontoire s’est couvert de vignobles dont les vins estimés sont expédiés jusqu’en Amérique. Les anciennes bourgades qui couronnaient les sommets du Carmel sont devenues pour la plupart des monceaux de ruines ; mais les quelques villages qui ont survécu aux désastres, comme Esfia, Daliéh, Umm-ez-Zeinat, Tiréh, environnés de
croix. L’autel majeur occupe celui de l’est. Sur un trône qui s’élève au-dessus de l’autel et au fond du sanctuaire, est l’image de Notre-Dame du Mont -Carmel, la Vierge figurée, selon le Bréviaire romain (16 juillet, IVe leçon), par le nuage qu’Élie, du sommet de la montagne du Sacrifice, vit s’élever de la mer au-dessus de ce promontoire. III Reg., xviii, 44. Sous l’autel, entre les deux escaliers en demi-cercle qui mènent au sanctuaire, s’ouvre l’entrée de la grotte d’Élie, la même, on n’en peut douter, que nous avons vue vénérée des anciens pèlerins. Quatre colonnes soutiennent le rocher supérieur de l’entrée. On descend à la grotte par cinq degrés. Elle a cinq mètres
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85. — École des prophètes au mont Carmel. D’après une. photographie.
plantations de figuiers, de grenadiers et de vignes, ont un aspect de prospérité donnant l’idée de ce que devait être la région et de ce qu’elle pourrait être entre les mains d’un peuple nombreux et intelligent, libre et laborieux. Le plus grand nombre des habitants de ces villages sont Druses et chrétiens.
Les pèlerins qui visitent aujourd’hui la Terre Sainte, comme ceux des temps passés, aiment à visiter la sainte montagne du Carmel ; ils dirigent ordinairement leur pèlerinage vers le couvent des Pères Carmes, qui domine le sommet du promontoire (fig. 83). Ce monastère (fig. 81) a été élevé en 1827, sur les débris des anciens, par la main active du Fr. Jean-Baptiste de Frascati, encouragé par te Saint-Siège et aidé des aumônes de toute l’Europe. Solidement construit, en carré, il est couronné par le dôme de l’église, qui occupe elle-même le centre de la construction. Cette église est bâtie en quatrefeuilles, c’est-à-dire est formée de quatre demi-cercles disposés en
en longueur sur trois de profondeur et quatre environ de hauteur. Elle est aujourd’hui transformée en chapelle. Des Druses et des musulmans viennent de fort loin pour y vénérer le souvenir du prophète Élie, qui, dit-on, a habité la grotte. Du monastère on descend, par un sentier étroit, pratiqué sur le flanc nord de la montagne et bordé de grottes qui ont souvent servi d’asile aux cénobites, à la caverne appelée par les gens du pays El-Khâder, et par les Européens l’École des prophètes (fig. 85). C’est une vaste chambre régulièrement taillée dans le roc, assez semblable dans sa forme aux grandes antichambres des sépulcres antiques. Elle mesure quatorze mètres de longueur, huit de largeur et six ou sept de hauteur. Les parois du rocher sont couvertes d’inscriptions dont quelques-unes paraissent anciennes de plusieurs siècles ; elles sont en hébreu, en arabe, en grec, en latin et dans les langues modernes, formées ordinairement des noms des pèlerins qui ont visité l’endroit, avec la date de leur visite,
et quelquefois une invocation. Une excavation pratiquée dans la paroi de l’est paraît avoir été faite en vue de servir de sanctuaire à la grotte convertie en chapelle. Le lieu sert aujourd’hui de mosquée aux musulmans ; il est sous la garde d’un derviche. Les pèlerins de tous les cultes et de tous les rites viennent y prier, comme à la grotte de saint Élie, située dans l’église du monastère. Les traditions actuelles, conformes à celles dont nous avons déjà parlé, veulent que cette salle ait servi de lieu de réunion et de prière aux disciples des prophètes et aux Israélites fidèles, sous la direction d’Élie et d’Elisée. Ses formes et ses dimensions sont en réalité celles d’une ancienne syna pellent ^4 ? » Se’iah, les chrétiens la fontaine de saint Élie, et racontent qu’elle a jailli à la prière du saint prophète. A cent cinquante pas plus loin vers l’est, on trouve les ruines d’un ancien monastère dont quelques pans de murs seuls, avec quelques voûtes ogivales, restent debout. Ces ruines sont celles du célèbre monastère fondé par saint Brocard, où les Carmes reçurent leur règle, en 1207. Une chapelle y a été élevée par les soins des religieux du Carmel.
Si du grand monastère de Notre-Dame-du-Mont-Carmel le pèlerin se dirige par la crête de la montagne vers le sud-est, il rencontre à sa droite, près du chemin venant
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86. — Fontaine d’Élie an mont Carmel. D’après une photographie.
gogue. Si l’Écriture ne donne point de renseignements positifs sur le séjour d’Elie et d’Elisée et de leurs disciples en cette partie de la montagne, elle suppose du moins leur diffusion en divers lieux, et des séjours prolongés des prophètes dans les montagnes du Carmel. Ce choix du Carmel comme leur domicile ordinaire est affirmé, nous l’avons dit, col. 293, par plusieurs des anciens Pères. Les chrétiens assurent de plus que la sainte Famille, à son retour d’Egypte, s’arrêta en cette grotte. Il paraît du moins certain qu’elle a dû passer tout auprès. Elle est à quelques pas du chemin qui vient de l’Egypte, par Gaza, Césarée et le rivage de la mer. Saint Joseph, apprenant qu’Archélaûs régnait en Judée, et voulant éviter d’y passer en se rendant à Nazareth, Matth., ii, 22, semble avoir dû suivre presque nécessairement cette voie du rivage.
A une lieue vers le sud, dans l’enfoncement d’une vallée où l’on cultive l’oranger, le citronnier, le grenadier, la vigne et d’autres arbres fruitiers, est une fontaine sortant du rocher de la montagne (fig. 86). Les indigènes l’ap <ÏEsfia ou de Daliéh, qui descend de la montagne vers Mansourah et le Moqa{(a’(le Cison), un mamelon dont le sommet est couvert de ruines à moitié cachées par des touffes de laurier et de chêne, et où l’on trouve plusieurs citernes toutes entièrement creusées dans le roc ; elles ont le caractère des anciennes ruines de la Palestine. En avant du Khirbet, à l’orient, est un petit plateau où l’on remarque deux carrés d’assises peu distants l’un de l’autre, chacun d’environ quatre mètres de côté. Les bords du plateau étaient soutenus d’un mur dont on voit çà et là les débris. Vers le sud-ouest des ruines est un bloc de rocher tenant au massif de la montagne, taillé en forme de bassin allongé. Ses dimensions intérieures sont celles d’un grand sarcophage. Une ouverture y a été pratiquée à l’un des angles du fond, évidemment pour l’écoulement de l’eau. Deux des côtés extérieurs du roc ont été taillés : celui de la longueur, faisant face au sudest, est à peu près uni ; l’autre, de l’extrémité, faisant face au sud-ouest, porte divers emblèmes sculptés en relief. Au centre est
une couronne de laurier ; la figure supérieure de gauche ! me paraît représenter un pain, et l’inférieure une coupe ; celles de droite n’offrent plus de lignes bien distinctes, la figure supérieure me semble toutefois se rapprocher beaucoup des chandeliers à sept branches de quelques | anciennes sculptures, et celle du bas avoir quelque anaj logie avec la forme des couteaux des sacrificateurs. L’en-’semble est encadré d’une moulure fortement accentuée (fig. 87). Les indigènes appellent cet endroit Daouàbêh,
/s
^o « 5, pluriel inusité, mais composé d’après une forme
- ’" v -, <
1res commune, de â^s^r. >, dabiliah, « sacrifice, » de la ra_ /
cine « j >, dabah, « immoler. » Ce nom, la plate-forme dont
nous avons parlé, assez semblable à un ancien-rénevoç, « enceinte sacrée ; » cette sculpture, analogue à celle du linteau que l’on trouve dans les ruines de Silôn, avec cette différence qu’elle porte davantage l’empreinte des siècles, et
87, — Sculpture sur un rocher du mont Carmel.
qui rappelle les sacrifices ; la situation du lieu au-dessus duCison, près du chemin qui y mène ; la tradition locale indiquant la place du sacrifice dans le voisinage de Mansourah : tout paraît indiquer que c’est ici le lieu le plus célèbre du Carmel, celui de l’autel élevé au vrai Dieu, où Élie offrit l’holocauste consumé par le feu du ciel. 1Il Reg., xviii, 30-32. Je n’y ai pas vii, il est vrai, les douze pierres disposées en rond et marquées de caractères hébraïques dont parlent Benjamin de Tudèle et les pèlerins, mais je ne les ai pas trouvées ailleurs non plus. Elles peuvent avoir été dispersées ou avoir été employées par des maçons ignorants à la construction de la chapelle de saint Élie. Ce monument, consacré à perpétuer la mémoire du sacrifice, a été élevé, il y a peu d’années, par les Pères Carmes, sur le sommet le plus apparent du Carmel. Il est connu dans le pays sous le nom de Mohraqah, « holocauste, » et situé au sud du Daouubéh, qu’il dépasse en hauteur de quelques mètres. Chaque année, le 20 juillet, jour de la fête de saint Élie, les Pères Carmes viennent célébrer l’office divin en ce lieu, et les foules accourent en masse de la Galilée, de la Samarie et de la Syrie pour s’unir à eui et glorifier le grand prophète d’Israël.
V. Bibliographie. — Un grand nombre d’ouvrages et d’études ont été écrits sur le Carmel. Les relations des pèlerins dans lesquelles on trouve les descriptions les plus complètes et les plus exactes, les récits historiques les plus abondants sont les suivants : R. P. Philippe de la Sainte -Trinité, carme déchaussé, Voyage en Orient, traduit par le R. Pierre de Saint -André, in- 12, Lyon, 1052, 1. iii, ch. i, Véritable description du mont Carmel t p. 147-156 ; 1. viii, ch. xi, de la Mission de la Terre
Sainte, p. 471-478 ; le P. Bernardin Surius, récollet, Le pieux pèlerin, ou Voyage de la Terre Sainte, in-8o, Bruxelles, 1666, 1. 1, ch. xx, Description du célèbre mont Carmel, p. 345-348 ; ch. xxi, Récit de l’admirable désert du Carmel, p. 348-351 ; Les mémoires du chevalier d’Arvieux (1660), publiés par le P. Jean-Baptiste Labat, O. P., 6 in-18, Paris, 1735, t. ii, p. 286-318 ; Morisson, chanoine de Bar-le-Duc, Relation historique d’un voyage nouvellement fait au mont Sinaï et à Jérusalem, in-4o, Toul, 1704, ch. xxxiii, Du mont Carmel, etc., p. 558-571 ; de Géramb, Pèlerinage à Jérusalem et au mont Sinaï, 3 in-18, 8e édit., Paris, 1848, t. ii, p. 284-293 ; Mo’Mislin, Les Saints Lieux, 3 in-8o, Paris, 1888, t. ii, p. 37-68 ; Victor Guérin, Description de la Palestine, Samarie, in-4o, Paris, 1876, t. ii, p. 244-278 ; le P. Marie-Félix de Jésus, carme, La ville du Carmel ; les possesseurs du Carmel, dans la revue La Terre Sainte, Paris, 1er juin 1879 ; id., La ville de Sycaminum, ibid., I e1’juillet 1879 ; id., Villes du Carmel, ibid., 15 juillet. Le P. Quaresmius consacre au Carmel le ch. ni de la vni B Peregrinatio, 1. vii, De sacro Carmelo monte, dans Terrse Sanclx elucidatio, 2 in-f°, Anvers, 1639, t. ii, p. 892-896 ; Hadrien Reland, le ch. L, De Carmelo, 1. i, t. s, de la Palsestina ex monumentis veteribus illustrata, in-8o, Utrecht, 1714, p. 327-330. — Pour l’histoire du Carmel, on doit consulter encore le P. Thomas de Jésus, O. C, Libro de la Antiquidad y sanctos de la Orden de Nuestra Senora del Carmen, in-8o, Salamanque, 1599 ; Le P. François de Sainte-Marie, O. C, Hisloria profetica de la Orden deN. S. del Carmen, in-f", Madrid, 1641 ; le P. Philippe de la SainteTrinité, O. C, Theologia Carmelitana seu apologia scholastica religionis Carmelitanse pro tuenda sues nobilitatis antiquitate, in qua ejus fundatio ab Elia propheta et continuata successio hsereditaria demonstratur, in-f°, Rome, 1665 ; les Pères Isidore de Saint-Joseph et Pierre de Saint-André, O. C, Hisloria generalis fratrum discalceatorum ordinis B. M. Virginis Marias de monte Carmelo congregationis S. Elise, 2 in-f", Rome, 1668-1671 ; P. Valentin de Saintvmand, O. C, Prodromus Carmelitanus, seu D. Papebrochii S. J. Acta sanctorum colligentis erga Elianum ord. Carmelit. sinceritas, in-12, Cologne, 1682 ; P. Sébastien de Saint-Paul, O. C, Exhibitio errorum quos D. Papebrockius S. J. suis in notis ad Acta sanctorum conimisit, in-4o, Anvers, 1693 ; Anonyme, Scutum antiquitatis Carmelitanse inexpugnabile, lela oppugnantium, religionem Carmelitanam contra jacula adversariorum erectum et oppositum, in-4, Wilua, 1741 ; F. Jean-Baptiste de Saintvlexis, O. C, Compendium historicorum de statu antiquo et moderno S. montis Carmeli, in-4o, Augsbourg, 1772 ; le P. Julien de SainteThérèse, O. C, Le sanctuaire du mont Carmel depuis son origine jusqu’à nos jours, in-12, Marseille, 1876. Les dissertations et notes du P. Dan. Papebrock sur l’histoire du Carmel, dans les Acta sanctorum, se trouvent au t. m de mai, Tractatus preliminarius de episcopis et patriarchis S. Hierosolymitanse Ecclesise, Parergon i, p. n-iv ; Parergon iii, p. vn-ix ; Parergon vi, p. xix-xxi ; Parergon x et xi, édit. Palmé, p. xlvii-liii ; Parergon xiii, p. lix-lxix ; t. n d’avril, Propylei antiquarii, pars ii, De prælensa qitorumdam Carmeliticorum conventuum antiquitate, p. xxxiii-xli ; Henschen et Papebrock, ibid., t. Ier d’avril, De beato Alberto (8 avril), p. 764-789 ; ibid., nie vol. de mars, De sanclo Bertholdo (29 mars), p. 787-788 ; P. J. Pin, .4cta sanctorum, De sancto Brocardo (Il sept.) ; ibid., 1. 1 de sept., p. 570-782 ; Conrad Janning, ibid., 1. 1 de juin, Pro actis Sanctorun, opuscula apologetica, p. i-xlviii. L. Heidet.
- CARMELI Michel-Ange##
CARMELI Michel-Ange, helléniste et hébraïsant italien, né à Citadella, dans le Vicentin, le 27 septembre 1706, mort à Padoue le 15 décembre 1766. Il entra dans l’ordre des Frères Mineurs et professa les langues orientales à 303
CARMÉLI — CARMES (TRAVAUX DES) SUR LES SAINTES ÉCRITURES 304
l’université de Padoue. Il s’illustra par ses ouvrages sur la philosophie, la théologie et les belles-lettres. La plupart de ses publications ont pour objet les auteurs profanes ; mais on a aussi de lui : Storia di varii costumi sacrie profani degli antichi sino a noi pervenuti, con due disse rtazioni sopra la venuta dcl Messia (la première dissertation a pour objet la prophétie de Jacob : Non auferetur sceptmm de Juda, Gen., xlix, 10, et la seconde : Foderunt manus meas et pedes ineos, Ps. xxi, 17), 2 in-8°, Padoue, 1750, 17(51 ; Spiegamento dell’Ecclesiaste sul testo ebreo, o sia la morale del uinan vivere insecjnata da Salomone, in-8°, Venise, 1765 ; Spiegamento délia Cantica sul testo ebreo, opéra postuma, in-8°, Venise, 1767. — Voir le Journal des savants, 1750, p. 439. A. Régnier.
- CARMÉLITE##
CARMÉLITE (hébreu : karmeli), du Carmel. Le texte sacré indique ainsi la patrie d’Abigaïl, femme de David, veuve de Nabal du Carmel de Juda, I Par., iii, 1, et la patrie d’Hesron, un des vaillants de David. I Par., xi, 37. Hesron était aussi probablement originaire du Carmel de Juda. Le texte actuel des Septante le qualifie, par corruption, de Xap[j.a50u. Ils disent d’Abigaïl qu’elle était Kapjj.r./.ia.
- CARMES##
CARMES (TRAVAUX DES) SUR LES SAINTES
ÉCRITURES. L’ordre des Carmes, que ses traditions font remonter jusqu’aux collèges des prophètes, qui vivaient sur la montagne du Carmel et sur les rives du Jourdain, sous la conduite d’Élie et d’Elisée, IV Reg., il, 1-17, a, pour ainsi parler, ses racines dans les Livres Saints, où il trouve l’histoire de ses origines. Il n’a cessé dans aucun temps de chercher dans l’étude et la méditation de l’Écriture l’aliment principal de sa vie religieuse. Il n’eut d’abord d’autre règle que l’Écriture elle-même. Au commencement du v siècle, Jean, quarante-quatrième patriarche de Jérusalem, lui donna une première règle monastique. Lorsque, au XIIe siècle, après que les croisés eurent rétabli la sécurité sur la sainte montagne, les Carmes dispersés, qui avaient survécu aux persécutions des Sarrasins, s’y furent de nouveau réunis en communauté, sous l’autorité de saint Berthold de Limoges et de saint Brocard de Jérusalem, le patriarche saint Albert, vers 1205, leur donna, sur leur demande, une règle plus courte et plus précise que celle de Jean, son prédécesseur, mais en leur prescrivant toujours pour obligation ordinaire et principale l’étude et la méditation de l’Écriture. Cette règle de saint Albert est demeurée la règle définitive des Carmes, qui l’ont gardée en Occident comme en Orient, et le grand souci des différents législateurs et réformateurs de l’ordre a toujours consisté à procurer ou à rétablir par de sages règlements l’observation exacte de son article fondamental concernant l’étude et la méditation habituelle des Saintes Lettres. De cette application permanente à l’Écriture ont jailli comme d’une source féconde des flots de commentaires ou travaux bibliques. En voici les principaux auteurs.
Saint Berthold et saint Brocard méritent une mention spéciale, au xiie siècle, et par leur science personnelle et par l’impulsion qu’ils donnèrent à l’étude des Saintes Lettres. Gérard de Nazareth écrivit dès lors plusieurs livres ayant trait à l’interprétation des saints Évangiles.
Au xme siècle, il faut citer saint Ange de Jérusalem, Sacrx Scripturse peritissimus ; saint Simon Stock, le zélé propagateur et défenseur du Carmel en Occident, et son secrétaire et confesseur Pierre Swanington, docteur et professeur d’Oxford ; Thomas de Hildesheim, surnommé Chrxjsolithe, docteur et professeur de Cambridge, et Guillaume Ledlington, docteur d’Oxford et provincial de Terre Sainte, qui ont écrit des commentaires.
Le xive siècle fournit, entre beaucoup d’autres, les docteurs et professeurs d’Oxford David Obugæus, lucerna Hibernix ; Hugues Verleius, Jean Bacon, doctor reso lutus, aussi docteur de Paris, auteur de quarante-huit commentaires, et Richard Lavingham, auteur d’un dictionnaire de l’Écriture ; les docteurs et professeurs de Cambridge Jean Clipston, Guillaume Califord et Thomas de ilaldon, auteur d’une Introduction à l’étude de l’Écriture ; les docteurs de Paris Guy de Perpignan, professeur d’Ecriture Sainte au palais apostolique d’Avignon, auteur d’une Concordance des Évangiles ; saint André Corsini, qui enseigna l’Écriture Sainte à Paris avant sa promotion à l’évêché de Fiésole ; Michel Aiguani de Bologne, auteur d’un commentaire in-folio sur les Psaumes ; le docteur de Vienne Frédéric Wagner, qui tous ont laissé des commentaires ; enfin le docteur de Paris, saint Pierre Thomas, de Condom, patriarche de Constantinople, auqueL l’université de Bologne, comme le témoigne Benoit XIV, doit la création de sa faculté de théologie.
Le xve siècle est fécondé par les travaux du bienheureux réformateur Jean Soreth, né à Cæn et mort à Angers, docteur de Paris, et du bienheureux Baptiste Spagnuoli, dit le Manlouan, l’ardent propagateur de la congrégation de Mantoue, le poète émule de son compatriote Virgile, qui venge avec indignation saint Jérôme de l’accusation d’ignorance de l’hébreu, dont le chargeaient les-Juifs, en même temps qu’il explique les causes des variantes qui existent entre les différentes versions de l’Écriture. C’est alors que paraissent Thomas YA’alden, docteur d’Oxford, député par le roi Henri IV d’Angleterre au concile de Pise, pour travailler à faire cesser le schisme d’Occident ; Jean llayton, aussi docteur d’Oxford, qui savait le grec et l’hébreu ; Jean Barath, docteur et professeur de Paris ; Jean Noblet, d’abord docteur en médecine de Paris, puis carme et docteur en théologie, regardé comme l’homme le plus instruit de son temps ; les docteurs et professeurs d’Oxford Henri Vichingham r Guillaume Staphilart, Gualter Hunt, député par l’Angleterre aux conciles de Ferrare et de Florence ; Jules Crestoni, Monæhus Placentinus, qui nous a donné dans lepsautier grec, accompagné d’une traduction latine faite par lui, le premier de nos Saints Livres imprimé en langue grecque, et deux dictionnaires, grec-latin et latingrec, avec une grammaire grecque, pour faciliter l’intelligence de l’Écriture ; David Ésau, de la congrégation de Mantoue, docteur et professeur de Florence ; Humbert Léonard et Mathurin Courtois, docteurs et professeurs de Paris.
Parmi les commentateurs du xvie siècle, nous rencontrons l’Espagnol Albert de Farias, auteur de deux livres sur les hébraïsmes et les héllénismes de l’Écriture ; ledocteur de Paris Claude de Montmartre, professeur au collège des Carmes de la place Maubert ; J.-M. Verrati, docteur et professeur de Bologne et de Ferrare, qui connaissait le grec, l’hébreu et le chaldéen ; Alexandre Blanckart, docteur et professeur de Cologne, théologien et orateur au concile de Trente, qui fit imprimer la Bible en flamand ; J.-B. Rubeo, professeur à la Sapience, l’un dessavants appelés par saint Pie V, lorsque, pour répondre aux désirs du concile de Trente, il forma le projet, que la mort l’em pécha d’exécuter, de corriger l’Anci en Testament ; Lucrèce Tirabosco, docteur et professeur de Bologne, théologien au concile de Trente, auteur d’un ouvrage intitulé Rationes texlus liebraici, et d’un commentaire sur les-Psaurnes ; Laurent Cuper ; Laurent Lauret, professeur à la Sapience et orateur au concile de Trente ; Christophe Silvestrano Benzoni, qui a commenté saint Paul. La deuxième moitié de ce siècle voit les commencements de la réforme de sainte Thérèse. Cette réforme a fourni sur l’Écriture un grand nombre de travaux, fruits du travail solitaire ou de l’enseignement conventuel. Malheureusement beaucoup de ces travaux sont restés enfouis manuscrits dans l’ombre des bibliothèques claustrales, d’où les différentes révolutions du xviiie siècle les ont fait disparaître. Sainte Thérèse elle-même avait écrit à la lumière de ses dons surnaturels un commentaire sue <>
]e Cantique des cantiques ; mais il n’en reste plus que quelques fragments copiés par une religieuse, avant que la sainte n’eût brûlé son manuscrit par humilité. Pour saint Jean de la Croix, on sait que toutes ses œuvres ne sont qu’une savante exposition de l’Écriture dans le sens mystique.
Le vénérable Jean de Jésus -Marie, premier maître des novices de la congrégation d’Italie des Carmes déchaussés, que Bossuet appelait. summus theologus summusque myslicus, se fait remarquer, au xviP siècle, par ses commentaires instructifs et profonds sur le Cantique des cantiques, sur Job, etc. ; le vénérable Pierre de la Mère de Dieu, promoteur des missions de Perse, dont la doctrine avait t’ait à vingtcinq ans l’admiration des docteurs d’Alcala, ses anciens maîtres, ranime le goût des études scripturaires dans plusieurs ordres religieux dont le pape Clément V11I lui avait confié la visite et la réforme ; le vénérable Dominique de Jésus-Marie, le vainqueur de Prague, au milieu d’une vie constamment sollicitée par les affaires et les travaux apostoliques qui lui sont imposés par les princes et les papes, trouve le moyen de Composer deux traités sur les Psaumes, dans le but, disait-il, de rendre plus utile la récitation de l’ofûce divin ; le P. Paul-Simon de Jésus-Marie, légat du pape Clément VIIl auprès du roi de Perse, fixe, dans l’Instruction pour les maisons d’études de sa congrégation, la méthode que suivent encore aujourd’hui les professeurs d’Écriture Sainte dans les couvents des Carmes déchaussés ; le P. Jean-Thaddée de Saint-Elisée, compagnon du précédent et premier archevêque d’ispahan, publie sa traduction du psautier en langue persane, faite par ordre du roi de Perse ; le P. Bernard de Sainte -Thérèse, évêque de Babylone et nonce apostolique en Perse, fonde deux séminaires, le premier à lspahan même, avec la permission du roi, et le second à Paris, au faubourg SaintGermain, dans la rue qui, en souvenir de lui, porte encore maintenant le nom de rue de Babylone, pour l’éducation des ecclésiastiques qui se destinaient à la mission de Perse ; les PP. Séraphin de Sainte-Thérèse, Ferdinand de Jésus, Maurice de la Croix, François de Jésus, François de Jésus-Marie, Louis de Sainte -Thérèse, Antoine de la Mère de Dieu, Marian de Jésus et Joachim de Sainte-Marie, écrivent des commentaires. Une autre réforme, connue sous le nom de réforme de Rennes, opérée par Pierre Behourt et Philippe Thibault, relève dans le même temps les études bibliques dans le Carmel français de l’observance, en y rétablissant dans sa perfection première la vie d’oraison. Citons encore dans ce siècle Henri Silvio, professeur à l’université de Pavie et à la Sapience et théologien de la congrégation de Auxiliis ; LouisJacob de Saint-Charles, de Chalon-sur-Saône, auteur de cent un ouvrages, dont un a pour titre Bibliotheca omnium editionum Bibliorum, usque ad annum Ï500, et un autre Maxima Sanctœ Scripturse bibliotheca, in qua agitur de omnibus Sanctx Scripturse interpretibus omnium nationum et linguarum ; et Jean de Silveira, de Lisbonne, trop légèrement qualifié de compilateur, qui, outre un excellent traité de quatre-vingt-sept pages in-folio de notions préliminaires, a écrit six volumes sur l’Évangile, un sur les Actes et deux sur l’Apocalypse, tous in-folio, où, après avoir donné les sentiments divers sur chaque question avec la plus entière sincérité, il ne manque jamais de motiver son choix de la façon la plus judicieuse.
Au XVIIIe siècle, la réforme de Rennes produit Dorothée de Saint-Irénée avec ses commentaires théologiques, historiques et moraux sur les Rois, les Psaumes et l’Apocalypse ; celle de Mantoue, Georges Vercelloni ; celle de sainte Thérèse, les Pères Pierre-Thomas de Saint-André, Chérubin de Saint-Joseph (Alexandre de Borie), auteur de la Bibliotheca critiese sacrx, 4 in-f", Louvain et Bruxelles, "1704-1700 (inachevée), et de la Summa criticie sacrse, 8 in-8°, Bordeaux, 1709-1716 ; Jean de Sainte-Anne et Anastase de Sainte-Thérèse, qui commente l’Écri ture par l’ordre des supérieurs de la congrégation d’Espagne ; le P. Honoré de Sainte-Marie, si connu par son livre demeuré classique sur les règles et l’usage de la critique, où, dans deux séries de propositions, il traite des difficultés chronologiques et du canon de l’Ancien Testament et de l’inspiration des Saints Livres ; le P. Joseph-Ange de la Nativité, auteur d’un volume in-folio, Lector bibïicus, siie Bibliss sanctx antilogise ad concordiam redactx, juxta mentent Docloris angelici, édité à Crémone, en 1725 ; le P. Didace de Saint -Antoine, auteur de YEnchiridion scripturisticum, 4 in-8° ; le P. Grégoire de Saint-Joseph, qui a écrit Prseliminares introductions ad Sanctam Scripturam ; le P. Léonard de Saint-Martin, Examina scripturisticasensum litteralem complectentia T Il in-12, et Summa scripturistica, 4 in-12 ; le P. Jean de la Croix, de Wurzbourg, très versé dans les languesorientales, auteur de Synopsis historico-critica de ortu, progressu, etc., atque usu hodierno linguse hebraiese ejusque subsidiis, in-8°, et de Libri Exodi harmonia critico-litteralis in locis obscuris.
Enfin le xixe siècle n’est pas moins fécond que les précédents en travaux scripturaires relativement au nombre des religieux : le P. François-Xavier de Sainte-Anne, archevêque de Vérapoly, a donné une version libre de l’Ancien Testament en portugais ; beaucoup de professeurs conventuels ont écrit leurs cours, et d’autres religieux ont composé des commentaires, bien que ces dernierstravaux n’aient pas été, que nous sachions, publiés jusqu’ici. — Tels sont les principaux travaux d’un ordre où l’étude de l’Écriture prend la plus large part de la vie, et où des cours perpétuels et journaliers, auxquels tousles religieux doivent assister ad nutum prioris, entretiennent forcément l’ardeur pour l’intelligence des Saintes Lettres. — Voir Bibliotheca carmelitana, 2 in-f", Orléans, 1752 ; Collectio scriptorum ordinis Carmelitarttm excalceatorum, 2 in-8°, Savone, 1884. F. Benoit.
CARMI. I Par., iv, 3. Voir Charmis, col. 598.
- CARNAÏM##
CARNAÏM (Kxpvoeiv ; Codex Alexandrinus : Kapvsiv), ville forte située à l’est du Jourdain, prise par Judas-Machabée ; elle possédait un temple, xô t£|aevo ; , que le vainqueur réduisit en cendres. I Mach., v, 26, 43, 44. Ce nom n’est autre que l’hébreu Qarnaîm, « les deux cornes, » et se trouve une fois associé à un autre dans Astaroth-Carnaïm, cité primitivement habitée par les Réphaïlcs. et frappée par Chodorlahomor. Gen., xiv, 5. Faut-il pour cela ne faire qu’une seule ville des deux ? La question est controversée. Avec l’auteur de l’article Astaroth 2, t. i, col. 1174-1180 (qu’il faut lire pour les développements), nous croyons que Scheikh Sa’ad, au sud de Naouà, à l’ouest de la route des Pèlerins, représente bien le Carnaïm de Gen., xiv, 5, le Carnsea d’Eusèbe et d& saint Jérôme, Onomaslica sacra, Gœttingue, 1870 f p. 108, 268, le Carnéas de sainte Sylvie, Peregrinatio, 2e édit., Gamurrini, Rome, 1888, p. 31. Mais nous pensons, comme lui, que rien ne s’oppose à ce que le Carnaïm des Machabées, identifié à Camion, ne soit cherché ailleurs. Voir Carnion. A. Leqendre.
- CARNION##
CARNION (rà Kapviov), place forte, d’un accès difficile, située à l’est du Jourdain et prise par Judas Machabée dans sa campagne contre Timothée. II Mach., xii, ’21, 26. Le texte grec nous dit qu’elle possédait un temple consacré à la déesse Atargatis,-b’A-rapi’itstov, ^. 26. On l’a généralement regardée comme identique à Carnaïm, I Mach., v, 26, 43, 44, et à AstarothCarnaïm Gen., xiv, 5-Une opinion récente la distingue de cette dernière et l’assimile à Carnaïm. K. Furrer, Zur osljontanischen Topographie, dans la Zeitschrift des deutsclien Palâslina-Vereins, Leipzig, t. xiii, 1890, p. 198. pense qu’on peut la reconnaître dans l’ancienne "Aypa : /i ou Fpxîva des inscriptions ( cf. V. H. Waddington, Inscriptions grecques
et latines de la Syrie, Pans, 1870, t. iii, p. 561), aujourd’hui une localité du Ledjah appelée Qrein par les uns, Djréin ou Djouréin par les autres, et située au nord-est de Bousr el-Hariri. Pour bien se rendre compte de cette hypothèse et mieux juger la question, il est utile de résu-mer l’expédition de Judas Machabée dans le pays de Galaad, d’après la concorde des deux textes parallèles (I Mach., v, 24-54 ; Il Mach., xîi, 17-31). Le héros asmonéen et son frère Jonathus, après avoir passé le Jourdain, se dirigent vers le nord-est, et au bout de trois jours de marche ils apprennent que les Juifs sont bloqués dans des villes qui forment toute une ligne s’étendant de l’extrémité du Djebel Hauran au lac de Tibériade, Barasa (Bosra), Bosor (Bousr el-Hariri), Alimes (’lima ou Kefr el-Mà), Casphor (Khisfin), Mageth (inconnu) et Carnaïm. Faisant un « détour » vers l’est, ils surprennent Bosor ou Bosra, l’assiègent et la brûlent ; puis ils battent l’armée ennemie à la forteresse de Datheman ; enfin ils soumettent successivement les cités de Galaad. I Mach., "V, 24-36 ; II Mach., xii, 17-19. Pendant que les vainqueurs accomplissent cette tournée, les vaincus se réorganisent. Timothée rassemble une autre armée, très nombreuse, composée de toutes les peuplades de la contrée et d’Arabes salariés ; il vient camper vis-à-vis de Raphon, au delà du torrent, prêt à marcher contre Judas. I Mach., v, 37-39. Mais celui-ci, bien informé de la position de l’ennemi, ne lui en laisse pas le temps : réunissant autour de lui ses six mille hommes, bien disposés en cohortes, il s’avance contre son adversaire, qui compte auprès de lui cent vingt mille fantassins et deux mille cinq cents cavaliers. À l’approche du Machabée si redouté, Timothée prend soin de mettre en sûreté les femmes, les enfants, les bagages des hordes nomades qui l’accompagnent ; il les envoie dans ie fort de Camion, lieu inexpugnable et d’un accès difficile, à cause des défilés de la contrée. II Mach., xii, 20, 21. Après des ordres sévères pris contre les fuyards et les traînards, Judas passe le torrent le premier, suivi de tout son peuple. I Mach., v, 40-43. À la vue de la première cohorte, les ennemis, saisis de terreur, s’enfuient les uns après les autres. Les Juifs les poursuivent avec vigueur et font tomber trente mille hommes. II Mach., xii, 22-23. Jetant leurs armes, les vaincus viennent se réfugier dans le temple de Carnaïm. I Mach., v, 43. Timothée lui-même est fait prisonnier et n’est relâché qu’après avoir promis de rendre à la liberté les Juifs retenus captifs. II Mach., xii, 24-25. Judas s’avance vers Camion, s’empare de la ville, où il tue vingt-cinq mille hommes, brûle le temple (tô téu.£vo< ; ; tô’A-xpyaiitoi) avec tous ceux qui étaient dedans ; « et Carnaïm fut soumise, et elle ne put tenir devant Judas. » I Mach., v, 44 ; II Mach., xii, 26. La campagne finie, les Israélites reprennent le chemin de Jérusalem en passant par Éphron, le Jourdain et Scythopolis. I Mach., v, 45-54 ; II Mach., xii, 27-31.
Si l’on admet cette harmonie du double récit sacré, il est naturel d’admettre aussi l’identité de Camion et de Carnaïm (au moins de Carnaïm de I Mach., v, 43, 44). Du reste, l’historien Josèphe, Ant.jud., XU, viii, 4, racontant les mêmes faits, ne mentionne qu’un seul lieu, Katpvxiv, avec le temple. La version syriaque, de son côté, donne Qarno dans les deux livres des Machabées. Cf. Patrizzi, De consensu utriusque libri Machabseorum, in-4o, Rome, 1856, p. 282. — Il faut avouer ensuite, comme on le reconnaît à l’article Astaroth 2, t. i, col. 1179, que la description de Carnion, « lieu inexpugnable et d’un accès difficile, Sià tt)-j 7cïvtwv twv t(S7tmv <TTev6Tr, Tît, à cause de l’étroitesse de tous les lieux, » ne saurait convenir à Scheihh Sa’ad ou à ses environs immédiats, puisque le village est adossé à une basse colline, au milieu de la plaine. Il faudrait donc alors distinguer Carnion-Cariiaïm d’Astaroth - Carnaïm.
Pour l’emplacement, la question, en somme, dépend beaucoup du site où l’on cherche Raphon et le torrent
au delà duquel Timothée avait pris ses positions. Si, suivant une opinion acceptable, on place cette dernière ville à Er-Ràféh, au nord-est de Scheikh Sa’ad et près de la route des Pèlerins, le torrent que dut franchir Judas Machabée sera l’ouadi Qanaouât, et l’on comprend très bien comment l’armée vaincue aura cherché un refuge dans les singulières et inaccessibles régions du Ledjah. Voir la description que nous avons donnée de ce pays à l’article Argob 2, t. i, col. 951. Pour le temple de Carnion, voir Atargatis, t. i, col. 1199, et spécialement col. 1202. Les troupes défaites se retirèrent dans l’enceinte sacrée, pour y chercher la protection de la divinité qui y était adorée, ou comptant que la sainteté du lieu arrêterait les Juifs comme un asile inviolable. Ce dernier espoir était une illusion, étant donnée la haine profonde des Israélites pour le culte des idoles.
1. CARO Isaac ben Joseph, rabbin du XVe siècle, né à Tolède, oncle du célèbre Joseph Caro. La persécution de 1492 le força de fuir en Portugal ; après six ans de séjour il passa en Turquie. On a de lui : Jôledôt Yishàq, « Générations d’Isaac » (allusion à Gen., xxv, 19), commentaire sur le Pentateuque selon le sens littéral et cabbalistique, in-4o, Constantinople, 1518 ; in-4o, Mantoue, 1559 ; in-4o, Cracovie, 1593 ; in-4o, Amsterdam, 1708.
2. CARO Joseph ben Éphraïm ben Joseph, auteur juif, qu’il ne faut pas confondre avec Joseph Gara ou Qàrà, né en 1488, d’une famille espagnole exilée, habita d’abord à Nicopolis, puis à Andrinople et à Salonique, où il mourut le jeudi 13 nisan 1575. Il est surtout connu par son Sulhàn’ârûk, « Table dressée, » Ezech., xxin, 41, le code de la Synagogue moderne, qui lui fit acquérir une autorité incontestée, surtout dans les communautés juives du rite sephardi. Mais il a laissé aussi des commentaires sur le Pentateuque, conçus d’une façon tantôt simple, tantôt mystique, intitulée Maggid mêsârîtn, « Annonçant la droiture, » ls., xlv, 19 ; la première partie, qui va jusqu’au Lévitique, xiv, 1, a été imprimée in-4o, Lublin, 1646 ; Venise, 1654 ; Amsterdam, 1708 ; la seconde, c’est-à-dire le reste du Pentateuque, in-4o, Venise, 1654 ; Amsterdam, 1708.
3. CARO Joseph Marie, nom sous lequel le B. Joseph Marie Thomasi publia plusieurs de ses ouvrages. Voir Thomasi Joseph Marie. E. Levesque.
- CAROUBE##
CAROUBE (grec : x£pat£ov ; Vulgate : siliqua), fruit du caroubier, Ceralonia siliqua, arbre de grandeur variable, appartenant à la famille des Gésalpiniées, voisine de celles des Papilionacées, dont elle n’est même, selon des auteurs recommandables, qu’une simple tribu. Le caroubier, qui atteint parfois jusqu’à douze mètres de haut, et deux mètres dans la circonférence du tronc, a une ramure puissante, touffue ; ses feuilles sont toujours vertes, persistantes, munies latéralement de plusieurs paires de folioles ovales, glabres, luisantes en dessus, un peu ondulées, légèrement échancrées au sommet, à nervures assez saillantes (fig. 88). Il y a des caroubiers mâles et des caroubiers femelles. Les Heurs du caroubier femelle sont disposées en grappes à l’aisselle des feuilles ; la corolle est nulle, mais remplacée par un disque d’un rouge foncé, petit, pourvu d’un calice à cinq divisions ; les étamines sont au nombre de cinq. Le fruit, ou silique, est long de quinze à vingt-cinq centimètres environ, formé extérieurement d’une enveloppe très épaisse, luisante, rougeâtre. C’est ce fruit qu’on nomme caroube, fève de Pythagore, pain de saint Jean, figuier d’Egypte (fig. 89). L’espace compris entre les graines et l’enveloppe est rempli d’une pulpe rousse, d’une saveur douce et sucrée. Ce fruit faisait autrefois partie de plusieurs compositions laxatives et adoucissantes. Les pauvres et les enfants le mangent. Dans le midi de la France et en Es
pagne on le donne comme nourriture aux chevaux. En Orient, on en extrait un sirop ou sucre liquide qui sert à confire certains fruits, tels que les tamarins, les myrobolans. Indépendamment de cette pulpe, la caroube contient deux rangées de graines aplaties, dures et brillantes, qui, torréfiées avec soin, peuvent servir à préparer un café agréable ; en outre, on en retire une belle teinture d’un jaune éclatant pour les étoffes de prix. Le bois du caroubier est dur, pesant, presque incorruptible, très recherché, à cause de ses qualités, pour les constructions et l’ébénisterie. L’écorce sert au tannage. Voir C. Linné,
celles des fèves, pois, etc., ils employaient le mot XoSoû Les Latins se servaient du mot grec ceronia, Pline, H. N., xm, 16, ou du mot siliqua, c’est-à-dire « fruit allongé », et ils nommaient la caroube siliqua grseca, Columelle, De re rustica, v, 10, ou simplement siliqua. Les Arabes désignaient la caroube par kharub, kharnub, mots qui ont le même sens que siliqua. En égyptien, darouga était le nom de la gousse sèche ; on trouve les formes sémitisées garouta, qarouga, qarouta. Les noms italiens et français carrubio, caroube, çarouge, se rattachent évidemment au mot arabe : ce sont les Arabes qui ont propagé
Caioubier Dessin d’après nature par M. l’abbé Douillard.
Speciesplantarum, 2= édit., 2 in-8°, Stockholm, 1762-1763, 1513 ; E. Boissier, Flora orientalis, 5 in-8°, Genève, 1867-1881, t. ii, p. 632. Le caroubier est indigène à l’orient de la Méditerranée, en S} rie (de Candolle, Origine des planles cultivées, in-8°, Paris, 1883, p. 270) ; il est répandu maintenant dans les diverses contrées qui bordent la Méditerranée ; abondant en certaines parties de la Palestine, comme au Carmel, il y fleurit à la fin de février, et les gousses couvrent l’arbre en avril et en mai.
II. Exégèse. — Le mot « pccui’ov, que la Vulgate rend par siliqua, Luc, xv, 16, désigne certainement la caroube. Il n’en est question qu’une seule fois dans l’Écriture, dans la parabole de l’Enfant prodigue : « Il aurait voulu se rassasier des xEpaTt’a (caroubes) que mangeaient les pourceaux, mais personne ne lui en donnait. » Luc, xv, 16. — Les Grecs appelaient l’arbre xepaTîs’a, « pitia, xepaTMvia, et le fruit xepaTfov, « petite corne, » de la forme du légume. Ils réservaient ce nom à la gousse du caroubier ; pour les gousses des autres légumineuses, comme
cet arbre en Occident. A. de Candolle, ouvr. cité, p. 270. Le caroubier produit une grande quantité de fruits, souvent huit à neuf cents livres. On les donnait en nourriture aux bestiaux et surtout aux porcs. Columelle, De re rustica, vii, 9 ; le Talmud, tr. Schabbat, xxiv, 2 ; tr. Maaseroth, iii, 4 ; cf. Tristram, Natural Hïslonj of Oie Bible, p. 361. La caroube était regardée comme une nourriture vile, dont les plus pauvres gens seulement se nourrissaient quelquefois. Horace, Epist., Il, 123 ; Perse, Salir., iii, 55 ; Juvénal, Sat., xi, 59. On a prétendu, Revue biblique, oetobre 1894, p. 494, que la « terra longinqua » où se retira le prodigue était l’Egypte, la terre des plaisirs raffinés et de la débauche. Si quelques traits de la parabole conviennent à l’Egypte, rien cependant ne l’indique expressément. En tout cas, le caroubier existait abondamment en Egypte dès la xii » dynastie et même auparavant, quoiqu’on l’ait contesté. Loret, La flore pharaonique, 2= édit., Paris, 1892, p. 88-89. Le métier du gardeur de pourceaux, qu’Hérodote distingue positivement des autres bergers, était regardé comme impur
cl méprisable. Hérodote, ii, 45. Chargé de veiller seulement sur ce vil troupeau, le prodigue n’avait pas à lui distribuer sa provision de caroubes ; d’autres mercenaires remplissaient cet office, et nul ne s’occupait du malheureux gardien. Aussi vainement désirait-il remplir son ventre de cette misérable nourriture. On a cru sans raison que le caroubier était l’arbre qui fournissait à saint Jean-Baptiste de quoi se nourrir dans le désert : de là le nom de « pain de saint Jean », ou encore d’ « arbre à sauterelles », qu’on lui a donné, en supposant faussement que
Fleurs et fruit du caroubier.
1. Gousse. — 2. Gousse ouverte, montrant les graines dans la pulpe.
— 3. Fleur hermaphrodite. —
i. Fleur, coupe longitudinale. — 5. Inflorescence du caroubier.
les sauterelles et le miel sauvage que mangeait le Précurseur, Matth., iii, 4, n’étaient pas de véritables sauterelles et du véritable miel sauvage, mais des caroubes.
E. Levesque.
- CARPUS##
CARPUS (KâpTuoc), chrétien de T.roade, qui avait probablement donné l’hospitalité à saint Paul pendant un de ses voyages dans cette ville. L’Apôtre avait laissé chez lui un manteau ((ps), dv7]î, penula), des livres (p16)ia) et des parchemins (u.Eu.gfîva), qu’il recommande à Timothée de lui rapporter. II Tim., iv, 13. On ignore à quelle époque saint Paul avait déposé ces objets à Troade : ce ne fut probablement pas lors du voyage dans cette ville dont parlent les Actes, xx, 6, mais après sa première captivité (64 ou 65) D’après saint Hippolyte, Carpus fut évêque de Béryte de ïhrace, la Berrhoea du pseudo-Dorothée. De septuaginta Domini discipulis, 02, Patr. gr., t. xcii, col. 1065. Dans les Œuvres qui portent le nom de saint Denys l’Aréopagite, Epist., viii, 6, t. iii, col. 1097-1099, l’auteur dit qu’il fut reçu en Crète par le saint évêque Carpus et raconte les visions de ce disciple de saint Paul. On lit le même récit dans une lettre de saint Nil à Olympius, Epist., ii, 190, t. lxxix, col. 300. Les Grecs célèbrent sa fête le 20 mai. Le martyrologe romain la marque au 13 octobre.
- CARPZOV Jean Gotllob##
CARPZOV Jean Gotllob, théologien luthérien, né à Dresde le 26 septembre 1679, mort à Lubeck le 7 avril 1767. Il commença fort jeune des études très’sérieuses, et il eut successivement à Wittenberg, à Leipzig ! etàAltdorf, les maîtres les plus distingués de son temps. ! Il fut ensuite, en 170’2, nommé aumônier de l’ambassadeur | extraordinaire de Saxe et de Pologne en Angleterre, avec i lequel il fit un séjour à Londres ; au retour, il quitta son ambassadeur eiiHollande, etvisita plusieurs des villes prinj cipales de ce pays, puis de l’Allemagne, recherchant par- ! tout les hommes et les objets qui pouvaient l’aider à com- : pléter ses connaissances en théologie et dans les langues orientales. Successivement diacre à Altdresde (1704), à l’église Sainte-Croix de Neudresde (1706), à l’église Saint - Thomas de Leipzig (1708), puis professeur de
langues orientales dans cette dernière ville (1719), il fit des cours sur presque toutes les sciences qui intéressent la théologie. Enfin, en 1730, il accepta l’emploi de surintendant général et de premier pasteur de la cathédrale de Lubeck. Il exerçait encore ces fonctions lorsqu’il mourut, dans la quatre-vingt-huitième année de son âge. Ses ouvrages ont joui d’une grande réputation. On peut citer de lui : Introductio ad libros canonicos Bibliorum Veteris Teslamenti omnes præcognila crilica et historien et auctoritatis vindicias exponens, 2 in-4°, Leipzig, 1721, 1731, 1757. — Crilica sacra Veteris Teslamenti, Pars I circa textum originalera, . II circa versiones, III circa pseudô-criticam Guil. Whistoni sollicita, in-4°, Leipzig, 1728. Il en a paru une traduction anglaise sous ce titre : A défense of t/ie hebrew Bible, with some remarks of Moses Marcus, in-8°, Londres, 1729. — Apparatus historico - crilicus antiquiiatum et Codicis sacri et gentis hebrsese, uberrimis annotationibus in Thomàe Goodmini Mosen et Àaronem, in-4°, Leipzig, 1748. On y a inséré les dissertations suivantes : De synagoga cum honore sepulta ; Eleemosynse Jud&orum ex antiquitate judaica delineatse ; Deus caliginis incola, ex philologia et antiquitate sacra proposilus ; et Discalceatio in loccsacro religiosa, ad Exodi iii, 5, et Jos. r, 15. — Disputationes de pluralitate personarum in una Dei esserttia ad II Sam., vii, 23, in-4°, Leipzig, 1720. — Disputaliones de anno Jobelsco ex Levit. xxv, in-4°, Leipzig, 1730. — Prsefatio, de variis lectionibus in codicibus Biblicis Novi Testamenti, præmissa Justi Wesseli Rumpsei commentationi critiese ad libros N. T. in génère, in-4°, Leipzig, 1730. — Voir J. G. Overbek, Memor^ in-8°, Lubeck, 1767 ; P. G. Becker, Lebens geschichie Carpzov’s, in-f », Lubeck, 1767 ; Baur, dans Ersch et Gruber, Allgemeine Enajldopàdie, t.’xvi, p. 217 ; Tholack, dans Herzog, RealEncyclopédie, 2 a édit., t. iii, p. 149.
A. Régnier.
CARQUOIS. Hébreu : teli, ’aSpâh ; Septante : ! fa.ft-Tpa ; "Vulgate : p/iarctra.
I. Nom. — En même temps que l’arc, la Bible men 80. — Soldat égyptien portant un carquois. D’après Lepsira, Denkmdler, iii, pi. 154. xjx° dynastie. Thèbes.
tionne souvent le carquois destiné à recevoir les flèches. Le premier texte où il en soit question paraît être le passage où Jacob, qui veut donner sa bénédiction à Esaii, lui ordonne de rapporter du gibier. Gen., xxvii, 3. « Prends ton arc, dit le patriarche à son fils, et ton teli. » Le texte samaritain porte : « la maison du carquois ; » les Septante traduisent le mot telî par çapétpa, et la Vulgate par pharetra. Tel paraît être le sens naturel. La versionsyriaque traduit par « épée », mais on ne voit pas quelle
serait l’utilité d’une épée en pareil cas. Le carquois est beaucoup mieux à sa place à côté de l’arc. Voir Gesenras, Thésaurus, p. 1504 b. Dans tous les autres passages, Job, xxxix, 23, et les textes cités plus bas, l’hébreu emploie le mot’aspâh.
Dans les récits de bataille et dans les passages relatifs à l’armement, la Bible ne parle jamais des carquois des Hébreux, mais il est évident que leurs archers devaient en porter un en même temps que leur arc. L’usage du carquois chez le peuple juif est d’ailleurs démontré par les comparaisons qui seront citées plus bas. Le texte sacré nomme aussi les carquois des Élamites, ls., xxii, G, des habitants d’Arad, Ezech., xxvii, 11, et des Mèdes., 1er., li (Septante : xx’in), Il et 12. Jércmie appelle les flèches « les filles du carquois ». Lament., iii, 13. Le texte reçu des Septante porte : îoùç yoLphpxç, « les traits du carquois ; » mais c’est évidemment une faute de copiste pour vioùç,
ils étaient faits ; mais les textes et les monuments nous donnent des renseignements sur les carquois en usage chez les nations qui furent en relations avec le peuple juif. En Egypte, les archers à pied portaient chacun un carquois contenant une provision de flèches et suspendu par un baudrier porté en bandoulière. Pendant la marche le carquois était placé sur le dos du soldat (fig. 90), mais au moment du combat celui-ci le maintenait à la hauteur de la ceinture, du côté gauche, de façon à pouvoir prendre facilement les flèches. Voir t. i, fig. 219, col. 900. Le carquois était fermé par un couvercle. Les archers libyens qui servaient dans l’armée égyptienne portaient leurs carquois de la même façon. Les archers à cheval avaient un carquois suspendu au côté de leur chariot, voir t. i, fig. 226, col. 903, et un autre suspendu à la ceinture, voir t. i, (ig. 210, col. 899. Les carquois égyptiens étaient probablement en bois couvert de peau ; ils étaient ornes
Archers assyriens portant le carquois. — Celui de gauche est d’après Botta, Monument de Ninive, t. i, pi. 13 ; ceux du milieu sont d’après Layard, Monuments of Nineveh, t. ir, pi. 24 (Koyoundjik) ; celui de droite est d’après Layard, ibid., t. i, pi. 80 (Koyoundjik).
qui traduit exactement le mot hébreu béni. C’est du reste la leçon que donne un manuscrit de la bibliothèque de l’église du SaintSauveur, à Bologne. Dans plusieurs passages, le mot’aSpâh de l’hébreu est traduit par un autre mot que carquois dans les Septante ou dans la Vulgate. Ainsi dans le Psaume cxxvii (Vulgate, cxxvi), 5, le texte hébreu, comparant les fils d’un père à la fleur de l’âge aux flèches qui sont dans la main d’un homme puissant, ajoute : « Heureux celui qui en a rempli son narquois. » Les Septante et la Vulgate traduisent : « leur désir. » De même dans Job, xxxix, 23, l’hébreu porte’aspâh. La Vulgate traduit par pharctra, « carquois ; » mais les Septante par xoçov, « arc. » Dans le premier livre des Paralipomènes, xviii, 7, il est dit dans l’hébreu que David s’empara des boucliers d’or des serviteurs d’Adarézer ; les Septante parlent des colliers, et la Vulgate des carquois. Voir Bouclier. De même dans Job, xxx, 11, pour signifier que Dieu le frappe dans sa colère, le texte hébreu porte : « Il a relâché sa corde. » Le mot « corde », yéfér, est traduit dans les Septante et dans la Vulgate par « carquois ». La même traduction du mot yétér est donnée par les Septante et par la Vulgate au Psaume xi (x), 3. L’hébreu porte : « Ils ont ajusté leur flèche sur la corde ; » les Septante et la Vulgate : « Ils ont préparé leurs flèches dans le carquois. »
IL Description. — La Bible ne nous dit rien sur la forme des carquois des Israélites, ni sur la matière dont
de décorations géométriques et de rosettes de métal. VoirWilkinson, The manners and customs of the ancieitt Egyptians, in-8°, Londres, 1878, t. i, p. 207.
Les archers assyriens ont porté d’une manière différente le carquois selon les époques. Au temps de Sennachérib, ils le passaient à la ceinture ou le maintenaient simplement par une courroie horizontale. G. llawlinson, The five great monarchies in ancient Eastern ivorld, 4e édit., Londres, in-8°, 1879, p. 425 et 451. Cf. Layard, Monuments of Nineveh, t. i, pi. 17, 22, 23 ; t. ii, pi. 37, 39. D’autres fois, il était passé dans le baudrier, Layard, ibid., t. i, pi. 78, ou suspendu à la hauteur de la ceinture. Layard, ibid., t. i, pi. 17. Il semble que la manière la plus habituelle de le porter ait été de le placer derrière le dos, en diagonale, de façon qu’on put prendre les flèches pardessus l’épaule droite. C’est ainsi que le carquois est placé dans la plupart des monuments qui représentent des archers, soit à pied, soit à cheval ; qu’ils soient au repos ou qu’ils tirent de l’arc (fig. 911. Layard, ibid., t. i, [il. 23, 26 et 09. Voir t. i, fig. 224, 227J 223, 230, 260, 261, 312, col. 902 905, 983, 1H5. C’est également ainsi que le portent les Élamites qui servent comme archers dans l’armée assyrienne. Voir t. i, fig. 262, col. 985. Le carquois était maintenu dans cette position par une courroie attachée à deux boucles. L’une de ces boucles était fixée au sommet du carquois, l’autre au bas, et l’archer glissait la courroie par-dessus son bras gauche et sa tête.
Les archers montés sur des chars suspendaient leurs carquois au côté du char. G. Rawlinson, ibid., t. i, p. 412, 414, 416 et 451. Cf. Layard, Monuments of Nineveh, t.l, pi. 10, 13, 14, 15, 10. Les carquois attachés aux chars sont ornés de dessins représentant des bandes, des bœufs, des griffons ou des figures mythologiques. G. Rawlinson, ibid., p. 412, 414, 416, 451. Ceux des archers à pied ou à cheval étaient simplement ornés de figures géométriques. On
92. — Écuyer portant le carquois royal. Nimroud. D’après Layard, Monuments of Nineveh, t. i, ’pi. 20.
ignore si ces carquois étaient de métal ou de bois ; mais comme on n’en a trouvé aucun jusqu’ici, il est probable qu’ils étaient de matière fragile. Peut-être les ornements étaient-ils peints. Les rosettes pouvaient être des appliques de nacre, d’ivoire ou de métal. Parfois le carquois est
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93. — Archer susîen. Musée du Louvre.
orné de glands qui pendent par derrière. Layard, ibid., t. i, pi. 72. Sur d’autres monuments on voit à terre, à côté des archers tués à la bataille, les carquois des Élamites, vaincus par les Assyriens. Layard, Monuments of Nineveh, t. ii, pi. 45 et 46. Ailleurs, les Assyriens vainqueurs apportent au roi les carquois des vaincus. Layard, ibid., t. ir, pi. 45. Sur certains monuments on voit au-dessus du carquois des Élamites, auxiliaires des
Assyriens, une tête ronde, c’était peut-être un couvercle destiné à protéger les flèches, peut-être aussi le haut de l’enveloppe où était renfermé l’arc, comme celle que portaient les Égyptiens. Layard, Monuments of Nineveh, 1. 1, pi. 83. Cf. "Wilkinson, loc. cit., t. i, p. 345-347. Les carquois des habitants d’Arad devaient ressembler à ceux des Élamites. Quand le roi d’Assyrie tirait de l’arc à pied, un de ses officiers tenait son carquois à la main, pour
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94. — Carquois de Paris. D’après une photographie.
qu’il put facilement prendre les flèches (fig. 92). Layard, Monuments of Nineveh, t. i, pi. 20.
Les carquois des Mèdes étaient ronds, couverts et fixés par une courroie qui était accrochée à un bouton. G. Rawlinson, The five great monarchies, t. ii, " p. 314. Ceux des Perses, qu’Hérodote, vii, 61, cite comme faisant partie de leur armement ordinaire, étaient également
jOsl
95. — Carquois grée. D’après Ch. Lenormant, Élite des monuments céramographiques, t. ii, pi. 10.
ronds et portés derrière l’épaule gauche. Ils étaient souvent ornés de glands. G. Rawlinson, ibid., t. iii, p. 171 (fig. 93).
Les carquois des Grecs étaient faits de bois, de métal ou de peau. Les monuments nous montrent qu’il y avail différentes manières de le porter. Tantôt il est placé, comme le carquois égyptien, sous le bras droit, à la hauteur de la ceinture, l’ouverture dirigée en avant, Monumenti delY Instituto archeologico, 1. 1, pi. 51. Cf. Helbig,
Das homerische Epos, 2e édit., in-8°, Leipzig, 1887, ! p. 284, fig. 105, et traduct. Trawinski, Paris, 1895, p. 363, j fig. 128 ; Millin, Peintures de vases, t. 1, pi. 3, 10 ; Millin-’. gen, Peintures de vases, édit. Sal. Reinach, 1891, pi. 28 et 33 ; Gollignon, Histoire de la sculpture grecque, in-4°, Paris, 1892, p. 227, fig. 108 ; p. 506, fig. 259. Tantôt il est à la même place, mais l’ouverture placée en arrière. Tel esl le carquois de Paris, sur le fronton du temple d’Égine (fig. 94). Gollignon, loc. cit., p. 297, fig. 146. Tantôt enfin il est porté derrière l’épaule gauche, soutenu par une courroie passée en bandoulière. Il est ainsi placé sur la
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96. — Carquois des auxiliaires asiatiques. Colonne Trajane.
Diane de Versailles. Baumeister, Denkmâler, in-4°, Munich, 1885-1888, p. 132, fig. 140 ; p. 135, fig. 142. Cf. Pindare, Olymp., ii, 151. Plusieurs monuments représentent le carquois couvert d’une peau qui retombe. Gehrard, Auserlesene griechische Vasenbilder, in-8°, 1840-1858, t. ii, pi. cxix ; Millingen, Peintures de vases, pi. 35 et 44. Le carquois était terminé par une calotte hémisphérique (fig. 95). Helbig, Das homerische Epos, p. 284, fig. 105 ; Winkelmann, Monum. ined., 119. Cf. Baumeister, Denkmâler, p. 1338, fig. 119.
Les Romains avaient des carquois pour y renfermer leurs javelots. Josèphe, Bell, jud., III, v, 5. Les archers qui servaient dans les troupes auxiliaires devaient également avoir des carquois pour leurs flèches, mais ils ne sont pas souvent représentés sur les monuments. Sur la colonne Trajane on voit cependant des cavaliers sarmates, servant dans l’armée romaine et portant le carquois en bandoulière, l’ouverture dirigée vers l’épaule droite. Montfaucon, Antiquité expliquée, t. iv, pi. 53. Au contraire, les auxiliaires asiatiques représentés sur le même monument portent un carquois dont l’ouverture est dirigée vers l’épaule gauche. Frôhner, Colonne Trajane, pi. 47 (fig. 96). On voit aussi sur la planche 8 des carquois faisant partie d’un trophée. Ce sont des carquois daces. Ils portent à la partie supérieure une peau qui servait à protéger les flèches et qui est rabattue.
III. Métaphores tirées du carquois. — La Bible se sert plusieurs fois de métaphores tirées de l’usage du carquois. Isaïe, xlix, 2, pour montrer la protection de Dieu sur lui, dit que le Seigneur l’a rendu semblable à une flèche bien polie et l’a serré dans son carquois. Jérémie, v, 16, compare le carquois d’une nation puissante qui attaquera Israël et dont Israël ignorera la langue à un sépulcre ouvert. Voir aussi Eccli., xxvi, 15.
E. Beurlier.
- CARRIER##
CARRIER (hébreu : hôsêb ; Septante : XatoVo ; ; Vulgâte : latomi, qui csedebant saxa ou lapides ; cessores lapidum), ouvrier qui extrait la pierre de la carrière.
III Reg., v, 15 (hébreu, 29) ; IV Reg., xii, 12 (hébreu, 13) ; I Par., xxii, 2, 15 ; II Par., ii, 2, 18 (hébreu, 1, 17) ; xxiv, 12 ; I Esd., iii, 7. Voir Carrière.
1. CARRIÈRE (hébreu : malfsêb, de hâsab, « tailler ; » massa 1, de nâsa’, « extraire ; » maqqèbét, de nâqab, a creuser ; » pâsîl ou pesîl, au pluriel seulement, de pâsal, « tailler ; » les Septante n’ont que l’adjectif lxzo[i.r r tô : , dérivé de), iTOqu’a, « carrière ; » Vulgate : lapicidina,
IV Reg., xxii, 6 ; II Par., xxxiv, 11), lieu d’où l’on extrait la pierre.
I. Mention des carrières dans l’Écriture. — 1° Le livre des Juges, iii, 19, 26, parle deux fois du passage d’Aod par « Pesilîm qui est à Gilgâl » (texte hébreu). Les pesîlîm sont ordinairement des idoles taillées. Mais ici la version syriaque et là paraphrase chaldaïque donnent à ce mot le sens de « carrières, » de lieux où l’on taille la pierre. Ce sens est aussi conforme que l’autre à l’étymologie de pesîlîm ; il peut convenir au dérivé de pâsal comme à celui de hâsab. Toutefois la Bible hébraïque ne présente aucun autre exemple pour l’autoriser. C’est donc au contexte qu’il faut demander s’il doit être adopté ou écarté. Bon nombre de localités portaient le nom de Gilgâl ou Galgala en Palestine. À trois kilomètres au sudest de Jéricho se trouve l’ancienne Galgala, aujourd’hui Tell-Djeldjoùl, voisine de l’endroit où les Hébreux passèrent le Jourdain. Jos., iv, 19. Voir la carte, 1. 1, col. 1588. Celte Galgala est bâtie dans une plaine d’alluvion, et aucun auteur n’y signale l’existence de carrières. Par contre, il ne serait pas étonnant que le roi de Moab, Églon, une fois maître de Jéricho, eût établi un centre idolâtrique dans une localité déjà célèbre parmi les Hébreux par les douze pierres commémoratives que Josué y avait fait placer. Jos., iv, 20. À une douzaine de kilomètres à l’ouest de Jéricho, vis-à-vis de la montée d’Adommim, à peu près à la hauteur de Tul’at ed-Demm, il existait une autre Galgala, appelée aussi Gelilôt, Jos., xv, 7 ; xviii, 17 (hébreu), près de laquelle pouvaient se trouver des carrières. De fait, on voit encore à cet endroit, dans la partie inférieure du ravin, des excavations artificielles dont plusieurs sont peut-être fort anciennes. V. Guérin, La Terre Sainte, Paris, 1882, p. 206. Ces deux Galgala sont les seules auxquelles le récit sacré puisse faire allusion. Aod vient donc de Galgala, où sont les pesîlîm, et, après avoir tué Églon, « il traverse » l’endroit des pesîlîm, arrive à Seirath, et de là dans la « montagne d’Éphraïm, » nom qui désigne le territoire montagneux de cette tribu, au nord de Benjamin. Mais par quelle-Galgala passe-t-il ? Pour le décider, il faudrait savoir où résidait Églon. Ce roi avait pris Jéricho ; mais le texte ne dit nullement que, dix-huit ans après la conquête, il y demeurât encore. Jud., iii, 13, ii. Églon pouvait tout aussi bien demeurer dans le territoire proprement dit de Moab, à l’est du Jourdain. De là deux hypothèses possibles. Si Églon réside à Jéricho, voir t. i, col. 715, il est fort invraisemblable qu’Aod passe par Galgala du Jourdain pour retourner en Éphraïm ; il doit bien plus probablement repartir par Galgala, en face d’Adommim, où se trouvent les pesîlim, les « carrières » dans lesquelles il lui est facile de se cacher en cas de poursuite. Si, au contraire, Églon réside à l’est du Jourdain, il est tout naturel qu’il revienne par Galgala de la plaine, où se trouvent les pesilim, les « idoles ». Il redescend ensuite de la montagne d’Ephraïm, et barre les gués du Jourdain aux Moabites, qui s’étaient établis à Jéricho et à l’ouest du fleuve. Rosenmùller, Scholia, Judices, Leipzig, 1835, p. 64, entend ici pesîlim dans le sens de « carrières ; » Gesenius, Thésaurus, p. 1116, estime que le sens d’ « idoles » est plus sur.
2° Quand le temple de Jérusalem fut bâti, ce fut « aveo
des pierres intactes de carrière, » si bien qu’on n’entendit ie bruit d’aucun outil pendant la construction. III Reg., vi, 7. La carrière est ici appelée massa’. On en extrayait les pierres toutes préparées pour être mises en place. — Quand il fallut réparer le temple sous Joas, on paya un salaire aux « tailleurs de pierres, » hôsbê hd’ébén, et l’on se procura du bois et des « pierres de carrière, » ’abnê niahsêb. IV Reg., xii, 12 (hébreu, 13). Sous Josias, on tira dans le même but des pierres des carrières, de lapicidinis, comme traduit ici la Vulgate. IV Reg., xxii, 6 ; II Par., xxxiv, 11. Le sens du mot mahsêb est donc bien déterminé par cette traduction, comme aussi par le mot ).xTotXï|toy ; , qu’emploient les Septante. Dans les Targums, on trouve mahàsâb et mahsâbayyd’avec le sens de « carrière ». Scheb., 37. Buxtorf, Lexicon chaldaicum, Leipzig, 1875, p. 417.
3° Enfin Isaïe, li, 1, parlant aux Israélites de leur ancêtre Abraham, s’exprime ainsi : « Écoutez-moi, vous qui suivez la justice et qui cherchez Jéhovah : examinez la pierre dont vous avez été taillés et la carrière profonde (mot à mot : « la carrière fosse, » maqqébét bar) dont vous avez « té tranchés. » (Vulgate : « la caverne de la citerne dont vous avez été taillés. » ) Dans la plupart de ces passages, le sens de « carrière » ne s’est pas présenté avec netteté aux traducteurs, ce qui tient sans doute à la diversité des mots employés en hébreu.
IL Les carrières royales. — Les pierres qui ont servi à la construction du temple ont été extraites des carrières appelées royales. En décrivant le parcours du troisième mur d’enceinte qui enfermait le faubourg de Bézétha dans la ville de Jérusalem, Josèphe dit que ce mur passait par les <rirr)), aia ftaat).ixâ, « cavernes royales ». Bell, jud., V, iv, 2. Dans sa description de Jérusalem, Tacite, Hist., v, 12, mentionne aussi des « montagnes avec des cavités souterraines ». En 1854, une partie du mur voisin de la porte de Damas s’écroula, et fit apparaître une petite ouverture. Cette ouverture donnait accès dans de vastes carrières souterraines, que les Arabes appelèrent Maghâret el-Qoutoun, ou caverne du Coton, du nom d’un marché à coton qui existait dans les environs (fig. 97). Voici la description qu’en fait Gérardy Saintine, consul de France en Orient, Troisansen Judée, Paris, 1860, p. 197-202 : « Rien de plus saisissant que ces grottes… Des salles immenses, soutenues par des colonnes naturelles, laissent s’ouvrir dans leurs parois des percées sombres et béantes, qui pénètrent dans d’autres chambres non moins grandes. À gauche, c’est un amas confus, désordonné, de roches entassées, un chaos d’énormes blocs de calcaire, soutenus par d’autres blocs roulés pêle-mêle… Devant moi d’autres blocs immenses, qui pendent perpendiculairement, semblent me reprocher mon audace et me menacer de leur chute. Partout la trace de l’industrie humaine, la preuve évidente d’un grand génie constructeur… On retrouve dans la coupe du calcaire le même procédé dont ou s’est servi pour creuser la plupart des excavations des vallées de Hinnom et du Cédron. Les pierres, séparées du rocher par des entailles verticales d’un décimètre de largeur, .affectent dans leurs concavités la courbe d’un quart de cercle. Je crois ces coupes pratiquées avec une scie ou plutôt un disque circulaire, qui, mis en mouvement par un archet, opérait une demi-révolution. Aujourd’hui encore les maçons arabes qui veulent percer un mur emploient un instrument de ce genre. L’entaille faite et suffisamment profonde pour l’épaisseur qu’on désirait conserver à la pierre, on en détachait avec un pic ou un levier la face postérieure adhérente au roc, ce qui explique la grande largeur des entailles. Ainsi la pierre se trouvait, par l’opération même de l’extraction, taillée sur trois de ses surfaces. » Quand la pierre était détachée de la paroi, il ne restait plus qu’à aplanir la quatrième face, ainsi que les deux bases du parallélépipède ; puis on la transportait à pied d’œuvre. C’est ce qui explique qu’aucun bruit d’outil ne fut entendu pendant la construction du temple.
III Reg., vi, 7. « Si nous prenons maintenant, continue G. Saintine, la mesure du vide laissé par les pierres enlevées, nous trouvons qu’elle coïncide parfaitement avec la grandeur des blocs, … qui forment, dans certaines parties, le soubassement des murailles actuelles de la ville et du temple. Eu outre, la composition du calcaire est la même… Autrefois on pénétrait dans ces carrières par une grande et large porte comblée par les terres, mais dont on distingue parfaitement encore les vestiges dans l’excavation, à gauche. La profondeur de cette excavation, jusqu’au fond de laquelle s’aperçoivent les traces de l’ancienne porte des carrières, est de ll m 90. Le pied de la porte de Damas est à 12 m 61 plus bas que l’ouverture actuelle des carrières, et l’on retrouverait facilement les m 74 de différence de niveau entre les deux portes, si l’on enlevait les immondices qui sont au fond de cette excavation, s Voir aussi, pour la description de ces carrières, Simpson, The royal caverns or quarries of Jérusalem, dans le Palestine Exploration Fund, Quarterly Stalement, 1869, p. 373-379. Le calcaire de ces carrières, appelé malkéh, ce royal, » est très blanc, assez tendre et durcissant à l’air. Il contient des débris de rudistes et d’autres mollusques. Il est surmonté d’un banc oolithique, à la partie supérieure duquel se trouve une assise de calcaire marmoréen gris clair et très compact, appelé missih. Lartet, Essai sur la géologie de la Palestine, Paris, 1869, p. 175. On voit dans la carrière un certain nombre de blocs qui gisent sur le sol et qui étaient prêts à être emportés. D’autres n’ont pas été détachés de la paroi, à laquelle ils adhèrent par leur quatrième côté. Pour détacher ces blocs, les carriers employaient aussi sans doute la méthode égyptienne. Ils introduisaient des coins de bois sec à l’endroit où le bloc devait être séparé de la paroi, puis ils les mouillaient. Par leur gonflement, les coins faisaient détacher la pierre de la masse à laquelle elle ne tenait plus que par un côté. Guérin, La Terre Sainte, Paris, 1882, t. i, p. 34. Parmi les pierres ainsi préparées, il en est dont les dimensions sont énormes. L’une d’elles, encore dans la carrière, forme un cube qui a sept ou huit mètres sur chaque face. Dans les soubassements du Harana, les blocs ont de l m à l m 90 de hauteur, et de m 80 à 7 m de longueur. On en signale un qui a jusqu’à 12 m de longueur sur 2 m de hauteur. Le poids d’une des pierres angulaires est estimé à plus de cent tonnes. Wilson, The recovery of Jérusalem, 1871, t. i, p. 121. Les ouvriers de Jérusalem n’étaient pas plus embarrassés pour transporter et mettre en place ces énormes blocs, que les Égyptiens et les Assyriens pour remuer leurs statues colossales. Ces transports se faisaient à force de bras, au moyen d’un système assez simple de rouleaux et de cordes. Du reste, lorsqu’il fallut élever le temple de Salomon, quatre-vingt mille ouvriers furent employés à la taille des pierres et à leur mise en place et soixante-dix mille aux transports, sous la conduite de trois mille trois cents contremaîtres. III Reg., v, 15-16. Grâce à ce nombre d’ouvriers, la construction du temple fut terminée en sept ans. Hérodote, ii, 124, rapporte que pour édifier la pyramide de Chéops, on employa pendant vingt ans cent mille hommes, qui se relevaient tous les trois mois. Les carriers, hosebîm, IV Reg., xii, 13, étaient sans doute à peu près tous des Israélites. Mais parmi les contremaîtres, il devait se trouver bon nombre de Phéniciens. Ces étrangers avaient d’ailleurs la direction du travail. C’est ce dont on a trouvé une preuve assez inattendue : comme les carriers d’aujourd’hui, ceux d’autrefois notaient de signes particuliers les pierres taillées à la carrière, afin de leur assigner dans l’œuvre la place pour laquelle on les avait préparées. Or Warren, Underground Jérusalem, 1876, p. 420-423, dans des fouilles qu’il a pu pousser jusqu’à vingt-quatre mètres de profondeur à l’angle sud-est de la muraille du temple, a retrouvé sur une pierre différents signes à la peinture rouge, et entre autres trois lettres phéniciennes. qui équivalent à O, Y et Q de l’alphabet latin. La pierre qui porte ces
marques appartient aux assises inférieures de la muraille, par conséquent à celles qui n’ont jamais été à découvert. Les signes qui pouvaient exister sur les pierres des assises supérieures ont du disparaître rapidement. Les signes et les lettres ainsi retrouvés sont identiques à ceux qu’on remarque assez fréquemment dans les constructions phéniciennes de Syrie, spécialement à Sidon, à Damas, à Afka et à Baalbek. Cf. "Vigoureux, La Bible et les découvertes modernes, 5e édit., t. iii, p. 460-462. Beaucoup de pierres encore en place sont posées en délit, c’est-à-dire dans un sens qui n’est pas celui qu’elles occupaient dans le lit de la carrière. Cette disposition n’est pas favorable en général à la solidité de la construe que Josèphe, Bell, jud., v, rv. 12, s’exprime avec une parfaite exactitude, quand il dit que « le mur s’étendait à travers les cavernes rovales ». Cf. V. Guérin, Jérusalem, Paris, 1889, p. 265."
III. Les autres carrières principales de Palestine.
— On trouve en Palestine un très grand nombre d’autres carrières qui ont été exploitées dans les temps antiques, soit à. ciel ouvert, soit en souterrain. Les plus remarquables sont celles de Beit-Djibrin, anciennement Bétogabra et Éleuthéropolis, à mi-chemin sur la route de Jérusalem à Gaza. Elles se composent d’une trentaine de superbes salles, avec des voûtes régulières taillées en forme d’entonnoirs renversés et percées dans le haut d’une ou 87. — Tue Intérieure des carrières royalos h Jérusalem.
tion, la pierre étant sujette à s’écraser sous une pression exercée dans un sens nouveau. Mais l’examen de la carrière fournit l’explication de cette anomalie. L’épaisseur du banc malkéh est telle, que l’exploitation par prismes rectangulaires s’imposait. Quand ces longs prismes ne s’étaient pas brisés dans leur chute, on s’en servait pour en faire les larges et solides assises d’une muraille construite sans mortier. — Simpson, The royal caverns, loc. cit., p. 375 ; Socin, Palâstina und Syrien, 1891, p. 109 ; Chauvet et Isambert, Syrie, Palestine, 1882, p. 32 î, attribuent aux carrières royales une largeur d’une centaine de mètres et une longueur de deux cents dans le sens du sud-est. Ces dimensions ne s’appliquent qu’à la principale excavation. Tout l’intérieur du massif de Bézétha est sillonné de galeries, et l’exploitation s’étend sous toute la partie septentrionale du mont Moriah. De Vogué, Le temple de Jérusalem, p. 2. Dans certaines directions, des voyageurs ont pu s’avancer jusqu’à huit cents mètres. Les excavations qui portent aujourd’hui le nom de grotte de Jérémie faisaient autrefois partie des carrières royales. L’enceinte construite par le roi Agrippa les en a séparées, de sorte DICT. LVE LA BIBLE.
verture qui donne de la lumière. L’une d’elles mesure jusqu’à trente mètres de long. Plusieurs de ces salles présentent à l’intérieur des rangées parallèles de petites niches étroites_ et peu profondes, qui paraissent n’avoir eu d’autre destination que l’ornementation de la paroi. Ces chambres souterraines ont été creusées dans le calcaire crayeux de la colline Araq el-Mouïéh, « colline rocheuse de l’eau, » ainsi nommée à cause d’une petite caverne d’où sortait une source aujourd’hui obstruée par les éboulements. Une partie de ces excavations est maintenant écroulée, et l’on en a extrait des matériaux de construction. Comme l’accès en est facile, elles ont été certainement connues des anciens Israélites, et ont pu servir de refuge dans les guerres contre les Philistins. Il est probable qu’elles sont l’œuvre de.s Chorréens ( lïorim, « habitants des cavernes » ). Leur construction élégante témoigne d’une habileté considérable. V. Guérin, Judée, 1868, t. ii, p. 309. — Beaucoup d’autres localités renferment d’antiques carrières. On en voit à Tell es-Safiéh, « colline de la blancheur, » où elles sont creusées dans un calcaire tendre et blanchâtre ; à Khirbet el-A trabéh,
II. — 11
où subsistent encore toute une suite de salles analogues à celles de Beit-Djibrin, mais à moitié détruites. « Ces excavations remarquables, dit V. Guérin, Judée, t. ii, p. 99, de même que les autres que j’avais observées depuis Tell es-Safiéh, me paraissent être d’antiques carrières qui, après avoir été exploitées dans le but d’en extraire des pierres, ont dû servir ensuite d’habitations, soit permanentes, soit temporaires, ou peut-être d’entrepôts pour les grains et autres provisions aux populations troglodytes qui, sous le nom de Horim, ont séjourné primitivement dans ces contrées. » À Deir Doubban, les vastes excavations pratiquées dans le tuf d’une extrême blancheur supposent l’existence d’une ville assez importante. À un kilomètre de là, A’rak ed-Deir Doubban possède un triple groupe de souterrains. Le premier, le plus important, se compose d’une quinzaine de superbes salles communicantes, mesurant en moyenne dix-neuf pas de diamètre et de huit à douze mètres de haut. Khirbet A’rak Hala présente aussi, parmi ses excavations considérables, une galerie comprenant sept grandes salles à coupoles, qui servent de refuge aux bergers et à leurs troupeaux. V. Guérin, Judée, t. ii, p. 90, 104, 314. Enfin au tiers de la hauteur du mont Garizim s’ouvrent des grottes spacieuses, qui paraissent avoir servi de carrières pour l’extraction des calcaires. Lartet, Géologie de la Palestine, p. 205.
IV. Allusions bibliques aux carrières. — Les écrivains sacrés ne pouvaient manquer de faire allusion à ces excavations, si multipliées sur le territoire de la Palestine. Elles servaient souvent de refuge, concurremment avec les cavernes naturelles. I Reg., xiii, 6 ; xiv, 22 ; xxiii, 23 ; 1 Mach., ix, 38. Ces « abîmes de la terre » sont l’image de l’enfer dans lequel descendra le méchant. Ps. lxii, 10. Isaïe, II, 10, dit à la créature qui se trouve en face de la majesté de Dieu : « Entre dans la pierre, cache-toi dans la poussière, par la terreur de Jéhovah. » Les carrières s’effondraient parfois sur les malheureux qui y avaient cherché un asile. Il semble que les condamnés du dernier jugement envieront ce sort : « Ils diront aux montagnes :
Tombez sur nous, et aux collines : Couvrez-nous. » Luc, xxiii, 30 ; Os., x, 8.2. CARRIÈRE François, d’Apt, Mineur conventuel du XVIIe siècle, de la province de Provence, dite de Saint-Louis, dont il fut définiteur perpétuel, docteur en théologie, pénitencier apostolique, prédicateur du roi très chrétien, a publié : 1o Medulla Bibliorum, exprimens summatim quse quilïbet Testamenli liber Veleris continet, et proferens ordinatam ex quatuor Evangelistis seriem Vitse Christi, servato rerum gestarum ordirie, loco, et tempore, cum brevi elucidatione, et Aclus apostolicos, Epistolas, Apocalypsim capitatim exponens, in-f°, Lyon, 1660 ; 2o Commentarius in universam Scripturam, sensum litterss referens capitatim cum brevi et so^ lida latentium et insurgentiùm quœstionum resolutione, et principalium totius Codicis Biblici antilogiarum numéro quinquagintarum conciliatione in calce cujusque libri, in-f°, Lyon, 1663. À cet ouvrage est jointe une étude sur les mesures et les monnaies des Hébreux.
P. Apollinaire.
- CARRIÈRES##
CARRIÈRES (Louis de), prêtre de l’Oratoire de Jésus, né au château de la Plesse en Avrillé, près d’Angers (Maine-et-Loire), le 1er septembre 1662, mort à Paris le Il juin 1717. Il est connu par son Commentaire littéral, inséré dans la traduction française. Ce commentaire, d’un genre absolument nouveau quand il parut, embrasse la Bible entière et contient une explication très courte du texte sacré, divisé en paragraphes. Quelques mots seulement sont joints par manière de paraphrase à la version française de Sacy, pour la rendre plus claire et plus intelligible ; ils sont imprimés en caractères italiques, de telle sorte qu’à première vue on distingue la parole du commentateur de celle de Dieu. Le texte latin est reproduit à la marge, et de courts avertissements, placés en tête de
chaque livre, servent d’introduction. L’explication a été estimée par de bons juges la plus simple et la plus conforme au texte ; la liaison des phrases est en général juste et naturelle, et le plus souvent les mots ajoutés éclaircissent les obscurités sans altérer le sens. Cependant le P. de Carrières n’a pas toujours suivi les sentiments des Pères et des meilleurs interprètes. On remarque dans sa paraphrase quelques erreurs, des hypothèses peu justifiées et des opinions aujourd’hui surannées. — À cause de son utilité, elle a été réimprimée plusieurs fois. La première édition parut chez différents libraires de Paris et de Reims, de 1701 à 1716, en 22 vol. in-12. Après la publication des premiers, Bossuet encouragea l’auteur et lui prédit le succès de son ouvrage. Il en recommandait la lecture et assurait qu’on pouvait en retirer plus de fruits que des grands commentaires. L’opinion si avantageuse de l’évêque de Meaux décida l’abbé deVence à publier à Nancy une nouvelle édition, revue, corrigée et augmentée, 1738-1741, 22 vol. in-12. Une troisième édition parut à Paris, 1740, en 5 vol. in-8° ; une quatrième, 1747, 10 in-8° ; une cinquième, 1750, 6 in-4o, Rondet reproduisit la paraphrase du P. de Carrières, avec de légères corrections, dans les différentes éditions de sa Bible, dite Bible d’Avignon, et plus tard Bible de Vence. Dans la première moitié du xixe siècle, elle fut jointe, à Lyon et à Besançon, aux commentaires de Ménochius. L’abbé Sionnet, 1840, et l’abbé Drioux, 1884, l’ont adoptée comme traduction française dans leurs commentaires de la Bible. Elle a donc passé et passe encore dans les mains et sous ies yeux d’un très grand nombre de lecteurs. — Voir Rondet, Sainte Bible en latin et en français, 3e édit., Toulouse et Nimes, 1779, Avertissement, p. iii-vii ; Journal des Savants, t. xlix, p. 221 ; t. liv, p. 265 ; Glaire, Introduction historique et critique, 2e édit., 1843, t. i, p. 264-265 ; C. Port, Dictionnaire historique de Maineet-Loire, 3 in-8o, Paris et Angers, 1878, t. i, p. 556.
E. Mangenot.
- CARTHA##
CARTHA (hébreu : Qartâh ; Septante : Kâ8rjç ; Codex Alexandrinus : KapOà), ville de la tribu de Zabulon, donnée, « avec ses faubourgs, » aux Lévites de la famille de Mérari. Jos., xxi, 34. Elle n’est mentionnée ni dans la liste des possessions de la tribu, Jos., xix, 10-15, ni dans la liste parallèle des cités lévitiques. I Par., vi, 77. Eusèbe et saint Jérôme, Onomastica sacra, Gœttingue, 1870, p. 110, 271, n’en connaissaient plus l’emplacement, et nous sommes encore, à ce sujet, dans la même ignorance. Van de Velde, Mernoir to accompany the Map of Ihe Iloly Land, Gotha, 1858, p. 327, a proposé de l’identifier avec El-Harti, village situé sur les bords du Cison, sur les confins d’Aser et de Zabulon ; mais il n’y a entre les deux noms qu’un rapport insuffisant. La similitude serait plus complète avec Khirbet Qîréh entre Tell Keimoun et Abou-Schouschéh, si ce point ne semblait plutôt
appartenir à la tribu d’Issachar.CARTHAGINOIS. La Vulgate, Ezech., xxvii, 12, nomme, à la suite des Septante, les Carthaginois comme trafiquant avec Tyr ; mais il n’est point question d’eux dans le texte original, qui porte Tharsis, contrée différente de Carthage. Voir Tharsis.
- CARTHAN##
CARTHAN (hébreu : Qartân : Septante : ©eupuiv ; Codex Alexandrinus : Noe^suiv), une des trois villes de la tribu de Nephthali assignées, « avec leurs faubourgs, » à la famille lévitique de Gerson. Jos., xxi, 32. La liste parallèle de I Par., vi, 76, porte Cariathaïm ; malgré la différence de forme, c’est le même mot : Qiryâtaim est le duel de qiryâh, « ville, » tandis que Qartân vient de qérét, qui a la même signification et dont le duel est Qartaîn = Qartân (comp. Dotaîn = Dotân, Gen., xxxvii, 17 ; IV Reg., vi, 13). Les Septante ont dû avoir un texte différent sous les yeux. Eusèbe et saint Jérôme, Onomastica sacra, Gœttingue, 1870, p. 110, 272, mentionnent simplement Cartham, Καρθάμ, comme ville lévitique, de la tribu de Nephthali, sans autre indication. On a supposé qu’elle pouvait subsister dans Khirbet Katanah, site ruiné, au nord-est de Safed. Cf. Keil, Josua, Leipzig, 1874, p. 168. C’est une conjecture sans preuves.
CARTHENY (Jean de) ou Cartigny, théologien de l’ordre des Carmes, mourut en 1580. Il fit profession de la vie religieuse à Valenciennes, fut reçu docteur en théologie et remplit diverses charges de son ordre. Fort versé dans la connaissance de l’hébreu, il avait composé divers commentaires restés manuscrits sur les psaumes pénitentiaux et sur l’Apocalypse. Parmi ses ouvrages imprimés, nous ne signalerons que In Epistolas aliquot D. Pauli commentaria, in-16, Anvers, 1558. — Voir Bibliotheca Carmelitana, t. i, 1752, p.808 ; Valère André, Bibliotheca Belgica (1643), p. 477.
CARTIER Germain, théologien de l’ordre de Saint-Benoît, né à Porrentruy le 22 juillet 1690, mort le 18 février 1749. Il prononça ses vœux religieux à l’abbaye
d’Ettenheimmunster et fut professeur de théologie dans
ce monastère, ainsi qu’à Ebersmunsler. Voici ses principaux ouvrages : Dilucidatio Psalmodiæ ecclesiasticæ qua loca obscura in Psalmis et Canticis occurrentia ad mentem SS. Patrum ac probatissimorum S. Scripturæ interpretum methodo breviter explicantur notisque illustrantur, in-8°, Fribourg-en-Brisgau, 1734. Une nouvelle édition de cet ouvrage a été publiée à Ratisbonne, par les soins du R. P. Jos. Schneider, 1871 : Biblia Sacra Vulgatæ editionis jussu Sixti V Pont. Max. recognita, commentante illustrata et in iv tornos distincta, 4 in-f°, Constance, 1751. Ce volume fut publié deux ans après la mort de l’auteur. — Voir Ziegelbauer, Hist. rei litter. O. S. B., t. iv, p. 16, 33, 274, 706.
CARTIGNY Jean. Voir Cartheny.
CARTWRIGHT Thomas, théologien puritain anglais,
né à Herts vers 1535, mort à Warwick le 27 décembre 1603
ou 1602. Il fut professeur à Cambridge, mais ses opinions le firent destituer en 1571 ; il quitta l’Angleterre et devint chapelain à Anvers, puis à Middlebourg. De retour dans sa patrie, il y eut encore diverses tribulations, fut deux fois emprisonné, mais mourut enfin en paix à la tête du nouvel hôpital de Warwick. Il jouissait d’une grande réputation de science. On a de lui : A confutation of the Rhemish Translation, Glosses and Annotations of the New Testament, in-f°, 1618 ; Commentaria practica in totam historiam evangelicam ex quatuor Evangelistis harmonice concinnatam, in-4°, 1630 ; Amsterdam (Elzévir), 1647 ; Commentarii succincti et dilucidi in Proverbia Salomonis, in-4°, Amsterdam, 1638 ; Metaphrasis et Homiliæ in librum Salomonis qui inscribitur Ecclesiastes, in-4°, Amsterdam, 1647. Tous ces ouvrages sont posthumes. — Voir W. Orme, Bibliotheca biblica, 1824, p. 88.
CARYL Joseph, théologien non conformiste anglais,
né à Londres en 1602, mort le 7 février 1673. Il fut célèbre comme prédicateur, et Cromwell l'employa à diverses négociations pendant les guerres civiles. On a de lui un volumineux commentaire de Job, qui a eu plusieurs éditions : Exposition, with practical Observations on the Book of Job, 12 in-4% Londres, 1648-1666 ; 2 in-f°, 1676-1677. J. Berne en a publié un abrégé, in-8°, Édimbourg, 1836.
CASAÏA (hébreu : QûMyâhû, « arc de Jéhovah, »
c’est-à-dire « arc-en-ciel [ ?] » ; Septante : Kiaxlxi), père d’Ethan, lévite de la famille de Mérari, au temps de David et de Salomon. I Par., xv, 17. C’est le même personnage que Cusi. I Par., vi, 44. Voir Cusi.
CASALE (Hubertin de). De frère mineur il se fit
chartreux. On croit qu’il mourut vers 1312. Il a laissé : De septem Ecclesise stalibus juxta septem visiones quœ
leguntur in Apocalypsi, in-f°, Venise, 1515, et in-4°, 1525. C’est un commentaire de l’Apocalypse.
CASALOTH (hébreu : hak-Kesullôt, avec l’article ;
Septante : XaaaXrâO ; Codex Alexandrinus : ’A^aæiwO),
ville de la tribu d’Issachar. Jos., xix, 18. Le nom qui, en hébreu, signifie « les flancs », se trouve complet dans Céséleth-Thabor (hébreu : Kislôt Tâbôr, « les flancs du Thabor » ), localité située sur la frontière de Zabulon, Jos., xix, 12, et qu’on regarde généralement comme identique à Casaloth. C’est donc dans le voisinage immédiat de la célèbre montagne que nous devons la chercher, conjecture que viennent corroborer et sa position sur les limites des deux tribus d’Issachar et de Zabulon, et la mention qui en est faite dans un groupe auquel appartiennent Jezraël (Zer’în), Sunem (Sôlâm), Anaharath (En-Na’ourah). Voir Issachar, tribu et carte. Elle correspond
sans doute au bourg de EaXw8, que Josèphe, Bell. jud., III, iii, 1, place « dans la grande plaine » d’Esdrelon. Eusèbe et saint Jérôme, Onomastica sacra, Gœttingue, 1870, p. 94, 223, l’appellent, comme le Codex Alexandrinus : ’A^daû-ût), Achaseluth, et la reconnaissent
dans « le village de XuaXoûç, Chasalus, auprès de la montagne du Thabor, dans la plaine, à huit milles de Diocésarée, vers l’orient ». Or ce village existe encore actuellement sous le même nom, JL « *£, Iksâl ou Ksâl, à la distance marquée (environ onze kilomètres) au sud-est
de Seffowiyéh (Sepphoris, Diocésarée), appuyé aux premiers contreforts des monts de Galilée, sur le bord de la plaine d’Esdrelon. Au point de vue onomastique et
topographique, cette identification ne laisse rien à désirer ;
aussi est - elle acceptée par tous les auteurs.
Cf. G. Kampffmeyer, Alte Namen im heutigen Palàstina
und Syrien, dans la Zeitschrift des deutschen Palästina-Vereins, Leipzig, t. xvi, 1893, p. 46 ; Robinson, Biblical Researches in Palestine, Londres, 1856, t. ii, p. 332 ; Survey of Western Palestine, Londres, 1881, t. i, p. 365, 366. — Iksàl occupe une colline peu élevée, à droite de la route qui conduit à Nazareth. c< Sa population se compose de quatre cents habitants, tous musulmans. Les maisons sont petites et grossièrement bâties, à la manière arabe ; mais de nombreuses citernes appartiennent évidemment à l’ancienne ville à laquelle a succédé le village actuel. Il en est de même d’une nécropole judaïque très étendue qui couvre vers l’est une vaste plateforme rocheuse. Celle-ci est percée de toutes parts de fosses sépulcrales pratiquées dans le roc, les unes simples et destinées à un seul cadavre, les autres appropriées pour recevoir deux corps placés chacun sous un arcosolium cintré. Elles étaient recouvertes d’un grand bloc monolithe assez grossièrement équarri. Quelques-uns de ces blocs sont encore en place, mais la plupart ont été
enlevés, et les sépultures qu’ils fermaient ont été violées. » V. Guérin, Galilée, t. i, p. 108. Les habitants
appellent cette nécropole mouqbaret el-Afrandj, « le
cimetière des Francs. » On peut voir sur ces tombeaux
et les sépultures semblables de la contrée, Survey of
Western Palestine, t. i, p. 385-388, ou Palestine Exploration Fund, Quarterly Statement, 1873, p. 22-26. — Quelques auteurs pensent que, I Mach., ix, 2, il faut lire Casaloth au lieu de Masaloth : le passage est plein d’obscurités ; mais ce changement de nom paraît tout à fait arbitraire. Voir Arbèle, t. i, col. 884, 885 ; Masaloth ; Céséleth-Thabor.
CASBON, ville fortifiée de la terre de Galaad où se trouvaient un certain nombre de Juifs qui y étaient prisonniers ou bien qui s’y étaient retranchés dans leur
quartier pour échapper aux Ammonites et à Timothée,
leur chef. I Mach., v, 26. Ils appelèrent à leur secours
Judas Machabée, qui s’en rendit maître avec d’autres villes du voisinage. I Mach., v, 36. Le véritable nom de cette localité est incertain. Tandis que la version latine l’appelle Casbon, I Mach., v, 36, et Casphor, I Mach., v, 26, le texte grec l’appelle Casphor, Xauçrâp, I Mach., v, 26, etCasphon, XaT^œv, I Mach., v, 36, sans parler de nombreuses variantes dans les manuscrits. Josèphe, Ant. jud., XII, viii, 3, écrit Casphôma, Xio-çœjia. Grotius, Opéra, Amsterdam, 1679, t. i, p. 734, et plusieurs à sa suite supposent, mais sans preuves, que Casbon n’est autre qu’Hésébon. D’autres, en grand nombre (voir Riehm-Bæthgen, Handwôrterbuch des biblischen
terre de son bannissement, qui paraît être la terre du Jourdain, du côté de l’Hermon. Ps. xli, 7. Les spectacles qu’il a là sous les yeux lui fournissent des images très poétiques pour peindre sa tristesse. Les eaux et l’inondation ont toujours été chez les Hébreux un symbole de calamité. Dans la contrée où il se trouve, des torrents coulent de tous côtés dans les montagnes et, surtout pendant les orages, se précipitent impétueusement en cascades écumantes ; le flot succède au flot, comme si celni qui passe « appelait » celui qui le suit, et le mugissement des eaux qui se brisent en tombant du haut des rochers est comme la yoix qui leur crie de couler sans
98. — Cascade du Nahr Hasbani, source du Jourdaii T> lie uni | lu l’ijraphie de M. Vignes. (Duc de Lujnes, Voyage d’exploration à la mer Morte, t. iii, pi. 59.)
AUerthums, 2e édit., 1893, p. 834, 835), pensent que c’est la même ville que Casphin, II Mach., xii, 13, soit qu’ils confondent Casphin avec Hésébon, soit qu’ils en fassent une ville différente. Ce qui est certain, d’après le contexte, c’est que Casbon était au nord du Yarmouk, dans le voisinage de Bosor (voir Bosor 2) et de Carnaïm (probablement AstarothCarnaïm). Son identification avec Hésébon n’est nullement établie ; tout semble indiquer, au contraire, qu’elle ne diffère pas de Casphin ; le second livre des Machabées, xii, 13, raconte, en effet, dans le passage où il nomme cette ville les mêmes événements que I Mach., v, 26, 36. Voir Casphin. F. Vigouroux.
- CASCADE##
CASCADE, chute d’eau qui tombe d’un rocher. Il en est question une seule fois dans l’Écriture. Ps. xli (hébreu, xlii), 8. « Le Ilot appelle le flot au bruit de tes cascades, [ô Dieu ! ] » (hébreu : sinnôr ; Septante : /.x-xppâxTr. ç ; Vulgate : cataracta). Le Psalmiste est éloigné de Sion, exilé ; il soupire après le moment où il pourra revoir le sanctuaire de son Dieu, après avoir quitté la
cesse, sans jamais s’arrêter : c’est ainsi que des maux sans nombre fondent sur le malheureux exilé. Indépendamment des torrents, le Jourdain, dont parle spécialement le Psalmiste, a lui-même de nombreuses cascades. La véritable source de ce fleuve, celle du Nahr Hasbani, près d’Hasbeya, à 563 mètres d’altitude, forme une belle chute d’eau (fig. 98) ; mais nous ignorons si elle a été connue des Hébreux. La seconde source, celle de Banias ou Césarée de Philippe, qu’ils avaient vue certainement, comme la troisième, celle de Tell el-Qadi ou Dan, après être sortie du pied de la grotte de Pan, devient aussitôt un torrent rapide et bruyant, qui se brise en écumant à gros bouillons sur un lit „de rochers, pour aller se précipiter au fond d’un noir ravin. La source de Banias est à 303 mètres d’altitude, et celle de Dan, qui en est peu éloignée, n’est plus qu’à 185. Lorsque les eaux des trois ouadis se sont réunies au-dessus du lac Houléh et l’ont traversé, à trois kilomètres plus loin environ, pendant une dizaine de kilomètres, elles se précipitent avec un grand bruit à travers les rochers vers le sud, entre deux
lignes de collines. Pococke, Description of the East, 3 in-f°, Londres, 1745, t. ii, p. 72. W. F. Lynch, Officiai Report of the United States’Expédition to explore lhe Dead Sea and the River Jordan, in-4o, Baltimore, 1852, p. 43, l’appelle « un torrent éeumeux » dans cette partie de son cours ; L. von Weldenbruch, dans les Monatsberichte ueber die Verchandlungen der Gesellschaft fïtr Erdkunde, Neue Falge, t. iii, Berlin, 1846, p. 271, dit que le Jourdain en cet endroit, au-dessous du Pont des filles de Jacob, Djisr Renât Yakub, « forme une cascade perpétuelle. » Au lac Houléh, il est de deux mètres environ au-dessus du niveau de la Méditerranée ; seize kilomètres plus loin (en ligne directe), à son entrée dans le lac de Tibériade, il est à 212 mètres au-dessous. De sa sortie du lac de Tibériade à son embouchure dans la mer Morte, Lynch a compté vingt-sept rapides qu’il appelle « effrayants », sans parler d’un grand nombre d’autres plus ou moins considérables. VoirW. F. Lynch, Officiai Report, p. 17-18, 19-21, 22, 24, 26, 29 ; Ed. P. Montagne, Narration of the late Expédition to the Dead Sea, in-12, Philadelphie, 1849, p. 156-162, 166-169. La vallée du Jourdain mérite donc bien le nom de terre où l’on entend le bruit des cascades. On pouvait les entendre de Mahanaïm, où plusieurs commentateurs croient que le Ps. xli a été composé, comme on pouvait les entendre également dans le cours supérieur du fleuve, au-dessus du lac de Tibériade ou au pied de I’Hermon, que nomme le poète sacré. F. Vigouroux.
- CASED##
CASED ( hébreu : Kéèéd ; Septante : XaitfS), quatrième ifils de Nachor et de Melcha. Geii., xxii, 22. Quelques interprètes ont supposé que Cased était le père des Chaldéens, appelés en hébreu KaSdim ; mais ils sont plus anciens que lui. Voir Chaldéens.
- CASINI Antoine##
CASINI Antoine, jésuite italien, né à Florence le 5 août 1687, mort au Collège romain le 4 janvier 1755. Entré dans la Compagnie de Jésus le 7 décembre 1706, il enseigna la rhétorique et longtemps l’hébreu et l’Écriture Sainte au Collège romain. Il a laissé : 1° Encyclopeedia Sacrée Scriplurss, sive selectse in omni scientiae et doctrines génère quxstiones ex sacris potissimum Litteris enodatx, 21n-4°, Venise, 1747. 2° Il a encore publié plusieurs dissertations ou thèses sur l’Ecriture Sainte : De textu hebraico ejusque interpretationibus (1723) ; Assertiones biblicæ lincjuarum hebraiese, grxcee (1726) ; De legibus sacrarum litlerarum testimoniis thèses illustrâtes {1747) ; De vera prophelas intelligcndi ratione (1748 « t 1749) ; De divina poesi, sive de Psdlmis, Canticis, de<jxte re poetica Sacrée Scripturee (1751) ; De arcanis Sacrée Scripturse (1752) ; De Sanctis Libris Vulgatee editionis Sixti V et démentis VIII P. M. auctoritate recognitis (1753) ; Prophétise littérales de Christo et Ecclesia adversus Hugonem Grotium et alios récentes eriticos propugnatx (1754). C. Sommervogel.
- CASIS##
CASIS (VALLÉE DE) (hébreu : ’Êniéq Qesîs, « vallée de l’incision ; » Septante : ’Afiexaat’ç ; Codex Alexandrinus : ’A[is-/.x « aei ; )> v "le de la tribu de Benjamin. Jos., xviii, 21. Ce nom a été interprété de différentes manières. Le mot Qésîs se rattachant à la racine qâsas, « couper, » les uns ont supposé qu’il y avait dans cet endroit des arbres dont le suc précieux ne s’obtient que par « l’incision » ; d’autres voient ici une allusion à la circoncision générale qui eut lieu dans la vallée du Jourdain, à Galgala, Jos., v, 2-9 ; quelques-uns même prennent Qesis pour un nom d’homme. Cf. Rosenmùller, Scholia, Josua, Leipzig, 1833, p. 356. Les Septante, en faisant des deux mots un nom propre de ville, au lieu de traduire comme la Vulgate, ont probablement mieux rendu le texte original, d’après lequel’Êméq peut jouer le même rôle que Reth dans Reth Hagla et Reth Araba. Eusèbe et saint Jérôme, Onomaj
stica sacra, Gœttingue, 1870, p. 94, 222, emploient la même dénomination : Ameccasis. Et, en effet, ’Êméq Qesîs est une des douze villes du premier groupe, Jos., xviii, 21-24, dont les cinq premières appartiennent à la vallée du Jourdain et déterminent la frontière orientale de la tribu. Voir Benjamin, tribu et carie, 1. 1, col. 1589. Sa position générale est donc indiquée par l’ordre régulier d’énumération que suit Josué et par les localités au milieu desquelles elle est mentionnée : Jéricho ( Er-Rîhâ), Beth-hagla (’Aïn ou Qasr Hadjlâ), Beth-araba (identifiée par quelques-uns avec Qasr Hadjlâ, à une demi-heure de’Aïn Hadjlâ), Samaraïm (Khirbet es-Soumra). Aussi, sans pouvoir aujourd’hui en préciser l’emplacement, serions-nous disposé à le chercher dans les environs de Jéricho, dans la plaine du Ghôr. C’est le sentiment de Robinson, Physical Geography of the Holy Land, in-.8°, Londres, 1865, p. 74-75. Certains auteurs cependant le chercheraient plus volontiers du côté de l’ouest. A. de Noroff, Pèlerinage en Terre Sainte de l’igoumène russe Daniel, Saint-Pétersbourg, 1864, p. 45, pense que le nom d"Emek Ketzitz, c’est-à-dire vallée d’incision, « s’applique parfaitement à [Chuziba] l’horrible ravin déchiré qu’on voit à gauche de la route qui conduit de Jérusalem à Jéricho, peu avant le commencement de la descente rapide qui mène à la plaine du Jourdain… Un torrent coule au fond de ce sombre ravin, formé par des rochers abrupts tapissés de cavernes jadis habitées par des anachorètes, dont le plus célèbre était Jean, surnommé le Chozéwite, qui y avait établi un couvent que les Grecs nomment jusqu’à présent XoÇeêâ. » M. V. Guérin, Samarie, t. i, p. 154, 155, trouve avec raison cette identification très problématique et trop éloigné le rapprochement des mots Chuziba et Casis. Nous ne saurions cependant partager avec lui l’opinion de M. de Saulcy, Voyage autour de la mer Morte, 2 in-8o, Paris, 1853, t. ii, p. 140, et de Van de Velde, Memoir to accompamj the Map of the Holy Land, in-8o, Gotha, 1858, p. 328, qui ont cru retrouver’Êméq Qesîs dans une vallée appelée Kâaziz, ouadi el-Kâziz, dont la tête se rencontre à deux kilomètres à l’est de Rir el-Haoudh ou Fontaine des Apôtres. Malgré la ressemblance des deux noms, le texte sacré, comme nous l’avons dit, nous transporte plutôt dans la vallée du Jourdain. — La ville dont nous parlons n’est mentionnée qu’une fois dans l’Écriture, Jos., xviii, 21, à moins que, selon l’avis de certains auteurs, elle ne soit citée I Mach., ix, 62, 64, sous le nom de BstiôSocut, Vulgate : Rethbessen, que l’ancienne Italique rend par Reth-Keziz. Voir Bethbessen. L’Écriture nous représente la place où se réfugièrent Jonathas et Simon Machabée pour échapper à Bacchide comme étant « dans le désert », dans la vallée du Jourdain, non loin de Jéricho, ce qui convient à’Êméq Qesîs. Josèphe, Ant. jud., XIII, i, 5, l’appelle
BrjOaXayâ, c’est-à-dire Bethhagla.- CASLEU##
CASLEU (hébreu : kislêv ; Septante : -/acreXsû), nom de mois emprunté par les Hébreux aux Babyloniens (assyrien : ki-si-U-vu) et usité dans les livres de l’Ancien Testament postérieurs à la captivité pour désigner le neuvième mois. Zach., vii, 1 ; II Esdr., 1, 1 ; I Mach., i, 57 ; iv, 52, 59 ; II Mach., i, 9, 18 ; x, 5. Il était de trente jours et correspondait à la lune de décembre (répondant en partie à notre mois de novembre et en partie à notre mois de décembre). C’est le 25 casleu que commençait la fête de la Dédicace du temple de Jérusalem. I Mach., iv, 59 ; II Mach., i, 18 ; x, 5-6 ; cf. Joa., x, 22. Elle durait huit jours. I Mach., iv, 50. Elle avait été instituée par Judas Machabée en mémoire de la purification du temple, qui avait été profané par Antiochus IV Épiphane. I Mach., iv, 52-59. — Le nom du mois de casleu se trouve aussi dans les inscriptions de Palmyre. De Vogué, Inscript, sémit., i, 1, n° 24 ; 3, 75 ; E. Schrader, Die Keilinschriften and das alte Testament, 2e édit., 331
1883, p. 379 Voir, pour l'étymologie, P. Haupt, dans la Zeitschrift fur Assyriologie, t. ii, 1887, p. 265.
CASLUÏM. La Vulgate écrit sous cette forme, I Par., I, 12, le nom du peuple qui est écrit Chasluïm. Gen., x, 14. Voir Chasluïm.
- CASPARI Karl Paul##
CASPARI Karl Paul, théologien luthérien allemand, né à Dessau le 8 février 1814, mort à Christiania le Il avril 1892. D’origine israélite, il embrassa le luthéranisme en 1838. Il fit ses études à Leipzig, à Berlin et à Kœnigsberg. En 1847, il entra comme lecteur à l’université de Christiania, et y devint dix ans plus tard, en 1857, professeur de théologie. Parmi ses publications, nous citerons : Der Prophet Obadja, in-8°, Leipzig, 1842, dans YEocegetisches Handbuch zu den Propheten des alten Bundes (en collaboration avec Franz Delitzsch) ; Grarnmatica arabica in usum scholarum, 2 in- 8°, Leipzig, 1844-1848 ; Beitràge zur Einleitung in das Buch Jesaia, dans les Biblisch-theologische und apologetisch-kritische Studien (en collaboration avec Franz Delitzsch), t. ii, in 8°, Leipzig, 1848 ; Ueber den syrisch-ephraimitischen Krieg unter Jotham und Ahas, in-8°, Christiania, 1849 ; Ueber Micha den Morasthiten und seine prophetische Schrift, in-8°, Christiania, 1852 ; Grammatik der arabischen Spmche, in-8°, Leipzig, 1859 ; 5e édit., publiée par Aug. Mûller, in-8°, Halle, 1887 ; Zur Einfùhrungin das Buch Daniel, in-8°, Leipzig, 1869. F. Vigouroux.
- CASPHIN ou CASPHIS##
CASPHIN ou CASPHIS (Kdwmv), ville située à l’est du Jourdain, qui fut prise par Judas Machabée. II Mach., xii, 13-16. Elle était habitée par une population mêlée, de races diverses, qui s’y croyait en pleine sécurité, parce que la place était bien pourvue de vivres, très forte et « entourée de ponts et de murailles ». Calmet explique ainsi ces mots : « Nous voyons, au ꝟ. 16, qu’il y avait près de là un étang de deux stades (370 mètres) et que la ville était forte par ses ponts, qui en rendaient l’approche difficile et dangereuse, soit qu’on démontât les 1 ponts, soit qu’on les fermât on qu’on voulût les défendre. » Comment, litt., sur II Mach., xii, 13, 1722, p. 381. Le mot grec traduit par « ponts » est ysçupoûv, dont c’est, en effet, le sens ordinaire ; mais comme ce terme signifie aussi « terrassements, remparts de terre », ce dernier sens est préférable, parce que du temps des Machabées les ponts n'étaient pas très communs, et qu’ils ne sont pas d’ailleurs proprement un moyen de défense. W. Grimin, Handbuch zu den Apokryphen, 4e part., 1857, p. 176. Judas emporta la ville d’assaut et y fit un grand carnage, de sorte que l'étang voisin fut tout rougi du sang des morts. Il est probable que Casphin est la même ville que celle que I Mach., v, 26, 36, appelle Casbon et Casphor. Voir Casbon.
Casphin, selon toute probabilité, est le village actuel de Kisphîn, à l’est du lac de Tibériade, dans le Zaouiyéh el-Gharbîyêh, l’un des quatre districts du Djolan, celui qui comprend la partie méridionale du pays. Les anciens voyageurs l’ont appelé à tort Khastin ou Chastein ; la véritable orthographe est ( ^ r : > ».w.^., Khisphin. C’est aujourd’hui un misérable village, qui a une assez grande étendue, mais ne renferme qu’une soixantaine de cabanes dispersées, au milieu de plus de cent autres détruites ou abandonnées. Sa population est d’environ deux cent soixantedix habitants. L’histoire primitive de cette localité nous est inconnue, mais les ruines qu’on y voit encore attestent qu’elle a eu jadis une certaine importance. Des pierres de basalte taillées ou brutes s’y remarquent en grand nombre avec des sculptures de l'époque romaine et aussi des croix. Une voie romaine la traversait. Au temps de la suprématie arabe, elle était encore une ville importante. Ses ruines ont été bien décrites par G. Schumacher, TheJaulan, in-8°, Londres, p. 184-186. L'étang (Xt[iv7)) dont parle II Mach., xii, 16,
CASLEU — CASQUE
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est vraisemblablement le marais long et dangereux qu’on rencontre au sud-ouest. Il est alimenté par les eaux qui prennent leur source au nord des ruines â'Aïn Esfêra, dont il porte le nom ; elles se répandent dans un terrain marécageux et y ont en certains endroits assez de profondeur pour qu’un cheval puisse y disparaître avec son cavalier. G. Schumacher, toc. cit., p. 76. Voir la carte de Manassé oriental. F. Vigouroux.
- CASPHOR##
CASPHOR (Xoaçwp), nom donné dans la Vulgate, I Mach., v, 26, à la ville qu’elle appelle Casbon, I Mach., v, 36. Voir Casbon.
CASPI. Voir Ibn Caspi Joseph.
- CASQUE##
CASQUE (hébreu : kôba', gôbà' ; grec : iiepixeqj « >aT « t xdpuç ; Vulgate : cassis, I Reg., xvii, 5 ; partout ailleurs, galea), coiffure qui sert à protéger la tête dans les combats.
I. Emploi du casque chez les Hébreux. — La première mention qui en est faite dans l'Écriture se rapporte à la guerre de Saül et des Philistins. Goliath portait un casque d’airain (kôba', irepixeçodaîa). I Reg., xvii, 5. Ce devait être une sorte de bonnet d’airain. Quand David se prépare à combattre le géant philistin, Saül veut l’armer de son casque d’airain (goba'), mais le jeune héros le refuse. I Reg., xvii, 38. Sous le roi Ozias, le casque est énuméré dans l’armement des soldats. Il Par., xxvi, 14. Les soldats de Joakim, roi de Juda, portent aussi des casques dans leur campagne contre Néchao, roi d’Egypte. Jer., xlvi, 4. Enfin les troupes des Machabées ont également des casques d’airain. I Mach., vi, 35.
IL Forme des casques. — La Bible ne nous donne aucun renseignement sur la forme du casque des Hébreux. Nous pouvons cependant conjecturer qu’ils devaient ressembler à ceux des peuples voisins, à qui les Juifs empruntèrent les autres parties de leur armement. — 1° Les casques des anciens Égyptiens étaient des bonnets en étoffe ou en cuir, retombant sur le cou et sans aigrettes (fig. 99, a).
99. — a. Casque égyptien. D’après "Wilkioson, The manners and customs of the ancient Egyptians, t. i, p. 219. — 6. Casque de Schardana. D’après ChampollioD, Monuments de l’Egypte, t. i, pi. xxviii. — c. Casque de Schardana. D’après WlUdnson, t. i, p. 189.
Ce n’est que très tard qu’ils portèrent des casques de métal. Les peuples avec lesquels ils furent en guerre ou leurs troupes auxiliaires portent plutôt des bonnets affectant les formes les plus diverses que des casques proprement dits. Nous signalerons cependant les casques des Schardanas, qui étaient ornés de cornes et surmontés d’une boule placée au sommet d’une tige (fig. 99, b, c). — 2° Ézéchiel, xxiii, 24, mentionne les casques des Assyriens. Ces casques étaient formés essentiellement d’un bassin hémisphérique de bronze, emboîtant le crâne et laissant le visage à découvert. Parfois il avait la forme d’un cône sans ornement, souvent aussi il était muni d’oreillettes en bronze pour protéger les oreilles et les joues. Quelques-uns étaient surmontés d’un cimier re
courbé en avant et orné d’une aigrette en plumes ou en crin de cheval ; sur d’autres l’aigrette se bifurque et les branches se recourbent des deux côtés (fig. 100). — 3° Le même prophète, xxvii, 10 ; xxxviii, 5, parle aussi des casques des Paras, c’est-à-dire des Perses selon la plupart des commentateurs. Les Perses portaient soit de
100. — Casques assyriens, a, b, c, e, h. Layard, Monuments 0/ Kineveh, t. i, pi. 18, 64, 75, 63, 68. — d, /, g. Botta, Monuments d£ Ninive, t. ii, pi. 163, 165, 163. — i. Fr. Lenormant, Hist. anc. de V Orient, t. v, p. 58.
simples bonnets ronds, comme sur la frise des archers du palais de Suse qui est au musée du Louvre, soit des casques plus élevés de forme hémisphérique, soit enfin des casques à côtes (fig. 101). — 4° Ézéchiel, xxvii, 10, parle encore des casques des habitants de Lûd. Qu’il
101. — Casques perses, a. D’après les briques du palais de Suse (Musée du Louvre), Perrot, Histoire de l’art, t. iii, p. 818. — b, e. D’après les bas-reliefs de Persépolis. Perrot, t. iii, p. 821.
s’agisse d’un peuple asiatique, comme le veut Fr. Lenormant, Histoire ancienne de l’Orient, 9e édit., t. i, p. 289, ou d’un peuple africain, comme le veulent presque tous les commentateurs, nous ne connaissons par aucun monument figuré les casques de ces deux peuples. — 5° Au même endroit, xxvii, 10, Ézéchiel mentionne aussi les
casques des habitants de Pût, et xxxviii, 5, ceux des habitants de Kûs et de Pût qui servent dans l’armée des Perses. Les Septante et la Vulgate traduisent Kûs par Éthiopiens et Pût par Libyens. C'étaient donc selon ces versions des peuples africains. Nous ne savons quelle était la forme de leurs casques. Les monuments
102. — Casques des peuples africains. D’après Lepsius, Denkmdler, Abth. iii, Bl. 117.
égyptiens les représentent portant seulement sur la tête une sorte de bonnet orné de plumes en guise de panache (fig. 102). — 6° Au temps des Machabées, les soldats qui, lors de la seconde expédition d’Antiochus IV
103. — Casques grecs, a. Casque de bronze trouvé en Grèce. D’après Baumeister, Denkmaler der Mass. Alterthums, t. iii, fig. 2209. — 6. Casque. D"après une peinture de vase, ibid., t. iii, flg. 2185.
contre l’Egypte, apparaissent dans le ciel sont des Grecs casqués, II Mach., v, 3 ; et il est probable qu'à cette époque les Juifs empruntèrent leurs casques aux Grecs. Les Grecs, qui avaient d’abord porté des casques de peau non tannée, avaient adopté depuis longtemps le casque de métal.
104. — Casques romains en bronze conservés au musée de Mayence. D’nprès Lindenschmit, Alterlkumer unserer hcidnische Vorzeit, fasc. iii, 2 et 3.
Ce casque était formé d’une calotte hémisphérique, à laquelle on ajouta successivement un frontal, un couvrenuque, des visières ou demi-visières, de façon à protéger le crâne, la figure et le cou. Les casques grecs étaient souvent surmontés d’un cimier et ornés d’une aigrette ou d’une crête (fig. 103). — Les Romains portèrent d’abord des casques de peau (galea), Polybe, vi, 22, 3, puis des
casques de métal, cassis. S. Isidore de Séville, Etymol., xviu, 14, t. lxxxii, col. (549. Les casques romains différaient des casques grecs en ce qu’ils n’avaient point de visière, ou, s’ils avaient une visière, elle était relevée. Ils étaient munis de bandeaux métalliques protégeant les joues, d’un couvrenuque, et partois surmontés d’une crête, d’un bouton ou d’un anneau métallique (fig. 104). III. Comparaisons tirées du casque dans l’Écriture.
— Le casque est employé plusieurs fois, dans les Livres Saints, comme symbole ou image de la protection. C’est ainsi qu’Isaïe, lix, 17, parle du casque du salut, expression qui se trouve également dans l’Épitre de saint Paul aux Éphésiens, vi, 17. Dans sa première Épitre aux Thessaloniciens, v, 8, le même Apôtre compare à un casque l’espérance du salut. Le livre de la Sagesse, v, 19, dit que le roi doit avoir pour cuirasse la justice et pour casque un jugement ferme. E. Beurlier.
CASSE AROMATIQUE. Hébreu : qiddâh, Exod. xxx, 24 ; Ezech., xxvii, 19 ; Septante : ïpi ; , Exod., xxx, 24 -rpo^t’a ; , « roues », pour qiddâh et qânéh, Ezech., xxvii, 19 : "Vulgale : casia, Exod., xxx, 24 ; stade, Ezech., xxvii, 19 et hébreu : qesi’âh, Ps. xliv (hébreu, xlv), 9 ; Septante xam’a ; Vulgate : casia.
I. Description. — La casse aromatique, qu’il ne faut
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105. — Laurus cassia.
A droite, fleur. — À gnuche, fruit.
pas confondre avec ce qu’on nomme maintenant la casse, produit du canéficier (cassia fistula), est l’ancien nom . de la cannelle, ou écorce du cannellier. Le cannellier, de la famille des Lauracées (fig. 104), est un arbre qui atteint en hauteur plus de huit mètres. Voici ses caractères essentiels : ses feuilles sont alternes, entières, de vingt à vingt-cinq centimètres de long sur cinq à six de large, amincies en pointe aux deux extrémités, partagées par trois grosses nervures saillantes en dessous en quatre parties égales, dont chacune se subdivise en un grand nombre de nervures très fines et très régulières ; elles sont persistantes, toujours vertes, glabres et lisses en dessus, velues en dessous, ainsi que les pétioles et les jeunes rameaux. Les Heurs, petites, disposées en panicules, ont
la corolle composée de cinq pétales charnus ; le fruit est arrondi. Le Laurus cassia croît au Malabar, en Cochinchine, en Chine et dans les îles de la Sonde. Il ne vient pas dans l’Asie occidentale, dit Boissier, Flora orientalis, t. iv, p. 1057. Les anciens allaient chercher la casse dans l’extrême Orient, surtout sur la côte de Malabar, où on la recueillait abondamment, jusqu’à l’époque où les Hollandais en détruisirent les plantations pour donner plus de prix à la cannelle de Ceylan. Aujourd’hui la casse ou cannelle du Laurus cassia nous vient surtout de la Chine. Cependant plusieurs naturalistes distinguent la cassia lignea, écorce du Laurus cassia, simple variété du Cinnamomum Zeylanicum, d’avec la cannelle de Chine, produit du Cinnanwmum aromaticum. G. Planchon, Traité pratique de la détermination des drogues simples d’origine végétale, 2 in-8°, Paris, 1875, t. i, p. 49. On recueille l’écorce du Laurus cassia dès que l’arbre a six ou sept ans ; on dépouille les branches deux fois dans l’année, en enlevant l’écorce par lanières, à l’aide d’incisions longitudinales. Ces lanières, réunies par paquet jusqu’à ce que la partie verte supérieure de l’écorce se détache facilement, sont ensuite roulées en cylindres qu’on emboîte les uns dans les autres et qu’on fait sécher à l’ombre, puis au soleil. La saveur de la casse est chaude, piquante ; son essence, d’un jaune doré, a une odeur et une saveur moins suave que la cannelle de Ceylan ou cinnamome. Cf. N. J. Guibourt, Histoire naturelle des drogues simples, 4 in-8°, Paris, 1876, 7e édit., t. ii, p. 409 ; Dexbach, De cassia cinnamomea, in-4°, Marburg, 1700 ; Cartheuser, De cassia aromatica, in-4°, Francfort, 1745. II. Exégèse. — 1° La qiddâh est mentionnée dans l’Exode, xxx, 24, parmi les substances odorantes qui entraient dans la composition de l’huile sainte, destinée aux onctions, et dans Ézéchiel, xxvii, 19, comme un des articles de commerce portés sur le marché de Tyr. D’après le Targum, la Peschito et la Vulgale (Exod., xxx, 24), la qiddâh n’est pas autre chose que la casse ou cannelle. La traduction arabe, en rendant qiddâh par selikha, donne le même sens ; car la seliklia est la casse ou cannelle. Ibn El-Beïthar, Traité des simples, 1205, dans Notices et extraits des manuscrits de la Bibliothèque Nationale, t. xxv, part. i, p. 272. La casse ou écorce du Laurus cassia était très connue des anciens. Théophraste, Hist. plant., ix, 5 ; Pline, H. N., xii, 41, 42 (cf. édit. Lemaire, t. v, Excursus ix, p. 120-123 ; ; Dioscoride, De materia medic, i, 12. Ce dernier auteur cite même une variété de casse, appelée xittw, syriacisme pour qiddâh, dit Gesenius, Thésaurus, p. 1192. Les Égyptiens connaissaient l’écorce odorante du Laurus cassia et l’employaient dans la composition de leur fameux parfum sacré, appelé kyplti. Le nom qu’ils lui donnent rappelle sensiblement le qiddâh : c’était le bois de l’arbre
qad, 1. V. Loret, Le kyphi, dans le Journal asiatique, juillet-août 1887, p. 115, et Flore pharaonique, 2e édit., 1892, p. 51.
2° La qesi’âh, qui avec la myrrhe et l’aloès parfume les vêtements de l’époux royal chanté dans le psaume xliv (hébreu, xlv), 9, est certainement la casse ; ce nom hébreu ou plutôt chaldéen est même passé en grec et en latin sous la forme xaaset, casia. Mais pourquoi deux noms, qiddâh et qesi’âh, pour un même parfum ? Il est possible que l’un, qiddâh, désigne l’arbre, et l’autre, qesi’âh, son écorce en rouleau ou plutôt en poudre. Journal of philology, in-8°, Londres, 1888, t. xvi, p. 78. C’est ce qui a lieu en Egypte, où le Laurus cassia est appelé qad, et son écorce djat, ou bois de qad. Mais peut-être faut-il chercher ailleurs la raison de cette double appellation. Il est à remarquer que dans le Ps. xlv, 9, la phrase est construite très irrégulièrement : Môr va’âhdlôt qesi’ôt, mot à mot « la myrrhe, et l’aloès, la casse » ; il faudrait un vav, « et, » avant le dernier mot, et il ne devrait pas y en avoir avant le second. Cette
construction irrégulière et la mesure du vers donnent à penser que qesi’ôt était une explication du mot âhâlôt inconnu, et qu’elle s’est glissée par erreur de la note marginale dans le texte. Qesî’âh serait le nom plutôt chaldéen de la casse, et qiddâh le nom hébreu : qiddâh est toujours rendu dans les Targums par qesiâtà’.
Quelques auteurs, entre autres J. F. Royle, dans Kitto, Cyclopœdia, 1864, t. ii, p. 729, voient dans le qesi’ôt du Ps. xlv, 9, YAucklandia coslus, le xôcjto ; des Grecs, le costus des Latins. Mais il n’y a là qu’une ressemblance de son et encore assez éloignée. L’accord des Septante, de la Vulgate et du chaldéen rend le sens de « casse » beaucoup plus probable, sinon certain. E. Levesque.
- CASSIA##
CASSIA (hébreu : Qesiah, « casse [aromatique] ; » Septante : Kao-îa), seconde fille de Job, qui lui naquit après la fin de ses épreuves. Job, xlii, 14. En Orient, on donne volontiers aux jeunes filles des noms de parfums.
1. CASSIODORE (Flavius Magnus Aurelius Cassiodorus Senator) appartenait à une famille d’origine vraisemblablement syrienne, établie à Squillace, dans le Bruttium, au moins dès le milieu du Ve siècle, et qui donna de hauts fonctionnaires à l’administration des derniers empereurs : son père administrait la Sicile en 489, au moment où Théodoric s’empara de l’Italie, et il fut fait par le roi. barbare corrector du Bruttium et de la Lucanie, puis préfet du prétoire, dignité qu’il conserva jusqu’en 507. Cassiodore, qui dut naître vers 490 au plus tard, fut d’abord conseiller du préfet du prétoire, son père, puis successivement questeur, consul en 514, patrice, maître des offices, préfet du prétoire, charges qu’il remplit sous Théodoric († 526) et sous les successeurs de ce prince, Athalaric, Théodahat, Witigès. À cette période politique de sa vie se rattache la composition de son Chronicon, histoire universelle abrégée depuis la création jusqu’en 519 ; son Historia gothica en douze livres, dont nous ne possédons que l’adaptation qu’en a faite Jordanès (Jornandès ) en 551, et qui dut être publiée par Cassiodore entre 526 et 533 ; ses Ëpislolae varias, en douze livres, ou correspondance officielle des princes goths, dont Cassiodore fut le rédacteur élégant et maniéré, correspondance qui s’arrête à l’année 537. C’est vers 537 que Cassiodore se démit de toutes ses charges publiques et se retira à Squillace, près d’un monastère par lui fondé, le Monasterium Vivariense ; il termina là sa vie dans l’étude et la prière. Il publia son De anima après 540, son De institutione divinarum litterarum sous le pontificat du pape Vigile (537-555), enfin son De orthographia, où il témoigne être âgé de quatre-vingt-treize ans, ce qui le fait vivre jusque vers 583. Voir, pour la biographie de Cassiodore, la préface de Th. Mommsen à l’édition des Varise, dans les Monumenta Germanise, Auclor. antiquiss., t. xii, Berlin, 1894, p. v-xi.
Les écrits de Cassiodore relatifs à la Sainte Ecriture appartiennent à l’époque de sa retraite à Squillace. Il nous en a laissé la liste chronologique dans son De orthographia. — 1° In Psalterium expositio, Patr. lat., t. lxx, col. 9-1056. C’est une exposition très développée sur chaque verset de chacun des cent cinquante psaumes du psautier. Le texte commenté par Cassiodore est le texte de la version romaine de saint Jérôme. — 2° De institutione divinarum litterarum, t. lxx, col. 1105-1150. Dans la préface, l’auteur nous apprend qu’alors qu’il était à Rome, voyant « fleurir l’étude des lettres du siècle », il avait « ressenti une vive douleur de ce que les Écritures divines n’eussent point de maîtres publics », et qu’il avait « fait effort avec le bienheureux Agapit, évéque de la ville de Rome (535-536), pour réunir des ressources, afin que dans Rome des professeurs de science chrétienne fussent établis ». Les guerres et les troubles du royaume d’Italie avaient mis à néant ce projet. Il entreprend maintenant d’écrire, « à la façon d’un maître » qui enseigne, « un livre
d’introduction, » introductorios libros, pour ouvrir par un exposé compendieux la série des Ecritures divines : « en quoi, dit-il, je ne donne point mon enseignement personnel ; mais je recommande les opinions des anciens, des latins surtout, puisque, écrivant pour les gens d’Italie, les auteurs romains sont les plus commodes à indiquer. » C’est donc une sorte de manuel biblique que Cassiodore a entendu faire, manuel où il donne quantité de renseignements précieux sur le texte et les éditions de la Bible, ainsi que l’énumération des principaux commentateurs ; il y joint des indications succinctes sur les divers sens du texte sacré, sur la méthode de le comprendre, sur le soin à le copier. Des notions de littérature ecclésiastique, histoire et patrologie, complètent ce manuel, mêlées à des conseils sur la vie religieuse, à des prières : le tout divisé en trente-trois chapitres, en conformité avec les trente-trois années de la vie de Notre -Seigneur : livre attachant et curieux, autant qu’il est précieux pour l’histoire littéraire. — 3° Le commentaire sur l’épître aux Romains est mentionné dans le De orthographia après le De institutione ; pourtant, dans le De institutione, il est énuméré parmi les commentaires déjà publiés : cette contradiction est sans importance. Cassiodore donne ce commentaire comme n’étant pas de lui ; il s’agit d’ « annotations sur les treize épîtres de saint Paul, annotations très répandues et que l’on trouvait dans toutes les mains : on disait qu’elles étaient l’œuvre do saint Gélase, pape de la ville de Rome, homme très docte ». Mais Cassiodore en les lisant a vu qu’elles étaient « empoisonnées par le venin de l’erreur pélagienne ». J’ai, poursuit-il, « expurgé aussi diligemment que j’ai pu le commentaire de l’Épître aux Romains, vous laissant le manuscrit des autres à expurger vous-mêmes. » De instit. , 8, col. 1119. Ce commentaire sur « les treize épîtres » de saint Paul était, en effet, l’œuvre de Pelage lui-même : le texte intégral et non expurgé est dans Migne, t. xxx, col. 645-902. L’édition expurgée de Cassiodore n’a pas été retrouvée, que nous sachions. — 4° Le Liber titulorum de divina Scriptura collectus, ou, comme l’appelle encore Cassiodore, Memorialis, devait être la réunion des sommaires analytiques qu’il avait mis en tête de chacun des livres de son édition de la Bible, comme nous le dirons plus loin. Voir la préface du De orthographia, t. lxx, col. 1241. Cet opuscule, à notre connaissance, n’a pas encore été signalé. — 5° Les Complexiones, dont au siècle dernier Maffei a publié le texte d’après le manuscrit 39 du Chapitre de Vérone, manuscrit du vil" siècle, sont réimprimées dans Migne, t. lxx, , col. 1319-1418. Ce sont de courtes notes sans suite sur les titres et les plus importants versets des Épitres, des Actes et de l’Apocalypse, une façon d’abrégé de commentaire. — 6° V Expositio in Cantica canticorum, t. lxx, col. 1056-1106, attribuée par Migne à Cassiodore, est en réalité une œuvre grecque mise en latin et attribuée par le traducteur ancien à saint Épiphane ; elle a été publiée sous ce nom par Foggini, en 1750, d’après le Vaticanus lat. 5704, manuscrit du vu’siècle.
Cassiodore possédait dans son monastère de Vivarium une bibliothèque importante, y ayant réuni les manuscrits qu’il possédait déjà à Rome, et ayant fait venir de divers côtés, d’Afrique notamment, autant de manuscrits qu’il pouvait. De institut., 8, col. 1120. Cassiodore énumère ainsi diverses éditions de la Bible qu’il a eues dans sa collection. — 1° Une Bible grecque, mentionnée par l’auteur à la suite des Bibles latines ci-dessous, De institut. , 14, col. 1126 : c’était un exemplaire complet ou pandectes, comptant 90 cahiers, soit 720 feuillets, et divisé en 75 livres. — 2° Une Bible latine, exemplaire complet ou pandectes, comptant 53 cahiers, soit 421 feuillets, écrits en caractères assez fins, minutiore manu, et donnant le texte de la Vulgate hiéronymienne. L’Ancien Testament y était divisé en 22 livres, le Nouveau en 27 livres, dans l’ordre suivant : la Loi, les Prophètes, les Hagio
graphes, les Verba dierum (Paralipomènes, Esdras, Esther), les Évangiles, les Apôtres. — 3° Une autre Bible latine, exemplaire complet, qualifié par Cassiodore de codex grandior, comptant 95 cahiers, soit 760 feuillets, écrits en caractères plus espacés, littera clariore, et donnant un texte préhiéronymien de la Bible. L’Ancien Testament y était divisé en 44 livres, le Nouveau en 26 livres, total 70, qui est « le nombre des palmes trouvées par les Hébreux à Élim ». Exod., xv, 27. Cassiodore, en nous donnant l’ordre des livres selon l’ancienne version, De institut., 14, col. 1125, donne l’ordre de son Codex grandior ; et c’est précisément, à d’insignifiantes différences près, l’ordre où sont énuinérés les livres bibliques dans le catalogue ou décret attribué au pape Gélase (492-496), Cette seconde Bible de Cassiodore, d’accord dans sa distribution avec l’usage romain du VIe siècle, l'était aussi dans son texte, puisque le texte biblique reçu à Rome au ve siècle et aussi au VIe n'était point encore la Vulgate hiéronymienne, mais une ancienne version : ce Codex grandior devait être un exemplaire d’origine romaine. Voir S. Berger, La Bible du pape Hilarus, dans le Bidletin critique, t. xm (1893), p. 147-152. Cassiodore en outre nous informe, De institut., 5, col. 1116, Exposit. Psalm. xiv, col. 109, qu’il avait intercalé dans son Codex grandior des peintures, depicta subtiliter lineamenlis propriis, représentant le tabernacle et le temple : nous y reviendrons plus loin.
Ces diverses éditions de la Bible, d’autres encore peutêtre, servirent à Cassiodore à entreprendre une édition nouvelle de la Bible latine, c’est-à-dire de la Vulgate hiéronymienne. Il décrit lui-même sa méthode : ayant fait transcrire le texte, il l’a collationné sur les vieux manuscrits, aidé par des amis qui lisaient devant lui un texte ancien, pendant qu’il suivait attentivement sur sa copie : « J’ai fait, dit-il, ce que peut un vieillard, et j’y ai dépensé un grand travail, ne voulant point laisser passer une variante, ni corriger témérairement. » De institut., præf., col. 1109. Son texte, il l’a divisé en versets, intégralement, colis et commatibus ; saint Jérôme n’avait divisé ainsi per cola et commata que le texte d’Isaïe. Cassiodore a fait copier toute la Bible d’après ce système, si capable d’aider la lecture courante. La Bible cassiodorienne était distribuée en neuf manuscrits : 1° l’Octateuque, 2° les Rois et les Paralipomènes, 3° les Prophètes, 4° les Psaumes, 5° Salomon, 6° les Hagiographies, 7° les Évangiles, 8° les Épîtres, 9° les Actes et l’Apocalypse ; distribution en 71 livres, qui est celle que Cassiodore lui-même attribue à saint Augustin, De institut., 13, col. 1124 En tête de chacun des neuf volumes on avait transcrit un résumé analytique ou compendium de leur contenu, constitué par la série des titres que « nos anciens ont pris l’habitude de transcrire le long du texte courant », titulos a maioribus nostris ordine currente descriptos : voir ce que nous disons plus haut, col. 338, du Liber titulorum, publié séparément par Cassiodore. Enfin chacun des neuf volumes contenait autre chose encore que le texte sacré ; on y avait joint, en effet, les commentaires latins ou traduits du grec les plus autorisés, saint Basile, saint Ambroise, saint Augustin, Origène, etc., et non seulement les commentateurs, mais aussi les introducteurs, Ticonius, Junilius, etc. C'était la première fois que la Sainte Écriture était publiée avec un appareil semblable.
L’activité de Cassiodore et de sa librairie nous a valu la conservation ou la diffusion de plus d’un de ces commentaires, aussi bien qu’elle a contribué à la propagation du texte hiéronymien de la Bible. Dans son zèle pour la Bible, Cassiodore conjure ses moines de la copier, et de la copier avec un soin religieux : qu’ils pensent que « leur main prêchera ainsi aux hommes, que leurs doigts délieront les langues…, que leurs copies se dissémineront sur toute la terre, qu’elles seront lues dans les plus saints lieux » ; qu’ils copient avec un soin scrupuleux de la correction grammaticale et orthographique ; qu’ils relient
enfin leurs manuscrits de leur mieux, et que les exemplaires de la Sainte Écriture, comme les convives du festin céleste, soient revêtus de robes nuptiales. De institut., 30, col. 1145. Tant de soins n’ont pu faire que les manuscrits bibliques sortis de la librairie cassiodorienne aient laissé de trace reconnaissable. Nous avons eu l’occasion de marquer, à propos du Codex. Amiatinus, t. i, col. 482, que ce manuscrit de la Vulgate hiéronymienne est indépendant de Cassiodore. Les sommaires placés par Cassiodore en tête de chacun des livres bibliques ne se retrouvent pas dans les manuscrits existant actuellement. Les divisions des Épîtres, des Actes, de l’Apocalypse, indiquées par les Complexiones, ne se retrouvent pas davantage. On a dit que Bède (672-735) avait connu le Codex grandior, la seconde Bible de Cassiodore, ou des manuscrits contenant les représentations en peinture du tabernacle et du temple exécutées par les soins de Cassiodore : vérification faite des textes allégués de Bède, De templo, 16, t. xci, col. 775, et De tabernaculo, ii, 12, col. 454, il paraît douteux que Bède parle de ces peintures cassiodoriennes de visu plutôt que d’après la description écrite qu’en donna Cassiodore lui-même. Voir cependant de Rossi, La Bibbia offerla da Ceolfrido al sepolcro diS. Pietro, Rome, 1888, p. 19. En telle sorte que l'œuvre biblique de Cassiodore ne nous est connue aujourd’hui que par ce que lui-même nous en rapporte ; mais cela suffit à marquer sa place entre saint Jérôme et Alcuin. — Voir Teuffel, Geschichte der rômischen Literatur, ¥ édit., Leipzig, 1882, p. 1150-1157, et édit. franc., Paris, 1883, t. iii, p. 305-310 ; les prolégomènes de l'édition de dom Garet (Rouen, 1679), reproduite par Migne, t. lxix, col. 425-500 ; A. Franz, Cassiodorius Senator, ein Beitrag zur Geschichte der theologische Literatur, Breslau, 1872.
P. Batiffol. 2. CASSIODORE DE REYNA, hébraïsànt espagnol, protestant, né à Séville, mort à Francfort le 15 mare 1591. Il avait embrassé l'état ecclésiastique ; puis, se retirant à Francfort, il se livra au commerce. Il passa ensuite à Londres, où il semble avoir de nouveau exercé les fonctions ecclésiastiques. Mais ce ne fut que pour peu de temps. Nous le retrouvons à Anvers, puis à Francfort, où il se déclara ouvertement partisan de la confession d’Augsbourg. Il fit imprimer à Bàle une version espagnole des Livres Saints. Dans la préface, signée des initiales C. R., il s’efforce de paraître bon catholique et veut prouver qu’il est utile de traduire les Saintes Écritures en langue vulgaire. Pour cette œuvre, l’auteur s’est beaucoup servi de la traduction de Pagnino et de la version espagnole des Juifs, publiée à Ferrare, en 1553. En marge du texte, Cassiodore de Reyna a mis quelques notes pour expliquer les passages les plus difficiles. Voici le titre de cette traduction, souvent appelée Bible de l’Ours, de la marque de l’imprimeur : La Biblia que es los sacros libros del Viejo y Nuevo Testamento, trasladada en espanol, in-4°, 1569. Cette même version corrigée, augmentée de variantes, a été réimprimée par Cyprien de Valera, in-f°, Amsterdam, 1602. On doit encore à Cassiodore de Reyna : Annotationes in loca selectiora Evangelii Joannis, in-4°, Francfort, 1573. Cf. R. Simon, llist. cril. du Vieux Test., 1685, p. 340.
T ? "H^^RTI, IÏI7F,
CASTAGNETTES. Voir Cymbale, col. 1164.
- CASTALION Sébastien##
CASTALION Sébastien, appelé aussi Castalio et Castellion, du nom de sa famille Chateillon, latinisé en Castalion, théologien protestant, né à Saint-Martin-du-Fresne, dans le Bugey, en 1515, mort à Bàle le 23 décembre 1563. Il étudia avec ardeur dès sa jeunesse les langues anciennes, et particulièrement le grec et l’hébreu. Étant allé à Strasbourg, en 1540, il se lia avec Calvin, chez qui il passa deux années, jusqu'à ce que, grâce à cet influent protecteur, il eût obtenu une chaire de professeur au collège de Rive, à Genève, où il devint peu après principal.
Il se brouilla avec Calvin à cause des opinions extrêmes de celui-ci sur la prédestination, et aussi à cause du Cantique des cantiques, que Castalion voulait exclure du canon des Écritures, tandis que Calvin voulait le garder. Ce désaccord amena sa disgrâce ; il fut destitué de sa charge et réduit à la misère, jusqu’à ce qu’il se rendît à Bàle, où il fut reçu chez un imprimeur, Jean Oporin, en attendant qu’il devînt maître es arts et lecteur de grec à l’université de cette ville, de 1553 à, 1563, date de sa mort. Ses ouvrages sur la Bible sont : 1° Biblia Veteris et Novi Testamenii ex versione Sebast. Castalionis, Bàle, 1551, version latine d’après l’hébreu et le grec. Castalion la commença à Genève et la finit à Bàle. Il en publia une version française, en 1555. Cette traduction, qui a de grands défauts, fut l’objet de nombreuses et très vives critiques. Elle est remplie d’expressions singulières et hardies, par exemple, genius au lieu de angélus, lotio au lieu de baptismus, respublica au lieu de ecclesia, ce qui constitue parfois de véritables contresens. Il y a aussi dans cette version des tournures recherchées, des phrases surchargées d’ornements et sentant le langage oratoire. La noble simplicité et la force de langage des originaux disparaissent complètement. Castalion corrigea notablement ces défauts dans les éditions suivantes. Cette version est accompagnée de notes critiques qui manifestent chez l’auteur une connaissance étendue du grec, assez médiocre de l’hébreu. La version française de 1555 mérite aussi de sérieux reproches, car, en voulant faire passer dans la traduction toute la force de l’hébreu et du grec, l’auteur en est venu à employer des expressions ridicules : rogné pour circoncis ; la miséricorde fait la figue au jugement pour surpasse la justice, etc. — 2° Delineatio reipublicse judaicx ex Josepho. — 3° Defensio suarum translaiionum Bibliorum et maxime Novi Fœderis contra Th. Bezam. — 4° Nota prolixior in cap. ix Epistolse ad Romanos. Ces trois opuscules ont été ajoutés à la version latine de la Bible éditée à Leipzig, en 1697. — 5°Psalterium reliquaque sacrarum litterarum carmina et precationes, in-8°, Bàle, 1547, avec des notes.— G Jonas propheta heroico carminé descriptus, in-4°, Bàle, 1545. — 7° Dialogorum sacrorum ad linguam et mores puerorum formandos libri iv, Bàle, 1543. Ces trois derniers ouvrages, comme l’indiquent leurs titres, n’ont rien à voir avec l’exégèse. Les Dialogues sacrés ne sont qu’un abrégé de la Sainte Écriture avec une forme dialoguée, et destiné à devenirvun manuel scolaire pour les maisons d’éducation protestantes. M. Buisson, l’historien de Castalion, a compté cent trente éditions de ces Dialogues de 1543 à 1791. Pendant deux siècles ils furent le livre classique de la latinité en Allemagne, ce qui a valu à Castalion le surnom de Lhomond allemand. Le ton y est souvent trop familier ; les noms propres sont parfois défigurés ; enfin on y remarque quelques traces de socinianisme. On a aussi un poème grec de Castalion sur la vie de saint Jean-Baptiste. — Voir Buisson, Sébastien Castellion, sa vie et son œuvre, 1515-1563, 2 in-8°, Paris, 1891. On trouve dansl’appendicedecetouvrage, p. 751-772, uneétudesur la Bible française de Castalion, pour le pasteur 0. Douen.
P. Renard.
- CASTILLANES##
CASTILLANES (VERSIONS) DE LA BIBLE.
Voir Espagnoles (versions) de la Bible.
- CASTILLO##
CASTILLO (Martin del), Frère Mineur, natif de Burgos, lecteur émérite, consulteur de l’Inquisition, provincial de son ordre au Mexique, dans la seconde moitié du xvii 8 siècle, a donné au public : 1° Super Abdiam prophetam, in-4°, Anvers, 1657 ; 2° Super Susannam, et in caput 13 Danielis, imprimés en un même volume, in-f°, Madrid, 1658. Cet ouvrage, tout à la louange de la sainte Vierge, n’est que très indirectement exégétique, ainsi que le suivant : 3° In Debboram de Maria figurata, in-f », Séville, 1678 ; Lyon, 1690. 4° Ars biblica, in-4°, Mexico, 1675. P. Apollinaire.
- CASTORS##
CASTORS (Aiosv.o-Jpoi ; Vulgate : Castores). On appelait Dioscures (de Aid ; , « de Jupiter, » et xoûpqi ou xdpot, « fils, » les deux frères jumeaux Castor et Pollux, qui, selon la mythologie, étaient nés de Jupiter et de Léda. On les faisait figurer dans le ciel comme la constellation des Gémeaux. Dans le Nouveau Testament, Dioscures ou Castors est le nom du navire d’Alexandrie sur lequel saint Paul, après avoir été jeté par le naufrage dans l’île de Malte, s’embarqua pour aller en Italie. « Au bout de trois mois, nous nous embarquâmes sur un vaisseau d’Alexandrie, qui avait hiverné dans l’île, et qui avait pour enseigne les Castors. » Act., xxviii, 11. L’enseigne du navire, c’eslà-dire la figure ou emblème qui servait à le distinguer des autres, se plaçait sur la proue et plus précisément sur l’acrostole ou partie proéminente et ornée de la proue. Là aussi se mettait la tutela navis ou image de la divinité sous la protection de laquelle le navire était placé. « À la proue est une partie proéminente qu’on appelle acrostole (àxpo(rt<5Xiov), ou repli (jctu^i’c), ou écubier (ôç6aX(jiô ; ), sur laquelle est inscrit le nom du navire. » J. Pollux, Onomast., i, ix, 3, 2 in-f°, Amsterdam, 1706, t. i, p. 58. Ainsi les navires d’Énée, représentés dans le Virgile du Vatican, portent à la proue l’image sculptée répondant à leur nom. De même sur un très beau bas-relief découvert il y a quelques années parmi les ruines de Porto, près de Rome, les deux navires, qu’on y voyait toucher la terre, avaient sur la pointe de la proue les figures de deux divinités : l’un, l’enseigne de Bacchus ; l’autre, un buste qui semblait être celui du Soleil. Cf. Atti dell’Accademia pontificia romana d’archeologia, 1881, ser. ii, t. i, p. 25. Sur une birème votive trouvée à Palestrina, et aujourd’hui au musée du Vatican, laquelle représente probablement un navire alexandrin, la proue est ornée des deux emblèmes du crocodile et du buste d’Isis. Une peinture de Pompéi (fig. 106) nous montre plusieurs bateaux avec figures à la proue. Enfin, sans parler de beaucoup d’autres exemples qui pourraient être cités, une peinture trouvée dans les fouilles d’Ostie montre un navire marchand qui près de la proue porte écrit son nom : ISIS GEMINIANA. — Le vaisseau alexandrin sur lequel saint Paul fit le voyage de Malte à Syracuse devait donc porter l’image de Castor et de Pollux (fig. 107), sculptée sur la proue, et leur nom écrit en grec : ÀIOSKOTPOI. Quant à la version de la Vulgate, Castores, il est à noter que cette dénomination, commune à ces deux divinités, était adoptée parles anciens, qui avaient coutume d’appeler temple des Castors l’édifice consacré aux deux dieux jumeaux sur le Forum romain, édifice dont il reste encore sur pied trois colonnes d’un style élégant à l’extrémité du Forum, devant la moderne église de Sainte -Marie-Libératrice. Voulant indiquer ce temple, Martial, lib. i, Epigramm. 71, vers. 3, 4, écrivait :
Vicinum Castora canae
Transibis Vestæ virgineamque domum.
Si Castor et Pollux étaient ainsi représentés à la proue des navires, c’est surtout parce qu’ils étaient honorés comme divinités maritimes, puissantes pour préserver du naufrage et protéger les voyageurs. De là de fréquentes allusions dans les poètes aux Dioscures considérés sous ce rapport. Hymn. homer., xxxiv, 6 ; Théocrite, Idyl., xii, 1 ; Horace, Carmina, i, 3, 2 ; iv, 8, 31, etc. Des ex-voto témoignent de la reconnaissance de navigateurs échappés au naufrage par leur protection. M. Albert, Le culte de Castor et Pollux en Italie, in-8°, Paris, 1883, p. 59-60. Dans tous les ports de l’Italie méridionale, Castor et Pollux étaient honorés comme divinités maritimes. A Rhégium en particulier, ou touche saint Paul dans son voyage avant d’arriver à Pouzzoles, Act., xxviii, 13, les monnaies témoignent de ce culte. À Pouzzoles, où aborde l’Apôtre, sur le vaisseau Castor et Pollux, qui venait
! d’Alexandrie, on associait le culte des Dioscures à celui
d’Isis et de Sérapis. Pouzzoles étant le point de départ de la ligne directe qui menait à Alexandrie, sa population mêlée d’Orientaux honorait Castor et Poilus à côié d’Isis et de Sérapis comme divinités tutélaires des navigateurs. On plaçait également leurs images à la proue des vaisseaux. C’est ce qu’on voit en particulier sur une curieuse lampe en forme de barque, trouvée près de
1887, t. v, p. 41), s’étendit promptement à tout l’Orient, en Egypte, Gen., xxxix, 1 ; XL, 1 ; en Babylonie, IV Reg., xx, 18 ; Is., xxxix, 7 ; Dan., i, 7 ; en Perse, Esth., i, 10, 15 ; II, 21 ; vi, 2 ; vii, 9, à ce point que non seulement les prisonniers de guerre y étaient soumis, Hérodote, m, 49 ; vi, 32, mais encore un grand nombre de sujets, qui souvent et à raison même de cet état obtenaient la
aoo.
Peinture de Pompéi représentant un paysage sur le bord de la mer, avec divers bateaux portant des sculptures a la proue.
D’après Antidata <M Ercolano, t. i, pi. 245.
Pouzzoles, au fond de la mer. Sur la proue sont représentés Sérapis et Isis, déesse de la navigation, et au-dessous d’eux, Castor, vêtu de la chlamyde, coiffé du pileus, armé de la lance et debout près de son cheval, qu’il tient par la bride. M. Albert, Le culte de Castor et
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107. — Monnaie du Bruttium représentant Castor et Pollux.
Têtes île Castor et de Pollux, à droite, coiffés de bonnets coniques ; une étoile est au-dessus d’eux. — b ; . Castor et Pollux, à cheval, galopant, à droite. En exergue LiPETTIQN.
Pollux en Italie, in-8°, Paris, 1883, dans la Bibliothèque des écoles françaises d’Athènes et de Rome, fasc. 31.
CASTRATION. La mutilation infligée a l’homme par cette opération ne fut jamais en usage chez les Juifs. Au contraire, tandis qu’elle se pratiquait chez tous les peuples voisins, elle demeurait chez le peuple de Dieu sous le coup d’une sorte d’anathème inscrit dans la loi. Cette coutume barbare, introduite, d’après une légende, par Sémiramis ( Ammien Marcellin, Paris, 1636, 1. xiv, 6, p. 13 ; cf. Lenormant-Babelou, Histoire ancienne de l’Orient,
confiance des souverains et jusqu’aux plus hautes charges, Chez les Juifs, l’eunuque était tenu pour abominable ; il ne pouvait faire partie du peuple de Dieu, Deut., xxiii, 1, et tandis que souvent les prêtres païens étaient pris parmi les eunuques, la castration était en Israël un empêchement à l’exercice des fonctions sacerdotales. Lev., xxi, 20 (hébreu). Si Samuel, énumérant devant les Juifs les nombreuses servitudes qui résulteraient de la royauté, parle incidemment des eunuques attachés à la cour des futurs rois d’Israël, on ne peut rien tirer de ses paroles pour démontrer l’usage de la castration parmi les Juifs, car sa pensée pouvait se porter sur des étrangers, cf. Jer., xxxviii, 7, et si dans plusieurs passages, IV Reg., xx, 18 ; Is.. xxxix, 7, le fait de ce traitement imposé à des Juifs est signalé comme une chose extraordinaire, on peut légitimement en induire qu’elle n’était point pratiquée chez eux.
Dans l’Évangile, NotreSeigneur s’élève de la pensée de la castration corporelle à cette sorte de castration spirituelle qui est la continence parfaite. Matth., xix, 12. On sait comment Origène, par un zèle inconsidéré, fut amené à se mutiler lui-même : c’était suivre à la lettre le conseil de perfection que Jésus-Christ avait présenté dans ce passage sous forme métaphorique.
La castration se pratiquait non seulement sur les hommes, mais aussi sur le bétail. Chez les Juifs, d’après Josèphe, Ant.jud., IV, viii, 40, elle était interdite aussi bien que la castration des hommes. Les animaux qui avaient subi cette opération étaient regardés comme impurs, et la loi défendait de les offrir à Dieu en sacrifice. Lev., xxii, 21. P. Reisard. fi
1. CASTRO (Christophe de), jésuite espagnol, né à Ocafia (Espagne) en 1551, mort à Madrid le 2 décembre 1615. Il entra au noviciat des jésuites en 1569, expliqua l’Écriture Sainte à Alcala et à Salamanque et l’ut recteur du collège de Tolède. On a de lui : 1° Commentariorum in Jeremise prophetias, Lamentationes et Baruch, librisex, in-f°, Paris, 1609 ; Mayence, 1616 ; 2° In Sapientiam Salomonis brevis ac lucidus comrnentarius, in-4°, Lyon, 1613 ; 3° Commentariorum in duodecini prophetas libri duodecim, in-f°, Lyon, 16 : 15 ; Mayence, 1616 ; Anvers, 1619. C Sommervogel.
2. CASTRO (Léon de), théologien espagnol, mort en 1586. Après avoir étudié à Salamanque. il y devint professeur de théologie. Il obtint ensuite un canonicat à Valladolid, et enseigna l’Écriture Sainte dans cette ville. Très versé dans la connaissance de la langue grecque, il paraît avoir moins bien possédé la langue hébraïque. Il soutint contre Arias Montanus que le texte de la Vulgate et celui des Septante étaient préférables au texte hébraïque. Pour défendre cette thèse, il publia son Apologeticus pro lectione apostolica et evangelica, pro Vulgata D. Hieronymi, pro translatione Septuaginta virorum, proque oinni ecclesiastica lectione contra earum obtrectatores, in-f°, Salamanque, 1585. — Léon de Castro est encore l’auteur de Commentaria in Esaiam prophetam ex Sacris Scriptonbus grsecis et tatinis confecta adversus aliquot commentaria et interpretaliones quasdam ex Rabbinorum scriniis cornpilatas, in-f°, Salamanque, 1570. À la fin de cet ouvrage se trouvent des dissertations sous les titres suivants : Periochse singulorum capitum Esaise summam continentes ; — Concordia Evangelica cura Esaia propheta adductis in médium locis parallelis ; — Loci Quinquaginta quos juxta Septuaginta interpretum grxcorum paraphrasim ex hoc propheta citant Apostqli et Evangelistx. — Il a également composé des Commentaria in Oseam prophetam ex veterum Patrum scriptis qui prophetas omnes ad Christum referunt, in-f", Salamanque, 1586. — Voir Antonio,
Biblioth. hispana nova, t. ii, p. 14.- CATALANES##
CATALANES (VERSIONS) DE LA BIBLE. Le
plus ancien manuscrit de la Bible catalane existant et mentionné jusqu’à ce jour est du xrve siècle, Biblioth. Nat., espagnol 486. Il provient de Marmoutier. Il ne contient que le Nouveau Testament. M. Samuel Berger est le premier qui ait étudié la version catalane de la Bible ; son travail ne date que de l’année 1890. Il n’est donc pas étonnant que la critique ne soit pas encore arrivée à donner des résultats complets et aussi larges qu’on les désirerait ; du moins elle a formulé quelques conclusions qu’elle est en droit de regarder comme solides et qui sont intéressantes. Le manuscrit que je viens de mentionner nous donne l’âge très approximatif des premières versions catalanes. Car si l’auteur de la version contenue dans ce manuscrit avait la Vulgate latine sous les yeux, « il n’y a nul doute que la Bible française (Bibl. Nat., franc. 899) n’ait été sa première autorité ; » et la Bible française, qui était appelée à un grand succès, fut traduite à Paris, vers le milieu du xme siècle. D’autre part, les traductions catalanes postérieures, celles du XVe siècle, par exemple, reproduisent en la revisant la traduction de ce manuscrit, qui dés lors peut, jusqu’à preuve du contraire, être considérée comme la traduction primitive et originale. Elles sont sous sa dépendance en ce qui regarde d’abord le Nouveau Testament ; et ici il faut mentionner comme un fait intéressant trois versions catalanes des Évangiles. Pour l’Ancien Testament, sa Iraduction en catalan, de la même époque sans doute, rappelle les mêmes procédés. On sent l’influence tantôt du français seul, tantôt du français et de la Vulgate latine à la fois, ou même de la Vulgate latine seule, comme pour la Genèse jusqu’à Job, Isaïe, les Machabées. Elle a
été faite tour à tour sur le latin et sur le français. Le dominicain Romeu de Sabruguera, licencié et régent en théologie de l’Université de Paris, en 1306, et provincial de la province dominicaine d’Aragon, en 1312, est regardé comme l’auteur de la traduction primitive, d’après, le témoignage d’un manuscrit rapporté par Nicolas Antonio, Bibliotheca hispana nova, t. ii, p. 273. Boniface Ferrer et Jaime Borrel, venus après lui, sont les auteurs connus de traductions ou recensions partielles plus ou moins dépendantes de la première.
Les principaux manuscrits connus sont les suivants : Bibl. Nat., esp. 486, xive siècle, provient de Marmoutier ; Nouveau Testament dans l’ordre adopté à Paris, au xme siècle : Évangiles, saint Paul, Actes des Apôtres, Épitres catholiques, Apocalypse. — Barcelone, famille de Sobradiel, Calle del Palau, n° 3, Évangiles en catalan, xve siècle. — Bible de Jean Fernandez de Hérédia, dernier tiers du xive siècle ; n’a pas été retrouvée. — Bibl. Nat., esp. 2, 3, 4, xv c siècle, provient de Peiresc ; la Bible en 3 vol. — Bibl. Nat., esp. 5, date 1461, Pentateuque, Psaumes. — Musée brit., Égerton 1526, date 1465, Pentateuque, Psaumes. — Séville, Bibl. colombine, 7.7.6, xive /xve siècle, Biblia rimada, Psaumes et commencement des Évangiles de saint Matthieu et de saint Jean. Auteur : Romeu de Sabruguera. — Bibl. Nat., 2434, xive siècle ; provient de Marseille, Psaumes. — Bibl. Nat., franc. 2433, xve siècle ; provient de Perpignan ; Psaumes : « Commença lo Psaltiri en vulgar. » — Bibl. Nat., esp. 376, xvi « siècle ; provient de Valence probablement. — Bibl. Nat., esp. 244, xvie siècle. « Version tout à part et qui ne repose sur aucun texte ancien. » — Girone, fragment d’un psautier appartenant à « D. P. M. ». — La première Bible catalane imprimée a été celle de Boniface Ferrer, chartreux de Porta Celi, près de Valence, 1477, 1478. L’édition de la version castillane, à Amsterdam, par Gilles Joost, l’an 5390, comput juif, mentionne une édition de la Bible catalane. D. Félix Torres Amat, Memorias, in-8°, Barcelone, 1836, p. 085. La Société biblique de la Grande-Bretagne a publié à Londres, en 1832, une traduction catalane du Nouveau Testament par Prat. Elle a été réimprimée à Londres, en 1835, et à Barcelone, en 1837. — Voir Samuel Berger, Nouvelles recherches sur les Bibles provençales et catalanes, dans la Bomania, t. xix (1890), p. 505-561 ; M. J. M. Guardia, dans la Revue de l’instruction publique, t. xx, 12, 19 et 26 avril et 3 mai 1860, p. 25, 40, 57, 74 ; C. Douais, La Bible en catalan de Jean Fernandez de Ueredia, grand maître de l’ordre de Saint -Jean, 1316-1396, in-8°, Paris, 1886. C. Douais.
CATAPLASME. IV Reg., xx, 7 ; Is., xxxviii, 21. Voir col. 2241.
- CATAPULTE##
CATAPULTE, machine de guerre pour lancer des traits. Elle fut employée par Ozias à la défense dé Jérusalem. « Il fit, dit le texte sacré, des machines, œuvres d’ouvriers ingénieux (hisbônôt mahâSébét hô’sêb), pour les placer sur les tours et aux angles [des murailles], afin de lancer des flèches et de grandes pierres. » II Par., xxvi, 15. Ce texte est la plus ancienne mention connue de ces machines. Les catapultes figurent aussi dans l’artillerie des Machabées (grec : pup/àvai, o’pyav » ; Vulgate : machinas). I Mach., v, 30 ; IIMach., xii, 27. Les Grecs désignaient la catapulte sous le nom de xaraTtâXrr, ; , c’est la forme qui se trouve sur les inscriptions, Corpus inscript, grxc, 2360 ; Corpus Inscript, allie, II, 807, etc., et dans les plus anciens manuscrits. La forme vulgaire xara7îé).TT)i ; paraît fautive. Graux, dans la Revue de philologie, nouv. série, t. iii, 1879, p. 124. Le mot latin catapulta, Plaute, Captiv., 4, 2, 16, paraît venir de Sicile. — La catapulte, au dire de Pline l’Ancien, fut inventée par les Cretois. H. N., vii, 56. Les Grecs ne la connaissaient pas encore au temps de Thucydide. Elle fut pour la première
fois employée par Denys de Syracuse, au siège de Motye. Diodore de Sicile, xiv, 42, 50 ; Élien, Variée histor., VI, 12. C’est de Sicile qu’elle vint dans la Grèce propre. Plutarque, -Apophtheg. Lacon., p. 219. La première mention qu’on en trouve en Grèce est dans une inscription attique, entre 356 et 348 avant J.-G. Corptis Inscript, attic., t. ii, 61, 1. 37. Dès lors ces machines furent usitées dans tous les sièges, et nous savons qu’à Athènes l’exercice de la catapulte faisait partie de l’instruction militaire des éphèbes. Corpus inscript, attic, t. ii, 465, 467, 469, 470. — Les Carthaginois se servaient des catapultes, et les Romains, quand ils s’emparèrent de Garthagène, y trouvèrent cent vingt grandes catapultes et deux cent quatre-vingt-une
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108. — Catapulte. D’après Droyeen,
ITeerwesen und Kriegfiihrung der Griechen, p. 1 96.
petites, Tite Live, xxvi, 47, 5 ; mais ce n’est qu’assez tard qu’ils on comprirent l’utilité. Nous savons, en effet, qu’au moment où il fit le siège de Marseille, César était moins bien pourvu de machines que les Massaliotes, De bell. civ., ii, 2, 5, et, après Pharsale, il fit venir des engins de Grèce et d’Asie pour assiéger Alexandrie. Bell. Alexandr., 1, 1.
Il est assez difficile de distinguer entre elles les différentes machines de guerre des auciens. La plupart des textes semblent cependant établir la distinction entre la catapulte et la baliste (voir Baliste), par ce fait que la première servait à lancer des traits, la seconde des pierres. Diodore de Sicile, xvi, 74, donne, en effet, aux xa-aiti ).T « i l’épithète d’èÇuëeXeîc ; Polybe, v, 99, 7, distingue les xotTaitÛTiç xotl TrexpoëoXixà ô’pyava, et les inscriptions attiques parlent des (U).t) xotxarciix&v, Corpus inscript, attic., t. ii, 807, 808. De même en est-il pour les Romains. Tacite, Annal., xii, 56 ; Aulu Gelle, vil, 3, 1 ; Vitruve, x, 15. Josèphe, Bell, jud., V, VI, 2 et 3, distingue aussi parmi les machines dont se servirent les Romains au siège de Jérusalem, sous Titus, xouc ôÇuéeXEÏç xa’i xaxa7té).Taç xal xàç).’.806é).oui ; (jn^oe/â ; . De là l’expression de Plaute, Curcul., iii, 5, 11 : Ex te hodie faciam pilum catapultarium. Cependant catapulte est le terme le plus général, car il est question de boulets et de pierres lancés par les catapultes, Appien, Bell. Mithrid., 34 ; César, Bell, civ., ii, 9, 3. — Les catapultes ou machines à lancer des traits sont appelées par les Grecs eùBûxovoc, et les machines à lancer des pierres 7ta).îvxova. La plupart des auteurs qui ont traité de la matière s’accordent à voir dans ces deux mots l’indication d’une différence dans l’angle du tir, le premier désignant les machines à tir horizontal, les secondes les machines à tir incliné. Quelques savants cependant, notamment Prou, Notices et extraits des manuscrits de la Bibliothèque Nationale, t. xxvi, 2e part., 1877, p. 243, prétendent que cette théorie est insoute nable et que tous les engins antiques tiraient sous un angle très relevé. — La catapulte était fondée sur le principe de l’arbalète. Elle consistait essentiellement dans un arc à l’aide duquel on ramenait en arrière une pièce creusée, cd, dans laquelle on plaçait le trait. Cette opération se faisait à l’aide d’un treuil, ef. Quand le trait était ramené en a, on lâchait le treuil, la pièce cd revenait en 6, et le trait était projeté en avant avec force (fig. 108). La machine était placée sur un pied, de façon à pouvoir être manœuvrée facilement. Il y avait de grandes catapultes qui servaient de machines de siège et de petites catapultes qui servaient d’artillerie de campagne. Corpus inscript, attic, t. ii, 250, 733, et Vitse X orator., p. 851 ; Tite Live, xxvi, 47. — Voir H. Droysen, Eeerwesen und Kriegfùhrung der Griechen, in-8°, Fribourg-en-Brisgau, 1889, p. 187-204, et les auteurs cités au mot Baliste. E. Beurlier.
CATARACTES DU CIEL. Le mot « cataracte » signifie proprement une chute d’eau qui, dans un fleuve ou une rivière, se précipite du haut d’un rocher (en latin, cataracla et cataractes ; du grec : xaxapâxxriç, dérivé de y.aTapicTcTM, « se précipiter avec impétuosité » ). La Vulgate, se servant du terme qu’avaient employé les Septante, a traduit, Gen., vii, 11 ; viii, 2 ; IV Reg., vii, 2, 19 ; Is., xxiv, 18 ; Mal., iii, 10, par « cataractes du ciel » l’expression hébraïque’ârubôp has-sâmayim. L’étymologie du mot’ârubôt est incertaine. Gesenius-Buhl, Handicôrterbuch, 12e édit., 1895, p, 67. Quoi qu’il en soit, l’image dont se sert le texte original est différente de celle des versions. Les’ârubôt désignent les fenêtres treillissées qu’on supposait placées dans la voûte céleste et par lesquelles on disait que coulait la pluie. Les Hébreux n’avaient point de fenêtres vitrées, mais des ouvertures fermées par des treillis ou des grilles, analogues aux moucharabiéhs qui sont encore en usage au Caire ; elles devaient être formées ordinairement par de petites baguettes de bois entrecroisées, formant comme les mailles solides d’un Filet. L’Ecclésiaste, xii, 3, emploie le mot’ârubôt pour désigner ce genre de fenêtres, et saint Jérôme, dans ce passage, traduit cette expression par « trous » (foramina). Dans le récit du déluge, par une belle métaphore, Gen. vii, 11 ; viii, 2, les gouttes de pluie qui tombent du ciel sont censées passer par les petits trous qui laissent pénétrer l’air et le jour dans les fenêtres ainsi percées (cancelli, clathri). Saint Jean Chrysostome, commentant la métaphore de la version grecque de la Genèse, dit : « L’Écriture parle selon la coutume humaine. Il n’y a pas de cataractes dans le ciel, [non plus que des fenêtres à grillages], mais elle emploie toujours des expressions qui nous sont familières. C’est comme si elle disait : Le Seigneur commanda, et aussitôt les eaux obéirent au commandement du Créateur, et en roulant inondèrent toute la terre. » Hom. xxv in Gen., 3, t. Lin, col. 222.
Dans IV Reg., vii, 2, 19, pendant la famine qui désole Samarie assiégée par les Syriens, lorsque Elisée annonce que le lendemain le blé et l’orge se vendront à bas prix à la porte de la ville, un chef israélite lui répond : « Alors même que Jéhovah ferait des fenêtres dans le ciel » [’ârubôt haS-Sâmayim ; Vulgate : cataractas in cœlo) pour jeter ou faire pleuvoir de là des vivres sur Samarie, « cek serait-il possible ? » La métaphore des « cataractes » convenait moins ici que dans le récit du déluge, puisque dans le cas présent il n’est pas question d’eau ; elle a été néanmoins conservée par les Septante et par la Vulgate, qui ont ainsi comparé l’abondance des grains tombant du ciel à l’abondance des eaux qui se précipitent d’une cataracte.
— Dans Isaïe, xxiv, 18, ’ârubôt mimmâron, <i les fenêtres d’en haut, » et Malachie, iii, 10, ’ârubôt haS-Sâmayim, « les fenêtres du ciel, » sont employées dans le même sens que dans la Genèse, pour parler d’une pluie abondante, et la traduction grecque, comme la version latine, ont con
serve naturellement dans ces passages le mot « cataractes », dont elles s’étaient servies dans la description du déluge.
— Elles l’ont employé aussi une autre fois, et très exactement dans le sens propre, Ps. xli, 8, là où le texte original n’a pas le mot’ârubôf. « L’abîme appelle l’abîme, au bruit de tes cataractes, » lisons-nous dans les Septante et dans la Vulgate. Le Psalmiste, qui vient de parler de la terre du Jourdain et de l’ilermon, ꝟ. 7, fait allusion aux torrents qui se précipitent avec fracas du haut des montagnes et aux cataractes mugissantes du Jourdain : les eaux semblent appeler les eaux, parce qu’elles se suivent sans interruption et en se brisant avec fracas. Le mot hébreu correspondant à « cataractes » est ici sinnôr. Plusieurs le traduisent par « gouttière, canal », parce que c’est la signification qu’il a dans le seul autre endroit de la Bible hébraïque où il est employé, II Sam. (II Reg.), v, 8 (Vulgate : domatum fistulas) ; mais il est plus naturel de le prendre ici dans le sens de violente chute d’eau, cataracte (Gesenius, Thésaurus, p. 1175), par allusion aux cataractes proprement dites qu’on remarque dans les contrées dont parle l’auteur sacré et qui frappent par leur beauté tous ceux qui peuvent jouir de ce spectacle. Voir Cascade. F. Vigouroux.
- CATHARIN Ambroise##
CATHARIN Ambroise, théologien italien, de l’ordre de Saint-Dominique, né à Sienne en 1487, mort à Naples le 8 novembre 1553. Son nom de famille était Lancelot Politi. À seize ans, il prit ses grades dans sa ville natale, et se mit en route pour visiter les principales universités de France et d’Italie. De retour à Sienne, il y obtint la chaire de droit et eut pour élève Jean Marie del Monte, qui devint pape sous le nom de Jules III. Léon X le fit venir à Rome et le nomma avocat consistorial. Ce fut en cette qualité qu’il accompagna le souverain pontife à Cologne, lors de son entrevue avec François Ier. En 1535, renonçant à ses dignités, il entra chez les Frères -Prêcheurs de SaintMarc, à Florence, et prit le nom d’Ambroise Catharin, par dévotion pour le B. Ambroise Sansedoni et pour sainte Catherine de Sienne. Il habita la France pendant quelques années, et le cardinal-légat Jean Marie del Monte le fit venir au concile de Trente, en 1545. Nommé évêque de Minori, puis archevêque de Conza. il mourut à Naples en se rendant à Rome, où il était appelé, croit-on, pour recevoir la pourpre des mains de Jules III. Doué d’une érudition peu commune, esprit Vif et indépendant, Ambroise Catharin a laissé de nombreux ouvrages, parmi lesquels nous devons citer : Annotationes in commentaria Cajetani super Sacram Scripturam denuo multo locupletiores et castigatiores redditse, in-8o, Lyon, 1542 ; Claves duss ad aperiendas intelligendasve Sacras Scripturas perquam necessariæ, in-8o, Lyon, 1543 ; Commentaria in omnes D. Pauli apostoli Èpistolas et alias septem canonicas, in-f°, Rome, 1546. Parmi ses Tractatus theologi plures, in-f°, Rome, 1551, nous signalerons : Enarrationes in quinque priora capita Geneseos, et Qusestio an expédiât Scripturas in maternas linguas transferri. L’auteur se prononce pour la négative. — Voir Échard, Scriptores ord. Prœdicatorum, t. ii, p. 1*4, 332, 825 ; Tiraboschi, Storia délia letteratura italiana, t. vii, p. 414, 495 ; Dupin, Histoire des auteurs ecclésiastiques du xvi’siècle (1703),
t. v, p. 8.- CATHED##
CATHED (écrit ausii Cateth dans diverses éditions de la Vulgate ; hébreu : Qattâp ; Septante : KrravxS ; Codex Alexandrinus : Kct.rzi.ti), ville de la tribu de Zabulon. Jos., xix, 15. L’hébreu nap, Qattâf, est une forme
contracte de nj-’p, Qatténép, « petite, » mot que reproduit le grec KocTaviS. Comme le nom syro - chaldéen de Cana de Galilée est Qatna (voir la version syriaque des Évangiles, Joa., ii, 1, 11), R. J. Schwarz, Dos heiliqe Land, in-8o, Francfort-sur-le-Main, 1852, p. 136, en a
conclu que Cana et Qattât étaient une seule et même ville, qu’il place à Qânâ el-Djelil ou Khirbet Qânâ, au bord septentrional de la plaine de Zabulon. Voir Cana 3. Le village indiqué est bien dans la tribu de Zabulon ; mais la conjecture demanderait à être mieux appuyée. Le Talmud, Mischna, Sotah, IX ; Tosiftha, Sotah, xv, mentionne une localité du nom de Qetônît, que A. Neubauer, La géographie du Talmud, in-8o, Paris, -1868, p. 189, assimile à la cité biblique dont nous parlons, et qu’il identifie « avec le village de Keteînéh (exactement Khirbet Qotéinéh), à l’ouest de la plaine de Merdj-lbn-Amir (ou d’Esdrelon) ». Nous pensons, avec les auteurs du Survey of Western Palestine, Londres, 1882, t. ii, p. 48, que ce site peut convenir à la ville talmudique, mais qu’il ne peut appartenir à la tribu de Zabulon, ni, en conséquence, représenter Cathed. L’emplacement reste donc inconnu. — Certains auteurs supposent que Cathed est identique à Cétron (hébreu : Qitrôn), ville de Zabulon, dont les habitants chananéens ne furent pas détruits. Jud., i, 30. La raison principale est tirée de la mention de Naalol après chacun de ces noms dans les deux passages. Jos., xix, 15 ; Jud., i, 30. Cf. Rosenmùller, Scholia, Josua, Leipzig, 1833, p. 367 ; Keil, Josua, Leipzig, 1874, p. 153. L’argument est insuffisant. Voir Cétron.
A. Legendhe.
- CATHEUS Arnold##
CATHEUS Arnold, jésuite hollandais, né à Leeuwarden (Hollande) en 1576, mort à Ruremonde le 14 décembre 1620. Avant d’embrasser la vie religieuse, il avait étudié la médecine à Leyde et se fit recevoir docteur à Padoue. Il se rendit ensuite à Rome et entra au noviciat des Jésuites, en 1602. De retour dans sa patrie, il fut employé dans les missions de Hollande pendant dix ans, puis enseigna l’Écriture Sainte chez les Jésuites de Louvain, la controverse à Anvers, et fut recteur de Ruremonde. On a de lui : Canticum canticorum Salomonis, paraphrasi continua enarratum, addilis notis ad usum concionatorum et lectorum pietatem, in-8o, Anvers, 1625. D’après Paquot, il y aurait une édition antérieure, in-8o, Anvers, 1619. Il a laissé en manuscrit des notes nombreuses sur les Psaumes et un commentaire (inachevé) sur le Magnificat. C. Sommervogel.
- CATHOLIQUES##
CATHOLIQUES (ÉPÎTRES). On donne ce nom aux sept Épîtres suivantes : Épître de saint Jacques, première et deuxième Épîtres de saint Pierre, première, deuxième et troisième Épîtres de saint Jean, et enfin Épître de saint Jude, parce que cinq d’entre elles ne sont pas adressées à des Églises ou à des personnes particulières, comme celles de saint Paul, mais aux fidèles en général (xocdoXtxôç, « universel » ). La seconde et la troisième Épîtres de saint Jean sont adressées à des particuliers, mais on ne les a pas moins rangées parmi les Épîtres catholiques, afin de ne pas les séparer du groupe dans lequel elles sont placées dans le Nouveau Testament. La dénomination d’Épîtres catholiques se rencontre pour la première fois dans Eusèbe, H. E., ii, 23 ; vi, 14, t. xx, col. 205, 549, mais m’emploie comme une expression déjà courante et bien connue. Voir W. C. L. Ziegler, De sensu nominis Epistolavum catholicarum earumque numéro in veteri Ecclesia, Rostock, 1807 ; Ed. Reuss, Die Geschichte der heiligen Schriften Neuen Testaments, 6e édit., in-8o, Brunswick, 1887, n » 301, p. 337.
F. Vigouroux.
- CAUDA##
CAUDA (grec : K).a050c, Act., xxvii, 16 ; variantes : KauSa, KavBov, KXauSsa), nom d’une île où aborda saint Paul après qu’il eut quitté Bonsports, dans la Crète. Il en est question dans quelques auteurs, comme Ptolémc’e, Geograph., iii, 15 ; Pline, H. N., IV, 30 ; Pomponius Mêla, ii, 18. Strabon, dans les éditions ordinaires, VI, 2 (voir édit. Didot, p. 230), parle bien d’une île de rVjSoç (aujourd’hui Gozzo), près de Malte, à quatre-vingt-huit milles du cap Pachino de Sicile, et de Koc-jôiov, près de Capoue ; mais il ne fait aucune mention d’une île de ce
nom près de Crète. Ce nom a été découvert dans un palimpseste de Strabon de la Bibliothèque Yaticane, où le P. Cozza a pu déchiffrer ce passage relatif au chapitre xvii de la Géographie de cet auteur :
pa Xîpp-jvïiao ?
Tai 02 xarst KauSov tïj ; Kor.T/j ; ev Si apiiïrt -/i>.iwv y.at 7 ; ïvTay.ouici)v azx 5 : wv v&76) « Le promontoire de Chersonèse avec son port est en face de Caudon de Crète, à une distance de mille cinquante stades, en naviguant avec le vent de Notus (de la côte de Cyrénaïque). » Atti dell’Accademia pontificia d’archeologia, 1890, sér. ii, t. iii, p. 2Il et suiv. Le nom de cette île se présente avec quelques variantes
Êyrène
A F
120 :
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109. — Cauda.
dans les anciens manuscrits grecs de la Bible. Dans le Manuscrit du Vatican (B). on lit KAYAA ; dans le Sinaïtique (x), KAA"¥AA (mais À a été effacée) ; dans l’alexandrin (A), KAAVAA. Le Manuscrit ambrosien pentaglotte a dans la Peschito Keuda ; dans l’arabe, Kauda ; dans l’éthiopien, Kauda. On lit dans quelques manuscrits Ka-j8a ou Ka-jSov, selon qu’on l’unit à vriuoç ou à vKjffîov ; quelquefois le nom se change en IO.ocjùV, , comme, par exemple, dans le textus receptus, par une erreur évidente des copistes.
Plusieurs auteurs ont pensé que la petite île de Cauda, près de laquelle passa le vaisseau de saint Paul, au premier des quatorze jours de la tempête qui l’assaillit entre la Crète et Malle, serait la petite île appelée Gozzo, près de Malte. Mais le récit des Actes s’oppose à cette identification : nous y lisons qu’après avoir quitté Bonsports, le navire côtoya la Crète, poussé par un vent du nord-est vers le sud-ouest contre l’île de Cauda. Act., xxvii, 14-16. Or précisément dans cette direction se trouve l’ile de Gaudo ou Cauda, comme on peut le voir sur la carte (fig. 109). La Cauda des Actes est donc bien l’ile qui avoisine la Crète et non pas Gozzo, prés de Malte. Voir F. Vigoureux, Le Nouveau Testament et les découvertes archéologiques modernes, p. 311.
H. Marucchi.
CAVALERIE. Voir Armée, t. i, col. 974, pour la cavalerie hébraïque ; col. 983, pour les cavaleries étrangères.
[ CAVALIER ROMAIN. Les cavaliers romains sont l mentionnés dans les Actes, xxiii, 23. Quand le tribun qui 1 commandait à la tour Antonia veut faire conduire saint Paul à Félix, procurateur de Judée, qui résidait à Césarée, il lui donne une escorte dans laquelle figurent soixante-dix cavaliers. Le reste de l’escorte demeure à Antipatris, et les cavaliers vont seuls jusqu’à Césarée. Act., xxiii, 31-31
La cavalerie romaine comprenait des corps organisés de différentes façons. 1° Les cavaliers légionnaires (fig. 110), attachés à la légion et citoyens romains. Supprimés par César, ils avaient été rétablis par Auguste, mais ils étaient peu nombreux, cent vingt par légion. Josèphe, Bell, jud., III, vi, 2. Ils servaient d’escorte au légat légionnaire, d’ordonnances aux officiers et d’estafettes. —
— z £-6 110. — Cavalier romain.— Caïus Marins, de la première légion, galopant sur son cheval. Il est vêtu d’une tunique et porte une cuirasse en cuir, couverte de décorations. Il est armé d’un javelot et d’un bouclier hexagonal. — Tombeau trouvé a Bonn. D’après Lindenschmit, Tracht nnd Bewafftiung des romisclien-Seeres, p. 22, pi. vii, 1.
2° La principale force de la cavalerie romaine était composée d’auxiliaires. Voir Auxiliaires. Les uns formaient des corps distincts, appelés aise. Les aise étaient commandées par des préfets et subdivisées en turmse, commandées par des décurions. Les aise milliarise comprenaient 24 turmse, soit 960 cavaliers, et les aise quingenarise 16 turmse, soit 480 cavaliers. Certaines aise étaient formées de citoyens romains, soit que la nation d’où le corps était tiré possédât déjà le droit de cité, soit que ce droit eût été accordé eu bloc au corps lui-même. Tacite, Hist., iii, 47. Les autres étaient formées de contingents provinciaux ou barbares. C’est ainsi qu’on voit des aise de Numides, de Maures, de Dalmates, de Bataves, etc. Sous Vespasien, les cavaliers armés à la romaine, légionnaires ou auxiliaires, portaient une épée longue, une lance (confus), un bouclier (scutum), plusieurs javelots dans un carquois, un casque et une cuirasse couverte de ô4
petites plaques de métal, ou une cotte de mailles. Josèphe, Bell, jud., III, v, 5. Arrien, Tactic, iv, 7, 8 et 9, ajoute qu’ils portaient de petites masses garnies de pointes. D’autres portaient des cuirasses de peau et des boucliers plus légers. Les Barbares conservaient l’armement de leur pays.
D’autres corps étaient formés à la fois d’infanterie et de cavalerie, on les appelait cohortes equitatse. Voir Cohortes. Josèphe, en donnant la composition de l’armée de Vespasien, parle de cohortes comprenant six cent treize fantassins et cent vingt cavaliers. Bell, jud., III, iv, 2. La création des cohortes eqititatx paraît remonter à Auguste. Corpus inscript, latin., t. x, 4862. Elles avaient été probablement organisées pour le service de garnison sur les frontières et dans les provinces, de façon à pouvoir agir comme des corps indépendants. Les cohortes equitatse étaient commandées par des tribuns et des centurions. Dans le passage des Actes, deux centurions commandent deux cents fantassins et soixante-dix cavaliers. Dans Josèphe, Bell, jud., II, xiv, 7, un centurion commande cinquante cavaliers. Voir Mommsen et Marquardt, Manuel des antiquités romaines, trad. française, t. xi, p. 175, 193-195. Il est donc de toute évidence que les cavaliers dont il est question dans les Actes appartenaient . à une cohors equitata. E. Beuruer.
CAVE, endroit où l’on met le vin. Voir Cellier.
- CAVENSIS##
CAVENSIS (CODEX). On désigne sous ce nom un intéressant manuscrit de la Vulgate hiéronymienne, propriété de l’abbaye de la Cava, près de Salerne. Il est décrit longuement dans la publication qui a pour titre Codex diplomaticus Cavensis, t. i, Naples, 1873, Appendice, p. 1-32, avec deux fac-similés, par dom B. Gætani d’Aragona, comme un manuscrit du vin 8 siècle ( ?), comptant 303 feuillets, hauteur 32 centimètres, largeur 26, écrit sur trois colonnes de 54 et 55 lignes, en caractères de « minuscule romaine » affectée de quelques formes « lombardes », tandis que les titres et les prologues sont d’onciale de diverses tailles ; les initiales sont ornées d’arabesques et de figures animées. La Paléographie universelle de Silvestre, t. iii, Paris, 1841, pi. 106, donne aussi un fac-similé et une description de notre manuscrit, qu’elle attribue au IXe siècle ( ?). Le P. d’Aragona a signalé le premier le nom du copiste du Codex Cavensis, qu’il a relevé immédiatement à la suite du texte de Jérémie : le copiste signe DANILA SCR1PTOR. M. Wordsworth a retrouvé ce nom, dont la forme est parfaitement visigothe, selon M. Berger, parmi les souscriptions du xvi Il concile de Tolède, tenu en 693. Le même M. Berger fait observer que nombre de particularités de la décoration de ce manuscrit rappellent les manuscrits espagnols, que les épîtres paulines y sont accompagnées du proœraium de Peregiinus et des canons de Priscillien, comme dans les bibles espagnoles, et il conclut qu’il faut renoncer à l’opinion qui appelle l’écriture de ce manuscrit « lombarde », et voir dans le Codex Cavensis un pur manuscrit visigoth du IXe siècle, sinon de la fin du vin ». Le texte est celui de la Vulgate hiéronymienne, « tantôt fortement mélangé d’éléments anciens, comme sont le plus grand nombre des textes espagnols, tantôt, dans d’autres livres, remarquablement pur ; il se range très souvent aux côtés du Codex Toletanus. » S. Berger, Histoire de la Vulgale, Paris, 1893, p. 14-15.
P. Batiffol.
1. CAVERNE (Hébreu : me’ârâh, de’ûr, « creuser ; » c’est le terme le plus commun, tandis que les suivants ne sont employés que rarement, ou même une seule fois : hôr ; mehillâh, de liàlal, « creuser, » Is., ii, 19 ; nâqlq, de nâqaq, « creuser, » Jer., xvi, 16 ; se’if, « creux de rocher, » de sâ’af, « diviser, » Jud., xv, 8 ; hagvêhasséla’, « refuge de pierres, » Cant., ii, 14 ; Jer., xlix, 16 ; Abd., 3 ; Septante : (j-v.xiov,-fuiY’T n « reÉmr, v ?, ; zixpzi,
Tpuna). ! à t<3v 7uÉTp<ov, <hxo{ àvrpûSr, ; , II Mach., ii, 5 ; Vulgate : antrum, caverna, spelunca, foramina petrse), lieu creux, naturel ou artificiel, dans les rochers, dans les montagnes ou dans la terre. « On trouve un nombre considérable de cavernes, soit naturelles, soit artificielles, dans les montagnes de formation calcaire et crayeuse du sol de la Palestine. Le mont Carmel en renferme à lui seul plus de mille, et on en compte des quantités innombrables près de Jérusalem et sur les rives du lac de Génésareth. » Arnaud, La Palestine ancienne et moderne, Paris, 1868, p. 288. Il a été parlé des cavernes artificielles à l’article Carrière. Quant aux cavernes naturelles, V. Guérin en signale un très grand nombre dans sa Description géographique, historique et archéologique de la Palestine, 7 in-8°, Paris, 1868-1880. La plupart ne présentent aucun intérêt historique ; quelques-unes seulement méritent d’être signalées ; il est impossible d’ailleurs d’identifier toutes celles dont la Sainte Écriture fait mention.
I. Cavernes servant de sépultures. — « Plusieurs cavernes de la Palestine paraissent avoir servi de lieux de sépulture longtemps avant l’arrivée des Israélites et même des Chananéens dans la Terre Promise. » Arnaud, La Palestine, p. 288. Dans les temps historiques, la première et la plus célèbre caverne affectée à cet usage fut celle de Makpêlâh ou « caverne double », à Hébron, qu’Abraham acheta aux Benè-Heth. Là furent successivement ensevelis Sara, Abraham, Isaac, Rébecca, Lia et Jacob. Gen., xxiii, 11-20 ; xxv, 9 ; xlix, 29-31 ; l, 13. Voir Makpelaii. Beaucoup de tombeaux furent placés plus tard dans de petites grottes naturelles situées sur le flanc des collines, ou dans des excavations pratiquées à cette intention. Le tombeau de Lazare, que saint Jean, xi, 38, appelle une « caverne », était une cavité de cette dernière espèce. Elle a environ trois mètres de long et autant de large. La voûte qu’on y voit actuellement remonte à l’époque des croisades. Liévin, Guide indicateur de la Terre Sainte, Jérusalem, 1887, t. ii, p. 326.
II. Cavernes servant d’haditation. — Beaucoup des plus grandes cavernes de Palestine ont été habitées primitivement par une population de troglodytes que la Bible appelle-fforim. Leur nom vient sans doute de hôr, « caverne. » Les versions rendent ce nom par Xoppaîoi et Çhorrsei ou Horrsei. Voir Chorréexs. Job, xxx, 6, parle des gens de rien qui « habitent dans l’horreur des torrents et dans les cavernes de la terre ». Il s’agit ici des habitants du Hauran, Havrân, le pays des cavernes, à l’est du Jourdain. Delitzsch, Das Buch lob, Leipzig, 1876, p. 391. Les cavernes n’étaient généralement que l’habitation des plus misérables, ainsi qu’il ressort de la manière dont s’exprime l’auteur de Job. Les Iduméens habitaient aussi dans les cavernes, aux environs de Pétra, dans les montagnes de Sélr. Jer., xlix, 16 ; Abd., 3. Saint Jérôme, In Abdiam, 1, . xxv, col. 1105, constate qu’à son époque, <c dans toute la région des Iduméens, depuis Éleuthéropolis jusqu’à Pétra et /Ela (territoire d’Ésaù), on habite dans de petites cavernes. » Actuellement celles de l’ouadi Dhahariyéh sont encore occupées. E. H. Palmer, The désert of the Exodus, Londres, 1871, t. ii, p. 394-396. Après la ruine de Sodome, Lot habita quelque temps avec ses deux filles dans une caverne voisine de Ségor. Gen., xix, 30. Samson demeura dans la caverne d’Étam, Jud., xv, 8, sous le plateau rocheux de Deir-Dubbân, à l’est de la plaine de Séphéla. Voir Étam. Une autre caverne servit de séjour à Flie au mont Horeb, et le Seigneur s’y montra à lui. III Beg., xix, 9, 13. La localité qui est appelée « Maara des Sidoniens » dans le livre de Josué, xiii, 4, devait son nom à une caverne, me’ârâh, qui fut peut-être habitée autrefois. Voir Maara. Encore aujourd’hui, certaines cavernes, comme celles de l’ouadi Fara, au nord de Jérusalem, servent d’habitation à des fellahs. — Les auteurs sacrés mentionnent aussi les cavernes et les cavités des rochers comme servant d’habi II. — 12
055
CAVERNE
CÉDAR
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tation aux animaux. Is., xi, 8 ; Nah., ii, 12, etc. Dans le Cantique, ii, 14, l’époux dit à l’épouse : « Ma colombe, dans les refuges de la pierre (hagvê- hasséla’}, dans les enfoncements de la muraille, montre-moi ton visage. » Plusieurs grottes ou cavernes de Palestine sont encore aujourd’hui fréquentées par les colombes. Entre ïibériade et Tell -Hum, ces animaux ont élu domicile dans les innombrables grottes do l’oued el-Hamâm, « vallée des colombes. » V. Guérin, Description de la Palestine, Galilée, t. i, p. 132.
III. Cavernes servant de prison, de cachette ou de refuge. — Josué fait enfermer dans la caverne de Macéda les cinq rois qui s’y sont réfugiés ; on les en lire pour les mettre à mort, et ensuite on y dépose leurs cadavres. Jos., x, 17-27. On ignore l’emplacement de cette caverne. Isaïe, xlii, 22 (hébreu), annonce au peuple que pour sa punition « il sera enchaîné dans des cavernes ». Les cavernes de Sion seront alors envahies par les ténèbres. Is., xxxii, ik — Jonathas se cache dans des cavernes pour surprendre les Philistins. I Reg., xiv, 11. Abdias, intendant d’Achab, cache cent prophètes dans deux cavernes, pour les soustraire à la colère de Jézabel, et il les y nourrit de pain et d’eau. III Reg., xviii, 4, 13. C’est dans une caverne, dont ensuite il fut impossible de retrouver l’entrée, que Jérémie cacha l’arche d’alliance. II Mach., ii, 5, 6. Au temps d’Anliochus, les Juifs fidèles se retirent dans des cavernes pour célébrer le sabbat et les fêtes. II Mach., vi, 11 ; x, G. Les voleurs n’avaient pas de peine à trouver des cavernes pour y mettre à l’abri leurs personnes et leurs larcins. Le Seigneur se plaint que son temple serve au même usage et soit devenu une « caverne de voleurs ». Jer., vii, 11 ; Matth., xxi, 13 ; Marc, xi, 17 ; Luc, xix, 46. — Les cavernes deviennent surtout des refuges contre les ennemis. Les Hébreux y cherchent une protection contre les Madianites qui les oppriment, Jud., vi, 2, et ensuite contre les Philistins. I Reg., xiii, 6. Pour échapper aux persécutions de Saùl, David se réfugie successivement dans la caverne d’Odollam, I Reg., xxii, 1 ; I Par., xi, 15 ; II Reg., xxiii, 13, puis dans d’autres cavernes près d’Engaddi. I Reg., xxiv, 4, 8, 9. C’est encore dans des cavernes que cherchent un abri les méchants, qui croient ainsi échapper à la vengeance du Seigneur, mais que cette vengeance atteindra sûrement. Is., ii, 19 ; Jer., xvi, 16 ; Ez., xxxiii, 27 ; Apoc., vi, 15. Il est possible qu’Amos, ix, 3, fasse allusion aux nombreuses grottes du Carmel, quand il dit des méchants : « S’ils se cachent sur le sommet du Carmel, je les y découvrirai et je les en chasserai. » La justice de Dieu atteint les pécheurs jusque dans les plus profondes retraites souterraines. Jer., xvi, 16. Cf. Josèphe, Bell, jud., VI, ix, 4. Là aussi les serviteurs de Dieu se soustraient aux poursuites de leurs persécuteurs. Hebr., xi, 38.
IV. Les cavernes les plus remarquables de Palestine. — 1° Plusieurs cavernes ou grottes ont servi de séjour à des personnages illustres ou de théâtre à de grands événements rapportés par les Livres Saints. Malheureusement l’authenticité de leurs titres n’est pas toujours indiscutable. Une grotte du mont Thabor, ayant six mètres de long et autant de large, est mentionnée par l’higoumène russe Daniel comme ayant servi de séjour à Melchisédech. Rien absolument ne justifie cette attribution. Liévin, Guide, t. iii, p. 116. La grotte d’Élie au mont Carmel, la grotte de Jérémie au nord de l’entrée des carrières royales ; la grotte de saint Jean, dans laquelle le précurseur aurait mené sa vie pénitente ; la grotte de la Quarantaine, qui aurait fourni un abri à Notre -Seigneur pendant son jeune au désert, doivent leur illustration à j des traditions qui ne sont pas toutes à l’abri de la critique, i A Bethléhem se voient les grottes de la Nativité, des Pas-’, tgurs et du Lait. Voir t. i, col. 1692-1695. L’authenticité ; de la grotte de l’Agonie, au jardin de Gethsémani, est indiscutable. Cette grotte, qui n’a subi aucune transfor- :
mation depuis l’époque de Notre -Seigneur, mesure uno dizaine de mètres de long sur sept ou huit de large. Elle reçoit le jour par une ouverture pratiquée dans la voûte. Les Franciscains en ont la garde, et ils y célèbrent le saint sacrifice depuis l’année 1393. La grotte renferme actuellement trois autels. Liévin, Guide, t. i, p. 329. Sous le rocher du Calvaire se trouve une autre petite grotte, appelée grotte d’Adam par suite d’une légende sans fondement. Voir Calvaire.
2° D’autres cavernes de Palestine sont des merveilles naturelles. Lartet, Essai sur la géologie de la Palestine, Paris, 1869, p. 185, signale sur le littoral de la mer Morte, le long du Djebel Ousdom, une grotte creusée dans la couche de sel. La galerie se prolonge horizontalement assez avant dans la montagne, et aboutit à un vaste puits naturel par où tombent les eaux pluviales, qui ont produit peu à peu cette excavation. — À une dizaine de kilomètres à l’est de Bethléhem se trouve la grotte de saint Chariton, ou ïïloghâret Khareiloun, qui doit son nom à un anachorète du IIIe siècle. « Celte excavation est remarquable par son étendue, l’immensité de plusieurs de ses salles et la multiplicité des souterrains… La longueur de ce labyrinthe naturel est très considérable. De tous les côtés se trouvent des diverticulum et des cavités inférieures dans lesquelles les guides ordinaires n’osent pas s’aventurer, retenus par une terreur superstitieuse ou par la crainte de s’égarer… Le sol, ainsi que cela se voit dans la plupart des grottes analogues, est formé par une terre d’un noir rougeàtre, renfermant des acides de fer et un peu de matière organique. » Lortet, La Syrie d’aujourd’hui, dans le Tour du monde, t. xlii, p. 145. La caverne, qui a deux cent vingt mètres de long, forme sept salles situées à des niveaux différents et communiquant par d’étroites galeries. On n’y a trouvé que des débris de vases insignifiants. L’accès de cette caverne est très difficile, et il n’est pas certain qu’elle soit la même que celle d’Odollam, dans laquelle Saül se trouva en même temps que David et dont l’entrée devait être aisée. Voir Odollam 2. Liévin, Guide, t. ii, p. 78-81 ; V. Guérin, Judée, t. iii, p. 134.
— Au sud-ouest du lac de Tibériade, les cavernes d’Arbèle forment trois étages superposés dans le liane de la montagne. L’entrée principale conduit dans une vaste salle qui a quarante mètres de long, autant de large et vingt mètres de haut. Ces cavernes ont été fortifiées par Josèphe, au temps de la guerre contre les Romains. On y a pratiqué alors des escaliers intérieurs, pour communiquer d’un étage à l’autre, des galeries et des citernes. On a ajouté des murs de soulènement et mis ce réduit naturel à même de protéger efficacement ses défenseurs. Josèphe, Vita, 37. Au temps d’Hérode le Grand, ces cavernes avaient déjà servi de repaires à des brigands, que le roi fît réduire par le feu. Bell, jud., i, xvi, I. Voir Arbéle, 1. 1, col. 886. — Près de Nazareth, la petite montagne volcanique sur laquelle était bâtie Endor renferme beaucoup de cavernes. De l’une d’elles sort la source qui donne son nom au pays, Aïn-Dor. V. Guérin, Galilée, t. i,
p. 118.2. CAVERNE DOUBLE (Spelunca duplex), Gen., xxm, 9, près d’Hébron. Elle fut achetée par Abraham pour y ensevelir Sara, sa femme. Le texte hébreu l’appelle Makpêldh. Voir Macpélah.
CÉCITÉ. Voir Aveugle.
CÉDAR. Hébreu : Qêdâr ; Septante : Krfiiç. Quelques auteurs rattachent ce mot à l’arabe qadar, « être puissant ; » cf. Frz. Delilzsch, Hoheslied, in-S°, Leipzig, 1875, p. 26 ; d’après l’hébreu, il signifie « être noir », ou plutôt « hàlé », c’est-à-dire brûlé par le soleil. Cf. Gesenius, Thésaurus, p. 1195. — Nom du second fils d’Ismaël et d’une tribu arabe à laquelle il donna naissance.
1. CÉDAR. Nom du second fils d’Ismaël. Gen., xxv, 13 ; 1 Par., i, 29. Nous n’avons sur lui aucun renseignement ; ses descendants sont appelés une fois, Is., xxi, 17, Benê-Qëdâr, « les lils de Cédar. »
2. CÉDAR, Benê Qêdâr, Arabes nomades, descendants d’Ismaël par Cédai -, son second fils, et habitant une région à laquelle ils donnèrent leur nom. Ps. cxix (hébreu, cxx), 5 ; Cant., i, 4 (hébreu et Septante, 5) ; Is., xxr, 16, 17 ; xlii, 11 ; lx, 7 ; Jer., ii, 10 ; xux, 28 ; Ezech., xxvil, 21. La Vulgate, Judith, i, 8, nomme aussi Cédar, mais le texte grec porte en cet endroit TaXaââ, qui parait être la leçon véritable. Les Benê Qêdâr sont mentionnés à côté des Nabatéens, Gen., xxv, 13 ; I Par., i, 29 ; Is., lx, 7, et dans les inscriptions assyriennes, où ils sont appelés Qidrai ( Qi-id-ra-ai ; Qid-ra-ai). Cf. E. Schrader, Die Keilinschriften und das Aile Testament, in-8°, Giessen, 1883, p. 147. Ce sont les Cedrei de Pline, H. N., v, 12, alliés fidèles des Nabatsei. On trouve de même, dans les anciennes généalogies arabes, les.tX^3, Qal dâr, auprès des Nabat. Cf. Gesenius, lier Prophet Jesaia, Leipzig, 1821, t. ii, p. 675, d’après Pococke, Spécimen historiée Arabum, édit. White, p. 40.
I. La tribu d’après l’Écriture. — L’Écriture nous. donne sur cette tribu des détails qui suffisent pour nous en montrer le caractère et l’importance. Dans les prophètes, les fils de Cédar sont les principaux représentants des Arabes nomades qui occupaient les déserts situés à l’est du Jourdain. C’était donc un peuple de pasteurs, habitant sous des tenles noires, semblables à celles des Bédouins de nos jours, fabriquées avec du poil de chèvres ou de chameaux. Ps. cxix (hébreu, cxx), 5. C’est pour cela que l’épouse du Cantique, i, 4, disait :
Je suis noire, mais belle, filles de Jérusalem,
[noire] comme les tentes de Cédar,
[ belle ] comme les pavillons de Salomon.
Ils avaient cependant des villages dépourvus de murailles, des hâsèrim, ou « lieux entourés de clôtures », comme les douars des Arabes d’Afrique. Voir Haséroth. Isaïe, xlii, 11, dans un chant gracieux, invitant l’univers à louer Jéhovah, juge et sauveur suprême, s’écriait : « Que le désert et ses villes élèvent la voix ; que les bourgs habités par Cédar [élèvent la voix, pour célébrer la gloire du Seigneur]. » Leurs troupeaux étaient nombreux, formant leur richesse et une partie de leur gloire, et comprenaient des chameaux, des agneaux, des béliers, des boucs, qu’ils allaient vendre aux marchés de Tyr. Is., lx, 7 ; Jer., xux, 29 ; Ezech., xxvil, 21. — lsaïe, prédisant la gloire finale de Jérusalem et décrivant en termes magnifiques l’empressement avec lequel les rois et les peuples y accourront, met en particulier ces paroles dans la bouche de Dieu, lx, 7 : « Tous les troupeaux de Cédar se rassembleront pour toi ; les béliers de Nabaïoth ( des Nabatéens) seront à ton service : ils monteront (seront immolés) sur mon autel et me seront agréables, et je remplirai de gloire la maison de ma majesté. » À la richesse, les hommes de cette tribu joignaient la vaillance, la force et l’habileté dans le maniement de l’arc. Is., xxi, 17. Ézéchiel, xxvil, 21, parle des « princes de Cédar ». C’est toute cette « gloire », dont Isaïe, xxi, 16, 17, annonçait le prochain anéantissement, quand il disait : « Encore une année, comme une année de mercenaire (c’est-à-dire mesurée en toute rigueur et exactitude), et toute la gloire de Cédar sera détruite. Et le nombre des robustes archers des fils de Cédar qui seront restés diminuera, car le Seigneur, le Dieu d’Israël a parlé. » Là, comme dans la prophétie semblable de Jérémie, xlix, 28, 29, la tribu représente toute l’Arabie, ou au moins une portion dsi pays des Benê-Qédém, « des fils dé l’Orient. » Le Ps. exix (hébreu, cxx), 5, fait allusion sans doute à leurs mœurs de pillards, en les
donnant comme un des types de l’ennemi cruel et sans pitié.
II. Pays. — Le pays de Cédar est appelé dans les inscriptions assyriennes Qidru (mât Qi-id-ri) et Qadru (mât Qa-ad-ri). Cf. Schrader, Keilinschriften, p. 147. Mais il est difficile, avec le caractère nomade des Ismaélites dont nous parlons, de savoir au juste à quelle région il correspond. L’Arabie de l’époque biblique et assyro-babylonienne, au sens le plus large, était bornée au sud par le Hedjàz actuel, à l’ouest par la Palestine transjordanique, la Damascène et l’Hamathène, à l’est par les solitudes du désert syrien, avec des limites incertaines cependant de ce dernier côté aussi bien que du côté du nord. Voir Arabie, t. i, col. 856, et la carte, col. 857. C’est donc dans les contrées qui s’étendent depuis le nord de la péninsule arabique jusqu’aux rives de l’Euphrate que les fils de Cédar transportaient leurs tentes ou établissaient leurs douars. Saint Jérôme, Comment, in Is., t. xxiv, col. 425, fait de Cédar « une région inhabitable au delà de l’Arabie des Sarrasins », et dans son livre De situ et nominibus locorum hebraicorum, t. xxiii, col. 888, il le place « dans le désert des Sarrasins », qu’Eusèbe et lui, Onomastica sacra, Gœ.ttingue, 1870, p. 136, 276, au mot Madian, cherchent à l’orient de la mer liouge. Théodoret, Comment, in Ps., t. lxxx, col. 1878, dit que les descendants de Cédar habitaient encore de son temps non loin de Babylone : de même Suidas, Lexicon, édit. Bernhardy, 1853, t. ii, p. 237. C’est pour cela que bon nombre de commentateurs modernes fixent d’une manière générale le séjour de ces nomades entre l’Arabie Pétrée et la Babylonie. D’après l’Écriture, nous voyons seulement qu’ils étaient assez distants de la Palestine pour être comptés parmi les nations lointaines. Jérémie, ii, 10, comparant la conduite des Juifs inconstants et infidèles à celle des peuples étrangers qui persévéraient dans la religion de leurs ancêtres, leur disait : « Passez aux lies de Céthim et regardez ; envoyez en Cédar et considérez attentivement, et voyez si chose semblable s’y fait. » Le prophète oppose ici Cédar, situé à l’est de la Palestine, aux contrées de l’ouest, aux îles ou aux côtes de la Méditerranée, à l’ile de Chypre en particulier. Cependant, si la tribu en question était assez éloignée des Hébreux pour leur donner l’idée d’un lointain exil, Ps. exix, 5, elle était assez rapprochée pour être parfaitement connue d’eux. Comme l’histoire mentionne fréquemment les fils de Cédar à côté des Nabatéens, il est naturel aussi de rapprocher les pays habités par ces deux peuples. Or, jusqu’au temps de Nabuchodonosor, les Nabatéens demeuraient sur ies limites du Hedjâz, avec Égra comme ville principale. A partir de l’époque perse, ils formèrent un puissant royaume dont la capitale était la ville de Pétra, l’ancienne résidence des rois iduméens. Voir Arabie, t. i, col. 862, et Nabatéens.
Il est donc probable que la tribu de Cédar occupait les régions sud-ouest du Hamad ou de l’Arabie déserte. Ils devaient errer dans Youadi Serhàn ou Sirhàn, oasis qui s’étend du nord-ouest au sud-est sur une longueur d’environ 430 kilomètres entre le Djebel Hauran et le Djôf septentrional. C’est une longue dépression de terrain dont le fond est à 150 mètres au-dessous du plateau environnant et représente celui d’un ancien lac ou mer intérieure. Ce fond de la vallée est formé de terre mélangée de sable ; il est assez humide pour donner naissance à une végétation relativement abondante, mais cependant rien moins que luxuriante. L’eau s’y rencontre en divers points, et le gazon, quoique ne restant pas vert toute l’année, y conserve du moins quelque temps sa fraîcheur. Les Scherrarat nomades y viennent pendant l’été, à cause des excellenls pâturages qu’y trouvent leurs troupeaux de chameaux. Le Djôf est une autre vallée qui peut avoir de l’ouest à l’est une longueur d’environ cent kilomètres sur quinze à vingt de largeur. La localité la
plus importante de l’oasis, la seule que Ton décore du titre de ville, est appelée Djôf-Amèr, du nom du pays même auquel on joint celui de la tribu qui forme la population principale de la ville. Ses jardins sont renommés dans l’Arabie, entière. Cf. "W. G. Palgrave, Central and eastern Arabia, 2 in-8o, Londres, 1865, t. i, p. 20, 46 ; traduction française, Paris, 1806, 1. 1, p. 25, 48. — J. G. Wetzstein, lieisebericht ùber Hauran und die Trachonen, Berlin, 1860, p. 89, compare les Benê-Qêdâr aux tribus actuelles des Anazéh ou Anézéli et des lïoualla. Les Anézéh forment une des branches les plus puissantes des Arabes bédouins. Ceux du nord, dont il est ici question, prennent ordinairement leurs quartiers d’hiver dans le désert de Hamad et dans Vouadi Serhdn. Le Hamad n’a pas de-sources ; mais en hiver les eaux s’y réunissent dans les terrains profonds, et les arbustes ainsi que les plantes du désert fournissent la pâture au bétail. Durant cette période de l’année, leur principal séjour est le Hauran et les cantons environnants, où ils campent près des villages. En été, ils se tiennent plus au nord, du côté de Homs et de Hamah, cherchant les pâturages et l’eau. Ils achètent en automne leurs provisions de froment et d’orge pour l’hiver, et, après les premières pluies, ils retournent dans l’intérieur du désert. Les Roualla, de leur côté, quoique prenant leurs quartiers d’hiver dans le voisinage de la vallée du Djôf, ont moins de relations avec ce pays qu’avec la Syrie, où ils vendent leurs prodnits et achètent le peu d’articles qui leur sont indispensables, tels que vêtements, riz et blé.
IV. Histoire. — La mention de Cédar parmi les plus anciens descendants d’Ismaël, l’importance que les prophètes attribuent aux Benê-Qêdâr comme représentants des Arabes, leurs richesses et leurs qualités guerrières montrent assez ce que dut être cette tribu au milieu des populations nomades du désert. Elle dut, comme celles-ci, subir à différentes époques le choc des armées assyriennes et partager les mêmes vicissitudes. Voir Arabie, Histoire, t. i, col. 864-866. La Bible et les inscriptions cunéiformes ne nous ont conservé que quelques allusions ou quelques faits particuliers. Isaïe, xxi, 16, 17, annonçait que dans un avenir très prochain, une année juste, Cédar verrait périr « toute sa gloire », c’est-à-dire sa liberté, le succès de ses armes, ses nombreux troupeaux. Sennachérib (705-681) pensait-il alors à entreprendre cette course lointaine ? Il est possible que les révoltes perpétuelles de Babylone ne lui aient pas laissé le temps d’accomplir les menaces prophétiques. Cependant, vers la fin de son règne, il intervint dans les affaires du Hedjâz, et, par la soumission de plusieurs pays, prépara les voies à des expéditions plus hasardeuses. En tout cas, sous le règne d’Assurbanipal (608-625), une tentative pour secouer le joug de l’Assyrie attira des désastres sur l’Arabie et sur Cédar en particulier. Lors de la révolte de Samassoumouldn, son frère, pendant que Ouaïtéh, roi des Arabes, envoyait son contingent d’auxiliaires à Babylone, Ammouladi, roi de Cédar, se chargeait d’opérer une diversion sur les frontières de Syrie, faisant des razzias pour occuper les garnisons assyriennes échelonnées le long du désert. Mais, après avoir pris Babylone, Assurbanipal s’en vint châtier les Arabes. Ammouladi fut pris dans la Moabitide et envoyé à Ninive, où il fut mis, chargé de fers, avec les asi et les chiens. Cf. Vigouroux, La Bible et les découvertes modernes, 5 3 édit., Paris, 188J, t. iv, p. 273, note 2. Il est également question d’un autre roi de Cédar, Yautah, fils d’IIazaël, à qui le père d’Assurbanipal avait enlevé les statues d’Adarsamaïm, divinité arabe, et qui se soumit à ce dernier pour en obtenir la restitution. Mais ensuite il secoua le joug, cessa de payer le tribut et poussa son peuple à la révolte. Le monarque assyrien envoya alors contre lui son armée, qui était sur les frontières du pays. Le tableau de la défaite est à citera cause de sa ressemblance avec les paroles de Jérémie, xlix, 28-33, contre « Cédar
et les fils de l’Orient », paroles qui furent plus tard réalisées par Nabuchodouosor :
1. Sa défaite accomplirent [mes soldats]. Les hommes d’Arabie
2. tous ceux qui vinrent, ils firent périr par l’épée ;
3. les tentes, les pavillons, leurs demeures,
4. un feu ils allumèrent et les livrèrent aux flammes.
5. Des bœufs, des brebis, des ânes, des chameaux,
6. des hommes, ils emportèrent sans nombre.
7. Balayant tout le pays, dans son étendue,
8. ils ramassèrent tout ce qu’il contenait.
9. Les chameaux comme des brebis je distribuai,
10. et j’en fis surabonder les hommes d’Arabie
11. habitant dans ma terre, etc.
Cylindre B, colonne vm ; cf. Vigouroux, La Bible et les découvertes modernes, t. iv, p. 295-296. Les ravages opérés par Nabuchodonosor dans les lointaines oasis de Cédar, de Théma, de Dédan, etc., amenèrent la disparition de certaines peuplades et leur fusionnement avec d’autres. Les Nabatéens, qui avaient mieux résisté aux invasions assyriennes et chaldéennes, montèrent au rang de nation principale en Arabie, et les fils de Cédar, désormais réduits au rôle de satellites, devinrent leurs alliés inséparables. — La religion de cette tribu fut celle des Arabes avant l’islamisme, c’est-à-dire le. sabéisme ou adoration des astres. Les annales d’Assurbanipal, Cylindre B, colonne vii, 92, signalent comme divinité principale de Cédar Adarsamaim ou A-lar-sa-nia-ïn, c’est-à-dire la déesse « Atar (Athare, Astarté) du ciel ». Cf. Schrader, Keilinschriften, p. 148, 414 ; voir Arabe 1, Religion, t. î, col. 834. Pour le type physique, le caractère et les mœurs, voir le même article, col. 830-834, te
Ismaélites..CÈDES. Hébreu : QédéS, « sanctuaire ». Nom de deux villes de Palestine. Il est aussi question d’une autre ville de Cédés, ancienne capitale des Héthéens, dans un passage aujourd’hui altéré de l’histoire du règne de David.
1. CÉDÉS (hébreu : Qédés, , Tos., xii, 22 ; xix, 37 ; Jud., iv, 11 ; IV Reg., xv, 29 ; Qêdesàh, Jud., iv, 9, avec hé local ; QédéS bag-Gâlîl, « Cédés en Galilée, » Jos., xx, 7 ; xxl, 32 ; I Par., vi, 76 [hébreu, 61] ; Qédés Naftâlî, « Cédés deNephthali, » Jud., iv, 6 ; Septante : KàSv ; ?, Jos., xii, 22 ; Jud., iv, 9, 10 ; I Mach., xi, 73 ; KdtSe ; , Jos., xix, 37 ; xxi, 32 ; KIScî, Jud., iv, 11 ; I Par., vi, 76 ; Kiovi ; , KiSiç, Kiîiz èv trj Ta.ù, aU, Jos., xx, 7 ; xxi, 32 ; 1 Par., vi, 76^ I Mach., xi, 63 ; KiSr^ NêcpôaX ; , Jud., iv, 6 ; KuSttac tr, ; Nt^alX èv r/j raXiXïb, Tob., i, 2 ; KevîÇ, IV Reg., xv, 29 ; Vulgate : Ca’des, Jos., xii, 22 ; I Mach., xi, 73 ; Cèdes, Jos., xix, 37 ; Jud., iv, 9, 11 ; IV Reg., xv, 29 ; Cèdes, Cades in Galilœa, Jos., xx, 7 ; xxi, 32 ; I Par., vi, 76 ; I Mach., xi, 03 ; Cèdes Nephlhali, Jud., iv, 6), ville forte de Nephthali, mentionnée entre Azor et Édraï, Jos., xix, 37 ; cité de refuge attribuée « avec ses faubourgs » auxLévites, fils de Gerson, Jos., xx, 7 ; xxi, 32 ; I Par., vi, 76 ; patrie de Barac, Jud., iv, 6, 9 ; prise plus tard par Théglathphalasar, roi d’Assyrie. IV Reg., xv, 29.
I. Nom ; identification. — Cette ville est appelée Cadès dans la Vulgate, Jos., xii, 22 ; I Mach., xi, 63, 73 ; la cité chananéenne dont le roi fut vaincu par Josué appartenait manifestement au nord de la Palestine, comme l’indiquent les localités parmi lesquelles elle est nommée, Jos., xii, 19-21 ; et si la place qu’elle occupe dans l’énumération, entre Mageddo et Jachanan du Carmel, semble plutôt la confondre avec Cédés d’issachar (voir Cédés 3), on la croit néanmoins généralement identique à la ville de Nephthali, dont l’importance a toujours été considérable. Il ne peut y avoir aucune hésitation pour Cadès des Machabées, dont la situation est nettement définie par ces mots : « qui est en Galilée, p Cette dernière expression, employée aussi Jos., xx, 7 ; xxi, 32 ; I Par., vi, 76, de même que celle de « Celles
de Nephthali » avait pour but de distinguer la cité septentrionale de Cadèsbarné, de Cadès de Juda et de Cédés d’Issachar. Il est probable aussi qu’il faut la reconnaître dans KuSiw ; ttj ; ’Nï-çioù.i, Tob., 1, 2, à droite, c’est-à-dire, d’après le système d’orientation des Hébreux, au sud de laquelle se trouvait Thisbé, patrie du prophète Élie. Le texte grec donne seul ce détail ; la Vulgale n’en parle pas ; la version syriaque porte expressément Qédés de Nephthali. Rien, du reste, de plus variable que l’orthographe de ce nom ; il est écrit de quatre manières dans Josèphe : Ktîior, , Ant. jud., V, i, 21 ; Kéôïhx, Ant. jud., XIII, v, 6 ; IviSicra, Ant. jud., IX, xi, 1 ; K-Jô-jo-tra, Bell, jud., IV, ii, 3. Au temps d’Eusèbe et de saint. Jérôme, Onomastica sacra, Gœttingue, 1870, p. 110, 271, l’ancienne KéStc, Cédés, s’appelait KuSiffffô ; , Cidissus.
désigne un site important de Galilée, au nord-ouest du Baharet el-Houléh (lac Mérom). (L’orthographe Qds nous semble plus conforme à la tradition des écrivains arabes que celle du Survey of Western Palestine, Name lists, Londres, 1881, p. 76, qui écrit Qdis. Cf. Guy Le Strange, Palestine under tlie Moslems, in-8°, Londres, 1890, p. 585.) L’identification ne présente pas la moindre difficulté : le village dont nous allons décrire les ruines répond parfaitement aux données de la Bible et de la tradition. Eusèbe et saint Jérôme, Onomastica sacra, p. 110, 271, placent la ville de Cidissus à vingt milles (environ trente kilomètres) de Tyr, près de Panéas (Banias). En réalité, dit M. V. Guérin, Galilée, t. ii, p. 361, cette dislance est trop faible d’au moins cinq milles. Le moine Burchard du Mont-Sion, qui visita, en 1283, Cédés
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111. — Cédés de Nephthali. D’après une photographie.
Les monuments égyptiens en font mention et en donnent une transcription parfaitement exacte : 1 r-m-i ^, Kd’së,
QodschS ; il est probable, en effet, que, sous cette forme, le papyrus Anastasi, i, 19, 1, indique la cité chananéenne, plutôt que la grande ville amorrhéenne de Cadès sur l’Oronte. Cf. Y. Max Mùller, Asien und Europa nach allàgijptischen Deakmâlern, in-8°, Leipzig, 1893, p. 173, 213. Mariette, Les listes géographiques des pylônes de Karnak, Leipzig, 1875, p. 12, la reconnaissait aussi dans le premier numéro de la Liste de Thotmès III ; mais, d’après d’autres savants, Qodschou représente plus sûrement ici Cadès de l’Oronte. Cf. E. de Rougé, Etude sur divers monuments du règne de Thoutmès III, dans la lievue archéologique, nouv. série, IIe année, t. iv, 1861, p. 355 ; Maspero, Sur les noms géographiques de la Liste de Thoutmos III qu’on peut rapporter à la Galilée, p. 1, extrait du Journal of Transactions of the Victoria Institute, or philosophical Society of Great Brilain, t. xx, 1887, p. 297. Ce nom de - : "p, Qédés, s’est maintenu jusqu’à nos jours sous la forme arabe, exactement semblable, _u.ji’( diversement prononcée Qadas, Qadès ou Qédès, et qui
de Nephthali, la met plus justement à quatre lieues au nord de Séphet (Safed). Voir Nephthali, tribu et carte. IL Description. — Qadès ou Cédés de Nephthali est la plus remarquable des villes de cette région galiléenne où elles ont toutes ce trait de commune ressemblance, qu’elles sont situées sur des rochers élevés au milieu des collines, au-dessus de vertes et paisibles vallées. Les ruines qu’on rencontre en cet endroit forment l’ensemble le plus considérable des vestiges archéologiques de la contrée (fig.lll). La plaine verdoyante qui s’étend aux environs est toute parsemée de térébintbes, assez nombreux pour servir d’illustration à la scène du campement de Jahel. Jud., iv, 11, 17. Cf. Stanley, Sinai and Palestine, in-8°, Londres, 1806, p. 390. Le village actuel, qui compte tout au plus trois cents habitants, occupe à peine le tiers d’une belle colline, jadis couverte tout entière d’habitations, et dont l’aspect est frappant : on dirait des étages de remblais et des coupes artificielles de terrains, offrant des apparences de bastions et de glacis. Aussi Josèphe appelait cette ville x<ôu.ï) xapxspi, et disait qu’elle avait les fortifications nécessaires à une cité frontière. Bell, jud., IV, ii, 3. On voit encore actuellement quelques arasements du mur d’enceinte, construit en pierres de taille, qui
l’environnait. Les maisons du village renferment presque toutes des fragments antiques provenant d’édifices renversés. Dans l’une, entre autres, on montre, sur une colonne, une tête sculptée représentant la figure du soleil avec une couronne de rayons. À quelque distance est l’emplacement d’un ancien temple, qui avait été bâti en pierres de taille et que décoraient des’colonnes monolithes, dont quelques fûts mutilés sont couchés sur le sol. Aux antiques monuments et habitations ont succédé dos figuiers, des plantations de tabac, des herbes épineuses et des tombes musulmanes.
Une dépression de terrain sépare cette colline d’une autre moins haute, qui s’allonge vers le sud et où les
grandes niches rectangulaires, bâties en pierres de taille, la douzième étant remplacée par la porte d’entrée. Sur les différentes plates - formes qui recouvrent ces loculi, il y avait également place pour plusieurs sarcophages. — 2° Un riche ensemble de sarcophages, portés sur de larges piédestaux, les plus beaux peut-être de toute la Syrie. — 3° Un temple, avec une porte grandiose, aux supports monolithes (fig. 113). Bâti en pierres de taille très régulières unies sans ciment, cet élégant édifice était précédé vers l’est d’un portique soutenu sur des colonnes corinthiennes, qui jonchent de ce côté le sol de leurs fûts et de leurs chapiteaux mutilés. Trois portes rectangulaires, ouvertes sur la façade orientale, donnaient entrée dans
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112. — Ruines d’un mausolée à Cédés de îTephthali. D’après une photographie.
habitants du village ont placé leurs aires. Présentant toutes les deux, vers l’est, la forme d’un demi-cercle elliptique, elles servaient autrefois d’assiette à une ville considérable, dont les édifices s’élevaient par étages sur leurs flancs artificiellement disposés en terrasses. Vers leur point de jonction coule une source abondante, recueillie dans un réservoir qu’environnent, en guise d’auges, plusieurs cuves de sarcophages antiques. Plus loin, dans la direction de l’est, on signale surtout trois principaux monuments : 1° Un ancien mausolée, ayant appartenu à une puissante famille, dont aucune inscription ne nous a gardé le nom (fig. 112). Bâti avec de superbes blocs calcaires reposant sans ciment les uns au-dessus des autres, il mesurait environ une dizaine de mètres sur chaque face. La partie supérieure en est détruite, et il devait être intérieurement voûté en plein cintre. On y pénètre par le sud au moyen d’une jolie porte rectangulaire, ornée de moulures à crossettes, qui occupe le centre de la façade méridionale. À l’intérieur, cet édifice renfermait, sous quatre arcades cintrées encore debout, orientées selon les quatre points cardinaux, onze
l’intérieur de la cella, qui mesure dix-neuf mètres de long sur seize de large. Cette façade est encore en partie debout, mais beaucoup de blocs sont déplacés, comme s’ils avaient subi le contre-coup d’un violent tremblement de terre. La porte centrale, ou grande porte, était formée de deux jambages monolithes surmontés d’un linteau également monolithe. L’un de ces jambages est encore debout ; il est orné d’élégantes sculptures ; sa hauteur est à peu près de cinq mètres. L’autre montant manque. Les deux portes latérales, beaucoup plus basses que celle-ci, sont presque intactes. Victor Guérin, Galilée, t. ii, p. 355-358, estime que ce monument n’a été ni une synagogue judaïque, ni une église chrétienne. D’ailleurs les figures sculptées ne peuvent appartenir à l’architecture juive. Tout porte donc à croire que nous avons là un temple païen. Ces ruines de Cédés paraissent à il. Renan, Mission de Phénicie, p. 683, de l’époque grecque ou romaine. — Cf. Survey of Western Palestine, Hemoirs, Londres, 1881, 1. 1, p. 226-230, avec photographies et plans ; Robinson, Biblical Researches in Palestine, Londres, 1856, t. iii, p. 36$1-$269.
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CÉDÉS
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III. Histoire. — L’emplacement naturel de Cédés devait en faire une ville importante. Aussi, dès les premiers temps de l’histoire, est-elle comptée parmi les principales cités chananéennes ; peut-être même, d’après son nom, était-elle un centre religieux des plus renommés : son roi fut un des princes du nord qui furent défaits par Josué, xii, 22. Échue à la tribu de Nephthali, dont elle fut une des « places fortes », Jos., xix, 37, elle devint une ville de refuge. Jos., xx, 7. Le Talmud remarque, à ce propos, que les six villes ainsi désignées étaient situées deux à deux, l’une en face de l’autre, sur trois
bor, un des descendants du roi d’Asor que nous venons de mentionner. Jud., iv, 6. Comme il habitait au milieu même du pays où la tyrannie de ce second Jabin pesait le plus lourdement, il devait être plus disposé que personne à se révolter contre une domination dont lui et les siens avaient tant à souffrir. C’est pour cela sans doute, et à cause de son caractère résolu, que Débora le choisit pour l’aider dans sa mission de libératrice. Tous deux, à Cédés, firent appel au patriotisme des Hébreux, et dix mille hommes, appartenant pour la plupart aux tribus du nord, Zabulon, Nephthali, Issachar, répondirent à leur
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113. — Ruines d’un temple à Cédés de Ni’plithaU. D’après une photographie.
lignes presque parallèles. « Hébron, en Judée, est située en face de Bécer (Bosor), dans le désert ; Sichem, dans la montagne, en face de Ramotli, en Gilad (Galaad) ; Kedesch (Cédés), dans la montagne de Nephthali, en face de Golan, en Basan. De façon que le pays d’Israël était partagé en quatre parties égales : les distances étaient les mêmes de la frontière sud de la Palestine jusqu’à Hébron ; de là jusqu’à Sichem ; de ce point jusqu’à Kedesch, et enfin de Kedesch jusqu’à la frontière nord de la Palestine. » Cf. A. Neuhauer, La géographie.du Talmud, in-8°, Paris, 1868, p. 55. Cédés fut en même temps donnée aux Lévites de la famille de Gerson. Jos., xxi, 32 ; I Par., vi, 76 (hébreu, 61). — Josèphe, Ant. jud.., V, i, 18, en racontant la guerre de Josué contre Jabin, roi d’Asor, Jos., xi, 1-9, nous dit que la bataille livrée par les Israélites à ce prince eut lieu non loin de Cédés, à côté de la ville de Béroth ; ce qui ne contredit pas le texte sacré, d’après lequel le combat eut lieu près des eaux ou du lac de Mérom. — Elle vil plus tard naître Barac, qui vainquit, au pied du Tha voix, et, avec l’aide de Dieu, triomphèrent des Chananéens. Jud., iv, 9, 10. C’est dans une vallée voisine de cette ville que le Cinéen Ilaber avait planté sa tente, sous le térébinlhe de Sennim, et là que Sisara vaincu mourut de la main de Jahel. Jud., iv, 11, 21. — L’histoire se tait ensuite sur Cédés jusqu’au règne de Phacée, roi d’Israël, sous lequel la ville, avec beaucoup d’autres, tomba au pouvoir de Théglathphalasar, qui en transporta les habitants en Assyrie. IV Reg., xv, 29 ; Josèphe, Ant. jud., IX, xi, 1. — Après la captivité, elle devint une ville frontière entre le territoire de Tyr et la Galilée. Josèphe, Ant. jud., XIII, v, 6. Les généraux de Démétrius II Nicator, roi de Syrie, y avaient établi leur camp, lorsque Jonathas Machabée marcha contre eux et finit par les vaincre et les poursuivre. I Mach., xi, 63, 73. Là s’arrêtent les données bibliques. Josèphe la représente, à l’époque de l’administration de Florus, comme appartenant aux Tyriens. Bell, jud., II, xviii, 1. Elle était très peuplée, bien fortifiée et hostile aux Juifs. Titus vint camper tout au
près, pendant le siège qu’il fit de Giscala. Bell, jtid., VI, ii, 3. — Les pèlerins juifs croyaient y retrouver les tombeaux de Barac, de Débora et de Jahel. Cf. Carmoly, Itinéraires delà Terre Sainte, in-8o, Bruxelles, 1847,
p. 261, 378, 450.2. CÉDÉS DES HÉTHÉENS, ville de Cœlésyrie.
I. Description. — Son existence n’est connue que depuis le déchilfrement des hiéroglyphes égyptiens. Elle était située sur les bords de l’Oronte (fig. 114). Une grande composition d’un des pylônes du temple de Louqsor, représentant la campagne de Ramsès II contre les
Héthéens, nous montre Cédés, ^^^i Qodsu, dans une île. (Les différentes représentations des monuments ne sont pas tout à fait semblables. Voir M. Mùller, Asien
sa fertilité. L’Oronte coule à un kilomètre et demi à l’ouest, et alimente de ses eaux les vingt mille habitants de la cité. Elle ne contient pas de ruines d’anciens édifices ; mais le sol est jonché de grandes pierres de taille, de fragments de colonne en granit, en basalte, en calcaire. La colline sur laquelle était bâtie la citadelleest du côté sud de la ville. Elle est aujourd’hui ruinée. Voir F. Vigouroux, Mélanges bibliques, 2e édit., p. 354. La capitale des Héthéens n’était pas sur l’emplacement de Homs, mais à deux heures de distance, au sud, sur les bordsmêmes du lac. Ce lac a été décrit, en 1856, par Ed. Robinson (Later Biblical Researches, in-8o, Londres, 1856, p. 549), sans qu’il se doutât d’ailleurs des souvenirs historiques que rappelait son nom. « À trois heures environ au nord de Ribléh, dit- ii, l’Oronte forme le petit lac de Kédès, appelé aussi quelquefois le lac de
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114. — Cédés des Héthéens. Ipsamboul. D’après Rosellini, Monnmenti dciV Egitto, t. i, pi. 87.
und Europen, in-8o, Leipzig, 1893, p. 214-215.) A gauche, l’Oronte forme un lac, qui entoure le mur occidental de la place, longe le mur septentrional, dérend en partie le mur oriental du côté du nord et le mur méridional du côté de l’ouest. Le fleuve sort du lac au nord, à droite. (Troisième pylône de Louqsor : Rosellini, Monumenti storici, pi. 104 ; Champollion, Monuments, 324 ; Ramesséum de Thèbes, premier pylône : Lepsius, Denkmâler, Abth. iii, Bl. 158-159 ; deuxième pylône : Lepsius, 164 ; Rosellini, 110 ; Champollion, 330) Un autre monument d’Ipsamboul représente Cédés d’une manière analogue. Rosellini, 87, 90-91 ; Champollion, 27, 22-23. Voir IL G. Tomkins, Kadesh on Orontes, dans Palestine Exploration Fund, Quarterly Statement, 1882, p. 47-48.
On place généralement cette ville sur les bords du lac de Horns, qui s’appelle encore dans le pays « lac de Qadeâ », au point où l’Oronte sort du lac. A. H. Sayce, The Hittites, in-lG, Londres, 1888, p. 100 ; H. G. Tomkins, The Campaiyn of Rameses II against Kadesh, dans les Transactions of the Society of Biblical Archxologij, t. vii, 1882 (avec une carte du lac de Homs et de ses environs), p. 395, 401-402. Le lac tire son nom de la ville voisine de Hoins, l’antique Émèse. Homs est située au milieu d’une vaste plaine, remarquable par
Homs. Il a environ deux heures de marche en longueur sur une de largeur… Il est en majeure partie, sinon en totalité, artificiel ; il doit son origine à une digue déjà ancienne, élevée en travers du fleuve… Une petite tour s’élève à l’extrémité nord-ouest de la digue… Ce lac est décrit par Aboulféda, qui l’appelle Kédès, et le regarde aussi comme artificiel… La digue est probablement l’œuvre de l’antiquité. » Le nom de Cédés, conservé à ce lac dans le pays, quoique le souvenir de la ville de ce nom s’y soit perdu, n’est pas sans valeur. Plusieurs savants, tels que M. Mùller, Asien und Europen, p. 214, rejettent néanmoins l’identification qui vient d’être proposée. Quelques-uns identifient Cédés des Héthéens avec Tell-Nebi-Mendéh, l’ancienne Laodicée du Liban. R. Conder, Palestine Exploration Fund, Quarterly Statement, juillet 1881, p. 163-173 ; AV. Wright, The Empire of the Hittites, 2e édit., in-8o, Londres, 1886, p. 96. M. J.-E. Gautier a exploré en 1895 le tumulus qui occupe le centre de l’île dans le lac de Homs. Il y a retrouvé les vestiges d’une série de constructions superposées qui vont depuis l’époque byzantine jusqu’à l’âge du silex taillé ; mais il est convaincu que ce n’est pas le site de Cédés. Comptes rendus de l’Académie des Inscriptions, 1895, p. 293.
IL Histoire. — Les monuments égyptiens nous apprennent que Cédés était une des villes les plus imporPage:Dictionnaire de la Bible - F. Vigouroux - Tome II.djvu/194 Page:Dictionnaire de la Bible - F. Vigouroux - Tome II.djvu/195 Page:Dictionnaire de la Bible - F. Vigouroux - Tome II.djvu/196 Page:Dictionnaire de la Bible - F. Vigouroux - Tome II.djvu/197 MediaWiki:Proofreadpage pagenum templatePage:Dictionnaire de la Bible - F. Vigouroux - Tome II.djvu/198 MediaWiki:Proofreadpage pagenum templatePage:Dictionnaire de la Bible - F. Vigouroux - Tome II.djvu/199 MediaWiki:Proofreadpage pagenum templatePage:Dictionnaire de la Bible - F. Vigouroux - Tome II.djvu/200 MediaWiki:Proofreadpage pagenum templatePage:Dictionnaire de la Bible - F. Vigouroux - Tome II.djvu/201 MediaWiki:Proofreadpage pagenum templatePage:Dictionnaire de la Bible - F. Vigouroux - Tome II.djvu/202 MediaWiki:Proofreadpage pagenum templatePage:Dictionnaire de la Bible - F. Vigouroux - Tome II.djvu/203 MediaWiki:Proofreadpage pagenum templatePage:Dictionnaire de la Bible - F. Vigouroux - Tome II.djvu/204 MediaWiki:Proofreadpage pagenum templatePage:Dictionnaire de la Bible - F. Vigouroux - Tome II.djvu/205 MediaWiki:Proofreadpage pagenum templatePage:Dictionnaire de la Bible - F. Vigouroux - Tome II.djvu/206 MediaWiki:Proofreadpage pagenum templatePage:Dictionnaire de la Bible - F. Vigouroux - Tome II.djvu/207 MediaWiki:Proofreadpage pagenum templatePage:Dictionnaire de la Bible - F. Vigouroux - Tome II.djvu/208 MediaWiki:Proofreadpage pagenum templatePage:Dictionnaire de la Bible - F. Vigouroux - Tome II.djvu/209 MediaWiki:Proofreadpage pagenum templatePage:Dictionnaire de la Bible - F. Vigouroux - Tome II.djvu/210 MediaWiki:Proofreadpage pagenum templatePage:Dictionnaire de la Bible - F. Vigouroux - Tome II.djvu/211 MediaWiki:Proofreadpage pagenum templatePage:Dictionnaire de la Bible - F. Vigouroux - Tome II.djvu/212 MediaWiki:Proofreadpage pagenum template#lst:Page:Dictionnaire de la Bible - F. Vigouroux - Tome II.djvu/213