Dictionnaire de la Bible/Tome 5.1.d ROI-RUTH
ROI (hébreu : mélék ; chaldéen : mélék ; Septante : βασιλεύς ; Vulgate : rex), le chef suprême d’un peuple ou d’un pays.
I. Le nom de roi dans la Bible.
1o Le nom de roi est souvent donné, surtout dans les anciens temps, à des hommes dont le pouvoir se restreint au commandement ou à la possession d’une ville ou d’un district. Ainsi en est-il des rois de Sodome, de Gomorrhe, d’Adama, de Séboïm et Ségor, Gen., xiv, 2, de Gérare, Gen., xx, 2, de Jérusalem, d’Haï et de Jéricho, Jos., x, 1, d’Asor, de Madon, d’Achsaph, de Séméron, etc., Jos., xi, 1, 2, et aux différents rois de Chànaan. Jos., xii, 1-24 ; Jud., v, 19.
2o D’autres rois exercent leur pouvoir sur un territoire plus considérable ou sur des tribus entières. Tels sont les rois des Amalécites, I Reg., xx, 8, des Ammonistes, Jud., xi, 28, des Amorrhéens, Jos., xii, 2, de Basan, Jos., xiii, 30, d’Émath, II Reg., viii, 9, des Iduméens, Gen., .xxxvi, 31 ; des Madianites, Jud., viii, 5, desMoabites, Jos., xxiv, 9, de Sidon, Jer., xxv, 22, de Syrie, Jud., iii, 10, de Tyr, II Reg., v, 11, etc.
3o A plus forte raison, ce nom convient-il aux chefs des grands états, au roi d’Egypte, Exod., i, 8, 15, 17, désigné habituellement sous le nom de « pharaon », aux rois d’Assyrie, de Chaldée, de Perse, etc. Ceux-ci, pour se distinguer des rois secondaires qui sont souvent leurs vassaux, renforcent leur titre. Le roi de Babylone s’appelle mélék melâkîm, « roi des rois », Ezech., xxvi, 7, c’est-à-dire celui qui tient les autres rois sous sa puissance. Le titre chaldéen de mélék malkayyâ’, qui
signifie la même chose, est attribué au roi de Babylone, Dan., ii, 4, et à celai des Perses. I Esd., vii, 12. Le roi d’Assyrie prend le titre de ham-mélék hag-gâdôl, « le grand roi ». Is., xxxvi, 4. En assyrien, le titre de sarru est supérieur à celui demalku. Les princes babyloniens le prennent, comme on le voit dans le protocole du roi Hammourabi, et même se nomment sarsarrânu ou sarru rabû, titres qui correspondent aux titres hébreux de « roi des rois » ou de « grand roi ».
— 4° Il était naturel que le titre de roi fut attribué à Jéhovah par les écrivains sacrés. Ps. v, 3 ; xliv (xliii), 5 ; i, xviii(lxvii), 25 ; lxxiv (lxxiii), 42 ; lxxxiv (lxxxiii), 4 ; Is ; vi, 5 ; xxxiii, 22 ; xliii, 15 ; Jer., xlviii, 15 ; Zach., xiv, 9. Cf. Lagrange, Etudes sur les religions sémitiques, Paris, 1905, p. 99-109. Dieu est le « grand roi », Ps. xlviii (xlvii), 3 ; Matth, , v, 35, le « roi des rois », I Tim., vi, 15 ; Apoc, xix, 16, le « roi de gloire », Ps. xxiv (xxm), 7-10, le « roi de Jacob », Is., xli, 21, le « roi d’Israël », Deut., xxxiii, 5 ; Is., xliv, 6, le « roi immortel des siècles », I Tim., i, 17, etc. — 5° Le nom de roi est aussi donné quelquefois aux idoles. Am., v, 26 ; Soph., i, 5. Job, xviii, 14, appelle poétiquement la mort le « roi des épouvantements ». — Pour ce qui concerne les rois des différents peuples autres que les Hébreux, voir les articles consacrés à ces rois et à ces peuples. II. Origine de la royauté en Israël. — 1° La prévision de Moïse. — Les nomades n’avaient pas de rois, mais seulement des chefs de tribus ou de familles. Les populations sédentaires étaient, au contraire, ordinairement gouvernées par des rois. Les anciens patriarches s’étaient souvent trouvés en contact avec les rois des districts qu’ils traversaient, et les Hébreux eux-mêmes avaient vécu longtemps en Egypte, sous le régime des pharaons. Ils ne pouvaient songera se donner un roi immédiatement après leur départ de la terre de servitude. Mais le désir d’en mettre un à leur tête ne pouvait manquer de leur venir un jour, quand ils seraient établis en Chanaan. Il était donc tout naturel que Moïse prévît cette éventualité dans sa législation. C’est ce qu’il fit. Deut., xvii, 14-20. D’ailleurs, l’idée de royauté israélite avait déjà été évoquée bien antérieurement, quand Dieu avait prédit à Abraham que de Sara sortiraient « des rois de peuples », Gen., xvii, 16, quand Jacob avait parlé du « sceptre » et du « bâton de commandement » de Juda, Gen., xlix, 10, et que Balaam avait entrevu le sceptre s’élevant d’Israël. Num., xxv, 17. Dans un autre passage, le Deutéronome, xxxviii, 36, fait encore mention du roi que le peuple hébreu aura mis à sa tête. Il n’y a donc pas de raison sérieuse pour attribuer à une époque contemporaine des rois ce que Moïse dit de la royauté future. Il n’impose pas cette institution ; il prévoit seulement qu’un temps viendra où, à l’exemple des peuples de leur entourage, les Hébreux voudront avoir un roi. Il formule donc quelques prescriptions à cet égard. La première concerne le peuple lui-même : il ne pourra se donner pour roi un étranger, mais il prendra un de ses frères, celui que Jéhovah aura choisi. Ainsi sera écarté le péril d’un prince qui entraînerait Israël hors de sa vocation. Trois autres prescriptions regardent le roi lui-même. — 1. Qu’il n’ait pas un grand nombre de chevaux et ainsi n’ait pas l’idée de ramener le peuple en Egypte pour en avoir beaucoup. Cet article n’a pu être libellé qu’à une époque où le peuple tournait encore avec regret ses regards du côté de l’Egypte, comme il fit plusieurs fois au désert. Exod., xiv, 11, 12 ; xvi, 3 ; Num., xi, 5 ; xiv, 3, etc. Pareil regret ne revint jamais aux Hébreux quand ils furent installés en Chanaan. Les chevaux n’étaientguère employés alors que pour /a guerre. En prohiber la multiplication, c’était donc interdire aux futurs rois les expéditions lointaines et les guerres de conquêtes. La Palestine était un pays accidenté et facile à défendre sans le secours des chars. III Reg., xx, 23, 28.
Les rois devaient se contenter d’y maintenir et d’y défendre leur peuple. — 2. Que le roi se garde de multiplier à son usage les femmes, l’argent et l’or. Il ne fallait pas qu’il imitât, sous ce rapport, les excès des princes orientaux, que l’abus des plaisirs rend incapables de bien gouverner. — 3. Le roi copiera le livre de la loi, le méditera assidûment et conformera sa vie aux préceptes divins. Le gouvernement d’Israël ne doit pas cesser d’être une théocratie, et la loi de Jéhovah servira au roi de règle inviolable. — Les prescriptions de Moïse ne portent que sur des points fondamentaux, mais très généraux. Si çepassagedu Deutéronome avait été ajouté à l’époque des rois, on y trouverait certainement beaucoup plus de détails, tels, par exemple, que ceux qui se lisent dans le discours de Samuel sur la royauté. I Reg., viii, 11-17.
2° L’établissement de la royauté.— 1. Pendant trois siècles et demi (de 1453 à 1095), les Hébreux se passèrent de rois. La remarque en est faite à plusieurs reprises dans l’histoiredes Juges, xvii, 6 ; xviii, 1 ; xxi, 24, pour bien montrer que les sauveurs que Dieu suscitait périodiquement au milieu de son peuple n’avaient qu’une mission temporaire ou locale et ne ressemblaient pas aux rois des villes ou des nations environnantes. A cette époque, chacun r aisait ce qui lui semblait bon et personne ne commandait. — 2. Samuel exerça un pouvoir plus régulier et plus durable. I Reg., vii, 15-17. Mais ce pouvoir n’avait pas de caractère militaire, comme il eût été nécessaire pour tenir constamment les ennemis à distance et centraliser contre eux les efforts des tribus. De plus, Samuel devenait vieux et la conduite de ses fils n’était rien moins que recommandable. I Reg., viii, 3-4. C’est alors que le peuple demanda à avoir un roi « comme toutes les nations ». Cf. Deut., xvii, 14. Celte requête déplut à Samuel, probablement pour des raisons qui le touchaient personnellement, comme le donne à supposer la parole de Jéhovah : « Ce n’est pas toi qu’ils rejettent, c’est moi. » I Reg., viii, 7. Il suit de là que, bien que prévue et légitime en soi, la requête impliquait un sentiment dont Dieu avait le droit de se plaindre. Qn comptait moins sur son secours que sur le savoir-faire du roi qui serait Choisi. Ose., xiii, 10-11. Cf. Zschokke, Historia sacra, Vienne, 1888, p. 198. Avant d’accéder au désir du peuple, le prophète eut ordre de lui faire connaître les charges qui pèseraient sur lui par le fait de la royauté. Le peuple aura à fournir au roi des soldats, des serviteurs, des cultivateurs, des ouvriers, des parfumeuses, des cuisinières, des boulangères, puis des terres, des dîmes, des troupeaux, sans compter tout ce que le roi prendra de force. I Reg., viii, 11-18. Telles étaient les charges que les rois voisins imposaient à leurs sujets : telles sont celles que les meilleurs rois, David, par exemple, ne pourront se dispenser de faire peser sur leur peuple. Les Israélites ne s’émurent pas des prédictions de Samuel. Ils persistèrent dans le désir d’avoir un roi pour les gouverner, les conduire à la guerre et mettre ainsi leur nation au même niveau social que les nations d’alentour. Jéhovah ordonna à Samuel d’accéder au désir du peuple. Si, malgré sa répugnance, le prophète n’avait pas tout d’abord opposé un refus formel à la demande des Israélites, c’est vraisemblablement parce que les dispositions, éventuelles réglées par Moïse lui étaient connues. — 2. Ces dispositions supposaient un roi choisi par Jéhovah. Deut., xvii, 15. L’élection du premier roi fut conforme à la prescription mosaïque. Dieu lui-même indiqua Saùl à Samuel, I Reg., ix, 16 ; il prit soin ensuite que le sort désignât publiquement celui qu’il avait choisi. I Reg., x, 20-24. Sans doute, Dieu n’entendait pas désigner ainsi chacun de ceux qui régneraient sur son peuple. H se contentait de choisir le chef de la dynastie qui devait fournir les rois. C’est pourquoi, après le rejet de Saûl, il intervint
de nouveau pour désigner le chef de la dynastie définitive. — 3. Après la proclamation de Saûl, Samuel exposa au peuple la charte de la royauté, qui réglait les droits et les devoirs du roi, et il l’écrivit dans un livre qui fut déposé devant Jéhovah. Cet écrit rappelait probablement les dispositions arrêtées par Moïse et en ajoutait d’autres plus détaillées, comme l’exigeaient les circonstances. La principale recommandation devait concerner la fidélité que le roi et le peuple étaient tenus de garder à Jéhovah, comme l’indique si formellement fe discours d’adiea da prophète. I Reg., xii, 13-17.
III. Avènement du roi. — 1° Choix du roi. — La loi voulait que le roi fût choisi par Jéhovah. Deut., XVII, 15. Il en fut ainsi pour Sàûl, I Reg., ix, 16, et pour David.
I Reg., xvi, 3, 12. Le choix de David ne fut pas seulement personnel ; il porta sur toute sa dynastie, II Reg., vii, 12, 15, 16, qui régna en effet jusqu’à la prise de Jérusalem. Dieu intervint également pour assigner à Jéroboam le royaume schismatique d’Israël, III Reg., xi, 31, et ensuite pour désigner Jéhu. III Reg., xix, 16.
2° Ordre de succession. — Dans le royaume de Juda, le successeur du roi était habituellement son fils aîné. Toutefois cette règle n’avait rien d’absolu. Adonias était bien antérieur par la naissance à Salomon.
II Reg., iii, 4. Cependant David eut pour successeur Salomon, selon la promesse que lui-même avait faite à Bethsabée, III Reg., i, 13, et que Dieu semblait avoir approuvée. II Reg., xii, 24, 25. iioboam assigna aussi la royauté à Abia, qui n’était pas son aîné, II Par., xi, 22, et Joachaz fut préféré par le peuple pour succéder à Josias, à la place de son frère aîné Joakim, qu’on regardait probablement comme trop porté du côté de l’Egypte. IV Reg., xxiii, 34. D’ordinaire, le fds aîné succédait à son père Par., xxi, 3, même quand il était encore en bas âge. IV Reg., xi, 21. Le peuple intervenait parfois pour maintenir cet ordre de succession. IV Reg., xxi, 24 ; xxiii, 30. Vers la fin du royaume de Juda, on voit le pharaon Néchao assurer à Joakim, fils aîné de Josias, la succession de son père, IV Reg., xxiii, 34, et le roi de Babylone établir à la place du roi Joachin son oncle Sédécias. IV Reg, , xxiv, 17. — Dans le royaume d’Israël, l’ordre de succession varie beaucoup. Neuf familles différentes fournissent des rois. Deux d’entre eux sont désignés par des prophètes, Jéroboam 1 et Jéhu. IV Reg., ix, 6. Amri est établi par le peuple.
III Reg., xvi, 16. Six montent sur le trône après l’assassinat de leur prédécesseur, Baasa, III Reg., xv, 26, Zambri, III Reg., xvi, 10, Sellum, IV Reg., xv, 10, Manahem, IV Reg., xv, 14, Phacée, IV Reg., xv, 25, et Osée. IV Reg., xv, 30. Enfin dix, sur dix-neuf, succèdent à leur père. Pour couper court à toute compétition, le nouveau roi prenait soin quelquefois de faire périr toute la famille de son prédécesseur. Ainsi firent Zambri, III Reg., xvi, 11, et Jéhu, IV Reg., x, 11, 17. Dans le royaume de Juda, Athalie, la seule qui ait interrompu quelque temps la succession normale, fit aussi mourir les princes de la famille royale, à l’exception de Joas qui fut soustrait à ses coups. IV Reg., xi, 1, 2. Athalie et six rois d’Israël s’emparèrent donc de la royauté par violence, au lieu de la recevoir par voie régulière.
3° Sacre du roi. — L’onction royale fut donnée à Saûl, I Reg., x, 1, et à David, I Reg., xvi, 13, par Samuel ; à Salomon par le prêtre Sadoc, III Reg., i, 39 ; à Joas par le grand-prêtre Joïada, IV Reg., xi, 12, et à Joachaz sans doute aussi par le grand-prêtre de l’époque.
IV Reg., xxiv, 30. Jéhu fut sacré roi d’Israël par un jeune homme, sur l’ordre d’Élie et d’Elisée. On considérait donc que l’huile d’onction avait, en pareil cas, une vertu par elle-même. Il ne paraît pas que tous les rois de Juda aient été sacrés. On ne recourait à cette cérémonie que dans des circonstances particulières, afin de fonder une nouvelle dynastie, comme il arriva pour
Saûl, David, et pour Jéhu en Israël, d’assurer une succession contestée, comme ce fut le cas de David quand tout Israël le proclama roi, II Reg., v, 3, de Salomon et plus tard de Joachaz, menacé par le pharaon Néchao dans les droits que le peuple lui avait conférés, enlin de rétablir une succession légitime interrompue, comme on fit pour Joas. L’onction était valable pour tous les descendants légitimes du roi, de même que la première onction sacerdotale reçue par les Bis d’Aaron avait suffi pour tous les prêtres de sa descendance. Aussi le nom d’ « oint du Seigneur » pouvait-il être donné à tout prince légitime. Voir Onction, t. iv, col. 1808.
4° Manifestations populaires. — Des marques publiques de satisfaction accompagnent la proclamation de certains rois. Quand Saül est présenté au peuple par Samuel, on crie : « Vive le roi ! » Un cortège d’hommes importants conduisent l’élu à sa maison et on lui offre des présents. I Reg., x, 24-27. Les partisans d’Adonias font un grand festin et crient : « Vive le roi Adonias ! » III Reg., i, 9, 25. Pour déjouer leur complot, Sadoc et Nathan conduisent Salomon à Gihon et le sacrent. On sonne de la trompette, le peuple crie : « Vive le roi Salomon ! » puis on accompagne le nouveau roi en jouant de la (lûte et en poussant des acclamations.
III Reg., i, 38-40. Quand les compagnons de Jéhu apprennent qu’il a reçu l’onction royale, ils se servent de leurs manteaux pour faire un trône au nouveau roi, sonnent de la trompette et crient : « Jéhu est roi ! »
IV Reg., tx, 13. Les démonstrations sont plus éclatantes pour la proclamation de Joas. Celle-ci a lieu danse Temple, au milieu des prêtres, des grands officiers et d’un grand concours de peuple qui témoigne de sa joie. On crie : « Vive le roi ! » et l’on fait retentir les trompettes. IV Reg., xi, 9-14 ; II Par., xxiii, 11-13.
IV. Prérogatives royales. — 1° Insignes de la royauté. — Les rois portaient un riche costume qui les distinguait de leurs sujets. III Reg., xxii, 10. Saûl avait au bras un bracelet. II Reg., i, 10. Au temps des Machabées, les vêtements de pourpre furent, 1e signe de la souveraineté. I Mach., x, 20, 62 ; xi, 58 ; xiv, 43. Un diadème ceignait la tête du roi, II Reg., i, 10 ; IV Reg., xi, 12, et se portait même à la guerre. À ce diadème s’ajoutait une couronne d’or et de pierres précieuses. II Reg., xii, 30 ; Cant., iii, 11 ; Ezech., xxi, 31 ; I Mach., x, 20. Voir Couronne, t. ii, col. 1083. Ézéchiel, xtx, 11, parle d’unsceptre de bois. Le roi de Perse avait un sceptre d’or. Esth., v, 2 ; viii, 4. Le roi Saûltenaitune lance au lieu de sceptre. I Reg., xiii, 22 ; xviii, 10 ; xxit, 6. Voir Sceptre. Les rois possédaient un trône plus ou moins riche. Celui de Salomon était d’ivoire et d’or. III Reg., x, 18-20 ; II Par., ix, 17. Achab et Josaphat avaient le leur. III Reg., xxii, 10. Le roi de Perse possédait aussi le sien. Esth., v, 1. Voir Trône. L’usage des chars fut introduit en Israël par les rois. C’était une prérogative royale d’en posséder. III Reg., i, 5 ; IV Reg., ix, 21 ; x, 15. Voir Char, t. ii, col. 567.
2° Garde du corps. — Saül commence le premier à attacher à son service tout homme « fort et vaillant » qu’il rencontre, I Reg., xiv, 52 ; xxii, 27. David, même avant sa royauté, s’entoure d’hommes qui partagent sa vie d’aventures. lien a autour de lui jusqu’à six cents.
I Reg., xxv, 13, xxx, 1-4. Devenu roi, il prend comme garde du corps les Céréthiens et lesPhéléthiens. IIReg., vm, 18 ; xv, 18, etc. Voir Céréthiens, t. ii, col. 442. Il s’entoure aussi probablement de Géthéens. II Reg., xv, 18-22. Voir Armée chez les Hébreux, t. i, col. 973. Ces gardes se tiennent auprès de Salomon au jour de son sacre. III Reg., ’i, 38. Roboam a des gardes qui prennent le nom de « coureurs ». III Reg., xiv, 28 ;
II Par., xii, 11.Il en est de même de Jéhu.lVReg., x, 25. Athalie a aussi une maison de coureurs. IVReg.jXi, 6. Voir Coureur, t. ii, col. 1080. La garde du corps était trop utile pour qu’aucun roi s’en passât. Cette garde
veillait sur la personne du roi, quand il résidait dans sa demeure, voir Palais, t. iv, col. 1967, et quand il allait au dehors. II Reg., xv, 14.
3° Harem. — La loi recommandait au roi de n’avoir pas un grand nombre de femmes. Deut., xvii, 17. Mais, chez les princes asiatiques, l’importance du harem était une marque de puissance etde richesse. Les rois israélites suivent en cela l’usage de leur temps. Salomon dépasse toutes les bornes et, sous ce rapport, se met au niveau des plus grands monarques asiatiques. Voir Polygamie, col. 511. Le harem faisait partie du domaine royal. Le successeur d’un roi en prenait possession comme des autres biens laissés par son prédécesseur.
II Reg., xii, 8, 11. Cf. Hérodote, iii, 68. Un prétendant au trône croyait établir son droit en prenant publiquement possession du harem de celui qu’il voulait remplacer. Ainsi fit Absalom pour le harem de son père. II Reg., xvi, 22. Adonias, qui avait brigué la royauté au détriment de Salomon, osa demander ensuite qu’on lui accordât pour épouse Abisag, la Sunamite, qui avait fait partie du harem de David. Salomon estima que cette demande équivalait presque à celle de la royauté, et il fit mourir Adonias. III Reg., ii, 13-25.
4° Honneurs royaux. — On témoignait au roi le plus grand respect. David s’incline à terre et se prosterne devant Saûl. I Reg., xxiy, 9. Devant David, Abigaïl descend de son âne et se prosterne à terre. I Reg., xxv, 23. Miphiboseth et Séméï font de même. Il Reg., ix, 6 ; xix, 18. Cf. II Reg., xiv, 4. Salomon lui-même traite sa mère avec le plus grand honneur, se prosterne devant elle, et la fait asseoir sur un trône, bien qu’il doive aussitôt opposer un refus à sa requête. III Reg., ii, 19. En certaines circonstances heureuses, on fait cortège au roi, on l’acclame et on joue des instruments. 1 Reg., xviii, 6 ; IV Reg., ix, 13. Maudire le roi était un crime digne de mort. III Reg., xxi, 10. Le prince qui se conduisait mal était éloigné de la cour. II Reg., xiv, 24, 28. Le respect qu’on leur témoignait n’empêchait pas les rois de se montrer simples et familiers avec leur peuple, II Reg., xix, 8 ; III Reg., xx, 39 ; Jer., xxxviii, 7, et d’avoir tin abord facile. II Reg., xiv, 4 ; xviii, 4 ;
III Reg., iii, 16 ; IV Reg., vi, 26-30 ; viii, 3, etc. Sous ce rapport, les rois israélites ne ressemblaient guère aux autres monarques orientaux, qui s’enfermaient dans leur majesté et n’étaient abordables que pour de rares privilégiés. Cf. Esth., i, 14 ; iv, 11 ; v, 1, 2. Les rois s’honoraient mutuellement en entretenant des rapports d’amitié et en s’envoyant des présents d’un pays à l’autre. II Reg., x, 2 ; III Reg., x, 2 ; IV Reg., xx, 12, etc. — Après leur mort, les rois recevaient les honneurs de la sépulture royale, dans la cité de David, pour les rois de Juda, III Reg., Il, 10 ; xi, 43 ; xiv, 31, etc., et à Samarie pour les rois d’Israël. III Reg., xvi, 28 ; xxii, 37 ; IV Reg., x, 15 ; xiv, 16, etc. L’honneur de la sépulture paternelle fut cependant refusé à l’impie Achaz. II Par., xxviii, 27.0zias, à cause de sa lèpre, fut inhumé dans le champ qui entourait la sépulture royale. II Par., xxvi, 23.
V. Pouvoirs royaux. —1° La théocratie. — 1. Les grands monarques orientaux prétendaient toujours être les représentants directs des dieux. Sous le couvert de cette fiction, ils exerçaient l’autocratie la plus absolue ; Chez les Hébreux, le roi était aussi le mandataire de Dieu ; mais Jéhovah ne s’était pas réservé Un pouvoir fictif. Le roi devait compter avec les volontés formelles de ce puissant suzerain. Jéhovah choisit Saül « pour chef sur son héritage. » I Reg., x, 1. C’est lui qui met le roi en possession de son autorité et de tous ses biens. II Reg., xii, 7, 8. Il est un père pour le roi, et le roi est pour lui un fils. II Reg., vii, 14. Mais le roi doit se souvenir qu’il y a un maître au-dessus île lui, et que sa propre autorité est bornée et soumise à celle de Jéhovah. La loi lui prescrit d’obéir aux ordonnances divines et de ne
pas s’élever au-dessus de ses frères. Deut., xvii, 19, 20. Le code de la royauté, quel qu’il ait été, I Reg., x, 25, définissait certainement les pouvoirs du roi, en regard des prescriptions de la volonté divine. Ce code est vraisemblablement le « témoignage » que Joïada remit à Joas le jour de son sacre. IV Reg., xi, 12 ; II Par., xxiii, 11. D’après Sota, vi, 8, le second jour de la fête des Tabernacles, le roi, assis sur un siège de bois disposé daus le parvis des femmes, lisait au peuple divers passages du Deutéronome, i, 1-vi, 4 ; xi, 13 ; xiv, 22 ; xxvi, 22 ; xvit, 14 ; xxvii, xxviii. — 2. Plus encore que les ordonnances, les faitsmontrerent.ee que Dieu attendait du roi qu’il avait choisi. Saül fut rejeté pour avoir contrevenu deux fois aux prescriptions divines, la première fois en prenant une initiative qui n’appartenait pas au prince, 1 Reg., xm, 9, la seconde fois, en épargnant des ennemis que Jéhovah avait condamnés. I Reg., xv, 26. Saül n’était pas pour Jéhovah « l’homme selon son cœur, s et il ne pouvait rester « le chef dé son peuple. » I Reg., xiii, 14. David eut soin de se régarder comme le serviteur de Jéhovah, II Reg., vii, 19, 25-28, et d’agir en conséquence. Dieu intervint visiblement, quand il se conduisit mal, pour le châtier, Dieu parle à Salomon pour lui recommander la fidélité à tous ses commandements ; à cette condition, dit-il, « je n’abandonnerai pas mon peuple d’Israël. » III Reg., vi, 13. Il renouvelle ses recommandations et ses promesses après la dédicace du Temple, et parle à Salomon en maître qui entend toujours régir son peuple. III Reg., îx, 6-9. Quand le roi en vient à prendre l’exact contre-pied des prescriptions du Deutéronome, Jéhovah partage lui-même son royaume et donne dix tribus à Jéroboam, auquel il promet même une maison stable comme celle de David, s’il lui demeure fidèle. III Reg.. xi, 31-39. Par la suite, Dieu intervient en Juda et en Israël, pour mener les événements qui les intéressent et finalement les faire partir l’un après l’autre en exil. Il domine les rois de son peuple, non pas seulement par son action providentielle, comme il fait pour tous les autres rois du monde, mais par l’exercice direct et manifeste de son autorité souveraine. En somme, le roi n’est que son pouvoir exécutif. Jéhovah a dit à David : « Tu paîtras mon peuple d’Israël.’» II Reg., v, 2 ; I Par., xi, 2. Le roi est le berger de son peuple ; il n’en est pas plus le maître que le berger n’est le maître de son troupeau. Comme le berger, il veille, conduit, défend pour le compte de Jéhovah auquel appartienne peuple élu. Le roi israélite ne peut faire sa volonté qu’autant que sa volonté se conforme aux prescriptions générales de la loi divine et aux prescriptions particulières de son suzerain, le Dieu d’Israël. — 2. Pour exercer effectivement son pouvoir théocratique et signifier ses volontés particulières au cours des événements, Dieu créa chez son peuple un organisme spécial, le prophétisme. Entre autres fonctions le prophète recevait la mission de transmettre aux rois les indications qui lui venaient directement de Jéhovah. Voir Prophète, col. 721. Il était ainsi auprès du roi comme le résident dans nos pays de protectorat. Le prince n’agissait librement que dans des limites déterminées et le prophète intervenait pour prévenir ou corriger les infractions à la volonté du Maître souverain et intimer ses ordres. Ce rôle est rempli par Samuel auprèsde Saûl et de David. Nathan reprend David, II Reg., xii, 7-12, et pourvoit au sacre de Salomon. III Reg., i, 11-40. Ahias annonce à Jéroboam la division du royaume et la part que Dieu lui attribue dans la nouvelle organisation. III Reg., xi, 30-39. Séméï défend à Roboam d’entrer en lutte contre les tribus schismatiques. III Reg., xii, 23-24. Un autre prophète signifie à Jéroboam le sort qui est réservé à sdn institution sacrilège. III Reg., xm, 1-3. De nouveau, le prophète Ahias fait connaître à Jéroboam prévaricateur les malheurs qui fondront sur sa maison. III Reg., xiv, 7-16. Il ne lui reproche que
son abandon de Jéhovah et son culte « d’autres dieux et d’images de fonte. » Bien loin de lui faire un grief du schisme, il rappelle que Dieu même lui a donné le royaume arraché à la famille de David. Il faut conclure de là que la division du royaume en deux eût été conforme au plan divin, si le royaume d’Israël fût demeuré Adèle à Jéhovah. Élie et Elisée sont envoyés au royaume d’Israël, que Jéhovah ne cesse pas de traiter comme une partie de son domaine, et ils emploient tous les moyens, fléaux et miracles, pour faire prévaloir la volonté divine dans la politique des rois. Amos et Osée continuent ensuite leur œuvre. Isaïe commence la sienne en Juda, au milieu du viiie siècle. Michée est suscité à la même époque. Sous le roi Josias, une prophétesse, Holda, indique, de la part de Dieu, les conséquences qu’impose la découverte du livre de la Loi. IV Reg, , xxii, 15-20. Au siècle suivant, Jérémie annonce aux derniers rois de Juda les arrêts divins et s’efforce, mais en vain, de les détourner d’une politique qui les conduit à la catastrophe. Il est donc vrai de dire que les prophètes exercent une mission continuelle auprès des rois, pour maintenir en face d’eux les droits de la volonté de Dieu, redresser les abus, diriger la politique dans ses grandes lignes, surtout aux époques de crise, en un mot servir de contrepoids à un pouvoir royal qui ne fut que trop porté à secouer le joug de Jéhovah. Quelques prêtres seulement, comme Sadoe et Joïada, eurent à exercer une influence sur les rois. Mais le rôle du sacerdoce était surtout rituel ; le prophétisme constituait l’organisme voulu par Dieu pour maintenir effectivement les droits de la théocratie. Si les prophètes apparaissent assez souvent comme des messagers de malheurs, c’est qu’en Juda comme en Israël les prescriptions divines furent presque toujours transgressées.
2° L’administration — 1. Les rois avaient à gouverner leur royaume et à y, établir cet ordre, favorable aux intérêts généraux et particuliers, qui ne pouvait être obtenu à l'époque où « chacun faisait Ce qui lui semblait bon. » Jud., xxi, 24. Le roi Saùl, presque continuellement occupé par ses guerres, puis saisi d’un esprit mauvais, n’eut pas le loisir de s’occuper de l’organisation du pays. Cette organisation ne faisait pourtant pas défaut totalement ; car la Loi avait prévu l’essentiel et elle était obéie. Voir Anciens, 1. 1, col. 554. Lorsque David eut achevé la conquête de tout le pays, il se donna une capitale, Jérusalem, admirablement choisie, par sa situation, pour être d’une défense relativement facile. Il tint à ce que la capitale civile fût en même temps la capitale religieuse. Il y transporta l’Arche et prépara la construction du Temple unique où devait se célébrer magnifiquement le culte de Jéhovah. Il s’occupa d’organiser ce culte, I Par., xvi, 1-42 ; xxm-xxvi, puis mit des fonctionnaires à la tête des différents services civils du royaume II y avait des conseillers, des confidents plus intimes appelés « amis du roi », des intendants et des préposés à toutes les parties du domaine royal. I Par., xxvii, 25-34. Salomon développa cette organisation. Il institua les charges nécessaires au service du nouveau Temple, bâtit des villes, des magasins, des places fortes dans tout le pays, étendit le commerce, créa une flotte, réduisit à un esclavage laborieux les anciens Chananéens qui survivaient en Palestine et leur préposa des inspecteurs. II Par., viii, 3-10. Ces mesures devaient rendre le royaume puissant et prospère. Des causes d’ordre moral en paralysèrent bientôt l’effet. Sous Roboam, le pays se divisa en deux, au grand détriment de Juda et d’Israël. Les rois d’Israël cherchèrent à organiser leur royaume en se rapprochant de leurs voisins de Syrie et en affectant une hostilité presque constante contre leurs frères de Juda. Ainsi Achab laisse établir à Samarie des bazars syriens et lui-même établit des bazars israélites à Damas.
III Reg., xx, 34. Cependant Ochozias tente avec Josaphat, en vue d’une expédition maritime, une alliance qui ne
réussit pas. III Reg., xxii, 50. En Juda, l’administration
salomonienne se maintient, bien que restreinte. Plusieursrois apportent une certaine activité dans leur gouvernement. Ils combattent de leur mieux, mais pas toujours
avec succès, l’invasion de l’idolâtrie qui, ils le sentent
bien, doit amener la ruine de la nation. III Reg., xv,
11-15 ; xxii, 43-45 ; IV Reg., xii, 1-3 ; xviii, 3-4, etc.
Joas travaille à assurer le bon emploi des revenus du
Temple. IV Reg., xii, 4-16. Ozias multiplie les constructions défensives et les travaux agricoles. II Par.,
xxvi, 9, 10. Ézéchias renouvelle les rouages vieillis dé
l’ancienne administration, prend des mesures énergiques contre l’idolâtrie et cherche même à ramener
au culte de Jéhovah les habitants laissés dans le royaume
du nord. II Par., xxix, 3-xxxi, 21. Josias fait aussi
quelques efforts pour remettre les choses en bon état.
II Par., xxxv, 10-25. Mais bientôt après lui survient la ruine. David et Salomon sont donc les deux grands initiateurs d’une administration rationnelle et puissante qui, immédiatement après eux, s’achemine déjà à la décadence.
3° Le pouvoir militaire. — Sur l’organisation des armées israélites, voir Armée chez les Hébreux, t. i, col. 971. Le roi était naturellement le chef de l’armée. Quand les israélites réclament un roi, c’est surtout pour qu’il marche à leur tête et méfie leurs guerres.
I Reg., viii, 20. Voir Guerre, t. iii, col. 361. Parfois, le roi commande en chef directement ; ainsi font Saûl, David, Achab, III Reg., xx, 14-15, Josaphat, III Reg., xxii, 29-36, etc. Le plus souvent, il confie la direction de la guerre à un ou plusieurs chefs. Le roi peut et doit entreprendre une guerre défensive. II le fait de sa propre initiative. I Reg., xi, 7 ; II Reg., viii, 1-14, etc Mais, quand la guerre est agressive ou que son issue est douteuse, le roi consulte Jéhovah avant de l’entreprendre, I Reg., xiv, 37 ; xxviii, 6 ; II Reg., v, 19, 23 ; ou bien il reçoit, par l’intermédiaire d’un prophète, l’ordre soit d’aller en avant, I Reg., xv, 3, 16 ; III Reg., xx, 28 ; IV Reg, , iii, 18, 19, etc., soit de ne pas engager la guerre. III Reg., xii, 24 ; xxii, 15-28. Parfois, le roi demande au préalable l’avis des anciens. III Reg., xxi, 7. Mais, avec le temps, les rois prennent l’habitude de se passer de tout conseil. Des guerres assez nombreuses sont entreprises sans qu’aucune consultation n’ait précédé. Les rois s’associent les uns avec les autres pour faire la guerre. Asa fait alliance avec le roi de Syrie, à prix d’argent, III Reg., xv, 18-22 ; Josaphat avec Achab, III Reg., xxii, 4, et avec Ochozias, II Par., xx, 35-37 ; Ochozias de Juda avec Joram d’Israël, IV Reg., vin, 28 ; Achaz avec Théglathphalasar, à prix d’argent, IV Reg., xvi, 7-9. Dieu intervient quelquefois pour régler le sort des vaincus, I Reg., xv, 3-33 ; IV Reg., vi, 20-23 ; d’autres fois, le roi dispose d’eux à son gré. IV Reg., vi, 31-34 ; ix, 24, 27 ; xiv, 13, 14, etc.
4° Le pouvoir judiciaire. — Le roi était le juge suprême auquel on s’adressait en dernier ressort ou même en première instance. II Reg., xv, 2-6. Voir Juge, t. iii, col. 1835. De là cette prière de Salomon : ((Accordez à votre serviteur un cœur attentif pour juger votre peuple, pour discerner le bien et le mal. Car qui pourrait juger votre peuple, ce peuple si nombreux ? »
III Reg., iii, 9. Sans doute, « juger » signifie principalement ici « gouverner » ; mais l’administration de la justice suprême était un des devoirs du gouvernement. Le pouvoir du roi était sans appel. Il avait le droit de faire grâce à ceux que la loi condamnait. II Reg., xiv, 11.
II pouvait aussi condamner à mort, sans autre information judiciaire, ceux qu’il jugeait coupables. II Reg., i, 15 ; iv, 12 ; xii, 5 ; III Reg., ii, 25, 29, 46.
5° Les abus de pouvoir. — Les tentatives de despotisme royal trouvaient un obstacle dans l’intervention du peuple, représenté par les anciens, II Reg., v, 3 ;
III Reg., xii, 3, 4 ; IV Reg., xi, 17, etc., et dans celle
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des prophètes. Beaucoup de rois néanmoins, et même des meilleurs, abusèrent de leur autorité. La conduite de David à l’égard’d’Urie en est un exemple lamen-Wm
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aggravant les impôts et les corvées, pour satisfaire à ses goûts exagérés de constructions et de faste. Roboam ne voulut rien rabattre de la rigueur du gouvernement paternel et il fut cause du schisme. III Reg., xii, 3-19. Achab laissa condamner juridiquement l’innocent Naboth, afin de s’emparer de sa vigne. III Reg., xxi, 8-14. Athalie s’attribua par le crime une royauté à laquelle elle n’avait aucun droit. IV Reg., xi, 1-3— Joas se saisit de tout l’or du Temple pour éloigner Hazaël. IV Reg., xii, 18. Ozias, comme Saùl, voulut s’ingérer dans l’exercice du ministère sacerdotal. I Reg., an, . 9 ; II Par., xxvi, 16-19. Les rois d’Israël et la majeure partie des rois de Juda, à l’exemple de Salbmon, tolérèrent, favorisèrent ou pratiquèrent eux-mêmes l’idolâtrie, ce qui les constituait en opposition formelle avec le statut théocratiqne. Ils s’entouraient de prophètes courtisans, qui approuvaient leurs desseins et secondaient leur politique toute humaine. III Reg., xxii, 12-23 ; 1er., xxiii, 1-32 ; xxvii ; xxviii, etc. Plusieurs s’emportèrent contre les vrais prophètes du Seigneur et les maltraitèrent. Telle fut la conduite d’Achab à l’égard de Michéfe, II Par., xviii, 26, et d’ï.lie, III Reg., xviii, 7-17 ; xix, 2 ; celle de Joakim, qui brûla les prophéties de Jérémie, Jer., xxxvi, 23, etc. L’institution de la royauté Israélite paraît avoir été nécessaire pour assurer la cohésion de la nation et la mettre en état de se défendre contre des agresseurs puissants. Mais les rois d’Israël et de Juda eurent le tort de vouloir donner à leur royauté le caractère et l’indépendance des royautés environnantes. L’exemple de Salomon fut fatal à cet égard. Il entraîna comme conséquences la méconnaissance des conditions de la théocratie et la ruine du royaume lai-même. La protection de Jéhovah devait seule préserver l’existence de ce petit royaume situé au milieu d’empires puissants et hostiles. Cette protection finit par faire défaut, quand les rois et le peuple oublièrent Jéhovah pour mettre leur confiance dans les appuis humains et dans les idoles. C’est à cette prévarication persistante que les auteurs sacrés attribuent la ruine du royaume d’Israël, IV Reg., xvii, 7-23, et celle du royaume de Juda. IV Reg., xxiv, 2-3 VI. Revenu royal. — Il fallait aux rois des ressources considérables pour faire face aux dépenses qui s’imposaient à eux. Sans doute, ils n’avaient pas un budget d’État destiné à subvenir aux dépenses d’intérêt général. Mais l’entretien de leur cour étaitcoûteux. Les ressources leur venaient de différents côtés.
1° Les dons. — Il a toujours été d’usage en Orient que les sujets fissent des présents à leurs princes. Ces dons, volontaires en apparence, n’en sont pas moins de véritables impôts au paiement desquels nul ne peut se dérober. Sitôt que Saùl fut proclamé roi, on lui apporta des présents, et le nouveau prince fut assez habile pour ne pas prendre garde à ceux qui les lui refusaient. Son pouvoir était encore trop peu solide pour se permettre des exigences ou des rigueurs. I Reg., x, 27. Isaï envoya des présents à Saùl par son fils David. I Reg., xvi, 20. On en offrit à David, quand il s’exila de Jérusalem. II Reg., xvii, 28, 29. La coutume devint une institution régulière sous Salomon, auquel chacun offrait annuellement argent, or, vêtements, armes, parfums, chevaux et mulets. III Reg., iv, 21 ; x, 25. Nul doute que ses successeurs n’aient maintenu avec soin cette tradition. Ces présents venaient quelquefois aux rois de la part des princes. étrangers. II Reg., viii, 10-12 ; III Reg., x, 10 ; IV Reg., iii, 4.
2° Le butin. — Les guerres heureuses se terminaient toujours par le partage des dépouilles de l’ennemi. Voir Butin, t. i, col. 1976. Le roi en eut naturellement sa
bonne part. I Reg., xxx, 20. Après la prise de Rabbath, David enleva une couronne d’or du poids d’un talent avec un très grand butin. II Reg., xii, 30. Il faut avouer néanmoins que, par la suite, cette source de revenus ne fut pas très considérable. Les rois eurent plus à payer aux étrangers qu’à recevoir d’eux.
3° Les propriétés foncières. — Samuel avait prévu que les rois deviendraient de grands propriétaires, aux dépens de leurs sujets. I Reg., viii, 14. Déjà David a des champs et des ouvriers qui les cultivent, des vignes, des plantations d’oliviers et de sycomores, de riches prairies où paissent de nombreux troupeaux. I Par., xxvii, 25-31. Plus tard, Ozias possédait aussi de grands troupeaux, dans la plaine et sur la montagne ; des laboureurs et des vigneronscultivaient ses terres. II Par., xxvi, 10. Dans sa description de la Palestine idéale, Ézéchiel, xlv, 7-12, attribue au prince un domaine territorial, qui est son unique source de revenus. Le prophète fait ces remarques significatives : « Ce sera son domaine, sa possession en Israël ; et mes princes n’opprimeront plus mon peuple, ils laisseront le pays à la maison d’Israël… C’en est assez, princes d’Israël ! plus de violences ni de rapines ! » Le prophète ajoute plus loin, en faisant une allusion visible au cas de Naboth : « Le prince ne prendra l’héritage de personne en l’expulsant de sa propriété ; c’est de son propre domaine qu’il donnera un héritage à ses fils. » Ezech., xlvi, 18. Ces remarques indiquent assez de quelle manière s’accrut le domaine royal, surtout sous les princes impies et peu scrupuleux. Les propriétés, une fois acquises, ne sortaient. plus de ce domaine, parce que le propriétaire était en mesure de les défendre.
4° Les impôts. — Voir Impôts, t. iii, col. 852, Cf. I Reg., vm, 15 ; xvii, 25. Le produit des impôts ordinaires restait à la seule disposition du roi pour les dépenses de sa cour, ses constructions, etc. Ces impôts se payaient le plus souvent en nature. Am., v, 11 ; vii, 1. Salomon avait organisé tout un service pour que, chaque mois, un des douze districts palestiniens fournît le nécessaire à l’entretien du roi et de sa maison. III Reg., iv, 7-19. Les provisions de chaque jour étaient considérables. III Reg., iv, 22, 23,
5° Le commerce. — Salomon ne dédaigna pas de chercher dans le trafic une nouvelle source de revenus. III Reg., x, 14, 15, 28, 29. Ses entreprises maritimes tendaient au même but. III Reg., x, 22. Mais ses dépenses étaient telles que, vingt ans après la construction du Temple et du palais, il n’était pas capable de payer à Hiram ses fournitures de matériaux et ses avances.
II fut obligé de lui donner vingt villes en Galilée, ce dont le roi de Tyr se montra peu satisfait. III Reg., ix, 10-14. Josaphat tenta de renouveler les entreprises maritimes de Salomon, mais sans succès. III Reg., xxii, 49. La division du royaume eu deux parties hostiles ne dut pas être favorable aux tentatives commerciales des autres rois.
6° Les corvées. — Les rois faisaient travailler pour leur compte les peuples vaincus. II Reg., xii, 31 ;
III Reg., ix, 20-22. Voir Corvée, t. ii, col. 1032. Sansles traiter absolument comme esclaves, Salomon pressura fortement ses sujets pour l’exécution de ses grands travaux, III Reg., v, 13, comme le montre le mécontentement général à l’avènement de Roboam. III Reg., xii, 4, 14. — Les rois ne disposaient jamais de ressources trop grandes pour satisfaire à leurs besoins ou à leurs caprices. Il leur fallait tout d’abord subvenir à leur entretien et à celui de leur cour, puis faire digne figure à côté des autres rois orientaux, dont le luxe était sans mesure, IV Reg., xx, 13, établir les nombreux fils que leur donnait la polygamie, II Par., xi, 23, avoir des appartements d’hiver et d’été, Jer., xxxvi, 22 ; Am., iii, 15, des palais et des jardins magnifiques, des ustensiles d’or, des chars, des chevaux et tout ce qui constituait
le confort asiatique. III Reg., x, 21, 26, Ce qui aggravait la charge pour le peuple, c’est que les intermédiaires dont le roi était obligé de se servir pour faire rentrer ses revenus résistaient rarement au désir de s’enrichir eux-mêmes, comme ce Sobna qui se préparait un magnifique sépulcre. Is., xxii, 15-17. Ils se croyaient le droit, ainsi qu’il est habituel en Orient, de majorer le taux des redevances, soit pour se couvrir eux-mêmes quand l’impôt ne fendait pas, soit pour s’assurer un bénéfice sérieux. Cf. Jahn, Archssologia biblica, dans le Script. Sacr. cursus complet, de Migne, Paris, 1857, t. ii, col, 958-968.
VII. Fonctionnaires royaux. — 1o Au temps de David, les fonctionnaires sont les suivants : — 1.’al’osrôf hammélék, « le préposé aux trésors du roi », surintendant résidant à la cour ; — 2. le préposé aux trésors dans les champs, les villes, les villages et les tours, probablement chargé de centraliser les redevances qui proviennent des diverses localités et des tours élevées pour protéger les cultures ; — 3. le préposé à la culture des champs ; — 4. le préposé à la culture des vignes ; — 5. le préposé aux provisions de vin dans les vignes, c’est-à-dire probablement aux vendanges ; — 6. le préposé aux plantations d’oliviers et de sycomores dans la Séphéla ; — 7. le préposé à la récolte de l’huile ; — 8. le préposé anx bœufs de Saron ; — 9. le préposé aux bœufs des vallées ; — 10.1e préposé aux chameaux ; — 11. le préposé aux ânes ; — 12. le préposé aux brebis. Ces douze premiers fonctionnaires sont des èârim, npocrrârai, principes, chargés des intérêts financiers du roi. Viennent ensuite ceux qui prennent part au gouvernement proprement dit : — 13. sôferîm, aii[i.60uXot, consiliarii, les conseillers ; — 14. rê’a ham-mélêk, ç&oç toû fiacri-Xêon ; , amicus régis, titre qui paraît être celui d’une fonction officielle, celle de confident ou de conseiller intime ; — 15. iar iâbâ’, àç>x<-<rzp6.rr i —(oç, princeps exercitus, le chef de l’armée. II Par., xxvii, 25-34. Cette dernière fonction était des plus importantes ; mais il y a lieu de penser que celles de grand-bouvier, grandchamelier, grand-ânier, etc., ne l’étaient guère moins, comme celle de connétable chez les anciens rois de France. Enfin, il est encore question sous David d’un archiviste, d’un secrétaire, d’un chef des gardes du corps et des fils du roi, qui ont le titre de kohânîm ou ministres. C’est le sens primitif d’un mot qui a été réservé ensuite pour désigner les prêtres. II Reg., viii, 16-18 ; I Par., xviii, 17.
2o Sous Salomon, le développement des services royaux entraîna l’inslitution de nouvelles charges. Voici celles qui sont énumérées, en dehors des fonctions sacerdotales : 1. soferim, Ypaniiatet ; , scribse, les scribes ou secrétaires ; — 2. ham-mazkir, àva[u|Avvi<TX(i>v, a commentariis, l’archiviste ou historiographe ; — 3.’al has-sebâ’, hii trie Suvâjjiswç, super exercilum, le chef de l’armée ; — 4.’al han-niSsâbîm, im tôv xaôearoc[isvwv, super eos qui assistebant regi, e chef des intendants ou préposés aux redevances ; t— 5. l’ami du roi ou conseiller intime ; — 6.’alhab-bàîf, ocxovrfpo : , preepositus domus, l’intendant du palais ; — 7.’al hammas, éjuI tmv <p<5pcov, super tributa, le surintendant des tributs. Au-dessous de ces fonctionnaires, probablement sous les ordres du nisiàb en chef, étaient placés douze nissâbîm préposes à douze districts palestiniens dont chacun devait fournir les provisions nécessaires à la cour pendant un mois à tour de rôle. III Reg., iv, 2-7. Ces intendants locaux remplaçaient vraisemblablement les préposés chargés par David de s’occuper des champs, des vignes, du bétail, etc. L’organisation de Salomon était plus pratique, parce que chaque intendant n’avait à régir qu’un territoire restreint.
3o Ces différentes charges subirent des modifications après la division du royaume, et l’on ne peut savoir dans quelles conditions elles furent exercées aux diffé rentes époques. Cependant, après Salomon, il est encore fait mention de secrétaires royaux, IV Reg., xii, 10 ; xix, 2 ; xxii, 8 ; Jer., xxxvi, 12 ; d’historiographes, IV Reg., xviii, 18 ; Is., xxxvi, 3, 22 ; d’intendants du palais, IIIReg., xviii, 3 ; Is., xxxvi, 3 ; de conseillers, Is., iii, 3 ; de gouverneurs des provinces, Mrêham-medînôt, III Reg., xx,
14, etc. La charge de « gardien du vestiaire », IV Reg., x, 22, n’était pas une charge royale. Il ne s’agit, dans ce passage, que du vestiaire du temple de Baal. Les rois de Juda et d’Israël s’entouraient d’ailleurs des mêmes sortes de fonctionnaires que les autres souverains. On retrouve les mêmes titres partout. À l’époque évangélique, saint Luc mentionne un intendant d’Hérode, êm-TpdJtoç, procurator, Luc, viii, 3, un trésorier, ènl Tf, < ; yâ&ic, super gazas, de la reine Candace, Act., viii, 27, et un chambellan, lui toO xoiuôvo ; , super cubiculum, du roi Hérode. Act., xii, 20. Voir Ami, t. i, col. 480 ; Archiviste, col. 936 ; Conseiller, t. ri, col. 922 ; Historiographe, t. iii, col. 722 ; Palais, t. iv, col. 1973 ; Scribe, Secrétaire.
VIII. Remarques bibliques au sujet des rois. — Outré les faits historiques, le s auteurs sacrés notent quelques traits qui renseignent sur l’idée qu’on se faisait des rois. — 1er Leur dépendance de Dieu. — Cette dépendance est naturellement plus accusée dans une théocratie. C’est par Dieu que’les rois régnent. Prov., viii,
15. Il incline leur cœur où il veut. Prov., xxi, 1. Il délie leur baudrier et les ceint d’une corde, Job, xii, 18, c’est-à-dire les abaisse à son gré. Au roi méchant, il dit : Vaurien ! Job, xxxiv, 18. Les rois doivent donc devenir sages et servir Jéhovah avec crainte. Ps. ii, 10-11. — 1o Leur pouvoir. — Les rois dominent leurs sujets. Luc, xxii, 25. Le roi armé pour le combat est redoutable. Job, xv, 24. La colère du roi est une messagère de mort, Prov., xvi, 14 ; elle est comme le rugissement du lion, mais la sérénité de son visage donne la vie et sa faveur est comme la rosée sur l’herbe. Prov., xvi, 15 ; xix, 12 ; xx, 2 ; Is., xxxiii, 17. Le roi juste dissipe tout mal par son regard et le roi sage disperse les méchants. Prov., xx, 8, 26. — 3o Leurs devoirs. — Le roi doit se réjouir de la protection de Dieu et avoir confiance en lui. Ps. xxi (xx), 2, 8. Car ce n’est pas le nombre des soldats qui lui assuré la victoire. Ps. xxxm (xxxii), 16. Il doit recevoir de Dieu le jugement et la justice. Ps. lxxii (lxxi), 2. Il ne faut pas qu’il viole la justice, parce que ses paroles sont des oracles, Prov., xvi, 10, c’est-à-dire des arrêts dont on ne peut appeler. S’il veut assurer la prospérité et la durée de son règne, qu’il ait de la bonté et de la fidélité, Prov., xx, 28 ; qu’il pratique la justice, Prov., xxix, 4 ; qu’il juge fidèlement les pauvres, Prov., xxlx, 14 ; qu’il aime la sagesse, Sap., vi, 20, 25 ; qu’il examine toutes choses, Prov., xxv, 2 ; qu’il ne subisse pas l’influence des méchants, Prov., xxv, 5 ; qu’il se garde des femmes, Prov., xxxi, 3, du viii, Prov., xxxi, 4, et de l’or. Eccli., viii, 3. C’est une abomination pour le roi de faire le mal, Prov., xvi, 12, car Dieu brise les rois au jour de sa colère. Ps. ex (cix), 5. — i° Leur administration. — Le peuple nombreux est la gloire du roi. Prov., XIV, 28. Heureux le peuple dont le roi est de noble race, Kccle., x, 17, car il aura des qualités qui l’aideront à bien gouverner ; mais malheur au pays dont le roi est un enfant, Eccle., x, 16, car il sera mal conduit. Mieux vaut un jeune homme pauvre et sage qu’un roi vieux et insensé. Eccle., iv, 13. Un roi ignorant perd son peuple. Eccli., x, 3. Le roi doit s’entourer de dignes conseillers. Sa faveur va au serviteur intelligent. Prov., xiv, 35. Il aime celui qui parle avec justice et droiture. Prov., xvi, 13. L’homme habile a sa place auprès de lui. Prov., xxii, 29. Celui qui a le cœur pur et la grâce sur les lèvres est désigné pour être 1’ « ami du roi ». Prov., xxii, 11. Le cœur du roi est impénétrable, Prov., xxv, 3, il ne révèle pas ses secrets à tous. Le roi qui donne ses soins à l’agriculture travaille pour l’avantage du
pays, Eccle., v, 8, et pour le sien, puisque beaucoup de ses ressources lui viennent de là. Avant d’engager une guerre, il commence par se rendre compte de l’état de ses forces. Luc, xiv, 31. Les rois célèbrent solennellement les noces de leurs fils, Matth., xxii, 2, mais ils n’exigent pas d’eux le cens ni le tribut. Matth., xvii, 24. Le luxe règne à la cour des rois. Matth., xi, 8 ; Luc, vii, 25. C’est le propre d’un roi débauché et cruel, comme Hérode Àntipas, de promettre la moitié de son royaume à une danseuse et de lui accorder la tête d’un prophète comme Jean-Baptiste. Marc, vi, 22-27. — 5° Devoirs envers le roi. — Il faut craindre, c’est-à-dire révérer Dieu et le roi. Prov., xxiv, 21 ; I Pet., Il, 17. Les Apôtres veulent qu’on lui soit soumis, I Pet., ii, 13, cf. Eccle., viii, 2, et qu’on prie pour lui. I Tim., ii, 2.f)n doit tenir caché le secret du roi, Tob., xii, 7, ne pas prendre des airs superbes devant lui, Prov., xxv, 6, ne pas chercher à paraître sage à ses yeux, ni lui demander un siège d’honneur. Eccli., vii, 4, 5. Il faut éviter de le maudire, même en pensée, car tout finit par se savoir. Eccle., x, 20.
IX. Liste des rois des Hébreux. [Tableau à insérer] ROIS DE TOUTE LA NATION
Saut 1095 (avant J.-C). David 1055. Salomon 1015.
ROIS DE JUDA
ROIS D’ISRAËL
Roboam….
975
958 (960)
955
Jéroboam I…
975 (938)
Nadab
Baasa
954
953 (950)
930
7 jours
930
918 (875)
Josaphat….
914 (877)
Ochozias….
897
896 (855)
Ochosias….
Athalie
Joas
889 (852)
884
883
877 (837)
884 (865)
Joachaz…
856 (815) 840 (798)
Amasias….
838
Jéroboam II…
824 (783)
809
Zacharie…
Mauahem… Phacéia. ….
772 772 771 761 759
Joatham….
757 (750) 741 (744)
729
Ézéchias….
726 (729)
Prise de Samarie.
721
Manassé ….
Joachaz. ….
Joakim
Jéchomas… Sédécias…. Prise de Jérusa 697 (688)
642
640
609
609
598
598
587
Sur les difficultés que présente l’établissemen de la chronologie des rois de Juda et d’Israël, voir Chronologie biblique, t. ii, col. 730-733 ; Pelt, Histoire de l’Ancien Testament, Paris, 1904, t. ii, p. 131-140. Sur
les rois de la famille des llérodes, voir Hérode (Famille ; des), t. iii, col. 638-652.
X. Le roi des Juirs. — Ce titre est un des noms qui désignent le Messie. La royauté du Messie était annoncéepar les prophéties, Ps., ii, 9 ; Is., xxxii, 7 ; Jer., xxiii, 5 ; Mich., iv, 7 ; Zach., IX, 9, et les Juifs attendaient un Messie roi et dominateur. Voir Jésus-Christ, t. iii, , col. 1438, 1439. Aussi, quand les Mages se présentent à Jérusalem en demandant : « Où est le roi des Juifs qui vient de naître ? » Hérode s’enquiert aussitôt auprès du sanhédrin du lieu « où le Christ doit naître. » Matth., ii, 2, 4. Dès le début du ministère public, Nathanaël dit à » Jésus : « Tu es le Fils de Dieu, tu es le roi d’Israël, » Joa., i, 49, et, après la multiplication des pains, le& témoins du miracle reconnaissant en lui « le prophète qui doit venir en ce monde, » veulent le proclamer roi-Joa. , vi, 15. À l’entrée triomphale à Jérusalem, on l’appelle le « roi d’Israël ». Joa., xii, 13. C’est pendant la passion surtout que ce titre de « roi des Juifs » est mis en avant ; les ennemis du Sauveur cherchent à l’exploiter contre lui devant Pilate. Ils accusent Jésus de s’être dit le « Christ roi ». Luc, xxiii, 2. Pilate lur, demande alors s’il est « le roi des Juifs », et Jésusrépond que. son royaume n’est pas de ce monde, mais que cependant il est roi pour rendre témoignage à la vérité. Matth., xxvii, 11 ; Marc, xv, 2 ; Luc, xxiii, 3 ; Joa., xviii, 36, 37. Il ne s’agit donc pas d’une royautéde la terre. Pilate ne s’y trompe pas et il déclare qu’il ne trouve dans l’accusé aucun motif de condamnation. Joa., xviii, 38. Il retient cependant le titre de « roi des Juifs ». Il s’en, sert pour désigner Jésus quand il le met en parallèle avec Barabbas, Marc, xv, 9 ; Joa., xviii, 39, et quand il le ramène dehors après la flagellation, Joa., xix, 14, 15 ; il l’inscrit sur le titre de la croix et se refuse à changer sa formule, malgré le mécontentement des Juifs. Matth., xxvii, 37 ; Marc, xv, 26 ; Luc, xxiii, 38 ; Joa., xix, 19-22. Les soldats de la cohorte saluent Jésus de nom de « roi des Juifs ». Matth., xxvii, 29 ; Marc, xv, 18 ; Joa., xix, 3. Enfin, au Calvaire, on évoque encore les titres de « roi des Juifs » et de « roi d’Israël », pour mettre le Sauveur en demeure de les justifier par sa propre délivrance. Matth., xxvir, 42 ; Marc, xv, 32 ; Luc, xxiii, 37. Sur le sens de cette royauté, voir Royaume de Dieu. Il est à remarquer que r de tous les titres donnés à Jésus-Christ, celui de « roi. des Juifs » est le seul que la tradition chrétienne n’aitpas continué à lui donner. Jésus-Christ est le « prince
de la terre. » Apoc, i, 5.ROIS (LES QUATRE LIVRES DES).— lisse divisent, d’après leur sujet comme d’après leur origine, en, deux groupes distincts, composés chacun de deux livres, et placés, dans la Bible hébraïque, immédiatement après le livre des Juges, tandis que lés Septante, la Vulgate, etc., les insèrent à la suite du livre de Ruth. — Les Juifs désignent par la dénomination collective de « Samuel », ou, dans le détail, par les titres « premier (livre) de Samuel, second (livre) de Samuel », les écrits que nous nommons « Premier livre des Bois, Second livre des Rois ». Notre troisième et notre quatrième livre des Rois deviennent, dans leur Bible, le premier et lesecond des Meldhîm, c’est-à-dire, des Rois. Saint Jérômea conservé en partie ces noms dans les inscriptions qu’il a placées en tête des quatre livres : Liber primus Samuelis, quem nos primum JRegum dicimusj Libersecundus Samuelis, quem nos secundum Regum dicinus ; Liber Beg uni tertius, secundum Hebrœos primusr Malachim ; Liber Regum quartus, secundum Rebrmos* Malachim secundus.^ — Les deux premiers livres ne. forment en réalité qu’un seul et même écrit ; le troisième et le quatrième en forment un second. Origène, In Ps. i, t. xil, col. 1084| et dans Eusébe, H. E., vi, 65, t. xx, . col. 581, atteste, de concert avec saint Cyrille de Jéru-1129
ROIS (LIVRES DES). I ET II SAMUEL
1130
salem, Catech., iv, 35, t. xxxiii, col. 500, que, de -son temps, ils n’étaient pas séparés l’un de l’autre dans « la Bible hébraïque ; ce qui est encore vrai de toutes les éditions manuscrites de cette Bible. La séparation n’a ^té introduite qu’en 1518 dans les éditions de Venise imprimées par Daniel Bomberg. Mais elle remonte à la « traduction des Septante, ainsi que la division en quatre livres, et c’est de là qu’elle est passée dans les Bibles chrétiennes. En fait, la division en quatre livres n’a pas d’autre raison que la longueur des deux écrits, qui ne pouvaient être contenus chacun dans un seul et même Touleau, voir Livre, t. iv, col. 307, d’après les dimensions ordinaires qu’on leur donnait. — Les livres 1 et II forment un tout suivi : les premières lignes du second se rattachent étroitemen aux dernières lignes du premier, sans la moindre interruption. Il en est de même pour le troisième et le quatrième. — Les titres donnés par les Septante ont leur raison d’être ; mais l’arrangement adopté dans la Bible hébraïque est plus exact, puisque le troisième et le quatrième livre des Rois forment en réalité une œuvre à part, très différente de celle que les Juifs et les protestants désignent par le nom de Samuel. Quant à ce dernier nom, il a été choisi parce que le prophète Samuel nous apparaît, dès le début et pendant un certain temps, comme le personnage principal, et aussi à cause du rôle prépondérant qu’il joua dans l’institution de la royauté israélite, qui forme le fond de la narraion. C’est lui, en effet, qui consacra rois Saül et David.
I. LES DEUX LIVRES DE SAMUEL (I et II Rois). — I.’contenu. — 1° Sujet. — Les deux premiers livres -des Rois exposent la suite de l’histoire des Israélites, depuis la dernière partie de la période des Juges, jusqu’aux dernières années du règne de David. Ils s’occupent d’abord des origines et de l’établissement -définitif de la royauté au sein du peuple théocratique. Pendant quelque temps, les Hébreux sont encore gouvernés par des Juges, Héli, Samuel, les fils de Samuel, -comme sous la période précédente. Divers incidents, qui se groupent autour de la personne de Samuel, excitent peu à peu au cœur du peuple le désir d’avoir ik sa tête un roi proprement dit, comme les nations voisines : Saùl est élu et sacré ; mais bientôt reconnu indigne, devant Dieu et devant les hommes, d’exercer de si hautes fonctions, il est rejeté et David est choisi à sa place. Saül jaloux persécute David et essaie de s’en défaire ; puis Saùl périt dans un combat contre les Philistins, et David ne tarde pas à régner glorieusement sur tout Israël, procurant à ses sujets la force et la gloire, soit au dedans, soit au dehors. — Nos deux livres entrent d’ordinaire dans de longs développements sur les faits qu’ils racontent ; ils nous fournissent une biographie assez complète de Samuel, de Saùl et de David, sans craindre çà et là les répétitions, à la façon des écrivains orientaux. Néanmoins, en quelques endroits le récit prend une forme très abrégée, et on y remarque même des lacunes, l’historien ne s’étant pas proposé de tout dire d’une manière absolue, pas même -de raconter la fin du règne et la mort de David.
2° Division et analyse. Premier livre. — Il entre en matière d’une façon abrupte : un vieillard débilité de corps et d’esprit gouverne les Hébreux, que les Philistins oppriment et humilient. La douce figure du jeune Samuel nous apparaît en même temps comme un contraste, et aussi comme une promesse qui se réalise promptement. Nous passons ensuite à Saùl et à David. Le premier livre s’achève après la mort du grand prophète et du roi maudit ; le second s’occupe exclusivement de David etdesonrègae glorieux. En réunissant les deux livres, on obtient une division très naturelle, en trois parties : 1° histoire de Samuel, I Reg., i-xii ; 2° histoire. de Saûl, I Reg., xiii-xxxi ; 3° histoire de David, II Reg., i-xxiv. — Ces trois parties se subdivisent ains :
Premier livre. —1. Les derniers Juges d’Israël, l, 1-vil, 17. Deux sections : o) La judicature d’Héli et la complète défaite desHéhreux par les Philistins, r, l-iv, 22. Cette triste histoire sert d’introduction à celle de Samuel, dont nous apprenons ici la naissance, la consécration au service du Seigneur dans le sanctuaire de Silo, i, 1-ii, 10, et les premères relations avee Dieu, ii, 11-m, 21, qui annonce par lui les vengeances terribles qu’il tirera de la maison d’Héli. La sentence. divine ne tarde pas à recevoir son exécution : les Israélites sont battus par les Philistins, qui s’emparent de l’Arche ; Héli et ses fils périssent tragiquement, IV, 1-22. — b) Judicature de Samuel, v, 1-vn, 17. Effrayés par les fléaux qui frappaienttoutes celles de leurs villes où ils conduisaient l’Arche de Jéhovah, les Philistins se. décident à la renvoyer sur le territoire d’Israël, v, 1-vi,
12. Elle séjourne successivement à Bethsamès, vi, 1320, et à Cariathiarim, vii, 1. Ramenés par Samuel à leur Dieu, qu’ils avaient gravement offensé, les Israélites infligent à leur tour une grande défaite aux Philistins, vu, 2-14. Suit un sommaire de la judicature de Samuel, viii, 15-17. — 2. Saül roi d’Israël, viii, i-xv, 35. Deux sections : a) Élévation de Saùl à la dignité royale, viii, 1-Xii, 25. Fatigués des malversations des fils de Samuel, qui abusaient de l’autorité que leur père leur avait confiée, les Hébreux expriment au prophète leur vif désir d’être gouvernés par un roi stable, vin, 1-9. Samuel leur expose les graves inconvénients de la royauté, ꝟ. 10-18. Ils insistent, et Dieu lui-même ordonne au prophète d’obtempérer à leur demande, ꝟ. 19-22. L’écrivain sacré décrit alors l’origine de Saùl et ses premières relations avec Samuel, IX, 1-27, puis son onction royale, x, 1-16, et la ratification par le peuple du choix que Dieu avait fait de lui, x, 17-xi, 15. Il raconte ensuite l’abdication de Samuel et ses adieux au peuple, xii, 1-25. — b) Saül reprouvé de Dieu, xiii, 1-xv, 35. Passant sous silence, ainsi qu’on l’admet généralement, un intervalle de plusieurs années, le narrateur nous conduit directement aux causes qui amenèrent la réprobation du roi. Elles se rattachent à deux guerres d’Israël, l’une contre les Philistins, xiii, 1-xrv, 52, l’autre contre les Amalécites, xv, 1-35, et à de graves désobéissances de Saùl aux ordres de Dieu, à l’occasion de ces guerres. — 3. Les dernières années de Saül et les commencements de David, xvi, 1-xxxi,
13. Trois sections : a) David à la cour de Saùl, xvi, 1-xx, 43. Il reçoit l’onction royale et est introduit à la cour, xvi, 1-23. Il s’illustre en triomphant de Goliath, XVII, 1-58. Saùl devieut jaloux de lui et lui tend de secrètes embûches, xviii, 1-30 ; il s’abandonne ensuite à une haine ouverte et essaie plusieurs fois de le faire mourir, xix, 1-xx, 43. — b) David fugitif à travers le désert de Juda, xxi, 1-xxvj, 25. Le texte sacré nous montre le futur roi d’Israël errant çà et là, parmi de nombreux périls, pour se mettre à l’abri des persécutions de Saùl, xxi, 1-xxii, 23, ’et il décrit les soins touchants de la divine Providence pour le sauver, xxiii, 1-xxvi, 25. — c) David exilé chez les Philistins, xxvii, 1-xxxi, 13. C’est la continuation douloureuse de l’épreuve. Nous voyons successivement David réfugié chez les Philistins et Saùl allant consulter la pythonisse d’Endor, xxvii, 1-xxviii, 25 ; David vainqueur des Amalécites, Saül défait par les Philistins et tué sur le champ de bataille, xxrx, 1-xxxi, 13.
Second livre. — Trois parties : — 1. David règne à Hébron, i, 1-iv, 12. Son grand deuil au sujet de la mort de Saül et de Jonathas, 1, 1-27. Il reçoit l’onction royale pour la seconde fois, mais il n’est reconnu que par la tribu de Juda, tandis qu’Isboseth, fils de Saùl, soutenu par Abner, gouverne le reste de la nation, ii, 1-32. Sa famille va croissant et se fortifiant, celle de Saül décroit, m, 1-iv, 12. — 2. David règne à Jérusalem, sur tout le peuple, v, 1-xx, 26. Deux sections : a) Extraits des an
nales royales, décrivant la puissance toujours grandis--sante de David ; v, 1-x, 19. Toutes les tribus le reconnaissent pour roi, v, 1-15. Il sîempare de la citadelle de Sion et fait de Jérusalem sa capitale, v, 6-10. Il se construit un palais, v, 11-16, et livre aux Philistins deux guerres victorieuses, v, 17-25. ^transporte solennellement l’Arche à Sion, VI, 1-23. À l’occasion du désir qu’il avait exprimé de bâtir un temple au Seigneur, il reçoit un brillant oracle, relatif à la perpétuité de son trône, vii, 1-29. Sa puissance continue de se fortifier par une série de guerres heureuses, viii, 1-x, 19. — 6) Le crime de David et ses suites funestes, xi, 1-xx, 26. Le roi adultère et homicide, xi, 1-27. Repris par Nathan, il reconnaît la gravité de sa faute, XII, 1-14. Naissance de Salomon, xii, 15-25. Prise de Rabbath-Ammon, xii, 26-31. Désordres dans la famille royale et inceste d’Amnon ; fratricide d’Absalom, xiii, 1-xiv, 33. Révolte d’Absalom et conséquences désastreuses qu’elle faillit avoir pour David, xv, l-xviii, 5. Défaite et mort du rebelle, xviii, 6-33. David rentre à Jérusalem et dompte une seconde révolte de ses sujets, xix, 1-xx, 26. — 3. Dernières années du règne de David, xxi, 1-xxiv, 25. C’est là une sorte d’appendice, dontvoiciles principaux incidents : a) Ruine de plus en plus complète de la maison de Saùl, xxi, 1-14 ; 6) Quatre expéditions victorieuses contre les Philistins, XXI, 15-22 ;
c) Cantique d’action de grâces de David, xxii, 1-51 ;
d) Ses dernières paroles, xxiii, 1-7 ; e) Liste des héros de David, xxiii, 8-39 ; f) Dénombrement du peuple et peste qu’il occasionna, xxiv ; 1-25.
II. BUT ET IMPORTANCE DES DEUX PREMIERS LIVRES Des ROIS. — 1o Le but est triple, tel qu’on peut l’envisager à la lumière des événements. Il y a d’abord un but très général, qui consiste à raconter la suite de l’histoire des Israélites, en tant qu’ils étaient le peuple de Jéhovah. On peut distinguer aussi un but plus spécial, qui est de démontrer les droits de David et deses descendants au trône d’Israël. Enfin et surtout, un but plus particulier encore est d’attester la fidélité de Dieu à ses anciennes promesses relatives au Messie et d’en décrire l’accomplissement progressif, Autrefois, Gen., xlix, 8-11, le Seigneur avait fait annoncer à la tribu de Juda qu’elle exercerait sur la nation choisie une hégémonie glorieuse, qui devait se transformer un jour et devenir le règne du Messie lui-même. Voici qu’il place réellement un membre de cette tribu sur le trône d’Israël, en affirmant, dans les termes les plus solennels, que le sceptre et la couronne de David seront transmis au dernier et au plus auguste de ses descendants. Cf. II Reg., vii, 12-16. Aussi n’est-il pas surprenant que le nom de Masiah, « Messie », qui deviendra si célèbre, apparaisse pour la première fois dès le commencement du Ier livre des Rois, ii, 10. Ii domine tout le reste et lui donne le ton. Voir F. Keil, Die Bûcher Samuelis, 2e édit., Leipzig, 1875, p. 5-8 ; Frz. Delitzsch, Old Testament History of Rédemption, in-12, Edimbourg, 1881, p. 84-94 ; R. Cornely, Introd. specialis in historicos Veteris Testant, libros, in-8o, Paris, 1887, p. 250-253 ; Mgr Meignan, Les Prophéties messianiques contenues dans les deux premiers livres des Mois, in-8o, Paris, 1878. Mais il y a plus encore, puisque, dans ces livres, David nous apparaît, en maint détail de sa vie, comme la figure et le type du futur Messie. Voir David, t. ii, col. 13231324.
2o L’importance dogmatique des deux premiers livres des Rois est tout indiquée par là-même. Leur importance historique est aussi très considérable, attendu qu’ils nous font assister à une période de crise et de formation dans Israël, à’un changement complet dans le mode de son gouvernement. Entre les mains de ses rois, la nation théocratiqué prendra plus d’unité, de consistance et de vigueur, et nous la verrons secouer
victorieusement le joug que lui avaient imposé plusieurs des peuples voisins. Il est un autre point de vue très consolant de cette histoire : en même temps que la royauté sera fondée, Dieu enverra à son peuple une sériepresque ininterrompue de prophètes fidèles, pour régler et contrebalancer l’autorité des rois. Ces prophètes ouvriront autour d’eux des écoles, où la sainteté et la science sacrée seront cultivées de concert ; delà sorte, les représentants de Jéhovah seront multipliés pour le plus grand bien de la nation. Voir Écoles de Pbophètes, t. ii, col. 1567-1570.
/II. auteur et sources. — 1o Auteur. — Il est impossible de résoudre cette question d’une manière certaine, la tradition étant demeurée très imparfaite à son sujet, et nos deux livres ne nous fournissant aucun renseignement sur lequel on puisse étayer une opinion solide. D’après une ancienne tradition juive, Baba bathra, fol. 14, Samuel lui-même aurait été l’auteur des deux livres qui portent son nom dans l’hébreu. Saint Grégoire le Grand a adopté ce sentiment, In libr. I Reg. Expositio, Proœm., iv, t. lxxix, col. 40. Mais le fait n’eût été possible que pour les chap. i-xxiv du Ier livre, puisque la mort de Samuel est mentionnée I Reg., xxv, 1. Aussi d’anciens rabbins ont-ils modifié l’opinion du Talmud, en disant que Samuel aurait composé les chap. i-xxiv du Ier livre, tandis que tout le reste serait l’œuvre des prophètes Gad et Nathan. Voir L. Wogue, Histoire de la Bible et de l’exégèse biblique, in-8 « , Paris, 1881, p. 26-27 ; K. Budde, Der Kanon des Alten Testaments, in-8o, Giessen, 1900, p. 23-27. C’est ce qu’ont pareillement admis d’assez nombreux commentateurs chrétiens, entre autres Sanchez, Bellarmin, Cornélius a Lapide. L’un des plus récents interprètes de I et II Rois, le P. von Hummelauer, Commentarius in libros Samuelis, in-8o, Paris, 1886, p. 9-24, a même cru pouvoir tracer plus nettement encore la part de chacun des auteurs qui auraient ainsi contribué à composer nos deux livres : l’histoire de Samuel, I Reg*, i-vii, aurait été écrite par ce prophète lui-même ; l’histoire de Saûl, I Reg., viu-xvi, ajoute-t-on, forme un document spécial, dû à la plume soit de Samuel, soit de Gad ; celle de David exilé, I Reg., xvii-xxxi, a certainement Gad pour’auteur à partir du chap. xxv, peut-être aussi le reste de ce récit ; l’histoire du règne de David, II Reg., 1-xx, paraît avoir été composée avant la mort du roi ; elle provientdu prophète Nathan. C’est sans doute aussi Nathan qui a réuni en un seul et même livre sa propre composition et celles de Samuel et de Gad. Les appendices, II Reg., xxi-xxiv, ont été ajoutés un peu plus tard, quoique assez promptement.
Cependant ce ne’sont là que des hypothèses plus ou moins ingénieuses. Comme on l’admet communément aujourd’hui, il est impossible de déterminer l’auteur définitif avec précision. Mais les théories qui, d’une manière ou de l’autre, aboutissent à une pluralité de rédacteurs sont condamnées par un argument irréfutable- : savoir, l’unité de fond et de forme qui règne dans toutes les parties du récit de I et II Samuel. « Si l’on examine de près la manière du narrateur, le style, le lien étroit et perpétuel qui unit tout l’ensemble, la juste disposition des parties entre elles, le but poursuivi et atteint dans le choix des matériaux, on découvrira dans tout le livre une unité qui n’aurait pas pu se rencontrer si trois livres (ou un plus grand nombre encore), écrits par différents auteurs, à différentes époques, avaient été réunis ensuite dans un même corps d’ouvrage. » R. Cornely, Manuel d’Introd. historiq. et a-itiq. à toutes les Saintes Écritures, trad. franc., in-12, Paris, 1907, t. i, p. 359. Voir aussi B. Welte, Einheitlicher Characier der Bûcher Samuelis, dans la Quartalschriftàe Tubingue, 1846, p. 183-215 ; D. Erdmann, Die Bûcher Samuelis, Bielefeld, 1875, p. 6-26 Clair, Les livres des Rois, Paris, 1879, t. i, p. 8-18. $
A défaut du nom de l’auteur, nous pouvons du moins indiquer d’une manière approximative l’époque à laquelle il vivait. Plusieurs petits détails insérés çà et là dans le récit montrent qu’il a écrit un certain temps après les événements racontés. 1o I Reg., IX, 9, il croit devoir expliquer un terme usité à l’époque de Samuel et qui était tombé en désuétude : « Autrefois, dans Israël, tous ceux qui allaient consulter Dieu s’entredisaient : "Venez, allons au Voyant ; car celui qui s’appelle aujourd’hui Prophète, 9’appelait alors le Voyant. » 2o I Reg., xxvii, 6, il dit que la ville de Sicéleg était demeurée au pouvoir « des rois de Juda » jusqu’au moment où il écrivait. Or, le titre de « roi de Juda » ne semble pas avoir été en usage avant le schisme des dix tribus, lorsqu’une distinction fut établie entre les royaumes d’Israël et de Juda : ce trait nous conduirait donc au moins au règne de Roboam (962946 av. J.-C). 3o II Reg, . xiii, 18, l’auteur nous apprend que les princesses royales étaient autrement vêtues du temps de David que du sien ; ce furent sans doute les femmes étrangères introduites à la cour par Salomon qui apportèrent des modes nouvelles. D’autre part, la composition ne saurait dater d’une période de beaucoup postérieure à David et à Salomon, car le style est encore celui de l’âge d’or de la langue hébraïque. Une addition qu’on lit dans les Septante aux passages II Reg., viii, 7, et xiv, 27, et où Roboam est mentionné nommément, semblerait supposer que nos deux livres ont été écrits sous le règne de ce prince, après l’invasion du roi J’Égypte Sésac en Palestine ; mais leur authenticité est douteuse. En fait, de nombreux ëxégétes se décident aujourd’hui en faveur de ce règne, et leur opinion est pour le moins très vraisemblable. Voir F. Keil, Lehrbuch der… Einleitung in das A. T., 2 8 édit., p. 208 ; Erdmann, Die Bûcher Samuelis, p. 37 ; Cornely, lntrod. specialis, p. 270-271 ; F. Vigouroux, Man. bibl., 12e édit., t. ii, p. 85. Plusieurs rationalistes, entre autres Ewald, Thenius, Hævernick, sans parler de quelques protestants orthodoxes, attribuent même la composition à l’époque de David ou de Salomon. D’ailleurs, la plupart des critiques, malgré la fausseté de leurs systèmes par rapport à l’origine des deux premiers livres des Rois, n’hésitent pas à regarder des parties notables de cet écrit comme très anciennes, et à les dater du x » ou du IXe siècle avant notre ère. Voir E. Kœnig, Einleitung in das Alte Test., in-8o, Bonn, 1893, p. 261-263 ; Jewish Encyclopedia, t. xi, p. 12. Il est vrai, comme il sera dit plus bas, qu’ils regardent d’autres nombreux passages comme beaucoup plus récents et qu’ils reculent la composition finale jusqu’après l’exil.
2o Sources. — À ce sujet aussi, on peut faire des conjectures très raisonnables, bien qu’il soit impossible de fournir des détails absolument certains. L’auteur dut avoir à sa disposition, d’une part, des documents écrits, assez abondants et contemporains des faits ; de l’autre, des traditions orales conservées jusqu’à lui. « C’est ainsi seulement que l’on peut s’expliquer la délicatesse de touche, la vivacité dramatique, la finesse des traits biographiques et la fraîcheur incomparable des récits renfermés dans les livres de Samuel. » La Bible annotée, Les livres historiques, t. iii, .Neucbàtel, 1893, p. 184. — Plusieurs des sources écritesauxqûelles l’historien sacré recourut sans doute sont désignées en propres termes au Ier livre des Paralipomènes. Il y eut d’abord, d’après I Par., xxix, 29, « le livre de Samuel le Voyant », « le livre du prophète Nathan », et « le livre de Gad le Voyant » ; puis, d’après I Par., xxvii, 24, les « Fastes du roi David » : sortes d’annales dont on ne saurait décrire au juste la nature et l’étendue, mais qui pouvaient inspirer toute confiance, puisqu’elles provenaient d’auteurs contemporains, d’une autorité incontestable. Ces documents paraissent avoir été utilisés à tour de rôle par l’auteur des deux premiers
livres des Rois et par celui du Ier des Paralipomènes : on le voit par un certain nombre de passages où ces récits coïncident d’une manière souvent presque littérale. Les suivants méritent une mention à part. Comparez :
I Reg., xxxi, 1-13, et I Par., x, 1-12.
II Reg., Hꝟ. 2-5, et — iii, 1-3.
— v, 1-10, et — xi, 1-5.
— v, 11-25, et — xiv, 1-17.
— vi, 1-11, et — xiii, , 1-14.
— vi, 12-23, et — xv, 25-29.
— vii, 1-viii, 18, et.— xvii, 1-xvin, 17.
— x, 1-xi, l, et — xix, 1-xx, 1.
— xii, 26-31, et - xx, 1-3.
— xxi, 18-22, et - xx, 4-8.
— xxiii, 8-39, et - xxi, 10-47.
— xxiv, 1-25, et — xxi, 1-27.
En étudiant ces divers passages, on se rend compte que l’auteur des Paralipomènes n’a pas fait directement d’emprunts à celui des Rois, ou réciproquement, mais qu’ils ont puisé tous deux à des sources communes, très vraisemblablement celles qui ont été marquées ci-dessus. Voir Hummelauer, Comment, in libr. Samuelis, p. 5-6, 16-17. — L’auteur des livres de Samuel noua apprend lui-même, I Re§., , °j, ï.’vl a. emprunté au « livre des Justes », déjà mentionné Jos., x, 13 (voir Justes [Le livre des], t. iii, col. 1873-1875), l’élégie de David sur la mort de Saùl et de Jonathas. Il est fort probable qu’il a transcrit le « cantique du Rocher », II Reg., xxii, 1-51, du premier livre des Psaumes, cf. Ps. xvii. Il a aussi puisé le cantique d’Anne, I Reg., ii, 1-10, et les « dernières paroles de David », II Reg., xxiii, 1-7, dans d’autres documents authentiques. — La tradiiion orale, encore très vivante sur des faits si importants, si récents, lui a pareillement fourni d’abondants matériaux. Ses narrations le prouvent, il existait encore des monuments relatifs à plusieurs des faits racontés, cf. I Reg., vi, 18 ; vii, 12 : des proverbes qui y faisaient allusion, cf. I Reg., x, ll, II Reg., v, 8 ; des noms significatifs donnés aux lieux et aux personnes, cf. I Reg., 1, 20 ; iv, 21 ; vii, 12 ; xxiii, 28 ; II Reg., Il, 16, etc. — De tout cela il s’est servi comme un écrivain intelligent, habile et fidèle.
iv. style. — Le style, comme il a été déjà insinué plus haut, est celui de l’âge d’or de la langue hébraïque. L’auteur de nos deux livres est regardé à juste titre comme l’un des meilleurs prosateurs de la littérature sacrée. « Il n’a point les archaïsmes du Pentateuque ; … il n’a pas non plus ce qu’on a appelé les provincialismes de l’auteur des Juges… ; il est supérieur à celui des Paralipomènes, qui appartient à l’âge de fer, et aussi à l’auteur des troisième et quatrième livres des Rois, chez qui l’on trouve un certain nombre d’aramaïsmes, tandis qu’on n’a pas pu en découvrir plus de six dans les deux livres de Samuel. » F. Vigouroux, Manuel biblique, t. ii, 12e édit., p. 84. — Parmi les expressions qui lui sont propres, il faut mentionner surtout l’appellation Yehôvdh sebd’ôf, « Seigneur des armées », par laquelle il est le premier à désigner le Dieu d’Israël. Il l’emploie dix fois : I Reg., i, 3, 11 ; iv, 4 ; xv, 2 ; xvii, 45 ; II Reg., v, 10 ; vi, 18 ; vii, 8, 26, 27. Elle est devenue fréquente après lui. Citons aussi l’expression nahalaf Yehôvâh, « héritage du Seigneur », pour marquer la nation théocratique, I Reg., xxvi, 19 ; II Reg., xx, 19 et xxi, 3 ; les formules Usée faciat Dominus et hsec addat, IReg., m, 17 ; xiv, 44 ; xx, 13, etc. ; tinnient aures ejus, I Reg.-, m, 11 : le titre nâgîd, « c prince », pour désigner le roi, etc. Voir F. Keil, Lehbruch der Einleitung, p. 174.
V. LES DEUX PREMIERS LIVRES DES ROIS ET CES
néo-critiques. — 1o Exposé des théories principales.
— Le système des documents multiples, des couches
superposées et des rédactions successives, des remaniements nombreux jusqu’à l’agencement définitif, ne pouvait manquer d’être appliqué â ces deux livres, de même qu’il l’avait été au Pentateuque, au livre de Josué et au livre des Juges. Les néo-critiques n’ont pas épargné leur peine pour découvrir ce qu’ils nomment les sources primitives et les éléments secondaires de notre écrit. Le jugement qu’ils portent sur lui est sévère : « C’est une combinaison d’éléments divers et inégaux, une compilation de documents souvent incohérents et contradictoires, dont on ne peut extraire qu’avec de grandes précautions et difficultés les faits dignes d’être acquis à l’histoire. » Maurice Vernes, dans VEncyclopëdie des sciences religieuses de Lichtenberger, t. xi, Paris, 1881, p. 445. « Tels qu’ils ont été conservés dans le canon, les livres de Samuel ne sont évidemment pas l’œuvre d’hommes contemporains des événements racontés. Derrière ces documents on découvre <les traditions variées et contradictoires, que le compilateur, se conformant à la méthode de l’historiographie hébraïque primitive, a incorporées… dans une seule, sans faire aucun effort pour mettre d’accord les différences. » The Jewish Encyclopœdia, t. XI, NewYork, 1905, p. 12. — La dissection du livre de Samuel en fragments plus ou moins nombreux, groupés tardivement, assure-t-on, par des mains assez inhabiles, remonte au début du xixe siècle. Les plus célèbres rationalistes d’alors, tels que Eichhorn, Bertholdt, puis Gramberg, ébauchèrent ce travail. Thenius le compléta dans son commentaire, paru en 1849. Voir de Hummelauer, Comtn. in libr. Samuelis, p. 3. Mais c’est surtout -à Wellhausen età ses études réitérées sur cette question que se rattachent les théories généralement admises aujourd’hui par les néo-critiques. Il fait porter simultanément ses recherches sur les livres des Juges, de Samuel (I et II Reg.) et des Rois (III et IV Reg.), dans lesquels il prétend reconnaître les mêmes errements, la même méthode de remaniements successifs et d’additions contradictoires. À la base du système, il y a cette assertion bien connue : le Pentateuque se compose de trois parties, savoir, le Deutéronome, le Code sacerdotal, et le récit jéhovisle, qui est le plus ancien des trois. Le Deutéronome fut retrouvé, et même probablement composé de toutes pièces, à l’époque du roi Josias, en 621 ; prêtres et prophètes s’entendirent pour lui donner force de loi, et pour restreindre dès lors le culte au temple de Jérusalem. Le Code sacerdotal est plus récent que le Deutéronome et postérieur â l’exil ; il eut pour but de faire accroire aux Juifs que le culte unique, établi en réalité sous le règne de Josias, remontait jusqu’à Moïse. Pendant l’exil de Babylone, les anciens livres historiques, notamment ceux des Juges, de Samuel et des Rois, furent révisés et remaniés, pour qu’ils se trouvassent d’accord avec les pratiques religieuses adoptées depuis Josias. De nombreux détails ont donc été modifiés dans ces livres, tout particulièrement dans ceux de Samuel, sous l’influence et d’après l’esprit du Deutéronome. — Tel est le fondement de la théorie développée par Wellhausen dans les ouvrages qui seront énumérés plus loin (col. 1144). On voit combien il est faux, arbitraire, et par conséquent fragile. Voir Pentateuque, col. 86-107. « L’historiographie deutéronomique i> comme on la nomme, c’est-à-dire la rédaction définitive de « la plus grande partie des écrits historiques d’Israël… sous l’influence de la loi deutéronomique, » se serait prolongée pendant près de deux siècles, entre les années 621 et 433 avant J.-C. « Commencée à la fin de l’indépendance nationale d’Israël, elle contient un jugement porté sur tout le passé du peuple dans la Terre Promise ; son but proprement dit, très visible partout, est de donner un avertissement sérieux à la nation, qui espérait avec certitude son rétablissement, en s’appuyant sur la pa role des prophètes. » C’est donc « à la lumière de la loi deutéronomique » que fut modifiée toute l’ancienne histoire d’Israël. Cette historiographie est « une grande théodicée, qui démontre comment la ruine du peuple de Jéhovah fut une conséquence de la justice divine. » G. Wildeboer, Die Litteralur des Allen Testaments nach der Zeitfolge ihrer Entslehung, trad. du hollandais, in-8°, Gœttingue, 1895, p. 232-242. Cela revient à dire que, sous l’influence du Deutéronome, les idées surnaturelles auraient pénétré après coup dans les livres des Juges, des Rois et de Samuel. Cet aveu explique pourquoi de nombreux passages sont rejetés en détail par les rationalistes.
Il serait sans utilité de suivre un à un, sur ce terrain, tous ceux des néo-critiques qui ont émis quelque théorie plus spéciale au sujet de la composition des livres de Samuel. Ici, comme à propos du Pentateuque et de la plupart des écrits bibliques, nous assisterions à une vraie surenchère, chacun voulant aller plus loin que ses prédécesseurs en fait de négation. C’est ce que montre fort bien le tableau d’ensemble placé par le D r Nowack aux pages xxx-xxxiv de son commentaire des livres de Samuel, composé aussi dans un sens rationaliste. Nous nous contenterons donc de signaler l’analyse des sources de nos deux livres, telle que la donne le D r K. Budde, qui s’est acquis une certaine notoriété sûr ce point ; il ne fait, du reste, que développer la théorie de Wellhaqsen.
Comme ceux qui lïont précédé dans cette voie, il attire d’abord l’attention du lecteur sur trois formules des livres de Samuel, I Reg., vii, 15-17 ; xiv, 47-52 et II Reg., viii, 15-18, qui auraient servi de conclusion à trois documents anciens, consacrés, le premier à Samuel, le second à Saûl, le troisième à David. Elles doivent, dit-il, leur forme actuelle à la « main deutéronomique », par laquelle auraient été amalgamés les documents en question. Des répétitions et même des contradictions assez nombreuses, que nous examinerons en détail (col. 1138), attesteraient aussi l’existence de plusieurs sources écrites, que des compilateurs ou rédacteurs successifs auraient cousues l’une à l’autre, maladroitement, sans remarquer qu’elles ne correspondent plus au même point de vue religieux ou politique. La première de ces sources aurait été simplement remaniée ; les deux autres auraient subi des modifications importantes. La première, qui est postérieure au Deutéronome, présente de grandes affinités avec l’écrit élohiste du Pentateuque que l’on désigne par le sigle E ; la seconde, beaucoup plus ancienne, serait l’œuvre de l’écrivain jéhoviste, J^ Mais, d’un examen plus attentif, il ressort que ces deux documents ont été remaniés plusieurs fois, de façon à produire, d’une part J’jJ 2, et de l’autre E 1, E 2. Le rédacteur qui les a unis sans essayer de les concilier est désigné par les lettres R JE. Après lui vint un dernier rédacteur R", animé de l’esprit deutéronomique. Voici quel serait le résultat final de cette minutieuse enquête :
J -I Reg., ix, l-x, 7, 9-16 ; xi, 1-11, 15 ; xiii, 1-7°, 15>>18 ; xiv, 1-46, 52 ; xvi, 14-23 ; xvrn, 5-6, 11, 20-30 ; xx, 1-10, 18-39, . 22>> ; xxii, 1-4, 6-18, 20-23 ; xxiii, 1-14° ; xxvi ; xxvii ; xxix-xxxi. — Il Reg., 1, 1-4, 11, 12, 17-27 ; n, l-9, lOb, 12-32 ; m ; iv ; v, 1-3, 6-10, 17-25 ; vi ; ix-xi ; xii, 1-9, 13-31 ; xiii, 1-xx, 22.
J2 — I Reg., x, 8 ; xiii, 7M5°, 19-22.
E — I Reg., iv, lMrii, 1 ; xv, 2-34 ; xvii, 1-11, 14-58 ; xvrn, 1-4, 13-19 ; xix, 1, 4-6, 8-17 ; xxi, 1-9 ; xxii, 19 ; xxlii, 19-xxiv, 19 ; xxv ; xxviii. — II Reg., i, 6-10, 13-16, vu.
E 2 — I Reg., i, 1-28 ; ii, 11.-22°, 23-26 ; iii, 1-iv, 1° ; vu, 2-vin, 22 ; x, 17-24’; xii.
Rje _ I Reg., x, 25-27 ; xi, 12-14 ; xv, 1 ; xviil, 2 ; xix, 2, 3, 7 ; . xx, 11-17, 40-42° ; xxii, 10>> ; xxiii, 14M8 ; xxiv, 16, 20-22°. - II Reg., i, 5.
R D — I Reg., xiv, 18° ; vii, . 2 ; xiii, 1 ; xiv, 47-51 ; xxviii, 30. — II Reg., ir, 10% 11 ; v, 4-5 ; vm ; xii, 10-12
Un rédacteur encore plus récent aurait ajouté les passages suivants :
I Reg., iv, 15, 22 ; vi, 11°, 15, 17, 18, 19 ; xi, 8* ; xv, 4 ; xxiv, 14 ; xxx, 50. — II Reg., iii, 30 ; v, 6 b, 7°, 8° ; xv, 24 ; xx, 23-26.
A un dernier remaniement seraient dues les additions qui suivent :
I Reg., ii, 1-10, 22° ; xvi, 1-13 ; xvii, 12-13 ; xix, 18-24 ; xxi, 10-15 ; xxii, 5. — Il Reg., Xiv, 26 ; xxi-xxiv.
Voir Budde, Die Bûcher Sumuelis erklârt, p. x-xxi, et aussi, dans le même sens, quoique avec des nuances assez nombreuses, Nawack, Die Bûcher Samuelis, ûbersetzt und erklârt, p. xiv-xxm ; Cornill, Einleitung m dos A. Test., 2<> édit., 1892, p. 106-121. — Voici quel serait l'âge respectif de ces divers documents ou remaniements : la partie la plus ancienne, J 1 et J2, remonte au IXe siècle avant notre ère ; E 1 appartient probablement au viii c siècle ; E 3, sinon au vme siècle, du moins au commencement du vue ; R JÉ date d’une époque plus tardive du VIIe siècle (avant la réforme de Josias, en 621) ; les autres rédactions sont plus récentes, et datent de l’exil, ou même d’une période postérieure à l’exil.
2° Réfutation du système des néo-critiques. — 1. D’une manière générale, nous dirons d’abord qu’exposer de telles théories, c’est en grande partie les réfuter. Il faut tout le parti pris, toute la hardiesse du rationalisme, pour croire qu'à environ trente siècles ^'intervalle, on puisse être capable de déterminer, verset par verset, dans un écrit dont le style est bien caractérisé (col. 1134), des diversités, et même de simples nuances, qui trahiraient des auteurs très distincts, séparés les uns des autres par des centaines d’années et par les sentiments religieux les plus divers. Aussi, ceux qui présentent ces théories sur les livres de Samuel s’appuient-ils le plus souvent sur des preuves purement subjectives et arbitraires, et de là viennent les divergences considérables d’appréciation qui régnent entre eux, soit pour la nature et le nombre des documents primitifs, soit pour celui des compilateurs et rédacteurs, soit pour l'époque des uns et des autres. Lorsqu’ils veulent parler sincèrement, ils reconnaissent, avec le D r G. Wildeboer, Die Litteratur des A. Testant., p. 53, que la plupart de leurs jugements ne reposent que sur des hypothèses ; avec le D r Stade, Encyclopssdia biblica de Cheyne, t. iv, col. 4279-4280, qu’un grand nombre des assertions des néo-critiques touchant l’origine des livres de Samuel sont inexactes ; avec le D r Budde lui-même, Die Bûcher Samuelis, p. xviii, qu’en voulant trop préciser sur ce point, on commet des actes d’audace entièrement subjectifs. Ils trouvent que l’histoire de la composition de ces écrits est « très compliquée », Stade, Lc, col. 4274. Voir aussi E. Reuss, op. cit., p. 87. Mais ils sont euxmêmes responsables de cette complication, qui n’existait pas avant eux.
2. Si nous passons à l’examen des preuves principales sur lesquelles les néo-critiques appuient leur théorie, nous, verrons qu’elles sont aisées à réfuter. — a) Il y a d’abord les trois formules qui ont été mentionnées, plus haut (col. 1136) : I Reg., vii, 15-17 ; xiv, 47-52 ; II Reg., vm, 15-18. À la suite de Thenius et de Wellhausén, on a vii, dans ces sommaires de la judicature de Samuel, du règne de Saùl et du règne de David, des traces d’une compilation tardive. Elles auraient servi de conclusion à trois documents distincts, et le rédacteur les aurait insérées dans son œuvre avec les passages qu’elles achevaient. — Mais l’hypothèse est toute gratuiteCes formules, en effet, ne mettent fin en réalité ni au rôle de Samuel, ni aux règnes des deux premiers rois israélites. L’auteur des livres de Samuel, qui place volontiers des formules générales au commencement des
nouveaux règnes, cf. I Reg., xiii, 1 ; II Reg., ii, 10-11 ; v, 4-5, en emploie d’autres pour marquer la conclusion de quelque période importante du régne. Ainsi, ouire celles qui ont été notées plus haut, nous mentionnerons II Reg., iii, 1-5 ; v, 12-16 ; xx, 19-26. Pourquoi les néo-critiques demeurentils muets sur ces dernières ? Simplement parce qu’elles n’ont rien qui favorise leur système. Les autres ne l'étayent pas davantage. « Ces données sous forme de résumé trahissent une méthode, une idée intentionnelle, et ne portent point en elles le cachet de la compilation. Elles servent donc uniquement à terminer, ou, si l’on veut, à arrondir chacune des périodes et forment comme des points de repère, sans porter préjudice à la liaison des parties et sans briser l’unité de composition. » P. Clair, Les livres des Rois, p. 14. Voir F. Kei], Lehrbuch der Einleitung in die Schriften des AU. Test, , 2e édit., p. 167-168.
6) Les répétitions fréquentes que l’on rencontre dans nos deux livres prouveraient aussi jusqu'à l'évidence, nous dit-on, l’origine diverse des passages où elles se rencontrent. — Il est vrai qu’il en existe plusieurs : par exemple, la double mention de la mort de Samuel, I Reg., xxv, 1, et xxviii, S ; les détails relatifs à la famille de David, I Reg., xvi, 1-13, etxvii, 12-21, etc. Mais elles ne sont pas inconciliables avec l’unité du livre, et elles sont conformes au genre des écrivains orientaux. Les néo-critiques les signalent avec éclat, dans l’intérêt de leur thèse. Bien plus, ils affectent de prendre pour des répétitions, pour des « doublets », comme ils disent, un certain nombre de faits entre lesquels il existe sans doute une certaine ressemblance, mais qui présentent des circonstances très différentes de temps, de lieu, etc. Examinés de près, les prétendus « doublets » sont le récit d'événements très distincts. I Reg., xm, 13-14, il s’agit de la réprobation de la maison de Saùl, et plus loin, xv, 10-11, de la réprobation personnelle du roi. I Reg., x, 10^12, il est question de l’origine du proverbe Num et Saul inter prophetas 1 tandis que plus bas, xix, 23-24, l'écrivain sacré mentionne la confirmation de ce même proverbe. L’hébreu marque mieux cette nuance, et suppose l’existence antérieure de l’adage. Au premier passage, nous lisons : Fuit in proverbium ; au second : « C’est pourquoi ils disent : Est-ce que Saûl… 1 ? » Par deux fois, Saiil tente de transpercer David de sa lance, I Reg., xviii, 10, et xix, 9. Or, nous apprenons I Reg., xx, 33, que le roi avait recours à ce geste haineux, lorsqu’il était sous l’empire de sa passion mauvaise. Deux fois aussi, les habitants de Ziph trahirent David en indiquant à son ennemi le lieu de son refuge, I Reg., xxiii, 10, et xxvi, 1 ; deux fois, David dut aller chercher un abri chez les Philistins, I Reg., xxi, 10-15, et xxvii, 1-7 ; deux fois, d’abord dans une caverne, puis dans le camp royal, il épargna généreusement la vie de Saûl, I Reg., xxiv, 5-8, et xxvi, 7-25. Mais pourquoi ces divers faits ne se seraient-ils pas renouvelés, dès lors que les mêmes causes persévéraient : chez Saûl, sa haine intense ; chez les habitants de Ziph, le désir de nuire à David ; chez celui-ci, sa grandeur d'âme ; par rapport aux Philistins, la proxi.mïté de leurs frontières. II Reg., viii, 11-12, on mentionne brièvement les résultats de la guerre avec les Ammonites ; x, 1-25, on expose tout au long cette guerre, qui servit d’occasion au grand crime de David. Concluons avec le D r (protestant) Strack, Einleitung in das Alte Testant., 4e édit., in-8°, Munich, 1895, p. 67 : « L’assertion d’après laquelle, dans ces cas, il n’aurait existé réellement qu’un incident unique, le rédacteur s'étant laissé induire en erreur par les divers ornements qu’aurait surajoutés la tradition, n’est nullement démontrée ; » ou plutôt, c’est le contraire qui est démontré par une élude impartiale des textes. Voir F. Keil, Lehrbuch der Einleitung in die Schrifteri des A. T., 2e édit., p. 172-174.
3. Les néo-critiques sont allés plus loin, et ont prétendu découvrir dans, les livres de Samuel des contradictions véritables, qui démontreraient encore mieux leur thèse relative à l’origine de ces écrits. Cette autre affirmation ne résiste pas non plus à l’examen sérieux des faits. Les soi-disant contradictions concernent Samuel, l’origine de la royauté chez les Hébreux, l’introduction de David à la cour de Saûl, la mort de ce dernier, la prise de Sion par David, enfin le géant Goliath.
— à) Les récits relatifs au prophète Samuel seraient deux fois contradictoires. En premier lieu, d’après I Reg., vii, 15, il exerça « durant tous les jours de sa vie » les fonctions de juge en Israël, et pourtant nous le voyons, I Reg., viii, 1, cf. xii, 2, déléguer son autorité à ses fils. Mais cette difficulté s’explique au moyen d’une distinction fort simple : Samuel, devenu vieux, cessa de rendre des jugements et d’exercer certaines prérogatives de sa charge, trop fatigantes pour lui ; mais il ne se démit jamais entièrement de son autorité de juge, et il n’en avait d’ailleurs pas le droit, puisqu’elle lui avait été déléguée par Dieu lui-même. I Reg., viii, 4, après qu’il a été question de son remplacement partiel par ses fils, nous voyons le peuple s’adresser à lui pour avoir un roi. Même sous le règne de Saûl, il conserva son autorité suprême, que le roi ne songea nullement à contester. Cf. I Reg., xv, 2-34. David aussi recourut à lui comme à un guide officiellement institué par Dieu. I Reg., xix, 18, etc. On objecte aussi que, d’après IReg., XV, 35, à partir de tel instant, « Samuel ne vit plus Saül jusqu’au jour de sa mort, » tandis qu’il est dit plus tard, I Reg., xix, 24, à propos de Saül : « Il prophétisa… devant Samuel. » Ici encore, la conciliation est aisée : le premier trait signifie que le prophète cessa d’aller visiter le roi ; le second annonce simplement qu’il le rencontra d’une façon accidentelle.
— 6) Les rationalistes trouvent deux autres contradictions dans les récits relatifs à l’institution de la royauté. Les raisons pour lesquelles les Hébreux désirèrent et demandèrent un roi suivant notre livre leur paraissent inconciliables : d’une part, la cupidité des fils de Samuel, I Reg., viii, 3-5 ; de l’autre, les craintes que les Ammonites inspiraient au peuple, I Reg., xii, 1213. Mais en quoi ces motifs s’excluent-ils ? Ils se complètent mutuellement, au contraire, et le narrateur n’était pas tenu de les indiquer en même temps. Autre objection sur le même événement : I Reg., x, 1, nous apprenons que Saül reçut l’onction royale des mains de Samuel, sur l’ordre direct du Seigneur ; d’après I Reg., x, 20, 25, il futélu par le sort et ensuite reconnu par le peuple. Mais il n’existe pas d’opposition réelle entre les deux faits : Dieu désigna d’abord Saül en secret à son prophète, qui lui conféra l’onction sainte ; ^ette onction secrète ne pouvant suffire pour donner une autorité publique au nouveau roi, il fallait une révélation extérieure et solennelle de la volonté divine, et l’élection par le sort la fournit. — c) La difficulté tirée de la présentation de David à la cour royale est plus sérieuse. Nos adversaires affirment qu’elle est racontée dans le Ier livre des Rois sous deux formes tellement différentes, d’abord xvi, 14-23, puis xvii, 1-xvin, 5, qu’il n’est pas possible de faire concorder les récits : preuve, ajoute-t-on, qu’ils ont été empruntés à des sources différentes, que le rédacteur a maladroitement réunies. Voici les détails de l’objection : « Quand Samuel arrive à Bethléhem (pour sacrer David), l’historien nous fait connaître le père et les frères de David, IReg., xvi, 113, et, un peu plus loin, il les présente de nouveau au lecteur, comme s’il n’en avait jamais encore parlé. I Reg., xvii, 12-15. Avant la guerre, Saül fait de David, qui est très brave, son écuyer, I Reg., xvi, 21, et, au moment de la guerre, nous voyons David gardant son troupeau, et n’allant au camp que par hasard, afin d’apporter des vivres à ses frères. I Reg., xvii, 17. Mais
ce qui est plus extraordinaire encore, Saül qui, avant d’aller combattre les Philistins, avait choisi David comme écuyer et le connaissait très bien, ainsi que son père, I Reg., xvi, 18-22, ne sait pas quel est ce jeune homme qui terrasse Goliath. I Reg., xvii, 15-16. » F. Vigouroux, Les Livres Saints et la critique rationaliste, 5e édit., Paris, 1902, t. iv, p. 495-496. Telles sont les antilogies apparentes de la narration. Le même auteur nous en donne la solution, ibid., p. 496-498. Après avoir fait remarquer très justement qu’un narrateur européen aurait ordonné son récit d’une autre manière que l’écrivain israélile, lequel a compliqué visiblement les faits par les répétitions chères à sa race, il reprend : « Les deux récits dont nous nous occupons ne sont pas d’ailleurs complètement indépendants. L’historien ne parle pas la seconde fois des frères de David comme s’ils nous étaient totalement inconnus, et, au sujet de David lui-même, il a soin de rappeler qu’il l’avait déjà fait connaître à ses lecteurs : David, dit-il, le fils de cet homme d’Éphrata (dont il a été déjà parlé, explique justement la Vulgate), de Bethléhem de Juda. I Reg., xvii, 12. Mais comment, insiste-t-on, Saül peut-il ignorer qui est David, puisqu’il avait fait demander à son père de le lui laisser comme écuyer, I Reg., xvi, 19-22, et comment Abner n’en sait-il pas plus long que son maître ? La réponse est facile, et il y a longtemps qu’elle a été donnée par saint Ephrem. Le roi connaissait suffisamment le berger de Bethléhem pour l’attacher à sa personne, en qualité d’écuyer et de musicien ; mais le courage de David l’étonné et fait qu’il s’intéresse davantage à lui ; de plus, ayant promis sa fille au vainqueur de Goliath, il désire des informations plus précises sur la parenté de celui qui peut devenir son gendre, et c’est pour ce motif qu’il charge Abner de s’en occuper, I Reg., xvii, 55-57… Nous n’avons donc ici aucune contradiction réelle. » Il est remarquable, en effet, que, dans le texte sacré, IReg., xvii, 53-56, Saûl ne demande pas qui était personnellement David, mais de qui il était fils, à quelle famille il appartenait. Ajoutons que Saül avait plusieurs écuyers, selon l’usage d’alors, cf. II Reg., xviii, 15, de sorte que David, après avoir distrait pendant quelque temps le roi par son talent de harpiste, était ensuite retourné à la maison paternelle, où il se trouvait lorsque la guerre fut déclarée. On a allégué aussi que les passages I Reg., xvii, 12-31 et xvii, 56-xvin, 5, qui donnent le plus lieu à la difficulté proposée, sont supprimés dans la version des Septante ; ce qui prouverait que les traducteurs d’Alexandrie ne croyaient pas à la possibilité d’établir une conciliation entre I Reg., xvi, 18-22, et xv, 55-58. Mais cette omission ne démontre rien par elle-même, car la Bible des Septante présente d’autres nombreux exemples de suppressions, d’additions, de transpositions, etc. D’ailleurs, si le Cad. Vaticanus ne contient pas les versets en question, d’autres manuscrits les renferment, et les anciens interprètes grecs, entre autres Théodoret de Cyr, lntrod. in I Reg., t. lxxx, col. 567-568, s’efforçaient déjà d’harmoniser les deux récits. Voir aussi Procope de Gaza, Comm. in libr. 1 Reg., t. lxxxvii, col. 1109. — d) Si les narrations relatives à la mort de Saûl, I Reg., xxxi, 2-6, et II Reg., i, 2-12, sont réellement contradictoires, la faute n’en retombe pas sur l’écrivain sacré, qui donne la véritable version au premier des passages indiqués, mais sur l’Amalécite qui fit à David un récit mensonger, pour se faire bien venir de lui. Voir Théodoret, l. c, t. lxxx, col. 598. — e) Il est dit, I Reg., xvii, 54, que David porta la tête de Goliath à Jérusalem, puis, assez longtemps après, II Reg., v, 9, qu’il s’empara de la citadelle de Sion. Mais ouest la contradiction ? Sans doute, les Jébuséens demeurèrent longtemps les maîtres de la citadelle ; mais la ville, c’est-à-dire Jérusalem, était déjà au pouvoir des Hébreux, qui l’habitaient en paix. — f) S’il
est parlé, IIReg., xxi, 19, d’un géant philistin nommé Goliath, tué par un habitant de Bethléhem, cela ne suppose nullement deux récits qui se contrediraient. D’après I Par., XX, 5, le second héros philistin était le frère du géant mis à mort par David (t. iii, col. 269). — Sur ces divers points, voir Himpel, Ueber Widersprùche und verschiedene Quellen der Bûcher Samuelis, dans la Tûbinger Quartalschrift, 1874, p. 71-126, 237, 281 ; Keil, Lehrbuch der Einleitung, p. 167-171 ; Clair, Les Livres des Mois, t. i, p. 18-29 ; Cornely, Introductio specialis in historicos Vet. Testam. libros, in-8°, Paris, 1887, p. 260-272.
V7. LA VÉRACITÉ ET L’AUTORITÉ DES LIVRES DE SA-MUEL. — De ce qui vient d’être dit, il résulte que les néo-critiques en attaquent sur bien des points l’exactitude et le caractère historique. D’ailleurs, ils affirment en termes exprès qu’en beaucoup d’endroits, surtout dans les passages qui mentionnent quelque intervention surnaturelle, le récit n’a pour base que des légendes populaires. Hugo Winckler, entre autres, Geschichte IsræU in Einzeldarstellungen, in-8°, Leipzig, 1900, t. ii, p. 147-152, prétend que la plus grande partie de nos deux livres est légendaire. D’après Nowack aussi, Die Bûcher Samuelis ûbersetzt und erklàrt, p. xiv-xxiii, les chap. i-m du premier livre sont de l’idylle, non de l’histoire ; dans les chap. ix etx, on remarque de nombreux embellissements poétiques, beaucoup de détails qui ont reçu « une forme idyllique » ; dans les chap. vii, viii, xii, etc., souvent la narration n’a rien de réel, mais a été inventée à plaisir. Etc. "Wellhausen, Prolêgomena zur Gesch. IsræU, 5e édit., p. 247-275, prétend de même qu’ « il n’y a pas un mot de vrai » dans tel et tel récit ; il mentionne en particulier, p. 266, a la légende du combat entre le jeune berger et Goliath, I Reg., xvii, 1-xvIn, 5. » À travers le livre entier les « tendances » seraient visibles, et elles auraient corrompu l’esprit des récits. Aussi, dans son ouvrage Die isrælitische und jûdische Geschichte, in-8°, 2e édit., Berlin, 1895, p. 51-64, le même auteur supprime-t-il un nombre considérable d’événements racontés par les deux premiers livres des Rois. Voir aussi Maurice Vernes, dans V Encyclopédie des sciences religieuses, t. xi, p. 445. Néanmoins, les écrivains rationalistes les plus avancés sont obligés de reconnaître que d’autres passages, également nombreux, présentent toutes les garanties désirables de véracité et qu’on ne saurait nier leur caractère visiblement historique. Ils admirent tout spécialement, dans le second livre, les chap. ixxx, où « tout le monde reconnaît qne nous avons une source historique de premier ordre. » Nowack, l. c, p. xxit. D’après Kuenen, Histor.-crit. Onderzoek, 2e édit., t. i, p. 380, ces chapitres, et d’autres passages encore, sont « l’œuvre d’un auteur bien informé, » qui ne fait pas intervenir à tout instant la divinité. Le D r Kautzsch ajoute, Abriss der Geschichte des alttestamenll. Schrifttums, Fribourg-en-Brisgau, 1897, p. 21, que ce document fait partie de « ce que nous possédons de plus complet, de plus fidèle, de plus parfait sur le domaine de l’histoire Israélite, bien plus, sur celui de l’histoire ancienne en général. ».^
A coup sûr, le critique catholique ne peut être que de leur avis lorsqu’ils font un éloge si mérité des passages en question ; mais il applique à tout le contenu des deux livres ce qu’ils ne consentent à accepter qu’à propos de fragments isolés. Nous dirons donc que la véracité des livres de Samuel est attestée de toutes manières. — 1° Elle l’est d’abord par les preuves internes : vie et simplicité des récits ; minutie des détails, qui sont d’ailleurs toujours conformes aux mœurs de l’époque ; exactitude parfaite de la topographie ; sincérité manifeste et candeur touchante du narrateur, qui demeure étranger à tout esprit de parti.
H raconte avec une entière franchise les égarements des acteurs les plus vénérés de cette histoire, aussi bien que leurs plus belles actions : « Sacerdoce, prophétisme, royauté, tout ce qui est élevé en Israël, passe, comme le peuple lui-même, sous le niveau impartial du jugement divin. » La Bible annotée, Les livres prophétiques, t. In, Neuchâtel, 1893, p. 185. David n’est pas plus épargné que les autres sous ce rapport, et l’histoire de son double crime est exposée dans tous ses détails, avec les châtiments terribles qu’elle lui attira. Les caractères des divers personnages sont décrits aussi avec une vérité psychologique très frappante. Nous voyons se dresser vivants devant nous Héli, avec son singulier mélange de faiblesse et de piété ; Samuel avec sa gravité sereine, sa mâle décision, sa grandeur ; Saûl, d’abord aimé de Dieu, puis devenant insupportable et se livrant à toute la fougne de sa passion ; David, aimable, juste, habile, prudent, aux sentiments pleins de naturel, etc. Les acteurs secondaires, Abner, Jonathas, Joab, etc., sont aussi très bien dépeints. — 2° La véracité de ces deux livres est également attestée par le dehors, c’est-à-dire par d’autres passages de la Bible qui leur confèrent une autorité en quelque sorte divine. Jérémie fait plusieurs fois allusion à leur contenu : cf. Jer., ii, 37, et II Reg., xiii, 19 ; Jer., xv, 1, et I Reg., xii, 19-23 ; Jer., xxiii, 5, et II Reg. vii, 12 ; viii, 15, etc. Les deux derniers livresdes Rois citentpresque textuellement plusieurs passagesdes deux premiers. Cf. III Reg., il, 27, et I Reg., ii, 31, etc. Comme il a été dit plus haut (col. 1134), le premier livre des Paralipomènes reproduit en partie, et d’une manière toute semblable, , 1e thème traité dans I et II Reg. Le fils de Sirach, Eccli., xlvi, 6-xlvii, 13, résume les livres de Samuel de la façon la plus exacte ; il en est de même du Ps. xvii, sans parler des titres d’assez nombreux chants du Psautier, certainement très anciens, quoi qu’il en soit de leur authenticité, qui se rapportent à divers traits de la vie de David. Cf. Ps. iii, . 1 ; xvii, 1 ; xxvi, 1 ; xxxiii, 1 ; l, 1 ; li, 1-2 ; lii, 1 ; lvî, 1 ; lviii, 1 ; lix, 1-2 ; lxii, 1, etc. Dans l’Épltre aux Hébreux, I, 5, saint Paul appuie son argumentation sur un texte emprunté à II Reg., vii, 14 ; dans le discours qu’il prononça à Antioche de Pisidie, Act., Xiii, 20-22, il résume brièvement le sujet traité dans les livres de Samuel, et fait un emprunt à I Reg., xiii, 14. La Sainte Vierge s’est approprié plusieurs passages du cantique d’Anne. Cf. Luc, i, 46-55, et I Reg., ii, 1-10. Jésus-Christ lui-même fit une allusion très claire à I Reg., xxi, 1-6, lorsqu’il demanda aux Pharisiens s’ils avaient « lu >> ce qu’avait fait le roi David lorsqu’il fut pressé par la faim. Cf. Matth., xii, 3-4. Tout cela prouve en quelle haute estime les livres de Samuel étaient tenus chez les Juifs. Pour attaquer à un autre point de vue la crédibilité de cet écrit, les critiques rationalistes ont relevé quelques erreurs de chiffres qu’on rencontre cà et là dans le texte ; entre autres les suivantes : I Reg., vi, 19, où il est dit que le Seigneur frappa « 70 hommes et 50000 hommes de Bethsamès, » qui avaient regardé l’arche ; I Reg., xiii, 1, ou nous lisons que Saül avait « un an » au début de son règne ; probablement aussi I Reg., xiii, 5, et II Reg., x, 18, etc. Mais il est de toute évidence qu’on n’a pas le droit de rejeter ces erreurs sur l’auteur lui-même ; elles sont le fait des copistes, qui se sont souvent trompés en transcrivant les chiffres, comme on le voit par les divergences qui existent entre le texte hébreu et les différentes versions. Voir L. Reinke, Beitràge zur Erklàrung des Alt. Testam, , t. iii, Munster, 1855, p. 125-150.
VII. CHRONOLOGIE DES LIVRES DE SAMUEL. — NOUS
nous trouvons en face des mêmes difficultés que pour les livres de Josué et des Juges : en effet, les renseignements positifs sont insuffisants pour que nous puissions déterminer avec certitude, d’un côté, la durée générale -1143
ROIS (LIVRES DES). I ET II SAMUEL
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de la période embrassée par l’ensemble delà narration, de l’autre, l’époque précise des événements les plus importants. Les deux premiers livres des Rois sont extrêmement sobres en fait de dates ; aucun livre historique de l’Ancien Testament ne l’est davantage. Il en cite quelques-unes aux passages suivants : I Reg., i, 20, 23 ; ii, 19 ; vi, 1 ; x, 27° (Septante) ; xxvh, 7, cf. xxix, 3 ; lIReg., xiii, 37 ; xiv, 28. Mais elles -sont trop vagues parfois, ou trop incomplètes, pour une chronologie. Cependant, I Reg., iv, 18, nous apprenons que le grand prêtre Héli exerça la judicature pendant 40 ans (20 années seulement d’après les LXX), et, II Reg., v, 4-7, que David régna à Hébron durant 7 ans et demi, à Jérusalem pendant 33 ans, ce qui fait 40 ans en chiures ronds. Mais nous ignorons combien de temps Samuel et ses fils gouvernèrent Israël ; de plus, bien que la période de 40 années assignée par saint ctienne au règne de Saûl, Act., xiii, 31, cf. Josèphe, Ant. jud., VI, xiv, 9, soit très claire par elle-même, elle n’est pas néanmoins sans obscurité, car il n’est pas dit -si les deux années d’Isboseth, Il Reg., ii, 10 —sept ans et demi selon d’autres, cf. II Reg., ii, 11 — sont comprises dan s ce chiffre, ou si elles doivent être calculées à _part. Cependant, on compte d’ordinaire environ 130 ou 150 ans pour la durée totale des faits racontés dans les deux livres de Samuel. Voir Chronologie, t. ii, col. 738 ; von Hummelauer, Comment, in libros Samuel, p. 2526. L’an 1000 avant Jésus-Christ coïncida approximativement avec le règne de David.
VIII. TEXTE HÉBREU ET VERSIONS PRINCIPALES. —
.1. Le texte hébreu de la Massore, reproduit dans les Bibles ordinaires, est très imparfait et a subi des altérations évidentes. Tous les critiques sont d’accord sur ce point. Voir Kuenen, , Gesammelte Abhandlungen zur biblischen Wissenschaft, in-8°, p, 82-134. Par exemple, I Reg., vi, 18, au lieu des mots’ad’abel hag-gedôlâh, qui ne donnent aucun sens (Vulgate, ad Abel Magnum), il faut lire : .’êd’ébén hag-gedôlâh, « la grande pierre est témoin ». t Reg., vi, 19, au lieu de « 50000 hommes, 70 hommes », lisez : « 70 hommes ». I Reg., viii, 16, au lieu de bahurêkém, « vos jeunes gens d’élite » (Vulgate, juvenes optimos), il faudrait : biqerêkem, « vos bœufs ».IReg., xii, 11, la leçon Bedan (Vulgate, Badân) est une faute évidente pour Baraq, cf. Jud., IV, 6, ou pour Abdon, cf. Jud., xii, 17. 1 Reg., xiv, 18, au lieu de « Fais approcher l’arche de Dieu », il faut lire : « l’éphod de Dieu ». II Reg., xv, , 7, la vraie leçon est 40| au lieu de 4, etc. Voir F. Kaulen, Einle14ung in die heil. Schriften des Alten uni Neuen Testant. , 3e édit., p. 192-193.
2. La traduction des Septante a eu pour base un texte hébreu qui diffère très souvent, et parfois d’une manière notable, de celui de la Massore. En divers endroits, elle mérite certainement les préférences de l’exégète et sert à corriger les imperfections de l’hébreu actuel. Mais on est trop porté de nos jours à exagérer ses avantages. Elle aussi, elle présente des fautes nombreuses, des transpositions et des suppressions arbitraires, de sorte qu’il est nécessaire de prendre de grandes précautions à son sujet. Elle a d’ailleurs -été remaniée à plusieurs reprises d’après le texte massorétique. Fréquemment, un seul et même passage a reçu une double traduction. Cf. I Reg., ii, 24 ; v, 4, 6 ; vi, 8 ; x, 1, 21 ; xii, 4 ; xiii, 15 ; xv, 3 ; xx, 9 ; xxi, 13 , (14) ; II Reg., v, 14-16 ; xii, 3, 4 ; xv, 20 ; xvïn, 17 ; xix, 18 (19). Du reste, les manuscrits des Septante ne contiennent pas un texte identique ; le Codex Vaticanus (B) e.st regardé comme le meilleur de. tous, en ce qui concerne les livres de Samuel. C’est celui qui est imprimé dans l’édition’de H. B. Swete, , TAe Old Testament in Greek according to the Septuagint, in-12, t. i, -Cambridge, 1887, p. 545-668. La recension de Lucien .peut rendre de grands services pour la critique du texte.
Sur ces divers points, voir Lôhr, Die Bûcher Samuels, p. lxxx-ciii ; Nowack, Die Bûclier Samuelis, p. îx-x. — Pour les deux premiers livres des Rois, il n’existe que de simples fragments des traductions grecques d’Aquila, de Symmaque et de Théodotion.Cf. Field, Hexaplorum Origenis quse supersunt, in-8°, Londres, 1875, 1. 1. Il en est de même de la Vêtus latina, faite d’après les Septante. Cf. Sabatier, Bibliorum Særorum latinse versionis anliquse, 1743 ; Vercellone, Variée lectiones Vulgalx latinse Bibliorum editionis, Rome, 1864, t. h. — Quant à la Vulgate, elle a été traduite directement et fidèlement sur l’hébreu, et elle a conquis l’estime de la plupart des critiques. Voir W. Nowack, Die Bedeutung des Hieronymus fur die Textkritik des Alten Testam., in-8°, Gœttingue, 1875. Il n’est pas sans intérêt de noter que saint Jérôme commença par nos deux livres sa traduction sur l’hébreu. Malheureusement elle a conservé mainte addition de Vllala ; dans ce cas, elle diffère du texte original et correspond au grec des Septante. Cf. I Reg., iv, 1 ; v, 6, 9 ; viii, 18 ; x, 1 ; xi, 1 ; xiii, 15 ; xiv, 22, 41 ; xv, 3, 12, 13 ; xvii, 36 ; xxi, ll ; xxx, 15 ; II Reg., i, 26 ; v, 23 ; x, 19 ; xiii, 21, 27 ; xiv, 30. Voir Vercellone, op. cit., t. ii, p. ix. Il lui arrive aussi de donner une double traduction du même texte. Cf. I Reg., ix, 25 ; xx, 15 ; xxi, 7 ; xxiii, 13, 14 ; II Reg., ii, 18 ; iv, 5 ; vi, 12 ; xv, 18, 20. — Il n’y a pas beaucoup de profit à tirer de la traduction syriaque pour la critique textuelle des livres de Samuel ; on peut utiliser avec plus de fruit le Targum, qui, tout en demeurant d’ordinaire conforme à l’hébreu massorétique, s’en écarte assez souvent aussi., ’rx. bibliographie. —1° Pour la critique du texte et les origines du livre : C. A. Graf, Delibrorum Sapiuelis et Regum compositione, scriptoriOus etfide historica, in-8°, Strasbourg, 1842 ; F. BoUcher, Neue exegelischkritische Aehrenlese zuni Alten Testamente, in-8°, t. i, Leipzig, 1863, p. 83-208 ; J. Wellhausen, Der Text der Bûcher Samuelis, in-8°, Gœttingue, 1871 (c’est cet ouvrage qui a servi de guide principal à tous les néocritiques ) ; du même auteur, Einleitung in das Alte Testam. de Bleek, 4e édit., in-8°, 1878, p. 181-267 ; Die Composition des Hexateuchs und der historischen Bûcher des Alt. Testam., in-8°, Berlin, 1878 ; 3e édit. en 1899, p. 238-266 ; Prolegomena zur Geschichte Isræls, in-8 « , Berlin, 1883, 5e édit. en 1899, p. 247-275 ; E. Reuss, dans l’ouvrage cité plus bas, p. 85-148 ; C. H. Cornill, dans la Zeitschrift fur kirchliche Wissenschaft und kirchl. Leben, 1885, p. 113-141, dans les Kœnigsberger Studien, 1. 1, 1888, p. 25-59, et dans la Zeitschrift fur alttestamentliche Wissenschaft, 1890, p. 96-109 ; C. Bruston, Les deux Jéhovistes dans les livres de Samuel, dans la Revue (protestante) de théologie et de philosophie, 1885, p. 511-528, 602-637 ;
A. Kuenen, Historisch-critisch Onderzoek naar het ontstaan en de verzameling van de boeken des Ouden Verbonds, in-8°, 2° éd., Leide, 1887, I « part., p. 368-392 ; K. Budde, dans la Zeitchrift fur alttestamentl. Wissenschaft, 1888, p. 231-245 ; du même auteur, TheBooks of Samuel, dans Haupt, Critical édition of the sacred Books of the Old Testam., in-4°, Leipzig, 1894 ;
B. Stade, Geschichte des Volkes Israël, in-8, Berlin, 1887, t. i, p. 197-292 ; S. R. Driver, Notes on the hebrew Text of the Books of Samuel, in-8°, Londres, 1890 ; R. Kittel, dans les Studien und Kritiken, 1892, p. 4471 ; du même auteur, Geschichte der Hébrâer, in-8°, Leipzig, 1892, t. ii, p. 22-50 ; F. Montet, La composition de l’Rexateuque, des Juges, de Samuel et des Rois, Étude de critique biblique, broch. in-8°, Lyon, 1894 ; A. Mez, .Die Bibel des Josephus untersucht, in-8°, Bâle, 1895 ; NPeters, Beitrâgèzur Textund Literaturkritik der Bûcher Samuelis, in-8°, Fribourg-en-Brisgau, 1899. Ce dernier ouvrage seul a été composé par un auteur catholique. 114&
ROIS (IIIe ET IV LIVRES DES)
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2o Commentaires. — A. Ouvrages catholiques : S. Éphrem, In Samuelem, Opéra syriaca, t. i, p. 331567 ; Théodoret de Cyr, Qusestiones in libros Regnorum, t. lxxx, col. 527-800 ; Sanchez, Commentarius et paraphrasis in Regum libros, 2 in-f°, Lyon, 1623 ; Duguet, Explication des livres des Rois, Paris, 17381740 ; P. Clair, Les livres des Mois, introd. critique et commentaires, in-8o, Paris, 1884 ; de Hummelauer, Commentarius in libros Samuelis, in-8o, Paris, 1886.
— B. Ouvrages hétérodoxes : 0. Thenius, Die Bûcher Samuels, in-8o, Leipzig, 1842, 3 8 édit. (par Lôhr), 1898 ; F. Keil, Die Bûcher Samuels, in-8o, Leipzig, 1864, 2e édit., 1875 ; CF. Erdmann, Die Bûclier Samuelis, in-8, Bielefeld, 1873 ; E. Reuss, Histoire des Israélites depuis la conquête de la Palestine jusqu’à l’exil : Livres des Juges, de Samuel et des Rois, in-8o, Paris, 1877 ; A. F. Kirkpatrick, The first Book of Samuel, in-18, Cambridge, 1880, The second Book of Samuel, in-18, Cambridge, 1881 ; A. Klostermann, Die Bûcher Samuelis und der Kônige, in-8o, Munich, 1887 ; K. Budde, Richter und Samuel, in-8o, Giessen, 1890 ; le Midras Semu’el, commentaire haggadique réédité par Buber, in-8o, Cracovie, 1893 ; A. P. Smith, A critical and eœegetical Commentary on the Books of Samuel, in-8o, Edimbourg, 1899 ; K. Budde, Die Bûcher Samuelis erklârt, in-8o, Tubingue, 1902 ; W. Nowack, Die Bûcher Samuelis ûbersetztund tir&fârt, Goettingue, 1902.
II. TROISIÈME ET QUATRIÈME LIVRES DES ROIS. —
I. contenu et DIVISION. — 1o Ces livres racontent l’histoire des Israélites depuis les dernières années de David jusqu’à la fin de l’État juif. Le nom qu’ils portent est parfaitement justifié, puisque, à part le règne de Saûl et la plus grande partie de celui de David, ils contiennent l’histoire entière de la monarchie théocratique jusqu’à sa chute. Les événements racontés dans les deux livres occupent, d’après la chronologie le plus communément adoptée, un intervalle de 454 ans. En effet, le couronnement de Salomon, dont il est question dans le premier chapitre, III Reg., i, 32-40, semble avoir eu lieu en 1015, et le dernier fait raconté, la restitution des privilèges royaux à Joachim par Évilmérodach, IV Reg., xxv, 27-30, se rapporte à l’année 561 avant Jésus-Christ. — Ils se divisent en trois parties. — La première, III Reg., i, 1-xi, 43, s’occupe des derniers événements de la vie de David, du couronnement et du règne de Salomon. — La seconde, III Reg., xii, 1-IV Reg., xvii, 41, renferme l’bistoire synchronique des royaumes de Juda et d’Israël, depuis le schisme des dix tribus, jusqu’à la ruine de l’État schismatique. — La troisième, IV Reg., x.ih, 1-x.xv, 30, expose l’histoire de Juda depuis cette ruine jusqu’à la captivité de Babylone. La première partie comprend 40 années, de 1015 environ à 975 ; la seconde, 253 ans, de 975 à 722 ; la troisième, 161 ans, de 722 à 561 avant J.-C.
1. Histoire du règne de Salomon, III Reg., i, 1-xi, 43. — Cinq sections : 1. Avènement du jeune prince et inauguration de son règne, III Reg., i, 1-n, 46. Remontant à la fin du règne de David, l’auteur raconte comment Adonias, qui se posait en héritier du trône, vit ses espérances frustrées par le prophète Nathaja-et par Bethsabée, i, 1-31. Sur l’ordre de David, Salomon fut proclamé son héritier exclusif et reçut l’onction royale, i, 32-53. Suivent quelques détails relatifs aux dernières recommandations de David, à sa mort, ii, 1-12, et à diverses mesures prises par Salomon pour assurer la sécurité du trône, ii, 13^46. — 2. Débuts du règne de Salomon. III Reg., iii, 1-iv, 34. Son mariage avec la fille du roi d’Egypte, sa belle prière à Gabaon, son jugement célèbre, va, 1-28. Sesprincipaux ministres, sa magnificence, sa sagesse, iv, 1-34. — 3. Les constructions de Salomon. III Reg., v, 1-ix, 9. Le roi s’entend avec Hiram de Tyr, au sujet des ouvriers et
des matériaux nécessaires pour bâtir le temple, v, t-18. L’édifice. sacré, commencé la quatrième année du règne de Salomon, est achevé après sept ans de travail, vi, 1-38. Construction de plusieurs palais, vii, 112. Le mobilier du temple est préparé avec un grand déploiement de zèle, d’art et de richesse, vii, 13-51, Dédicace solennelle du sanctuaire, où l’arche sainte est transférée, viii, 1-ix, 9. — 4. Apogée de la puissance et de la gloire de Salomon, III Reg., ix. 10-x, 29. Échange de présents avec le roi de Tyr, ix, 10-14. Salomon bâtit et fortifie plusieurs villes de son royaume, , ix, 24-25. La reine prend possession du palais construit pour elle, ix, 24-25. La flotte de Salomon, ix, 26-28. Visite de la reine de Saba, x, 1-13. Les revenus du roi et leur emploi, sa grandeur et sa puissance, x, 14-29. — 5. Les fautes et le châtiment de Salomon, III Reg., xi, 1-43. Il épouse un grand nombre de femmes étrangères, dont il favorisé les pratiques idolâtriques, xi, 1-8, Menaces divines, xi, 9-13. Adad, Razon et Jéroboam se révoltent successivement, xi, 14-40. Conclusion dit règne de Salomon, xi, 41-43.
2. Histoire synchronique des royaumes d’Israël et de Juda, III Reg., xii, 1-IV Reg., xvii, 41. — Trois grandes sections : — 1. La séparation des deux royaumes et leurs hostilités perpétuelles jusqu’au règne d’Achab, III Reg., xii, 1-xvi, 28. — o) Schisme des dix tribus, xii, 1-20. Dieu interdit à Roboam d’attaquer les rebelles, xii, 2124. — b) Règne de Jéroboam Ier d’Israël, xii, 25-xiy, 20. Pour établir une séparation perpétuelle entre ses sujets et ceux de Juda, il établit le culte des veaux d’or à Dan et à Béthel, xii, 25-33. Le Seigneur blâme vivement et châtie cette conduite sacrilège, xiii, 1-3-xiv, 18. Mort de Jéroboam, xiv, 19-20. — c) Roboam, xiv, 21-31, Abiam, xv, ’l-8, etvsa, xv, 9-24, régnent sur Juda. Nadab, Baasa, Éla, Zambriet Amri se succèdent rapidement sur le trône d’Israël, xv, 25-xvi, 28. — 2. Israël et Juda pendant le règne d’Achab, III Reg., xvi, 29xxii, 54. -- a) Sommaire du règne de l’impie Achab r xvi, 29-34. — b) Le prophète Élie prédit une famine terrible, qui ne tarde pas à éclater, xvii, 1-24. Entrevue du prophète et du roi, xviii, 1-19. Victoire remportée par Élie sur les prophètes de Baal, xviii, 20-40. Cessation de la sécheresse, xviii, 41-46. Elie se réfugie sur le mont Horeb, pour échapper à la colère de la reine Jézabel, xrx, 1-18. Onction d’Elisée, xix, 19-21. —
c) Achab triomphe à deux reprises des Syriens, xx, 1-43. Jézabel fait lapider Naboth pour s’emparer de sa vigne ; Élie lui prédit, ainsi qu’à Achab, le châtiment divin, xxi, 1-25. — d) Achab fait alliance avec Josaphat de Juda, pour attaquer Ramoth-Galaad, xxii, 1-5. Les deux rois sont battus, mort d’Achab, xxii, 6-40~ Sommaire du règne de Josaphat, xxii, 41-51, Ochozias, fils d’Achab, devientroid’Israël, xxii, 52-54. — 3. Annales des rois de Juda et d’Israël depuis la mort d’Achab jusqu’à la prise de Samarie et à la ruine du royaume schismatique, IV Reg., i, 1-xvii, 41. — a) Ochozias et Joramsur le trône d’Israël, un autre Joram. sur le trône de Juda, i, 1-m, 27. Elie prédit à Ochozias sa mort prochaine, i, 1-18. Le prophète est enlevé sur un char de feu, n, 1-12 ; premiers miracles d’Elisée, ii, 13-25. Expédition victorieuse de Joram d’Israël et de Josaphat contre les Moabites, iii, 1-27. — 6) Les principaux actes du ministère d’Elisée, iv, 1-vin, 15 ; il opère de nombreux miracles et fait plusieurs prophéties, dont on signale, l’accomplissement. — c) Joram et Ochozias régnent sur Juda, Jéhu s’empare du trône d’Israël, viii, 16-x, 35. Règne de l’impie Joram, viii, 16-24. Règne d’Ochozias, son fils non moins impie, viii, 25-29. Jéhu est sacré roi d’Israël par Elisée, ix, 1-10 ; il se révolte contre Joram et le met à mort, avec Ochozias de Juda, Jézabel et toute la famille d’Achab, ix, 11-x, 17. —
d) Depuis l’avènement de Jéhu jusqu’à la prise de Samarie, x, 18-xxii, 41. Jéhu est d’abord béni de Dieu, 1147
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parce qu’il avait détruit le culte de Baal, x, 18-27 ; il s’attire ensuite les vengeances divines, x, 28-36. Usurpation d’Athalie ; le grand prêtre Joïada réussit à la renverser, xi, 1-16, et à faire monter sur le trône le jeune Joas, dont le règne fut unYnélange de bien et de mal, xt, 17-xil, 21. Joachaz et Joas gouvernent Israël ; mort d’Elisée, xui, 1-25. Règne d’Amasias à Jérusalem ; Joas d’Israël envahit la Judée, xiv, 1-20. Azarias succède à Amasias, xiv, 21-22. Jéroboam II devient roi d’Israël, xiv, 13-29. Au temps d’Amasias, de Joatham et d’Achaz, rois de Juda, le royaume d’Israël, déchiré par des luttes intestines sous ses derniers rois, se précipite vers sa ruine et tombe finalement sous les coups des Assyriens, xv, 1-xvii, 6. Causes morales de cette ruine, xvii, 7-23. Ce que devint le territoire des dix tribus pendant l’occupation assyrienne, xvii, 24-41.
3. Histoire des rois de Juda, depuis la ruine du royaume d’Israël jusqu'à la captivité de Babylone, IV Reg., xviii, 1-xxv, 29. — Trois sections : — 1. Règne d'Ézéchias, xviii, 1-xx, 21. Le pieux roi lutte énergiquement contre l’idolâtrie, et, pour ce motif, il est délivré d’une invasion assyrienne, viii, 1-xix, 37. Sa guérison miraculeuse, xx, 1-11. S'étant glorifié de ses trésors, il est sévèrement blâmé par Isaïe, qui lui prédit la chute prochaine du royaume, xx, 12-21. — 2. Règnes de Manassé, d’Amon et de Josias, xxi, 1-xxin, 30. Manassé et Amon font revivre l’idolâtrie et accélèrent la ruine de Juda, xxxi, 1-26. Le saint roi Josias rétablit le culte du vrai Dieu et renouvelle l’alliance théocratique, xxii, 1-xxin, 23 ; il ne fait cependant que retarder la chute du royaume, arrêtée dans le plan divin et il périt dans une guerre contre le roi d’Egypte, xxiii, 24-30. — 3. Les derniers rois de Juda, xxiii, 31-xxv, 30. Joachaz, Joachim et Jéchonias se succèdent rapidement sur le trône, faisant le mal tour à tour ; Dieu les châtie par les Égyptiens et surtout par les Assyriens, qui s’emparent de Jérusalem, détruisent la ville et le temple, et déportent le roi en Chaldée, avec des Juifs nombreux, xxiii, 31-xxv, 26. Évilmérodach restitue à Jéchonias les honneurs royaux, xxv, 27-30
II. PLAN ET BUT DE L’AUTEUR. — 1o Plan. — L’his toire du peuple de Dieu est ramenée, durant toute la période indiquée, à celle de ses rois, et les divers règnes sont décrits d’après leur suite naturelle, c’est-àdire, d’après l’ordre chronologique. La marche est constamment uniforme. La biographie, le plus souvent très courte, de chacun des rois, soit de Juda, soit d’Israël, est placée dans une sorte de cadre régulier, qui consiste en deux formules à peu prés identiques, dont l’une ouvre le règne, tandis que l’autre le termine. Pour les rois de Juda, celle-là se compose de deux phrases : la première marque le synchronisme avec le roi d’Israël alors régnant, tandis que la seconde spécifie l'âge du roi lors de son intronisation, la durée de son règne et le nom de sa mère. Cf. III Reg., xv, 1-2, 9-10, etc. Pour les rois d’Israël, il n’y a d’ordinaire qu’une seule phrase, qui signale simplement le synchronisme avec les rois de Juda et la durée du règne. Cf. III Reg., xv, 25, 33 ; xvi, 8, 15, 20, 23, etc. L’autre formule apprécie le caractère du monarque en question au point de vue moral, habituellement en quelques mots rapides, presque toujours les mêmes : « Il fit ce qui était bon — ou, ce qui était mauvais — aux yeux du Seigneur, » cf. III Reg., xv, 3, 11, 33, etc. ; mais parfois en termes plus développés, cf. III Reg., xiv, 2224 ; xv, 11-15 ; xvi, 30-33, etc. Puis l’auteur conclut, en indiquant le document dans lequel ses lecteurs pouvaient trouver des renseignements plus complets, et en signalant la mort du roi, ses funérailles et le nom de son successeur. Cf. III Reg., xi, 43 ; xiv, 19, 20, 31 ; xv, 8, 24, etc. Il arrive quelquefois que la désignation du document et la mention de la mort sont séparées l’une de l’autre par une courte donnée historique. Cf.
III Reg., xiv, 30 ; xv, 7, 23 ; xxii, 6-50 ; IV Reg., xv, 37. Le trait « il fut enseveli avec ses pères » est parfois omis, surtout pour les rois d’Israël, III Reg., xvi, 27-28 ; xxii, 54, etc., mais aussi pour quelques rois de Juda. III Reg., xxi, 26 ; xxiii, 30. Il y a d’ailleurs çà et là d’autres exceptions à la complète régularité des formules. Entre ces phrases caractéristiques du commencement et de la fin, l’auteur insère les détails biographiques concernant chaque monarque. — Il suit le principe suivant pour l’arrangement des deux séries de rois : un règne commencé est raconté jusqu'à son achèvement ; le narrateur reprend ensuite le règne ou les règnes synchroniques de l’autre série. C’est ainsi qu’après avoir relaté les événements du règne de Jéroboam I ar d’Israël, il passe à ceux des trois rois de Juda qui occupèrent le trône en même temps que lui ; puis il revient aux six rois schismatiques qui furent contemporains d’Asa, etc. Cf.
III Reg., xiv, 13-Xvi, 28.
2o But de l’auteur. — Comme les autres annalistes sacrés d’Israël, l’auteur des deux derniers livres des Rois ne s’est point proposé de raconter de l’histoire pure et simple. Le point de vue auquel il s’est placé est avant tout religieux et théocratique ; ce sont les destinées du peuple de Jéhovah, les développements du royaume de Dieu sur la terre, qu’il veut constamment décrire. Il manifeste cette intention plus peut-être qu’aucun autre historien biblique, et c’est en ce sens qu’il apprécie constamment les hommes et les faits. On en trouve des preuves nombreuses et saillantes dans son livre. — a) Tout en fournissant sur les événements politiques tous les renseignements indispensables, il glisse avec rapidité sur la plupart d’entre eux ; bien plus, il ne craint pas d’en omettre d’assez importants, qui n’allaient point à son but, ce qui ne s’expliquerait point de la part d’un annaliste ordinaire. C’est ainsi, comme on le voit en comparant nos deux livres avec le second des Paralipomènes, qu’il est muet sur la campagne de Zara contre Juda, sur les guerres de Josaphat contre les Moabites, les Ammonitesetles Édomites, sur la victoire remportée par Ozias dans sa campagne contre les Philistins, sur la captivité de Manassé à Babylone, etc. Cf. II Par., xiv, 9-15 ; xx, l-30 ; xxvi, 6-15 ; xxxiii, 11-17. Il ne mentionne aussi que superficiellement la prise de Jérusalem par Sésac, III Reg., xiv, 25-26 ; cf. II Par., xii, 1-12 ; la guerre d’Amasias contre l’Idumée, IV Reg., xiv, 7 ; cf. II Par., Xxv, 5-17 ; la guerre désastreuse de Josias contre le pharaon Nécbao,
IV Reg., xxiii, 29-30 ; cf. II Par., xxxv, 20-25, etc. — b) Au contraire, il appuie sur certains détails, sur certaines périodes, qui se rattachaient davantage à son but. Ainsi, bien que tous les rois d’Israël et de Juda soient mentionnés dans le récit et qu’on porte un jugement sur leur vie, n’eussent-ils régné que quelques jours, cf. III Reg., xvi, 15-19, il est remarquable que le narrateur a spécialement insisté sur six règnes plus importants, soit en bien, soit en mal, sous le rapport théocratique : ceux de Salomon, III Reg., i-xi, de Jéroboam Ier, III Reg., xii, 25-xiv, 20 ; d’Achab, III Reg., xvi, 29-xxii, 40 ; de Joram d’Israël, IV Reg., iii, 1-ix, 26 ; d'Ézéchias, IV Reg., xviii-xx ; de Josias, IV Reg., xxiixxiii. Salomon avait développé le culte divin ; Ezéchias et Josias contribuèrent à le rétablir ; Jéroboam Ier, Achab et Joram introduisirent ou favorisèrent l’idolâtrie. — c) Même réflexion à faire au sujet de l’ampleur des récits qui concernent le temple et le rôle des prophètes. Cf. III Reg., v, 1-ix, 9 ; xii, 22-24 ; xiii, 1-32 ; xiv, 1-10 ; xvii-xix ; xxi, 17-24 ; xxii, 13-28 ; IVReg., l-ii ; lv-vm ; ix, 1-10 ; xii, 4-16 ; xiii, 14-21 ; xix, 1-34 ; xx, 1-19 ; xxi, 10-16 ; xxii-xxiii ; xxv, 9-17, etc. L’auteur se complaît à signaler le zèle des prophètes en tant que gardiens vigilants de la loi divine. — d) Les réflexions morales par lesquelles l'écrivain sacré commente brièvement les faits et la manière dont il rattache les malU49
ROIS (IIIe ET IVe LIVRES DES)
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heurs de la nation aux crimes qu’elle avait commis contribuent aussi pour beaucoup à révéler son dessein et son but. Voir III Reg., ix, 3-9 ; xi, 11, 33, 38 ; xiv, 7-16 ; xvi, 12, 13 ; IV Reg., x, 31 ; xiii, 2-3 ; xxi, 11-16 ; xxii, 15-20 ; xxiv, 3, 20, et surtout le passage si poignant IV Reg., xvii, 7-23. — e) Il parle également avec insistance de la loi mosaïque et de l’alliance du Sinaï, comme d’une source de vie et de bonheur pour Israël. Cf. III Reg., ii, 2-4 ; iii, 3, 14 ; vi, 12, 38 ; viii, 35, 55, 58, 61 ; ix, 4, 6 ; xi, 11, 33, 34, 38 ; xiii, 21 ; xiv, 8 ; xviii, 18 ; xix, 10, 14 ; IV Reg., x, 31 ; xiii, 23 ; xiv, 6 ; xvii, 8, 13, 15, 16, 19, 34, 37-38 ; xviii, 6, 12 ; xxi, 8 ; xxii, 8, 11 ; xxiii, 2-3 ; xxi, 24-25. — f) Enfin, le narrateur revient très fréquemment sur le magnifique oracle par lequel Dieu avait promis, II Reg., vii, 1-29, la perpétuité du trône aux descendants de David. Cf. III Reg., it, 4, 14 ; m, 6 ; vii, 12 ; viii, 25-26 ; ix, 5 ; xi, 11-13, 34-39 ; xv, 4 ; IV Reg., viii, 19 ; x, 34 ; xx, 6, etc. — Il est clair, d’après tout cela, que ce que l’auteur veut avant tout, c’est de nous montrer « la main de Dieu dans l’histoire du peuple (israélite) et de ses rois. » LaBïble annotée, Les livres’historiques, in-8°, t. iv, Neuchatel, 1897, p. 4. Dans ses pages, nous avons donc surtout une histoire religieuse pour l’époque de la royauté. Comme l’a dit Strack, Einleitung in das Allé Testament, 4e édit., in-8°, Munich, 1895, p. 74 : « Son intention n’était pas d’enseigner l’histoire d’Israël, mais de dégager les leçons de l’histoire. »
UT. IMPORTANCE DES IIP ET IV LIVRES DES ROIS. —
Elle est tout à la fois historique et religieuse, mais surtout religieuse. De beaux et vastes horizons sont ouverts dans cet écrit, plus encore au théologien qu’à l’historien. Et, puisque c’est au point de vue messianique que se mesure tout d’abord l’importance d’un livre biblique, on peutdire que le livre des Melàkîm est privilégié sous ce rapport. En effet, nous venons de voir que l’oracle par lequel Nathan promit à David, au nom du Seigneur, la perpétuité du trône, en forme le centre d’une certaine manière ; or, cet oracle se rapporte certainement au Messie, qui seul devait le réaliser finalement. Voir le Ps. Lxxxvin ; Frz. Delitzsch, Old Testament llistory of Rédemption, in-12, Edimbourg, 1881, p. 87-111 ; Cvon Orelli, Die alttestamentliche Weissagung von der Vollendung des Gottesreiches, in-8°, Vienne, 1882, p. 168171 ; . A. Tholuck, Die Propheten und ihre Weissagungen, in-8°, Gotha, 1860, p. 165-170. C’est bien une conclusion messianique que nous lisons à la fin du dernier livre, IV Reg., xxv, 27-30. La faveur accordée à Jécbonias par Evilmérodach « jette sur la sombre nuit de l’exil le premier rayon lumineux d’un avenir meilleur, qui devait bientôt commencer pour la race de David, en même temps que pour tout le peuple ; elle lui garantissait l’accomplissement certain de la promesse en vertu de laquelle le Seigneur ne retirerait pas à jamais sa miséricorde à la postérité de David. » F. Keil, Die Bûcher der Kônige, p. 7. Or, c’est en Jésus-Christ seul que cette promesse s’est accomplie, et par lui seul que la race de David règne éternellement.
. iv. l’époque de la composition et l’auteuti. — 1° L’époque. — La date la plus ancienne à laquelle puissent remonter nos deux livres est marquée par le fait qui les termine : l’exaltation du roi Jéchonias, IV Reg., xxv, 27-30 ; or, il eut lieu en 561 avant J.-C. L’auteur ne mentionne pas la fin de la captivité, dont l’édit de Cyrus, en 536, donna le signal. La composition du troisième et du quatrième livre des Rois est donc antérieure au retour d’exil. Par conséquent, comme limites extrêmes, nous avons d’une part l’année 561, de l’autre l’année 536 avant notre ère. La rédaction eut lieu entre ces deux dates, vers le milieu de la captivité de Babylone. La plupart des néo-critiques, entre autres Kuenen, Wellhausen, Benzinger, Kautzsch, admettent que l’ouvrage aurait été à peu près achevé vers l’an 600
avant J.-C. Divers passages parlent clairement de la ruine de Jérusalem et du temple. Cf. III Reg., IX, 1-9 ; xi, 9-13 ; IV Reg., xvii, 17-20 ; xx, 17-18 ; xxi, 11-15 ; xxii, 15-20 ; xxiv, 18-25, 30, etc.
2° L’auteur. — 1. Quoi qu’on ait dit parfois en sens contraire, l’auteur des deux derniers livres des Rois n’est certainement pas le même que celui des deux premiers livres. Il existe, en effet, entre les deux écrits des différences trop sensibles pour qu’ils puissent provenir d’une main identique. Pour le style, voir ci-dessous. Quant au fond, voici les nuances les plus frappantes : a) Les livres de Samuel (1 et II Reg.) exposent d’ordinaire l’histoire israélite avec beaucoup de détails ; ceux des Rois (III et IV Reg.) l’abrègent et la condensent le plus souvent. — b) Les livres de Samuel ne citent que fort peu de dates ; ceux des Rois en fournissent un grand nombre. — c) Les livres de Samuel ne mentionnent pas les sources auxquelles leurs renseignements ont été puisés ; les livres des Rois renvoient fréquemment aux leurs. — d) Là, le culte des hauts lieux paraît avoir été encore toléré, cf. I Reg., IX, 12 ; ici, il est sévèrement blâmé et condamné, cf. III Reg., ut, 3 ; xii, 31 ; xiii, 32 ; xv* 14, etc. — e)Les livres de Samuel ne renvoient qu’une seule fois le lecteur à la loi mosaïque, II Reg., xxii, 23 ; ceux des Rois y font de nombreuses allusions. Voir col. 1149.
2. La tradition juive affirme très explicitement que le prophète Jérémie aurait composé les deux derniers livres des Rois. « Jérémie, dit le Talmud de Babylone, traité Baba bathra, 15 a, a écrit son livre (c’est-à-dire sa prophétie), le livre des Melàkîm (III et IV Reg.) et les Thrènes. » Voir L. Wogue, Histoire de la Bible et de l’exégèse biblique jusqu’à nos jours, in-8°, Paris, 1881, p. 28. Divers interprètes catholiques ou protestants, à la suite de saint Isidore de Séville, De off. eccl., i, 12, t. Lxxxin, col. 747, de Sixte de Sienne, de Cornélius à Lapide, etc., regardent encore cette opinion, sinon comme certaine —avec Hasvernick, Einleitung in das A. T., t. ii, 1™ partie, p. 171-172 ; Rawlinson, dans la Speaker’s Bible, t. ii, p. 471-472 ; Fr. Kaulen, Einleitung in die heil. Schriften, 3e édit., p. 198 ; R. Cornely, lntroductio specialis in Vet. Testamenti libros, in-8°, Paris, 1887, p, 293-295 — du moins comme très vraisemblable. Les données de l’histoire sont insuffisantes pour démontrer d’une façon rigoureuse la vérité de cette opinion ; il est néanmoins certain qu’on peut alléguer en sa faveur quelques considérations qui ne manquent pas de force : — a) Les hébraïsants ont établi d’intéressantes comparaisons, desquelles il résulte que le style et le genre littéraire de nos deux livres rappellent beaucoup la diction et le genre de Jérémie. Voir Hævernick, op. cit., t. ii, 1° partie, p. 171-178 ; Rawlinson, dans la Speaker’s Bible, t. ii, p. 470-471 ; Driver, Introduction to the Books of the Old Testant., 5e édit., p. 193. Pour la promesse faite à David et à sa race, cf. III Reg, , viii, 24 ; ix, 5, et Jer., xui, 13 ; xvii, 25 ; xxxiii, 17 ; pour la prophétie relative à la ruine du temple, cf. III Reg., ix, 8, et Jer., xviii, 16 ; xix, 8, etc ; au sujet du caractère terrible des calamités que devait subir le peuple d’Israël, cf. IV Reg., xxi, 12-xxiv, 16, et Jer., xtx, 3 ; xxii, 17 ; xxx, 16 ; Thren., ii, 8, etc. D’autre part, il est remarquable que le verbe hiddiah, employé dix-neuf fois par Jérémie pour marquer la dispersion des Juifs en exil, n’apparaît nulle part dans les deux derniers livres des Rois. — 6) La conclusion historique par laquelle se termine la prophétie de Jérémie, lu, 1-34, est pour ainsi dire calquée sur la dernière page des Rois, IV Reg., xxiV, 18-xxv, 30, ou réciproquement. — c) Le ton grave et mélancolique qui caractérise les oracles de Jérémie est aussi celui de nos deux livres. Le prophète d’Anathotha en grande partie composé son écrit pour démontrer, lui aussi, que Dieu avait été très juste en châtiant sévèrement 1151
ROIS (IIIe ET IVe LIVRES DES)
1152
les Israélites et en mettant fin au royaume théocratique. Or, tel est précisément le but du troisième et du quatrième livre des Rois. — d) Les épisodes dont est parsemé le recueil des prophéties de Jérémie et ceux qui remplissent la partie correspondante de nos deux livres semblent provenir delà même main. Cf.IVReg., xxiv, 1, et Jer., xxv, 1-11 ; IV Reg., xxiv, 7, et Jer., xlvi, 2-12 ; IV Reg., xxiv, 10-17, et Jer., xxvri, 1-15 ; IV Reg., xxv, 1-30, et Jer., xxvii, 16-22 ; xl, 5-9 ; xii, 1-34, etc.
— e) III et IV Reg. contiennent des renseignements nombreux et importants sur les prophètes. Or, ce thème devait être particulièrement cher à Jérémie. D’autre part, ce Voyant célèbre, qui joua un rôle politique et religieux très considérable de son temps, n’est pas même mentionné au quatrième livre des Rois ; ce fait, difficile à expliquer en lui-même, devient clair si Jérémie est l’auteur de III et IV Reg. — Il est vrai que Jérémie, dont la mission prophétique fut inaugurée durant la treizième année du règne de Josias, cf. Jer., I, 2, c’est-à-dire en 627, aurait été âgé d’environ 90 ans lors de la mise en liberté de Jéchonias. Mais il putfort bien composer le troisième et le quatrième livres des Rois aussitôt après que ce prince eut été emmené en captivité ; dans ce cas, il n’aurait eu qu’à ajouter ensuite la conclusion commune à sa prophétie et à IV Reg. Ce fait expliquerait pourquoi, en divers passages, cf. III Reg., vin, 8 ; IX, 22 ; xii, 19 ; IVReg., viii, 22, l’écrivain sacré parle comme si l’état de choses qui existait avant la ruine du royaume de Juda demeurait encore en vigueur.
— Ajoutons d’ailleurs qu’il ne s’agit, dans cette thèse, que d’une possibilité et d’une vraisemblance, nullement d’une certitude.
V. DOCUMENTS QUI ONT SERVI À COMPOSER LES DEUX
derniers livres des rois. — 1o Les trois sources principales. — - L’auteur a eu à sa disposition plusieurs documents, qu’il mentionne très souvent lui-même, et auxquels il renvoie ceux des lecteurs qui désireraient avoir des renseignements plus complets que les siens. Pour le règne de Salomon, il cite « le livre des actes » de ce prince (Vulgate, liberverborùm dierum Salomonis). III Reg., xi, 41. Pour l’histoire synchronique des rois de Juda et d’Israël, il cite assez régulièrement deux autres sources, à la fin de chaque règne : d’un côté la « chronique des rois de Juda » (Vulgate, liber sermonum dierum Juda) ; de l’autre, la « chronique des rois d’Israël » (Vulgate, liber verborum dierum regum Israël). Celle-là est citée quinze fois : III Reg., xiv, 29, pour Roboam ; xv, 7, pour Abias ; xv, 23, pour Asa ; xxii, 45, pour.Tosaphat, IV Reg., viii, 23, pour Joram ; xii, 19, pour Joas ; xiv, 18, pour Amasias ; xv, 6, pour Azarias ; xv, 36, pour Joatham ; xvi, 19, pour Achaz ; xx, 20, pour Ézéchias ; xxi, 17, pour Manassé ; xxi, 25, pour Amon ; xxiii, 28, pour Josias ; xxiv, 5, pour Joakim. Elle est omise pour Ochozias, Athalie et les deux derniers rois de Juda, Jéchonias et Sédécias. Là « chronique des rois d’Israël a est mentionnée dix-sept fois : III Reg., xiv, 19, pour Jéroboam Ier ; xv, 31, pourNadab ; xvi, 5, pour Baasa ; xvi, 14, pour Éla ; xvi, 20, pour Zamhri ; xvi, 27, pour Amri ; xxii, 39, pour Achab ; IV Reg., i, 18, pour Ochozias ; x, 34, pour Jéhu ; xiji, 8, pour Joachaz ; xiii, 12, pour Joas ; xiv, 38, pour Jéroboam II ; xv, 11, pour Zacharie ; xv, 15, pour Sellum ; xv, 21, pour Manahen ; xv, 26, pour Phacéia ; xv, 31, pour Phacée. Elle n’est omise que pour Joram et Osée, le dernier roi. Ces rares omissions n’ont sans doute pas d’autres causes, de part et d’autre, que la difficulté d’insérer la formule habituelle, vu l’arrangement des matériaux. — Au passage III Reg., viii, 53, les Septante font suivre la prière prononcée par Salomon après la dédicace du temple, de cette note qui manque dans l’hébreu : « Est-ce qu’elle (atftri, la prière) n’est pas écrite dans le Vivre i^ç ùS-fc’? » Le traducteur a lu sans doute hassîr,
<i du cantique », tandis que son texte portait vraisemblablement hay-yâSdr, « du juste » ; par conséquent, dans le livre du Juste. Cf. Jos., x, 13 ; Juste (Livre Du) r t. iii, col. 1873-1875. — Ce renvoi perpétuel à ses sources montre que l’auteur les a utilisées fidèlement et consciencieusement, qu’il désirait un contrôle, bien loin de le redouter.
2o Nature de ces documents. — En comparant les-deux derniers livres des Rois avec le second des Paralipomènes, nous pouvons nous former une idée assez exacte des sources qui ont servi de base aux Melâkim. Pour d’assez nombreux passages il existe, entre le& deux écrits, une ressemblance frappante, qui va parfois jusqu’à la coïncidence verbale. Nous nous bornerons à signaler ici les principaux :
Cf. III Reg., iii, 5-15, et II Par ; , i, 7-13.
(v 2-ix, 27) (h, 1-vni, 2).
x, 1-29 ix, 1-28.
xi, 41-43 29-31.
au, 1-19 s, 1-19.
21-24 xi, 1-4.
xiv, 25-31 xii, 9-16.
xv, 16-22 xvi, 1-6.
xxii, 2-35 xviii, 1-34.
41-50 xx, 31-37.
IV Reg., viii, 17-23 xxi, 5-10.
25-29 xxii, 1-6.
xi, 1-xii, 14 xxii, 10-xxiv, 14.
xiv, 12-14 xxv, 1-5, 17-24.
17-22 xxv, 25-xxvi, 2.
Xv, 32-38 xxvii, 1-9.
xvi, 1-4 xxviii, 1-4.
XXi, 1-9 xxxiii, 1-9.
17-24 18-25.
xxii, 1-xxiii, 4 xxxiv, 1-33.
De cette ressemblance, on conclut communément et à bon droit que les deux écrivains sacrés ont puisé â des sources identiques, Or, l’auteur des Paralipomènesest un peu plus explicite que celui des Melâkim sur la nature de ses propres documents, et, grâce à lui, il nous est possible de nous faire une idée assez précise des matériaux qui ont également servi à composer le troisième et le quatrième livres des Rois. D’après-II Par, , ix, 29, le récit des événements du règne de Salomon a été emprunté aux « paroles du prophète Nathan », au « livre d’Ahia le Silonite » et à la « vision du Voyant Addq ». D’un autre côté, les passages II Par., xii, 15 ; xiii, 22 ; xx, 34 ; xxvi, 22 ; xxxii, 32 ; xxxm, 18-19, nous avertissent que les annales des roisde Juda furent rédigées d’après les « livres du prophète Séméias et du Voyant Addo », les « paroles de Jéhu fils d’Hanaël », la « vision d’Isaïe fils d’Amos », . et lès « discours d’Hozaï ». L’auteur des Paralipomènes cite souvent aussi le « livre des rois de Juda et d’Israël », Lorsqu’il mentionne les écrits de Nathan, d’Ahias, d’Addo, etc., il lui arrive d’ajouter qu’ils sont contenus dans ce livre. Cf. II Par., xx, 30 ; xxxii, 32, etc. Il suit de là que les prophètes en question avaient écrit l’histoire de leur temps, que leurs compositions avaieut été reunies, avant l’exil, dans un grand ouvrage, que l’on désignait tantôt par le titre de Livre des rois de Juda ou d’Israël, tantôt sous le nom. du prophète qui en avait écrit telle partie déterminée. On explique par là pourquoi les faits relatifs à Salomonsont donnés, III Reg., xi, 41, comme extraits des « fastes » de ce prince, tandis que, II Par., ix, 29, il est dit qu’ils sont tirés des « Paroles des prophètes ». Il est probable, d’après le langage de l’auteur des deux derniers livres des Rois, que les annales des royaumes d’Israël et de Juda ne formaient pas un seul et même ouvrage, mais deux œuvres distinctes. En plusieursendroits de nos deux écrits, par exemple III Reg., iv, .
3 ; viii, 16 ; xx, 24 ; IV Reg., xviii, 18, 37 et II Par., xxxiv, 8, il est dit que David, Salomon et Ézéchias avaient parmi leurs ministres principaux un mazkîr, à la lettre, « celui qui aide la mémoire » (Septante, ô j7rou.iu.vr|(jxwv, <> J7co ! rvï]u.aTo"fp*ïoç, etc., Vulgate, a commentariis), dont le rôle aurait consisté, croit-on, à noter officiellement les faits de chaque règne. Il est vraisemblable que les autres rois de Juda et ceux d’Israël avaient un fonctionnaire analogue. Quelques interprètes n’ont pas manqué de supposer que les deux derniers livres des Rois et le second des Paralipomènes ont eu ce genre de documents pour base ; mais nous venons de voir que leur opinion est réfutée par l’auteur lui-même des Paralipomènes. Cet auteur et celui des Meldkîm n’ont pas eu pour documents principaux les annales assez problématiques du mazkir officiel de chaque règne, mais les écrits historiques des prophètes. Voir Benzinger, Die Bûcher der Kônige, p. xii-xm. Il suit encore de là que quelques néo-critiques se lancent dans une discussion assez oiseuse — les uns répondant affirmativement, les autres négativement — lorsqu’ils se demandent si l’auteur de III et IV Reg., a puisé d’une manière immédiate aux sources auxquelles il renvoie, ou s’il n’a eu à sa disposition qu’un ouvrage historique fondé sur elles. L’auteur a eu directement entre les mains les documents cités par lui.
3° Leur valeur. — Ces divers documents étaient tous contemporains des faits racontés, ce qui leur donne une grande autorité. À un autre point de vue encore, ils présentent la plus haute garantie de fidélité historique, puisqu’ils furent composés par des personnages saints et sacrés. Les rationalistes eux-mêmes sont obligés de reconnaître à ces sources une véritable valeur et une antiquité réelle, du moins en bien des cas. Voir Kautzsch, Abriss des alttestum. Schrifttums, in-8°, Fribourg-en-Brisgau, 1897, p. 63.
4° Emploi qu’en a fait le narrateur. — Souvent, il a dû insérer textuellement dans son récit les passages qui lui convenaient. On le voit en comparant IV Reg., xviil, 13-xx, 19, et Is., xxxvi-xxxix, passages identiques dans lesquels une source commune a été utilisée d’une façon littérale. Ce fait explique aussi quelques réflexions qui semblent, à première vue, un anachronisme de la part d’un écrivain qui raconte la ruine de Jérusalem et du temple. Cf. III Reg., viii, 8 ; ix, 21 ; su, 19 ; IV Reg., xiv, 7. D’autres fois, l’auteur abrège ou complète d’après d’autres documents. Cf. III Reg., xv, 1-8 et II Par., xiii, 1-23, etc. Mais l’ensemble dénote partout un travail très réel de composition, accompli par un seul et même écrivain, qui avait son plan tracé d’avance, et qui a tiré de ses. sources le meilleur profit, tout en demeurant personnel et indépendant.
VI. LES NÉO-CRITIQUES ET LES DEUX DERNIERS LIVRES
des kois. — 1° Exposé de leurs théories. — a) À rencontre de ce qui vient d’être dit, les critiques rationalistes se refusent à voir dans ces deux livres un travail unique, provenant d’un seul et même historien ; ils les regardent comme une œuvre de compilation, préparée peu à peu par une série plus ou moins considérable de rédacteurs. Nous avons déjà exposé plus haut le principe qui, d’après leur assertion toute gratuite, sert de base à leur opinion, pour cet écrit comme pour ceux des Juges et de Samuel. Ils le répètent ici avec plus de force que jamais, et prétendent découvrir à tout instant dans les Melâkim les « influences deutéronomiques « qui démontreraient, suivant eux, l’existence de rédactions multiples et de remaniements réitérés. Voir Driver, Introduction, p. 189 ; Kautzsch, Abriss, p. 61-66 ; Benzinger, Die Bûcher der Kônige, p. xm ; Kittel, Die Bûcher der Kônige, p. vii, etc. Comme pour les deux premiers livres, leur langage est aussi injuste que sévère : « Un examen superficiel des livres des Rois (III et
IV Reg.) suffit pour démontrer clairement le fait qu’ils’sont une compilation, et non pas une composition originale. » The Jewish Encyclopedia, t. vii, New-York,
1904, p. 506. « Nous ne pouvons pas parler de l’auteur
des (livres des) Rois, … mais seulement d’un ou de
plusieurs éditeurs successifs, dont le travail principal
a consisté à arranger sous une forme continue des
extraits de livres plus anciens. » W. R. Smith, dans
V Encyclopmdia Britannica, 9e édit., t. xiv, Edimbourg, 1882, p. 83. Le même auteur, ibid., p. 86, parle du « caractère purement mécanique de la rédaction par laquelle ont été groupés des documents de différentes sortes ; » il affirme que « les historiens du (royaume du) nord et du (royaume du) sud ont été simplement rattachés les uns aux autres dans une sorte de mosaïque. »
b) Prenant l’existence de ces prétendues « influences deutéronomiques » pour point de départ de leurs investigations, les néo-critiques signalent à chaque page de l’écrit les divers rédacteurs ou compilateurs qui ont successivement concouru à produire nos deux livres sous leur forme actuelle, et ils assignent à chacun d’eux sa part déterminée, ne se composât-elle que de quelques mots épars çà et là. C’est ce que font en particulier, à la suite du D 1 Wellhausen, MM. Kuenen, Cornill, Kautzsch, Winckler, Benzinger, Kittel, Stade et Schwally, dans les ouvrages désignés ci après (col. 1162). Rien de plus significatif, sous ce rapport, que la manière dont M. Kittel d’une part, MM. Stade et Schwally de l’autre, ont essayé de placer directement sous les yeux de leurs lecteurs, celui-là au moyen de types différents, ceux-ci par l’emploi des couleurs (dans la Bible hébraïque dite « polychrome » ) le résultat de leurs découvertes. M. Kittel admet neuf couches distinctes de documents, amalgamés par le compilateur. MM. Stade et Schwally ont recours à dix couleurs variées, pour marquer autant d’espèces de documents, de remaniements, d’insertions, etc. Le blanc représente la base originale de l’écrit, savoir, « l’épitomé prophétique des rois d’Israël et de Juda, composé aux derniers jours du royaume de Juda, sous Joachin ou Sédécias, par un pieux auteur qui était imbu de l’esprit du Deutéronome » (par exemple, III Reg., viii, 11-13 ; ix, 12-13,
- 20, 26-27 ; x, 28-29 ; xv, 2-3, etc.). Le rouge foncé
marque « des extraits de documents historiques plus anciens » (entre autres, III Reg., i, 1-53, à part le verset 37 ; ii, 13-25, 28-33, etc.) ; le rouge clair, « des extraits de sources plus récentes » (par exemple, III Reg., iii, 16-28 ; v, 15-16, 20-27, etc.). Le vert tendre désigne, d’une part, « toutes les portions d’un caractère deutéronomique » qui n’appartiennent point à l’abréviateurlui-même ; d’autre part, « la continuation de l’épitomé par un deutéronomiste postérieur à l’exil, » et aussi « des additions subséquentes, ayant pour but d’établir une connexion entre les légendes des prophètes et les parties deutéronomiques du livre » (III Reg., viii, 14-25, 26-32, 35-66 ; xi, 2-3, 29-31, 33-38 etc.). À l’orange clair correspondent « des additions non deutéronomiques d’origine inconnue » (III Reg., x, 1-11, 13-27 ; xvi, 12 ; xviii, 32-33 ; xxi, 21-23, etc.) ; à l’orange foncé, « les additions qui semblent avoir été empruntées â d’autres ouvrages historiques, et qui, tout d’abord, étaient peut-être placées en marge » (par exemple, III Reg., xiv, 1-19 ; v, 7-8, 29-30 ; vil, 41-44, etc.) ; au violet foncé, « les textes qui ont pour but d’établir l’harmonie entre divers passages du livre » (III Reg., ix, 18-23, 25 ; x, 12, 27 ; xi, 32, etc.) ; au bleu clair, « des extraits des légendes des prophètes » qui, sous leur forme présente, sont toutes postérieures à l’exil, bien que le fond de ce qui concerne Élie et Elisée remonte peut-être à une époque antérieure à la captivité. III Reg., xii, 21-24 ; xin, 1-33, etc. Le bleu foncé et le violet clair servent à marquer, dans ce qu’on nomme les légendes d’Isaïe,
V. - 37 « des insertions provenant de narrations parallèles » (par exemple, IV Reg., xix. 10-20, 32, 34 ; xx, 1-6, 1219, etc.). On admirerait une telle perspicacité, si elle n’inspirait dès l’abord une vive défiance. Qui ne voit, en effet, combien elle fait redouter l’arbitraire, surtout lorsqu’on la sait animée d’un esprit préconçu ?
c) Dans les deux derniers livres des Rois, comme dans les deux premiers, M. Cornill reconnaît la main du jéhoviste et celle de l’élohiste, actives en divers sens. C’est le jéhoviste qui raconte la fin du règne de David. III Reg., i-ii. D’ailleurs, les néo-critiques sont à peu près d’accord pour rattacher ces deux chapitres au second livre de Samuel, dont, suivant eux, ils auraient fait primitivement partie. Dans III Reg., m-xi, passage où est exposée la vie de Salomon, M. Cornill aperçoit trois couches distinctes : 1° une série de récits ou de notes qui ont pour but manifeste d’exalter le roi, entre autres, iv, 2-19 ; v, 7-8, 16, 20, 21-25, 27-28, 31-32 ; vi, 37-38, etc. ; 2° des enjolivements encore plus légendaires, pour mettre en relief sa sagesse et ses richesses, par exemple, v, 2, 3, 6, 9-15, etc. ; 3° « une couche deutéronomique, qui tantôt demeure indépendante, tantôt se borne à remanier, » par exemple, iii, 1-15 ; v, 17-19 ; viii, 15-53, etc. Dans la suite du récit, à partir de III Reg., xii, M. Cornill consent à trouver une œuvre généralement pleine d’unité, « de telle sorte que, pour le livre des Rois plus que pour aucun autre livre historique (de la Bible), il est permis de parler d’un auteur. » L’élohiste a eu sa grande part dans la composition des chap. xii, xiv, xv et xvi ; mais le jéhoviste a fourni les passages xiv, 25-28 ; xv, 16-20 ; xvi, 34. Le chap. xill est une légende de prophètes « . d’un genre tout à fait grotesque ; » c’est un produit très récent. La partie fondamentale du livre des Meldkim se trouve dans le groupe III Reg., xvii-IV Reg., x. « Elle contient les morceaux les meilleurs et les plus satisfaisants des récits historiques de l’Ancien Testament ; » mais îanl evi séparer 1 Heg., i, 2 b -12, où nous n’avons qu’une légende sans portée. M. Comili est en outre partisan, comme la plupart des néo-critiques contemporains, de deux rédactions « deutéronomiques », dont l’une date environ de l’an 600 avant J.-C, tandis que l’autre est un peu plus récente (la moitié ou la fin de l’exil) ; mais il croit que, jusqu’au m » siècle avant notre" ère, on a opéré des remaniements dans les deux livres. Bien entendu, nos critiques savent distinguer ce qui appartient à chacun des deux rédacteurs, et ce qui est simple remaniement ; ainsi, « il faut attribuer le synchronisme (des rois) au second rédacteur ; les dates des règnes ont été insérées par le premier. » Benzinger, Die Bûcher der Kônige, p. xvin.
2° Fausseté de ces théories. — a) L’auteur des deux derniers livres des Rois affirme lui-même, nous l’avons vu, qu’il s’est servi de plusieurs documents contemporains des événements qu’il raconte, et il est certain qu’il a dû leur faire en certains endroits des emprunts considérables. Mais, entre son mode de composition et celui que lui attribuent les critiques rationalistes, il y a une énorme différence. Ce n’est point « d’une manière mécanique », et pour ainsi dire fortuite, qu’il a groupé ses matériaux ; il les coordonne et les dispose toujours d’une façon suivie, régulière, conforme au plan qu’il s’était tracé d’avance. Il a ainsi produit, non pas une « mosaïque », mais une œuvre qui ne manque pas d’unité. Cette unité se manifeste soit par la marche du récit, toujours uniforme et semblable à elle-même, et, en particulier, par le cadre extérieur dans lequel ont été insérés les faits de chaque règne ; soit par le but et le point de vue spécial de l’auteur, qui sont identiques depuis le commencement jusqu’à la fin ; soit par le style, car les locutions propres à l’historien sacré reviennent aussi partout. — 6) Ce que nous avons dit plus haut de l’arbitraire, des preuves purement sub jectives, des contradictions perpétuelles des néo-critiques à propos des livrés de Samuel, on peut le dire également de leurs théories relatives aux Meldkim. Leur genre de critique littéraire est aisé, et qui ne se chargerait de l’appliquer avec aussi peu de sérieux et de solidité, aux œuvres de Racine et de Bossuet, ou même à des ouvrages beaucoup plus récents ?
3° Réfutation de quelques objections particulières.
— a) Évidemment, le rationalisme contemporain ne pouvait manquer de signaler, à l’appui de ses négations, la part très notable qui a été faite à l’élément surnaturel dans nos deux livres, surtout dans l’histoire d’Élie et d’Elisée. « Un trait caractéristique des livres des Rois, ce sont les histoires des prophètes, les nombreuses légendes relatives aux représentants de la théocratie, dont la plupart ont été mêlés aux événements… Il n’y a presque pas de chapitre où ils n’occupent le premier rang. Quand l’occasion se présente de le3 introduire, de les faire parler et agir, la narration s’arrête aux détails, devient pittoresque, anecdotique, prolixe même, de sommaire et décolorée qu’elle est ailleurs. » Encyclopédie des sciences religieuses de Lichtenberger, t. XI, p. 258-259. — Nous n’avons pas à redire ici que la présence de l’élément surnaturel, des miracles, des prophéties, ne démontre absolument rien au sujet de l’époque où a été composé tel ou tel récit, et il a été remarqué plus haut qu’il entrait précisément dans le plan de l’auteur d’insister sur tout ce qui, dans l’histoire des rois d’Israël, offrait un caractère théocratiqu plus palpable.
6) On prétend que l’intérêt pour la loi de Moïse, si vivant dans les deux derniers livres des Rois, « n’existait pas dans l’ancien Israël, » et qu’il est « tout à fait étranger aux mémoires plus anciens qui ont été incorporés dans ces livres, » de sorte que, partout où il fait son apparition, on peut être sûr qu’il s’est glissé tardivement une main « deutéronomique ». — Mais c’est là une assertion toute gratuite, dont il est impossible de démontrer la vérité, car elle repose sur une base entièrement fausse, la fabrication du Deutéronomeâ l’époque du roi Josias. Quant à l’intérêt, d’ailleurs très réel, que l’auteur des Meldkim manifeste pour la loi mosaïque, nous avons montré qu’il fait également partie de son but et de son plan.
c) Comme pour les livres de Samuel, on objecte contre l’unité de rédaction, mais plus timidement, les « doublets » ou répétitions, et même les contradictions proprement dites qu’on rencontrerait parfois dans l’histoire des rois de Juda et d’Israël. — Il existe, en effet, quelques répétitions. Cf. IV Reg., viii, 28, et ix, 14, 16 ; xill, 12-13, et xiv, 15-16. Elles s’expliquent par les habitudes et par la manière de parler des Orienr taux ; elles ne nuisent pas à l’unité de composition, et ne supposent point des rédacteurs venus l’un après l’autre. Comme exemples Je contradictions, on allègue, d’une part, III Reg., IX, 22, et xi, 28 ; de l’autre, III Reg., xxi, 19, et xxii, 38. Dans les deux premiers passages, après avoir dit que Salomon « ne voulait pas qu’un des fils d’Israël fût esclave, » l’écrivain sacré parle d’un chef chargé de diriger « les travaux des esclaves. « Mais, si l’on se reporte à l’hébreu, on voit que par « travaux des esclaves » il faut simplement entendre des corvées pénibles, et point une servitude proprement dite. En comparant les deux autres textes, on constate que c’est à Samarie que les chiens léchèrent le sang d’Achab, et non dans la vigne de Naboth, comme Élie l’avait prédit. Toutefois, le récit ajoute en termes formels, III Reg., xxi, 27-29, que le Seigneur consentit à adoucir la sentence d’Achab, à cause de son repentir, et que la menace divine fut exécutée à la lettre dans la personne de Joram, fils d’Achab, conformément à la modification qu’elle avait subie. Cf. JV Reg., ix, 24-26. — Pour ces difficultés de divers genres, voir F.Keil, £e/ir1157
ROIS (IIP ET IVe LIVRES DES)
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buch der Einleitung in die kanon. und apokryph. Schriften des Alten Testant., 2e édit., Francfort-sur-le-Main, 1859, p. 183-187 ; P. Clair, Les livres des Rois, ia-8°, Paris, 1879, p. 126-187 ; R. Cornely, Introduetio specialis in historicos Véteris Testant, libros, in-8o, Paris, 1887, p. 288-293.
VU. LA VÉRACITÉ ET L’AUTORITÉ DIVINE DES DEUX
derniers livres des rois. — 1o Le caractère véridique et historique (te cet écrit a été attaqué sur divers points, nous l’avons vii, par les rationalistes contemporains. Ceux-ci sont néanmoins contraints de reconnaître, malgré leurs préjugés multiples, que, « dans leur ensemble, les récits sont assurément très dignes de foi. » Encyclopédie des sciences religieuses de Lichtenberger, t. xi, p. 258. Voir les aveux analogues du D r Cornill, col. 1155. Nous disons que la véracité de la narration est partout la même, et il est facile d’en donner des preuves intrinsèques et extrinsèques.
A) Preuves intrinsèques. Partout, dans nos deux livres, l’histoire est racontée de la manière la plus sérieuse, la plus objective. Nulle part on n’aperçoit les traces de la plus légère flatterie à l’égard des rois ou des autres grands personnages dont la vie est racontée : les bons rois reçoivent de légitimes éloges, mais leurs faiblesses et leurs fautes sont relevées, blâmées sévèrement ; quant aux mauvais princes, ils sont flétris avec une juste indignation. On n’aperçoit aucune de ces exagérations, de ces louanges dithyrambiques, dont les inscriptions égyptiennes et assyriennes fournissent tant d’exemples. En outre, tout, dans les narrations, est conforme à ce que nous connaissons par ailleurs de la vie orientale et des mœurs des potentats dans ces régions. C’est donc bien à tort que les néo-critiques supposent, en certains endroits, des « tendances » et de « l’idéalisation », c’est-à-dire des faussetés historiques. Par la manière dont l’auteur mentionne à tout instant ses sources, il prouve qu’il ne redoutait point le contrôle de l’histoire. Cf. F. Kaulen, Einleitung in die Bûcher A. und N. Teslam., 3e édit., p. 198-199.
B) Les preuves extrinsèques sont encore plus frappantes. Elles nous sont d’abord livrées — a) par la Bible elle-même, où d’autres récits, entièrement indépendants des deux derniers livres des Rois, permettent de faire le contrôle dont il vient d’être question. Il a été dit ci-dessus que le second livre des Paralipomènes couvre la même période que ceux des Melâkim ; or, celui qui l’a composé conserve son entière liberté, tout en utilisant les mêmes sources : les deux récits concordent admirablement. Les allusions historiques qui apparaissent fréquemment dans les livres prophétiques d’Osée, d’Amos, d’Isaïe, de Michée, de Jérémie, de Sophonie, etc., nous procurent un argument identique. « Depuis Ozias, il s’est à peine passé un fait dans Juda ou dans Israël, sans qu’un prophète ou l’autre y ait fait allusion ; et partout il règne un accord complet avec les données des livres des Rois. » Kaulen, loc.cit., p. 199. Voir aussi Eccli., xlvii, 14-xlix, 9. — 6) Les littératures étrangères et les monuments que nous ont légués les contrées bibliques nous documentent d’une façon remarquable sur le point traité. Nous avons 1o les fragments des anciens historiens, Bérose^ fcnéthon, Ménandre, etc. Josèphe, Contravpion., 1/13-34, et Ant. jud., VIII, v, 3, et xiii, 2, en appelait’déjà à leur témoignage pour défendre la véracité des livres historiques de son peuple. Cf. Eusèbe, Prsep. evang., x, 142, t. xxi, col. 680-1764 ; Rawlinson, Bampton Lectures, 2e édit., 1860, p. 89-92. Nous possédons aussi les inscriptions égyptiennes, spécialement celles de Schéschonq Ier, le Sésac de la Bible, III Reg., xi, 40, etxiv, 25, gravées sur les murs du temple de Karnak, qui confirme ce que raconte le IIIe livre des Rois de la campagne de ce prince en Palestine. "Voir Sésac. Cf. Blau, Sisaqs Zug gegen Juda, dans la Zeitschrift derdeutschen
morgenlândischen Gesellschaft, 1861, p. 293-250 ; The expédition of Pharao Shishak against Palestine, dans les Actes du viip congrès international des Orientalistes, IV « partie, in-8o, Leyde, 1892, p. 193-199 ; F. Vigouroux, La Bible et les découvertes modernes, 6e édit., Paris, 1896, t. iii, p. 407-427. - c) La célèbre inscription de Mésa, roi de Moab, complète ce que nous dit la Bible au sujet de ce monarque. Cf. IV Reg., iii, 4-27 ; C. D. Ginsburg, The Moabite stone, in-4o, Londres, 1871 ; V. Testa, L’iscrizione di Mesa illustratae commentata, in-8o, Turin, 1875 ; H. Winckler, Keilinschriftliches Textbuch zum Alt. Testant., in-8o, 1892, p. 100-105 ; F. Vigouroux, loc. cit., p. 464-474. — d)Ce sont les monuments assyriens et les inscriptions cunéiformes qui fournissent les renseignements les plus complets et les plus intéressants. « Après avoir été ensevelis, pendant de longs siècles, sous les ruines et les décombres amoncelés sur les bords du Tigre, ces pages monumentales, gravées sur la pierre ou écrites sur l’argile, ont enfin reparu à la lumière du jour…, et les savants contemporains y ont lii, avec un étonnement mêlé d’admiration, non seulement les noms des fiers monarques de-Ninive, mais aussi des noms qu’on ne s’attendait point à trouver en dehors de la Sainte Écriture, ceux de six rois d’Israël : Amri, Achab, Jéhu, Manahem, Phacée, Osée, et de quatre rois de Juda : Azarias ou Ozias, Achaz, Ézéchias et Manassé, sans parler des noms géographiques. C’est ainsi que les ennemis mêmes du peuple de Dieu sont venus confirmer l’authenticité et la véracité des annales sacrées. » F, Vigouroux, loc. cit., p. 430. Voir sur ce sujet
E. Schrader, Die Keilinschviften und das Alte Testament, in-8o, Giessen, 1872, p. 87-233 ; 3o édit. en 1905 ;
F. Kaulen, Assyrien und Babylonien nach den neuesten Enldeckungen, in-8o, Fribourg-en-Brisgau, 3e édit., 1885, p. 203-225 ; Sayce, Alte Denkmâler im Lichte neuer Forschungen, Leipzig, 1886 ; et surtout F. Vigouroux, op. cit., t. iii, 253-642, t. iv, p. 1-154.
2. L’autorité divine de III et IV Reg. — Ces deux livres, qui ont toujours fait partie du canon biblique chez les Juifs et chez les chrétiens, sont par là-même inspirés et divins. Jésus-Christ et ses Apôtres leur ont emprunté des citations et allusions relativement nombreuses, montrant ainsi la haute estime qu’ils avaient pour eux, et l’autorité supérieure qu’ils leur reconnaissaient. Notre-Seigneur mentionne la richesse des vêtements de Salomon, Matth., vi, 29, cf. III Reg., x, 25 ; la visite de la reine de Saba, Matth., xii, 42, cf. III Reg., x, 1-10 ; la sécheresse au temps d’Élie, la manière dont le prophète secourut la veuve de Sarepla et la guérison du Syrien Naaman par Elisée, Luc., iv, 25-27, cf. III Reg., xvii, 1-16, et IV Reg., v, 1-19. Saint Etienne rappelle dans son discours, Act., vii, 46-48, le désir exprimé par David de construire un temple à Jéhovah et la réalisation de ce souhait par Salomon. Cf. III Reg., vi, 1-38. Dans l’Épitre aux Romains, xi, 24, saint Paul cite III Reg., xix, 10, comme parole de l’Écriture ; dans l’Épitre aux Hébreux, xi, 35, il fait allusion aux résurrections opérées par Élie et Elisée. Cf. III Reg., xvii, 17-24 ; IV Reg., iv, 18-38. Saint Jacques, v, 17-18, signale l’exemple d’Élie comme une preuve de l’efficacité de la prière. Cf. III Reg., xvii, 1. L’Apocalypse, ii, 10, nomme deux fois l’infâme Jézabel.
VIII. CHRONOLOGIE DES DEUX DERNIERS LIVRES DES
rois. — 1o Fréquente mention des dates. — Ainsi qu’il a été dit plus haut, l’auteur note très soigneusement les données chronologiques. Il fait passer sous nos yeux non seulement la durée dés divers règnes, mais aussi le synchronisme des rois d’Israël et de Juda, et les dates des principaux événements. Cf. III Reg., n, 11 ; vt, i, 37, 38 ; vii, 1 ; viii, 2, 65 ; IX, 10 ; xi, 42 ; xiv, 20, 25 ; xv, 1, 9, 25, 33 ; xvi, 8, 10, 15, 23, 29 ; 1159
ROIS. (IIP. ET IV » LIVRES DES)
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xviii, 1 ; xxii, 1, 41, 52 ; IV Reg., i, 17 ; iii, 1 ; viii, 16, 25 ; ix, 29 ; x, 36 ; xi, 3-4 ; xii, 1, 6 ; xiii, 1, 10 ; xiv, 1-2, 17, 23 ; xv, 1, 8, 13, 17, 23, 27, 30, 32 ; xvi, 1 ; xvii, 1, 5 ; xviii, 1, 9, 13 ; xxi, 1, 19 ; xxii, 1, 3 ; xxiii, 23, 31, 36 ; xxiv, 1, 8, .12, 18 ; xxv, 1, 3, 8, 25, 27,
2° Difficultés provenant de cette chronologie. — Saint Jérôme les signalait déjà : Relege omnes et Veteris et Novi Testamenti libros, et tantam annorum reperies dissonantiam, et numerum inter Judam et Israël, id est, inter regnum utrumque, confusum. Epist. lii, 5, t. xxii, col. 675-676. Non seulement les chiffres bibliques ne sont pas d’accord les uns avec les autres ; mais la chronologie assyrienne, dont on a découvert la clef, accroît encore l’embarras des commentateurs, car elle ne cadre pas non plus avec les dates de détail indiquées par les livres des Rois. De nos jours on a beaucoup écrit sur cette question, sans pouvoir la résoudre d’une manière entièrement satisfaisante. Voir, en sens divers, J. Wellhausen, Die Zeitreehnung des Bûches der Kônige seitder Teilung des Beiches, dans les Jahrbùchér fur deutsche Théologie, 1875, p. 617-640 ; Krey, Zur Zeitreehnung der Bûcher der Kônige, dans la Zeitschrift fur wissenschaftliche Théologie, 1877, p. 404-408 ; W. R. Smith, The Chronology of the Books of Kings, dans le Journal of Phïlology, 1882, p. 209-220 ; id., The Proyhels . of Israël, nouvelle édition, in-12, 1895, p. 145-151, 403-406, 415-421 ; A. Kamphausen, Die Chronologie der hebraischen Kônige, in-8°, Bonn, 1883 ; Rûhl, Die Chronologie der Kônige von Israël undJuda, dans la Deutsche Zeitschrift fur Geschichtswissenschaft, 1895, p. 44-76, 171 ; F. Vigouroux, Manuel biblique, 12e éd., t. ii, p. 95-97 ; id., Les Livres Saints et la critiqué rationaliste, , 5e édit, t. iv, p. 499-507. Voir aussi Chronolooie bïbuqYjE, t. il. co. 130-131, où Von mentionne les principales difficultés et leur solution possible. Rien n’autorise à prétendre que les inexactitudes de chiffres qui se rencontrent dans nos deux livres soient le fait de l’auteur ; elles sont toutes attribuables aux copistes, qui se trompent facilement en transcrivant des nombres. Nous en avons un exemple frappant à propos du roi Ochozias de Juda, qui, lorsqu’il monta sur le trône, avait 42 ans d’après II Par., xxii, 2, seulement 22 d’après IV Reg., viii, 26. Il est évident qu’il y a une erreur d’un côté ou de l’autre. Mais, ni cette faute, ni les autres du même genre ne sauraient nuire à l’autorité d’un livre sérieux : les conclusions qu’en ont tirées les critiques rationalistes demeurent donc sans valeur.
ix. le style. — 1° Il est moins pur que celui des livres de Samuel et il présente d’assez nombreux exemples de néologismes et d’aramaïsmes. Néanmoins, des parties considérables des Melâkîm sont écrites en excellent hébreu des meilleurs jours. Le genre de diction est le même partout et manifeste l’unité d’auteur. Certaines particularités dialectales s’expliquent par les sources spéciales qui servirent à composer les passages où elles sont employées. Il suffira d’en citer quelques-uns : , 1a forme féminine en > : >ra pour nx, « toi », IV Reg., iy, 16, 23 ; viii, 1, etc. ; >3b pour iii,
: t t
n à toi », IV Reg., iv, 2 ; ’ôtô pour’iffô, « avec lui », IV Reg., 1, 15 ; iii, 11, 12, etc. ; ’ôfâm pour’itfâm, « avec eux », IV Reg., vi, 16 ; nîr pour nêr, « lampe », III Reg., xi, 36, etc. Voir F. Keil, Lehrbuch der …Einleitung, 2 « édii., p. 183-1M. Pour les nomsd’Élie et d’Ochozias de Juda, l’écrivain sacré emploie tantôt la forme complète, ’Eliydhû, ’A-hazydhû, tantôt la forme abrégée, ’Eliyâti, ’Ahazyâh ; elles alternent parfois à quelques lignes seulement d’intervalle. Pour Elie, cf. III Reg., xvii* 1, 3 ; xviii, 1, 2, etc. ; IV Reg., i, 3, 4, 10, 12, etc. ; pour Ochozias, III Reg., xxii, 40, 50, 52 ; IV Reg., i, 18 ; x, 24, etc.
2° On a noté aussi un certain nombre d’expressions que l’auteur des deux derniers livres des Rois emploie volontiers, quoique la plupart d’entre elles ne lui soient pas exclusivement propres ; celles-ci en particulier : Marcher dans la voie du Seigneur, III Reg., ii, 3 ; iii, 14 ; viii, 5 ; xi, 23, 28 ; garder ses lois, ses ordonnances, ses jugements, ses préceptes, III Reg., h, 3 ; iii, 14 ; vi, 12 ; viii, 58 ; ix, 4, 5 ; IV Reg., xvii, 13, 19 ; xxiii, 3, etc. ; « témoignages », dans le sens de commandements divins, III Reg., ii, 3 ; IV Reg., xvii, 45 ; xxiii, 3, etc. ; afin que tu réussisses, III Reg., ii, 3, etc. ; accomplir la parole, III Reg., ii, 4 ; vi, 12 ; ylii, 21 ; xii, 15 ; marcher devant moi (avec vérité, etc.), III Reg., ii, 4 ; iii, 6 ; viii, 23, 25, etc. ; tu ne manqueras jamais de…, III Reg., ii, 4 ; viii, 25 ; ix, 5 ; de tout ton (son) cœur et de toute ton (son) âme, III Reg., ii, 4 ; viii, 48 ; IV Reg., xxiii, 3, 25 ; bâtir une maison au nom du Seigneur, III Reg., iii, 2 ; v, 3, 5 ; viii, 17, etc. ; comme c’est aujourd’hui, III Reg., iii, 6 ; viii, 24, 61 ; choisi parmi toutes les tribus d’Israël, III Reg., viii, 16 ; xi, 32 ; xiv, 21 ; IV Reg., xxi, 7 ; afin que mon cœur soit ici, III, Reg., viii, 16, 29 ; IV Reg., xxiii, 27 ; parfait, dans le sens de dévoué entièrement, III Reg., vm, 61 ; xi, 4 ; xv, 3, 14 ; IV Reg., xx, 3 ; exterminer du pays, III Reg., ix, 7 ; xiii, 34 ; xiv, 15 ; rejeter de devant la face, III Reg.. IX, 7 ; IV Reg., xiii, 23 ; xvii, 20, etc. ; les abominations (des faux dieux), III Rog., xi, 5, 7 ; IV Reg., xxiii, 13, 24 ; faire ce qui est mal aux yeux du Seigneur, III Reg., xi, 6, et plus de trente fois ailleurs ; à cause de David ton père (ou, mon serviteur), III Reg., XI, 12 ; xiii, 32, 34 ; xv, 4 ; IV Reg., vm, 19 ; xix, 34 ; xx, 6 ; Jérusalem que j’ai choisie,
III Reg., xi, 13, 32, 36 ; viii, 44, 48 ; xiv, 21 ; IV Reg., xxi, 7 ; xxiii, 27 ; provoquer la colère du Seigneur,
IV Reg., XIV, 9, 15, et très souvent ailleurs ; Voici, je vais faire venir le malheur, III Reg., xiv, 10 ; xxi, 21 ; IV Reg., xxi, 12 ; xxii, 16, etc. ; l’enchaîné et le libre, c’est-à-dire tout le mondé, III Reg., xiv, 10 ; xxi, 21 ; IV Reg., lx, 8 ; xiv, 26 ; (Jéroboam) qui a fait pécher Israël, III Reg., xiv, 16 ; xv, 26, et très souvent encore ; sur toute colline élevée et sous tout arbre vert, III Reg., xiv, 23 ; IV Reg, , xvi, 4 ; xvir, 10 ; les abominations des nations (païennes), III Reg., xiv, 24 ; IV Reg., xvi, 3 ; xxi, 2 ; les nations que le Seigneur avait chassées de devant Israël, III Reg., xiv, 2, i ; xxi, 26 ; IV Reg-, xvi, 13, etc. ; ne pas se détourner de…, III Reg., xv, 5 ; xxii, 43 ; IV Reg., iii, 3 ; x, 29, etc. ; se vendre (pouf faire le mal), III Reg., xxi, 20, 25 ; IV Reg., xvii, 7 ; le peuple offrait encore des sacrifices et des parfums sur les hauts lieux, III Reg., iii, 2, 3 ; xxii, 43 ; . IV Reg., xii, 4 ; xiv, 4 ; xv, 4, 35, etc. ; mes (ses) serviteurs les prophètes, IV Reg., ix, 7 ; xvii, 13, 23 ; xxi, 10 ; xxiv, 2 ; l’armée des cieux (les astres, objet d’un culte), IV Reg., xvii, 16 ; xxi, 3, 5 ; en ce temps-là, III Reg., xiv, 1 ; IV Reg., xvi, 6 ; xviii, 16 ; xx, 12 ; xxiv, 10 ; en ces jours, IV Reg., x, 32 ; xv, 37 ; xx, 1 ; la formule « attendu que », pour introduire des prophéties, III Reg., iii, 11 ; viii, 18 ; xi, 11 ; xiii, 24, etc. Voir Driver, Introduction, 5e édit., p. 178, 190-193 ; Hastings, Dictionary of the Bible, t. ii, p. 859-861.
X. LE TEXTE HÉBREU ET LES ANCIENNES VERSIONS — 1° Le texte. — Quoique loin d’être parfait sous sa forme présente, le texte hébreu des Melâkîm nous est parvenu en meilleur état que celui des livres de Samuel. On croit reconnaître qu’il a été corrigé en plusieurs endroits d’après la traduction des Septante. Entre autres traces manifestes de corruption, on cite : III Reg, , i, 10, au lieu-de (ibbâkd’, lire fitfdqdh, Septante des Hexaples, ^xïio-ev, Vulgate, insonuit ; III Reg., vii, 40, au lieu de hakkîrôt, lire hassîrôf, Septante, llërpo.ç, Vulgate, lebetes ; III Reg., viii, 57, au lieu de be’éres Se’ârdv, lire be’ahaf’arâv, Septante, iv uâ t£>v itôXeuv <x ! to0 ; III Reg., xi, 15, au lieu de biheyôt, lire behakkôp, H61 ROIS (IIP ET IVe LIVRES DES) — ROMAINS (ÉPÎTRE AUX)
116 !
Septante, èv t<3 £.^Xo6peû<7 « i ; III Reg., xi, 25, au lieu de’Ardm, lire’Èdôm ; III Reg., xiii, 11, au lieu de « son fils vint et lui raconta », lire, d’après les Septante et la Vulgate, « ses fils vinrent et racontèrent » ; III Reg., xix, 23, au lieu de vayyare’, lire vayyèrë, Septante, lyoêrfirij Vulgate, tim’uit ; IV Reg., v, 26, au lieu de hâlak, « il alla », il faut lire, ’immeka, « avec toi », d’après les Septante et la Vulgate, etc. Notons aussi quelques erreurs manifestes de chiffres : III Reg., v, 6, 40000 doit être corrigé en 4000, d’après II Par., ix, 25 ; IV Reg., xxv, 17, lire « cinq coudées », au lieu de « trois », d’après III Reg., vii, 15, et Jer., lii, 22, etc. Voir F. Bôttcher, Neue exegetisch-kritische Aehrenlese zum Alten Testament, ^’partie, Leipzig, 1864, p. 1-120 ; R. Kitlel, Biblia hebraicd, t. i, Leipzig, 1905, p. 458552.
2° Les versions anciennes. — a) Septante. — Pour les deux derniers livres des Rois, comme pour les deux premiers, la traduction des Septante se fait remarquer par des ^variantes nombreuses — additions, omissions, transpositions, autres modifications de divers genres — souvent considérables, d’autres fois plus légères. Elle représente certainement une recension de l’hébreu différente de celle qui a servi de base au texte massorétique. Exemples d’additions : la fontaine de Salomon dans le temple, III Reg., à la suite de ii, 35, ou de m ; 1 ; la chaussée du Liban, III Reg., III, 46 ; la mention du soleil dans la prière de Salomon, le jour de la dédicace du temple, III Reg., viii, 53 ; un long passage sur Jéroboam, inséré III Reg., xil, entre les versets 24 et 25. Voir aussi III Reg., xv, 8 ; xvi, 22 ; xvrn, 1, etc. Exemples d’omissions : le passage III Reg., vi, ll, 14, est omis intégralement ; de même III Reg., xv, 6 ; xvi, 8 et 15, etc. Les transpositions sont très nombreuses : III Reg., ii, 3646, passe après iii, 1 ; III Reg., iii, 1, et ix, 16-17, sont groupés ensemble et placés entre iv, 34, et v, 1 ; III Reg., vu, 1-12, vient après vii, 51 ; III Reg., viii, 12-13, après 53 ; ix, 15, 22, après, x, 22 ; les chap. xx et xxi sont transposés, etc. Malgré ses imperfections, la traduction des Septante, nous l’avons constaté plus haut, peut servir assez souvent à corriger le texte hébreu actuel ; mais il faut beaucoup de réserve et d’esprit critique pour faire ces corrections. Une autre particularité de la version des Septante consiste dans le nombre relativement extraordinaire des expressions hébraïques qui n’ont pas été traduites, mais simplement transcrites en grec. Entre autres, au IVe livre, à ?ç(i, ii, 4, et x, 10 ; vmxrjS, iii, 4 ; « pttie, iv, 39 ; êeêpaôa, v, 19 ; ÊXfiwvi, vi, 8 ; Havaâ, viii, 8 et 9 ; yxpzy., ix, 13, etc. On voit par là que le traducteur n’était pas à la hauteur de sa tâche, car plusieurs de ces expressions sont faciles à comprendre . Dans la recension de Lucien, au passage IV Reg., îv, 34, le verbe hébreu igehâr est d’abord traduit par <Tuvéxafj14ev, puis reproduit en hébreu, iyaiip, lequel mot a été ensuite corrompu en iy>.àS, etc. Le meilleur texte des Septante est celui du Cod. Vaticanus, comme pour les livres de Samuel. Voir Silberstein, Uber den Ursprung des im Cod. Alexandrinus und Vaticanus des dritten Kônigsbuches der Alexand. Ubersetzung, dans la Zeitschrift fur die alttestatnentl.Wissensckaft, 1893, p. 1-75 ; 1894, p. 1-30 ; pour la version jd’Aquila, F. C. Burkitt, Fragments of the Books of /the Kings according la the translation of Aquïla, in-8°, Camitridge, 1897. — 6) Versions latines. — La Vêtus llala présente beaucoup d’affinités avec la recension grecque de Lucien. La Vulgate, qui a été traduite fidèlement sur l’hébreu, montre que, depuis l’époque de saint Jérôme, le texte primitif n’a pas subi d’altérations bien sensibles. On voit, par certaines interprétations de détail, que, si les points-voyelles qu’on lit actuellement dans l’hébreu ne correspondent pas toujours à la leçon adoptée par les rabbins qui guidaient le saint docteur, les consonnes étaient à peu près les mêmes qu’aujour d’hui. — c) Autres versions orientales. — Le syriaque le chaldéen, l’arabe n’offrent pas une grande utilit pour l’interprétation des Melâkîm. Les modification qu’on y rencontre sonl dues généralement aux allure trop libres des traducteurs. Pour le syriaque, voi Berlinger, Die Peschitto zum ersten Bûche der Ko nige, in-8° Berlin, 1897.
XL Bibliographie. — 1° Pour la critique du text et l’origine du livre : *J. Wellhausen, Die Compositiot des Hexateuchs und der histor. Bûcher des À lien Test. in-8°, ï’édit., Berlin, 1889, p. 266-302 ; Id., Prolegomeni zur Geschichte Isræls, in-8°, 5° édit., Berlin, 1899 p. 275-298 ; * B. Stade, dans la Zeitschrift fur alttestam Wissenschaft, 1883, p. 129-177 ; 1885, p. 275-297 ; 1886 p. 156-189 ; *Preiss, W. Vatkes Ansichtûber die Bûcha Samuelis und der Kônige, dans la Zeitschrift fur missenschaftliche Théologie, 1885, p. 257-275 ; * A. Kuenen Historisch-critisch onderzoek naar het ontstaan en dt verzameling van de boéken des Ouden Verbonds, in-8° 2e édit., 1 « partie, Leyde, 1885, p. 392-443 ; *S. R.Driver An Introduction tù the Literature of the Old Test. in-8°, Edimbourg, 1891, 5= édit., 1894, p. 179-188
- H. Winckler, Beilràge zur Quellenscheidung der Ko
nigsbùcher, dans les Alttestam. Untersuchungen, in-8° t. ï, Leipzig, 1893, p. 1-54 ; *R. JUttel, Geschichte de Hebrâer, in-8°, 1892, p. 45-57, 177-195 ; *E. Kônig, Ein leitung in dasA. Test., in-8°, Bonn, 1893, p. 263-269
- C. H. Cornill, Einleitung in das Alte Teslam., in-8°
2e édit., Fribourg-en-Brigau, 1892, p. 121-131 ; C. Holzhey Das Buchder Kônige, Untersuchung seiner Bestandtheil und seiner litterar. und geschichtlichen Charakters in-8°, Munich, 1899 ; *B. Stade et F. Schwally, 27° Books of Kings, dans les Sacred Books of the OU Test., édités par *Haupt, in-4 « , 9e partie, Leipzig, 1904
— 2° Commentaires. — A) Catholiques : Théodore ! Qusest. in lib. Reg., t. lxxx, col. 527-798 ; Clair, Le livres êtes Rois, 2 in-8°, Paris, 1884. — B) Hétérodoxes O. Thenius, Die Bûcher der Kônige, in-8°, Leipzig 1849, 2e édit., 1873 ; F. Keil, Die Bûcher der Kônigt in-8°, Leipzig, 1865, 2e édit., 1876 ; W. F. Bâhr, Di Bûcher der Kônige, in-8°, Bielefeld, 1868 ; E. Reuss Histoire des Israélites, Paris, 1877, p. 137-148 ; A. Klos termann, DiâjBiic/ ! er Samuelis und der Kônige, in-8’Nordlingue, 1887, p. 262-498 ; J. R. Lumby, The fin Book of the Kings, in-12, Cambridge, 1886, et Th second Book of the Kings, in-12, Cambridge, 1888 J. Benzinger, Die Bâcher der Kônige erklârt, in-8 1 Tubingue, 1899 ; R. Kittel, Die Bâcher der Kônig âberselzt und erklârt, in-8°, Gœttingue, 1900.
L. Fillion.
ROMA (hébreu : Be’umâh, « corail » ; Septante’Peufia), femme de second rang de Nachor, frère d’A braham. Elle eut pour fils Tabée, Gaham, Tahase Maacha. Gen., xxii, 24.
- ROMAIN##
ROMAIN (grec : ’P<o|j.aïoç). 1° Le mot « Romains : dans l’Écriture désigne la puissance romaine. I Mach. vin, 1, etc. ; xii, 16 ; xiv, 24, 40 ; xv, 16 ; II Mach., rv 11 ; viii, 10, 36 ; xi, 34 ; Joa., xi, 4& ; Rom., xxv, 16 xxviii, 17. (La Vulgate a traduit par « Romains » Dan., xi, 30, le mot hébreu Kiftîm (Septante : Kt’ttoi) qui doit s’entendre des Gréco-Macédoniens.) — 2° « Romains », Act., ii, 10, désigne des Juifs qui habitent 1 ; ville de Rome. — 3° Dans des Actes, xvi, 21, 37, 38 xxii, 25-29 ; xxiii, 27, « Romain » est dit de celui qui : le droit de cité romaine et peut prendre le titre Ai citoyen romain. Voir Citoyen romain, t.n, col. 789-791
- ROMAINS##
ROMAINS (ÉPITRE AUX). - I. Importance. -Par la nature du sujet qu’elle traite aussi bien qu « par la profondeur et la sublimité de sa doctrine, cette Épitre a toujours été considérée comme l’écrit fondamental où se trouve le mieux résumé ce qu’on peutappe1163
- ROMAINS##
ROMAINS (ÉPiTRE AUX)
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1er « l'évangile de saint Paul ». C’est de beaucoup celui où sa pensée s’est exprimée avec le plus de suite et de régularité. Le ton calme, le mode d’exposition large et presque didactique, l’ordonnance des preuves lui donnent l’allure d’un traité de théologie. Pourtant ce n’est pas, comme les protestants d’autrefois affectaient de le croire, une sorte de catéchisme doctrinal, un manuel du christianisme : c’est une lettre. Si l’on n’y trouve pas, comme ailleurs, des épanchements affectueux, des confidences, des reproches, des détails personnels, des traces d’apologie, des nouvelles, cela tient à ce que saint Paul n'était pas entré, jusque-là, en rapport avec l'Église de Rome. Il y connaissait un certain nombre de fidèles, ceux qu’il salue à la fin de sa lettre, mais ceux-ci n'étaient qu’une' minorité et l’Apôtre ne pouvait écrire au reste de la communauté, sur le même ton qu’aux fidèles de Corinthe ou de Macédoine. Son message porte beaucoup moins l’empreinte des circonstances locales. Il se rapproche davantage d’une thèse dogmatique, c’est une sorte de spécimen doctrinal, destiné à édifier les chrétiens de Rome, à consolider leur foi, à les préparer à la visite de Paul. Rom., i, 11. L'épître, tout en paraissant plus détachée que les autres des particularités du style épistolaire, en garde pourtant les caractères généraux ainsi que le but pratique. Au point de vue du fond, elle a une ressemblance frappante avec l'Épltre aux Galates. Dans l’une comme dans l’autre de ces lettres, le thème est presque identique : le salut par la foi. Seulement elles diffèrent autant par le ton ou par le développement des preuves et par le point de vue où se place l’auteur. Dans l'Épltre aux Galates, l’Apôtre avait montré la relation de l'Évangile avec l'économie juive. Ici l’horizon s'élargit. Paul, embrassant tout le passé de l’humanité, avec ses deux grands courants, juif etpaïen, montre que l’histoire aboutit, dans les desseins de la Providence, au salut chétien. Il ne se renferme plus dans une comparaison entre l’alliance mosaïque et l’alliance nouvelle, cette période de la Loi n’est qu’un épisode dans le développement du programme providentiel. L’Apôtre remonte plus haut, jusqu’au chef de l’humanité déchue, Adam, qu’il oppose au second Adam, chef de l’humanité régénérée. Le salut n’est plus simplement, comme dans l'Épître aux Galates, la réalisation des promesses faites à Abraham, Gal., iii, 6-9, 14-16, mais la restauration de l'âme créatrice par le Christ, le nouvel Adam, dont la mort a expié les fautes de l’humanité. Le rejet d’Israël, à peine marqué dans la lettre aux Galates, iv, 30, est traité ici ex professo. Rom., ix-xi. Au reste, aucune trace de polémique ou d’apologie personnelle dans l'Épltre aux Romains. Partout la calme sérénité d’une pensée qui se développe en toute liberté avec une ampleur remarquable, en sorte que l'Épltre n’est, comparée à l’autre, qu’un canevas, une esquisse delà grande thèse du salut par la foi. Ceci explique l’analogie de certains passages des deux Épitres, encore que les circonstances où elles ont été rédigées soient si différentes ! Le poète anglais Coleridge estimait que l'Épître aux Romains était ce que l’homme avait écrit de plus profond. « En effet, dit Godet, Introd. au Nouv. Test., t. i, p. 482, les deux pôles de l’existence terrestre, le péché et le salut y sont saisis avec une égale énergie et l’on voit se dessiner avec une admirable netteté, autour de ces deux points fixes, la petite et la grande ellipse du salut individuel et du salut humanitaire. Un écrivain a appelé l'Épître aux Romains la clef d’or des Écritures ; il eût pu dire : la clef d’or de l’histoire. Si, en effet, le salut est le centre de l’histoire, lever le voile dont ce salut était couvert, c'était jeterlejoursur le fond des choses. » Avec les deux lettres aux Corinthiens, cette Épître forme une admirable trilogie où l’Apôtre traite du salut, but suprême de l’humanité, de l'Église, dépositaire de ce salut, enfin du ministère apostofique qui applique à I
tous, peuples et individus, le salut divin. Mais là où elle surpasse toutes les autres Épitres, c’est dans la façon « philosophique » de traiter un thème suivi. On est presque tenté, en la lisant, de croire qu’ici l’Apôtre a voulu donner, aux chrétiens de la Ville éternelle, un aperçu de cette « sagesse supérieure » qu’il tenait en réserve pour les « parfaits ». ICor., ii, 6. C’est ainsi qu’il projette un jour tout nouveau sur les origines de la religion, du paganisme en particulier, i, sur l’influence opposée des deux chefs de la voie humaine, v, sur la loi psychologique qui préside au développement moral de l’individu, vi, sur l’insuffisance de la loi par rapport à la justification, vii, sur la glorification de la nature inanimée elle-même, viii, sur la marche et le but de l’histoire, ix-xi.
II. Date et lieu de rédaction. — D’un commun accord, les critiques placent la composition de cette Épître durant les mois d’hiver que saint Paul passa à Corinthe, lors de sa troisième visite. C’est donc entre 57-58 qu’elle fut écrite, en flécembre, janvier ou février. On ne peut en retarder la rédaction au delà de mars, car ce fut au printemps que l’Apôtre se mit en route vers la Judée avec les délégués des Églises qui devaient l’accompagner à Jérusalem. Ces conclusions découlent des données fournies par les Actes, la seconde Épître aux Corinthiens et le contenu même de l'Épître aux Romains. En effet, au moment où celle-ci fut écrite, l’Apôtre n’avait pas encore visité Rome, Rom., i, 13, mais il se proposait d’y venir bientôt. Rom., xv, 23. Il a prêché, 1'Évangile jusqu’aux confins de l’Illyrie et, se considérant à la fin de son travail dans les pays d’Orient, il est sur le point de transporter son ministère en Occident. Rom., vi, 19, 23 ; II Cor., x, 16. Une autre circonstance précise encore plus clairement ces détails. D’après Rom., xv, 25, Paul se dispose à partir pour Jérusalem avec le produit de la collecte qui vient d'être achevée dans les Églises de Macédoine et d’Achaie. Ceci nous reporte, sans doute possible, aux dernières semaines du troisième séjour de Paul à Corinthe. I Cor., xvi, 1-4 ; II Cor., vm-ix ; Act., xx, 2, 3. La lettre aux fidèles de la capitale a donc été écrite dans le cours des trois mois d’hiver- (57-58) que l’Apôtre passa à Corinthe et en Achai’e, à la fin de son troisième voyage de mission. Act., xx, 2, 3. Elle fut portée à Rome par Phœbé, diaconesse de Cenchrées, un des ports de Corinthe, Rom., xvi, 1. Gaius, l’hôte de Paul en ce moment, Rom., xvi, 23, est, suivant toute probabilité, lemême qu’il avait baptisé lors de son premier séjour à Corinthe. I Cor., i, 14. Enfin la mention de Timothée et de Sopater ou Sosipater dans les salutations finales, Rom., xvi, 21, correspond aux indications des Actes, xx, 4, qui signalent la présence de ces deux frères parmi les délégués des Eglises, au moment du départ de saint Paul pour Jérusalem. Il se peut aussi que le Jason qui, en compagnie de Lucius et des deux frères nommés ci-dessus, envoie ses saluts aux chrétiens deRome, soit le Jason de Thessalonique dont l’Apôtre avait reçu l’hospitalité à son arrivée en Macédoine, Rom., xvi, 21 ; Act., xvii, 6, et qui, vraisemblablement, faisait partie de la troupe qui devait accompagner Paul en Palestine. Tous ces renseignements, on le voit, s’accordent, d’une façon très précise, à établir les conclusions énoncées plus haut et à leur donner une entière certitude, alors que pour plusieurs autres Épitres, on se trouve réduit à des conjectures.
III. Destinataires de l'Épître. — Si l'Épître aux Romains n’est pas, comme on l’a démontré, une simple dissertation, mais une lettre véritable, ayant, comme ses devancières, un but particulier déterminé par des circonstances spéciales, il importe de connaître la communauté à laquelle elle a été adressée, les éléments, juifs ou gentils, dont elle se composait et les tendances religieuses qui y prédominaient.
Les commencements de l'Église de Rome sont obscurs. Les premiersprédicateurs de la foi dans cette ville furent sans doute des Juifs convertis, comme Àquila et Priscille et plusieurs autres que nomme saint Paul. Rom., xvi, 3-15. Sur la date de l’arrivée de saint Pierre à Rome, voir Pierre, col. 373. D’après l’opinion traditionnelle la plus répandue, le prince des apôtres était allé à Rome, avant l’envoi de l'ÉpUre de saint Paul aux Romains, mais il ne devait pas se trouver dans la capitale de l’Empire quand elle leur fut adressée, puisqu’il n’y est point nommé. La plupart des premiers chrétiens de Rome devaient être Juifs d’origine, la minorité se composant de Gentils devenus croyants, mais leur nombre augmentait de plus en plus ; il devint prédominant et ce fut la raison pour laquelle saintPaul leur écrivit. L'Épître aux Romains suppose donc un élément juif, et c’est pourquoi dans les chapitres ix-xi, saint Paul explique les causes providentielles de l’incrédulité de ses anciens coreligionnaires, que, iv, 11, il appelle Abraham notre ancêtre selon la chair, que, vil, 1-6, il dit à ses lecteurs qu’ils sont morts à la Loi (jfjLEïî), qu’il leur parle comme à des gens connaissant la Loi, et qu’il emploie des arguments tirés de l’Ancien Testament, propres à impressionner des esprits habitués à la lecture de la "Loi et des prophètes. Mais dès le début, la lettre suppose une communauté où l'élément ethnic.o-chrétien occupe une large place. L’adresse, qui dans la circonstance est la partie de la lettre où doit le mieux se révéler le genre de lecteurs auxquels elle s’adresse, parle expressément de Gentils, Rom., i, 5-6, 13-14 ; cf. xv, 14-16. À Rome, comme à Antioche, à Éphèse, ou à Corinthe, la communauté chrétienne avait commencé par les Juifs gagnés à l'Évangile par les émigrants dont il a été question. A ce premier groupe de convertis s’adjoignirent, plus tard, un nombre considérable de néophytes d’origine païenne. Ce dernier groupe s’accrut dans de telles proportions qu’il forma, à la longue, la majorité de la nouvelle église. L'Église de Rome était donc mixte mais avec un élément non juif prépondérant, si bien que vers la iin du Ier siècle elle était principalement composée de nationaux romains, d’anciens païens ; comme l’atteste la lettre de saint Clément. D’après le récit des Actes, Jtxviii, 22, la propagande chrétienne ne semble pas avoir jusque-là fait beaucoup de conquête dans les synagogues de Rome.
IV. Occasion et but de l'Épître. — Ceux qui font de la première communauté romaine une église composée surtout de judéo-chrétiens, lui attribuent des tendances judaïsantes. L'Épître de Paul aurait alors eu pour but de les combattre. Mais outre que rien, dans cet écrit, ne sente la polémique, il est facile àdémontrerque lamajoritédes fidèlesdeRome n’avait pas uneConception religieuse différente de celle de Paul lui-même. Ainsi dès le début, Rom., i, 8, l’Apôtre approuve et loue la foi des Romains, déjà connue dans le monde entier ; v, 11, il leur dit que s’il désire les voir, c’est dans l’intention de les affermir. Même idée à la fin de l'Épître, xvi, 25 : « et celui qui peut vous affermir selon mon évangile et la prédication de Jésus-Christ. » Dans le chapitre précédent, xv, 14-15, Paul déclare qu’il n’a rien *oùlu leur enseigner de nouveau mais seulement leur rappeler ce qu’ils savent déjà, attendu qu’ils sont remplis de toute science et qu’ils peuvent se corriger mutuellement. Enfin, vi, 17, l’Apôtre remercie Dieu de ce que ses lecteurs ont adhéré de cœur à la forme de doctrine (tuttov StSxxik) 1 u i ' eur a été enseignée, et qui, d’après le contexte, n’est autre que l'évangile de Paul luimême.
L’Apôtre exprime lui-même, à deux reprises, Rom., i, 10-15, et xv, 22-33, la circonstance qui l’a décidé à écrire cette Épitre. Depuis longtemps ses regards étaient tournés vers Rome. Il pressentait que l’avenir
de la foi nouvelle était là. Une voix intérieure l’y poussait d’une façon impérieuse, irrésistible. Cf. Act., xxili, 11. Le désir devenait plus intense à mesure qu’il considérait son œuvre comme achevée en Orient. Rome lui apparaissait comme le centre providentiel de nouvelles missions à travers les pays d’Occident. La capitale de l’univers devait, dans son idée, être le pont d’appui de cette excursion apostolique, comme l’avait été Antioche dans la première partie de sa carrière. « Il faut que je voie Rome, » disait-il sans cesse. Act., xix, 21 ; Rom., i, 11-17 ; xv, 23. Jusqu’ici il n’avait pu songer à réaliser son plan : les menées de judaïsants, en Galatie, à Corinthe même, exigeaient sa présence en Orient. Mais tout ayant été remis en ordre à Corinthe dans les mois d’hiver de son dernier séjour, il fut repris par le désir de voir Rome et par delà Rome, l’Espagne, située, suivant l’opinion du temps, aux confins de la terre. Une diaconesse de Cenchrées, port de Corinthe, se disposait alors à franchir la mer pour se rendre en Italie. L’Apôtre saisit cette occasion pour écrire cette lettre qui devait préparer sa venue dans la Ville Éternelle, où il ne devait arriver que deux ans plus tard, avec des chaînes de prisonnier.
On ferait un livre des opinions et des controverses présentées par cette question : « Quel but s’est proposé saint Paul dans l'Épître aux Romains ? » Dès les temps anciens, deux opinions se font jour. Les Pères grecs (Origène, saint Jean Chrysostome, Théodoret, plus tard, saint Jean Damascène, Œcuménius, Théophylacte) lui prêtent en général, une intention dogmatique : « Conduire les hommes au Christ. » Dans l'Église latine, le canon de Muratori partage la même opinion : saint Paul a voulu inculquer à ses lecteurs cette vérité que « le Christ est le principe des Écritures. » Le commentaire d’Hilaire, V Ambrosiaster, indique à l'Épître un autre but. D’après lui, les chrétiens de Rome « s'étaient laissé imposer les rites mosaïques, comme si le salut complet ne se trouvait pas dans le Christ ; c’est pourquoi saint Paul voulut leur enseigner le mystère de la croix du Christ, qui ne leur avait pas encore été exposé. » Pour saint Augustin, l’Apôtre a voulu opérer une œuvre de réconciliation entre les deux fractions, juive et païenne, de la communauté. Les c. xiv et xv, 13, contiendraient alors le vrai but de la lettre. Au moyen âge, on retrouve le même point de vue chez Raban-Maur et Abélard. Saint Thomas, dans ses remarquables commentaires sur les Épîtres de saint Paul, admet aussi le but purement dogmatique de l'Épître aux Romains. Érasme, le premier, soupçonne que Paul, en composant cet écrit, a voulu prémunir la jeune Église romaine, contre le péril judaïsant. Le passage, xvi, 17, 20, refléterait ainsi la pensée directrice de l'Épître tout entière. Dans l’idée des Pères de la Réforme, l’Apôtre a voulu donner à l'Église de Rome un exposé Complet de l'Évangile, tel que l’enseignait Paul. Aussi, dans les premiers temps, les Réformateurs employaient-ils l'Épitre aux Romains comme le critérium presque exclusif de .toute vraie foi. Ils avaient repris, en l’exagérant, l’opinion des Pères grecs. Dans l'Épître aux Romains, dit Mélanchton, l’Apôtre ne philosophe ni sur les mystères de la Trinité, ni sur le mode de l’Incarnation, ni sur la création active et passive ; mais.il donne le sommaire de la doctrine chrétienne (doctrinse christianse compendium) ; et n’est-ce pas en effet de la loi, du péché et de la grâce que résulte la connaissance du Christ ? Au commencement du xix » siècle, l’exégète catholique Hug reprit l’idée de saint Augustin, c’est-àdire prêta à l’Apôtre l’intention d’opérer un rapprochement entre les deux parties de l'Église, tandis qu’Eichhorn revint à l’hypothèse d’une polémique antijudaïque. Une lutte se serait produite dans la communauté romaine à la suite de l’arrivée des amis et des
disciples de Paul, qui exposaient un autre évangile que celui entendu jusqu'à ce jour, par les néophytes d’origine juive. Saint Paul avait pris la plume pour soutenir les siens. Quelques aimées apTès, ThoYuck présenta l'Épître aux Romains comme un écrit destiné à prouver la valeur de la doctrine chrétienne, en. tant que seule capable de répondre aux besoins du cœur humain, besoins que n’avaient pu satisfaire ni le paganisme, ni le judaïsme. Sauf quelques variantes, le même point de vue a été développé par Reiche, Glôckler, Kolner, de Welte, qui précisent ainsi le but de l'Épitre : proclamer l'Évangile, comme la religion universelle dans la capitale du inonde. Olshausen part de cette même idée pour commenter toute l'Épître ; Meyer, à son tour, pense, avec Fritzche et Baumgarten-Crusius, que l’Apôtre a voulu suppléer, par la plume, à l’impossibilité actuelle où il se trouvait de leur annoncer de bouche son Évangile. On arrive ainsi à 1836. À ce moment, Baur, dans Ueber Zweck und Veranlassu/ng des Rômerbrief, paru dans Tùbingen Zeitschrift, 1836, complété plus tard par Ueber.Zweck und Gedankengang des Rômerbrief., dans Theol. Jahrbùcher, 1849, reprit sur une nouvelle base l'étude de la question. Il crut découvrir, dans les c. ix-xi, jusque-là regardés comme une sorte de digression, la pensée dominante de l'Épître tout entière. Là saint Paul semblait aller au-devant d’un reproche ou plutôt d’une inquiétude qu’aurait fait naître, dans la majorité judéo-chrétienne de la communauté romaine, sa large tolérance à l'égard des gentils qu’il admettait dans l'Église avant que le peuple élu y fut lui-même entré, lui à qui le salut messianique avait été promis tout d’abord. Tel est le préjugé auquel l’Apôtre veut répondre avant de commencer son nouveau ministère en Occident. Dans une belle page de philosophie de l’histoire, il esquisse, à grands traits, les desseins de Dieu pour la réalisation du salut dans l’humanité ; le rejet actuel des Juifs n’est que momentané ; c’est un moyen voulu de Dieu pour opérer plus facilemementla conversion du monde païen qui, une fois accomplie, ouvrira les voies à la réhabilitation finale d’Israël. Le reste de l'Épître est subordonné à cette idée principale. Les huit chapitres qui précèdent ix-xi, c’est-à-dire, la théorie de la justification par la foi, servent de support à cette histoire du salut. Cette manière nouvelle d’envisager l'Épitre aux Romains avait l’avantage de relier cet écrit important à l’ensemble de l'œuvre apostolique de son auteur, en lui assignant un rôle historique nettement caractérisé ; aussi devient-elle prédominante parmi les critiques, surtout dans l'école de Tubingue. — Reuss, pourtant, ne s’y rallia qu’en partie. Comme Baur, il attribue à la majorité de la communauté romaine une origine et une tendance judéo-chrétienne, mais il refuse de considérer les c. ix-xi comme la partie essentielle de l’Epître. Le vrai but de saint Paul a été ; en exposant son évangile universaliste, d'établir un lien spirituel entre cette Église et lui, afin qu’en arrivant à Rome il trouve un point d’appui pour ses missions d’Occident. — Ewald écrit, à son tour, une hypothèse qui est restée sans partisans. D’après lui, l’Apôtre prévoyant, dix ans à l’avance, les soulèvements de l’an 68-70, auraitécritaux fidèles de Rome pour rompre le lien trop étroit qui existait là entré l'Église et la Synagogue. Le c. xii, 1-8, donnerait ainsi la clef de toute lalettre. Le reste ne serait qu’accessoire. — Bleek a repris les explications iréniques, c’est-à-dire l’idée d’un but de pacification entre les deux partis dont se composait alors l'Église de Rome. Mangold essaya à deux reprises, de fortifier, en le modifiant, le pointde vue de Baur, Der Rômerbr. und die Anfânge der rôm. Gemeinde, 1866 ; puis Der RSmerbr. und seine geschichtlichen Voraussetzungen, 1884. — Ritschl et Sabatier arrivèrent, de leur côté, aux mêmes conclusions, si bien qu’en 1876, J. H. Holtz mann déclarait que l’idée de Baur avait complètement triomphé parmi les savants. Mais en 1876 une réaction se produisit à la suite de l’apparition du travail de Weiisàckev, Ueber die atteste rôm. Gemeinde, dans les Jahrb. ꝟ. deutsch. Theol., 1876, où l’on admettait, dans la communauté romaine, une majorité ethnicochrétienne, ce qui ruinait par la base toutes les suppositions de Baur. Bon nombre de critiques, Harnack et Grafe, entre autres, adoptèrent ces vues nouvelles. Reuss lui-même, dans son dernier ouvrage, La Bible commentée, les Épitres pauliniennes, modifia complètement ses premières conclusions et ne vit plus, dans Ttpltre aux Romains, qu’un écrit exempt de toute polémique, moins destiné à l'Église de Rome qu'à l'Église tout entière. Si l’Apôtre l’a adressée à cette Église particulière, c’est moins pour répondre à un besoin spécial de cette Église que pour faire de celle-ci le foyer de lumière de l’Occident. Depuis plusieurs aimées déjà, Renan, Saint Paul, p. 460, avait exprimé une idée analogue : « Paul profita d’un petit intervalle de repos pour écrire sous forme d'épître une sorte de résumé de sa doctrine théologique. Il l’adressa à l'Église de Rome, composée d'Ébionites et de judéo-chrétiens et aussi de prosélytes et de païens convertis, et comme un tel exposé intéressait foute la chrétienté, il l’envoya en même temps à la plupart des Eglises qu’il avait fondées. » Oltramare, dans son Commentaire sur l'Épître aux Romains, p. 43, 77-78, dit que saint Paul n’a pas voulu tomber chez les Romains comme à l’improviste et sans s'être annoncé. « Voulant prendre l'Église de Rome pour son point d’appui dans l'évangélisation de l’Occident, il a pensé que le meilleur moyen de se procurer un bon accueil auprès d’elle était de lui adresser ce grand manifeste évangélique, qui pourrait servir en même temps, auprès de plusieurs, de prédication d’appel. » Weiss, dans la 6e édition du commentaire de Meyer, n’est pas éloigné d’accepter cette explication. En 1891, Lipsius, Handcommentar zum N. T., persiste à croire, avec Schùrer, que l’impression totale qui se dégage de l'Épître aux Romains, ne permet pas de douter qu’elle ne soit adressée à des judéo-chrétiens. Seulement c’est un judéo-christianisme déjà à moitié hellénisé, bien éloigné de Pétroitesse du parti judaïsant. L’intention de saint Paul aurait été de corriger cette teinte légère de judaïsme en exposant, d’une façon magistrale, la conception chrétienne. Après une étude approfondie de la question, suivie d’une critique détaillée des diverses opinions émises dans toutes les écoles, Godet résume ainsi ses conclusions : « Assurément, je ne le conteste point, l’Apôtre a voulu par cette lettre préparer son arrivée à Rome ; par elle il a travaillé à munir puissamment cette Église contre l’oppression prévue du judéo-christianisme ; par elle aussi il a pu contribuer à l’union des éléments opposés qui se trouvaient dans l'Église et en particulier renverser les préjugées judaïques d’une partie de ses membres et les pensées d’orgueil qui germaient dans l’esprit du parti opposé. Tout cela, ce sont bien des effets voulus de la lettre. Mais la vraie circonstance qui y a donné lieu, a été le manque d’un enseignement solide posé à la base de l'édifice, et le vrai but que Paul s’est proposé, a été, comme il l’a indiqué lui-même, celui d’affermir cet édifice important, que pouvait faire écrouler la première secousse. » Introd. au Nouv. Test., 1893, p. 464. Cette dernière opinion paraît être celle qui concilie le mieux les deux aspects particuliers sous lesquels se présente l'Épître aux Romains : le point de vue historique et le point de vue dogmatique. C’est en exagérant tour à tour l’un au préjudice de l’autre que l’on est arrivé aux hypothèses diverses exposées plus haut. L'Épitre aux Romains est, au fond, d’une nature spéciale qui n’est ni un traité didactique ex professo ni une simple lettre au sens ordinaire du mot, mais qui participe à la fois,
dans une certaine mesure, au caractère propre de ces deux sortes de compositions.
"V. Authenticité et canonicité. — Avec la première Épître aux Corinthiens, cette lettre est, dans toute la correspondance de saint Paul, celle qui possède la plus riche tradition littéraire. On en trouve des citations non seulement dans les Pères apostoliques, mais dans le Nouveau Testament lui-même. Tout d’abord dans la I Pétri : ceci résulte de la comparaison des passages suivants : Rom., ix, 25, et I Pet., ii, 10 ; ix, 32, et ii, 6-8 ; xii, 1, et ii, 5 ; xii, 2, et i, 14 ; xii, 3, et iv, 7-11 ; xii, 9, et / i, 22 ; xii, 16, et iii, 8-9 ; xiii, 1, et ii, 13-17. De plus, I Pet., ’ii, 6, une citation de l’Ancien Testament, tirée des Septante, avec les mêmes variantes que Rom., ix, 32, des images semblables pour désigner le sacrifice, Rom., xii, et I Pet., ii, 5, certaines expressions caractéristiques, telles que avay/^ax’Xta^ai, âvuitôxptTo ; et des idées présentées dans le même ordre. Rom., xiii, 1-7, et I Pet., ii, 13-17. On note aussi une certaine ressemblance avec deux passages de l’Épître aux Hébreux, en particulier un passage du Deutéronome que les deux lettres rapportent en s’écartant de la même façon delà version des Septante. Rom., iv, 17-21, et Heb., xi, 11, 12, 19 ; xii, 19-x, 3. On pense aussi trouver une certaine analogie et peut-être une dépendance entre les deux derniers versets de l’Épître de saint Jude, 24-25, et le doxologie finale de l’Épître aux Romains, xvi, 25, 27. Dès le seuil de l’âge apostolique, les emprunts à notre Épître sont nombreux et indiscutables, d’abord chez saint Clément de Rome, Rom., i, 21, et Clem., xxxvi, 51 ; n, 24, et 47 ; iv, 7, 8, 9-50 ; vi, 1-33 ; i, 29, et 35 ; x, 4-32 ; xm, 1, 2, et 61 ; dans les lettres de saint Ignace ; Rom., i, 3, et Smyr., i ; ii, 24, et Trall., 8 ; iii, 27 ; Ephes., 18 ; vi, 4 ; Ephes., 19 ; vi, 5 ; viii, 17, 29, et Mag., 5, Trall., Q ; i, l, et Mag., 6 ; vii, 6, et Mag. 9 ; viii, 11, et Trall., 9 ; ix, 23, et£p/*., 9 ; xiv, 17, et Trall., 2 ; xv, 5, et Eph., 1, des points de ressemblance avec la lettre de Polycarpe, Rom., vi, 13, etPol., 4 ; xiii, 12, et Pol., 4 ; xii, 10, etPol., l ; xiii, 8, et Pol., 3 ; xiv, 10, et Pol., 6 ; des réminiscences dans Aristide et dans saint Justin. Même des hérétiques appartenant aux sectes de Valentin et de Basilide s’en servaient comme base d’argumentation. L’auteur des Douze patriarches paraît lui-même l’avoir utilisée. Rom., i, 4, et l’est. Lev. AS ; ii, 13, et Test. Aser, 4 ; v, 6, et Test. Ben}., 3 ; VI, et Test. Lev., 4 ; vi, 7, et Test. Sinu, 6 ; vii, 8, et Test. Neph., 8 ; viii, 28, et Test. Benj., 4 ; ix, 21, et Test. JVep/i., 2 ; xii, i, et Test. Lev., 3 ; xii, 21, etTest.Benj., 4 ; xiii, 12, et Test. Neph., H ; xv, 33, et Test. Dan., 5 ; xvi, 20, et Test. Aser., 7. Jusqu’ici, pourtant, aucune citation formelle. Marcion l’avait insérée, mais en la mutilant, dans son Apostolicon, après la seconde Épître aux Corinthiens. À partir de saint Irénée, tous les auteurs ecclésiastiques la citent comme desaintPaul et la regardent comme la base de la théologie chrétienne. Ainsi, en résumé, l’Épître aux Romains est connue et employée à Rome et même ailleurs : dans le premier quart du IIe siècle, elle fait partie de la collection des Épîtres pauliniennes dont on se sert déjà à Antioche, à Rome, à Smyrne, peut-être même à Corinthe ; au milieu du ip siècle, elle entre dans V Apostolicon de Marcion, et vers la fin du même siècle elle est partout reçue comme canonique. À ces témoignages externes se joignent des critères d’évidence interne si frappants que la critique radicale de Tubingue n’a pu les contester. L’Épître aux Romains est une des quatre lettres de saint Paul que la presque unanimité des critiques déclare inattaquable. Les opposants, depuis Évanson (1792), sont très peu nombreux. Les tentatives de Bruno Bauer, en 1852, contre l’authenticité de cette Épitre, sont restées sans résultat. Elles n’ont guère trouvé de crédit qu’auprès de certains théologiens de Suisse et de Hollande. Loman, professeur à Amsterdam, s’appuie sur le silence des Actes, de prétendues incohé rences dans le contenu de l’Épître, dans la variété des opinions sur l’origine de l’Église romaine, pour rejeter notre Épître. Quxstiones Paulionæ, dans Theologisch Tijdschrift, 1882, 1883, 1886. En 1888, Steck, professeur à Berne, fait de l’Épître aux Romains le premier manifeste d’un petit cénacle de philosophes chrétiens grecs établi à Rome au commencement du il" siècle. Der Galaterbrief nach seiner Echtheit uniersucht, Berlin, 1888. — À côté de ces négations radicales ont pris place diverses hypothèses, ^émergèrent diverses recensions, même de nombreuses interpolations dans l’Épître aux Romains. Weisse, Beitrâge zar Kritik der Paulinischen Briefe an die Gàlaten, Rômen, PMUppen und Colossen, Leipzig, 1837 ; Naber, Verisimilia, Laceram conditioner) ! N. T. èxhibentia, Amsterdam, 1886 ; Michelsen, dans Theologisch Tijdschrift, 1886 ; Vôlter, dans Theologisch Tijdschrift, 1889, p. 265 ; von Manen, De Brief aan de Romeinen, Leyde, 1891. L’ardeur de ces attaques n’a pas dépossédé notre Épître des marques d’indubitable authenticité qu’on n’a cessé de lui reconnaître dès l’origine.
VI. Intégrité. — Le texte grec de l’Épître aux Romains se trouve en entier dans les manuscrits suivants : A, B, L, S. Dans les autres codex, il y a des variantes ou des omissions. Les principales versions de l’Épître aux Romains sont les versions latines. Voir Sanday et Headlam, À critïcal and exegetical commentary on the Epistle to the Romans, p. lxiii-lxxiv.
Les objections contre l’intégrité sont peu importantes.
— 1° Les mots h 'Pu>|j.ri, i, 7 et 15, . manquent dans le texte grec et latin du manuscrit G ; omission renforcée par une note marginale du manuscrit xlvii, au ꝟ. 7, tô èv’Pcô(i.r| o’2t£ êvTij êÇriyr, (ret oû’ts év tû fltw (ivrijiovEÛet. Plusieurs en concluent, comme pour l’Épître aux Éphésiens, que l’original était une lettre encyclique qui devait circuler à travers les principales communautés : Rome, Éphèse, Thessalonique ; chacun des exemplaires destinés à ces églises laissait en blanc dans l’adresse, le nom de l’Église qui devait la recevoir. D’autres n’y voient qu’une fantaisie de scribe. La leçon Romse a pour elle la presque totalité des manuscrits.
2° Une autre variante concerne le plan de la doxologie finale, xvi, 25-27, dans plusieurs manuscrits. —’1. Les codex), , ’B, C, D, E, Origéne latin, la Vulgate, la Peschitto, la version hébraïque, la version éthiopienne, l’Ambrosiaster, Pelage la placent à la fin du ch. xvi. — 2, Le codex L, 200 manuscrits byzantins, les lectionnaires, la version syriaque de Thomas d’Héraclée, saint Chrysostome, Théodoret, saint Jean Damascène, la mettent à la fin du ch. xiv. — 3. Les onciaux À et P et les cursifs 5, 17, l’ont tant à la fin du ch. xiv, qu’à la fin du ch. xvi. — 4. Les codex F et G, à la suite de Marcion, l’omettent totalement, laissant en blanc la flnduch.xiv. Quelques-uns supposent, pour expliquer ces omissions, que dès une époque très ancienne, toute la portion du texte depuis xiv, 23, à xvi, 24, aurait été retranchée dans un certain nombre de documents. Rinck a même émis l’idée que des exemplaires mutilés par les Marcionites avaient été employés plus tard dans l’Eglise, sans qu’on ait pris le soin d’y replacer les ch. xv et xvi. Godet propose quelque chose de plus matériel. « On sait, dit-il, qu’un grand nombre de leçons propr.es au texte byzantin proviennent de modifications exigées par les besoins de, 1a lecture publique ; ainsi, par exemple, la substitution si fréquente du nom propre au pronom, au commencement des morceaux destinés aux lectures régulières. Or ce sont précisément les autorités byzantines, minuscules, lectionnaires cod. LI, qui présentent la ligne dont nous nous occupons ; Pourquoi ? Parce que la lecture publique avait uniquement en vue l’édification et que les ch. xv et xvi, ne contenant guère que des détails historiques, d’un intérêt local ^et temporaire, n’avaient que peu de prix à ce point de vue. Il 1171
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était donc assez naturel de les omettre dans ces lectures. Nous avons un exemple frappant de cette manière de faire dans l’extrait syriaque des lettres d’Ignace publiées par Cureton. On avait cru un moment que c’était la vraie teneur du texte primitif. Zahn a mis hors de doute, me paraît-il, que c’étaient là des extraits faits à l’usage d’un couvent syrien, et dans lesquels on avait omis tout ce qui n’allait pas à l’édification, c’est-à-dire tous les détails historiques et personnels qui nous intéressent aujourd’hui à notre point de vue critique. C’est la même raison sans doute qui, à une époque ancienne, a occasionné dans la lecture publique l’omission de nos ch. xv et xvi et, par suite, dans les documents byzantins, la translation de la doxologie à la fin du c. xiv où s’arrêtait cette lecture. On comprend par là que l’influence de ce fait se soit surtout fait sentir sur les lectionnaires ou recueils de péricopes et sur des explications horoiléliques, comme celles de Chrysostome. On a objecté qu’au Ve siècle, Euthalius, à Alexandrie, faisait rentrer notre c. xv dans le cycle des péricopes destinées à la lecture publique. Mais l’omission des ch. xv et XVI pouvait fort bien remonter à une époque antérieure à Euthalius ; il y remédia pour le ch. xv. Mais l’omission, maintenue par lui, du ch. xvi confirme notre explication. » Op. cit., p. 474-475.
VII. Analyse du contenu. — La lettre se divise d’une façon régulière, en trois parties principales :
I. LE prologue (i, 1-16) contient l’adresse et l’action de grâces. L’adresse, ꝟ. 1-7, revêt une certaine solennité. Écrivant à une Église qu’il n’a ni fondée ni visitée, saint Paul éprouve le besoin d’expliquer à quel titre il ose lui écrire : c’est en qualité d’Apôtre des Gentils. Les Romains se trouvent, de ce fait, dans le ressort de sa mission. Il n’outrepasse donc point ses droits en leur adressant son message évangélique. Dans l’action de grâces, ^. 8-16, l’Apôtre exprime successivement la joie de voir l’Église de Rome si prospère et si renommée dans le monde entier pour sa foi si admirable, le vif désir qu’il a depuis longtemps de visiter une communauté si florissante pour la faire bénéficier de la grâce de son apostolat, en complétantçhez les fidèles leurs connaissances évangéliques.
II. le corps de la lettre (i, 17-xv, 13). — On y trouve deux parties distinctes : l’une dogmatique et doctrinale ; l’autre morale.
1° Partie dogmatique (i, 17-xi). — La thèse peut se résumer dans ces mots : Le salut par la foi à l’Évangile, réalisation de la prophétie d’Habacuc : « Le juste vit de la foi », 1, 16-17. —.4) Pour le prouver, l’auteur montre d’abord l’impuissance de la nature, par la description des désordres du monde païen, i, 18-32. Les gentils ont connu Dieu et la loi naturelle, mais ils ont agi comme s’ils n’en avaient pas eu la moindre notion. Tout en se disant sages, ils ont agi en fous et transféré la gloire du Dieu incorruptible à des images représentant des hommes mortels, des oiseaux, des quadrupèdes, des reptiles : c’est l’histoire de l’idolâtrie. Cette perversion de l’idée et du culte du vrai Dieu a eu pour conséquence les pires désordres moraux. « Dieu les a livrés aux désirs de leurs cœurs, si, 26, c’est-à-dire à leurs passions, à l’esprit d’erreur et de mensonge, au sens réprouvé ; après l’obscurcissement de l’esprit, l’oblitération du sens moral. L’apôtre expose ensuite sans ménagement les désordres du monde païen, d’où il est facile de conclure que Ja nature, laissée à elle-même, ne conduit pas à la justification.
B) La loi n’y conduit pas davantage, n-iu, 8. Après le réquisitoire contre le paganisme, l’acte d’accusation des fils d’Abraham. Eux aussi ont provoqué, par la prévarication, la colère de Dieu. La tâche était délicate. Saint Paul l’aborde avec précaution, eu donnant aux faits l’appui de l’Écriture. Le témoignage des faits est écrasant : il remplit tout le ch. n. « Toi donc, qui que tu
sois, qui condamnes les autres, tu es inexcusable. En condamnant les autres tu te condamnes toi-même, puisque tu fais précisément ce que tu condamnes. » n, 1, et plus expressément encore. « Toi qui instruis les autres, tu ne t’instruis pas toi-même ; tu défends le larcin et tu le pratiques ; tu condamnes l’adultère et tu le commets ; tu hais les idoles et tu es sacrilège ; tu te glorifies de la Loi et tu déshonores Dieu en violant la loi, » ii, 23-24. Ceci n’est pas une exception ou le fait de quelques-uns. L’Écriture elle-même le reconnaît quand elle dit : <x Il n’y a point de juste, pas un, nul homme intelligent, aucun qui cherche Dieu. Tous sont sortis de la voie, tous sont pervertis ; il n’y en a pas un qui fasse le bien, pas un seul. » ii, 10-12. La conclusion générale, c’est que juifs et païens, pris en masse, sont sous la condamnation divine. Les deux économies, nature et loi, ont fait faillite et n’ont pu donner la justification.
C) L’Apôtre arrive ainsi à l’économie nouvelle, pratiquée par la Loi, annoncée par les prophètes : l’économie évangélique dans laquelle la justification s’opère par la foi en Jésus-Christ, Rédempteur de l’humanité, ni, 21. Il décrit les deux caractères essentiels de ce nouveau mode de justification : — 1. son universalilé (in omnes), conséquence directe du monothéisme. Puisqu’il n’y a qu’un seul Dieu, ce Dieu est nécessairement le Dieu des gentils aussi bien que le Dieu des Juifs. — 2. sa gratuité. Ni les uns ni les autres n’ont mérité cette grâce. « Tous ont péché et se sentent privés de la gloire de Dieu, justifiés qu’ils sont gratuitement par sa grâce, iii, 23-24. La cause de cette justification n’est pas l’observation de la Loi, mais la mort rédemptrice du Sauveur Jésus, Dieu l’ayant constitué instrument de propitiation par la foi, dans son sang, ꝟ. 25. Quant au but final de cette économie nouvelle, c’est toujours la gloire de Dieu « pour faire éclater sa justice obscurcie par la tolérance des péchés qu’il a supportés avec patience, pour faire éclater sa justice à l’heure actuelle, afin d’être reconnu juste lui-même et auteur de la justification pour quiconque relève de la foi en Jésus, » iii, 26. De ces considérations l’Apôtre déduit deux conséquences préliminaires : une leçon d’humanité, y. 27-28, une leçon d’égalité : Juifs et païens sont justifiés l’un et l’autre de la même manière,
D) Pour mieux pénétrer la nature intense de ce nouveau mode de justification, saint Paul J’envisage sous divers aspects. — 1° Dans ses rapports avec l’Ancien Testament, iv, 1-25. Il la compare avec la justificationtype d’Abraham, IV, 1-25. Toutes deux conviennent dans leurs traits essentiels, c’est-à-dire qu’elles s’opèrent l’une l’autre par la foi dans la Loi, ꝟ. 1-8. Ainsi tout ce qu’a obtenu Abraham en fait de justice, il l’a acquis non par la circoncision, ꝟ. 9-12, puisqu’il a été justifié avant d’être circoncis, a fortiori, sans les observances mosaïques qui sont l’antithèse de la promesse et qui d’ailleurs sont venues longtemps après, y. 1317, en sorte que la justification d’Abraham est le modèle de celle des chrétiens, ꝟ. 17, 25. — 2° Dans ses effets salutaires (v-vm). Entre la justification et le salut il y a une certaine différence : celle du commencement de l’œuvre par rapport à son achèvement. L’Apôtre va montrer, dans ces quatre chapitres, que d’après la pensée et les plans de Dieu, justification et salut sont les deux anneaux extrêmes d’une chaîne indissoluble, quoique ce soit le triste privilège de notre libre arbitre de pouvoir le briser. La grâce est le germe de la gloire, la foi est le gage de la vision, les dons de 1 "Esprit-Saint sont les aubes de la béatitude et l’éclat bienheureux des élus n’est que la floraison tardive mais spontanée de la charité, qui est elle-même un esprit particulier de la justice. « Nous sommes sauvés en espérance » et « l’espérance ne déçoit pas, » voilà le thème qui va être développé. En effet, trois grandes puissances s’opposent 1173
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à notre salut : le péché, la mort, la chair. Or le Christ a triomphé pour nous de « cette triple alliance ».
o) La victoire sur le péché, v, 1-21, est décrite par un magnifique parallèle entre Adam, le premier chef de l’humanité, et Jésus-Christ, second Adam et chef de l’humanité renouvelée. « Ainsi donc, comme par une seule faute est venue sur tous les hommes la condamnation, de même par un seul mérite viendra sur tous les hommes la justification de vie. En effet comme par la désobéissance d’un seul homme, tous, malgré leur nombre, ont été constitués pécheurs, de même aussi, par l’obéissance d’un seul, tous, malgré leur nombre, seront constituées justes. » v, 18-19. — Subsidiairement, l’Apôtre parle du rôle de la Loi par rapport au péché, pour bien montrer que le Christ seul, par son obéissance jusqu’à, la mort, nous a délivrés du péché. En effet, loin de détruire cette puissance ennemie, la Loi a été plutôt son alliée, son auxiltaire, l’instrument actif du péché ; elle a étendu son règne, v, 20.
b) Notre second ennemi, c’est la mort, suite inévitable du péché, Jésus-Christ en a triomphé pour nous, vi, 1-23, ici-bas par la grâce, là haut, dans la gloire. Le symbole de cette vie rendue, c’est le baptême. Jésus nous associe là, d’une manière mystique mais non moins réelle, à sa mort et à sa vie. « Ignorez-vous que nous tous qui avons été baptisés dans le Christ Jésus, nous avons été baptisés dans sa mort. Nous avons donc été ensevelis avec lui par le baptême dans la mort, afin que, comme le Christ est ressuscité des morts par la gloire du Père, ainsi nous aussi nous marchions dans la nouveauté de vie, » ꝟ. 3-4. En nous associant à sa mort, le Christ neutralise le principe d’activité que le péché avait déposé en nous et qui constituait le vieil homme ; en nous associant à sa vie, il détruit tous les germes de mort et nous confère le privilège d’une vie sans fin : vie de l’âme et vie du corps, vie de la grâce et vie de la gloire. La conclusion pratique que l’Apôtre retire de cet enseignement, c’est que le chrétien doit se libérer du péché, ꝟ. 6-23.
c) La’troisième puissance hostile à notre salut, c’est la chair, dont la loi mosaïque fut l’auxiliaire inconscient mais funeste. Tous deux devaient donc être détruits par le Christ. C’est ce qui, en fait, est arrivé, vii, 1-25. Saint Paul commence par l’abrogation de la Loi, « Le chrétien est mort à la loi par le corps du Christ. » La loi n’existe donc plus : elle a fourni des œuvres au péché et à la chair : elle périt donc avec eux, il. 1-7.
Il était nécessaire d’expliquer cet aphorisme étrange : « la Loi instrument de péché avec la chair. » Des distinctions s’imposaient. L’Apôtre n’a garde de lesomettre. Il montre, par son propre exemple, comment la Loi, bonne de sa nature, devient, au contact de nos passions, une plus grande occasion de péché, ꝟ. 7-13 ; il décrit, avecdes accents déchirants, cette vie puissante qui n’est qu’une lutte continuelle, toujours renaissante, entre le désir d’accomplir la Loi d’après l’intimation de la conscience, et les appétits de la chair, pour aboutir au honteux esclavage du péché. De là ce cri déchirant : « Qui me délivrera de ce corps de mort ? » ꝟ. 14-25.
Le ch. viii, 1-39, termine la thèse de l’Épître par ûfr chant de triomphe. Il célèbre la victoire du Christ sur nos très grands ennemis qui sont là gisant devant la croix du Sauveur. Le péché est détruit : « Il n’y a plus de condamnation pour ceux qui sont dans le Christ îésus, » ꝟ. 1 ; la mort est vaincue d’avance par le germe d’immortalité déposé en nous, ji. Il ; la Loi, occasion de péché, est abrogée, ꝟ. 2-7 ; seule, la chair lutte encore contre l’esprit, mais avec l’aide de la grâce, la victoire est assurée. Le présent nous garantit l’avenir : la grâce nous prépare la gloire du ciel. Quatre témoins nous attestent cette connexion intime et nécessaire ; la création matérielle, qui, associée à notre
déchéance, a le pressentiment de notre glorification future, ꝟ. 19-22 ; l’Esprit-Saint qui est en nous, baptisés, » constitue comme les arrhes de la béatitude céleste, ꝟ. 23.27 ; Dieu le Père, qui par sa prédestination enchaîne, par un lien infrangible, tous les actes par lesquels nous passons de la justification première au triomphe éternel, ꝟ. 28-34 ; enfin l’amour de Jésus-Christ qui nous lie inséparablement à lui, en dépit des obstacles de tous genres, jr : 35-39.
E) À sa thèse principale, l’Apôtre ajoute une sorte de complément dogmatique pour expliquer le scandale de la réprobation des Juifs, ix-xi. C’était, au moment où Paul écrit son Épître, un fait indéniable que la masse des juifs était rebelle à l’Évangile, alors que les païens l’acceptaient en foule, douleur amère au cœur de l’Apôtre, énigme insondable pour son esprit ! N’était-ce pas un démenti aux prophètes et aux promesses de l’Ancienne Loi ? Est-il possible que Dieu ait voulu que son peuple élu fût privé d’un salut qui semblait préparé pour lui ? Pour quel motif Dieu agit-il de la sorte ? Quels sont, à ce sujet, les desseins de Dieu ? Voilà les trois questions auxquelles saint Paul essaie de répondre dans trois chapitres.
a) Le ch. ix, 1-29, soutient que Dieu est juste et fidèle dans la réprobation des Juifs. Après avoir énuméré avec orgueil les prérogatives d’Israël, ꝟ. 1-5, saint Paul montre que les prétentions de ses anciens coreligionnaires, au sens où ils les entendent la plupart, reposent sur un malentendu. Il y a deux Israëls ; l’Israël selon la chair et l’Israël selon l’esprit : c’est au second seul qu’appartient la promesse, seul il hérite des bénédictions. A l’appui de cette distinction viennent des exemples tirés de l’Écriture Sainte ; Isaac, fils du miracle et de la promesse, hérite seul des bénédictions promises à Abraham ; Ismaël et les fils de Cëthura n’y ont point de part ; puis, dans la lignée même d’Isaac, une autre sélection. Jacob est préféré par Dieu à Esaû. Autre exemple pour prouver que Dieu est libre dans ses dons, Moïse et Pharaon. Les dons de Dieu sont entièrement gratuits. Toute cette doctrine est d’ailleurs conforme aux oracles d’Osée et d’Isaïe, ꝟ. 25-29. Dieu n’a pas agi arbitrairement dans le rejet d’Israël, il n’a fait qu’établir sa justice, ix, 30-x, 21. En effet, Israël a méconnu la fin de l’économie mosaïque, dont la venue du Messie était le signal. Il n’a pas compris que la Loi devait le conduire à une justice supérieure, au salut gratuit par la foi. Il n’a pas compris davantage que ce nouveau salut était destiné à tous les hommes. Et cependant Moïse et Isaïe avaient parlé de cette, conversion des païens.
b) Dans le ch. xi, l’Apôtre trace une sorte de philosophie de l’histoire d’après les plans divins. Il voit, dans le rejet actuel des Juifs, une occasion providentielle de la conversion des gentils : le rejet est, en somme, partiel et temporaire ; il est destiné à ouvrir toute large aux païens la porte du salut et à dépouiller l’Évangile de l’enveloppe légale : après cela, les Juifs eux-mêmes l’accepteront, ꝟ. 1-15. Le chapitre s’achève par un avis aux païens eux-mêmes afin qu’ils ne se livrent pas à l’égard des juifs à un orgueil semblable à celui qui a perdu ceux-ci, ꝟ. 16-24, et par l’espoir que la conversion des gentils sera le moyen que Dieu emploiera pour ramener Israël, ji. 25-32. Une belle doxologie y. 33-36 célèbre les secrets insondables de la Providence divine dont on vient d’esquisser les plans.
2° Partie morale, xii-xv, 13. — D’abord les principes généraux de la morale chrétienne : 1. le sacrifice vivant du fidèle est comme la base de sa vie, ꝟ. 1-2, sacrifice réalisé principalement par les deux vertus d’humilité et de charité, l’humilité par laquelle chacun limite son activité d’après son don, *. 3-8, la charité par laquelle il se donne tout entier à ses frères et même à ses ennemis, , , t. 9-21. Les 7 premiers versets 1175 ROMAINS (ÉPÎTRE AUX) — ROMANCHES (VERSIONS) DE LA BIBLE 1176
du eh. xm règlent les rapports de l’Église et de l’État : le chrétien est soumis aux puissances établies, il s’acquitte avec soin de ses dettes de justice, ꝟ. 7-10. La perspective du retour du Seigneur tient le fidèle dans une perpétuelle vigilance, ꝟ. 11.14. Après ces règles générales de vie chrétienne, des conseils de circonstance pour l’Église de Rome. Saint Paul recommande aux « forts » d’être charitables avec les « faibles », c’est-à-dire envers ceux qui avaient des scrupules au sujet des anciennes observances mosaïques, xiv, 1, 23. Il revient encore, xv, 13, à la tolérance mutuelle et il invite juifs et païens à louer la bonté et la fidélité divine.
m. épilogue, xv, 14-xvi, 27. — La lettre se termine par des communications personnelles, indique le but qu’elle s’est proposé, annonce la prochaine visite de l’Apôtre à Borne ; xv, 14-33. Puis viennent les salutations à divers personnages, xvi, 1-15, un avertissement, xvi, 17-20, un post-scriptum des compagnons de l’Apôtre et du copiste qui a écrit la lettre, xvi, 21-23, une bénédiction et la doxologie finale, xvi, 24-27
VIII. Langue et style. —’Comme toutes les autres Épîtres de saint Paul, celle-ci est écrite en grec. Le latin paraîtrait tout désigné pour écrire aux chrétiens de la capitale de l’Empire, mais le grec fut la langue dominante de l’Église de Rome, durant les trois premiers siècles. Voir Caspari, Quellen zur Geschichte des Taufsymbols, Christiania, 1875. — Le style de cette Épître est si varié qu’on a sérieusement agité la question de savoir si le même auteur avait tenu la plume jusqu’au bout. Mais quand on considère l’étendue de la lettre, les amples développements théologiques, - la diversité des sujets traités, on ne s’étonne plus de ces différences de vocabulaire, de syntaxe, d’images, et de sentiments exprimés. Ce qui caractérise surtout cette Épltre, c’est une exposition magistrale, qui n’exclut pas une certaine vivacité et une admirable énergie ; on y trouve des passages de la plus belle éloquence. La style est vif, élégant, parfois incisif, la dialectique serrée, les arguments généralement bien enchaînés, les périodes courtes mais d’une belle ordonnance. En résumé, l’Épître aux Romains semble être, dans l’ensemble, le meilleur morceau littéraire qui soit sorti de le plume de saint Paul.
IX. Bibliographie. — Parmi les commentaires les plus remarquables, on doit citer, chez les anciens, Origène, Comment, in Epist. S. Pauli ad Romanos, t. xiv, col. 857-1292 ; S. Jean Chrysostome, Homil. in Epist. ad Romanos, prêcbées à Antioche entre 387 et 397, t. lx, col. 391-632 ; Théodoret, saint Jean Damascène, Œcumeniua, Théophylacte, Euthymius, l’Ambrosiaster, Pelage ; au moyen âge, Hugues de Saint-Victor, Pierre Abélard, saint Thomas d’Aquin, dans son Expositio in Epistolas omnes Divi Pauli Apostoli ; Cornélius a Lapide, Commentarius in omnes D. Pauli Epistolas, Anvers, 1614 ; Estius, In omnes Pauli Epistolas commentarius, Douai, 1614-16 ; *Grotius, dans ses annotationes inN. T., Paris, 1644 ; *Hammond, Paraphrase and annotations of the N. T., 1653 ; "Locke, À paraphrase and notes to the Epislle of St. Paul, 1759-1707 ; Bengel, Gnomon Novi Testamenti, 1742. Durant la période moderne, Tholuck dont les commentaires ont paru en 1824 ; "Fritzsche, 18361843 ; Meyer, 1832, un des meilleurs commentaires de l’Épître aux Romains ; réédité par B. Weiss en 1900 ; ’L. de Wette, Kurzgefasstes exegetisches Handbuch zum Neuen Testament, 1836-1848 ; "Alford, Greek Testament, 1849-1861 ; ’Jowett, St. Paul’s Epistles to the Thessalonicians, Galatians and Romans, 1855 ; ’Godet, Commentaire sur l’Épître aux Romains, Paris, 1879 ; ’Oltramare, Commentaire sur l’Épître aux Romains, 1881-1882 ; * Gifford, dans The Speaker’s commentary, Genève, 1881 ; "Liddon, Explanatory analysis of St.
Paul’s Epistle to the Romans, 1893 ; *Lipsius, dans le H andcommentar zum. N. T., publié sous la direction de H. J. Holtzmann, 1891 ; * Sanday et Headlam, dans l’International critical commentary, 1902. Les catholiques, Klee, 1830 ; Reithmayer, 1845, Ad. Maier, 1847, Bisping, Schæfer, 1891 ; Drach ; Maunoury, 1878 ; R. Cornely, dans le Cursus Scriptural Sacrée, 1896.
C. Toussaint.
- ROMANCHES##
ROMANCHES (VERSIONS) DE LA BIBLE. La langue romanche ou roumanche est un r rameau des langues romanes, issues du latin, ou néo-latines. Elle embrasse une série d’idiomes romans, qui sont parlés le long des Alpes, des sources du Rhin antérieur à la mer Adriatique. La Bible a été totalememt ou partiellement traduite dans trois dialectes seulement de l’Engadine et du canton des Grisons à l’usage des protestants à partir du xvi » siècle. Les catholiques de langue romanche n’ont pas dé version spéciale de la Bible dans aucun dialecte.
1° Dialecte de la Raute-Engadine. — Le Nouveau Testament a été traduit du latin et autres langues en haut engadinois par Jacques Bifrun ou Biveroni († 1572), de Sarmëdan, jurisconsulte et théologien, réformateur et ami de Zwingle : L’g nouf Testamaînt, in-8°, s. 1., 1560. Il l’a publié à Bâle à ses frais. Cette première édition a une préface de Philippe Gallicius. En 1605, Lucius Papa en publia une nouvelle édition, et il en parut à Fuschlâff une troisième, accompagnée de notes, en 1607. Voir Bœhmer, Romantische Studien, t. vi, à l’année 1560 ; Campell, Zwei Bûcher ràtischer Geschichte, t. i, p. 414. Comme Bifrun est l’écrivain classique du haut engadinois, M. J. Ulrich a réédité quatre livres de sa traduction du Nouveau Testament dans la Revue des langues romanes : l’Évangile selon saint Luc, 1897, t. xl, p. 65-83, 97-109, 265-279, 552-572 ; l’Évangile selon saint Jean, 1898, t. xli, p. 239-271 ; 1899, t. xlii, p. 56-70, 301-304 ; lesvctes des Apôtres, i&id., p..509-535 ; 1901, t. xuv, p. 521-530 ; 1902, t. xlv, p. 357-369 ; 1903, t. xlvi, p. 75-93 ; et l’Apocalypse, 1905, t. xlviii, p. 7587, 306-323. Pour les Épîtres de saint Paul et des autres apôtres, il n’a publié que les mots intéressants ou rares que fournit leur traduction. Ibid., juillet et août 1906, janvier et février, mai et juin 1907. Une autre version du Nouveau Testament dans le même dialecte fut faite par Jean Gritti de Zuoz et parut, in-8°, Bâle, 1640. Les Psaumes furent traduits par Laurent Witzel, Bâle, 1661. Janev Menni rédigea une nouvelle traduction du Nouveau Testament à Coïre, en 1861.
2° Dialecte de la Basse-Engadine. — Les Psaumes et cantiques furent traduits dans ce dialecte par Ciampel pour l’usage litnrgique et parurent avec notation musicale en 1562 ; 2e édit., in-8°, Bâle, 1606. Des parties détachées de l’Ancien Testament furent traduites par Jean Pitschen Saluz en 1657 et les années suivantes. Une Bible entière est due à la collaboration de Jacques Antoine Vulpi et de Jacques Dorta a Vulpera. Elle fut imprimée â Schuol, village de la Basse-Engadine, in-f 3, 1657. La traduction avait été faite sur la version italienne de Diodati. Voir t. iii, col. 1030-1031. Des rééditions complètes parurent à Bâle, en 1679 et en 1743. Le Nouveau Testament fut imprimé à part, Bâle, 1812, et l’Ancien, à Coire, en 1815, sous ce titre : Biblia o vero la Soinchia Scritûra del Velg Testamaînt. La Bible entière a encore été rééditée à Cologne, 18671870. À Paris, en 1836, un in-12 est intitulé : Il nouf Testamaînt da nos Segner Jesu Christa, tradiit in rumansch d’Engadina bassa.
3° Dialecte réto-roman des Grisons. — Le Psautier fut traduit en, ce dialecte par Gabriel Sapharius, in-8°, Bâle, 1611. Lucius Papa traduisit la Sagesse de Siracide ou l’Ecclésiastique, in-12, Zurich. 1628. Lucius (Louis) Gabriel donna tout le Nouveau Testament : Il n’ef Testamaint, in-8°, Bâle, 1648. Les Psaumes furent traduits
par J. Grass, Zurich, 1683. Une Bible entière : La S. Bibla, contenant même les apocryphes, c’est-à-dire les deutérocanoniques, et due à la collaboration de la plupart des ministres de la région, parut in-f°, Coire, 1719. Une 2= édition en 2 vol. fut faite, 1818-1820. En 1870, cette version fut éditée à Francfort aux frais de la Société biblique d’Angleterre sous ce titre : La Bïblia u la Sontga Scartira dit Veder a Niev Testamaînt. Enfin Otto Carisch a publié : llg niev Testamaînt suenler ilg original grec, Coire, 1856. Voir F. Rausch, Geschichte der Literatur des Rhâto-Romans Volkes, Francfort, 1870. On trouvera aussi la parabole de l’enfant prodigue en douze textes romanches, dans Coquebert de Mon tbret, Mélanges sur les patois de France, 1831. Cf. J. Le Long, Bibliotheca sacra, in-f°, Paris, 1723, t. i, p. 369370 ; Kirchenlexikon, 2e édit., 1883, t. iii, col. 742-743 ; Realencyclopàdie fur protestantische Théologie und Kirche, 3e édit., 1897, t. iii, p. 144.
E. Mangenot.
- ROMANES##
ROMANES (VERSIONS) DES SAINTES
ÉCRITURES. On désigne sous ce nom les traductions de la Bible en langues romanes, ou néo-latines, c’est-à-dire en francais, t. ii, col. 2346-2373 ; en italien, t. iii, col. 1012-1038 ; en espagnol, t. ii, col. 1952-1956 ; en catalan, t. ii, col. 345 ; en portugais, col. 559, 569 ; en romanche, col. 1176. Voir aussi Roumaines (Versions).
- ROMATHITE##
ROMATHITE (hébreu : hâ-Râmâtî ; Septante : h.’PariX ; Alexandrinus : 6’Pau.a9ai’o ! ; ; Vulgate : Romathites), originaire de Rama de Benjamin. Ce qualificatif indique la patrie de Séméias, chargé de la culture des vignes royales du temps de David. I Par., xxvil, 27..
ROME (grec : T ?.ti|iïi ; Talmud : « dit, rdr), capitale de l’Empire romain, lors de la naissance de Notre-Seigneur, devenue depuis la capitale du monde catholique. — Les origines de la ville des Césars sont plus légendaires qu’historiques et ce n’est pas le lieu de s’en occuper ici. La tradition romaine la plus ancienne reconnaît l’existence de villages distincts sur les sept collines avant Romulus. Le Palatin semble avoir été le principal et c’est là que des bergers venus d’Albe pour chercher des pâturages auraient été les premiers fondateurs de Rome, ainsi nommée, d’après une des nombreuses étymologies qu’on en a données, de rumon, « fleuve », parce qu’elle était située près du lleuve(le Tibre). Guidi, Bullettino archeol.com., 1881, p. 63. Romulus fit du Palatin une place fortifiée, qui fut ainsi le noyau de la capitale du monde. Elle eut pour limites un retranchement tracé autour de la colline et formant un carré d’environ 400 mètres de côté. La fondation de la Roma quadrata est fixée au 21 avril de l’an 752 (753) avant J.-C. Ce n’était qu’une sorte de camp où l’on habitait dans des chaumières. D’après la tradition romaine, te village de Saturnîa, appelé depuis le Capitule, fut réuni de bonne heure au Palatin. Au dire de Denys d’Halicarnasse, Numa Pompilius y ajouta le Quirinal. Après lui, ïullus Hpstilius l’agrandit du Coelius, Ancus Martius de l’Aventin, Tarquin l’Ancien de l’Esquilin et du Viminal. Ainsi furent réunies les trois races principales : latine, sabine et étrusque, qui habitaient les sept collines et devinrent le peuple romain (fig. 239). La situation de la nouvelle capitale était extrêmement avantageuse et favorisa son rapide développement. Tite Live, v, 54, l’a très bien dit : Flumen opportunum, quo ex mediterraneis locis fruges devehantur, quo maritimi commeatus accipiantur, mare vicinum ad commoditates, nec expositum nimia propinquitate ad pericula classium externarum, regionum ltalise médium, ad incrementum urbisnatum unice locum. — Servius Tullius partagea Rome en quatre régions, Denys d’Halicarnasse, iv, 14 (fig. 240) ; Auguste divisa la ville agrandie en quatorze régions.
I. Rome dans l’Ancien Testament. — Le prophète Daniel, xi, 30, parle des Romains, mais sans les nommer expressément. Leur nom apparaît pour la première fois dans les livres des Machabées. Ils nous apprennent qu’Antiochus IV Épiphane, dont Daniel avait prédit l’humiliation future par les Romains et par Popilius, voir t. i, col. 697, avait été otage à Rome, I Mach., i, 11 ; que Démétrius Ier Soter, fils de Séleucus, l’avait été aussi à son tour pour y remplacer comme tel son oncle Antiochus épiphane, I Mach., vii, 1, voir t. ii, col. 1358 ; ils nous racontent surtout l’alliance que contracta avec les Romains Judas Machabée afin d’obtenir leur appui contre les rois de Syrie (161 avant ! . -C). I Mach., viii, 1-31 ; II Mach., iv, ll. Voir t. iii, col. 1801, Le frère de Judas, Jonathas Machabée, renouvela l’alliance avec Rome (144 avant J.-C). I Mach., xii, 1-4, 16. Voir t. iii, col. 1623. Les Romains s’associèrent au deuil des Juifs à la mort de Jonathas et renouvelèrent l’alliance {139 avant J.-C.) avec Simon son frère, qui lui succéda, et envoya à Rome de riches présents. I Maoh., xiv, 16-19, 24, 40 ; xv, 15-24. Une des causes pour lesquelles Antiochus Épiphane avait fait la guerre aux
- , ’239. — Rome assise sur les s>ept collines.
Monnaie antique agrandie.
Juifs était de se procurer par la vente des esclaves dont il s’emparerait une partie de la somme qu’il devait payer aux Romains. II Mach., viii, 10. L’alliance que les Machabées contractèrent avec Rome leur fut profitable dans leur lutte contre les Séleucides ; les légats romains Memmius et Manilius confirmèrent en particulier par Une lettre les privilèges que Lysias avait accordés aux Juifs, au nom des rois de Syrie, II Mach., xi, 34-38 ; mais cette intervention dans les affaires de la Judée de. vait amener peu à peu la prise de possession du pays-Pompée s’empara de Jérusalem l’an 63 avant J.-C. Tacite, Hist., v, 9 ; Florus, iii, 5, 30. Il emmena à Rome comme esclaves un certain nombre de Juifs qu’il avait fait prisonniers, mais la capitale du monde en avait déjà vus auparavant. Quelques-uns de ceux qui avaient accompagné Numénius, l’ambassadeur de Jonathas et de Simon Machabée, dans ses deux voyeges à Rome, cf.
I Mach., xii, 16 ; xiv, 24 ; xv, 15 (voir Numénius, t. iv, col. 1715), y avaient sans doute fait de la propagande religieuse, car c’est probablement à cette époque que se passa le fait rapporté par Valère Maxime, I, iii, 2, et dont on admet généralement aujourd’hui l’authenticité.
II raconte que « Cornélius Hispalus força ceux qui avaient essayé de corrompre les mœurs romaines par le culte simulé de Sabazius Jupiter, de retourner chez eux. » Cf. J. Marquardt, Le culte chez les Romains, trad. M. Brissaud, t.i, Paris, 1889, p. 100, note 1. CeJupiter-Sabaziuspeut n’être que le nom altéré de Jéhovah Sabaoth (voir la note de l’édit. Lemaire, 1822, p. 30) et les expulsés sont vraisemblablement les Juifs, Reinach, Textes relatifs au judaïsme, p. 259. Quoi qu’il en soit, les Juifs désormaissoumis aux Romains depuis.Pompée, ne durent pas tarder à se rendre en assez grand nombre à Rome pour leurs affaires et pour leur commerce.
II. Rome dans le Nouveau Testament. — I. les
JUIFS À ROME AV COMMENCEMENT DE L'ÈRE CBBÉTIENNE. — Avec l'établissement de l’empire sous Auguste, Rome acquit un nouvel éclat et exerça sur les étrangers, sn particulier sur les Juifs, une sorte de fascination. Comme l’a dit notre vieux poète J. du Bellay :
Rome fut tout le monde et tout le monde est Rome.
Le roi juif Aristobule avait été emmené à Rome avec ses enfants par Pompée, son vainqueur. Josèphe,
rèrent-ils sa mort. Suétone, Div. Julius, 84. Cf. Josèphe, Ant.jud., XIV, x, 8. Auguste et aussi Tibère, dans la seconde partie de son règne, leur furent également favorables. Il leur était permis de pratiquer leur religion et leurs coutumes. Philon, lac. cit. Leur nombre avait si rapidement augmenté que, lorsque les Juifs envoyés en ambassade de Palestine auprès d’Auguste pour faire entendre leurs plaintes contre Archélaùs arrivèrent dans la capitale, ils y furent appuyés par plus de huit mille de leurs coreligionnaires établis à Rome. Jo 240. — Carte dsRoma qttadrata, du Septimontium, des quatre régions et de l’enceinte de Servius Tullius. D’après L, . Homo.
Ant. jud., XIV, IV, 5. Un quartier spécial fut bientôt attribué aux Juifs qui après la guerre y avaient été vendus comme esclaves et avaient été ensuite affranchis ou qui s’y étaient rendus volontairement, attirés par l’espoir de s’enrichir dans la grande ville. Ce quartier n'était pas le Ghetto moderne, entre le Capitole et l'île du Tibre, mais la rive du Tibre, dans la partie appelée aujourd’hui le Transtévère. Philon, Légat, ad Caium, édit. Mangey, p. 568. Cette situation était très favorable à leur commerce, rendu facile par le voisinage du fleuve. Aussi les Juifs acquirent-ils bientôt de l’importance à Rome. La-manière dont en parle Cicérondans son discours en faveur de Valérius Flaccus montre qu’on était déjà obligé de compter avec eux. Pro Flacco, 28, 69. Jules César les traita avec bienveillance, aussi pleu sèphe, Ant. jud., XVII, xiii, 2 ; Bell, jud., II, vi, 1 A l'époque où Tibère les bannit de la ville, à cause des crimes commis par quelques-uns d’entre eux, quatre mille furent enrôlés dans l’armée romaine et envoyés en Sardaigne. Josèphe, Ant. jud., XVIII, iii, 5 ; Tacite, Ann., ii, 85 ; Suétone, liber., 37, 66.
Malgré tout, leur nombre augmentait toujours. Us faisaient des prosélytes, surtout parmi les femmes des hautes classes. Horace, Satir., i, 4, 114 ; Juvénal, Satir., m, 14 ; vi, 642 ; xiv, 96. On peut conclure des allusions de Juvénal, iii, 10, 15, de même que des catacombes exclusivement juives de Rome, qu’ils avaient débordé le quartier du Transtévère et s'étaient répandus un peu partout. Cꝟ. 0. Marucchi, D’un antico cimitero giudaico, dans les Atti deW Accad. rom., 1884. Les Actes,
xviii, 17, parlent de l'édit de l’empereur Claude, qui les chassa de Home, l’an 9 de son règne (49 ou 50). Orose, vii, 6, t. xxxi, col. 1075. Judseos, impulsore Chresto, assidue tunwltuantes Roma expulit, dit Suétone, Claud., 25, mais ils ne tardèrent pas à y rentrer, tant était considérable l’influence qu’ils y avaient déjà acquise. Sénèque (dans S. Augustin, De civ. Dei, vi, 11, t. xli, col. 192), en parle avec amertume : Cum intérim usgue eo sceleratissimx gentis consuetudo convaluit, ut per omnes jam terras recepta sit : victi victoribus leges dedervnt. — La Providence avait ainsi envoyé à Rome les descendants d’Abraham pour préparer les voies à l'établissement du christianisme dans la capitale de l’empire. Sans le vouloir et malgré eux, ils allaient faciliter à Pierre et à Paul leur
241. — Restes de la Porta Capena. D’après une photographie de M. l’abbé Saint-Martin.
mission évangélique : les Apôlres n’avaient plus qu'à venir.
II. SAWT PIERRE ET SAINT PAUL À ROME. — 1° Les troubles dont parle Suétone et qui furent l’occasion de l'édit de Claude, doivent s’entendre sans doute des dissensions que provoqua parmi les Juifs la prédication de l'Évangile. Les chrétiens ne furent pas tout d’abord distingués des Juifs proprement dits, parce qu’ils étaient eux-mêmes la plupart d’origine juive. Nous ignorons par qui et quand la bonne nouvelle fut apportée pour la première fois dans la capitale du monde. Ce fut probablement peu après la Pentecôte par quelqu’un des Juifs de Rome qui se trouvaient alors présents à Jérusalem. Act., ii, 10. Parmi les trois mille convertis qui crurent alors à la parole de Pierre, ꝟ. 41, il devait se rencontrer vraisemblablement quelque advena Romanus. Quand le prince des Apôtres arriva un peu plus tard dans la capitale de l’empire, voir Pierre, col. 373, le nom du Christ Jésus y était donc sans doute déjà honoré par un groupe de tidèies. Ce qui est certain, c’est que, avant l’arrivée de saint Paul à Rome, cette ville comptait des chrétiens dans ses murs, parmi lesquels Andronique et Junie s'étaient convertis avant l’Apôtre lui-même. Rom., xvi, 7, L’ipitre aux Romains,
xvi, énumère dans les salutations vingt-quatre chrétiens de marque qui habitaient la cité des Césars, et tout son contenu suppose qu’ils étaient assez nombreux. Rom., i, 8. Plusieurs des Juifs qui avaient été chassés de Rome par l'édit de Claude étaient devenus disciples de saint Paul, et étant retournés dans cette ville, ils avaient grossi le nombre des fidèles et des prédicateurs. Act., xviii, 2, 3, 18 ; Rom., xvi, 3, 7, 9, 12. Voir Romains (Épitreaux), col. 1165.
2° Depuis plusieurs années, l’Apôtre des gentils caressait le désir d’aller prêcher dans la capitale de la gentilité. II regardait ce voyage comme un devoir : Atï (is xaî 'P[i[rr, v ÏSsïv. Oportet me et Romani videre. Act., xix, 21. Les circonstances seules l’avaient forcé de retarder l’accomplissement de son projet. Rom., i, 13. Nous ignorons comment se fit le premier voyage de saint Pierre à Rome, mais nous savons comment s’y rendit saint Paul. À Césarée de Palestine, accusé par les Juifs devant le procurateur Festus, il fit appel à César et en conséquence, il fut conduit comme prisonnier au siège de l’empire. Act., xxv, li-12, 25. Saint Paul débarqua à Pouzzoles. Des chrétiens de Rome, informés de son arrivée, allèrent à sa rencontre jusqu'à Forum Appii et par la via Appia, ils vinrent à Rome où ils entrèrent par la porte Capène, qui s’ouvrait dans cette partie de l’enceinte de Servius Tullius, dont on peut voir encore des restes dans la cave de YAntica Osleria di Porta Capena (fig. 241). C’est donc chargé de chaînes et cependant entouré de fidèles qui le vénéraient plus qu’un' César, que l’Apôtre des gentils mit pour la première fois le pied sur le sol de cette capitale que sa parole, avec celle de saint Pierre, allait transfigurer et rendre encore plus glorieuse et plus illustre :
Di quella Roma onde Christo è romano. Dante, Purgat., xxxii, 102.
3° Saint Paul entra dans Rome l’an 61, la septième année du règne de Néron, sous le consulat de Cœsennius Pætus et de Petronius Sabinius Turpilianus. Quels durent être ses sentiments à la vue de cette reine du monde, qui tenait l’univers sous sa domination et était le siège de l’idolâtrie ? Celui dont l’auteur des Actes nous dit qu'à la vue d’Athènes, incitabatur spiritus ejus in ipso videns idololatriss deditam civitalem, Act., xvir, 16, ne dut pas être moins ému en contemplant tant de signes de superstition et tant de monuments du paganisme au milieu de cette immense cité. Qu'était Jérusalem, qu'était Athènes auprès ; de cette capitale ! Elle avait grandi depuis Servius Tullius et débordé de son enceinte trop étroite. Elle comptait maintenant, avec ses faubourgs, une population que les uns estiment à un million (0. Marucchi, Excursioni archeol. in Roma, p. 25), d’autres à un million et demi d’habitants. Fr. de Champagny, Les Césars, t. iv, p. 347-353. Elle se composait de représentants de toutes les parties du monde, attirés par l’ambition, l’amour du luxe, ta soif des jouissances et des plaisirs, les besoins de l’administration et les affaires. Le philosophe grec y coudoyait le rhéteur d’Asie, l’astrologue de Chaldée, le magicien d’Egypte, le prêtre d’Isis, parmi les Latins et les Juifs. L’Apôtre des Gentils allait avoir un vaste champ pour exercer son zèle, mais qui, parmi ceux qui le virent entrer dans Rome et le remarquèrent à peine au milieu de ceux qui lui faisaient escorte, aurait pu s’imaginer qu’un grand événement s’accomplissait à cette heure et que c'était l’envoyé d’un conquérant plus grand que les Césars qui venait préparer la prise de possession de son Maître ?
4° La capitale de l’empire n’avait pas encore tout l'éclat qui la rendit si belle et si somptueuse dans la suile sous le gouvernement des empereurs, après l’incendie de Néron. Les superbes monuments dont les ruines
nous remplissent aujourd’hui d’admiration n’étaient pas alors élevés. La ville n’était pas bâtie d’après un plan régulier. Les rues étaient étroiles, tortueuses, non pavées, malpropres, boueuses ou poussiéreuses, angusti et flexi viei, dit Suétone ; arcta itinera, ditTacite, Ann., xv, 38 ; Romani in montibtts posilam et convallibus, csenaculis sublatam atgue snspensam, non oplimis viis, angustissimis semitis, dit Cicéron, ii, De lege agraria, 35. Les maisons étaient trop hautes, eœnacula excelsa, dit Pline, H. N., XXXVI, XIH, 88 ; Auguste interdit de les élever de plus de 70 pieds (environ 21 mètres). Strabon, v, 7. Souvent mal bâties, elles manquaient de solidité ; la fièvre y exerçait fré c’estque, malgré sa captivité, il put jouir d’une liberté relative. Il fut autorisé à demeurer dans une maison qu’il loua, èv îSe’ui (ico6ci|iati, ira suo conductu, avec le soldat qui le gardait, Act., xxviii, 16, 20. Il était enchaîné, Eph., VI, 20 ; Phil., 1, 13 ; mais sa parole ne l’était pas. Laboro usque ad vincula, comme il l’écrivait plus tard à Timothée, sed verbum Dei non est alligatum. II Tim., ii, 9. Saint Luc nous dit expressément, Act., xxviii, 30-31, qu’il recevait tous ceux qui voulaient le visiter et qu’il leur prêchait le royaume de Dieu, Il fit entendre sa voix même à quelques-uns de ceux qui appartenaient à la maison de César. Phil., i, 13 ; IV, 22. Et comme il avait toujours la sollicitude des Églises
242. — Via Appia, entre le cinquième et le sixième milles. D’après une photographie.
quemment ses ravages. Gomme beaucoup d’habitations étaient en bois, les incendies n’y étaient pas rares. Voir Attilio Profumo, Le Fonti ed i tempi dello incendia Neroniano, in-4°, Rome, 1905, p. 405-407. La moitié de la population de Rome était esclave. La plus grande partie du reste des habitants était pauvre et vivait des largesses des empereurs. L’industrie était inconnue. Le nombre des familles riches était restreint. Il n’y avait pas de classe moyenne. Pauvres et esclaves étaient entassés dans d’étroits espaces. Une des choses qui étonnent le plus les visiteurs de la maison dite de Livie au Palatin et des maisons conservées à Pompéi par les cendres du Vésuve, c’est la petitesse et l’exiguité des appartements, où l’on a été parfois obligé d’échancrer le mur pour y faire tenir le lit.
5° C’est dans quelque réduit analogue que dut résider saint Paul, pendant les deux ans qu’il attendit sa sentence, Act., xxviii, 16, 30, et pendant son dernier séjour à Rome. Lors de sa première captivité, il habita, soit auprès du camp des prétoriens, établi hors des murs par Tibèreau nord-est de la ville, Tacite, Ann., iv, 2 ; Suétone, Tiber., 37 ; soit près de la caserne attachée à la résidence impériale sur le Palatin. Ce qui est certain,
qu’il avait fondées, pendant cette première captivité, il écrivit alors outre son Épitre à Philémon, ses Épîtres aux Philippiens, aux Colossiens et aux Éphésiens. C’est aussi de Rome que fut écrite, an peu avant son martyre, sa seconde Épitre à Timothé ». Voir Paul, t. iv, col. 2226-2228. L’emprisonnement de l’Apôtre se termina par un acquittement. Ibid., col. 228. Cf. II Tim., iv, 17. Mais le livre des Actes ne nous fournit plus de renseignements sur sa délivrance ni sur ses dernières années. Il revint à Rome, fut jeté une seconde fois en prison et, cette fois, il n’en sortit que pour subir le martyre, en 67. Voir t. iv, col. 2230.
6° Sur le séjour de saint Pierre à Rome nous avons^ encore moins de détails que pour saint Paul, mais il est démontré, malgré tous les efforts des ennemis de l’Eglise catholique en sens contraires, qu’il établit sa chaire à Rome, qu’il y vécut de longnes années, vingt-cinq ans, d’après le Liber pontificalis, et qu’il y mourut martyr sur une croix (an 67). Voir Pierre, col. 373376° SaintPaul eut la tête tranchée aux Trois-Fontaines ; . saint Pierre fut crucifié au Vatican, comme nous le dirons plus loin.
III. SAINT JEAN L’ÉVANGÉLISTE À ROME. — SOUS VesUictioimatre de ta Biïjle
Letoutey et Ane-Paris
jtesç&2Z££^ï£m^
ImpI)ufrmoy-.Pari&.
PLAN COMPARÉ DÉ ROME ANCIENNE ET MODERNE.
pasien et sous Titus, les Juifs furent hien traités à Ror&e et les chrétiens, qu’on confondait encore souvent avec eux, à cause de leur genre de vie, bénéficièrent de la large tolérance qui leur était accordée. Mais sous Domitien, la persécution recommença. La rapacité de cet empereur en fut la cause première. II voulut obliger les chrétiens, qui judaicam viverent vitam, Suétone, Domit., 12, à payer le tribut du didrachme, autrefois destiné à l’entretien du temple de Jérusalem, et, depuis sa destruction, consacré soi-disant aux édifices du Capitole. Josèphe, Bell, jud., VII, VI, 6 ; Dion
Cette porte donnant accès à la voie Latine ne fut ouverte qu’aux jours où Aurélien recula l’enceinte de la ville… Jean sortit intact et sain du bain de feu… Domitien rassuré sur le compte des chrétiens commençaità relâcher ses poursuites. Cesoutfte de clémence détourna les magistrats de s’acharner contre un vieillard ; ils se contentèrent de le reléguer dans l’Ile de Patmos. » C. Fouard, Saint Jean, Paris, 1904, p. 99100. Voir Je/un - 7, t. iv, col. 1165. On peut dire que le souvenir du voyage de saint Jean à Rome et de ce qu’il y avait souffert est resté marqué en traits de feu dans
. -243. — Le tombeau de Cœcilia Métella sur la Voie appienne. Il avait été construit avant l’arrivée de saint Paul, entre 686 et 700, de Rome. Nibby, Roma antica, Rome, 1839, t. ii, p. 550. Les créneaux ont été ajoutés en 1299 de notre ère. D’après une photographie de M. H. Saint-Martin.
Cassius, lxvi, 7. Les chrétiens, considérant comme une sorte d’apostasie la soumission à cet impôt, qui les confondait avec les Juifs, refusèrent la plupart de l’acquitter et on les poursuivit devant les tribunaux comme athées. Suétone, Domit., 12 ; Dion Cassius, lxvii, 14. La persécution contre les chrétiens s’étendit -de proche en proche et fit des victimes en Asie Mineure, a Smyrne, Apoc, ii, 10 ; à Pergame, ii, 43 ; et ailleurs, v, 6 ; vi, 9, 10 ; xx, 1. Saint Jean résidait alors à Éphése ; il en fut lui-même victime. Domitien avait tlonné l’ordre d’arrêter et d’amener à Rome lès descendants des rois de Juda, ce qui fut fait. Hégésippe, dans Eusèbe, H. E., iii, 19, 20, t. xx, col. 252-256. Saint Jean, si renommé pour avoir vécu dans l’intimité du Sauveur, fut peut-être arrêté au même titre. On l’amena à Rome et il fut condamné à périr dans une chaudière d’huile bouillante. « Le lieu traditionnel de son exécution es, t la Porte Latine, ou, pour mieux dire, l’espace, libre alors, qu’occupa plus tard cette barrière de Rome.
l’Apocalypse. Saint Pierre avait déjà désigné Rome sous
le noni de Babylone. 1 Pet., v, 13. C’est sous ce titre
qu’elle apparaît, Apoc, xiv, 8 ; xvi, 19 ; xvii, 5 ; xviii
2. Dans le livre du prophète de Paticos, Vurbs septicollis,
Apoc, xvii, 9, opposée à Jérusalem, Rome qui siège
super aquas multas, xvii, 1, comme une reine vêtue
de pourpre et d’or, est « la grande Babylone, mère des
abominations de la terre, ivre du sang des martyrs,
la grande ville qui a l’empire sur les rois de la terre. »
xvii, 4, 5, 6, 18. Le quatrième livre d’Esdras, iii, 1, 2 ;
xv, 43, et l’Apocalypse de Baruch appellent également
Rome Babylone. Saint Jean la décrit aussi, Apoc, xiii,
sous l’emblème d’une bête monstrueuse, dont la bouche
profère des blasphèmes et qui exerce sa fureur contre
les saints. L’heure de la justice et de la vengeance
viendra : Cecidit, cecidit Babylon Ma magna, quse a
vino iræ fornicationis suas potauit omnes gentes.
Apoc, xiv, 8. Mais le sang des martyrs, qui lui a mérité
le châtiment annoncé par le prophète, donnera à Rome
V. - 38
1187
ROME
1188
une Vie et une gloire nouvelles. C’est l’Église elle-même, l’Église qui a été d’abord victime de ses persécutions, qui chantera un jour dans l’hymne de la fête des apôtres Pierre et Paul :
Romafelix, quse duorum-principum Es consecrata glorioso sanguine. Horum cruore purpurata esteras
Excellis orbis una pulchritudines.
Ses empereurs et ses grands hommes n’avaient pu lui conserver sa splendeur ; deux Juifs, un pêcheur du lac de Génésareth, un fabricant de tentes de Tarse, l’ont rendu plus glorieuse que jamais. C’est à eux qu’elle doit d’avoir survécu à tous les désastres et à toutes les ruines, et d’être encore Urbs Borna. Un poète anonyme disait avec raison, lorsque Constantinople lui eut ravi son titre de capitale de l’empire (Marucchi, Excursioni archeol. in Roma, parte II, p. 47) :
Conslantinopolis florens nova Borna vocatur, Mœnibus et mûris Roma vetusta cadis. Non si te Pétri meritum Paulique foveret, Tempore jam longo misella fores.
III. Sduvenibs apostoliques a Rome. — La Rome chrétienne a conservé et honoré le souvenir de ses
245. — La prison Mamertîne.
Apôtres et l’on peut suivre encore aujourd’hui leurs traces dans la ville éternelle. — 1° C’est par la via Appia que saint Paul arriva dans la capitale de l’empire. Cette voie, restaurée parJPie IX, en 1850-1853, jusqu’à la onzième pierre miliiaire, se présente encore à nous, en partie, avec l’aspect qu’elle oflrjt aux yeux de l’Apôtre des Gentils (fig. 242 et 243).
2° Nous avons vu plus haut, col. 1182, qu’il reste encore quelques débris de l’ancienne porte de Capoue, porta Capena, par laquelle saint Paul fît son entrée dans la ville.
3° Les Castra prætoriana. — Une caserne marque encore aujourd’hui l’emplacement où se trouvait le camp des Prétoriens (fig. 244), et où saint Paul dut être conduit par les soldats qui l’avaient amené prisonnier. Cf. Phil., i, 13..Le textus receptus grec, Act., xxviii, 16, contient, d’après quelques manuscrits du vine au x » siècle, ces mots, qui ne sont ni dans les plus anciens manuscrits grecs (ni dans la VuJgate) : 6 èxa-zàtzapyos itapéSoixe toiç Ss^iu’ou ; t<S orpaTOuESâpx^, « le centuriqn
remit le prisonnier au préfet du camp ». Si l’on peut ajouter foi à cette addition, comme le prœfectus ca~ strorum devait avoir son habitation dans le quartier même des prétoriens, l’Apôtre demeura probablementdans le voisinage et opéra sans doute la conversion de quelques soldats. 0. Marucchi, S. Pietroe S. Paolo in Roma, 1900, p. 23-25. Quelques savants croient cependant plus probable qu’il résida prés du Palatin où se trouvait une caserne pour la garde impériale. L’opinion qui fixe le séjour de l’Apôtre à l’endroit où s’élève aujourd’hui Santa Maria in via hâta, à la jonction de l’ancienne via Lala et de la via Flaminia (le Corso actuel) ne s’appuie pas sur des documents dignes de foi. Marucchi, /S. Pietroe S. Paolo in Roma, p. 157-159. Il n’y avait pas là de maison privée, mais le portique qui entourait les Septa Julia, mentionnés sur le plan capitolin de Rome. Ce sont des restes de ce portique qu’on voit dans le souterrain de l’église. Marucchi, Basiliques de Rome, 1902, p. 393.
4° L’église de San Paolo alla Regola (ainsi appelée du mot arenula, à cause du sable déposé là par le Tibre), près du Ghetto. Elle était nommée primitivement Scuola di SanPaolo, parce qu’il y a en cet endroit une chambre souterraine fort ancienne, où l’Apôtre, disait-on, avait instruit ses premiers convertis, mais on n’a du fait aucune preuve. Voir Bartolomei, Sulla Chiesa di San Paolo alla Regola, Rome, 1858 ; M. Armellini, Le Chiese di Roma, 1887, p. 499.
5° Deux chapelles rappellent le martyre de saint
246. — Cirque, avec la spina, l’obélisque et les duse mètre ; au-dessous un côté^de l’arène et les ebars. D’après une pierre gravée. Rich, Dictionnaire des antiquités, 1873, p. 566.
Pierre et de saint Paul. L’une est l’oratorio délia separazione, sur la voie d’Ostie. Marucchi, S. Pietroe S. Paolo in Roma, ]). 155-156. Il a remplacé un oratoire du moyen âge et marque le lieu non authentique où l’on raconte que saint Pierre et saint Paul se séparèrent en allant au martyre. L’autre chapelle, sur la via Appia, à dix minutes de la porte de Saint-Sébastien, bien connue, sous le nom de Domine, quo vadis, est ainsi nommée parce que saint Pierre, fuyant la persécution, y aurait rencontré Notre-Seigneur et lui aurait adressé ces paroles. Jésus-Christ lui aurait répondu : Redeo Romam ut iterum crucifigar, ce qui aurait fait revenir sur ses pas le prince des Apôtres pour aller subir le martyre. Ce récit se lit dans les actes des martyrs saints Processus et Martinien, qui ne sont pas antérieurs au Ve siècle. Les deux chapelles sont modernes ; la seconde a succédé à une autre plus ancienne. Il y avait là au xiii a siècle une Ecclesia ubi Dominus apparuit. Marucchi, S. Pietro e S. Paolo, <p. 150-153.
6° Maison de Pudens. — Saint Pierre et saint Paul, d’après une ancienne tradition consignée dans le Liber pontificalis (par interpolation), et dans d’autres documents, Acto sanctorum, t.n maii, p.295 ; J.-B.lJeRossi, Plans du Cirque de Néron et des deuK Basiliques de Sainr-Pierre(ancienne et nouvelle]
Le plan de la "Basilique Constantinienne d’après celui de Tibério Alfarano ( 1590) expliqué dans De Rossi, Inscriptionea Christian » urbls Romee, t. 11, Rome, 1888, page 229.
Le rapport établi entre les deux basiliques et le Cirque de Néron d’après la Forma urbis Romœ de R. Lanciam, in-folio, (Milan, 1893* 1901, pi. Xlll.
Eh kouge
Cûque de Néron.
N.
Nef.
En noir
Basilique Constantinienne.
A.
Atrium.
En bleu
Basilique actuelle.
a.
Pinea.
O.
Obélisque. *
b.
Fontaine.
flLM*
Metae (Bornes du Cirque).
B.
Samte ; Pétronille, J Ces a " » » > » *<* » B et D ont
G.G’Gradins du cirque dont une
partie
sert de
(Mauso.ee de Vaïentinien U). lZJE3^ « "t££S
soubassement aux colonnes de
gauche
D.
Saintvndré J eu eeJises.
de l’ancienne basilique.
(’Mausolée de la famille théodosienne).
C~
Confession (Tombeau de saint
Pierre).
V.V
Via Camélia.
R.
Degrés de l’ancienne basilique. 4189
ROME
U9a
Bullettino di archeologia crisliana, 1867, p. 43-44, réunirent plusieurs fois les premiers chrétiens sur le Viminal, dans la maison de Pudens, nommé II Tim., iv, 21. Elle était située à l’endroit où s’est élevée depuis l’église Sainte-Pudentienne (voir Pudens, col. 862), d’après l’opinion commune.
7o L’église de San Pietro in Vincoli, non loin du Colisée, où l’on révère les chaînes de saint Pierre, est attribuée par le Martyrologe hycronymien à l’apôtre lui-même, au 1er août : Romse dedicatio Ecclesiæ a B. Petro conslructæ et ssdificatss, ce qu’on pourrait peut-être entendre en ce sens que saint Pierre a réuni quelquefois les fidèles en cet endroit. Marucchi, Basiliques de Borne, p. 816.
8o Maison de Prisque et d’Aquila. — Saint Paul dit
S. Giovanni in Laterano, au-dessus de laquelle s’éleva dès les premiers siècles de l’ère chrétienne une église qui fut consacrée à la mémoire du saint. Voir Mullooly, St. Clément pope and martyr and his basilica in Borna, 2e édit., 1873.
10o Une autre tradition ancienne fait conférer le baptême par le prince des Apôtres dans le cimetière ostrien, ainsi appelé des Ostorii qui en furent les fondateurs : Cœmeterium ostrianurn ubi Pelrus apostolus baptizavit, portent les Actes du pape Libère, qui sont apocryphes, il est vrai, mais remontent au moins au ve siècle. Mansi, Concil., t. i, p. 222. Ce cimetière a été d’abord identifié avec celui qui fut découvert en 1873 dans sa propriété par Mï r Crostarosa. Voir Marucchi, S. Pietroe S. Paolo in Borna, p. 100-107. Aujourd’hui
247. — La basilique de Saint-Pierre et le Vatican au moyen âge. D’après un ancien dessin. Marucchi, Basiliques et Églises de Rome, t. iii, p. 113.
en termes formels qu’il y avait dans la maison de Prisque et d’Aquila « une église domestique » où se réunissaient les fidèles et il la salue. Rom., xvi, 3-5. On place généralement cette maison à l’emplacement où est aujourd’hui l’église de Sainte-Prisque. Une inscription en vers que fit apposer le pape Calliste III (1455-1458), quand il restaura l’église et qui est à gauche du grand autel :
…Petrus id docuit populus dum ssspe doceret, Dum faceret magno sacraque srnpe Deo
Dum quos Faunorum factis deceperat error, Hic melius sacra purificaret aqua…
M. Armellini, Le chiese di Borna, p. 561. Cette tradition remonte au moins au vine siècle. Voir Mai, Script, vet., t. v, p. 148 ; J.-B. DeRossi, Bull, diarcheol. crist., 1887, p. 45 ; V. Carini, Sul titolo presbiterale di santa Prisca, Rome, 1895.
9o On peut admettre comme très vraisemblable que saint Pierre et saint Paul ont réuni aussi quelquefois tes premiers chrétiens dans la maison de saint Clément, dans la région du Coelius, à la rue actuelle de
M. Marucchi l’identifie avec le cimetière de Priscille. Voir Pudens, col. 864. *
11o La prison Mamertine. — D’après une tradition ancienne, les apôtres Pierre et Paul furent enfermés avant leur martyre dans la prison Mamertine, près du Forum. Ce nom de Mamertine ne date que du moyen âge, mais la prison, Tite Live, i, 33, remonte jusqu’à Ancus Martius, le quatrième roi de Rome (641-617 avant J.-C), qui la fit construire. Elle s’appela d’abord simplement Carcer. Sa partie inférieure reçut le nom de Tullianum ideo quod additum a Tullio rege, dit Varron, L. L., v, 32. Cf. Salluste, Cat., 55. Saglio etDaremberg, Uict. des antig., t. ii, p. 917-918, au mot Carcer. Les Actes des saints Processus et Martinien, qui sont du ve ou du y Ie siècle, racontent que ces deux martyrs furent baptisés par saint Pierre dans cette prison où il attendait le supplice. Cette tradition, dit M. Marucchi, « ne contredit d’une manière absolue, ni l’histoire ni l’archéologie, puisque la prison Mamertine avec le Tullianum placé au-dessous était certainement la prison publique de la ville, même à l’époque impériale. » i>. Pietroe S. Paolo in Borna, p. 148 (fig. 245).
12° Lieu du martyre de saint Pierre et de saint Paul. — a) La tradition est constante et uniforme sur le lieu du martyre de saint Paul, mais il n’en est pas de même pour saint Pierre, l’une le plaçant au Vatican, l’autre sur le Janicule. La tradition la plus ancienne est en faveur du Vatican. Le Liber pontificalis, édit. Duchesne, p. 52, dit que son corps fut déposé nia Aurélia in témpïo Apollinis (apud templum Apdllinis) juxta locum ubi cruciftxus est juxta pàlatium neronianum iH Vaticanum in territorium triumphale. Les Actes apocryphes, il est vrai, mais fort anciens, déterminent exactement le lieu du martyre, apud pàlatium neronianum juxta obetiscum. Vue tradition postérieure le place inter duas mêlas (du cirque). Ces indications désignent le cirque Vatican qui se trouvait dans la villa de Néron, le palatiumneronianum. Le cirque avaitson
orbis veneraiione celebratur, dit saint Jérôme. De vir. M., 1, t. xxiii, col. 609. Cf. le témoignage de Caius, dans Eusèbe, H. E., ii, 25, t. xx, col. 209. On accédait autrefois à la Confession de Saint-Pierre et auprès des reliques du saint Apôtre. Elles furent soigneusement fermées en 846 à l’époque où Rome fut assiégée par les Sarrasins et depuis ce temps elles sont restées invisibles. L’autel papal s’élève au-dessus du tombeau apostolique dans la basilique actuelle (fig. 248).
h) Le lieu du martyre de. saint Paul est ainsi indiqué dans les Actes apocryphes des Apôtres : Eîç [icciraàv xaXouuivvjv Axxo’jai aaXSiaç lù.-^ai toO 8év8pou toO crtpo6fXou. Tischendorf, Acta Apostolorum apocrypha, p. 35. Cette notice est confirmée par Ve Liber pontijxcalis et par les anciens pèlerins qui placent le martyre de l’apôtre des Gentils ad aqvas Salvias, J.-B. De
=â 7
249. — Inscription du tombeau de saint Paul à la basilique de Saint-Paul-hors-les-Murs.
axe parallèle à celui de la basiiique actuelle de Saint-Pierre ; les duæ metse (bornes) correspondaient à l’obélisque, qui s’élevait sur la spina du cirque, et elles étaient placées à peu de distance des deux extrémités de la spina (voir fig. 246), mur bas et étendu qui coupait l’arène en long en deux portions distinctes. Cet obélisque, apporté d’Héliopolis peu de temps auparavant, sous Caligùla, resta à sa place primitive jusqu’au pontificat de Sixte-Quint qui le fit transporter sur la grande place de Saint-Pierre à l’endroit où on le voit aujourd’hui. Il était situé près de la sacristie de la basilique actuelle. Voir Marucchi, Gli ûbelischi egiziani di Borna, in-4°, Rome, 1898, p. 149-151. C’est dans les mêmes lieux que les premiers martyrs chrétiens avaient subi les cruels supplices décrits par Tacite, Ann., xv, 44. L’opinion d’après laquelle saint Pierre aurait été crucifié sur le Janicule, à l’endroit où s’élève aujourd’hui San Pietro in Montorio, ne s’appuie sur aucun document antique.
Saint Pierre fut enseveli près du lieu de son supplice. Plus tard, l’empereur Constantin, commal’attesteleiiber pontificalis, p. 176, dans la biographie du pape saint Silvestre, fit élever, en 306, sur l’humble tombe primitive, la basilique de saint Pierre (fig. 247), où le prince des Apôtres n’a jamais cessé d’être honoré depuis. Sepullus in Vaticano juxta viam triumphalem lotius
Rossi, Roma sollerranea, 1. 1, p. 182. Les aquss Salviœ portent aujourd’hui le nom des Tre Fontane, situées à un peu plus de trois milles de Rome en passant par la voie Ardéatine moderne, à gauche de la via Ostiensis. Sur le lieu du martyre s’élève l’église deSaw Paûlo aile Tre Fontane, dans l’intérieur de laquelle sont, en effet, trois fontaines qui jaillirent, d’après la croyance populaire, aux trois endroits où bondit la tête du martyr décapité. L’édifice actuel est de 1599, mais on y avait élevé d’assez bonna heure une église sur le même emplacement.
Le corps de l’apôtre saint Paul ne fut pas enseveli à l’endroit même où il avait subi le supplice. Il fut déposé à une demi-heure de distance, par une matrone chrétienne, nommée Lucine, dans le prædium qu’elle possédait sur la via Ostiensis, à l’endroit où s’élève aujourd’hui la basilique de Saint-Paul-hors-les-murs. Le cimetière de Lucine ne paraît pas avoir été souterrain, mais en plein air. D’après le Liber ponti/icalis ( Vita Sylvestri), p. 118, l’empereur Constantin édifia nne basilique au-dessus du tombeau du grand Apôtre, mais il n’en reste plus rien que le revêtement du sarcophage placé aujourd’hui sous l’autel papal et où l’on peut lire encore l’inscription qu’y fit graver probablement l’empereur et qui est surtout remarquable par sa simplicité : Paulo apostol. mart. (fig. 2491, J.-B, De Rossi, 1193
ROME
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Bullettino di archeol. crist., 1883, p. 153. L’empereur Valentinien II, en 386, fit démolir Ja basilique conslantinienne pour en construire une plus grande, qui fut continuée par Théodose et achevée par Honorius. Souvent restaurée depuis, elle fut détruite par un incendie pendant la nuit du 15 au 16 juillet 1823. On doit la basilique actuelle à Léon XII, à Grégoire XVI et à Pie IX qui la consacra en 1854. Malgré toutes ces démolitions et toutes ces restaurations, la Confession où repose le corps de l’Apôtre n’a jamais changé de place. Son tombeau, comme celui de saint Pierre au Vatican, fut visible jusqu’au IXe siècle. Obstrué alors, il n’a été
IV. L’arc de triomphe de Titus. — Trois ans après le martyre de saint Pierre et de saint Paul, en 70, Titus réalisait à Jérusalem, par la prise de la ville et la destruction du Temple, les prophéties de Notre-Seigneur contre la ville déicide. Matth., xxiv, 2 ; Marc, xiii, 2 ; Luc, xix, 43-44 ; xxi, 6. L’abomination de la désolation était entrée dans le Temple avec les aigles des légions romaines et la Judée avait été rayée du nombre des royaumes. L’arc de Titus (fig. 250) est toujours là, près du Golisée, à l’extrémité du Forum, sur la voie Sacrée triomphale, pour rendre témoignage à la véracité des prophéties du divin Maître. Il fut construit en
250. — Arc de triomphe de Titus.
dégagé que dans la reconstruction actuelle. On peut voir maintenant par la fenestrella la plaque de marbre qui recouvre le sarcophage.
Les reliques de saint Pierre et de saint Paul se trouvent ainsi aujourd’hui, celles du prince des Apôtres à la basilique de Saint-Pierre, celles de saint Paul, à la basilique de Saint-Paul, à l’endroit même où elles furent primitivement déposées. Quelque temps après leur martyre d’après les uns, ou ver ? le_milieu du me siècle d’après les autres, si ce n’est ^deux fois, pour les mettre sans doute plus en sûreté, elles furent transportées dans un souterrain de la voie Appienne, appelé Platonia, mais elles y restèrent peu de temps. On peut visiter encore ce souterrain derrière l’abside de la basilique de Saint-Sébastien. Marucchi, Le catacombe ossia il sepolcro apostolico dell’Appia, Rome, 1892 ; Id.. San Pietroe San Paolo, p. 75-92. C’est par leur supplice que les deux apôtres ont pris ainsi possession de Rome. Aujourd’hui, la statue de saint Pierre se dresse au sommet de la colonne Trajane et celle de saint Paul au sommet de la colonne de Marc-Aurèle.
mémoire des victoires de Titus et inauguré sous Domitien en l’an 81. Senatus populusque Romanus divo Tito, divi Vespasiani filio, Vespasiano Au/usto. A l’extérieur, du côté de l’inscription, une frise représente le cortège d’un sacrifice. À l’intérieur de l’arcade unique, un bas-relief représente Titus sur un quadrige que conduit Rome ; vis-à-vis, un autre bas-relief montre le cortège triomphal qui était passé là avec des Juifs prisonniers, le chandelier à sept branches et la table des pains de proposition ^vec les trompettes sacrées. Voir Chandelier, t. ii, fig. 184, col. 544. Le sénat et le peuple romain, en élevant ce monument en l’honneur de Titus, étaient bien loin de se douter de son importance et de sa signification future. Leurs troupes venaient de ruiner Jérusalem : c’était pour préparer la ruine de l’empire romain lui-même et pour faire grandir à sa place l’empire spirituel destiné à le supplanter.
V. La Rome chrétienne s’élevant sur les ruines de la Rome païenne. — Si, quand on vient de visiter l’Arc de Titus, on veut se rendre compte de la révolution qu’a produite dans l’empire romain la prédication
des Apôtres et l’accomplissement des prophéties de saint Jean dans l’Apocalypse, il suffit de faire quelques pas et de monter au Palatin qui l’avoisine. De là, au nord, de la terrasse des Orti Famesiani, on a le Forum à ses pieds et l’on peut embrasser d’un coup d’œil en raccourci l’histoire de l’ancienne Rome. Aucun autre coin de terre n’a été témoin de tant et de si grands événements. La colline qui a été le berceau de la Rome des Césars en est aujourd’hui le tombeau. Les empereurs ont commandé de là en maîtres à toute la terre. Aujourd’hui une épaisse couche de terre, accumulée par les
crée est déserte ; on n’aperçoit que quelques curieux, d-es touristes et des archéologues qui cherchent à reconstituer le passé, dans ce cimetière de la grandeur païenne, au milieu de cet entassement de pierres, de briques, de marbres brisés. À droite se dresse encore la grande masse du Colisée, mais en lambeaux, et, tout auprès, une maison des Petites sœurs des pauvres, s’élève là où fut l’emplacement de la maison dorée de Néron, qui s’est effondrée avec la Rome persécutrice des saints. La prophétie de l’Apocalypse est accomplie. Cependant sur les débris de la Rome païenne a grandi
251. — Rome dominée par la croix, vue du Palatin. D’après une photographie de M. l’abhé H. Saint-Martin. . Église Saint-Adrien. — 2. Église Sainte-Marie de Lorette. — 3. Colonne Trajanne surmontée de la statue de saint Pierre. — 4. Église du Saint-Nom de Marie. — 5. Temple de Faustine, devenu église Saint-Laurent in Miranda. — 6. Tour des Milices, dite tour de Néron. À côté, à droite, Église Sainte-Catherine de Sienne. — t. 8. 9. Eglise Saints Cosme-et-Damien du vi* siècle. — Plusieurs autres églises qu’on voit avec leur croix de la terrasse du Palatin, à droite et à gauche, n’ont pu être reproduites sur cette vue photographique, à cause de ses dimensions restreintes.
siècles, recouvre leurs maisons fastueuses : l’herbe et les arbres y poussent en abondance et le promeneur y foule littéralement aux. pieds les palais de Tibère et de Caligula. Elle est tombée, la Rome impériale : cecidit, cecidit Baby Ion magna. Apoc, xiv, 8 ; xviii, 2. Et le Forum, qui est là sous nos yeux, il est mort également. Il était comme le cœur de la Rome républicaine et de la Rome impériale, et il a cessé de battre. Autrefois, on y affluait de toutes les parties de la terre et de là partaient dans toutes les directions les ordres qui réglaient les destinées du monde. Maintenant, là aussi, ce ne sont que des ruines et des souvenirs. Les temples où l’on honorait les dieux de la cité sont renversés ; plus de consuls, plus de tribuns, plus de licteurs, plus A’imperatoreh et de centurions ; le peuple n’y tient plus ses comices ; le sénat ne reçoit plus dans la Curie voisine (église Saint-Adrien ) les ambassadeurs qu’y envoyaient les Machabées et tous les pays de la terre ; la tribune aux harangues est muette ; les vestales ont cessé d’entretenir le feu sacré dans l’atrium de Vesla ; le Capitale est toujours là, à gauche, mais il n’y monte aucun triomphateur ; la voie Sa la Rome chrétienne. Si du Palatin on lève les yeux au-dessus du Forum et qu’on contemple la ville moderne qui s’étend au loin, quel changement profond, quel spectacle saisissant ! Regardez aux quatre vents du ciel : partout vous voyez un instrument de supplice, autrefois réservé aux esclaves et ignominieux entre tous, la croix, qui se dresse triomphante sur d’innombrables églises (fig. 251), qui domine, de haut, tous les quartiers de la cité, la croix, surtaquelle est mort le fils de Dieu à Jérusalem, la croix sur laquelle saint Pierre est mort dans le cirque de Néron ! Ceci, cette croixrédemptrice, a tué cela, le paganisme avec ses hontes, le pouvoir oppresseur des tyrans. Un jour, là, au bas du Capitole, saint Pierre est sorti, dit la tradition, de la prison Mamertine, condamné par le César persécuteur, pour marcher au supplice de la croix. Il est allé prendre ainsi possession du Vatican. Si de la partie septentrionale de la terrasse du Palatin, nous allons à quelques pas vers le couchant, nous apercevons dans le lointain la coupole calme et majestueuse de la basilique de Saint-Pierre, portant dans les airs la croix triomphante. À son ombre habite un
vieillard, aujourd’hui prisonnier, le successeur du prince des Apôtres. En lui s’incarne, si l’on peut ainsi dire, la puissance spirituelle. Les Césars commandaient aux corps ; il commande aux âmes ; leur domination ne s’étendait pas au delà des limites du monde ancien ; la sienne s’étend à toutes les parties de la terre ; bien plus, elle ouvre les portes du purgatoire et les portes du ciel ; en lui se réalisent les promesses que le Sauveur avait faites à Pierre ; il est le vicaire du Christ et le représentant de Dieu sur la terre.
VI. Bibliographie. — Outre les ouvrages déjà cités, voir H. Kiepert et Th. Huelsen, Formas urbis Romse antiquæ, accedit nomenclator typographicus, in-4°, Berlin, 1896 ; H. Jordan, Topographie der Stadt Rom im Alterthum, 2 in-8°, Berlin, 3e édit., 1871-1885 ; Ch. Dezobry, Rome au siècle d’Auguste, 4 in-8°, Paris, 1870 ; F. Reber, Die Ruinen Roms, 2= édit., Leipzig, 1879 ; 0. Gilbert, Geschichte und Topographie der Stadt Rom im Allertum, 3 in-8°, Leipzig, 18831890 ; J. H. Middleton, The Remains of ancient Rome, 2 in-8°, Londres, 1892 ; R. Lanciani, Ancient Rome in the light of modem Discoveries, Londres, 1888 ; Id., Pagan and Christian Rome, Londres, 1892 ; The Ruins and excavations of ancient Rome, Londres, 1897 ; R. Garruci, Cimiterio degli antichi Ebrei in Vigna Randinini, in-8°, Rome, 1862 ; E. Schurer, Die Gemeindeverfassung der Juden in Rom, 1879 ; Berliner, Geschichte der Juden in Rom, 1893 ; Holtzmann, Ansiedelung des Christenthums in Rom, 1874 ; Huidekoper, Judaism at Rome, 1876 ; Hild, Les Juifs à Rome, dans la Revue des étudies juives, 1884 ; Ph. Gerbet, Esquisse de Rome chrétienne, 8e édit., 2 in-12, Paris, 1875 ; 0. Marucchi, Le memorie dei SS. Apostoli Pietroe Paolo nella Cilla di Roma, in-8°, Rome, 1894.
F. YlGOUROUX.
- ROMÉLIE##
ROMÉLIE (hébreu : Remalyâhû, « celui que Jéhovah protège » ; Septante : ’Poy.û.(a ; ; Vulgale : Romelias), père de Phacée, roi d’Israël. IV Reg., xv, 25, 27, 30, 32, 37 ; xvi, 1, 5 ; II Par., xxviii, 6 ; Is., vii, 1, 4. 5, 9 ; viii, 6. On croit communément que Romélie était de basse condition et que c’est par mépris que son lils Phacée, usurpateur du royaume d’Israël, est appelé « fils de Romélie » tout court. Is., vii, 4 ; viii, 6.
- ROMENTHIÉZER##
ROMENTHIÉZER (hébreu ; Rômanfî x Ézèr ; Septante ; 1 P(i> ! iet61£ïep), le dixième des quatorze fils d’Héman. Il fut le chef de la vingt-quatrième section des musiciens du temps de David, laquelle se composait de douze personnes, ses fils et ses frères. I Par., xxv, 4, 31. Quelques critiques ont supposé que le nom de Romenthiézer et de quatre de ceux qui sont nommés avec lui, $, 4, éfait, à cause de leur forme insolite un fragment d’hymne ou de prière, et non une liste de personnes réelles. La répétition de ces noms dans l’énumération des classes de musiciens démontre la fausseté de cette hypothèse.
- RONCE##
RONCE (hébreu : barqânim ; Septante : papxT)V ! p., pâ-coç ; Vulgate : tribuli, rubus), plante épineuse.
I. Description. — Les ronces, comme les rosiers, sont des arbrisseaux à feuilles composées, munis d’aiguillons sur leurs rameaux ainsi qu’à la face inférieure des pétioles. Elles en difierent surtout par les fruits formés de carpelles charnus disposés au pourtour d’un réceptacle saillant, et qui sont en réalité de petites drupes, chacune avec un noyau central recouvert par le péricarpe succulent. Les fleurs, comme dans la généralité des Rosacées, sont régulières, hermaphrodites, avec les pétales et de nombreuses étamines sur le bord interne du tube du calice. Les Rubus de Palestine appartiennent tous à la série des Rubus homalacanthi, ayant leurs tiges marquées de cinq faces planes ou canaliculées, et portant leurs aiguillons sur les
angles saillants. Ils correspondent à l’ancien Rubus fruticosus L. démembré depuis en de nombreuses espèces ou formes dont les plus tranchées sont R. discolor (fig. 252) à folioles blanchâtres en dessous, R. tomentosus à feuilles veloutées au moins sur la face inférieure, et celle que de Candolle nommait R. collinus, intermédiaire entre les précédentes, dont elle n’est peut-être qu’un hybride. F, Hy.
II. Exégèse. — Les mots par lesquels la Bible désigne d’une façon générale les épines ou plantes épineuses sont assez nombreux. Voir Épines, t. ii, col. 1895. Mais il est un certain nombre de noms, souvent mal rendus par les versions, qui ont un sens précis de plante déterminée. Tel est entre autres, semble-t-il, le mot barqânim, qui se rencontre en un seul passage. Jud., viii, 7, 16. « Lorsque Jéhovah aura livré entre mes
232. — Rubus discolor.
mains Zébée et Salmana, dit Gédéon aux gens de Soc coth, je déchirerai votre chair avec des épines du déser et des barqânim », Jud., viii, 7 ; et c’est Ce qu’il fit, comme il est dit plus" loin au ꝟ. 16. Plusieurs exégètes avec Gesenius, Thésaurus, p. 244, font de ces barqânim des espèces de herses armées de pointes aiguës. Mais on ne s’explique pas bien, dans cette hypothèse, ce que viennent faire les « épines du désert » qui précèdent immédiatement les barqânim. Il semble plutôt que les deux expressions sont unies comme dans notre locution « les épines et les ronces ». Aussi est-ce dans ce dernier sens que de nombreux exégètes entendent le mot barqânim. On ne peut appuyer ce sens sans doute sur les Septante qui ont simplement transcrit le mot hébreu, k-i TCtte Papx^vtn (ce qu’Eusèbe, Onomasticon, édit. P. de Lagarde, 1887, p. 140, a pris pour un nom de lieu, mais Aquila traduit par « xivDaç, « épines » ). La Vulgate met tribulis, tribulos (qui ne saurait être la herse, en latin tribula ou tribulum) plante épineuse. « Barqânim, dit le rabbin Kimchi dans son commentaire des Juges, est une espèce d’épines. » Mais quelle épine ? Le texte demande une épine rampante, flexible, dont on puisse au besoin se servir comme d’un fouet. Le châtiment infligé par Gédéon ne consistait pas à coucher les hahitants de Soccoth sur des épines et des ronces, et à faire passer sur eux ainsi étendus des chariots ou des rouleaux. Ce châtiment rappellerait, disent certains exégètes, celui de II Reg., su, 31, et I Par., xx, 3, mais ces passages n’ont pas ce sens. Cf. Revue biblique, 1898° p. 253. Il consistait plutôt, dans ce passage des Juges, viiij 7, 16, en des fouets d’épines et de ronces qui auraient servi à fustiger et à châtier les habitants de Soccoth.
La ronce (βάτος, rubus) est expressément marquée dans un texte de saint Luc, vii, 44, où elle vient dans une sorte de proverbe : « Chaque arbre se reconnaît à son fruit, on ne cueille pas de figues sur les épines, on ne récolte pas de raisins sur la ronce. » — C’est à tort que les Septante, suivis par la Vulgate, ont rendu par Βάτος, (rubus) le mot hébreu senéh qui désigne le buisson enflammé de l’Horeb du milieu duquel Dieu se manifesta à Moïse. Exod., iii, 2-4 ; Deut., xxxiii, 16 ; Act., vii, 30-35. Voir t. i, col. 1967. Ce passage de l’Exode est cité par saint Luc, xx, 37 et saint Marc, xii, 26, sous un titre ou expression reçue chez les rabbins pour indiquer cet endroit de la Bible : ἐπὶ τοῦ βάτου, super rubum.
RONDET Laurent-Etienne, fécond écrivain français, né à Paris le 6 mai 1717, mort dans cette ville le 1er avril 1785. Son père était imprimeur à Paris. Rondet fut très attaché au jansénisme. Il est surtout connu par son édition de la Sainte Bible, en latin et en français, avec des notes, des préfaces et des dissertations, 14 in-4o, Paris, 1748-1750 ; 2e édit., 17 in-4o, Avignon, 1767-1774. Cette Bible est connue sous le nom de Bible de l’abbé de Vence, quoique ce dernier n’y ait eu aucune part et que Rondet lui ait emprunté seulement quelques dissertations. La plus grande partie des préfaces et des dissertations sont prises dans dom Calmet, avec des corrections et des additions. La traduction avec paraphrase n’est guère que la reproduction de celle de Carrières. La Bible de Vence a été plusieurs fois réimprimée, en particulier à Paris en 1828, 25 in-8° avec atlas in-4°. Parmi les autres publications de Rondet, on peut citer Isaïe vengé, in-12, Paris, 1762 (critique de la Traduction d’Isaie de Deschamps) ; Figures de la Bible en 150 tableaux, avec des explications, in-4 », Paris, 1767 ; Histoire de l’Ancien et du Nouveau Testament, avec figures, in-8 », Paris, 1771 ; Dictionnaire historique et critique dé la Bible, in-4o, Paris, 1776-1784 ; cet ouvrage, qui devait servir de supplément à la Bible de Vence, est resté inachevé et s’arrête à la lettre E ; Dissertation sur l’Apocalypse, in-4o, et in-12, Paris, 1776 ; Dissertation sur la version des Septante, in-4° et in-12, Paris, 1783 ; etc. ; Verba Christi, en grec et en latin, in-4 », Paris, 1784 ; la seconde édition de la Sainte Bible de l’abbé Legros, traduite sur les textes originaux, avec un Discours suites prophètes et des notes (édition modifiée sans en prévenir), 5 in-12, Paris, 1756 ; une édition du Nouveau Testament traduit par Mésenguy ; deux éditions de la Bible de Sacy, in-f°, Paris, 1759, 1776 ; etc.
ROS (hébreu : Ro’š, « tête, chef » ; Septante :Ῥώς), le septième fils de Benjamin. Gen., xlvi, 21. Ce nom
ne se lit point dans la généalogie de Benjamin reproduite dans I Par., vii, 6 (abrégée), ni viii, 2. Cette dernière, quoique plus détaillée que vii, 6, contient seulement cinq noms, au lieu des dix de la Genèse. Dans
viii, 2, le cinquième nom est Rapha (col. 974) ; c’est
peut-être une lecture différente de Bos. La liste des fils
de Benjamin, Num., xxvi, 38-39, contenant le second
recensement des familles israélites fait dans le désert,
à la veille de l’entrée dans la Terre Promise, ne renferme aussi que cinq noms. Les cinq autres fils de
Benjamin énumérés dans la Genèse étaient apparemment morts sans postérité ou bien leurs descendants
s’étaient fondus avec d’autres familles. Ros ne figure
pas non plus dans les Nombres. On a émis l’hypothèse,
qui n’est pas sans quelque vraisemblance, que le nom
d’Ahiram mentionné le troisième parmi les fils de
Benjamin, Num., xxvi, 38, et qui est appelé expressément père de la famille des Ahiramites (ce qui est un argument en faveur de la conservation exacte de
ce nom), peut bien être la dénomination véritable
d’un seul fils de Benjamin lequel, par une mauvaise coupure de lecture, aurait été divisé en deux ; le mot
אחירם, ’Aḥirâm, des Nombres, serait la véritable leçon et les deux noms אחי, Êḥî de Genèse, et ראש, Rô’š, seraient le dédoublement de ’Aḥîrâm, avec la transformation du mem final en schin, à cause de la ressemblance de ces deux lettres dans l’ancienne écriture hébraïque. Voir Alphabet, t. i, col. 407. ’Aḥîrâm paraît être devenu aussi ’Aḥiraḥ. I Par., viii, 1. Voir
t. i, col. 290.
ROSCH (hébreu : ראֹש, Rô’š ; Septante, Symmaque, Théodotion : Ῥώς), contrée nommée dans Ézéchiel, xxxviii, 2, 3 ; xxxix.
1. La Vulgate a pris Rô’š pour un nom commun ; elle a traduit Gog, [princeps] capitis [Mosoch et Thubal] ; mais Mosoch et Thubal étant des noms propres, il est plus naturel de voir aussi dans Rô’š un nom propre, comme l’ont fait les Septante et comme le font aujourd’hui la plupart des interprètes. Il faut donc traduire « Gog » (t. iii, col. 265), prince de Rosch, de Mosoch (t. iv, col. 1319) et de Thubal. Saint Jérôme dit, In Ezech., xxxviii, 2, t. xxv, col. 357 : Primant gentem Ros, Aquila interpretatur « caput », quem et nos secuti sunius, ut sit sensus. Principem capitis Mosoch et Thubal. Et revera, nec in Genesi, nec in alio Scripturæ loco, nec in Josepho quidem, hanc gentem potuimus invenire. Ex quo manifestum est « Ros » non genteni significare, sed « caput ». L’argument n’est pas concluant : Ezéchiel a dans ses prophéties plusieurs noms géographiques incontestables qui ne se lisent dans aucun autre livre de la Bible
2o L’identification de Rosch est fort controversée. Bochart, Phaleg., iii, 13, Opera, Leyde, 1692, col. 186, 188, voit dans Rosch et Mosoch les ancêtres des Busses et des Moscovites. A Rhos et Mesech, dit-il, col. 186, id est, Rhossis et Moschis, descendisse « Russos » et « Moscovitas ». Rhos appellari Tauricam Chersonesum. Cette opinion, adoptée par Gesenius, Thesaurus, p. 1253, qui l’appuie sur les dires des écrivains byzantins du xe siècle, a compté un certain nombre de partisans, mais elle est sujette à bien des difficultés. Le nom des Russes n’a pris naissance qu’au ixe siècle (A. Rambaud, Histoire de la Russie, p. 37-42), et le rapprochement si tardif établi par les auteurs byzantins entre les Russes et le Rosch d’Ézéchiel (cf. Socrate, H. E., vii, 43, t. lxvii, col. 833), est loin d’être justifié.
Les textes cunéiformes du viiie et du viie siècle avant notre ère fournissent une explication plus naturelle et plus vraisemblable. Ils mentionnent un pays de Rašu ou Raši, dont le nom correspond bien au Rosch d’Ézéchiel ; il touchait à Élam et était situé à l’ouest de ce dernier pays. G. Smith, History of Assurbanipal, p. 218 ; Eb. Schrader, Keilinschriften und Geschichtsforschung ; p. 110, 112 ; Frd. Delitzsch, Wo lag das Paradies, p. 322 ; Id., dans Calwer Bibellexicon, 1885, p. 774 ; Fr. Lenormant, Les origines de l’histoire, t. ii, p. 456.
ROSE (grec : ῥόδον ; Vulgate : rosa), la reine des fleurs.
I. Description.
Ce genre est le type de la famille des Rosacées, dialypétales caliciflores régulières, dont une série est constituée par le seul genre Rosa, très nettement caractérisé par son fruit, le Cynorrhodon des anciens. C’est un réceptacle creux, resserré à son orifice et charnu à la maturité, renfermant dans sa cavité plusieurs carpelles secs et entremêlés de poils rigides. Les feuilles sont imparipennées, avec stipules soudées au pétiole.
Le Rosa phœnicia Boissier (fig. 253), qui habite la région littorale, se reconnaît à ses fleurs blanches, ses sépales caducs, ses longues tiges sarmenteuses, et surtout à ses styles soudés en colonne saillante. Dans les parties montueuses on trouve diverses formes comprises dans l’ancien Rosa canina de Linné. Une des plus remarquables est le Rosa glutinosa Sibthorp (fig. 253), sous-arbrisseau tout couvert d’aiguillons inégaux, les uns sétiformes, les autres recourbés à base dilatée. Les fleurs sont petites et roses, les fruits précoces couronnés par les sépales entiers et persistants. Enfin sur les escarpements rocheux du désert de Sinaï croît le Rosa arabica Crépin, simple variété du vulgaire Rosa rubiginosa qui diffère du type par les soies du fruit, la plupart dépourvues de glandes.II. Exégèse.
Le nom de la rose ne se rencontre pas dans les textes hébreux de l’Ancien Testament ; il ne paraît que dans les livres composés en grec, dans la Sagesse, ii, 8, et selon quelques auteurs dans l’Ecclésiastique. Cette fleur originaire de la région du Caucase ne paraît avoir été cultivée dans les jardins syriens qu’à partir de l’époque des Séleucides. Ch. Joret, La rose dans l’antiquité et au moyen âge, in-8°, Paris, 1892, p. 124-125 ; Les plantes dans l’antiquité, 1re partie,
dans L’Orient classique, in-8°, Paris, 1897, p. 399. D’après le IIIe livre des Machabées, vii, 17, Acco ou Ptolémaïde tirait de la culture abondante de cette fleur le surnom de ῥοδοφόρος, « rosifère ». Le traité Maaseroth, ii, 5 (Surenhusius, Mischna, t. i, p. 251), fait allusion à un jardin de roses situé près de Jérusalem. Le rosier était assez répandu dans la Palestine au commencement de l’ère chrétienne : nous voyons par les Actes, xii, 13, que le mot Ῥόδη, « Rosier », était usité comme nom de personne ; il était porté par une servante. Actuellement la culture de la rose est très intense en plusieurs régions de Palestine et des pays syriens, spécialement à Damas où l’on fabrique de l’essence de rose et des pâtes et des sirops aromatisés de cette essence.
Dans le milieu où vécut l’auteur de la Sagesse, l’Égypte, la rose ne pénétra aussi qu’assez tard, c’est-à-dire à l’époque des Ptolémées. Ch. Joret, Les plantes dans l’antiquité, p. 156. C’est ce qui explique que le nom n’en paraisse pas dans les anciens textes. On ne le trouve qu’en démotique. La rose se nommait ûart, ûarta, en copte, ⲟⲩⲉⲣⲧ, d’où est venu le nom arabe ورد, ûard, ouarda, et le nom araméen de la Mischna et des Talmud וַרְדָא, varda’, uarda’. C’est le même nom dans les pays grecs où la plante est plus anciennement connue, ῥόδον, primitivement βρόδον, ϝρόδον. Le nom du pays d’origine a passé avec la fleur dans toutes les régions où elle a été implantée. En Égypte, la rose paraît avoir été spécialement cultivée dans le nome d’Arsinoé. Fr. Crépin, Sur les restes de roses découverts dans les tombeaux de la nécropole d’Arsinoé, dans le Bulletin de la Société royale de botanique de Belgique, t. xxviii, 1888, 2e partie, p. 184. Dans la nécropole gréco-romaine de Hawara au Fayoum, M. Flinders Pétrie en a également trouvé des restes. Hawara, Biahmu and Arsinoé, 1887, p. 48 ; V. Loret, La Flore pharaonique, 2e édit., Paris, 1892, p. 82.
Rien ne s’oppose donc à ce que le ῥόδον de la Sagesse, ii, 8, ne soit la rose. L’usage auquel l’auteur fait allusion confirme cette attribution. Il fait parler les impies qui dans leurs banquets veulent se donner toutes les jouissances : mets, vins, parfums exquis. « Couronnons-nous de roses (dans le grec : boutons ou pétales de roses) avant qu’elles se flétrissent. » On sait que dans leurs fêtes les anciens Grecs ou Romains aimaient à porter des couronnes de fleurs. Leurs belles couleurs et leur parfum faisaient souvent choisir la rose pour cet usage. Horace, Ode, I, xxxvi, 15 ; Pline, H. N., xxi, 8 ; Ovide, Fast., v, 335 ; Martial, v, 65. Dans les banquets on portait ces couronnes sur la tête, et autour du cou. Cicéron, In Verr., ii, 5, 11 ; Lucrèce, v, 1397 ; Athénée, Deipn., xv, 674 ; Garcke, De Horat. corollis convivalibus, in-8°, Altenburg, 1860.
Il est également fait allusion aux roses dans le texte grec d’Esther, i, 6, où sont décrites les décorations de la salle du festin royal. On y parle de tapisseries magnifiques parsemées de fleurs et ornées sur les bords de roses épanouies.
Rien n’est moins certain, au contraire, que l’identification faite par plusieurs exégètes de la rose avec le ῥόδον de deux passages de l’Ecclésiastique, xxiv, 13-14, et xxxix, 13. Le premier de ces textes contient l’éloge de la Sagesse que l’on compare à des arbres remarquables par leur port et leur feuillage :
Je me suis élevée comme le palmier à Engaddi
Et comme les φυτὰ ῥόδον à Jéricho,
Comme un bel olivier dans la plaine,
Et j’ai grandi comme un platane (xxiv, 13-14).
Le second texte nous montre le ῥόδον croissant sur le bord des eaux courantes (xxxix, 13). Or le rosier peut difficilement être mis en parallèle avec l’olivier, le platane et le palmier ; et il ne croît pas d’ordinaire au bord des eaux. Le laurier-rose remplit mieux les conditions et il porte dans les textes des auteurs anciens les noms de ῥοδοδάφνη, laurier-rose, ῥοδοδένδρον, arbre à rose. Dans les écrivains arabes sur la médecine on remarque que le nom reçu en Syrie pour le laurier rose est rodyon. Voir le Laurier-rose ou Nerium oleander, t. iv, col. 130.
Malheureusement l’original hébreu de ces deux passages de l’Ecclésiastique, xxiv, 14 (Vulgate, 18) et xxxix, 13 (Vulgate, 17) n’a pas été retrouvé. Quant au ꝟ. 8 du chapitre l, où Simon est comparé, dans le grec et le latin, à la fleur des rosiers aux jours du printemps, le mot hébreu découvert donne un autre sens : « Comme la fleur בענפי, be’anfê, aux branches, aux jours du printemps ». Il faut avouer que la leçon déchiffrée sur les manuscrits, בענפי (pluriel irrégulier), n’est pas très satisfaisante : On s’attendait à trouver ici un nom de plante particulier et non pas un nom vague et général comme celui de branches. Le traducteur grec n’a certainement pas lu בענפי pour traduire par ῥοδών. N’aurait-il pas trouvé dans l’original hébreu le mot ורדים, uardim, pluriel de וָרְדָא, uarda’, « rose » ? Et ce mot ורדים, mal lu dans l’écriture carrée ou dans l’ancienne écriture par un copiste du texte hébreu, n’aurait-il pas été confondu avec בענפי ?
[Image à insérer -->]255. — Arundo donax.
Quant au Cant., ii, 1, et Is., xxxv, 1, où quelques versions modernes à la suite de Kimchi et d’Abenesra ont cru trouver la rose, la rose de Saron, le mot hébreu ḥăbaššéléṭ, n’a certainement pas ce sens. Il désigne le colchique, ou plutôt le narcisse. Voir t. ii, col. 831, et t. iv, col. 1477.
Ce qu’on a l’habitude d’appeler rose de Jéricho n’a rien de commun avec les roses proprement dites : c’est l’Anastatica hierochuntina, qui a la propriété, dès qu’elle est plongée dans l’eau, de s’ouvrir peu à peu, et d’étaler ses branches et ses feuilles. Voir t. iii, col. 1291, fig. 227 et 228.
ROSEAU (hébreu : qânéh ; Septante : καλάμος ; Vulgate : arundo, calamus), plante aquatique.
I. Description.
Ce nom vulgaire a été appliqué à plusieurs genres de graminées à chaume robuste et vivace, tels que les Phalaris, Calamagrostis, etc. Mais il convient surtout aux espèces de la tribu des Arondinées, très répandues aux bords des eaux dans toute la région méditerranéenne et caractérisées par leurs épillets pourvus de longs poils à la base ; ainsi que par leurs glumelles portant ordinairement 2 ou 3 dents au sommet. Le principal genre Arundo a ses épillets velus sur la glumelle même et comprend comme principale espèce Arundo Donax (fig. 255), vulgairement la Canne de Provence. D’un puissant rhizome tubérisé s’élancent des tiges ligneuses, hautes de plusieurs mètres, à nœuds rapprochés et abondamment ramifiées à la partie supérieure. Les feuilles distiques, planes, largement lancéolées à pointe aiguë, ont une très courte ligule garnie de cils. La panicule terminale dense et dressée en quenouille porte au sommet de ses nombreuses branches des épillets à 3 ou 4 fleurs. Les glumes scabres sur la carène dorsale égalent presque les glumelles à sommet bifide et munies d’une arête courte dans l’échancrure.
[Image à insérer -->]256. — Phragmites communia.
Les Phragmites ont leurs poils portés par le rachis, au-dessous des épillets, tandis que les glumes et glumelles sont glabres. Le Phragmites communia (fig. 256) un des roseaux les plus répandus, présente dans la région chaude, principalement en Syrie, en Galilée et en Egypte, une variété plus robuste atteignant 15 à 20 pieds (2 mètres 10) qui rivalise pour ses dimensions avec l'Arundo, mais en diffère par sa panicule de fleurs diffuse et un peu penchée.
II. Exégèse.
Le qânéh est une plante d’eau mise en parallèle avec le jonc, sûf, III Reg., xiv, 15 ; Is., xix, 6, avec le papyrus, gômê’, Is., xxxv, 7 ; croissant en épais fourré et pouvant fournir une retraite assurée au crocodile, Ps. lxviii (Vulgate, lxvii), 31, à l’hippopotame, Job, xl, 21 (Vulgate, 16), dontla tige droite peut servir de bâton, de canne. IV Reg., xviii, 21 ; Ezech., xxxix, 6. Tous ces caractères conviennent au roseau, à l’Arundo Donax, et aux espèces voisines comme le Phragmites communis. On trouve d’ailleurs le même nom pour désigner cette plante en assyrien : qânû, en syriaque et chaldéen : qanyā’, et même en grec : κάννα et en latin canna. I. Löw, Aramäische Pflanzennamen, in-8°, Leipzig, 1881, p. 341.
Cette plante était ré-
pandue sur les bords du Tigre et de l’Euphrate, en Egypte et en Palestine. Les monuments assyriens réprésentent souvent le roseau dans des cours d’eaux. E. Bonavia, The Flora of the Assyrian Monuments, in-8°, Londres, 1894, p. 30-31 (fig. 257). Le roseau était plus abondant sur les bords du Nil et est souvent représenté dans les peintures des tombeaux. C’est la panicule du roseau (fig. 258) qui sert de signe hiéroglyphique pour la lettre a, I, On, utilisait la tige pour fabriquer des flûtes, des flèches, etc., les feuilles pour tresser des nattes, etc. On lui donnait le nom de ! : I,
nabi. Voir Loret, La Flore pharaonique, in-8°, Paris, 1892, p. 19. En Palestine on trouve YArundo Donax et le Phragmites communia, un peu partout et particulièrement au lac Houléh, sur les bords de la mer de Tibériade, sur les rives du Jourdain, dans la vallée de Cana ou des roseaux. Jos., xvt, 8 ; xvii, 9. Voir t. ii, col. 105. Si le feu s’y met en temps de sécheresse, la
257. — Roseaux sur les bords d’un marais. D’après Layard, Monuments of Nineveh, 2’série, pi. 27.
flamme court avec rapidité et jette un éclat splendide, auquel l’auteur de la Sagesse, iii, 7, compare la récompense des jusles. Le roseau qui plie à tous les vents est le symbole de la faiblesse de caractère qui cède à toutes les impulsions. Ce n’est pas ainsi qu’était Jean-Baptiste. Matth., ii, 7 ; Luc. vii, 24. La tige droite du roseau, coupée à la mesure voulue, sert de bâton, de canne, appui souvent fragile. « L’Egypte a été un appui de roseau pour la maison d’Israël », dit le prophète, Ezech., xxix, 6. « En qui as-tu placé ta confiance pour te révolter contre moi », dit àÉzéchias l’officier envoyé par le roi d’Assyrie ? C’est dans l’Égypïfr que tu l’as mise, prenant pour soutien ce roseau cassé qui pénètre et perce la main de quiconque s’appuie dessus. » IV Reg., xviii, 21 ; Is., xxxvi, 6. — Voulant peindre la douceur du serviteur de Jéhovah, le Messie, Isaïe, xlii, 3, se sert de cette image proverbiale : « Il ne brisera pas le roseau fendu ». S. Matthieu, xii, 20, applique à Jésus-Christ ce passage du prophète.
Le roseau, formant une tige droite, et atteignant trois mètres et plus de hauteur, a servi de mesure de longueur : qenêh ham-mîddâh, « canne à mesurer, » c’est le mon donné par Ézéchiel, xl, 5. Elle sert à éva luer les mesures du temple, XL, 3 ; xlii, 8 ; xlii, 16-19 : elle avait six coudées et six palmes, 3 m 675. Voir t. iv, col. 1042. Dans sa vision de la fondation du nouveau temple, Ézéchiel, xl, 3, nous montre d’abord « un homme ayant à la main un cordeau de lin et une canne à mesurer. » Faut-il voir quelque rapprochement avec ce qui est dit souvent dans les cérémonies de fondation de temples en Egypte ? « La canne de roseau est dans sa main, (du pharaon), il fait la cérémonie de la fondation. » Recueil de travaux relatifs à la philologie et archéologie égyptienne et assyrienne, t. i, Paris, 1870, p. 176. Il est vrai que dans la cérémonie de fondation des temples égyptiens, la canne de roseau sert à retenir le cordeau destiné à marquer les limites des fondations à faire. N’en serait-il pas de même pour le prophète ?
Le roseau taillé servait à écrire : c’est le calame. IH’Joa., 13. Le « roseau, qanêh, pour faire le calame à écrire, » dit la Mischna, Schabbat, viii, 5. Voir Calame, t. ii, col. 50. Par analogie on appela qdnèh, la tige du blé ou chaume, Gen., xli, 5, 22 ; les sept branches de chandelier d’or, Exod., xxv, 33 ;
258. — Panicule du roseau.
D’après F. Woenig, Die Pflanzen int alten Aegypîen,
1886, p. 131.
xxxviii, 19, etc. — Voir Pline, H. N., xvi, 66 ; O. Celsius, Hierobolanicon, in-8°, Amsterdam, 1748, t. ii, p. 312-325 ; Gr. Wœnig, Die Pflanzen im alten Aegijpten, in-12, Leipzig, 1886, p. 131.
E. Levesque.
- ROSEAU AROMATIQUE##
ROSEAU AROMATIQUE (hébreu : qenêh bôsèm, « roseau odorant », Exod., xxx, 23 ; Septante : xaXâjiou e-jûêo’jc ; Vulgate : calamus. Il est encore appelé en hébreu : qâneh hattob, « le bon roseau », Jer., vi, 20 ; Septante : xtvi|i£U(AOv ; Vulgate : calamum suave olentem ; et plus fréquemment qânéh, « roseau », Cant., v, 14 ; Is., xlhi, 24 ; Ezech., xxvii, 19 ; Septante : r.i}.au, oç Cant., v, 14 ; 8-j(71’a*|jia, Is., xlhi, 24, et tpoxi=U, Ezech., xxvii, 19 ; Vulgate : fistula, Cant., iv, 14 ; calamus, Is., xlhi, 24 ; Ezech., xxvii, 19), plante aromatique.
1. Description. — Sous ce nom les anciens désignaient une aroïdée qui habite le bord des eaux dans toute la région froide ou tempérée de l’Ancien Monde. L’Acorus calamus (fig. 259) de Linné est une herbe ayant le port des iris, avec des feuilles ensiformes et engainantes à la base, qui occupent sur 2 rangs toute la face dorsale d’un rhizome rampant à fleur du sol. La gaine est longuement dépassée par un limbe linéaire, à côte
proéminente, et légèrement crispé aux bords près du sommet. Le pédoncule floral, presque semblable, mais plus franchement triquètre, se termine par une spathe foliacée à la base de laquelle est inséré latéralement un spadice épais, obtus, cylindracé, tout recouvert de petites fleurs sessiles et sans éclat. Leur périanthe rudimentaire a néanmoins 6 pièces bien constituées, tronquées au sommet et formant-voûte pour l’ovaire central entouré de 6 étamines, et qui devient à maturité un fruit bacciforme en pyramide renversée. F. Hy.
II. Exégèse. — Des exégètes ont identifié le qânêh odorant avec YAndropogon schœnanthus ou jonc odorant. Voir t. iii, col. 1630. D’après les textes bibliques le qânéh odorant est une plante aromatique, mise en parallèle avec l’encens de Saba et venant aussi des terres lointaines, c’est-à-dire de l’Arabie ou des régions voi 259. — Acorus calamus.
sines. Jer., vi, 20. Des tribus arabes du Yémen l’apportaient sur les marchés de T$r. Ezech., xxvii, 19. Il entrait dans la composition aromatique brûlée sur l’autel des parfums, Is., XLiir, 24 ; Jer., vi, 20, et dans la composition de l’huile d’onction, huile sacrée qui ne pouvait être reproduite par les particuliers. Exod., xxx, 23. Ces raisons ont paru suffisantes à ces exégètes pour voir dans le qânéh odorant, YAndropogon schœnanthus ou joue odorant, dont le plus estimé est celui des Nabuthéens, et qui est mentionné parmi les ingrédients du fameux parfum sacré des Égyptiens, le kyphi. Cependant le qânéh n’est pas un jonc, mais bien un roseau. Or, chez les Égyptiens, une autre plante, qui entrait également dans la composition du kyphi, portait le nom de roseau
de Phénicie, Nabi-nt-Djahi, 1 J i ^ I U /
et n’était autre queY Acorus calamus ordinairement appeléau moyen âge Calamus aromaticm. De plus dans une recette pour faire le kyphi donnée par un texte d’Edfou, Brugsch et Dûmichen, Bec, iv, pi. 83, col. 1-2, on lit
/~—* | ^"1 II I a j 1 1, kanen djol-rseb nédjem, « kanen, autrement dit, roseau odorant, *~~+ I ; kanen », écrit
aussi a~~i 1 a « ^ ", qenna, n’est qu’un mot étranger, le
qânéh hébreu, le xàwa grec, canna latin. Cf. iU-S, qui a esens àe canna, « taKvws., C’est le. uo « asiatique qu’on explique par l’expression proprement dite égyp tienne : autrement dit seb nedjem, roseau aromatique. V. Loret, Varia, dans Recueil de travaux relatif s à la philologie et Varchéol. égypt., Paris, 1870, 1. 1, p. 190 ; t. iv, p. 156. Les auteurs grecs rangent V Acorus calamus, sous le nom de xâXajio ; , au nombre des ingrédients du kyphi. L’jlcorus aromaticus ne poussait pas en Egypte, mais il y était apporté par les marchands phéniciens qui le recevaient de l’Asie orientale. C’est pour cela qu’il était connu en Egypte sous le nom de roseau de Phénicie. V. Loret, La flore pharaonique, 2e édit., Paris, 1892, p. 31 ; Le kyphi, parfum sacré des anciens Egyptiens, dans le Journal asiatique, Paris, juilletaoût 1887. Cf. O. Celsius, Hierobotanicon, t. ii, p. 326.
E. Levesque.
- ROSEAUX##
ROSEAUX (VALLÉE DES), vallée ou torrent de Cana, dont le nom a été ainsi traduit dans la Vulgate (Vallis arundinetï). Voir Çana 1, t. ii, col. 104.
- ROSÉE##
ROSÉE (hébreu : lai ; Septante : Spàaoç ; Vulgate : ros), dépôt de gouttelettes d’eau qu’on remarque le matin sur beaucoup d’objets exposés à l’air libre, quand la nuit a été sereine. Pendant les nuits claires, les objets qui sont dehors rayonnent leur chaleur vers les espaces célestes et se refroidissent très vite. L’air chauffé pendant le jour se refroidit aussi à leur contact et dépose sur eux la vapeur d’eau qu’il contenait. Les premières gouttelettes s’accroissent peu à peu par l’adjonction des dépôts successifs de vapeur. La rosée est d’autant plus abondante que l’écarl est plus considérable entre la température de la nuit et celle du jour, et que les corps exposés à l’air sont moins bons conducteurs de la chaleur. La rosée ne se produit pas quand le rayonnement vers les espaces célestes estempêché par un obstacle, nuages, arbres, etc. Quand la température nocturne descend au-dessous de 0°, la rosée se congèle et donne le givre. Voir Givre, t. iii, col. 247. — En Palestine la température de la nuit descend ordinairement de 15° à 25° degrés au : dessous de celle du jour. Jacob se plaignait à Laban d’être « dévoré le jour par la chaleur et la nuit par le froid, » pendant qu’il gardait les troupeaux en Mésopotamie. Gen., xxxi, 40. « Il tombe à Jérusalem, la nuit surtout, une rosée très pénétrante. » Lortet, La Syrie d’aujourd’hui, Paris, 188ï, p. 257. Il en est de même dans la plus grande partie du pays. Il n’est pas rare de la voir dégoutter en abondance, par exemple de la toiture des tentes. Cette rosée supplée à la pluie qui ne tombe pas pendant plus de la moitié de l’année ; elle fournit aux plantes l’humidité dont elles ont besoin et ainsi atténue, dans la mesure nécessaire à la végétation locale, les effets désastreux de la chaleur et de la sécheresse prolongée.
1° Sens propre. — L’explication théorique de la rosée n’a été trouvée qu’en 1810. Les anciens n’ont donc pas l’idée exacte de l’origine du phénomène. Ils l’assimilent à celui de la pluie.
La pluie a-t-elle un père ?
Qui engendre les gouttes de la rosée ? Job, xxxviii, 28. C’est par la science (de Jéhovah) que les abîmes se sont ou-Et que les nuages distillent ta rosée. Prov., iii, 20. [verts, .
Israël est établi dans un pays fertile « et son ciel distille la rosée. » Deut., xxxiii, 28. C’est « la rosée de* l’Hermon qui descend sur les sommets de Sion. » Ps. cxxxin (cxxxii), 3. Au désert, la manne apparaissait le matin en même temps que la rosée et les Israélite* considéraient l’une et l’autre comme tombant du ciel. Exod., xvi, 13, 14 ; Num., xi, 9. — La rosée constituepour les habitants de la Palestine un bienfait très apprécié. Isaac souhaite que « Dieu donne à Jacob la roséedu ciel, » tandis que la demeure d’Ésaù sera ( : privée de la rosée qui descend du ciel. » Gen., xxvii, 28, 39
Moïse prédit à la tribu de Joseph « le précieux don du ciel, la rosée. » Deut., xxxiii, 13. Après le retour des Juifs exilés en Palestine, « a terre donnera ses produits, les cieux donneront leur rosée, » Zach, rai, 12 ; les deux bienfaits sont solidaires. La rosée rafraîchit les ardeurs du vent d’Orient, qui est sec et brûlant, Eccli., xviii, 16 ; après la chaleur, elle ramène la fraîcheur et la joie. Eccli., xliii, 24. Un vent de rosée rafraîchissait les jeunes Hébreux au milieu de la fournaise. Dan., iii, 50. Aussi l’invitent-ils à bénir Dieu, en l’associant tantôt à la pluie et tantôt au givre. Dan., iii, 64, 68. — La privation de rosée devenait une calamité et une malédiction. David souhaite que les monts de Gelboé, qui ont vu périr Saül et Jonathas, ne reçoivent désormais ni rosée ni pluie. II Reg., i, 21. Au roi Achab, Élie annonce qu’il n’y aura ni rosée ni plaie durant plusieurs années. III Reg., xvii, 1. La famine en résulta. Aggée, I, 10, dit aux Juifs que les cieux retiennent leur rosée parce qu’on ne s’occupe pas de rebâtir la maison du Seigneur. — Celui qui passe la nuit dehors-est ensuite tout couvert de rosée. Cant., v, 2. Ce fut ce qui arriva à Nabuchodonosor pendant sa folie. Dan., iv, 12, 20, 22, 30. — Avant d’accepter la mission que Dieu veut lui confier, Gédéon demande un double signe auquel devait servir le phénomène de la rosée. Il prend une toison de laine, gizzat has-sêmér, « une tonte de laine », par conséquent la laine de la toison sans la peau, comme traduisent avecraison les Septante : noxov toû êptou, et il la met sur l’aire exposée à tous les vents. Il désire, une première fois, que la toison soit imprégnée de rosée et que la terre reste sèche, une seconde fois que la rosée humecte la terre mais ne tombe pas sur la toison. Dieu condescendit au double désir de Gédéon. La terre qui devait rester sèche ou humide n’était pas seulement celle qui recouvrait la toison, niriis kol-ha’drés, « toute la terre » de l’aire. Jud-, vi, 36-40.
2° Comparaisons. — La rosée est l’image de la prospérité, à cause de la fécondité qu’elle assure à la terre. Job, xxix, 19, pour marquer le bonheur qu’il imaginait, dit que la rosée passait la nuit dans son feuillage. Osée, xiv, 6, assure que Dieu sera la rosée pour Israël. Isaïe, xlv, 8, appelle le libérateur en ces termes :
Cieux, répandez d’en haut votre rosée
Et que les nuées fassent pleuvoir la justice.
Jacob, dispersé parmi les nations, sera comme la rosée venant de Jéhovah, Mich., v, 7, c’est-à-dire comme une source de grâces pour elles. La faveur du roi est comme la rosée sur l’herbe, Prov., xix, 12, elle entretient la vie. Moïse dit, au début de son cantique : « Que ma parole tombe comme la rosée » douce et fécondante. Deut., xxxii, 2. Pour laisser grandir les ennemis de son peuple, Dieu se tient en repos.
Comme une chaleur sereine par un brillant soleil, Gomme un nuage de rosée dans la chaleur de la moisson.
Puis, quand la moisson est sur le point de mûrir, il coupe soudain tout ce qui a poussé, c’est-à-dire qu’il détruit les ennemis au moment où ils se croient sûrs du triomphe. Is., xviii, 4. — La roséje figure aussi le réveil et la vie ; la rosée du Seigneur est une « rosée de l’aurore », elle fait revivre les trépassés, elle ressuscite le peuple des justes. Is., xxvi, 19. Jéhovah dit au Messie :
Du sein de l’aurore, à toi
La rosée de ta jeunesse,
c’est-à-dire, dans le sens concret, tes enfants, tes sujets gardant une éternelle jeunesse, viennent à toi aussi nombreux que les gouttes de rosée qui découlent du sein de l’aurore. Ps. ex (cix), 3. C’est l’annonce de l’empressement avec lequel une multitude d’âmes
accourront pour se mettre à la suite du Messie. Aquila, Symmaque et saint Jérôme traduisent conformément à ce sens. Les Septante et la Vulgaie ont lu un texte différent : « De mon sein avant l’aurore, je t’ai engendré. » Ces versions n’ont pas rendu les mots lekâtal, « à toi la rosée », également ignorés de Théodotion, et au lieu de ~}T-h>, yalduléka, « ta jeunesse », elles ont lu i » m’: >, yelidfika, « je t’ai engendré », comme Ps. ii, 7. — La rosée couvre la terre doucement et sans qu’on s’en aperçoive. Chusaï conseille à Absalom de s’enteurer d’une multitude et, avec elle, de tomber sur David et ses partisans « comme la rosée tombe sur la terre, » de manière à les atteindre tous sans qu’aucun n’échappe. II Reg., xvii, 12. — La rosée s’évapore rapidement aux premiers ravons du soleil. La piété des Israélites ressemble à la rosée, elle ne dure guère, Ose., vi, 4 ; Éphraïm passera lui-même comme se dissipe la rosée du matin. Ose., xiii, 3. La petite gouttelette de rosée n’est rien ; le monde est devant Dieu « comme la goutte de rosée matinale qui tombe sur la terre. » Sap., xi,
23.1. ROSENMULLER Ernst Friedrich Karl, fils de JeanGeorges Rosenmûller, orientaliste’et théologien protestant allemand, né le 10 décembre 1768 à Hessberg, près d’Hildburghausen, où son père était alors pasteur, mort à Leipzig, le 17 septembre 1835. Il fit ses études d’abord dans sa famille, pais au collège de Giessen, et enfin, à partir de 1785, à Leipzig, où il fut repu docteur en philosophie en 1788. À cette même université, il fut nommé professeur extraordinaire d’arabe en 1796, professeur ordinaire de langues orientales en 1813, et prit le grade de docteur en théologie en 1817. Aussi actif que savant, il a publié, soit seul, soit en collaboration avec d’autres, une grande quantité d’ouvrages se rapportant aux études bibliques, écrits originaux, éditions annotées, traductions, revues ; parmi ces ouvrages nous devons citer : Scholia in Vêtus Testamentum, grand ouvrage qui parut par parties à Leipzig, depuis 1788 jusqu’à 1832 (la Genèse et V Exode en 1788 ; 3e édit. en 1821 ; le LévUique, les Nombres et le Deutéronome en 1790 ; 3e édit. en 1824 ; lsaïe en 179193 ; 3= édit. en 1829-33 ; les Psaumes en 1798-1804 ; 2e édit. 1821-1822 ; Job en 1806 ; 2e édit. en 1824 ; ainsi qu’Ezéchiel ; 2e édit. en 1826 ; les Petits prophètes en 1815 ; 2e édit. en 1827-28 ; Jérémie en 1826-27 ; les Livres de Salomon en 1829-30, Daniel en 1832 ; Josué en 1833 ; les Juges, Rulh en 1835). À la mort de l’auteur, l’ouvrage était donc encore incomplet. Un abrégé eii avait été publié sous le titre de Scholia in Vêtus Testamentum in compendium redacla, 5 in-8o, 1828-1832. On a aussi de lui : Handbuch fur die Literatur der biblischen Krilik und Exégèse, 4 in-8o, Gœttingue, 1797-1800 ; Das aile und neue Morgenland oder Erlâuterungen der heiligen Schrift aus der nalûrlichen Beschaflenheil, den Sagen, Sitten und Gebr &uchen des Morgenlandes, 6 in-8o, Leipzig, 18181820 ; Biblisch-exeget. Reperlorium, 2 in-8o, Leipzig, 1822-1824 ; Handbuch der biblischen Allerthumskunde, 3 in-8o, Leipzig, 1823-1831 ; Commentatio de Pentateuchi versione persica, in-4°, Leipzig, 1813.
A. Régnier.
2. ROSENMULLER Johann Georg, théologien protestant allemand, né le 18 décembre 1736 à Ummerstadt, dans la principauté de Hildburghausen, mort le 14 mars 1815. Il fit ses études à la Lorenzschule de Nuremberg, puis à Altdorf où il resta jusqu’en 1760. En 1768, il fut nommé ministre à Hessberg, puis, en 1772, à Kœnigsberg en Franconie ; en 1773, professeur de théologie et pasteur à Erlangen. De 1783 à 1785, il fut successivement professeur et surintendant à Giessen, puis professeur à l’université de Leipzig et pasteur à l’église Saint-Thomas de la même ville. Il avait
acquis une certaine renommée comme prédicateur, et il a laissé de nombreux ouvrages, parmi lesquels : Scholia in Novum Testanientum, 6 in-8o, Nuremberg, 1777-1782. Quatre autres éditions parurent de son vivant, dont la dernière fut terminée en 1808. De la sixième édition il ne put publier que le premier volume, en 1815 ; les autres ne virent le jour qu’après sa mort, de 1827 à 1831. Un supplément à cet ouvrage avait paru sous le titre de : Emendationes et supplementa, 5 in-8o, 1789-90. On a aussi de lui : De falis interpretationis sacrarum litterarum in Ecclesia christiana, 1789 et suivantes, constituant divers articles recueillis et complétés plus tard sous ce titre : Historia interpretationis librorum sacrorum in Ecclesia christiana, inde ab apostolorum setale ad Origeneni, 5 parties, Leipzig, 17954815. A. Régnier.
- ROSSANENSIS CODEX##
ROSSANENSIS CODEX, évangéliaire grec, découvert en 1879 par Oscar von Gebhardt et Adolf Harnack, à Rossano, siège archiépiscopal de la Calabre. Il est désigné sous le nom de Codex S. Il est la propriété du chapitre de la cathédrale de Rossano. Il est écrit en lettres d’argent sur parchemin pourpre en belles onciales, sans accents et sans séparation de mots, avec de belles miniatures en couleurs. Plus de la moitié du manuscrit original semble perdu. Il reste 188 feuilles à deux colonnes, de vingt lignes chacune, contenant saint Matthieu en entier et saint Marc jusqu’au milieu du ꝟ. 14 du dernier chapitre. Le texte suit de près A, A, ii, au lieu des manuscrits plus anciens B et x, mais quand l’un des trois premiers manuscrits, par exemple A, s’accorde avec B et s, S le suit ordinairement. Il est généralement d’accord avec le Codex purpureus N, du vie siècle, dont les fragments sont dispersés à Saint-Pétersbourg, Paris, Rome, Patmos, Londres et Vienne. Les éditeurs, Gebhardt et Harnack, le rapportent au VIe siècle. Evangeliorum Codex Grsscus Purpureus Rossanensis, litteris argenteis sexto ut videtur seeculo scriptus picturisque ornatus, Leipzig, 1880. Les miniatures sont remarquables par le dessin et par le coloris et d’autant plus importantes que, si les manuscrits latins à miniatures sont relativement nombreux, les manuscrits grecs ainsi ornés, antérieurs au vn « siècle, sont très rares. A. Hasseloff, Die Miniaturen des Codex purpureus Rossanensis, in-4o, Berlin, 1898.
1. ROSSI (Azariah de) Ben-Moses, savant juif de la célèbre famille appelée en hébreu Min ha-Adummim, né à Mantoué, en 1513, mort dans cette ville en novembre 1577. Il étudia à Mantoue, Ferrare, Ancone, Bologne, et se voua à l’étude de la langue hébraïque et des Saintes Écritures. Il est l’auteur d’un ouvrage de grande réputation parmi les Israélites, dw liND, Me’ôr’ênayîm, « La lumière des yeux », Mantoue, 1574-1575. Il se divise en trois parties, dont les deux premières ont été réimprimées à Vienne en 1829. Dans la première partie, il s’occupe surtout du tremblement de terre du 18 novembre 1570 à Ferrare, dont il avait été témoin, et de ce que disent l’Écriture, les rabbins, etc., sur ces commotions de la nature. La seconde a pour sujet principal la version des Septante ; la troisième traite entre autres des sectes juives, en particulier des Esséniens, des versions araméennes, des juifs d’Alexandrie et de Cyrène, des dix tribus, de l’exégèse midraschique et hagadique, de la chronologie juive, de l’antiquité des lettres et des points-voyelles, de la poésie hébraïque, etc. De nombreux fragments de cette œuvre bigarrée et assez souvent incorrecte ont été traduits en latin par divers écrivains. Voir la biographie d’A. de Rossi par M. Zunz, dans Kerem fféméd, Prague, 18411842, v, p. 131-138, 159-162 ; vii, p. 119-124.
2. ROSSI (Giovanni Bernardo De), orientaliste italien, né le 25 octobre 1742 à Castelnuovo, petit village du Piémont, mort à Parme en mars 1831. Il fut reçu docteur en théologie à Turin en 1762 et reçut le sacerdoce la même année. Il se livra alors avec passion à l’étude de l’hébreu et des langues orientales et européennes. Il obtint en 1769 un emploi à la Bibliothèque de Turin et devint peu après professeur de langues orientales à Parme où il enseigna jusqu’en 1821. Il employa exclusivement les dernières années de sa vie à la composition et à la publication d’œuvres philologiques et bibliographiques, mais il était déjà depuis longtemps célèbre par la publication de travaux remarquables. En 1776 avait paru à Oxford le premier volume des variantes de l’AncienTestament hébreu de Kennicott, Vêtus Testamentum hebraicum cum variis lectionibus. Voir t. iii, col. 1888. J.-B. De Rossi ne fut point satisfait de cette publication, à cause de sa critique défectueuse et de ses lacunes, et comme il possédait d’anciens manuscrits hébreux inconnus au savant anglais, il résolut de faire une œuvre plus exacte et plus complète. Ce fut l’origine de ses Varim lecliones Veteris Testament* ex immensa manuscriplorum editorumque codicum congerie haustæ et ad Samaritanum textum, ad vetustissimas versiones, ad accuratiores sacrie crilicee fontes ac leges examinâtes, 4 in-4o, Parme, 1784-1788 ; Scholia critica in Veteris Testamenti Libros seu Supplementa ad variantes sacri textus Lecliones, Parme, 1798. Pour ce travail colossal, il avait rassemblé 710 manuscrits hébreux avec 336 éditions anciennes de la Bible. À l’exemple de Kennicott, il avait collationné avec l’édition de la Bible de van der Hooght 691 manuscrits et 333 éditions imprimées et, continuant infatigablement son œuvre, il avait dépouillé uu total de 1793 exemplaires des textes hébreux, sans compter de nombreuses traductions anciennes et commentaires. Le résultat de cet immense labeur ne donna pas un très grand nombre de variantes, mais il n’en fut que plus important et il permit de constater que tous les manuscrits étudiés provenaient d’une même recension. De Rossi enrichit sa collection d’année en année, et, afin qu’elle ne fût point dispersée et pût être mise au service des savants, il la vendit en 1816 à l’archiduchesse Marie-Louise pour la somme de 100000 francs. Elle est conservée à la Bibliothèque de Parme. — On a aussi du même auteur : De prxcipuis caussis et momentis negleclee a nonnullis hebraicarum litterarum disciplinée disquisitio elenchtica, Turin, 1769 ; Délia lingua propria di Cristoe degli Ebrei délia Paleslina da’tempi de’Maccabei, in-4o, Parme, 1772 ; Delta vana aspetlazione degli Ebrei del loro re Messia dal compimento di tutte le epoche, in-4o, Parme, 1773 ; De hebraicse typographiai origine ac primitiis, Parme, 1776 ; Spécimen inéditm Bibliorum versionis syro-estranghelx, in-4o, Parme, 1778 ; in-8o, Leipzig, 1778 ; Annales hebraico-typographici sstcvli XV’, in-4o, Parme, 1795 ; Bibliotheca judaica antichristiana, in-8o, Parme, 1800 ; Dizionario storico degli autori Ebreie délie loro opère, 2 in-8o, Parme, 1802 : Manuscripti codices hebraici bibliothecse J. B. De Bossi accurate descripti et illustrati. Accedit Appendix qua continentur manuscripti codices reliqui aliarum linguarum, 3 in-8o, Parme, 1803 ; Introduzione alla Sacra Scritlura, Parme, 1817 ; Sinopsi délia ermeneutica sacra, Parme, 1819. — Voir Memorie storiche sugli siudje suite produzioni del D. G. B. De Bossi da lui dislese, Parme, 1809.
ROUE (hébreu : ’obén, ’ôfân, galgal, gilgâl ; Septante : Tpo-/61, Sçw/, « essieu de roue » ; Vulgate : rota), appareil circulaire pouvant tourner autour d’an axe (fig. 260). II est question, dans la Sainte Écriture, de différentes espèces de roues.
1° La roue des chars, montée verticalement sur m »
essieu horizontal, s’appuie sur le sol, porte le poids du véhicule et tourne en avançant ou en reculant, selon le mouvement imprimé à ce dernier. Pendant qu’ils poursuivaient les Hébreux à travers la mer Rouge, les Égyptiens virent les roues de leurs chars tomber de leurs essieux, sous l’effort d’une traction trop rude au milieu du sable.et des pierres. Exod., xiv, 25. Les roues des chars de guerre faisaient grand bruit ; Isaïe, v, 28, les compare à l’ouragan. Les roues des chars égyptiens firent trembler les Philistins, Jer., xlvii, 3, celles des chars chaldéens épouvantèrent les Israélites, Ezech., xxm, 2ï, celles des chars de Babylone ébranlèrent les murs de Tyr, Ezech., xxvi, 10, et Ninive fut terrifiée par le même fracas. Nah., iii, 2. Sur la forme de ces roues, voir Char, t. ii, col. 565-578. — Les chariots d’airain qui transportaient l’eau dans le sanctuaire avaient des roues comme celles d’un char. III Reg., vii, 30-33. Voir Mer d’airain, t. iv, col. 985, 986. — Pour marquer la mobilité d’esprit et l’instabilité des idées de l’insensé, l’Ecclésiastique, xxxiii, 5, dit de lui :
L’intérieur de l’insensé est comme une roue de chariot, Et sa pensée comme un essieu qui tourne.
2° Isaïe, xxviii, 27, 28, parle d’une roue de chariot qui servait à îovver ie îrotneirt, mais qw’otv tfewi-
260.
Roue de char. Musée du Vatican.
d’ordinaire est en pierre. Cet instrument ne se trouve r pas dans nos pays (la Mauritanie), mais chez les potiers^ orientaux. Je l’ai vu cependant dans ce pays même chez un des potiers orientaux qui y résident. » Dans Gesenius, Thésaurus, p. 16. Voir Potier, col. 578. Le potier fait tourner cette roue avec les pieds, Eccli., xxxviii, 32, pendant que ses mains façonnent l’argile. 4° La poulie de la citerne ou de la fontaine est appelée galgal dans ce passage de l’Ecclésiaste, xii, 6 :
Avant que la cruche se brise à la fontaine, Que la poulie se casse à la citerne.
Ces deux accidents, qui empêchent de puiser l’eau, figurent la fin de la vie. La poulie est une roue ou un rouleau, tournant autour d’un axe horizontal et facilitant le va-et-vient de la corde qui soutient la cruche.
5° La roue figure souvent dans les visions prophétiques. Ézécbiel, i, 15-21, voit avec les quatre chérubins des roues qui ressemblent à la pierre de Tharsis, c’est-à-dire à la chrysolithe. Voir Chrysolithe, t. n col. 740. Chacune d’elles est comme traversée par une autre roue ; elles avancent sur leurs quatre cotés sans se re ployait pas pour de menues graines comme le cumin. Saint Jérôme, In Is., ix, 28, t. xxiv, col. 326, dit qu’en Palestine on foulait le blé avec des roues de fer ; ces roues, pourvues d’espèces de dents, étaient promenées circulairement sur les gerbes, faisaient sortir les grains de l’épi et broyaient la paille. Ces roues n’ont pas cessé d’être en usage. Cf. Rosenmiiller, Jesaise vaticin., Leipzig, 1793, t. ii, p. 632. Ce sont plutôt des rouleaux qui, montés sur une espèce de châssis, étaient traînés par des bœufs. On en peut voir la forme et la manœuvre t. i, fig. 73, 74, 75, col. 325-327. Il est dit qu’un roi sage fait passer la roue sur les méchants, c’est-à-dire qu’il les tient sous sa puissance, les châtie et les empêche de se relever pour mal faire. Prov., xx, 26. La roue à laquelle il est fait allusion ici, bien qu’appelée’ôfdn, comme la roue des chars, ne diffère pas du rouleau qu’Isaïe appelle aussi bien’Ôfdn qwe^gilgdl.
3° La roue du potier est une pièce /cylindrique qui tourne horizontalement sur un axe vertical et entraîne, dans son mouvement giratoire, la masse d’argile à mouler. Jérémie, xviii, 3, lui donne le nom de’obnaïm, « deux pierres », Xc’Qoe, rota. Abulwalid explique ainsi la signification de ce nom : « L’instrument sur lequel le potier tourne ses vases d’argile est double. Il se compose de deux roues de bois, semblables à des meules à main ; celle de dessous est plus grande et celle de dessus plus petite. L’instrument, bien qu’il ne soit pas de pierre, s’appelle’obnaïm, « paire de pierres », à cause de sa ressemblance avec la meule à main qui
2*#
261 Roue assyrienne. D’après Meyer, Sumerier vnd Semiten
in Babylonien, dans les Abhaadlungen Aer k. pr. Akademie der Wissenschaftenzu Berlin, Ph. hist. K. Abh. Ul, pi. viii,
tourner, et peuvent s’élever de terre comme les chérubins. Leurs jantes sont d’énorme hauteur et remplies d’yeux, c’est-à-dire de facettes brillantes. Elles font grand bruit en se mouvant. Ezech., iii, 13 ; x, 2, 6, 19 ; xi, 22. On ne saurait dire si ces roues avaient des formes purement idéales ou si elles présentaient quelque analogie avec des objets assyriens, comme on l’a reconnu pour les chérubins. Voir (fig. 2) un fragment d’un char divin en calcaire, — Daniel, vii, 9, décrivant le trône de Dieu, dit : « Son trône était de flammes de feu, les roues un feu ardent. » On a retrouvé un siège royal babylonien, monté sur roues, qui a pu servir de type à celui que décrit le prophète. Cf. de Longpérier, Notice des antiquités assyriennes, p. 37 ; Vigouroux, La, Bible et les découvertes modernes, 6e édit., t. iv, p. 221-223, 399.
6° Saint Jacques, iii, 6, appelle « roue » le cours de la vie ; celle-ci va en effet comme une roue qui tourne sans cesse. — Le mot galgal signifie à la fois « roue » et « tourbillon ». Les versions ont pris deux fois le premier sens là où convenait le second. Ps. lxxvii (lxxvi),
19 ; lxxxiii (lxxxii), 14.- ROUGE##
ROUGE (COULEUR). Voir Couleurs, i, 3°, t. iii, col. 1066.
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- ROUGE##
ROUGE (MER)
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ROUGE (MER) (hébreu : yâm-sûf, « mer des Roseaux », Exod., x, 19 ; xiii, 18 ; xv, 4, 22, etc. ; parfois simplement hay-yàm, « la mer », Exod., xiv, 2, 9, 16, 21, 28, etc. ; une fois sûf, Deut., 1, 1 ; Septante : t| Épu8pà ÔàXautra, Exod., X, 19 ; xiii, 18, etc. ; eiXamra, Exod., xiv, 2, 9, 16, etc. ; 7) ê^xà-tr] 80cXa<70-<), III Reg., » x, 26 ; ôâXaaaï] Eeîep, Jud., xi, 16 (Codex Vaticanus) ; les écrits grecs de l’Ancien et du Nouveau Testament ont èpo6pà 9â/a<j<7 ?j, Judith, v, 14 ; Sap., x, 18 ; xix, 7 ; i Mach., iv, 9 ; Act., vii, 36 ; Heb., xi, 29), grand golfe de l’extrémité nord-ouest de l’océan Indien, entre l’Asie sud-occidentale à l’est et l’Afrique nord-orientale à l’ouest. Célèbre par le passage miraculeux des Israélites à travers ses eaux, elle est connue dans la Bible surtout par ses deux pointes septentrionales, le golfe <Ie Suez et le golfe d’Akabah.
, I. Noms. —1° Le vrai nom de la mer Rouge en hébreu -est yâm sûf. Mais le mot sûf n’a pas un sens très précis ; tout en désignant des plantes aquatiques, il peut s’appliquer aux roseaux, aux joncs et aux algues. "Voir Algues, t. i, col. 364. Nous croyons cependant que le sens qui prime est celui de « roseaux ». Cf. Exod., h, 3, 5 ; Is., xix, 6. Le mot est transcrit en égyptien
par s=> % y. X *îf> tufl, « papyrus » ; mais, d’après
W. Max Mûller, Asien und Europa nach altâgy ptischen Denkmâlern, Leipzig, 1893, p. 101, il ne se rencontre pas dans l’ancien empire et paraît un emprunt fait aux Sémites. Il se retrouve encore dans le copte sous la forme iooiT’q, « jonc, papyrus ». Cependant la version copte, Exod., x, 19 ; xiii, 18, a traduit yâm sûf par io six ïiuj*.pi, yom n-’sari. Mais la signification est la même, car sari représente l’ancien égyptien sar, plante aquatique dont il est question dans une inscription du temple d’Edfou, et dont on mâchait les tiges comme celles du papyrus. Cf. G. Ebers, Durch Gosen zum Sinai, Leipzig, 1881, p. 532-533 ; Ch. Joret, Les plantes dans l’antiquité, 1™ partie, Paris, 1897, p. 174. On comprend d’ailleurs que le nom de « mer des Roseaux » ait quelque chose de spécifique, tandis que celui de « mer des Algues » ne convient pas d’une façon spéciale à la mer Rouge. Cependant, comme les roseaux n’existent aujourd’hui qu’en quelques endroits des bords de cette mer, notamment au sud du djebel’Atâqa, à l’embouchure de Youadi Jauâriq, et par groupes, mais en moins grande quantité, dans le golfe Elanitique ou d’Akabah, on a voulu rapporter le nom de sûf aux algues ou varechs (fucus) que la mer Rouge renferme, ainsi que la Méditerranée, et qui forment « omme des prairies sous-marines, visibles par un temps calme jusqu’à une grande profondeur, ou bien « ncore aux bancs de coraux recouverts d’algues qu’on aperçoit près des côtes. Mais ces raisons ne peuvent infirmer celles que nous avons fait valoir ; elles prouvent simplement que l’état de la mer Rouge, sous ce rapport, devait être autre à l’époque des Hébreux. Il fallait, en effet, que l’abondance des roseaux y fût remarquable pour qu’ils aient cherché dans ce fait une dénomination caractéristique. Or, cette plante et ses semblables croissent surtout au voisinage des eaux douces. Comme celles-ci sont rares sur les bords des deux golfes dont nous parlons, il est donc probable qu’il faut remonter à un état ancien où le golfe occidental s’avançait plus haut dans les terres, en s’unissant aux lacs Amers. C’est dans cette région septentrionale que les Israélites connurent surtout la mer Rouge, et nous verrons plus loin que cette hypothèse du prolongement a ses raisons et ses partisans. On comprend alors qu’ils aient été frappés pa.r les fourrés de roseaux qui devaient occuper les bords plus ou moins marécageux de cette partie, où venaient aboutir certains canaux du Nil.
2° Les Septante traduisent régulièrement par f] épuBpà
- â).ocr<ra, « la mer Rouge ». C’est le nom qu’on trouve
dans les écrits grecs de l’Ancien et du Nouveau Testament, Judith, v, 14 ; Sap., x, 18 ; xix, 7 ; I Mach., iv, 9 ; Act., vii, 36 ; Heb., xi, 29. C’est celui qui est usité chez les historiens et géographes grecs, Hérodote, Strabon, etc. ; les Latinsont de même Mare Èrythrseum, Mare Rubruni. Mais ces auteurs lui donnent une bien plus grande extension, en l’appliquant à l’océan Indien lui-même et au golfe Persique ; ils réservent à la mer Rouge proprement dite et à son bras oriental les appellations spéciales de golfe Arabique et golfe Elanitique, comme nous le verrons tout à l’heure. Pour le moment, demandons-nous d’où est venu ce nom de « mer Rouge ». Il n’est pas facile de le savoir. Il va sans dire, selon la remarque de Niebuhr, Beschreibung von Arabien, Copenhague, 1772, p. 417, que l’eau de cette mer n’est pas plus rouge que celle de la mer Noire n’est noire, que celle de la mer Blanche des Turcs (Archipel) n’est blanche. C’est donc à quelques circonstances particulières qu’est due cette appellation. Dans certains cas et sous certains aspects, les herbes flottantes sous-marines peuvent produire des reflets donnant une teinte rougeâtre à la surface. C’est ce qu’a constaté en 1843, sur une longueur de 475 kilomètres, le D r Montagne, qui attribue cette couleur écarlale principalement â des Erythronema ou algues de la tribu des Oscillatoriées. Cf. Montagne, dans le Bulletin de la Société de géographie, Paris, 1844, p. 151 ; et Mémoire sur la coloration de la mer Rouge, 1845. Quelques bancs de sable et de corail ont aussi cette nuance. On fait appel également à la rougeur du ciel qui se reflète dans la mer, à la lumière éblouissante des monts et des rochers environnants. Une autre hypothèse ferait.de « rouge » le synonyme de « torride » ; on sait, en effet, que la chaleur est suffoquante sur cette mer. Beaucoup enfin croient que l’étymologie vient plutôt du « Peuple rouge » qui habitait autrefois une bonne partie de ses rives. C’est la signification A’Edoni en hébreu, de Himyar (dérivé de Ahmar) en arabe, de Pount en égyptien. Ce dernier nom désignait une grande tribu chananéenne du golfe Persique, qui fonda des colonies sur les bords de la mer Rouge, du golfe d’Aden, puis de là eh Afrique ; d’où il fut appliqué par les Egyptiens à l’Arabie et au pays de Somâl. Ces Chananéens, essaimant sur la Méditerranée, devinrent les « Êoîvixeç des Grecs ou les Phéniciens, les Pœni ou Puni de Carthage pour les Romains. On pourrait trouver un appui à cette hypothèse dans le nom que les Égyptiens donnaient à la région déserte qui les environnait, par opposition à leur propre pays, c’est-à-dire les bords du Nil. Ils appelaient celui-ci Kam, Kem ou Kemi, « le Noir », sans doute en raison de la couleur du sol, tandis qu’ils nommaient celle-là ta désert, « le [pays] Rouge », et le golfe Arabique « la mer du pays rouge ». C’est peut-être de là que les Grecs et les Romains auraient tiré le nom de « mer Erythrée » ou « Rouge ».
3° Nous avons dit que les historiens et géographes classiques appelaient la mer Rouge proprement dite « le golfe Arabique », 6’Apiëioç ou’Apaëixôç xoXnoç, Arabicus sinus. Cf. Hérodote, ii, 11, 159, etc. ; Strabon, xvii, 798, 803 ; Pline, H. N., vi, 28, etc. Mais le bras occidental portait aussi le nom de « golfe Héroopolite », ’IIpwoTroXïTVj ; x6Xtto ; ou ja-j^o ; , "Hpwoç xoXttoç, Théophraste, Hist. PL, IV, 8, dénomination tirée d’une ville qui se trouvait près du lac Timsah, l’ancienne Pithom, ce qui tend à prouver, nous le verrons, que la mer Rouge, dans les temps anciens, remontait beaucoup plus au nord que maintenant. Le bras oriental était appelé « golfe Elanitique », AîXaviTr)ç, ’EXavrér]ç, ’EXavt-Tixb « jcôXtt&ç ou (rJx° ! > de la ville d’Élath, située à l’extrémité du golfe. VoirÉLATH, t. ii, col. 1643. On trouve dans Pline les formes Mliniticus, Aleniticus et Lseniticus sinus.
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- ROUGE##
ROUGE (MER)
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4° Les Égyptiens donnaient différents noms à la mer Rouge : « la mer du pays de Punt », cf. H. Brugsch, Geographische Inschriften altâgyplischer Denkmâler, Leipzig, 1858, t. ii, p. 16 ; « la grande mer de l’eau de Qat » ou « de l’eau du circuit », cf. P. Pierret, Dictionnaire d’archéologie égyptienne, Paris, 1875, p. 487 ; « la Verte », cf. W. Max Mùller, Asien und Europa, p. 42., etc. Les Arabes n’ont point d’appellation générale pour la désigner, mais ils emploient des noms locaux : Bahr es-Sueiz, Bafir el-Akabah, Bahr el-Redjaz, etc. ; au sud, le nom habituel est Bahr Yémen.
II. Description. — La mer Rouge forme entre les deux continents d’Asie et d’Afrique un sillon d’une régularité remarquable ; creusé du sud-sud-est au. nordnord-ouest, il mesure 2325 ou 2 350 kilomètres depuis
262. — Carte de la sortie des Hébreux d’Egypte.
le détroit de Bab-el-Mandeb jusqu’au port de Suez, son extrémité septentrionale. À la pointe du triangle sinaïtique, elle se bifurque en deux bras secondaires, symétriques : l’un qui s’en va au nord-ouest, sur 302 kilomètres, est le golfe de Suez ; l’autre, moins long de presque moitié, est dirigé au nord-nord-est, sur 162 kilomètres, et s’appelle le golfe d’Akabah. Large seulement de 24 kilomètres à l’entrée, près du cap Bab-el-Mandeb, elle arrive progressivement à 345, 377 et 394 kilomètres, sa plus grande largeur, /entre Kounfouda d’Asie et Souakim d’Afrique. Elle se resserre ensuite jusqu’à 195 kilomètres, se rélargit de nouveau jusqu’à 326 kilomètres sous le tropique, puis se resserre encore et diminue petit à petit jusqu’à 179 kilomètres sur le parallèle du Ras Mohammed de la péninsule du Sinaï. De là, le golfe de Suez, large à cette entrée de 71 kilomètres, perd bientôt de sa largeur et varie entre 40 et20, puisl2 kilomètres à sonextrémité. Le golfe d’Akabah varie entre 28 et 12 kilomètres. Le bassin de la mer Rouge est une sorte de cuvette profonde et allongée.
L’axe des profondeurs court au milieu de la mer suivant
les sinuosités du littoral ; l’endroit le plus profond,
mesuré jusqu’à présent, se trouve à une distance presque
égale du Râs Mohammed et de la passe de Bâb-el-Mandeb ;
la sonde y indique 2 271 mètres. La profondeur
moyenne est de 461 m 85. Mais on signale une grande
différence bathymétrique entre les deux golfes de l’extrémité
septentrionale. Le golfe de Suez n’a qu’une
profondeur maxima de 50 mètres, tandis que le golfe
d’Akabah s’unit avec la mer Rouge à une profondeur de
200 mètres et offre à son intérieur une profondeur de
plus de 300 mètres ; le premier n’est donc qu’un simple
fossé d’érosion latérale, tandis que le second est le
véritable prolongement de la mer. Pendant lès mois
d’été, quand l’atmosphère est calme, et plus encore
quand souffle le vent du désert, la mer Rouge est une
véritable fournaise ; l’eau y est à la température de 30
à 32°.
Les marées sont peu marquées dans ce fond resserré de l’Océan ; selon la position des ports, la montée varie de ln 75à l m 25. À Suez, les grandes marées de printemps son t de 2 mètres, et les m arées ordinaires de 1 m 50, chiffres qui peuvent être modifiés par l’action du vent. Dans le golfe d’Akabah, la marée est beaucoup plus basse que dans celui de Suez. Le golfe Arabique, ayant à peine quelques affluents qui durent toute l’année, ne reçoit qu’une très faible quantité d’eau ; on peut donc le considérer comme un immense bassin d’évaporation. Les pluies élant également très rares, le niveau de la mer baisserait sensiblement, le bassin finirait même, au bout de quelques siècles, par se vider, si l’océan Indien n’envoyait un courant pour remplacer les eaux perdues. Depuis que le canal de Port-Saïd a mis la mer Rouge en communication avec la Méditerranée, des échanges se font aussi entre le golfe de Suez et le bassin des lacs Amers. « Peu de mers offrent un spectacle comparable à celui que l’on contemple sur les fonds de la mer Rouge, à travers l’eau transparente et cristalline, à 20, 25 et même 28 mètres au-dessous de la surface. Les « prairies » sous-marines des zoophytes apparaissent avec leurs milliard* de rameaux, de lanières, de b.ourgeons et de fleurs, les unes irrégulières, les autres" de formes géométriques, et toutes rayonnant du plus merveilleux éclat, comme diamants, rubis et saphirs : c’est un inonde infini de formes et de couleurs. Au milieu des plantes animales se balancent les algues, et des centaines d’autres espèces végétales. Aucun brisant des lames n’indique la présence des récifs, à cause des mille cavernes de la masse coralline et des forêts d’herbes dans lesquelles se propage la vague en s’amortissant peu à peu et en perdant sa violence. » E. Reclus, L Asie antérieure, Paris, 1884, p. 868. Voir aussi Vivien de Saint-Martin, Nouveau Dictionnaire de géographie universelle, Paris, 1879-1895, t. v, p. 241-245.
III. Histoire. Passage dks Hébreux. — L’histoire de la mer Rouge, dans la Bible, consiste surtout dans le passage miraculeux des Israélites à travers ses flots.
II est raconté dans l’Exode, xiv, chanté par Moïse, Exod., xv, 1, 4, 8, 10, 19, 22 ; rappelé Deut., xi, 4 ; Jos., ii, 10 ; iv, 23 ; Jos., xxiv, 6, 7 ; Jud., xi, 16 ; II Esd., ix, 9 ; Ps. cv (cvi), 7, 9, 22 ; cxxxv (cxxxvi), 13, 15 ; Judith, v, 14 ; Sap., x, 18 ; xix, 7 ; IMach., iv, 9 ; Act., vii, 36 ; Heb., xi, 29. En dehors de là, cette mer est assignée comme frontière méridionale à la Terre Promise, Exod., xxiii, 31. Les Nombres, xiv, 25 ; xxxiii, 10, nous apprennent que les Hébreux, dans la péninsule du Sinaï, campèrent sur ses bords. Élath était située sur son rivage.
III Reg., ix, 26 ; II Par., viii, 17 ; Jer., xux, 21. Mais à quel endroit les Hébreux la passèrent-ils ? C’est un problème qui n’est pas encore résolu d’une façon certaine.
1° Récit biblique. — Pour le mieux comprendre,
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examinons d’abord le récit biblique, qui fixe les principaux points de l’itinéraire. « Lorsque Pharaon eut laissé partir le peuple [d’Israël], Dieu ne le conduisit pas par la route du pays des Philistins, qui est la plus courte ; car Dieu pensait que le peuple pourrait se repentir en voyant la guerre, et retourner en Egypte. Dieu fit donc tourner le peuple par le chemin du désert, vers la mer Rouge, et les enfants d’Israël en armes montèrent de la terre d’Egypte. » Exod, xiii, 17, 18. « Étant partis de Sukkôt, ils campèrent à’Êfâm, à l’extrémité du désert. » Exod., xiii, 20. « Alors le Seigneur dit à Moïse : Parle aux fils d’Israël, afin qu’ils retournent et qu’ils campent devant Pîhahirât, entre Migdôl et la mer, vis-à-vis de Ba’al $efôn ; c’est vis-àvis de ce lieu que vous camperez sur la mer. Et Pharaon dira des enfanta d’Israél : Ils sont égarés dans le pays, le désert les enferme. » Exod., xiv, 1-3. Pharaon fit atteler son char et prit ses troupes 3vec lui ; et il prit six cents chars d’élite et tous les chars d’Egypte, avec les chefs de toute l’armée. » Exod., xiv, 7. « Les Égyptiens poursuivant donc [les Israélites], les atteignirent comme ils étaient campés sur le bord de la mer, toute la cavalerie et les chars de l’armée de Pharaon, devant Pihalfirôt, vis-à-vis de Ba’al IjSefôn. À l’approche de Pharaon, les enfants d’Israël, levant les yeux et voyant les Égyptiens qui marchaient à leur poursuite, furent saisis d’une grande crainte et ils crièrent vers le Seigneur. » Exod., xiv, 9-10. Le Seigneur dit à Moïse : « Pourquoi cries-tu vers moi ? Dis aux enfants d’Israël de se mettre en route. Et tei, élève ta verge et étends ta main sur la mer, et divise-la, afin que les fils d’Israël marchent à sec au milieu de la mer. » Exod., xiv, 1516. « Moïse ayant étendu sa main sur la mer, le Seigneur refoula la mer par un vent d’est violent pendant toute la nuit, et il mit la mer à sec, et les eaux se divisèrent. Et les enfants d’Israël marchèrent à sec au milieu de la mer, les eaux formant un mur à droite et à gauche. » Exod., xiv, 21-22. L’armée égyptienne, en les poursuivant, fut engloutie dans les flots, qui reprirent leur cours sur un signe de Moïse. Exod., xiv, 23-28.
2° Topographie. — Ce récit et les hypothèses auxquelles il a donné naissance demandent une description au moins générale du théâtre des événements, c’est-à-dire de l’isthme de Suez. Voir carte, fig. 262. Cet isthme a une largeur totale de cent treize kilomètres. En partant de l’extrémité méridionale du lac Menzaléh et en allant vers le sud, on traverse une série (te dunes de sable dont le point culminant est el-Qantara ou « le pont », ainsi appelé parce qu’il sert de lieu de passage entre l’Egypte et le désert qui la borde au nord-est. Après les dunes, on rencontre le lac Balah, puis un pli de terrain, nommé el-Gisr, qui, avec ses vingt mètres au-dessus du niveau de la mer, est l’endroit le plus élevé de l’isthme. II forme uu seuil qui, sans le travail de l’homme, aurait toujours empêché toute communication entre la Méditerranée et les lacs inférieurs. Au delà est le lac Timsah, puis viennent deux nouveaux plis de terrain, le seuil de Tussûm et celui du Sérapéum. À dix kilomètres plus au sud, sont les lacs Amers, formés d’un grand et d’un petit bassin, qui se dirigent du nord-ouest au sud-est, et dont la longueur totale est de quarante kilomètres environ, la plus grande largeur de dix à douze, et la plus grande profondeur de quinze mètres à peu près au-dessous du niveau de la mer. Avant le percement de l’isthme, ils étaient à sec depuis des siècles ; des bancs de sel en formaient le fond. Ils sont séparés de la mer Rouge par le seuil de èalûf, dont la hauteur est de près de sept mètres au-dessus du niveau de la mer. À partir de là, le terrain descend insensiblement jusqu’à l’extrémité de l’isthme ; c’est une plaine sablonneuse, d’environ vingt kilomètres, et élevée d’un peu plus d’un mètre, en moyenne, qui va se perdre dans la mer Rouge. Elle est limitée
à l’est par une suite de petites collines qui s’élèvent dans le désert, à l’ouest par une ondulation de terrain qui forme le dernier contre-fort du Djebel Geneffèh. A l’extrémité méridionale de la plaine est bâtie la ville de Suez. Cf. F. Vigouroux, La Bible et les découvertes modernes, 6e édit., t. ii, p. 385-389.
C’est donc par cette ligne que les Hébreux devaient nécessairement passer pour quitter l’Egypte. Le récit sacré nous dit que la route la plus naturelle et la plus courte était celle qui allait au pays des Philistins, c’est-à-dire au nord-est, vers Gaza. Mais sur ce chemin, les Israélites devaient rencontrer des postes égyptiens et tomber entre les mains de peuples alliés du pharaon. Dieu ne voulut pas les exposer à une lutte qui les aurait facilement découragés. Quelle voie donc suivirent-ils ? Le problème est d’autant plus difficile qu’il ne se compose presque que d’inconnues. Le point de (Répart est incertain, et la plupart des noms de lieu indiqués par la Bible ne sont pas identifiés. Nous savons que les Hébreux partirent de Ramsès. Exod., xif, 37. Mais où se trouvait cette ville ? Plusieurs égyptologues l’identifient avec Tanis (hébreu ; Sô’ân ; égyptien : Than ; aujourd’hui : San), dont les ruines sont situées à environ 30 kilomètres de Faqûs, et qui fut une des résidences des pharaons. Il est certain que cette ville fut restaurée par Ramsès et qu’elle porte son nom dans les documents égyptiens. Mais cette raison ne suffit pas pour établir que la Ramessès biblique est la même cité que Tanis. Ramsès II, en effet, fonda une ville nouvelle, ou du moins une résidence royale de ce nom, et la Bible, qui connaît Tanis sous sa propre dénomination ; a dû réserver pour un autre endroit le nom de Ramsès. Le Pentateiique d’ailleurs prouve clairement la distinction des deux. Ramessès était dans la terre de Gessen, à laquelle elle donnait son nom. Or, Tanis n’était pas dans la terre de Gessen, comme il résulte de l’histoire de Joseph, quittant la cour du pharaon pour aller voir son père fixé dans le pays de Gessen, cf. Gen., xlvi, 28, 31 ; xlvii, 1, 7, 10-11, et de l’histoire des dix plaies, puisque la terre de Gessen fut exempte des fléaux qui frappèrent la résidence du roi. Cf. Exod., viii, 22 ; fx, 26. Ajoutons que, pour aller de Tanis au désert, il fallait franchir la branche pélusiaque du Nil, ce qui n’est mentionné nulle part. Les uns placent Ramessès près de Phithom, non loin du canal d’eau douce qui traverse Vouadi Tumilat. Cf. Vigouroux, La Bible et les déc. modernes, t. ii, p. 368. D’autres la chercheraient plus volontiers à es-Salihiyéh, point de jonction des deux routes d’Asie, l’un passant par el-Qantara, l’autre allant droit à lsmailiya. Cf. Lagrange, L’itinéraire des Israélites, dans la Revue biblique, 1900, p. 73. Voir Ramessès, col. 954.
Sukkôf ou Soccoth est un nom de forme hébraïque, qui signifie a les tentes » ; mais il correspond exactement à l’égyptien Thkut ou Thukut (th remplaçant le samech hébreu). Il désigne ici une région plutôt qu’une ville proprement dite, car une multitude comme celle des Hébreux ne pouvait s’arrêter dans une ville, en supposant même que les portes s’en fussent ouvertes devant elle. Or les monuments égyptiens nous montrent cette terre de Thukut près de Pitum ou Phithom, qui semble bien avoir avoir été retrouvé à Tell el-Maskhuta, dans Vouadi Tumilat, entre Tell el-Kébir et lsmailiya. La première station des Israélites dut donc être dans les environs, vers l’ouest ou le nord-ouest du lac lïmsa/i.’Voir Phithom, col. 321.’Êfâm ou Étham est à la fois le nom de la deuxième station et celui du désert que les Hébreux parcoururent après le passage de la mer Rouge. Num., xxxiii, 8. On l’a rapproche de l’égyptien Khatem, « muraille », ce qui nous ramènerait à la ligne de fortifications élevée par les pharaons contre les Arabes nomades à la frontière du désert. Si ce point n’est pas déterminé, il
est probable qu’il se trouvait à l’est à'el-Gisr, puisque c’est de là que, par un mouvement tournant, sur un ordre de Dieu, Moïse vint du côté de la mer Rouge, devant Pihahirôt ou Phihahiroth. Voir Etham, 1, t. ii, col. 2022. Ce dernier nom est l'égyptien Pikeheret rencontré par E. Naville, The Slore-City of Pithom, Londres, 1885, p. 16, 17 ; pi. ix, ligne 7, dans ses fouilles de Tell el~ Maskhula, sur une stèle de Ptolémée Philadelphe. On en conclut que cet endroit devait être non loin de Phithom ce qui convient bien au mouvement dés Israélites revenant sur leurs pas. Il faudrait alors le chercher sur les bords du lac Timsah. Mais comme la conséquence est que le passage de la mer Rouge aura eu lieu par les lacs Amers, les adversaires de cette opinion reculent Phihahiroth vers le sud jusqu'à 'Adjrûd, qui se trouve à quatre heures au nord-ouest de Suez, et dont le nom renferme des consonnes semblables ou analogues. "Voir Phihahiroth, col. 253. L'Écriture nous dit bien que Phihahiroth était entre Migdol ou Magdal et la mer, vis-à-vis de Ba’al $efôn ou Béelséphon. Mais ces points de repère nous sont eux-mêmes inconnus. Le mot Migdol, qu’on retrouve dans les inscriptions égyptiennes sous la forme Maktl, signifie « tour, forteresse ». Il indique donc ici une de ces enceintes fortifiées qui défendaient la frontière de l’Egypte contre les invasions des tribus pillardes du désert. Mais comme il y en avait un certain nombre, le renseignement reste nul. Voir Magdal 1, t.iv, col. 538. Quant à Ba’al §efôn, il indique un sanctuaire de « Baal du nord ». Gomme le culte de Baal s'établissait surtout sur les hauts lieux, et que le Set égyptien assimilé à Baal était un dieu de la mer, on peut croire que le nom en question désigne une montagne qui domine la mer, le Djebel (rene/féh ouïe Djébél 'Ataqa.Voir Béelséphon, t. i, col. 1545. Quelques-uns uns mettent Béelséphon à l’est sur la colline de Tussum.GC.E. Naville, The StoreCity of Pithom, p. 22 et carte.
3° Hypothèses. — C’est avec ces données incertaines qu’il nous faut retrouver le chemin des Hébreux. Elles suffisent cependant pour nous permettre de condamner certaines hypothèses et d’en établir de probables.
1. Hypothèse du P. Sicard. — Le P. Sicard, missionnaire jésuite, est le premier voyageur qui ait eu la gloire d'étudier scientifiquement la question. Il entreprit, en 1720, un voyage en Egypte, dont le principal motif était d’examiner de près la route des Israélites. Le résultat de ses recherches a été publié dans une Lettre au P. Fleuriau sur le passage des Israélites à travers la mer Rouge, dans les Lettres édifiantes et curieuses, édition de Toulouse, 1840, t. v, p. 2Il sq. Il commence par établip que le pharaon de l’exode ne demeurait pas à Tanis, mais à Memphis. Ramsès est pour lui Bessatin, petit village à trois lieues du vieux Caire, à l’orient du Nil. De là, pour se rendre sur les bords de la mer Rouge, les Hébreux suivirent la vallée qui est entre le mont Tora et le mont Diouchi, et ils passèrent la mer à une certaine distance audessous de Suez, en face de 'Ayân Musa. Cette opinion eut un grand succès et compta un très grand nombre de partisans. Le P Pujol, de la Compagnie dé Jésus, la défendait encore en novembre 4$72, dans les Études religieuses. Elle a cependant pour défaut capital d’assigner aux Israélites un faux point de départ : le pharaon ne résidait pas à Memphis, et Ramsès n’est pas Bessatin. Si le livre de l’Exode ne nomme pas expressément la résidence du roi, le Psaume lxxvii (hébreu, lxxviii), 12, 43, dit formellement que les merveilles opérées par Moïse eurent lieu « dans les champs de Tanis ». C’est, du reste, une vérité généralement reconnue aujourd’hui. D’autre part, Ramsès était dans la terre de Gessen ; or la terre de Gessen n'était pas sur le Nil, comme Bessatin, mais bien plus au nord de l’Egypte. Voir Gessen, t. iii, col. 218. Ce sys tème est done à rejeter, quel que soit le point d’arrivée qu’il fixe sur les bords de la mer Rouge.
2. Hypothèse de H. Brugsch. — Une nouvelle opinion, qui suscita quelque émoi dans le monde savant, fut soutenue eu 1874 par un égyptologue bien connu, Henri Brugsch, d’abord dans une conférence faite à Alexandrie, puis, le 12 septembre de la même année, au congrès des orientalistes à Londres. Cf. H. Brugsch, La sortie des Hébreux d’Egypte, Alexandrie, 1874 ; Report of the proçeedings of the second international Congress of the Orienlalists held in London, 1874, Londres, 1874, p. 28 ; L’Exode et les monuments égyptiens, discours prononcé à l’occasion du Congrès international d’orientalistes à Londres, Leipzig, , 1875. Disons tout de suite qu’elle est fausse dans le point de départ qu’elle assigne aux Hébreux et dans le point où elle les conduit. L’auteur prétend d’abord que Ramsès est la même ville que Tanis. Nous avons suffisamment réfuté cette idée. Voir Ramsès, Tanis. S’appuyant ensuite sur un document égyptien, dont il arrange la traduction pour les besoins de la cause, il place dans la direction de l’est les stations de Soccoth, Etham, Magdal et Phihahiroth. Arrivés à Etham, les Hébreux auraient tourné vers le nord, « pour entrer dans les basses du lac Serbonis, » le Barduil actuel. H. Brugsch, L’Exodeel les monuments égyptiens, p. 28. Ils auraient ainsi passé sans traverser aucune mer, par l'étroite langue de terre qui séparait le lac Serbonis de la Méditerranée ; les troupes égyptiennes, surprises par une haute marée, auraient été ensevelies dans les gouffres du lac, comme le furent plus tard les soldats d’Artaxercès. Diodore, xvi, 46. La géographie de H. Brugsch n’est pas moins singulière que son exégèse. La Bible, le seul texte autorisé dans la question, renverse de fond en comble le système du savant allemand, en nous parlant, non de la Méditerranée, mais de la mer Rouge. La tradition israélite n’a pu confondre deux mers si différentes. Yàm Sûf n’indique ni le lac Serbonis ni les autres lacs de la Basse-Egypte. Il désigne, nous l’avons vii, la mer qui baigne la péninsule sinaïtique, s’appliquant aussi bien au golfe Élanitique qu’au golfe de Suez.
3. Hypothèse des lacs Amers. — Les systèmes précédents ont marqué, au nord et au sud, deux lignes extrêmes qui se trouvent complètement en dehors de la route suivie par les Hébreux. Reste donc à chercher entre les deux. Quelques-uns des ingénieurs qui ont pris part au percement de l’isthme de Suez ont soutenu que les Israélites avaient passé à travers les lacs Amers, qui, à cette époque, n’auraient fait qu’un avec la mer Rouge. M. Lecointre surtout s’est fait le défenseur de cette hypothèse, Du passage de la mer Rouge par les Hébreux, avec deux cartes, dans les Études religieuses, octobre 1869, p. 557-582 ; réponse au P. Pujol, dans la même revue, juillet et août 1873. Il regarde comme incontestable et incontesté que les lacs Amers communiquaient avec la mer Rouge ; que le soulèvement de Schalouf a interrompu la communication ; que la salure de l’eau des lacs était supérieure à celle de la mer ; ce qui amène forcément à conclure que la communication était intermittente ; par conséquent, il existait à Schalouf, non pas un gué, mais un passage ordinairement à sec. Il place Étham au Sérapéum, à l’extrémité nord des lacs Amers ; il prend Magdal pour une chaîne de montagnes, et l’identifie avec le Djébél Genefféh ; Béelséphon est Chebrewet, le seul pic remarquable de cette plaine ; Phihahiroth est la plaine située entre le Djébél Genefféh et la mer ; le lieu de campement des Hébreux est la partie de cette plaine située au pied de Chebrewet. Moïse, en quittant Étham, suivit la rive occidentale des lacs Amers, alors remplis d’eau, dans l’intention d’aller rejoindre le passagede Schalouf et d’entrer dans le désert à l’est du golfe de Suez. Mais il ne put y réussir ; les chars du pharaon, venant du sud-ouest, du côté de
Memphis, lui barrèrent le chemin, et il se trouva emprisonné entre l’armée égyptienne au midi, les lacs à l’est et le Djebel Genefféh à l’ouest. Dieu délivra miraculeusement son peuple en lui ouvrant un chemin à travers les lacs Amers. — E.Naville, The Store-City of Pithom, p. 21, pense aussi que la mer Rouge communiquait avec les lacs Amers, qu’elle s'étendait même jusqu’au lac ïimsah. Les Hébreux, en revenant sur leurs pas, au sortir d'Étham, passèrent entre Pithom et l’extrémité du golfe, c’est-à-dire du lac Timsah, à peu prés vers Maghfar, puis ils s’acheminèrent vers le sud. Le cadre de leur campement fut alors celui-ci : au nord-ouest Phihahiroth-Pikehret, non loin de Pithom ; au sud-est Migdol, à peu de distance du Sérapéum actuel ; à l’est la mer et, au delà, sur la rive asiatique, Béelséphon, aujourd’hui la colline de Tussum. Là, dans l’espace compris entre le Sérapéum et le lac Timsah, la mer était étroite, l’eau n'était pas profonde, et le vent d’est put ouvrir un chemin aux Israélites. The Store-City of Pithom, p. 26. — Le P. de Hummelauer, Comment, in Exod. et Levit., Paris, 1897, p. 149, regarde également comme plus probable le passage de la mer entre le lac Timsah et les lacs Amers. — Enfin le P. Lagrange, L’itinéraire des Israélites, dans la Revue biblique, 1900, p. 80, dit de son côté : « La vraisemblance commande seulement de descendre jusqu'à un lieu où la mer sera assez peu profonde pour que l’action du vent d’est se fasse sentir. Ces conditions sont réalisées au Sérapéum, qui devait être peu submergé, de façon que les eaux poussées par un vent du sud-est fussent refoulées vers le lac Timsah, landis qu'à Suez le vent du sud-est aurait rendu le passage plus difficile. Si les documents égyptiens fournisssent à Maspero la preuve que Migdol est au Sérapéum, la question est tout à fait tranchée. » Il s’agit donc en somme de savoir si réellement, à l'époque de l’exode, la mer Rouge remontait jusqu’au lac Timsah. Ceux qui sont pour l’affirmative apportent des arguments historiques, géographiques et géologiques, que combattent les défenseurs de l’opinion contraire. Voir Phihahiroth, col. 253. Ces derniers ont donc une quatrième hypothèse, que nous allons exposer avant déjuger la précédente.
4, Hypothèse du golfe de Suez. — Ce système a été surtout mis en lumière par F. Vigouroux, La Bible et les découvertes modernes, t. ii, p. 403-426. C’est, du reste, à cet ouvrage que nous renvoyons pour tous les détails des opinions qui viennent d'être exposées. En quittant Ramsès, les Israélites suivirent les bords du canal d’eau douce qui longeait ïouadi Tumilat ; le besoin d’eau les contraignait à s’en écarter le moins possible. La première étape fut courte, en raison de la multitude des émigrants et de la nécessité d’atiendre ceux qui étaient éloignés de Ramessès. La halte de Soccoth eut lieu dans la région voisine de Pithom. Moïse en profita pour régler définitivement la marche. Afin de cacher â Ménephtah son véritable projet, il devait se rendre dans le désert le plus proche, à Étham ; mais, parvenu en cet endroit, il devait aller dans la direction du Sinaï en marchant vers le sud. Sur l’ordre de Dieu, il quitta la route des Philistins, et, tournant brusquement, se rendit sur les bords de la mer Rouge. Combien de temps mit-il à faire ce voyage ? Nous ne savons ; le texte sacré ne nous donne aucun renseignement. À en juger d’après la distance, il est probable qu’il mit plus d’un jour pour aller d'Étham à l’extrémité du golfe de Suez. La Bible, il est vrai, ne mentionne pas de stations intermédiaires, mais station et jour de marche ne sont pas synonymes ; sept stations seulement sont mentionnées pour le premier mois tout entier. Exod., xvi, 1 ; cf. Num., xxxiii, 3, 11. La suite du récit d’ailleurs confirme cette supposition. Moïse, en effet, ne dut guère séjourner à Phihahiroth que le temps de la nuit, parce qu’il devait lui tarder d’arriver
aux fontaines appelées aujourd’hui de son nom, 'Ayùn Mûsa, sur la rive orientale du golfe, pour y être à l’abri des Égyptiens. Or, d’après l’Exode, le soir qui précéda la traversée miraculeuse, les Hébreux virent les chars du pharaon qui les poursuivaient. Si le trajet d'Étham à Phihahiroth s'était effectué en un jour, il aurait fallu que, dans cette même et seule journée, les messagers partis d'Étham fussent allés à Tanis avertir le roi, que celui-ci eût donné à son armée les ordres nécessaires pour se mettre en mouvement et qu’elle eût parcouru la distance de Tanis à Phihahiroth. Tout cela n’a pu se faire en une douzaine d’heures, quelque célérité qu’on veuille bien supposer, lbid., p. 410. Le besoin d’eau pour eux-mêmes et de pâturages pour leurs troupeaux obligea donc vraisemblablement les Israélites à longer la rive occidentale des lacs Amers et à passer entre ces lacs et le mont Genefféh ; les canaux du Nil apportaient encore dans cette terre la vie et la fertilité. Arrivés à la pointe de la mer Rouge, ils campèrent sur ses bords, pour de là passer à l’est, dans le désert du Sinaï. Leur camp était dans le voisinage du Djebel 'Atâqa, qui doit être Béelséphon. C’est là que l’armée égyptienne les surprit. En venant de Tanis, elle avait suivi, à partir des environs du lac Timsah, la même route que les Hébreux. Elle allait les enfermer comme un oiseau dans une cage, selon le langage des conquérants assyriens, c’est-à-dire les mettre dans une impasse où ils étaient pris de tous côtés. Le Djebel 'Atâqà, qui s’avance tout près de la mer, leur fermait toute retraite à l’ouest et au sud ; la mer les empêchait de se sauver au sud-est ; les chariots du pharaon leur coupaient toute issue vers le nord et le nord-est. Israël ne pouvait être sauvé que par un miracle. Ce miracle fut fait. Quelle fut la distance parcourue dans le lit de la mer ? Il est probable qu’elle ne fut pas très considérable, puisqu’elle fut franchie en une nuit, c’est-à-dire en six ou huit heures, par une immense multitude. On peut croire que, partis du nord-ouest sur le bord occidental du golfe, les Hébreux suivirent une ligne oblique et allèrent sortir plus bas sur l’autre rive, au sud-est. Quand, à l’aurore, les Égyptiens s’aperçurent que leurs esclaves leur échappaient, ils se mirent à leur poursuite. Mais les eaux qui avaient sauvé Israël engloutirent leurs persécuteurs. Le texte sacré cependant, remarquons-le, ne dit pas que le pharaon fut noyé avec son armée.
5. Conclusion. — Le choix reste donc entre les deux dernières hypothèses. Celle du golfe de Suez est exposée de la façon la plus séduisante, tant la route des Israélites y paraît naturelle. Elle souffre bien cependant quelques difficultés. Elle repose sur la supposition que la mer Rouge, à l'époque de l’exode, ne s'étendait pas jusqu’aux lacs Amers. Si le fait est vrai, il faut, en effet, amener le peuple d’Israël jusqu’au golfe de Suez. Mais s’il ne l’est pas, on se demande pourquoi Moïse a entraîné si loin, près de 80 kilomètres, tout son peuple d'émigrants, pour le faire prendre dans une vraie souricière. Or, les partisans de la quatrième hypothèse avouent eux-mêmes « que nous n’avons aucune preuve positive que, du temps de Moïse, les lacs Amers étaient séparés de la mer Rouge. De ce qu’ils ne lui étaient plus unis du temps d’Hérodote, il ne s’ensuit pas qu’ils ne le fussent point à l'époque de Sésostris. La preuve de leur antique séparation, tirée de la géologie, est contestée par plusieurs géologues. L'égyptologie seule peut nous apprendre, par de nouvelles découvertes, ce qui en est réellement. » F. Vigouroux, La Bible et lesdécouvertes modernes, t. ii, p. 402, note 1. Les monuments égyptiens<parleut d’un bassin d’eau salée, appelé Kem-uer ou Kîni-otri, « la très Noire », qui se trouvait précisément dans la ligne des lacs Amers. M. Maspero, Histoire ancienne des peuples de l’Orient classique, Paris, 1895, t. i, p. 351, note 3 ; p. 471, note 3, -1225
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prétend que cette expression s’applique à la partie septentrionale de la mer Rouge, par parallélisme avec Ouaz-oîrît, Ouazit-oîrît, « la très Verte », la Méditerranée, et que le lac d’Ismaïliya formait autrefois, sous le premier empire thébain, le fond de la mer Rouge. D’autre part cependant la stèle de Pithom distingue ce bassin de la mer Rouge. Cf. W. Max Mûller, Asien und Eurôpa, p. 42 ; E. Naville, The Store-City of Pithom, p. 18. La troisième hypothèse s’appuie encore sur le nom de golfe Héroopolile donné à la mer Rouge. Comme il est prouvé qu’Héroopolis est la même ville que Pithom, il fallait donc que la mer s’étendît jusquelà. Dans ces conditions, le passage à travers les lacs Amers a aussi sa vraisemblance. La solution du problème exige de plus amples lumières ; l’égyptologie, nous les fournira peut-être un jour.
4° Caractère historique et miraculeux du passage de la mer Rouge. — On pourrait s’étonner du silence que les monuments égyptiens gardent d’événements aussi considérables que le départ des Hébreux, le passage et en même temps le désastre de la mer Rouge. Mais, dit M. E. de Rougé, « il n’est pas à penser que les Égyptiens aient jamais consigné ni le souvenir des plaies, ni celui de la catastrophe terrible de la mer Rouge, car leurs monuments ne consacrent que bien rarement le souvenir de leurs défaites. » Moïse et les Hébreux, dans l’Annuaire de la Société française de numismatique et d’archéologie, 1884, p. 213. Cependant Flinders Pétrie a découvert en 1896 une stèle de Ménéphtah où il est question de plusieurs peuples de )a Syrie méridionale, et en particulier d’ « Israîlou (qui] est rasé et n’a plus de graine. » M. Maspero, Histoire ancienne des peuples de l’Orient classique, t. ii, p. 443, parlant des récits de l’Exode, ditlui-même : « Un fait ressort incontestable de ces récits : les Hébreux ou, tout au moins, ceux d’entre eux qui habitaient le Delta, s’évadèrent un beau jour et se réfugièrent aux solitudes d’Arabie. L’opinion la plus accréditée place leur exode sous le règne de Ménéphtah, et le témoignage d’une inscription triomphale semble la confirmer, où le souverain raconte que des gens d’Israîlou sont anéantis et n’ont plus de graine. Le-contexte indique assez nettement que ces Israîlou si maltraités étaient alors au sud de la Syrie, peut-être au voisinage d’Ascalon et de Gézer. Si donc c’est bien l’Israël biblique qui se révèle pour la première fois sur un monument égyptien, on pourra supposer qu’il venait à peine de quitter la terre de servage et de commencer ses courses errantes. »
Le caractère surnaturel de l’événement ressort de tous les traits du récit, qui se présente, non sous forme poétique, mais historique, et a été entendu littéralement par toute la tradition. Sa fin providentielle fut, non seulement d’arracher à l’oppression le peuple choisi, mais d’affermir sa foi en ce Dieu tout-puissant, ce Jéhovah, qui s’était révélé à lui par Moïse. Il semble bien que Dieu lui-même ait amené les Israélites dans une impasse pour les en tirer miraculeusement. Si, en effet, ils avaient gagné le désert par le nord de la pointe maritime, les Egyptiens les y auraient facilement atteints. Dieu voulut donc frapperjîïeVIe début de leur histoire leur esprit et leur cœur. Et, en réalité, le passage de la mer Rouge fut regardé comme une merveille de premier ordre, dont le souvenir excita d’âge en âge l’admiration et la reconnaissance. Cf. Deut., xi, 4 ; Jos., ii, 10 ; iv, 24, etc. L’incrédulité cependant n’a pas manqué de chercher une explication naturelle pour effacer le miracle ; les Hébreux auraient profité du moment du reflux pour passer à gué, et une marée extraordinaire, survenue aussitôt après leur passage, aurait submergé les soldats du pharaon. Cf. du Bois-Aymé, Notice sur le séjour des Hébreux en Egypte et sur leur fuite dans le désert, dans la Description de
l’Egypte, Antiquités, Mémoires, 1809, t. i, p. 309-310 ; J. Salvador, Histoire des institutions de Moïse et du peuple hébreu, 3e édit., 1862, p. 52-55. Il existe, en effet, deux gués à l’extrémité de la mer Rouge : l’un à une heure et demie environ au nord de Suez, qui était ordinairement praticable avant le percement du canal ; l’autre au sud, placé vis-à-vis de Suez, et qui prend à peu près la direction du sud-est. Dans cette direction, celui-ci est recouvert à marée haute sur une étendue de plus d’une demi-lieue et n’est pas praticable ; à marée basse, il est ou plutôt il était à sec avant l’ouverture du canal, laissant seulement un étroit chenal, serpentant comme une rivière. Même en tenant compte de l’état ancien des lieux, il est impossible d’expliquer naturellement le récit sacré, dont les expressions excluent formellement l’idée d’un gué. Comment d’ailleurs la multitude qu i suivait Moïse aurait-elle pu passer la mer Rouge pendant le temps du reflux, en suivant le rivage, à plus forte raison par un gué ? La marée basse ne dure pas assez longtemps et l’espace laissé à sec n’est point assez large. Cf. F. "Vigouroux, La Bible et les découvertes modernes, t. ii, p. 427-439. D’autre part, croit-on que les Égyptiens, qui connaissaient mieux encore que Moïse le régime de la mer en cet endroit, se seraient laissés surprendre par le retour habituel de la marée ? Sans doute, Dieu aurait pu, comme dans les plaies d’Egypte, se servir. d’un phénomène naturel pour ses desseins miséricordieux, mais là encore on n’échappe pas au miracle, car il aurait fallu que sa Providence fit reculer la mer assez loin et assez longtemps pour permettre aux Israélites de passer et la fît revenir juste à temps pour engloutir l’armée égyptienne. C’est ainsi, d’après la Bible elle-même, Exod., xiv, 21, qu’il fit appel à un impétueux vent d’est pour refouler la mer. Mais il ne faudrait pas conclure de là que le vent seul sépara les eaux ; il les aurait plutôt repoussées à l’ouest, précisément du côté des Hébreux. Il eut donc plutôt pour effet de sécher la route par laquelle ceux-ci devaient passer. Le miracle nous oblige-t-il cependant à prendre dans son sens strict l’expression de « mur » qu’emploie l’Ecriture, Exod., xiv, 22, 29 ; xv, 8, pour montrer la position des eaux à droite et à gauche ? Pas nécessairement. Il était sans doute facile à Dieu, par un nouveau miracle, de les maintenir dans un état absolument contraire aux lois de l’équilibre des liquides. Mais alors on ne comprend pas que les Égyptiens n’aient pas été frappés de ce phénomène, n’y aient pas vu la main d’une puissance divine et aient osé s’aventurer sur un chemin si extraordinairement tracé. L’auteur sacré a donc décrit les choses selon les apparences. Cf. F. de Hummelauer, In Exod., p. 149. Enfin, même en n’admettant que des agents naturels dans l’événement qui nous occupe, on n’éviterait pas encore le surnaturel dans les circonstances. En effet, « étant donné qu’un retrait extraordinaire de la mer devait se produire à un endroit précis dans le cours de telle nuit déterminée, il fallait, pour aboutir au résultat indiqué, assurer toute une série d’actes ne dépendant d’aucune prévision possible, mais découlant d’événements imprévus et de volontés très diverses, à savoir : le départ des Hébreux en temps convenable, la durée ni trop longue ni trop courte de leur voyage, leur descente vers le sud malgré leur intention d’atteindre le désert oriental, leur arrivée à la mer au soir même qui précédait la nuit où allait se produire le séisme, leur station juste à portée du seuil qui allait être mis à sec, leur confiance dans la sécurité d’un passage qu’ils ne connaissaient pas, leur mise en mouvement à une heure telle qu’ils pussent atteindre l’autre rive avant le retour du flot, une chance très spéciale pour qu’un pareil cortège traversât assez rapidement et sans encombre ; puis, d’autre part, la résolution prise par les Égyptiens de poursuivre
les fugitifs… Voilà une douzaine de conditions presque toutes essentielles pour que l’événement se produisit tel qu’il est raconté. Personne, pas même Moïse, ne les connaissait à l’avance, et, les eût-il connues, il n’eût pas été en son pouvoir de les assurer. La réalisation de ces conditions dans l’ordre et dans le temps voulu ne pouvait non plus arriver par hasard. Il a fallu de toute nécessité que Dieu réglât toutes choses, tant celles qui dépendaient en apparence de la volonté des hommes que celles qui tenaient aux forces de la nature. .. Pour nier cette intervention surnaturelle, il faut effacer la récit de l’Exode et renoncer à expliquer la suite de l’histoire d’Israël. » H. Lesêtve, Le passage de la mer Rouge, dans la Revue pratique d’apologétique, Paris, 1er février 1907, p. 534. — Voir, outre les auteurs cités dans cet article, Vivien de Saint-Martin, Dictionnaire de géographie universelle, t. v, p. 245.
1. ROUILLE (hébreu : fyél’âh ; Septante : Uç, 3pô>ai ; ; Vulgate : œrugo, rubigo), produit de l’altération d’un mêlai par l’oxygène de l’air. Ce produit est un oxyde du métal qui commence par se ternir, puis est attaqué de plus en plus profondément. La rouille du fer est rouge, mais les Livres Saints n’en parlent pas. Celle du cuivre est verte, c’est le vert-de-gris. Par extension, l’oxydation des autres métaux prend aussi le nom de rouille. — Ézéchiel, xxiv, 6, 11, 12, compare Jérusalem, ville de sang, à une chaudière de cuivre couverte de vert-de-gris. En vain la met-on sur des charbons ardents pour faire disparaître cette souillure ; le vert-de-gris persiste malgré tout. C’est l’image de l’endurcissement de Jérusalem dans le mal, malgré les châtiments qui la frappent. On sait que les oxydesse réduisent par le feu ; la chaudière aurait donc dû perdre sa rouille par la chaleur. — Les idoles d’or et d’argent ne peuvent se défendre de la rouille ; si l’on n’enlève pas cette rouille, elles ne brillent pas. Bar., vi, 11, 23. — Notre-Seigneur dit qu’il faut amasser des trésors non sur la terre, où ils Sont la proie de la rouille et des vers, mais dans le ciel, où ils n’ont pas à craindre ces inconvénients. Matth., vi, 19, 20. — Saint Jacques, v, 3, dit aux riches que leur or et leur argent se sont rouilles et que leur rouille rendra témoignage contre eux. — La Vulgate parle de la rouille de l’argent dans un texte, Prov., xxv, 4, où il est question d’argent de mauvais aloi, d’après les Septante, et de scories d’argent, dans l’hébreu. — Il est aussi question dans l’Écriture de ce qu’on appelle la rouille des blés. Voir l’article suivant ; Blé, t. i, col. 18’17 ; Gharboîj des blés, t. ii, col. 580.
2. ROUILLE DES BLÉS (hébreu : t/èrdçôn, Deut., xxviii, 22 ; III Reg., viii, 37 ; Il Par., yi, 28 ; Amos, iv, 9 ; Agg., ii, 17 ; Septante : w-/pa, Deut., xxviii, 22 ; Èpuat’6r„ lit Reg., viii, 37 ; îx-rcpoç, II Par., vi, 28 ; Amos, iv, 9 ; àve[jioç60p ! ’a, Agg., ii, 18 ; Vulgate : rubigo, Deut., xxviii, 22 ; œrugo et rubigo, III Reg., viii, 37 ; aurugo, II Par., vi, 28 ; Amos iv, 9 ; Agg., ii, 18), champignon qui attaque les céréales et quelques autres espèces de plantes.
I. Description. — C’est le nom d’une maladie recouvrant les céréales d’une sorte de poussière brune ou rougeâtre qui simule la rouille du fer, et due au parasitisme d’un champignon de la famille des Urédinées. L’appareil végétatif se compose de filaments très tenus, cloisonnés et rameux qui s’insinuent dans les espaces intercellulaires de la plante infectée, puis percent Pépiderme à certaines places déterminées où les spores viennent se former â l’air libre sous forme de coussinets pulvérulents.
Aucun végétal ne possède un plus remarquable polymorphisme, au point que dans le cours de son évolution il revêt jusqu’à 4 ou 5 formes si différentes d’as pect et de coloris que longtemps on les a attribuées â autant de genres distincts. Ces variations se compliquent de phénomènes d’hétérœcie, consistant en ce
7o ?
263. — Puccinia graminls (agrandi 100 fois).
que le parasite ne peut poursuivre le cycle complet de son développement qu’en attaquant l’une après l’autre deux plantes nourrices appartenant à des espèces différentes et nettement déterminées. Ainsi, la Rouille la plus commune, appelée Rouille noire et due au parasitisme du Puccinia graminis (fig. 263), vit au printemps sur les jeunes feuilles d’un arbrisseau, le Berberis (vulgairement ÉpineVinette). Or les spores ainsi
264. — Puccinia straminis (agrandi 100 [ois).
produites ne peuvent germer en été que sur les chaumes de certaines graminées. Enfin, à leur tour, les spores de cette dernière sorte appelées téleutospores et cons ? tituant la vraie Rouille ne peuvent entrer en germination qu’après le repos hibernal. La formation indé-r pendante à laquelle elles donnent naissance est éphér mère et composée seulement de quelques cellules en filament, ou promycelium, d’où s’échappent des sporidies si légères que le moindre souffle dn vent suffit à les porter sur l’épiderme des feuilles naissantes de l’ÉpineVinette, seul milieu favorable à leur développement. Et c’est ainsi que reprend de nouveau un. cycle complet de révolution du parasite.
Outre le Puccinia granxinis, on connaît encore le P. slratninis (fig. 264) qui attaque aussi les diverses céréales, sous le nom de Rouille tachetée. Elle vit au printemps sur les feuilles de diverses Boraginées sauvages. Enfin le Puccinia coronata forme une rouille spéciale à l’avoine, tandis que sa forme alternante habite sur les Nerpruns. Elle n’a pas, du reste, la gravité des précédentes. F. Hy.
II. Exégèse. — Le yêrâqôn (de la racine p-i>, yâraq, « verdir », cf. vert-de-gris), rouille, est constamment uni dans les textes au siddàfôn qui est le charbon des blés ou nielle. Voir t. ii, col. 582. La rouille des blés comme le charbon est un des fléaux dont Dieu menace son peuple infidèle, Deut., xxviii, 22, qu’il détournera si le peuple se repent et vient prier dans son temple,
III Reg., viii, 37-40 ; II Par., vi, 28. Dans la traduction des Septante, de III Reg., xiii, 37, ipvaiêr, , la rouille, au lieu d'être placée en second lieu, comme dans l’hébreu, a passé au troisième rang après ppoû^oç, <t la sauterelle ». Dans la Vulgate, III Reg., viii, 37, yêrâqôn a été traduit à sa place régulière par serugo, puis il est rendu une seconde fois par rubigo, après locusta, la sauterelle. Ce fléau comme le charbon a sévi souvent en Palestine. « Je vous ai frappés par la nielle et la rouillé, » dit Dieu par la bouche de ses prophètes. Amos, iv, 9 ; Agg., ii, 17 (Vulgate, 18).
E. Levesque. ROULEAUX. Les livres anciens écrits sur papyrus ou sur parchemin étaient roulés en volumina. Voir Livre, iii, t. iv, col. 305.
- ROUMAINES##
ROUMAINES (VERSIONS) DES SAINTES ÉCRITURES. Les Roumains sont les descendants des Daces et des colons romains qui s'établirent en Dacie après la conquête de ce pays par l’empereur Trajan. À cause de leur origine en partie romaine, les Valaques s’appellent eux-mêmes « Rumanje ». Leur langue contient un grand nombre de mots latins, mais près de la moitié de leur dictionnaire est tiré du grec, du turc et du slave. Il n’existe pas de traduction ancienne de la Bible en roumain. Le Nouveau Testament fut publié en 1648 à Belgrade. La Bible, traduite par le métropolitain Théodotius, fut imprimée en 1668 à Bucharest. On a publié depuis plusieurs éditions nouvelles du Nouveau Testament et la Société biblique de Londres a donné une édition complète revisée de la Bible. Voir Bible of every Land, p. 279.
- ROUTES##
ROUTES (hébreu : dérék, niesilidh, 'ôrah ; Septante : 6ôô ; ). Les termes « route, voie, sentier, chemin » sont fréquemment employés dans l'Écriture, mais ils sont souvent pris dans un sens métaphorique, par exemple : pour la manière d’agir ou les desseins de Dieu, Exod., xxxm, 13 ; Ps. lxvi (lxvii), 2 ; Ps. lxxvi (lxxvii), 14, etc. ; pour la conduite morale de l’homme, IV Reg., ii, 4 ; VIII, 25 ; Ps. cxviii (cxix), 1, 9, etc. Au sens propre, il^ indiquent la direction vers un point, c’est-à-dire lé chemin généralement suivi pour l’atteindre ; c’est ainsi que sont mentionnés : « le chemin qui conduit à Ephrata », Gen., xxxv, 19 ; xlviii, 7 ; « le chemin de la mer Rouge », Num., xiv, 25 ; « le chemin" de Béthel à Sichem », Jud., xxi, 19 ; « le chemin de Bethsamés s, I Reg., vi, 12, etc. Mais il ne faut pas s’attendre à trouver dans la Bible des renseignements bien précis sur l’ensemble des voies de communication qui reliaient entre elles les différentes parties de la Palestine, ou qui reliaient la Palestine aux pays voisins. Quand elle parle de « routes », il ne faut pas non plus s’imaginer des voies tracées avec art comme le furent plus tard les voies romaines. Souvent il ne s’agit que de simples sentiers destinés aux piétons, à quelque monture ou bête de somme. Cf. Jud., xrx, 10 ; l Re%., xxv, 20-,
IV Reg., iv, 2't. Cependant, dès les temps les pYos an ciens, les chariots et les chars circulaient à travers la montagne. Cf. Gen., xlv, 27 ; I Reg., vi, 12 ; II Reg., vi, 6 ; xv, 1 ; III Reg M i, 5, etc. Si ce fait ne suppose nécessairement pas des routes quele travail de l’iiomme avait rendues praticables, on peut croire pourtant que les rois, surtout après que Salomon eut introduit en grand nombre les chevaux et les chars, s’appliquèrent à améliorer les principales voies. Le mot niesilidh, IV Reg., xviii, 17 ; Is, , vii, 3, etc., d’après son étymologie (sâlal, « combler » et « aplanir » ), semble désigner une route travaillée, aplanie. Va paiole 4'Ysaïe, xj., 2, . pannû dérék, « préparez la voie », yaBerû niesilidh, « rendez droit le chemin », fait également allusion à la manière dont on préparait dans certains cas la route que devaient suivre les souverains. Le livre des Nombres, xx, 17 ; xxi, 22, parlait déjà d’une « voie royale », hébreu : dérék ham-mélék ; Vulgate : via publica, xx, 17 ; via regia, xxi, 22, que Moïse oppose aux chemins qui allaient à travers champs. Il s’agit sans doute d’une grande route, entretenue aux frais du roi, destinée à ses chars et à son armée, l'équivalent de ce qu’on appelle encore en Orient le Derb es-Sultân, « la route du Sultan ». Nous verrons tout à l’heure comment les Romains établirent en Palestine un admirable réseau de voies. Nous parlerons d’abord des voies militaires et commerciales qui traversaient le pays. Voir la carte, Qg. 265.
1° Voies militaires. — La Palestine a été justement appelée le carrefour des nations ou, suivant une antre comparaison, le pont jeté entre l’Egypte et les grands empires du nord. C’est ce pays, en effet, que les armées ont nécessairement dû traverser pour aller de la vallée du Nil aux rives de l’Euphrate et vice versa. C’est dans la plaine d’Esdrelon, en particulier, qu’elles se sont souvent rencontrées en des chocs formidables. Quelles routes suivaient-elles ? Elles n’avaient guère le choix, car toute la partie montagneuse leur offrait un obstacle sérieux. Elles devaient donc suivre principalement le chemin des granb.es pSaVafe&. Q « y&fe-rwKm^m&Jsfc, && reste, il suffit de jeter les yenx sur une carte de la Palestine ancienne pour voir comment leur voie est jalonnée par les noms égyptiens et assyriens attachés à certaines villes palestiniennes. Cf. A. Legendre, Carte de la Palestine ancienne et moderne, Paris, 1894 Partis de Zalu, à la frontière égyptienne, les pharaons s’avançaient dans la direction du nord-est, à travers l’immense plaine qui sépare leur pays de la Syrie. La -première place syrienne qu’ils rencontraient comme une sentinelle avancée était Raphia, égyptien -.Rapihui ; assyrien : Rapikhi ; aujourd’hui : Bir Rajah ; puis ils taisaient halte à Gfiza, égypt.. Gazatu ; assyr.. Khazzatu. De là, ils suivaient la plaine de Séphélah, parsemée de villages et de forteresses, rencontrant larza, aujourd’hui Khirbet Yarzéh ; Magdilu, auj. El-Medjdel, l’ancienne Magdalgad ; Asdudu, auj.Esdûd, anc.Àzot, pour arriver à Iopu, Iappv, Jaffa. De ce point, ils filaient en droite ligne vers le Carmel, à travers la plaine de Saron. Poulailler vers le nord, la route contourne bien la pointe du Carmel qui regarde la nier, mais ce passage, quoique pratiqué par quelques armées, est coupé par des rochers et est étroit, par là même difficile à forcer s’il est défendu. Ce n’est donc pas, on peut le dire, le passage historique pour sortir de la plaine de Saron on y entrer. Trois routes se présentaient pour franchir la région montagneuse qui sépare cette plaine de celle d’Esdrelon. La première va de Subbarîn vers l’extrémité sud-est du Carmel, là où'le mont se détache par une coupure des collines samaritaines, puis elle atteint la plaine d’Esdrelon à Tell Keimûn ; c’est celle que suivit Napoléon, dont l’objectif était Saint-Jean d’Acre ; c'était la plus courte pour aller . d'Èç^çte sur le littoral phénicien. La seconde quittait
Vouadi Arah, franchissait le colacluel A’Vmni el-Fahm, l’Alûna égyptien, et descendait à Mageddo, égypt. : Magidi ; assyr. : Magidu. Mais elle avait le grave inconvénient de se resserrer à tel point qu’elle obligeait les troupes à s’allonger outre mesure. C’est pourtant celle que Thothmès III voulut suivre, malgré l’avis de ses généraux. Cf. G. Maspero, Histoire ancienne des peuples de l’Orient classique, Paris, 1897, t. ii, p. 256. La troisième et la pVus fréquentée quittait la plaine de Saron plus au sud, et, par Vouadi Abu en-Ndr, se dirigeait vers Dothân, égypt. : Dutina, l’ancienne Dotkaïn, et le Sahel Arrabéh, pour aboutir kDjenîn. C'était la plus commode et, en outre, la plus courte pour gagner Bethsan, égypt. : Bitschanla, et la vallée du Jourdain, c’esl-à-dire pour se rendre d’Egypte à Damas.
De la plaine d’Esdrelon, trois routes s’ouvraient pour gagner les régions du nord et du nord-est. L’une obliquait à l’ouest et regagnait la Méditerranée vers Accho, Aku, Saint-Jean d’Acre, qui était une des clefs de la Syrie. Puis elle suivait la plaine côtière, laissant à droite des villes comme Aksapu, Acksaph, aujourd’hui Kefr Yâsîf ; Maschalu, aujourd’hui Maisléh ; Lubina, aujourd’hui Lebbuna, franchissait l'Échelle des Tyriens, et se dirigeait du côté de Tyr. L’autre s’en allait d’abord vers l’est, par Bethsan, traversait le Jourdain, puis filait sur Damas : c'était un champ de pâture immense, fréquenté en tout sens par les Bédouins, clairsemé de bourgs murés, Hamaiu, probablement el-Hamméh ; Astirotu, l’ancienne Aslaroth, aujourd’hui Tell Aschtaréh ; Ono-Rapha, ancien Raphon, aujourd’hui ErRâféh. La troisième coupait au plus court : elle gravissait les collines galiléennes, passait auprès du lac Mérom, puis vers les sources du Jourdain, à Ban-Lais, la Lauisa égyptienne, et s’engageait dans la plaine de Cœlé-Syrie. C’est cette dernière que Théglathphalasar III suivit en sens inverse lorsqu’il prit les villes de Aïon, AbeUbeth-maacha, Cédés, Hazor, la Galilée et la tribu de Nephthali, dont il transporta les habitants en Assyrie. Cf. IV Reg., xv, 29. La seconde fut suivie, au moins dans sa partie septentrionale, par Chodorlahomor et ses alliés, lorsque, venant combattre les rois de la Pentapole, ils frappèrent d’abord les Rephaïm à AstdrothCarnaïm ; mais ils descendirent ensuite vers le sud, dans une course prodigieuse, avant d’aborder le terrain de la bataille. Cf. Gen., xiv, 5, 7. Du reste, la grande voie de l’est a tlû être de tout temps le chemin appelé aujourd’hui Derb el-Badj, « la route des Pèlerins », le long de laquelle se déroule le chemin de fer. Nous 'ne parlons pas des autres voies que les armées ont dû se frayer dans l’intérieur de la Palestine, pour attaquer Samarie et Jérusalem, ni de celles que les Hébreux suivirent pour faire la conquête du pays, ni enfin de celles qui marquent les différentes petites guerres dont il fut le théâtre ; elles se confondent avec les chemins battus qui la sillonnent en tous sens ; il ne s’agit ici que 'des grandes voies historiques ; pour le reste, voir Judée, 3° Description, t. iii, col. 1815 ; Galilée, 4° Routes, t. iii, col. 92 ; Samarie.
2° Voies commerciales.— Ces voies militaires servaient naturellement aussi de lieu de passage aux caravanes qui faisaient le commerce entre l’Arabie, TÉgypte et l’Assyrie. D’un côté, les ports de mer étaient les débouchés où affluaient les marchandises de l’Orient. Ils étaient, il est vrai, en grande partie, aux mains des Phéniciens, mais, pour les atteindre, il fallait traverser le territoire des Hébreux. C’est ainsi que Tyr, Saint-Jean d’Acre et Khaïfa furent longtemps les entrepôts préférés de Damas. Une première route, parlant de la grande ville, longeait le pied de l’Hermon, passait par Banias, et s’en allait, par les collines septentrionales de Galilée, droit à Tyr. Une seconde traversait le Jourdain au sud du lac Mérom et descendait vers le lac de Tibériade pour gagner ensuite la plaine d’Esdrelon et la
mer au nord du Carmel. C’est la « voie de la mer » dont parle Isaïe, ix, 1. Enfin, une troisième passait le Jourdain au sud du lac de Tibériade et rejoignait le réseau de la plaine d’Esdrelon. Gaza était l’entrepôt des caravanes qui venaient du sud de l’Arabie. Les Israélites, qui longtemps n’eurent guère que le port de Jaffa comme principal débouché du côté de la Méditerranée, en cherchèrent un autre du côté de la mer Rouge, et, sous Salomon, Élathet Asiongaber virent partir la flotte royale pour le pays d’Ophir. Mais cette voie ne resta ouverte que peu d’années ; elle était d’ailleurs très longue, peu commode et peu sûre. Voir Asiongaber, t. i, col. 1097 ; Elath, t. ii, col. 1643. D’autre part, les caravanes qui se rendaient de la Transjordane en Egypte passaient le Jourdain vers Bethsan et, pénétrant dans la plaine d’Esdrelon, suivaient la route de Bothaïn et de Saron dont nous avons parlé tout à l’heure. C’estsur ce chemin que les Madianites rencontrèrent les fils de Jacob qui leur vendirent Joseph. Cf. Gen., xxxvii, 25, 28. Les gués du Jourdain établissaient ainsi une communication entre ses deux rives et, du pays de Moab, on arrivait à Jéricho pour remonter ensuite vers Sichem ou Jérusalem. La grande voie que nous avons signalée à l’est du fleuve est déjà mentionnée, Jud., viii, 11, comme celle des caravanes bédouines. Quant aux routes de l’intérieur, nous allons les trouver transformées par les Romains.
3° Voies romaines. — Une des gloires architecturales des Romains consisté certainement dans ce magnifique réseau de routes pavées par lequel ils relièrent les différentes parties de leur immense empire. Les distances y étaient indiquées par des bornes milliaires, c’est-à-dire placées de mille en mille pas (1481-50). Voir Mille, t. iv, col. 1089. La Palestine fui sillonnée de ces voies, dont on rencontre encore des vestiges. On a même retrouvé un certain nombre de colonnes qui lesjalonnent suffisamment et nous permettent de les suivre sur plusieurs points, à l’ouest et à l’est du Jourdain. Voir carte, fig. 266. Nous donnons un aperçu du sujet, que les découvertes complètent de jour en jour.
A) Cisjordane. — 1. De Jérusalem à Hébron. — L’ancienne voie se confond à peu près avec la route moderne jusqu’aux Étangs ou réservoirs de Salomon. Avant d’arriver à ce point, au delà de la bifurcation qui mène d’un côté à Belhléhem, de l’autre à Beît Djala, on a retrouvé une partie du VIe milliaire. A partir des réservoirs, elle s'écarte du chemin carrossable, qui serpente sur le tlanc des collines, et elle gagne les hauteurs, en passant par Khirbet ' Alia et au point culminant de la contrée, kRàs esch-Scherif. Là, un groupe de colonnes doit marquer le Xe mille, puis on rencontre successivement le XIe et le XIIe milliaires, tous deux anépigraphes. Au delà de Khirbet Kùfin, la voie romaine revient à la route moderne, - et, un peu avant 'Ain Diruéh, se trouve le XVIIIe milliaire, dont l’inscription peut être rétablie en entier. Le XIXe et le XXIe sont signalés par la carte anglaise. Quelques autres fragments ont été découverts, mais n’apportent aucune indication de distance. Cf. Germer-Durand, Inscriptions romaines de Palestine, dans la Revue biblique, 1895, p. 69-71, 239 ; 1899, p. 419.
2. De Jérusalem à Eleuthéropolis (Beit-Djibrîn). — Cette voie descendait dans la direction du sud-ouest. Un fragment de milliaire qui se trouve à la hauteur de Malhah a dû appartenir au IIIe. Le IV » est au-dessus de 'Ain Yalo et le Ve dix-sept minutes plus loin. Le VIIIe a été trouvé à Bittir ; la colonne est presque entière, et l’inscription, quoique usée, est encore lisible, sauf la. première ligne ; il remonte au règne d’Hadrien. Au delà d’El-Kabu, il y en a deux, anépigraphes, qui doivent marquer le XIe et le XIIIe milles. À ce point, la carte anglaise fait bifurquer la voie, d’un côté vers elKhadr et la voie romaine de Jérusalem à Hébron, de
l’autre vers er-Râs ; elle ne trace pas la branche que nous venons de décrire d’après les monuments euxmêmes. Le XIV" et le XVII » milliaires se trouvent avant
— Éleuthéropolis fut un point central d’où partaient plusieurs voies. L’une s’en allait, en suivant les contours d’un ouadi, rejoindre Hébron, dans la direction
265. — Carte des anciennes routes de Palestine.
Be.it Nettif. Au-dessous de cette localité, est le XV1II « , avec le protocole des empereurs Marc-Aurèle et Vérus, et la distance marquée en langue grecque. Cf. Revue biblique, -1892, p. 264 ; 1894, p. 613 ; 1895, p. 269. 3. D' Éleuthéropolis dans les différentes directions.
du sud-est. Une autre descendait au sud, vers edDuéiméh et probablement jusqu'à Bersabée. La carte anglaise signale deux milliaires entre Beit Djibrîn et Duéiméh ; on en a retrouvé d’autres, en particulier le Ile avec fragment d’inscription. Une troisième se diri
geait vers le nord, du côté de ZakaHya ; au IIe mille, on a découvert cinq colonnes, dont une a gardé la fin de l’inscription, qui se rapporte au règne de Caracalla et à l’an 213 de notre ère. Cf. Revue biblique, 1895, p. 267 ; 1899, p. 421-422. Une quatrième allait au nordouest vers Dhikrin et Tell es-Safiyéh, cf. Revue biblique, 1900, p. 114 ; d’autres conduisaient sans doute du côté de l’ouest et du sud-ouest.
4. De Jérusalem à Engaddi. — La ville sainte était reliée à Engaddi par une voie qui se confondait d’abord avec celle d’Hébron jusqu’à Bethléhem, puis venait contourner le D/ébel Furéidis et descendait au sud-est sur le rivage de la mer Morte. D’Engaddi partaient d’anciennes routes qui la rattachaient à Masada au sud et à différentes villes à l’ouest.
5. De Jérusalem à Jéricho. — C’est la voie bien connue qui conduisait à la vallée du Jourdain ; mais, au sortir de Jérusalem, elle prenait plus haut que la route actuelle. La carte anglaise signale deux bornes mil- liaires, dont l’une au delà de Tal’at ed-Denim.
6. De Jéricho en différentes directions. — >De Jéricho, qui était à l’est la place la plus importante, partaient plusieurs voies. L’une allait directement au nord, parla vallée du Jourdain, rejoindre Bethsan-Scythopolis. Elle se bifurquait une première fois pour monter au nordouest jusqu’à Naplouse ; une seconde fois, pour suivre Vouadi Faràh et, par un détour, regagner Sichem. A la première branche s’en rattachait une autre, qui passait par Akrabéh et retombait au même point que les deux précédentes. Une autre se dirigeait au nordouest vers Tayibéh, l’ancienne Éphrem ; elle est marquée par plusieurs milliaires, dont on a retouvé des fragments. Cf. Revue biblique, 1895, p. 68-69.
7. De Jérusalem à Naplouse. — Cette voie centrale est jalonnée par plusieurs milliaires : le IIIe avec fragment d’inscription a été retrouvé près de Scha’fat ; le V", qui porte les noms des empereurs Marc-Aurèle et Lucius Verus, est un peu au delà de l’embranchement qui se dirige vers El-Djîb ; le XXV* a été découvert aux environs de Lubbàn. Cf. Revue biblique, 1899, p. 420 ; 1901, p. 96-100.
8. De Jérusalem vers l’ouest. — Un embranchement de la voie précédente passait par Bethoron et continuait sur Lxjdda. Un milliaire a été constaté à Beit’Ur el-Fôqâh, et le suivant esta la distance voulue plus loin. Au sortir de Bethoron, une bifurcation se dirigeait sur Nicopolis par Beit Sira. Cf. Revue biblique, 1893, p. 144 ; 1898, p. 122-123. — De Jérusalem, une voie s’en allait par Beit lksa, Biddu, Beit Liqia, dans la direction du nord-ouest ; elle était croisée à Biddu par celle qui venait d’Él-Djib et descendait vers Qarietel-’Enab. Une autre se dirigeait vers Qoluniyéh, Qariet el-’Enab, et se bifurquait d’un côté vers Yalô, de l’autre vers Nicopolis. Nous pouvons rattacher à ce réseau la voie qui, se séparant à el-Biréh de la route septentrionale, passait par Djifnéh, Vmm Safah, Tibnéh, Abùd, où elle se divisait en deux branches, celle du nord continuant vers el-Lubbdn, et-Tiréh et la plaine ; elle est marquée par quelques milliaires que signale la carte anglaise.
9. De Naplouse à Scythopolis, au Jourdain et à Tibériadé. — Cette voie allait, dans la direction du nord-est, par Tell el-Farah, Tubas, Teiàsîr, etc., rejoindre l’importante place de Bethsan-Scythopolis, et, au delà du Jourdain, continuait vers Damas. La carte anglaise signale trois milliaires avant Beisân : le premier entre Tûbàs et Téiasir ; le second à Téiasir, et le troisième au delà, avant d’arriver à la plaine. Celui de Téiasir doit représenter le XVe ; il estprobable, en effet, que cette localité correspond à l’ancienne ville d’Aser, qu’Eusèbe et S. Jérôme, Onomastica sacra, Gœttingue, 1870, p. 93, 222, placent au quinzième mille quand on descend de Naplouse à Scythopolis. Le précédent repré sente donc le XIV », ce qui est, du reste, confirmé par VOnomasticon, p. 157, 262, lorsqu’il montre Thébès = Tûbâs « presque au treizième mille en allant de Naplouse à Scythopolis. » Il y a, en effet, un peu plus d’un mille de Tûbâs au milliaire en question. Au delà de Téiasir, on retrouve le XVIe, le XVIIe et le XVIIIe milliaires. De Béisân au pont du Jourdain, on en a constaté trois autres : le Ier au nord-est de la ville, trois colonnes anépigraphes ; le IIIe, trois colonnes, dont une seule porte des restes d’inscription ; le IXe, au bord du fleuve, tronçon de colonne sur lequel on ne distingue que les traces d’un grand chiffre. Cf. Revue biblique, 1895, p. 71-73 ; 1899, p. 30-31. La voie continuait au nord vers Tibériadé. Un milliaire a été retrouvé non loin du Djisr el-MudjâmV, à 10 ou 12 milles romains de Scythopolis. Cf. Zeitschrift des deutschen Palàstina-Vereins, Mittheilungen, Leipzig, 1905, p. 37-40. — Nous avons indiqué plus haut les routes qui reliaient Naplouse à Jéricho.
10. De Tibériadé à Ptolémaide. — La carte anglaise signale une voie romaine passant par Vouadi’Abilîn et se dirigeant vers Saint-Jean d’Acre. Elle devait relier cette ville à Tibériadé.
11. De Legio en différentes directions. — Legio, qui a succédé à Mageddo, Tell el-Mutesellina, était le point le plus important de la plaine d’Esdrelon. Elle était le centre de plusieurs voies. L’une allait, vers Djénin, au sud-est, l’autre vers Ptolémaide au nord-ouest. Sur’cette dernière on a découvert, au nord-ouest de Ledjdjûn, un milliaire qui doit représenter le IIIe à partir de l’ancienne ville. Cf. Zeitschrift des deutschen Palâslina-Vereins, Mittheilungen, 1906, p. 67-69. Une autre route traversait le massif montagneux dans la direction du sud-ouest, passant près d’Umm el-Fahm ; il est facile également de la suivre d’après les milliaires. Cf. Zeitschrift des deut. Pal.- Ver., Miltheil., 1903, p. 5-10.
B) Transjordane. — 1. De Damas vers le sudouest. — Une première voie allait vers Banias, l’ancienne Césarée de Philippe. Une seconde, plus au sud, venait à El-Qonéitrah, où elle se bifurquait pour rejoindre, d’un côté, Banias, au nord-ouest, de l’autre le Jourdain, au-dessous du lacMérom. AvantjQonéitra/ » même, une branche se dirigeait vers Césarée de Philippe. Avant d’arriver au Jourdain, la route rencontrait celle qui se dirigeait vers l’est et se rattachait à un autre réseau. Une branche de ce dernier descendait, par Khisfîn, Sûsiyéh = Hippos, jusqu’au Jourdain, au-dessous du lac de Tibériadé. Une autre allait à Naua, d’où partait une nouvelle voie qui rejoignait celle de Khisfîn, en passant par Tsîl.
2. De Gadara à Bostra. — Une voie, se dirigeant de l’ouest à l’est, traversait le Hauran. De Gadara, aujourd’hui Vmm Qéis, elle "se rendait à Der’at, l’ancienne Edraï, puis à Bostra, à Salkhad et plus loin. Un embranchement, partant de Bostra, venait, dans la direction du sud-ouest, rejoindre le Derb el-Hadj à Qala’at ez-Zerqa.
3. De Pella (Kh. Fahil) à Gerasa(Djérasch). — Cette voie est jalonnée par quelques milliaires. Le Ier mille se trouve tout près de la ville basse ; il est marqué par six colonnes, dont une seule, encore debout, portait une inscription devenue illisible, au bas de laquelle le chiffre est inscrit en latin et en grec. IIIe, deux colonnes anépigraphes. IVe, fragment de colonne contenant la fin d’une inscription avec le chiffre dans les deux langues. Ve, une colonne anépigraphe. VIIIe, six colonnes brisées dont il reste les bases cubiques ; quelques lettres seulement sur un des fragments. Une borne milliaire, au nom des empereurs Marc-Aurèle et L. Verus, a été signalée à Adjlûn par M. Clermont-Ganneau, Recueil d’archéologie orientale, Paris, 1888, t. i, p. 207. Un autre point de repère se trouve au
sixième mille avant Gérasa, trois colonnes, dont deux portent des inscriptions. Cf. Revue biblique, 1899, p. 31-33.
4. De Gérasa à Philadelphie {’Amman). — On a retrouvé sur cette voie des bornes milliaires représentant les VIIe, VIIIe et IXe milles. ; Des fragments ^d’inscriptions rappellent les noms de Marc-Aurèle et L. Verus que nous avons déjà rencontrés. Cf. Revue biblique,
1895, p. 392-393 ; 1899, p. 35-37. Cette voie rejoignait avant Yadjûz celle qui, de Philadelphie, allait vers le nord. On a découvert sur cette dernière un certain nombre de colonnes marquant les IIIe, IVe, Ve, VIe, ’VIIe, VIIIe, IXe, Xe et XIe milles. Le VIIe se trouvait à Aïn Yadjûz. Plusieurs des colonnes ont des inscriptions intéressantes. Cf. Revue biblique, 1895, p. 394-398.
5. De Philadelphie vers le sud. — De ce côté, la voie reliait’Amman à Hesbân, l’ancienne Hésébon.
6. D’Hesbân au Jourdain. — Cette ancienne voie partait d’Hesbân pour aller traverser le Jourdain au Makadet Hadjlah. On y a retrouvé des groupes de milliaires avec inscriptions, marquant le Ve et le VIe milles. Cf. Revue biblique, 1893, p. 123 ; 1895, p. 398-400 ;
1896, p. 613, 615. À cette route se rattachait celle de Mâdaba au Jourdain.
7. De Mâdaba à l’Arnon et jusqu’à Pétra. Cette grande voie de communication, qui continuait celle de Gérasa-Hesbân, traversait du nord au sud la province d’Arabie. D’après les nombreuses inscriptions qu’on y a relevées, elle fut ouverte par Trajan, au commencement du second siècle, el maintes fois restaurée sous les empereurs Marc-Auréle et Vérus, Septime Sévère etc. Cf. Revue biblique, 1895. p. 624 ; 1896, p. 601-613 ;
1897, p. 574-591 ; 1898, p. 438-440.
4° Voies actuelles. — On voit comment les Romains avaient transformé les anciennes roules. Leur travail Colossal finit par disparaître, et longtemps le pays ne fut guère praticable pour les voitures. Il existe aujourd’hui plusieurs routes carrossables, dont quelques-unes en mauvais état. Elles vont : de Jaffa à Jérusalem ; de Jaffa à Khaïfa, avec embranchement sur Naplouse ; de Jaffa à Gaza ; de Jérusalem à Hébron, à Jéricho, au Jourdain et à la mer Morte, à Naplouse et au delà (en construction ) ; de Khaïfa à Djenîn, à Nazareth et à Tibériade. Les chemins de fer vont : de Jaffa à Jérusalem ; de Khaïfa à Damas par la plaine d’Esdrelon, puis Mezeirib ou Der’at à l’est du Jourdain ; de Damas dans le Hauràn, par les deux lignes de Mezeirib et de Der’at, qui s’unissent en ce dernier point, pour se prolonger vers le sud.
Bibliographie. — Rejand, Palseslina, Utrecht, 1714, t. i, p. 395-421 ; Survey of Western Palestine, Londres, 3e in-4o, 1881-1883, dans les différentes sections ; R. E. Brûnnow et A. von Domaszewski, Die Provincia Arabia, Strasbourg, 1904’, t. i, p. 15-124 ; 6. A. Smith, The historical Geography of the Holy Land, Londres, 1894, p. 149-154, 263-271, etc. ; F. Buhl, Géographie des alten Palàstina, Leipzig, 1896, p. 125-131 ; P. Thomsen, Palâstina nach dem Onomasticon des Eusebius, dans la Zeitschrift des deutschen Palàstina] Vereins, Leipzig, t. xxvi, 1903, p. 168-188, avec car^ V. Schwôbel, Die Verkehrswege und Ansiedlungen Galilâas inihrer Abhàngigkeit von den natûrlichen (Bedingungen, dans la même revue, t. xxvii, 1904, p. 57-88.
ROYAUME DE DIEU ou ROYAUME DES
CIEUX (grec : pa<rOxi « toC ©eoû ; pauiXeîaxwv oùpavùv). La conception du royaume de Dieu est spécifiquement juive et chrétienne, bien que certains de ses traits puissent se retrouver dans d’autres religions, par exemple chez les Perses. Nous allons suivre le développement de cette notion dans l’Ancien Testament, dans le judaïsme et dans le Nouveau Testament.
I. Daks l’Ancien Testament. — Ba<xi).e ; ’a signifie en
grec classique « royauté », et par dérivation « royaume », Cette même signification s’esl conservée dans les Septante qui traduisent par ce terme diflérentes « pressions du texte original : m^Do, nsibo, m^D,
tt : - t : : nij^DD. La plupart de ces mots hébreux marquent en
premier lieu l’idée abstraite de régne, de royauté, de pouvoir royal, et secondairement seulement le royaume, soit comme territoire, soit comme société. — Ie Dans l’Ancien Testament il est plusieurs fois question de la royauté ou du règne de Jéhovah. Ps. xxii, 29 ; ciii, 19 ; cxlv, 13 ; Abdias, 21 ; Dan., iii, 54 ; Tob., xui, 1 ; Sap., vi, 4 ; x, 10. Il ne semble pas qu’on y parle jamais du royaume de Dieu au sens de ferriloire ; mais le royaume des Saints de Daniel est évidemment conçu comme une société. Dan., ii, 44 ; vii, 18. — La royauté de Dieu est déjà implicitement contenue dans le récit de la création ; en appelant les êtres à l’existence, Dieu se réserve le droit de les gouverner. Si l’homme reçoit une sorte de pouvoir royal sur les créatures, Gen., i, 26 ; ix, 1-3 ; cf. Ps. viii, 7-9, c’est parce qu’il est fait à l’image du Créateur. Dieu est roi de toute la terre, Ps. xlvii, 7 ; tous les royaumes du monde lui sont soumis, car c’est lui qui a fait le ciel et la terre. Is., xxxvii, 16. Jéhovah possède un pouvoir de judicature sur toute la terre. Gen., xviii, 25. Rien n’est soustraità sa souveraineté, et son nom doit être célébré par toute la terre. Exod., ix, 16. — La création a donc conféré à Jéhovah un droit royal sur lous les êtres, particulièrement sur les hommes, qui doivent reconnaître ce droit et se soumettre aux volontés de leur souverain. Gen., ii, 17 ; vi, 5-13. Mais les hommes frustrèrent l’attente divine ; les premiers parents se révoltèrent contre Dieu et leurs descendants méconnurent de plus en plus sa souveraineté.
— Ce que la mauvaise volonté des hommes avait détruit, la grâce allait le rétablir. Déjà au paradis terrestre Dieu avait donné à enlrevoir la victoire finale du bien sur le mal. Gen., iii, 15. Pour assurer la reconnaissance de son pouvoir, Dieu fit alliance avec les patriarches et leur postérité, Gen., xvii ; xxvi, 24 ; xxviii, 13-15. et devint ainsi à un titre spécial le souverain d’Israël. Tout en restant, de droit, le roi des autres nations, il affirma de façon particulière sa royauté sur le peuple élu. C’est lui qui veilla en Egypte sur les enfants de Jacob, qui les sauva des mains du pharaon, qui renouvela solennellement avec eux l’alliance au Sinaï et qui leur donna en partage la terre de Canaan. Les droils souverains de Jéhovah sont si bien établisque Gédéon refuse le titre de roi, car « c’est Jéhovah qui est votre maître ». Jud., viii, 23. L’institution de la royauté ne modifiera point les rapports d’Israël avec Jéhovah : le roi est le lieutenant de Dieu, choisi par lui pour combattre les guerres du Seigneur. Toute la suite des événements racontés dans la Bible, ne sera que l’histoire des vicissitudes de cette théocratie, dont le but providentiel élait de préparer l’avènement du règne de Dieu sur les hommes. — 2° En eûet, bien que ledroit royal de Jéhovah sur la création soit éternel et immuable, Ps. xciii, 2 ; xxix, 10 ; cxlv, 13, le règne n’existe de fait que dans la mesure où cette royauté est reconnue. En un sens, le règne est déjà commencé, puisque la royauté de Jéhovah est acceptée parlsraël. « Tu asétabli dansJacob le droit et la justice… Jéhovah est roi, que les peuples tremblent. » Ps. xcix, 1-4. En un autre, il est encore à venir, car les nations ne sont pas soumises à Jéhovah ; elles aussi doivent célébrer le Seigneur et reconnaître la puissance de Dieu. Ps. lxviii, 33-34 ; Ps. lxvii, 3-8. Le règne est donc aussi eschatologique, parce que dans l’avenir seul il sera établi dans toute sa splendeur, sur les Gentils aussi bien que sur les Juifs. Ce jour glorieux, les prophètes l’entrevoient et l’annoncent. « Dieu règne sûr les nations… les princes des peuples se réunissent au peuple du Dieu d’Abraham. » Ps. XL vii, 9-10.
Le règne sera universel : Rahab et Babylone, les Philistins, Tyr et l’Ethiopie seront appebjs fils de Sion. Ps. lxxxvij, 4 ; cf. Ps. xcvi, xcvm ; Is., ii, 2-4 ; xxv, 3-9 ; Zæh., xiv, 16. Cette eschatologie peut-être appelée messianique dans un sens large, car les descriptions peuvent viser une ère de bonheur futur sans mettre en scène un Messie personnel. — 3° Rarement le règne de Dien est mis en rapport avec l’eschatologie transcendante, dont le domaine propre est l’au-delà. La résurrection des justes est un acte de la royauté divine, II Mach., vii, 9. Au ciel, le Seigneur régnera sur les élus, Sap., iii, 8, et ceux-ci participeront à son pouvoir royal, Sap., v, 16. On serait tenté de « rapprocher de ces textes, Sap., x, 10 c< elle (la Sagesse ) conduisit par des voies droites le juste (Jacob)… et lui montra le règne de Dieu » ; mais il s’agit ici de Ja connaissance des lois mystérieuses par lesquelles Dieu gouverne le monde, plutôt que d’une vision du royaume céleste. Cf. Lagrange, dans la Rev. bibl., 1907, p. 102-103. — 4° Jamais le règne de Dieu n’est mis en relation avec l’eschatologie cosmique. « Pas un mot dans l’Ancien Testament ne (le) représente comme -établi sur un monde détruit ». Lagrange, Le Règne de Dieu dans l’Ancien Testament, dans la Rev. bibl., 1908, p. 60. On aurait tort d’identifier avec le jugement dernier le’jugement du « roi Jéhovah » dans les Psaumes lxvii, 5 ; xcvi, 10, 13 ; xcviii, 9 ; juger est ici synonyme de gouverner. — Le royaume des Saints de Daniel succède aux quatre grands empires dans le gouvernement des nations, ii, 44 ; mais ces nations continueront à exister, elles seront simplement soumises au Fils de l’homme, vii, 14. — Quoique le règne soit, à certains égards, réservé aux temps à venir, il n’est cependant jamais conçu, même sous cet aspect eschatologique, comme un fait absolument nouveau. C’est qu’il plonge ses racines dans le passé, il est fondé sur les droits éternels de Dieu ou sur les bienfaits accordés jadis à Israël ; le règne annoncé sera seulement « le passage du droit au fait, ou encore la reconnaissance du droit, la mise en scène historique d’une idée éternelle, le progrès, sans doute extraordinaire et merveilleux, mais enfin la suite d’une chose commencée. » Lagrange, loc. cit. — 5° Du moment que le régne ne pouvait s’établir que par la reconnaissance de la royauté de Dieu, il présentait un caractère éminemment moral. Ses traits spiritualistes sont, du reste, souvent mis en relief par les prophètes. Les messagers du règne sont des messagers de salut et de paix, Jéhovah révèle sa sainteté, Is., lii, 7-10 ; la justice est le bien par excellence du règne, Is., xlv, 8, et tous les peuples accourront au salut comme à un festin plantureux, Is. xxv, 6. « Venez, se diront-ils, et montons à la montagne de Jéhovah… il nous instruira de ses voies et nous marcherons dans ses sentiers. » Is., Il, 3. Alors « la terre sera remplie de la connaissance et de la gloire de Jéhovah. » Hab.-, ii, 14. Le roi messianique gouvernera le peuple avec équité, et il aura un soin particulier des pauvres, des malheureux et des opprimés. Ps. lxxii. En un mot, au jour du salut « la bonté et la vérité se rencontreront, la justice et la paix s’embrasseront. » Ps. lxxxv, 11-12 ; cf. Ps. xcix, 4 ; Is., vi, 13 ; Mich., v, 9-13 ; Jer., xxiii, 5 ; Ezech., xxxvi, 25-27 ; xxxvii, 24 ; Soph., iii, 13. — La haute spiritualité du règne attendu est encore accentuée par la notion du pardon des péchés, Jer., xxxi, 31-34, et par la perspective d’une expiation rédemptrice. Le Serviteur de Jéhovah « a été transpercé à cause de nos péchés, brisé à cause de nos iniquités ; le châtiment qui nous sauve a pesé sur lui, et par ses plaies nous sommes guéris. » la., yil, 5. — Le livré- de la Sagesse fait ressortir si bien l’aspect religieux et individuel du salut, qu’à ce point de vue il présente une ressemblance marquée avec la jdoctrine des Évangiles. Ce n’est point encore l’épa nouissement, dans les âmes, de l’amour pour le Père ; c’est du moins le règne de Dieu dans les individus par la pratique de la justice. Cf. Lagrange, dans la Rev. bibl., 1907, p. 102-104. — 6° Cependant on ne saurait nier que le règne se présente souvent, dans les descriptions prophétiques, sous les traits d’une restauration nationale et d’une ère de prospérités matérielles. Mais ce ne sont là que des dehors ; la perspective du règne de justice est prédominante chez les prophètes. Cf. Touzard, L’argument prophétique, dans la Revue pratique d’apologétique, 15 oct. 1908, p. 92-98. D’ailleurs il ne faut pas oublier que l’accomplissement de ces promesses était lié à certaines conditions d’ordre moral. « Si donc quelques-unes des prophéties faites à Israël n’ont pas été réalisées, qu’il se demande si, pour sa part, il a rempli toutes les conditions auxquelles était attachée leur réalisation. » Kônig, Geschichte des Reiches Goties bis auf J.-C, Berlin, 1908, p. 328.
II. Dans le judaïsme. — 1° Il ne semble pas que l’expression PSamXEÏa toî Osoû soit employée, dans la littérature juive postérieure, au sens de territoire, excepté peut-être Psaumes de Salomon, v, 18, édit. Gebhardt : « Ta bonté (se répand) sur Israël, èv t*] fia^i-Àeia <jou, et Hénoch, xli, 1, trad. Martin, p. 88 : « Je vis tous les secrets des cieux, et comment le royaume sera partagé. » Mais le premier texte peut aussi bien se traduire « par ton gouvernement », et le second est peu clair. Cf. DasSlavische Henochbuch, Berlin, 1896, xxiv, 3 « mon royaume immense », édit. N. Bonwetsch Rec. A, p. 125. — Le royaume au sens de « société » se trouve Sibyll, , iii, 767, édit. Geffcken. « Alors il (Dieu) suscitera un royaume éternel ». Cf. Dan., ii, 44. De façon générale il est plutôt question du règne ou du droit royal de Dieu ; du reste, le règne est logiquement corrélatif à un ensemble de sujets sur lesquels s’exerce la royauté et qui constituent un royaume. Comme dans l’Ancien Testament, Dieu possède la royauté universelle de toute éternité ; il est le roi du monde, le roi éternel, sa royauté demeure à jamais et dans les siècles des siècles, car c’est lui qui a fait et qui domine toutes choses. Hénoch, xii, 3 ; xxvii, 3 ; lxxxiv, 2-3. Cf. Ascens. Mos., iv, 2. — Il est en particulier le roi d’Israël. Ps. Sal., v, 18-19 ; xvii, 1, 46. La royauté israélite est la royauté même du Seigneur, Testaments des Douze Patriarches, Benj., ix, 1, édit., Charles, et les rois sont choisis par lui. Test. Rub., vi, 11. Le pouvoir royal de Dieu s’affirme de diverses façons, parla protection et la miséricorde qu’il accorde à Israël, Ps. Sal., xvii, 1-3, aussi bien que par les châtiments qu’il envoie aux Gentils. Ps. Sal., il, 29-32 ; xvii, 3.
2° Le règne de Dieu à l’époque qui nous occupe, est surtout considéré comme à venir. Les Juifs traversaient alors de douloureuses épreuves ; persécutés par les Séleucides, ils avaient un instant reconquis leur indépendance nationale ; mais bientôt ils tombèrent sous le joug des Romains. Au sein même du peuple élu, un grand nombre s’était soustrait à la royauté de Dieu et méconnaissait ses lois. Les Gentils, abandonnés à tous les vices, dominaient sur le monde. Ce n’était point là le règne attendu. Aussi tous les regards se tournaient-ils vers l’avenir, vers ce qu’on peut appeler l’ère messianique au sens large. Malgré la diversité des systèmes, on peut diviser en deux courants distincts les espérances qui se font jour : le messianisme apocalyptique, qui prévoit un bouleversement général de l’ordre actuel, et le messianisme rabbinique, qui attend la domination d’Israël sur les nations. Cf. Lagrange, Le Messianisme chez les Juifs, Paris, 1909 ; P. Volz, Jûdische Eschatologie, Tubingue, ^903. — Le premier n’eut sans doute jamais une grande influence sur les masses ; ce sont les rabbins qui formèrent l’esprit du peuple. Le résumé de toutes les espérances, c’était la glorification d’Israël ; et même dans les écrits où l’on semble opposer justes
et pécheurs, plutôt que Juifs et Gentils, il est entendu que les justes ne comprennent que les Juifs fidèles à la Loi ou les Gentils qui se sont convertis au judaïsme. Omnia ad majorent Judæorum gloriam, tel pourrait être l’exergue de toute cette littérature. — D’après les écrits rabbiniques en particulier, le règne de Dieu jusqu’à présent si contrarié, allait s’établir bientôt dans toute sa splendeur par l’avènement du Messie ; guerrier valeureux, il soumettra à son sceptre les Gentils et donnera aux Juifs la royauté du monde entier. Les « dispersés s reviendront en Palestine, et Jérusalem sera la glorieuse capitale du nouveau royaume. Alors commencera la félicité messianique, qui sera précisément le contre-pied des malheurs présents. Les Gentils semblent parfois admis à partager ce bonheur, à la condition de se faire Juifs ; mais le plus souvent on les montre réduits en servitude. — Dans l’attente des Juifs de cette époque, le règne de Dieu à venir s’identifiait donc généralement avec le règne national d’Israël. Ce sont là les dispositions qui, selon toute vraisemblance, étaient dominantes autour de Jésus. Cf. Luc, xix, 11 ; xxiv, 21. « Seigneur, demandent les Apôtres à Jésus ressuscité, est-ce maintenant que tu rétabliras la royauté en faveur d’Israël ? » Act., i, 6. La conviction que le triomphe national serait le triomphe même du règne de Dieu, maintint lès Juifs dans une agitation perpétuelle ; c’est elle qui arma leurs bras contre les Syriens d’abord, puis contre les Romains, et qui amena sous Hadrien la chute définitive de l’État israélile.
3° Cependant la notion traditionnelle d’un règne de Dieu se réalisant dans les hommes par leur soumission à la volonté divine, n’avait point disparu. Dieu règne déjà sur les Juifs fidèles. Ps. Sal., v, 18-19 ; xvii, 1, 46. Il ne tient qu’aux hommes d’étendre davantage le règne en acceptant la loi divine. Abraham, par son obéissance, choisit Dien et son règne, Jub., xii, 19 ; réciter le Schéma’, c’est prendre sur soi le joug du règne des cieux, b., Bërackoth 14 h ; 61 b ; s’abstenir de choses défendues, parce que Dieu les a prohibées, c’est reconnaître le règne des cieux, (baraitha d’Eléazar ben Azariah, vers 100 après J.-C, dans Bâcher, Die Agada der Tannaiten, P, p. 220) ; omettre la récitation du Schéma’, c’est se soustraire au joug de. ce règne, Mischna, Ber., il, 5 ; le sabbat est, entre tous les autres jours, un jour du saint règne, Jub., L, 9, parce qu’en l’observant on fait régner Dieu. Il en résulte que le règne de Dieu est déjà présent, et qu’il pourra se développer indéfiniment ; les Gentils eux-mêmes sont appelés à recevoir sur eux le joug de son règne et à rendre honneur à son nom.’Alênu, prière composée vers 240 après J.-C. Cf. Dalman, Die Worte Jesu, p. 307. Le règne messianique lui-même, malgré l’aspect de nouveauté qu’il présentera à certains points de vue, ne sera que l’agrandissement d’une chose déjà existante : la royauté de Dieu s’affirmera, non plus seulement sur un petit groupe de fidèles, mais sur tout l’univers. Son inauguration pourra être conçue comme plus ou moins catastrophique ; la reconnaissance de la souveraineté éternelle de Dieu en constituera toujours l’essence. Ps. Sal., xvii. Cf. Lagrange, Le règne de Dieu dansf Te judaïsme, dans la Bev. bibl., 1908, p. 350-366. — 0n voit dès lors ce qu’il faut penser de la définition du royaume donnée par Loisy, Évangiles Synoptiques t. i, p. 229, note 6 : « le royaume de Dieu… est proprement le règne ou la royauté de Dieu, l’ère messianique. » — C’est une définition en fonction d’un système. Le règne comprend aussi l’ère messianique, mais il n’est point seulement cela ; toujours il a été considéré comme réalisé déjà, d’une certaine façon, dans le présent.
III. Dans le Nouveau Testament. — L’expression fSgt<jiXet’a toû ©sou est employée 63 fois dans le Nouveau Testament (Matth., 4 fois ; Marc, 14 ; Luc, 32 ; Joa., 2 ;
Act., 6 ; les autres écrits, 5) ; {îaadet’a ©eoO, 4 fois (dans saint Paul) ; (Sao-iXeîa ™v o-jpavûv, 32 fois (uniquement dans Matth.). Si le mot se lit fréquemment, l’idée se rencontre bien plus souvent encore, et l’on ne se trompera pas en voyant dans « le royaume de Dieu » le concept fondamental de la prédication de Jésus. Le judaïsme connaît ces différents termes ; hébr. c-2ïf mzhzi [Mischna, Ber. il ; Ghemara, b. Ber. 13 b,
141>, 61 b, etc)., aram. N>aun NniD^D, >H Nirabn (Targums : t- : t : -. rt : ls., xxxr, 4 ; Abd., 21 ; Mich., iv, 7 ; Zach., xiv, 9), NrftNT NmsbD (Targums : ls., XL, 9 ; lii, 7). Cf. Dal TTV : ’.* T : "
man, Die Worte Jesu, 75-83. — Quelle est l’expression dont se servait N. S. ? disait-il « règne de Dieu » ou « règne des cieux », ou employait-il indifféremment l’un et l’autre terme ? Il est difficile de le déterminer avec certitude. D’une part, le mot « cieux » ou << ciel », — car le singulier n’existe ni en hébreu ni en araméen, — était une des nombreuses locutions, alors en usage chez les rabbins, pour désigner Dieu dont on évitait de prononcer le nom. On peut aussi se demander si Matth., qui seul présente le terme « royaume des cieux », n’a^ pas conservé plus fidèlement la formule primitive, puisqu’il écrivait pour des judéo-chrétiens. — Mais d’autre part, il est impossible de prouver que Jésus se soit astreint à suivre toujours l’usage rabbinique ; le mot « Dieu » se rencontre souvent sur ses lèvres, et saint Matthieu lui-même a plusieurs fois le terme « royaume de Dieu ». Rien n’empêche donc de penser que Jésus se soit exprimé de l’une et de l’autre façon. À vrai dire cette discussion importe peu, car les deux expressions sont synonymes, c cieux » étant simplement une métonymie pour « Dieu ». Les Évangiles, aussi bien que la littérature contemporaine, leur attribuent an sens identique, avec cette nuance que « le régne des cieux » est le règne du Dieu transcendant. Dalman, loc. cit., p. 76.
Quelle est la signification précise de ftamXsia ? Si l’on s’en tient à l’usage de l’Ancien Testament et des écrits juifs, il faut y voir avant tout le sens abstrait de règne, de souveraineté ; d’après Dalman, loc. cit., p. 77, il ne serait jamais question, dans toute cette littérature, du royaume de Dieu au sens de territoire. Il est donc à prévoir que dans le Nouveau Testament le premier sens sera prédominant ; mais il ne sera pas le seul, et l’étude impartiale des textes montrera que Jésus a envisagé aussi la ^aadeia toû ®eoû comme un royaume au sens de société.
J". LE ROYAUME DANS LES SYNOPTIQUES. — 1° L’évangile de l’enfance. — Les récits de l’enfance forment la transition entre l’Ancien Testament et le Nouveau. — L’archange Gabriel annonce à Marie la naissance d’un enfant, auquel le Seigneur Dieu donnera le trône de David son père, et qui régnera sur la maison de Jacob à jamais. Luc, i, 32-33. Le Magnificat, cantique d’une fille des rois, célèbre le Dieu sauveur qui vient au secours d’Israël, son serviteur. Luc, i, 47-55. C’est également sous les couleurs de l’Ancien Testament que le Benedictus dessine la figure du Messie : il est « la corne du salut. » qui délivre Israël de ses ennemis, et lui permettra de servir Dieu dans la sainteté, la justice et la paix. Luc, 1, 68-79. — Israël occupe le premier plan, et à bon droit, puisqu’il est le peuple choisi, Luc, I, 72-73 ; mais déjà l’on entrevoit le rôle spirituel et universaliste du libérateur : il illuminera ceux qui sont assis dans les ténèbres et à l’ombre de la mort, Luc, I, 79 ; s’il est « la gloire d’Israël », il est aussi « le salut préparé pour tous les peuples, la lumière qui éclairera les nations. » Luc, ii, 30-32. Il sera roi, et assis sur le trône de David, il sauvera son peuple ; mais sa royauté est de telle nature qu’il ne cessera jamais de régner, Luc, i, 33, et le salut qu’il apporte consistera avant tout à « délivrer son peuple de sespéchés. » Matth., i, 21. — Combien ces premières pages de l’Évangile nous transportent loin du royaume messianique terrestre, attendu alors par les foules !
2° Jean-Baptiste.
L’heure où le règne de Dieu allait s’établir, a enfin sonné. Le précurseur paraît sur les bords du Jourdain, disant : « Repentez-vous, car le règne du ciel est proche. » Matth., iii, 2. Ce règne est spirituel : pour s’y préparer, il faut faire pénitence, se repentir de ses péchés, et, comme symbole du renouvellement moral, recevoir le baptême. Il importe d’exercer la miséricorde et de pratiquer l’équité. Luc, iii, 11-14. La descendance d’Abraham ne sert de rien ; pour accueillir le règne, il faut produire de dignes fruits de pénitence. Luc, iii, 8-9. Rien n’insinue un bouleversement catastrophique du monde ou de la nation ; l’eschatologie est tout individuelle. Le jugement est imminent, car « déjà la hache est posée à la racine des arbres », Matth., iii, 10, la « pelle » est dans la main du vanneur, Matth., iii, 12 ; l’apparition du Messie fera, en effet, connaître ceux qui se sont disposés à recevoir dignement le don messianique ; le triage s’opérera entre les arbres qui ont produit de bons fruits, et les autres, entre le bon grain et la paille. Le Messie réunira ceux-là « dans ses greniers » ; quant aux autres, ils n’ont en perspective que le « feu inextinguible ». Luc., iii, 17. Chaque individu (cf. Matth., iii, 10, « chaque arbre ») sera en définitive son propre juge, selon qu’il se sera rendu digne, ou non, du règne messianique.
3° Jésus-Christ.
Quel sens le Sauveur attacha-t-il à l’expression « royaume de Dieu » ? De la solution de cette question fondamentale dépend l’idée qu’on devra se faire de la personne et de la mission de Notre-Seigneur. Inutile de dire que les opinions les plus contradictoires ont été émises. — 1. D’après A. Ritschl, Christliche Lehre von der Reçhtfertigung und Versbhnung, Bonn, 4e édit. 1895-1903 ; H. Wendt, Die Lehre Jesu, Gœttingue, 2e édit. 1901 ; B. Weiss, Lehrbuch der biblischen Theologie des N. T., Stuttgart, 7e édit. 1903 ; A. Harnack, Das Wesen des Christentums, Leipzig, 1900, et la plupart des protestants libéraux, Jésus n’a prêché et n’a voulu fonder qu’un royaume intérieur, immanent dans les âmes, et par suite son rôle s’est réduit à celui d’un docteur de morale. — 2. Reimarus, Fragmente eines Ungenannten, publiés par Lessing de 1774-1778, E. von Hartmann, Das Christentum des N. T., 2e édit., 1905, considèrent Jésus comme un révolutionnaire, qui accepta sans modification les espérances politiques de ses contemporains et voulut rétablir le royaume national. — 3. Enfin, selon J. Weiss, Die Predigt Jesu vom Reiche Gotles, Gœttingue, 2e édit., 1900 ; Shailer Mathews, The messianic Hope in the N. T., 1906 ; A. Schweitzer, Von Reimarus zu Wrede, Tubingue, 1906 ; A. Loisy, L’Évangile et l’Église, Paris, 1902 ; Autour d’un petit livre, 1903 ; Les Évangiles synoptiques, 1907, et d’autres auteurs, Jésus ne prévoyait que le royaume eschatologique, s’établissant par un coup de théâtre dans un monde transformé ; il n’est Messie qu’en expectative, sa morale est purement provisoire, et n’a d’autre but que de préparer les hommes à l’avènement imminent du règne. — Tous ces systèmes ont ceci de commun, que dans la perspective de Jésus il n’y avait point de place pour l’Église. Selon une formule célèbre, « Jésus annonçait le royaume, et c’est l’Église qui est venue ». Loisy, L’Évangile et l’Église, p. 111.
Il n’entre pas dans le cadre de cet article, de réfuter une à une toutes ces théories avec les différentes nuances qu’y met chaque auteur. Du reste, les partisans du royaume intérieur ont de très bonnes raisons à faire valoir contre les eschatologistes, et réciproquement. L’erreur n’est que dans la partie exclusive de chacun des systèmes. Si l’on ne tient compte à la fois de tous les éléments de solution que fournissent les Évangiles, et si l’on rejette systématiquement, comme non authentiques, les passages qui vont à l’encontre d’une théorie préconçue, il est impossible d’aboutir à une définition objective du royaume, tel que le comprenait Jésus-Christ. L’étude impartiale des textes montrera que ce royaume est à la fois présent et à venir, intérieur et en même temps social. En tant qu’intérieur, il est le règne immanent ; en tant que réunissant ses sujets dans une société, il est l’Église ; en tant qu’eschatologique, il est le royaume transcendant.
A) phases du royaume. — Le message de Jésus, comme celui de ses disciples, se formule invariablement par les mots : ἤγγικεν ἡ βασιλεία τῶν οὐρανῶν, « le règne du ciel s’est approché », ou plutôt « est arrivé », car selon la remarque de J. Weiss, Die Predigt Jesu, p. 70, ἤγγικεν est très probablement synonyme de ἔφθασεν ; les deux expressions répondent au même verbe araméen מְטָא « arriver ». Cf. Dan., iv, 8, araméen, יִמְטֵא ; Septante, ἤγγικεν ; Théodotion, ἔφθασεν. Luc., x, 9, ἤγγιδεν ἐφ’ ὑμᾶς ἡ βασιλεία τοῦ Θεοῦ ; xi, 20, dans un contexte tout à fait semblable, ἔφθασεν ἐφ' ὑμᾶς ἡ β. τ. Θ. « L’évangile du règne », Matth., iv, 23 ; ix, 35, c’est la bonne nouvelle de l’arrivée du règne de Dieu. Son fondateur est présent, Luc, iv, 18-19 ; vii, 19-23 ; et, dès les premiers jours, Jésus s’appelle « Fils de l’homme », Marc, ii, 10, 28, etc., titre qui est en connexion intime avec le royaume annoncé par Daniel, vii, 13-14. Comment douter que le règne de Dieu ne soit déjà là, quand le règne adverse, celui de Satan, s’effondre ! « Si je chasse les démons par la force de Dieu, c’est donc que le règne de Dieu est venu sur vous. » Luc, xi, 20 ; cf. Matth., xii, 28. Le règne de Dieu est commencé ; il s’affirme et progresse dans la mesure où ses ennemis battent en retraite. Cf. Luc, x, 9, 18. — Cette déclaration catégorique de Jésus embarrasse fort les partisans d’un royaume purement eschatologique. Pour Loisy, ces paroles « se dégagent nettement de leur contexte », « elles appartiennent à une rédaction secondaire », et « reflètent plutôt les préoccupations de la controverse judéo-chrétienne que la pensée du Sauveur. » Ev. Syn., t. i, p. 706-707. J. Weiss ne les trouve point du tout déplacées dans leur contexte, mais il ne veut y voir qu’un « transport prophétique » « l’expression d’une extase pneumatique » se rapportant à l’avenir. Loc. cit., p. 90. Il faut de la bonne volonté pour ne pas reconnaître que l’argumentation tout entière porte sur des faits présents ; les deux règnes, celui de Satan et celui de Dieu, sont mis dans une corrélation très étroite : si l’un perd du terrain, ce ne peut être que parce que l’autre s’établit hic et nunc à ses dépens. — Le règne de Dieu est donc déjà présent. En effet, jusqu’à Jean-Baptiste on était sous le régime de la Loi et des Prophètes ; mais « depuis lors le royaume de Dieu est annoncé, et chacun lui fait violence. » Luc, xvi, 16. Si le plus petit des citoyens du royaume est plus grand que Jean, qui cependant fut le plus grand des prophètes, Matth., xi, 11, c’est précisément parce que Jean marque le terme de l’ancien état de choses, et que le règne constitue ses sujets dans un état plus parfait. L’établissement de ce règne n’a rien de catastrophique ; les Pharisiens en sont encore à se demander quand il viendra, que déjà il est au milieu d’eux, ἐντὸς ὑμῶν ἐστιν, Luc, xvii, 20-21. Le scribe qui connaît les deux grands commandements, n’est pas loin du règne, Marc, xii, 34 ; pour le posséder, il suffit de le chercher, comme font les disciples, car il a plu à leur Père de leur donner le règne. Luc, xii, 31-32. Les Juifs, qui dans l’ensemble s’opposeront à l’évangile, se verront enlever le règne qui leur avait été offert, Matth., xxi, 43, tandis que les publicains et les courtisanes y entrent avec empressement. Matth., xxi, 32-32. — Le régne de Dieu s’établit ainsi sous l’action de la parole du Christ ; il est présent, et à portée de toutes les bonnes volontés.
Mais « Jésus ne prétend pas… que le règne de Dieu soit une quantité indivisible, un avènement qui vient tout d’une pièce, comme un décor de féerie. » Lagrange, dans la Revue bibl., 1906, p. 477. La phase décisive, inaugurée par Jésus, avait ses points d’attache dans le passé ; le règne qu’il annonce, est lui-même susceptible de développements, et il ne trouvera son couronnement final que dans l’au-delà. Bien que déjà présent, il peut toujours se réaliser davantage, et les disciples, auxquels le Père a donné le règne, Luc, xii, 32, ne doivent jamais se lasser de prier : « Notre Père, qui êtes au ciel…, que votre règne arrive, » car la volonté de Dieu peut toujours, sur terre, être accomplie plus parfaitement encore. Matth., vi, 10 ; Luc, xi, 2. Semblable à la semence qui est jetée dans un champ, le règne ne fructifie pas de façon égale dans tous les cœurs ; bien des ennemis contrarient sa croissance. Matth., xiii, 3-23 et parall. Le bon grain est mélangé pendant longtemps à de l’ivraie, Matth., xiii, 24-30 ; cependant, malgré les obstacles, il se développe et grandit, en vertu de sa force intrinsèque et du concours apporté par la terre qui l’a reçu, jusqu’à ce qu’il devienne mûr pour la moisson. Marc, iv, 26-30. Comme le grain de sénevé, le règne est destiné à devenir un grand arbre ; comme le levain, il devra faire lever peu à peu toute la masse. Matth., xiii, 31-33 et parall.
Néanmoins, ce règne terrestre, quelque illimité que soit son horizon, n’est point encore le règne définitif ; il n’en est que la phase initiale et préparatoire. Le vrai royaume de Dieu est au ciel, et c’est vers ce but suprême que doivent s’acheminer tous les citoyens du règne. — Pour les individus, il s’inaugure par la mort et le jugement. « Souviens-toi de moi, supplie le larron, lorsque tu seras entré dans ton royaume » ; et Jésus de répondre : « Aujourd’hui même tu seras avec moi dans le paradis. » Luc, xxiii, 42-43. C’est là le royaume promis aux pauvres en esprit, à ceux qui souffrent persécution pour la justice, Matth., v, 3, 10, à ceux qui font la volonté du Père, Matth., vii, 21, aux enfants et à leurs semblables, Matth., xix, 14 ; xviii, 2-3 ; il est la terre que les doux recevront en héritage, Matth., v, 4, « la joie du Seigneur », dàns laquelle entre le serviteur qui a fait valoir les talents. Matth., xxv, 21, 23.
Pour la société humaine, ce règne s’inaugurera par la parousie du Fils de l’homme et par le jugement général. Matth., xxiv, 30 ; Marc, xiii, 26 ; Luc, xxi, 27 ; Matth., xxv, 31-46. L’avènement du Christ sera fulgurant ; aucun signe précurseur ne pourra en faire présager l’époque. Alors les « scandales » qui auront existé dans le royaume préparatoire seront enlevés ; les boucs seront définitivement séparés des brebis, les , bons poissons des mauvais, le bon grain de l’ivraie. Matth., xiii, 24-30, 37-41, 47-51 ; xxv, 32. — Dans cet acte final, les Apôtres participeront à la royauté du Christ : « et moi je dispose en votre faveur de la royauté, comme mon Père en a disposé en ma faveur, afin que… vous soyez assis sur des trônes, jugeant les douze tribus d’Israël. » Luc, xxii, 29-30 ; cf. Matth., xix, 28.
Le véritable royaume est enfin constitué : c’est la vie éternelle pour les individus, Matth., xxv, 46, la société des saints pour la collectivité. Dans ce royaume, Jésus boira « le vin nouveau » avec ses disciples, Matth., xxvi, 29 ; des Gentils viendront de l’Orient et de l’Occident et s’assoieront au festin avec les patriarches, tandis que « les fils du règne », c’est-à-dire les enfants d’Israël, seront jetés dans les ténèbres extérieures. Matth., viii, 11-12. s Les justes y brilleront comme le soleil s, Matth., xiii, 43 ; purs, ils verront Dieu, Matth., v, 8, comme les anges, Matth., xviii, 10, et pour toujours ils posséderont le royaume qui leur a été préparé dès l’origine du monde ; Matth., xxv, 34.
Ces différentes phases ne constituent pas des royaumes distincts ; le règne de Dieu établi sur terre dans les âmes, se développe à travers toutes sortes de vicissitudes, jusqu’à ce qu’enfin il se consomme au ciel. Il y a donc continuité, et accepter le règne de Dieu ici-bas, c’est déjà posséder un droit au royaume céleste. Aussi, l’expression « règne de Dieu » a-t-elle souvent double et triple signification, l’une superposée à l’autre, parce qu’en réalité c’est le règne tout court, mais avec ses différents aspects, qui est visé. Rien de plus instructif, à ce point de vue, que le logion suivant, conservé par Marc, x, 15 et Luc, xviii, 17, en termes identiques : « Je vous le dis en vérité, quiconque ne recevra pas la βασιλεία τοῦ Θεοῦ comme un petit enfant, n’y entrera point. » La βασιλεία τοῦ Θεοῦ est un règne que l’on doit recevoir, aussi bien qu’un royaume où l’on doit entrer dès maintenant, cf. Matth., xxiii, 13, afin d’avoir accès au royaume céleste. L’humilité, la pauvreté, la simplicité, la justice, sont aussi bien des conditions d’entrée dans le royaume terrestre que dans le royaume de l’au-delà. L’appel au festin nuptial est au même titre la vocation au règne préparatoire et au règne définitif. Les scribes et les Pharisiens hypocrites qui n’entrent pas dans le royaume, et qui, de plus, empêchent les autres d’y entrer, Matth., xxiii, 13, sont un obstacle pour le règne sous toutes ses formes. L’unité la plus parfaite se constate donc dans le développement du royaume.
Quelle est la relation chronologique établie par Notre-Seigneur entre les différentes étapes du royaume ? La phase eschatologique est-elle conçue comme imminente, et faut-il dire avec Charles, A critical history of the doctrine of a Future Life, Londres, 1899, p. 331, que « selon l’enseignement du Christ la parousie devait avoir lieu au coiys de la génération contemporaine » ? Rien de plus authentique dans les Evangiles, que cette déclaration de Jésus : « Quant à ce jour et à cette heure personne ne les connaît, pas même les anges dans le ciel, ni le Fils, mais (seulement) le Père. » Matth., xxiv, 36 ; Marc, xiii, 32. Cf. Act., i, 7. Le « jour » dont il est question dans ce logion, c’est le jour du jugement, le grand jour de Jéhovah. Mais ce jugement doit se distinguer, d’après le contexte même, de la terrible catastrophe qui atteindra Jérusalem ; celle-ci peut se prévoir, grâce aux signes précurseurs qui l’annonceront, celui-là tombera à l’improviste, avec la soudaineté de l'éclair, sur l'humanité endormie ; la ruine de la ville sainte arrivera encore du vivant des auditeurs de Jésus, tandis que « le Père seul », Matth., xxiv, 36, connaît la date de la parousie. Dans cette complète incertitude, les disciples du Christ n’auront d’autre ressource, pour prévenir toute surprise fâcheuse, que de veiller toujours, et c’est précisément la nécessité d’une vigilance continuelle que Notre-Seigneur veut avant tout inculquer. Cf. Lagrange, L’avènement du Fils de l’homme, dans Rev. bibl., 1906, p. 382-411, 561-574. Bien que cet avènement apparaisse à l’horizon du royaume, la distance n’est jamais déterminée. Le maître de la maison peut venir à la seconde ou à la troisième veille, Luc, xii, 38, « le soir, ou au milieu de la nuit, ou au chant du coq, ou le matin, » Marc, xiii, 35 ; on pourra même avoir l’impression que « le maître tarde à venir. » Matth., xxv, 48. L’hypothèse d’un délai assez prolongé n’est donc pas exclue : « l’homme noble », qui va prendre possession du royaume, est parti pour une région lointaine, Luc, xix, 12 ; le maître qui a confié des talents à ses serviteurs, né revient qu’après un laps de temps considérable, et les dépositaires ont tout le loisir de faire fructifier ces richesses, Matth., xxv, 19 ; l’époux tarde à venir an delà de toute prévision, et les vierges se laissent aller au sommeil. Matth., xxiv, 5. Cf. Luc, xxi, 34-36. Le levain a le temps de transformer toute la masse et le grain de sénevé de devenir un grand arbre ; ; l’ivraie croîtra et se développera à côté du froment jusqu’au temps de la moisson. Matth., xiii, 24-33 et parall. L’évangile devra d’abord être prêché à toutes les nations, Marc, xiii, 10, et Jésus assistera ses disciples jusqu’à la consommation du siècle. Matth., xxviii, 19-20.
Cette promesse du Christ nous aide à comprendre une autre série de logia. En raison de l’assistance de Jésus, on pourrait dire de son immanence dans le royaume, les progrès du royaume sont, en un certain sens, la manifestation de la présence de Jésus ; chaque étape décisive, par exemple, l’établissement du règne, la résurrection du Christ, la destruction de l’État juif, sera comme un nouvel avènement, une sorte de parousie. (Sur l’emploi de ce mot παρουσία a dans les papyrus, cf. Deissmann, Licht vom Osten, Tubingue, 1908, p. 268-273 ; il se dit surtout de la visite d’un souverain, ou de sa présence dans une ville ; il est très apparenté à ἐπιφάνεια « manifestation », et parfois « assistance divine »). C’est en ce sens qu’il faut interpréter, semble-t-il, les paroles suivantes, Matth., x, 23 : « Vous ne finirez pas les villes d’Israël, avant que vienne le Fils de l’homme » ; Matth., xvi, 27 : « Il y en a parmi ceux qui sont ici présents, qui ne goûteront pas la mort avant de voir le Fils de l’homme venant dans son royaume » (Marc, ix, 9, « avant qu’ils n’aient vu le règne de Dieu venu en puissance » ) ; Matth., xxvi, 63 et parall. : « Désormais vous verrez le Fils de l’homme assis à la droite de la puissance et venant sur les nuées du ciel. » Cf. Lagrange, loc. cit. — Le Fils de l’homme est corrélatif au royaume, il en partage les vicissitudes, et les phases successives par lesquelles se réalise le royaume, sont en un sens autant d’avènements de son chef. On peut donc dire que dans ces sortes de passages, il « s’agit seulement d’une action particulièrement puissante, par laquelle le Christ manifeste sa présence dans le royaume.
B) aspect intérieur et individuel du royaume.
1o Spiritualité.
En opposition avec l’attente générale des Juifs, le règne fondé par Jésus est purement moral. Tout y est spirituel, les conditions pour y entrer, son origine, son but, ses moyens d’action, et c’est là ce qui fait la valeur éternelle de l’enseignement de Jésus. — Aux Pharisiens qui se croyaient justifiés par des rites matériels, le Sauveur rappelle qu’il ne suffit pas de « nettoyer l’extérieur du plat, » mais qu’il faut avant tout purifier l’intérieur. Matth., xxiii, 25-26. Rien ne sert d’honorer Dieu des lèvres, lorsque le cœur est loin de lui. Matth. xv, 8. La moralité des actes provient de l’intention, Matth., vi, 22-23, et par suite on doit éviter non seulement les péchés extérieurs, mais encore ceux qui se commettent au plus intime de notre âme. Matth., v, 22-28. C’est donc une religion « en esprit et en vérité » que Jésus entend établir. — Aussi, pour entrer dans le royaume, faut-il se convertir στρέφειν, Matth., xviii, 3), et changer de sentiments (μετανοεῖν, Matth., iv, 17 ; xi, 20 ; Marc, i, 15 ; vi, 12 ; Luc, xiii, 3), être détaché des biens de la terre, Matth., v, 3 ; xix, 23-24, être pur de cœur, doux, miséricordieux, pacifique, Matth., v, 4-10, simple comme les petits enfants, Marc, x, 14-15, humble, Matth., xviii, 4 ; Luc, xviii, 14, patient et généreux, Matth., v, 39-44 ; Luc, vi, 27-30, en un mot, imiter dans la mesure du possible les perfections du Père céleste. Matth., v, 48. Il faut prendre sur soi le joug de la nouvelle loi, Matth., xi, 29, et substituer aux sentiments terrestres ceux que doit avoir un enfant de Dieu. — La paternité divine, voilà en effet la base nouvelle sur laquelle s’établit le règne, de Dieu dans les âmes. « Ne donnez à personne sur la terre le nom de père, car vous n’avez qu’un seul Père, celui qui est dans les cieux. » Matth, xxiii, 9. Dieu est encore roi des hommes, mais comme le père à la tête de sa famille, provoquant par sa bonté la soumission et la confiance la plus filiale. Luc, xi, 10-13. Rien ne caractérise mieux la nature de ce règne, que la prière sublime enseignée par Jésus : « Notre Père qui êtes au ciel…, que votre règne arrive », c’est-à-dire « que votre volonté soit faite sur la terre comme au ciel », Matth., vi, 10 ; Luc, xi, 2, omet la seconde demande, virtuellement contenue dans la première.
La haute spiritualité du royaume s’affirme encore dans la notion du salut, qui en est le fruit naturel. Le salut, dont Jésus est le messager, n’est pas la délivrance politique, si ardemment souhaitée par les Juifs : il faut rendre à César ce qui est à César. Matth., xxii, 21. Il y a une servitude autrement honteuse, c’est l’esclavage du péché, l’asservissement à Satan. Dès son entrée en scène, Jésus déclare qu’il est envoyé pour « porter la bonne nouvelle aux pauvres, annoncer aux captifs la délivrance, aux aveugles le retour à la lumière, pour rendre libres les opprimés, et publier l’année de grâce du Seigneur. » Luc, iv, 19. La mission de Jésus est spirituelle, et c’est dans un domaine de même nature qu’il faut chercher ses adversaires. Le royaume fondé par lui est l’antithèse du royaume de Satan : l’un doit s’édifier sur les ruines de l’autre. Luc, xi, 14-26. Les esprits mauvais savent que Jésus est venu pour les perdre. Luc, iv, 34. Aussi le diable met-il tout en œuvre pour entraver les progrès du règne ; n’ayant pas réussi dans sa tentative contre Jésus, il s’en prend aux disciples : c’est lui qui sème l’ivraie parmi le bon grain, Matth., xiii, 39, qui enlève la parole du royaume du cœur des hommes, Luc, viii, 12, qui pousse Judas à la trahison, Luc, xxii, 3, qui demande à faire passer les Apôtres au crible de la tentation. Luc, xxii, 31. — Le péché est donc, en un sens, l’œuvre de Satan, et en tout cas, il est le grand obstacle au royaume. Les fautes doivent être bannies du cœur des fidèles ; et si par malheur une brebis s’égare, quelle sollicitude pour la chercher, et quel bonheur quand elle est retrouvée ! « Je vous Je dis, il y aura plus de joie dans le ciel pour un seul pécheur, qui se repent, que pour quatre-vingtdix-neuf justes qui n’ont pas besoin de repentir. » Luc, xv, 4-7 ; cf. la parabole de l’enfant prodigue. Luc, xv, 11-32. De là, la touchante familiarité de Jésus avec les pécheurs, au grand scandale des pharisiens ; de là aussi, la nécessité du pardon mutuel, afin que le Père céleste nous remette nos propres offenses ; de là enfin, l’importance que Jésus allache à son pouvoir de remettre les péchés, Matth., ix, 1-8 ; Luc, vii, 48 ; cf. Matth., i, 21 ; pouvoir que les Juifs n’ont jamais osé attribuer au Messie. Cf. Dalman, Die Worte Jesu, p. 215. C’est ici pareillement que s’ouvre la perspective de la rédemption, Marc, x, 45, le Fils de l’homme « donnera sa vie pour le rachat d’un grand nombre, » et son sang sera « répandu pour plusieurs, » Marc, xiv, 24 ; et ainsi l’enseignement de Jésus rejoint le point culminant des promesses prophétiques.
Le régne de Dieu sur terre est donc pour l’individu le salut de l’âme, par le pardon des péchés et le triomphe de toutes les vertus dans son cœur. — Il conserve encore cet aspect éminemment spirituel dans son stade définitif. Au ciel, il ne peut plus être question de mariage, car on sera semblable aux purs esprits (ἰσάγγελοι), débarrassé des appétits sensuels et de tout penchant terrestre. Luc, xx, 36 et parall. Entrer dans le royaume céleste, c’est entrer dans la vie éternelle, Matth., xxv, 46 ; xix, 17 ; Marc, ix, 43, 45, dans la joie du Seigneur, Matth., xxv, 21, 23, dans le paradis avec Jésus et les anges. Luc, xxiii, 43 ; Matth., xviii ; 10. Les justes y resplendiront comme le soleil, Matth., xiii, 43, ils verront Dieu, Matth., v, 8, et prendront ainsi pour toujours possession de la Terre Promise. Matth., v, 4. — Sans doute, le ciel est parfois comparé à un festin où l’on s’assoit pour manger et boire, Luc, xxii, 30 ; Matth., viii, 11 ; xxii, 1-12 ; xxvi, 29, et Loisy d’insinuer, que « ce n’est point (là) pure métaphore. i Ev. Syn., t. i, p. 238. — Charles, À critical history of the doctrine of a Future Life, p. 340, répond avec beaucoup de justesse : « c La nourriture en question ne peut être terrestre et matérielle, car ceux qui la prennent sont assimilés aux anges… Le fait, que précisément ces phrases évangéliques (déclarant les élus pareils aux anges) se trouvent dans Hénoch, civ, 4, 6 ; H, 4, et dans l’Apoc. de Baruch, Li, 10, en des passages où la vie des bienheureux est conçue de la façon la plus spirituelle, montre avec clarté, que les expressions des Évangiles relatives à la nourriture, doivent être interprétées au sens figuré. » Cf. aussi Ascension d’Isaïe, IX, 9, trad. Tisserant, Paris, 1909, p. 175. C’est vraiment trop rabaisser Jésus que de le mettre au-dessous d’un certain rabbin, du début du in « siècle, .dont la baraïtha suivante nous a été conservée (Kailah rabbathi, c. 2 : « Dans le monde à venir, il n’y aura ni boire, ni manger, ni génération, ni reproduction, mais les saints seront assis portant une couronne sur leur tête et se délectant à l’éclat de la divinité, car il a été dit, Exod., xxiv, 11, ils virent Dieu, et ils mangèrent et burent » ( « comme les anges de service, » ajoute Abot/i de Rabbi Nathan, c. i). C’est dire que la vision de Dieu constitue le meilleur festin pour les élus et pour les anges. Cf. Klausner, Diemessianischen Vorstellungen im Zeitalter der Tannaiten, Berlin, 1904, p. 20-21.
2. Grâce librement acceptée par l’homme.
Par sa nature intime, le règne est un don divin, qui exige de la part de l’homme une généreuse coopération. — a) Le règne a été donné aux disciples, en vertu du bon plaisir de Dieu. Luc, xii, 32. C’est un nouvel ordre de choses, venant sur les hommes, ëipôaacv è<p’ûu, Sç, et ceux-ci ne font que le recevoir. Malth., xviii, 17, etc. Impossible de l’amener par la violence, comme les zéJotes croyaient pouvoir le faire : il arrive à l’heure marquée dans les desseins de Dieu. Cf. Act., i, 7. La connaissance des mystères du règne est un don, Matth., xiii, 11-16, le fruit d’une révélation bénévole du Père. Luc, x, 21. On entre dans le royaume à la suite d’un appel. Matth., xxii, 3-14. Luc, xiv, 16-24. Tyr et Sidon n’ont point reçu cette invitation, qui aurait assuré leur conversion. Matth., xi, 21. C’est gratuitement aussi que Dieu remet la dette immense, contractée à son égard par l’homme pécheur. Matth., xviii, 23-35.
b) Mais la grâce du règne ne s’impose pas, l’homme doit l’accepter librement et y coopérer avec générosité. Il doit même s’y prédisposer, pour qu’elle ne tombe pas, comme la semence, sur un chemin battu, où elle serait foulée aux pieds. Luc, viii, 5. On ne peut jeter des perles devant des animaux immondes, Matth., vii, 6, et le règne est bien une perle précieuse, un trésor, pour l’acquisition duquel il faut faire les plus grands sacrifices. Matth., xiii, 41-46. Tous ne seront pas aptes à recevoir cette grâce : il y aura des villes et des maisons qui en seront indignes. Marc, vi, ll.-Les hommes attachés aux biens de ce monde refuseront l’invitation et s’excluront ainsi du régne par le fait de leur mauvaise volonté. Luc, xiv, 17-24. C’est là le cas de Jérusalem, Luc, xiii, 34, et de la majeure partie des Juifs. Matth., xxi, 43.
c) Quand l’homme a reçu la grâce du règne, il doit encore faire effort pour la conserver. Il est nécessaire que le terrain soit débarrassé des pierres et des ronces, qui empêcheraient la semence de germer et de se développer, Luc, viii, 13-14 ; même dans les âmes bien préparées, le profit n’est pas égal. Marc, , iv, 20. Une énergie indomptable est requise, Matth., xi, 12 ; il faut sacrifier, sans hésiter, les affections terrestres, Luc, xiv, 26, se priver même des membres les plus nécessaires, quand ils seraient un obstacle au règne, Marc, ix, 43-47, et ne jamais regarder en arrière, nne fois qu’on a mis la main à la charrue. Luc, ix, 62. Les vertus qui ouvrent la porte du royaume, sont pareillement une condition de persévérance ; constamment il faut « chercher le règne et sa justice, » Matth., vi, 33, pratiquer le renoncement et porter avec courage sa croix. Luc, ix, 23 ; xiv, 27. C’est donc une vie d’efforts et de combats incessants qu’il s’agit de mener. Aussi, combien peu savent passer par la porte étroite et s’engager dans la voie resserrée, qui conduit à la vie ! Luc, vii, 14.
d) En effet, la grâce du règne contient virtuellement, et comme en germe, *le don de la vie éternelle. Elle est semblable à une mine ou à un talent que le bon serviteur fait fructifier : en échange, il aura la récompense finale. Matth., xxv, 21, 23 ; Luc, xix, 17, 19. Le travail latent qui s’opère sous l’influence de cette grâce, pareille au grain de blé confié à la terre, Marc, iv, 26-30, se termine tout naturellement par la moisson. Les bonnes œuvres sont la manifestation, et pour ainsi dire l’éclat extérieur, de cette élaboration intérieure ; « que votre lumière luise devant les hommes, et qu’ils voient vos bonnes œuvres, » Matth., v, 16 ; ce sont autant de trésors amassés au ciel. Matth., vi, 20, etc. — Le don du royaume céleste n’est donc que l’épanouissement suprême de la grâce initiale ; bien que ce royaume soit une récompense ([uaMç, Matth., v, 12 ; Luc, vi, 25) du travail de l’homme, particulièrement de sa charité, Malth., xxv, 31-46, il n’en reste pas moins une grâce, il a été « préparé » par Dieu dès l’origine du monde, Matth., xxv, 34 ; le rang respectif des élus est déterminé par le Père, Matth., XX, 23, qui entend disposer de ses biens comme bon lui semble, Matth., xx, 1-16, et de cette manière Dieu, en couronnant les mérites de l’homme, couronnera ses propres dons. — Le règne de Dieu, sous cet aspect intérieur et individuel, se constitue donc par la reconnaissance libre de la royauté du Père et l’accomplissement de tous les devoirs qui en découlent ; l’âme est ainsi établie, par la grâce divine, dans un état de justice, qui est le gage du salut éternel. Cf. Batiffol, L’enseignement de Jésus, p. 158-174.
C) aspect extérieur et social du royaume.
1° Universalisme.
Les conditions posées par Jésus pour l’admission dans le royaume, Matth., v-vii, faisaient abstraction des différences de race et de nationalité. Le royaume était donc accessible à toute l’humanité, sans autre obligation que celle d’observer la loi divine, amenée par le Christ à sa perfection. Par suite, la distinction entre juif et gentil se trouvait implicitement supprimée. — D’ailleurs, l’uni versalisme était la conclusion logique du monothéisme. Si un seul Dieu a droit aux hommages des peuples, il était naturel de. penser que tous les hommes pouvaient et devaient faire partie de son royaume. Cf. Rom., iii, 29-30 ; Eph., iv, 6. — Cependant les Juifs avaient des droits de primauté, que Jésus ne pouvait méconnaître : son ministère personnel se borne généralement aux brebis de la maison d’Israël, Matth., xv, 24 ; les Apôtres ne doivent point encore s’en aller sur les routes des Gen T tils’ni entrer dans les villes des Samaritains. Matth., x, 5. Mais ces restrictions ne sont que temporaires : son regard embrasse le monde entier, il voit des fils de l’Orient et de l’Occident venir prendre part au festin éternel, Matth., viii, 11, et le champ ensemencé par le Fils de l’homme est le monde entier. Matth., xiii, 3738. Lui-même ne s’interdit pas d’aller en Phénicie ou dans la Décapole. Marc, vii, 24-37. Bien plus, la nation juive sera exclue du royaume pour son obstination, Marc, xii, 9 ; Matth., xxi, 40 sq. ; Luc, xiv, 22-24 ; Jérusalem sera détruite, Luc, xxi, 20 et parall., et ia vigne sera confiée à d’autres ouvriers. Matth., xxi, 43.
— Enfin, l’ordre d’évangélisation donné aux Apôtres par le Christ ressuscité, est franchement. nniversaliste : « Allez donc, enseignez toutes les nations, » Matth., xxviii, 20, « prêchez l’Évangile à toute créature. » Marc, xvi, 15 ; ’cf. Luc, xxiv, 47 ; Marc, xiii, 9-10 ; xiv, 9. Et si l’on récuse l’authenticité de ces textes, il suffira de considérer les Apôtres parcourant le monde romain en se réclamant d’une mission reçue du Christ ; ce seul fait atteste, mieux que toutes les paroles, l’étendue du mandat qui leur fut confié par Jésus.
H. J. Holtzmann, Lehrbuch der neutestamentlichen Theologie', t. i, p. 232-233, avec un grand nombre de protestants, prétend que Puniversalisme ne se fit jour dans la prédication de Jésus, qu’ïu moment où la nation juive se détournait de Jui, et le forçait ainsi à élargir ses horizons. Loisv, Év. syn., t. i, p. 229-231, va plus loin : selon lui, le Christ « ne paraît pas s’être soucié de répandre cette espérance (du royaume) là où elle n’existait pas encore, c’est-à-dire chez les païens ; il s’adresse aux seuls Juifs, comme s’il n’était envoyé qu’à eux… l’évangélisation ultérieure du monde païen est une idée étrangère à là prédication de Jésus… Jésus ne songe pas à (le) convertir, » et à cela rien d’étonnant, puisque la fin devait venir avant même « qu’on eût seulement porté l’Évangile dans toutes les villes de Palestine. » Les textes qui affirment le contraire sont déclarés des retouches rédactionnelles, ou bien sont soumis à un traitement énergique qui leur enlève la signification qu’ils ne doivent point avoir.
Cependant, Jésus ne pouvait ignorer les passages prophétiques qui annonçaient l’universalité du salut. Déjà à Nazareth il prononce cette parole significative : « Aucun prophète n’est bien reçu dans sa patrie, » et il insinue qu’à l’exemple de la veuve de Sarepta et de Naamanle Syriennes étrangers pourraient bien, encore cette fois, être préférés aux Juifs. Luc, iv, 24-27. Le Dieu dont il proclame les droits, n’est pas Jéhovah qui a délivré Israël de la servitude égyptienne, mais le Père qui accorde ses bienfaits indistinctement à tous les hommes. Matth., v, 45. Enfin, la charte du royaume n’a aucune attache nationale, et par le fait était la loi de l’humanité entière. Cf. M. Meinertz, Jésus und die lieidenmission, Munster, 1908.
2° L’Église.
Le règne, c’est-à-dire la royauté en exercice, suppose tout naturellement un ensemble de sujets soumis à cette juridiction. La conception du royaume de Dieu comme société n’est pas absente de l’Ancien Testament et la littérature juive la connaît également ; le plus souvent elle est contenue de façon seulement implicite dans l’affirmation du règne de Dieu sur Israël, ou sur les hommes à l’époque messianique. Cf. Ps. Sal., xvii, 36, 40-44 ; Jub., i, 28 ; Sib., ii, 47-50, 767-783, etc. Au pasteur correspond le troupeau et il est intéressant de remarquer que c’est sous l’image de troupeau’que la société gouvernée par le Roi-Messie est parfois représentée (tto^viov, Ps. Sal., xvii, 40). — Il serait étonnant que sur les lèvres de Notre-Seigneur l’expression ^amldii toû ©eoy ne s’appliquât jamais à une société, alors surtout que son titre préféré « Fils de l’homme » paraît bien emprunté à un texte de Daniel, vii, 13-27, cf. ii, 37-45 où le prophète décrit l’avènement du royaume des Saints, après la chute des royaumes précédents. Nous voyons, en effet, que le royaume céleste constitue une société ; de même que le blé mûr, au temps de la moisson, est recueilli dans les greniers, ainsi en sera-t-il des élus, Matth., xiii, 30 ; ils forment l’assemblée des convives prenant part au festin éternel. Matth., viii, 11 ; Luc, xm, 28. Mais le royaume annoncé est un ; la continuité la plus parfaite règne entre ses différentes phases. Si donc dans son stade définitif il est une société, non seulement un règne, il est aisé de conclure que dans sa phase préparatoire il aura pareillement un aspect social. L’Église triomphante n’estque la suite de l’Église militante. Loisy, Évangile et Église, 1902, p. 111, a raison de dire, que « le royaume (prêché par Jésus) devait avoir forme de société. » Dans la pensée du critique, il ne s’agit sans doute que du royaume eschatologique. Cependant, si le royaume doit s’établir dès à présent, n’aura-t il plus forme de société ? et si l’Église est venue, alors que Jésus annonçait le royaume, ne sera-ce point parce qu’il y a entre les deux un lien organique, essentiel, parce que l’Église est elle-même, en un sens, le royaume annoncé ?
En effet, dans le royaume il y en a qui sont plus grands que d’autres, Matth., v, 19 ; xi, 11 ; l’ambition cependant devra en être bannie, l’humilité et la charité la plus cordiale devront régner entre les disciples. Luc, xii, 24-30. Le royaume est comparé à une salle de festin où viennent s’asseoir bons et mauvais, même ceux qui n’ont pas la robe nuptiale, Matth., xxii, 8-14, à un champ où croissent ensemble l’ivraie et le bon grain, Matth., xiii, 24-31, à un filet contenant de bons et de mauvais poissons. Matth., un, 47-51. En un mot, il y a un royaume où se trouvent des « scandales » et des hommes qui commettent l’iniquité. Matth., xiii, 41.
Il est difficile d’entendre tous ces textes d’Un royaume purement intérieur, puisqu’ils supposent que la royauté de Dieu ne sera pas reconnue par tous les sujets du royaume ; il est encore moins facile de les appliquer au royaume transcendant, qui ne pourra contenir aucun mélange. Ces images évoquent l’idée d’une société, groupant par des liens extérieurs des membres qui n’ont pas tous l’esprit propre de la société.
Le royaume-Église transparait dans la parabole du grain de sénevé, qui grandit insensiblement jusqu’à devenir un arbre immense, capable d’abriter les oiseaux du ciel. Matth., xiii, 31-33. — L’identification devient encore plus claire dans le fameux passage de Matth., xvi, 18-19, a…sur cette pierre je bâtirai mon Église… et je te donnerai les clefs du royaume des deux, et tout ce que tu lieras sur la terre, sera lié dans les cieux… » Dans la première partie, l’Église est comparée à une construction dont Pierre est le soutien inébranlable ; dans la seconde, la métaphore de l’édifice se continue, et Pierre en est constitué le majordome. Si donc dans le premier cas l’édifice est l’Église, Jl semble naturel qu’il le soit encore dans le second. Celte interprétation est confirmée par le pouvoir de lier et de délier, qui est évidemment le même que celui des clefs. Cf. Matth., xviii, 17-18. Il est hors de doute que le pouvoir unique, conféré à Pierre sous une triple image, doit s’exercer sur terre, dans une société organisée dont il est déclaré le chef. Cf. H. J. Holtzmann, Lehrbuch, i, p. 212, note 4 : « le contexte de xvi, 18 et 19, invite à identifier la pautXEÎa twv oùpavâv avec l’Inx^cia ».
Cependant, d’après M9<— BatifTol, L’Église naissante, 1909, p. 95 (cf. Enseignement de Jésus, p. 184), « la notion du royaume, telle qu’elle se dégage de l’Évangile, est distincte de la notion de l’Église. » La « figure des clefs peut être entendue dans ce sens que Pierre sera celui qui ouvre les portes du royaume à l’Église. La distinction du royaume et de l’Église s’affirme ici à nouveau » (ibid., p. 107). Cette exégèse ne nous semble pas épuiser le sens des textes. Les deux termes ne sont sans doute pas synonymes ; la notion du royaume est plus large que celle de l’Église, puisqu’elle s’applique aussi au règne immanent et au royaume transcendant, Mais cela n’empêche pas le royaume d’être pareillement l’assemblée des fidèles qui ont accueilli le message du Christ, et qui selon l’esprit de leur vocation doivent posséder et conserver le règne intérieur, seul gage du royaume céleste. « L’Église, en tant que société, est l’expression visible du royaume dans le monde. » Hastings, Dictionary of the Bible, t. ii, p. 854 b. — Bien
que L’identification du royaume avec l’Église soit surtout devenue classique depuis la controverse donatiste, elle n’était pas entièrement inconnue auparavant. Elle est déjà insinuée dans les passages qui appliquent à l’Église le parabole de l’ivraie et du bon grain : S. Calixte, d’après Philosophoumena, ix, 12, édit. Cruice, Paris, 1860, p. 444 ; S. Cyprien, Epistol., liv (al. li), t. iv, col. 344 ; S. Optât de Milève, De schismate Donatistarum, vu, 2, t. xi, col. 1085 ; S. Jérôme, In Matth., xiii, 37, t. xxvi, 261. — Cf. aussi Aphraate, Demonstr., xxi, 13, édit. Graffin, t. i, p. 966 ; surtout S. Augustin, De s. virginitate, xxiv, t. XL, col. 409, et S. Grégoire, Moral., xxxii, t. lxxvi, col. 695 ; Exposit. in I Beg., 1. 1, iii, t. lxxix, col. 76 ; Homil. inEv., 1. I, homil. xii, t. lxxvi, col. 1118.
On a pu remarquer que les principaux textes relatifs au royaume-Église sont puisés dans Matth., qui pour cette raison est souvent appelé l’Évangile de l’Église. Le caractère « ecclésiastique » du premier Évangile est franchement reconnu par la plupart des criïiques. i. Weiss, Die Predigt Jesu, p. 38, lui trouve un penchant décidé pour les théories catholiques. H. J. Holtzmann, Handcommentar zum Neuen Testament, Die Synoptiker, 190l, p. 259, reconnaît que « la conscience ecclésiastique, qui trouve son expression dans toute cette enclave (Matth., xvi, 18-19), est en principe déjà catholique, à cause de l’unification des concepts « Église * et « royaume des cieux t ; cf. Lehrbuch, t. i, p. 210-214. D’accord avec eux, Loisy, Évangiles synoptiques, t. i, p. 136-137, écrit : « Le premier évangile est, entre tous, un livre d’édification, l’on pourrait même dire d’organisation ecclésiastique… ; l’Église est pour (le rédacteur ) le royaume des cieux déjà réalisé. » — Ces aveux sont significatifs ; on ne fait donc pas difficulté de concéder que, d’après Matth., le Christ a parlé d’une Église visible, d’un organisme social destiné à durer, et que cette Église équivaut, dans sa pensée, au royaume des cieux. Pour se débarrasser de textes si gênants, on les met au compte du rédacteur. Le procédé est commode, mais il a le tort d’être la conséquence nécessaire d’un système préconçu, l’impossibilité que le Christ ait prévu et voulu fonder une Église.
II. le royaume dans SAlNr paul. — 1° Le royaume <le Dieu n’occupe plus dans l’enseignement de saint Paul le rang prépondérant qu’il avait dans les Synoptiques ; il disparait presque derrière les grandes thèses christologiques. L’Apôtre a même une tendance à identifier le royaume de Dieu avec celui du Christ, Eph., v, 5 ; Col., i, 13 ; Il Tim., lv. 1, 18 ; en effet le Christ et Dieu, c’est tout un. Philipp., ii, 6.
2° Pour saint Paul, le royaume est en un sens déjà présent, « car il faut que le Christ règne, jusqu’à ce qu’il ait mis tous les ennemis sous ses pieds. » I Cor., xv, 25. Ce régne s’étend, grâce à l’activité de l’Apôtre et de ses collaborateurs. Col., iv, 11. Le boire et le manger sont choses indifférentes par rapport au règne de Dieu ; il consiste dans l’obéissance au Christ, et ses fruits sont « la justice, la paix et la joie dans le Saint-Esprit. » Rom., xiv, 17-19. La préséance du règne dans les âmes se manifeste par des œuvres, non par des paroles. I Cor., iv, 20. — Cependant il n’est pas toujours conçu comme une réalité immanente ; il est aussi un royaume, dans lequel les fidèles, délivrés de la puissance des ténèbres, ont été transportés, Col., i, 13 ; c’est l’Eglise, dont le Christ est le chef, en vertu de sa mort rédemptrice et de sa résurrection. Col., i, 14-23 ; Act., xx, 28. Sur l’Église dans saint Paul, cf. Batiffol, L’Église naissante, p. 80-93, 115-125, 135-142. — Le règne du Christ se fonde par la défaite du règne des ténèbres, du règne de Satan, qui domine sur le monde par le péché. Col., ii, 13-15 ; Eph., vl, 12 ; II Cor., iv, 4 ; Gal., i, 4 ; Rom., v, 21.
3° Mais dans la pensée de saint Paul, le royaume est surtout eschatologique ; il ne se constituera définitivement qu’au ciel, quand le Christ aura remporté la vicr toire finale sur la puissance des ténèbres et remis le règne à Dieu, son Père. I Cor., xv, 24. C’est le royaume glorieux auquel Dieu nous convie, I Thess., ii, 12, où l’Apôtre lui-même compte être reçu, II Tim., iv, 18, où l’on n’arrive cependant qu’après avoir passé par le creuset des tribulations. II Thess., i, 4-5 ; Act., xiv, 22. Le corps de l’homme y entrera aussi ; mais il devra auparavant subir une complète transformation, car « la chair et le sang ne peuvent hériter le royaume de Dieu, ni la corruption, l’incorruptibilité. » I Cor., xv, 50."
4° Le royaume est une grâce offerte à tous les hommes ; l’universalisme de saint Paul n’est nié par personne. Toutefois, pour partager au ciel la royauté du Christ, I Tim., ii, 12, il faut mener une vie digne de Dieu qui nous a constitués ses fils adoptifs, les cohéritiers de Jésus. I Thess., ii, 12 ; Rom., viii, 16-17. Aussi les pécheurs n’auront-ils point part à cet héritage céleste. I Cor., vi, 9-10 ; Gal., v, 21 ; Eph., y, 5. — Sur l’eschatologie de saint Paul, cf. Prat, La théologie de S. Paul, Paris, 1908, p. 104-120.
m. le royaume dans saint jean. — 1° Apocalypse.
— Ce livre décrit la lutte du royaume du bien avec la puissance du mal et la victoire définitive du premier. Le royaume est donc surtout présenté sous un aspect eschatologique et social. Cependant l’aspect intérieur et individuel n’est pas négligé, on peut même dire que les préoccupations individualistes de l’auteur appa, raissent à chaque page. La menace du jugement et de la parousie n’est pour lui qu’un thème à instructions morales. Il exhorte à la foi en Jésus, ii, 3 ; iii, 8 ; xiv, 12, à la pratique des bonnes œuvres, surtout de la charité, ii, 2, 4, 19, etc., à l’observation des commandements, xiv, 12, en un mot à la persévérance chré.7 tienne, ii, 3, 4, 10 ; iii, 10-11 ; xiii, 10. Le fidèle doit répondre aux appels de Jésus, lui ouvrir la porte, et se préparer ainsi à prendre part au festin céleste iii, 20, aux noces de l’Agneau avec son Épouse, xix, 7-9 ; ceux qui auront gardé la continence, y jouiront de prérogatives spéciales, xiv, 1-5.
Mais les fidèles forment une société visible : on peut voir dans les « anges » auxquels sont adressées les sept épîtres, les évêques des communautés chrétiennes. Unis entre eux par une même foi au Christ, les chrétiens constituent le royaume de Dieu, en lutte constante avec le royaume de Satan, xii, 10^17, xiii, 7-18 ; xvii, 12-18 ; xix, 11-21 ; xx, 7-10. Dès ici-bas, la victoire est assurée aux disciples du Christ, car Jésus les a fait participer à sa royauté, i, 6, 9 ; v, 10, et ils régneront sur la terre, v, 10. La constance des martyrs manifeste la royauté de Dieu, xii, 10-11. Le triomphe du mal ne sera que momentané ; le jugement atteindra les méchants, le Christ « paîtra les nations avec une verge de fer, » xix, 15 ; xii, 5, il régnera d’abord avec les saints pendant mille ans, xx, 1-6, puis, après une dernière victoire, la royauté de Dieu et de son Christ sera définitivement reconnue, xi, 15, 17. — Plusieurs passages semblent supposer que la parousie est imminente, I, 7 ; iii, 3, 10, 11 ; iii, 11 ; xxii, 12. Mais rien ne s’oppose à ce qu’on interprète ces textes soit dans le sens de l’eschatologie individuelle, soit dans le sens d’une manifestation triomphante de la présence du Christ, C’est dans ce dernier sens qu’il convient aussi d’interpréter l’annonce du règne millénaire, xx, 1-6. Il faut se garder de prendre trop à la lettre les expressions d’un livre où tout est symbole.
Le règne de Dieu, dans l’Apocalypse, est universaliste, aussi bien que dans les autres écrits de saint Jean. L’a gneau a racheté par son sang des hommes de toute tribu, de toute langue, de tout peuple, v, 9. Au ciel se trouve une foule innombrable d’hommes de toute
nation, vii, 9 ; les pécheurs seuls en sont exclus, xxi, 8, 27 ; xxii, 15. Le peuple juif, par son rejet du Messie, est devenu une synagogue de Satan, ii, 9 ; iii, 9 ; la ville sainte a subi le châtiment de Sodome et de l’Egypte, xi, 8. — On rencontre sans doute, ça et là, des traits qui semblent assigner aux Juifs une place privilégiée dans la Jérusalem céleste. Mais des expressions semblables se trouvent dans les écrits prophétiques de l’Ancien Testament. On peut donc les considérer comme de simples réminiscences littéraires. D’ailleurs, l’esprit général du livre suffit amplement à laver l’auteur du reproche d’exclusivisme national.
2° Évangile et Épîtres. — L’expression « royaume de Dieu » ne se rencontre que dans l’entretien de Jésus avec Nicodème. (Joa., xviii, 36, il n’est pas question de royaume, mais de royauté. À la demande de Pilate : « Es-tu le roi des Juifs ? » Jésus répond qu’en réalité il possède la dignité royale, mais que cette royauté est transcendante par son origine et ses moyens ; elle ne s’affirme pas par le déploiement de forces armées, mais par le règne de la vérité surnaturelle. ) Cet entretien même nous permet de comprendre sous quel aspect l’Évangile de saint Jean et les Épîtres qui n’en sont que le prolongement, présentent l’idée du royaume. « En vérité je te dis qu’à moins de naître d’en haut, on ne peut pas voir le royaume de Dieu, etc. » Joa., iii, 3-17. Le royaume de Dieu est ici synonyme de vie éternelle, de salut ; c’est dire que l’auteur met surtout en relief le côté intérieur et individuel du royaume, et que chez lui la notion de la vie remplace l’idée du royaume.
Déjà dans les Synoptiques, le royaume de l’au-delà se traduit pour l’individu par la vie éternelle. Ici-bas le fidèle possède cette vie en germe : c’est une semence déposée dans son cœur, il doit en favoriser la croissance et débarasser le terrain de tous les obstacles, jusqu’à ce qu’elle s’épanouisse en fruits mûrs pour la moisson. Matth., xin ; Marc, iv, 26-29, — Dans saint Jean, cette notion se trouve à la base de tous les développements sur l’ordre surnaturel. Le Père a la vie en lui-même, et il a communiqué la vie à son Fils, v, 26. À son tour, le Fils est venu dans le monde, pour donner aux hommes la vie, et une vie abondante, x, 10, en leur donnant la faculté’<de devenir fils de Dieu, i, 1213 ; I Joa., iii, 1-2. Pour acquérir cette filiation, il faut une nouvelle naissance, dont le baptême par l’eau et l’esprit est le symbole efficace, iii, 5. L’homme reçoit ainsi comme une semence divine, I Joa., iii, 9, qui le fait passer de la mort spirituelle à la vie de la grâce, v, 24.
Cette vie, tout comme la grâce du royaume dans les Synoptiques, est un don gratuit de la part de Dieu, iv, 10 ; vi, 65 ; personne ne peut venir au Fils si le Père ne l’attire, vi, 44. Mais ce don laisse la liberté de l’homme entière ; le Verbe donne la faculté de devenir enfants de Dieu à ceux qui le reçoivent, i, 12. Si beaucoup ne l’ont pas connu, i, 10-11, c’est qu’ils n’ont pas voulu le recevoir ; ils ont fermé volontairement les yeux à la lumière, parce que leurs œuvres étaient mauvaises, iii, 19. Pour recevoir le Verbe, il faut être disposé à l’écouter, v, 24 ; viii, 43, 47, accueillir ses parolesd’un cœur docile, viii, 37 ; xviii, 37, croire en lui et en celui qui l’a envoyé, v, 24 ; viii, 24 ; xii, 36, 46, enfin, aimer Dieu et le prochain, xv, 9-25 ; I Joa., iv, 7-21. L’homme entre ainsi en union avec Dieu, I Joa., i, 3, 6, 7, et la grâce reçue devient une source d’eau jaillissant à la vie éternelle, iv, 14, à la condition toutefois qu’il conserve précieusement ce don. Car les rameaux de la vigne peuvent cesser de recevoir la sève, xv, 2, 6, on peut ne pas rester dans l’amour, xv, 9, 10. La vie se conserve par la fidélité à retenir les paroles du Fils, xv, 7 ; I Joa., ii, 5, 24, et par tous les moyens qui unissent l’intelligence et la volonté au
Christ, par la foi, l’observation des commandements, et en particulier l’exercice de la charité, xv, 11-17. Cette union se parfait par l’Eucharistie, où Jésus lui-même devient la nourriture et le breuvage des fidèles. La manducation de ce pain céleste est une condition de vie pour le présent, aussi bien qu’un gage de la vie éternelle, vi, 53-58. La vie future achève l’union commencée ici-bas, car nous serons semblables à Dieu et nous le verrons tel qu’il est. I Joa., iii, 2. — L’eschatologie individuelle occupe ainsi le premier plan. Cependant il est aussi question de la parousie, xiv, 2, 3 ; xxi, 22, 23 ; I Joa., ii, 28, sans détermination d’époque.
— La vie est offerte à tous les hommes, comme le royaume des Synoptiques. Sans doute, « le salut vient des Juifs, » iv, 22 ; mais la religion étant une adoration « en esprit et en vérité, » ni les Juifs ni les Samaritains ne pourront plus prétendre au privilège exclusif de posséder le vrai culte, IV, 21-23. En réalité, <r la vie était la lumière des hommes…, illuminant tout homme venant dans le monde », I, 4, 9. Jésus est l’Agneau qui efface le péché du monde entier, i, 29 ; xi, 51 ; I Joa., ii, 2, et quand il sera élevé de terre, il attirera tout à lui, iii, 17. Tous ceux qui croient en lui peuvent obtenir la vie éternelle, vi, 40.
Le royaume johannique se présente donc généralement comme immanent. Cependant l’Église n’est pas absente. Un lien étroit s’établira entre les croyants ; ils ont été retirés du monde et séparés de tous ceux qui les entourent, xv, 19 ; ils formeront une société entre eux et avec Dieu, I Joa., i, 3, 7, et la charité sera le trait d’union entre les disciples, xiii, 35. Cf. aussi, l’allégorie de la vigne, xv, 1-10. L’aspect extérieur de cette société apparaît dans la parabole du bon pasteur, x, 1-30 : le troupeau de Jésus-Christ est formé de tous ceux qui entendent sa voix ; il constitue un tout bien compact, distinct de tous les autres troupeaux ; ceux qui sont dehors, seront appelés, eux aussi, à en faire partie. — Cette société ne comprend pas seulement les prédestinés. Il est vrai que, dans la mesure où la persévérance dépendra de Jésus, aucun de ceux que le Père lui a confiés, ne se perdra, vi, 39 ; x, 28. Néanmoins, des sarments, jadis en communication de sève avec la vigne, pourront cesser de produire des fruits, et être retranchés, xv, 2, 6. Les apostats qui sortent de la société, lui ont appartenu au moins pendant un certain temps, bien qu’ils n’aient pas eu l’esprit qui doit en animer les membres, 1 Joa, , ii, 19, et l’insistance avec laquelle Jésus exhorte ses disciples à demeurer en sa charité, à conserver ses paroles, à observer ses commandements, montre bien que les membres de cette société pourront déchoir et perdre la vie de la grâce. D’ailleurs, Judas n’avait-il pas été donné à Jésus par le Père ? xvii, 12. — Mais le bon pasteur ne pourra rester toujours auprès de ses brebis ; et cependant les disciples devront être les témoins de Jésus, xv, 27, et subir une longue série de persécutions, xvi, 2-4. Jésus a pourvu à l’unité de son troupeau : il sera un, parce qu’il n’aura qu’un seul pasteur, x, 16. À Pierre est confiée la charge de paître les agneaux et les brebis de Jésus, xxi, 16-17 ; il remplacera, dans ses fonctions de pasteur, Jésus invisiblement présent, en marchant devant le troupeau qui le suit et en le défendant contre les loups ravisseurs. Cf. X, 4-14. — Union des fidèles par la foi et la charité, rites communs (baptême, eucharistie, rémission des péchés), autorité suprême de Pierre : tels sont les grands linéaments de l’Église, telle qu’elle se dessine dans l’évangile et les épîtres de saint Jean. « Jean… représente… l’Évangile de l’Église organisée en royaume de Dieu^ur la terre. » Loisy, Le quatrième évangile, p. 75.
1Y. LE ROYAUME BANS LES AUTRES ÉCRITS DU NOUVEAU
testament. — La notion du royaume ne se rencontre ici que rarement. « Dieu a choisi les pauvres selon le monde pour les rendre riches en foi et héritiers du royaume qu’il a promis à ceux qui l’aiment. » Jac, ii, 5. « Appliquez-vous à affermir votre vocation et votre élection… et ainsi l’entrée dans le royaume éternel de N.-S. et Sauveur J.-C. vous sera pleinement accordée. » II Pet., i, 11. « Puisque nous rentrons en possession d’un royaume qui ne sera point ébranlé, retenons fermement la grâce. » Heb., xii, 28. Comme on le voit, il s’agit, dans tous ces textes, du royaume céleste. Cf. encore Heb., i, 8.
Conclusion. — S’il fallait maintenant comprendre sous une formule globale les significations diverses de l’expression βασιλεία τοῦ Θεοῦ, nous la définirions : l’actualisation de la royauté éternelle de Dieu, dans les âmes par la libre soumission à la loi du Dieu créateur et sauveur, dans le monde par l’établissement et le développement progressif de la société des fidèles (Église), dans l’au-delà par l’union définitive des élus avec Dieu (vie éternelle) et leur incorporation dans l’Église triomphante.
IV. Bibliographie.
La question du royaume de Dieu est traitée, plus ou moins longuement, dans toutes les Vies de Jésus, les commentaires, les Théologies de l’Ancien ou du Nouveau Testament, ainsi que dans les différents dictionnaires bibliques. Nous nous contenterons d’ajouter aux ouvrages ou articles, mentionnés au cours de ce travail, les publications qui se rapportent plus directement à notre sujet. — E. Fleck, De regno divino, Leipzig, 1829 ; *F. Crusius, De notione τῆς βασιλείας τοῦ Θεοῦ in N. T. obvia, 1844 ; "Wittichen, Die Idee des Reiches Grottes, Gœttingue, 1872 ; *Lindenmeyer, Das göttliche Reich als Weltreich, nach der hl. Schrift, Gütersloh, 1876 ; * E. Schürer, Der Begrift des Himmelreiches aus jüdischen Quellen erlüutert, dans Jahrbücher fur protestantische Theologie, 1876, p. 166-187 ; *J. S. Candlish, The Kingdom of God, Edimbourg, 1884 ; *A. B. Bruce, The Kingdom of God, Edimbourg, 1890 ; *Schmoller, Die Lehre vom Reiche Gottes im N. T., Leyde, 1891 ; *Bousset, Jesu Predigt in ihrem Gegensatz zuni Judentum, Gœttingue, 1892 ; *Issel, Die Lehre vom Reiche Gottes im N. T., Leyde, 2e édit., 1895 ; *G. Schnedermann, Die Vorstellurtg vom Königreich Gottes, Leipzig, 1893-1896 ; L. Paul, Die Vorstellungen vom Messias und vom Goitesreich bei den Synoptikem, Bonn, 1895 ; *Titius, Jesu Lehre vom Reiche Gottes, Leipzig, 1895 ; *Lütgert, Das Reich Gottes nach den synoptischen Evangelien, Gütersloh, 1895 ; *F. Krop, La pensée de Jésus sur le royaume de Dieu, Paris, 1897 ; J. Schäfer, Das Reich Gottes im Licht der Parabeln des Herm, Mayence, 1897 ; V. Rose, Études sur les Évangiles, Paris, 1902, c. iii, Le Royaume de Dieu ; *J.Böhmer, Der alttestamentliche Unterbau des Reiches Gottes, Leipzig, 1902 ; ld., Reichsgottesspuren in der Völkerwelt, Gütersloh, 1906 ; *P. Wernle, Die Reichsgotleshoffnung in den ältesten christlichen Dokumenten und bei Jesus, Tubingue, 1903 ; Bartmann, Das Hinimelreich und sein König nach den Synoptikern, Paderborn, 1904 ;
- W. Wrede, Vorträge und Studien, Tubingue, 1907,
c. iv, Die Predïgt Jesu vom Reiche Gottes.
ROYAUMONT (BIBLE DE). On connaissons ce nom l’Histoire du Vieux et du Nouveau Testament, in-f°, Paris, 1670, qui a été si populaire en France et a eu d’inombrables éditions. Voir Fontaine 2, t. ii, col. 2306.
RUBEN (hébreu : Re’ûbên; Septante : Ῥουβήν, nom d’un patriarche et d’une tribu d’Israël.
1. RUBEN, l’aîné des fils de Jacob, le premier que lui donna Lia. Gen., xxix, 32. Le nom hébreu, ראיּבֵן, Ré’ûbên, signifie proprement : « Voyez, un fils. » C’est sans doute le cri de joie que poussa sa mère en le mettant au monde. L’Écriture cependant y ajoute celui de la reconnaissance envers le Seigneur, et fait dire à Lia : Râ’âh Yehôvâh be’onyi, « Jéhova a vu mon affliction. » Le mot Re’ûbên ne serait-il point plutôt sorti de cette exclamation : רָאָה בְּעָנְיִי, Râ’âh be‘onyi, contractée en Râ’ù be‘ên ? Quelques-uns le pensent ; mais ce n’est guère probable. En dehors de l’étymologie que fournit la forme actuelle du nom, on n’aboutit qu’à des conjectures plus ou moins hasardées. Josèphe, Ant. jud., i, xix, 8, etc., appelle le patriarche Ῥουβηλος ; les versions syriaque, arabe, éthiopienne donnent de même : Rûbîl. Partant de là, on a tenté diverses explications. Pour les uns, Roubel viendrait de l’hébreu : רָאוּי בֵאֵל, Ra’ûi be’El, qui serait l’équivalent de ἔλεον τοῦ Θεοῦ, [objet de la] « miséricorde de Dieu », étymologie donnée par Josèphe, loc. cit., et conforme à la parole de Lia. Cf. J. Fürst, Hebräisches und chaldäisches Handwörterbuch, Leipzig, 1876, t. ii, p. 344. A. Dillmann, Genesis, Leipzig, 1892, préfère cette lecture et la rapproche de l’arabe ri’bâl, « lion » ou « loup. » Inutile d’aller, avec C. J. Bail, The Book of Genesis, dans la Bible polychrome de Paul Haupt, Leipzig, 1896, p. 83, jusqu’à l’égyptien Ra-uban ou l’arabe ra’ûb, aussi bien que de faire appel à l’araméen רבאל, Rabel, dont la formation n’est pas la même. Mieux vaut accepter l’origine toute simple du nom que de chercher si loin. Quant à la vraie forme du mot, il est permis de donner la préférence au texte hébreu. On invoque, il est vrai, le changement de Béthel en Beîtîn, de Jezraël en Zer’în ; mais la permutation entre n et l rend aussi plausible le passage de Re’ûbên à Roubel. — L’Écriture nous représente Ruben comme une nature ardente, passionnée, mais généreuse. Il commit un crime en souillant la couche de son père. Gen., xxxv, 22. Mais c’est à lui que Joseph dut d’échapper à la mort. Pour l’arracher aux mains de ses frères, qui voulaient le tuer, il conseilla de le jeter dans une vieille citerne sans eau, ayant l’intention de l’en retirer après et de le rendre à son père. Gen., xxxvii, 21-22. Son désespoir en ne retrouvant plus l’enfant montre à quel point il partageait son infortune et la désolation que sa perte causerait au malheureux Jacob. Gen., xxxvii, 29-30. C’est avec raison que, plus tard, en Egypte, il rappelait à ses frères et ses conseils et leur indigne conduite. Gen., xlii, 22. Sa générosité éclate encore lorsque, sur le point d’emmener Benjamin réclamé par Joseph, il offre ses propres fils en gage pour lui. Gen., xlii, 37. Ruben eut quatre fils: Hénoch, Phallu, Hesron et Charmi. Gen., xlvi, 9 ; I Par., v, 3. Au lieu de la bénédiction de son père, c’est la punition de sa faute qu’il reçut, en perdant la prééminence que lui assurait son titre d’aîné. Gen., xlix, 3-4. Voir, pour l’explication de ce passage et pour les autres endroits où se trouve le nom, ce qui est dit de la tribu, Ruben 2.
2. RUBEN, une des douze tribus d’Israël.
I. Géographie. — La tribu de Ruben occupait « au delà », c’est-à-dire à l’est « du Jourdain », Num., xxxii, 32 ; Jos., xiii, 8, le territoire situé à l’extrémité méridionale des possessions israélites de ce côté. Elle avait partagé avec Gad le royaume de Séhon, roi des Amorrhéens. Num., xxxii, 33; Jos., xiii, 8-10, 21. Voir la carte, fig. 266.
I. limites. — Ses limites sont décrites Jos., xiii, 15-23. Elles s’étendaient depuis Aroër (’Ara’îr), sur le bord du torrent d’Arnon, au sud, jusqu’à Hésébon (Hesbân) au nord. Il est probable, en effet, qu’au lieu de lire, ꝟ. 16-17, avec la Vulgate : « Toute la plaine qui conduit à Médaba et Hésébon… » (hébreu : vekol-ham-mîšôr ’al Mêdbâ’ Ḥéšbôn…), il vaut mieux traduire,
d’après les Septante : xa itâirav rr|V Miuwp ewc’Eoeëtiv, « tout le.Misor jusqu’à (iy, ’ad, à la place de Sy, ’al),
Hësébon ». Hésébon marque donc un point de la frontière septentrionale. Nous en trouvons un autre dans îîethjésimoth (Khirbet Suéiméh), compté parmi les villes de la tribu, Jos., xiii, 20, et situe dans la vallée du Jourdain, à peu de distance de l’extrémité nord-est de la mer Morte. Éléalé (el-’Al), appartenait aussi aux Rubénites. Num., xxxii, 37. Il y a cependant une certaine indécision (voir Gad 4, t. iii, col. 27), de ce côté des limites, d’autant plus que l’identification de Méphaath avec Neifa, si elle est certaine, nous oblige à remonter les jalons un peu vers le nord. À l’ouest, la mer Morte et une petite partie du Jourdain constituaient une borne naturelle. Deut., iii, 17 ; Jos., xiii, 23. À l’est, le territoire confinait au désert, et sa ligne de démarcation peut être placée à la *, route des Pèlerins ».
II. villes principales. — Les villes attribuées à Ruben par Josué, xiii, 16-20, sont les suivantes :
1. Aroër (hébreu : ’Arô’êr ; Septante : ’Apo^p), aujourd’hui’Ar’âîr, sur le bord de Youadi Môdjib, l’ancien Arnon. Voir Aroër 1, t. i, col. 1023.
2. Médaba (hébreu : Mêdbâ’; Septante : omis, Jos., xm, 16 ; MotcSaêâ, Jos., xiii, 9), se retrouve avec le même nom dans Mâdeba ou Mâdaba, à vingt-sept kilomètres au nord de la vallée de l’Arnon. Voir t. iv, col. 902.
3. Hésébon (hébreu : flésbôn ; Septante : ’E<yeëwv), actuellement Bîesbân, au nord de Mâdaba. Voir t. iii, col. 657.
4. Dibon (hébreu : Dîbôn ; Septante : Aatgwv) = Dhibân, non loin d"Ar’dir. Voir t. ii, col. 1410.
5. Baniothbaal (hébreu : Bâniôf Ba’al ; Septante : Batfitiv BaâX), peut-être El-Maslûbîyéh, à l’ouest de Mâdaba. Voir 1. 1, col. 1428.
6. Baalmaon (hébreu : Ba’al Me’on ; Septante : Codex Vaticanus : Mee).g(o6 ; Codex Alexandrinus : BeXainov), généralement reconnue dans Ma’în, au sud-ouest de Mâdaba. Voir 1. 1, col. 1340.
7. Jasa (hébreu : Yahsâh ; Septante : Vaticanus : Batriv ; Alexandrinus : ’Iaa.oi), dont l’emplacement exact n’est pas connu. Voir t. iii, col. 1138.
8. Cadémoth (hébreu : Qedêmô{ ; Septante : Vaticanus : Bax£8|i(48 ; Alexandrinus : KeSthmûÔ), inconnue. Voir t. ii, col. 12.
9. Méphaath (hébreu : Mêfa’af ; Septante : Vaticanus : Matifâa8 ; Alexandrinus : Mv^âoiô), a été identifiée avec Neifa, à neuf kilomètres au sud de’Amman. Voir t. iv, col. 978.
10. Cariathaïm (hébreu : Qiryâ(aim ; Septante : Kapia6aî[i), = Qureiyat, au sud du Djebel Attarus. Voir t. ii, col. 270.
11. Sabama (hébreu : èibmâh ; Septante : Se6a(tâ), serait, suivant les uns, Sumia, au nord-ouest d’Hesbân ; suivant les autres, Sckânab, plus au nord.
12. Sarathasar (hébreu’: $ére’( haS-Sahar ; Septante : Vaticanus : EepaSa ; Alexandrinus : Sap9), se retrouve dans Sâra, près de l’embouchure de Youadi Zerqâ Ma’în ; c’est l’ancienne Callirrhoé.
13. Bethphogor (hébreu : Bê( Pe’ôr ; Septante : BaiSço-fwp), devait être entre le Nébo et la vallée du Jourdain. Voir t.i, col. 1710.
14. Asédoth-Phasga (hébreu : ’ASdàf hap-Pisgâh ; Septante : 'AuoSwO 3>ao7â), territoire situé dans le voisinage du mont Nébo. Voir t. i, col. 1076.
15. Bethjésimoth (hébreu : Bêt hay-¥esîmô( ; Septante : Vaticanus : Baiflfla<retv<16 ; Alexandrinus : Br)<it[jioû6) = Sûeirnéh, dans la vallée du Jourdain, près de la mer Morte. Voir 1. 1, col. 1686.
A cette liste il faut ajouter d’autres noms signalés dans divers endroits de l’Écriture et qui rentrent dans les possessions rubénites Atarolh, Num., xxxii,
3, 34 =’Attdrûs, au sud du Zerqa Ma’în, t. i, col. 1203 ; BeerÉlîm, Is., xv, 8, t. i, col. 1046 ; Beon Num., xxxii, 3, t. i, col. 1604 ; Bethgamul.Jer., xlviii, 23 = Djémaïl, à l’est de Dhibân, 1. 1, col. 1685 ; Bosor ou Bosra, Jos., xx, 8 ; Jer., xlviii, 24, identifiée par plusieurs avec Qasr el-Bescheir, au sud-ouest de Dhibân, et dont le nom, suivant d’autres, serait rappelé par Barzâ, au nord-ouest de la même ville, t. i, col. 1856 ; Carioth, Jer., xlviii, 24, 41, peut-être Qereiyet Fâléh, au nord-ouest de Djémaïl, t. ii, col. 283 ; Déblathaîm, Jer., xlviii, 22, dont le nom a peut-être laissé un reste dans celui de et-Teîm, au sud de Mâdaba, t. ii, col. 1330 ; Hélon, Jer., xlviii, 21, probablement el-Lehûn, à l’est d"Ar’aîr, t.- iii, col. 586 ; Mennith, Jud., xi, 33, probablement Khirbet Beddih, au nord de Hesbân, t. iv, col. 970. Nebo, Num., xxxii, 3, ou Nabo, Num., xxxii, 38, sans doute sur la montagne du même nom, t. iv, col. 1540, ; Nophe, Num., xxi, 30, t. iv, col. 1698 ; Oronaïm, Is., xv, 5 ; Jer., xlviii, 3, t. iv, col. 1895.
/II. description. — La tribu de Ruben se trouvait ainsi enclavée entre le’territoire proprement dit de Moab au sud, celui de Gad au nord, la mer Morte et le Jourdain à l’ouest, et le désert syrien à l’est. N’occupant qu’une toute petite bande de la vallée du Jourdain, elle comprenait le plateau moabite situé au nord de l’Arnon et la région accidentée qui s’étend sur les bords de la mer Morte. Le plateau est une bande de terre dont l’attitude moyenne est de 7 à 800 mètres ; le sol ondulé est parsemé çà et là de collines généralement en forme de mamelons. Il est sillonné par une multitude d’ouadis qui se ramifient au Zerqâ Ma’în ou au Modjib. La lisière qui borde la mer Morte est en général d’une altitude inférieure à celle du plateau, bien que, vue de l’occident, elle ait l’aspect d’une montagne. Les nombreux torrents qui la découpent en ont fait une succession de collines tourmentées, séparées par des ravins et des gouffres. Voir Abarim, t. i, col. 16 ; Nébo (Mont), t. iv, col. 1544. La plaine inférieure, au nord de la mer Morte, est une profonde dépression, dont le sol est généralement très fertile. Pour les détails de topographie physique, de climat, productions, etc., voir Moab 2, t. iv, col. 1143-1157.
II. Histoire. — Au moment où Jacob descendait en Egypte, les quatre fils de Ruben, c’est-à-dire Hénoch, Phallu, Hesron et Charmi, formaient le noyau de la tribu, Gen, , xlvi, 9 ; Exod., vi, 14. Lors du premier recensement fait au Sinaï, elle avait pour chef Elisur, fils de Sédéur. Num., i, 5 ; ii, 10 ; x, 18, et elle comptait 46500 hommes en état de porter les armes. Num., i, 21. Elle avait sa place au sud du tabernacle avec Siméon, né de Lia comme Ruben, et Gad, leur demifrère, né de Zelpha, la servante de leur mère. Num., ir, 10. Elle offrit à l’autel, par les mains de son prince, les mêmes dons que les autres tribus, d’après l’ordre prescrit pour les marches et les campements. Num., vii, 30. Elle fut représentée parmi les explorateurs du pays de Chanaan par Sammua, fils de Zéchur. Num., xiii, 5. Au second dénombrement, dans les plaines de Moab, elle ne comptait plus que 43 730 guerriers, soit une perte de 2770. Num., xxvi, 5-7. Il est probable qu’un grand nombre de Rubénites avaient pris part à la révolte de Coré, Dathan et Abiron. Num., xvi, 1 ; xxvi, 8-11. Après la conquête du territoire situé à l’est du Jourdain, la tribu de Ruben s’unit à celle de Gad pour réclamer une part du pays. Devant les représentations de Moïse, toutes deux promirent de marcher en tête des autres dans les combats qui devaient assurer aux Hébreux la possession de la région occidentale. Nuni., xxxii, 1-32. Une fois installés, les Rubénites commencèrent par rebâtir certaines villes importantes, comme Hésébon, Éléalé, Cariathaïm, Nabo, Baalméon et Sabama. Num., xxxii, 37. Dans la scène imposante de la Dictionnaire de la Bible
LetrozeyetMé-Pqris
[Carte à insérer]
TRIBU DE RUBEN
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Échelle
vallée de Sichem, ils se trouvèrent sur le montHébal, pour les malédictions, à côté de Cad, Aser, Zabulon, Dan et Nephthali. Deut., xxvii, 13. Ils avaient, en effet, accompli leur promesse et aidé leurs frères à la conquête de Chanaan, Jos., iv, 12, et leurs possessions au delà du Jourdain furent confirmées, Jos., xiii, 15-23 ; xviii, 7. Ruben fournit comme villes lévitiques : Bosor, Jos., xxi, 36 ; I Par., vt, 78 ; Jaser^ Jos., xa, 36 (Jasa, I Par., vi, 78) ; Gadémoth, I Par., vi, 79 (Jethson, Jos., xxi, 36) ; Mephaath, Jos., xxi, 36 ; I Par., vi, 79. Licenciés avec honneur par Josué et arrivés sur la rive droite du Jourdain, les guerriers de la tribu, avec ceux de Gad et de Manassé oriental, érigèrent un autel d’une grandeur considérable, ce qui causa parmi les autres tribus une vive surexcitation. L’incident eut une conclusion pacifique. Jos., xxii, 1-34. Pour cet événement et les précédents, qui furent communs à Ruben et à Gad, voir Gad 4, Histoire, t. iii, col. 30. — D’après le cantique de Débora, Jud., v, 15-16, il semble que les Rubénites ne furent généreux, du temps de Barac, que dans leurs délibérations pour secourir leurs frères, sans passer à l’action. Voir plus bas, Caractère. — Ils fournirent un contingent de guerriers pour l’élection royale de David à Hébron. I Par., xii, 37. — Vers la fin du règne de Jéhu, la tribu succomba, comme les autres situées à l’est du Jourdain, sous une invasion victorieuse d’Hazaë 1., roi de Syrie. IV Reg., x, 32, 33. Elle prit part avec elles à une.expédition contre les Agaréniens, I Par., v, 18, 19, et avec elles fut emmenée en captivité par les Assyriens. I Par., v, 26. — Dans le nouveau partage de la Terre Sainte, Ézéchiel, XLvm, 6-7, place Ruben au nord, entre Éphraïmet Juda. Dans sa reconstitution idéale de la cité sainte, xlviii, 31, il met au nord » la porte de Ruben », avec celles de Juda et de Lévi. Enlin saint Jean, dans l’Apocalypse, vii, 5, cite Ruben entre Juda et Gad.
III. Caractère. — Le droit d’aînesse conférait au patriarche, père de la tribu, des privilèges qu’il perdit par le crime dont il se souilla. Cette déchéance retomba sur ses descendants. Voici, d’après l’hébreu, ce que Jacob dit de Ruben, Gen., xlix, 3-4 :
Ruben, tu es mon premier-né,
Ma force et les prémrees de ma vigueur,
Éminent en dignité, éminent en pouvoir ;
Bouillant comme l’eau, tu n’auras pas la prééminence,
Car tu es monté sur la couche de ton père,
Alors tu as profané le lit sur lequel tu es monté.
Ainsi Ruben, par la faute dont il se rendit coupable, fut privé de la principauté, de la dignité messianique, du sacerdoce et du double héritage, qui étaient l’apanage de l’aîné ; cet apanage fut partagé entre Juda, Lévi et Joseph. Cf. Gen., xlix, 10, 25-26 ; I Par., v, 1-2. Dathan et Abiron, qui étaient ses descendants, cherchèrent en vain à faire prévaloir ses droits. Num., xvi, 1. La tribu fut sans importance parmi les autres. C’est le même écho que nous recueillons sur les lèvres de Moïse, Deut., xxxiii, 6 :
Que Ruben vive, et qu’il ne meure pas ; Et que ses hommes soient en petit nombre.
La famille du premier-né de Jacob, reléguée-^aux confins des possessions israélites, vécut sans gloire, sans pouvoir compter parmi ses enfants un juge, un prophète ou un héros. Il y eut pourtant chez elle, comme chez le patriarche qui aurait voulu être le sauveur de Joseph, des sentiments généreux, au moins des velléités d’énergie, mais qui n’allèrent pas jusqu’à la réalité du dévouement. C’est ce que "laisse supposer le cantique de Débora, Jud., v, 15M6 :
Sur les rivéâ de Ruben,
Grandes sont les anxiétés de l’esprit.
Pourquoi es-tu demeuré entre les parcs
Pour entendre jouer de la flûte parmi les troupeaux ?
On entrevoit ici les délibérations des Rubénites au moment de la guerre contre Sisara ; mais les douceurs de l’oisiveté au milieu de leurs troupeaux l’emportèrent sur le désir de secourir leurs frères. Ce ne furent cependant pas les qualités guerrières qui leur manquèrent. Comme les autres tribus transjordaniennes, ils marchèrent vaillamment à la tête du peuple pour la conquête de Chanaan, et ils avaient une valeur militaire reconnue. I Par., v, 18. Placés aux avant-postes du territoire israélite, ils eurent à batailler, d’un côté, contre les Bédouins pillards du désert, de l’autre, contre les Moabites. Ils ne surent pas toujours se défendre contre ceux-ci, qui occupèrent plusieurs de leurs villes, comme nous le voyons d’après la stèle de Mésa. Voir Mésa 3, t. iv, col. 1014. Chose singulière, ce dernier monument parle de Gad, mais ne fait aucune mention de Ruben, ce qui confirme le peu de place que tenait cette tribu, qu’on dirait presque englobée dans sa voisine. En dehors de la faute originelle qui pesait sur elle, et d’un certain manque de décision, on pourrait peut-être aussi attribuer sa faiblesse
à son isolement.- RUBÉNITE##
RUBÉNITE (hébreu : Re’ûbêni ; Septante : ô’Pou6r|v ; Vulgate : Rubenita, Rubénites), descendant de Ruben. Jos., i, 12 ; xii, 6 ; xiii, 23 ; xxii, 1 ; I Par-, xi, 42 ; xxvi, 32 ; xxvii, 16. Dans tous ces passages, il est question de la tribu de Ruben, en général, excepté I Par., xi, 42, où est mentionné « Adina, fils de Siza, le Rubénite ».
- RUBIS##
RUBIS (hébreu : kadkôd ; quelques manuscrits : karkôdou karkôr ; Septante : x^PX°5 etxpûaraV/.o ; ; Vulgate : chodchod eijaspis), pierre précieuse. — Le rubis oriental est un corindon (alumine cristallisée) (fig. 267)
26V- — Corindon (alumine cristallisée).
d’un beau rouge qui, par sa pesanteur spécifique 4, 283, son éclat et son velouté, est supérieur aux autres pierres précieuses et ne le cède qu’au diamant. Les plus beaux rubis viennent de l’Ile deCeylan, de l’Inde, de la Chine. Cette pierre est extrêmement dure et très difficile à tailler et à graver. Il est un autre rubis (aluminate de magnésie), fig. 268, qui va du rouge ponceau, comme le rubis spinelle, au rouge lie de vin comme le rubis balais. La densité est moindre, 3, 7. Il est plus facile à tailler et à graver. F. Leteur, Traité élémentaire de minéralogie pratique, in-4o, Paris, p. 97-98 ; Ch. Barbot et Baye, Guide pratique du joaillier, in-12, s. d., p. 306.
— Plusieurs exégètes ont identifié la pierre précieuse appelée TjSi, nôfêk, qu’on apportait sur les marchés de Tyr, Ezech., xxvii, 16, et qui figure parmi les pierres du rational, Exod., xxviii, 18, avec le rubis. J. Braun, Veslitus sacerdotum hebrœorum, in-8o, Leyde, 1680, p. 660-669. La traduction des Septante, ôtvGpai ; , et celle, de la Vulgate, carbunculus, désignent sans douté une pierre d’un rouge brillant, comme un charbon ardent. Mais l’avdpaî ou carbunculus, l’escarboucle des anciens, comme on peut le voir par les descriptions de Théophraste, De lapid., 18, et de Pline, H. Pf., xxxvii, 25, comprend plusieurs espèces de pierres rouges et s’ap
plique aussi bien au grenat syrien qu’au rubis oriental. D’autre part le rubis oriental n’aurait pu être taillé et gravé par les Hébreux pour entrer dans l’ornementation du pectoral. Aussi est-il plus probable que nôfék, av8pa£, carbunculus, escarboucle des anciens, le carbvnculus garamanticus de Pline, est un grenat syrien. Voir t. ii, col. 1907 t. v, col. 426. Les grenats sont des silicates moins difficiles à graver.
Quant au rubis spinelle ou balais, il pourrait être désigné par un nom hébreu, tins, kadkôd, qui se présente deux fois dans les textes. Une première fois, dans Is., liv, 12, où il s’agit de la Jérusalem nouvelle qui doit être splendidement rebâtie. Après avoir montré que les pierres qui formeront les assises de l'édifice nouveau seront des ôtv8poxa, des escarboucles (les Septante ont lu-pj, nôfék, qui se comprend mieux ici que "ps, pûk, antimoine) sur des fondements de saphir, il ajoute :
Je te ferai des créneaux de kadkôd,
Des portes de cristal,
Et toute ton enceinte de pierres précieuses.
DansÉzéchiel, xxvii, 16, le mot seprésentede nouveau, dans la description du commerce de Tyr. « Aram payait tes marchandises avec des escarboucles, de la pourpre, des broderies, du fin liii, du corail et du kadkôd. » L'étymologie ("03, kddad,
— T « briller, scintiller » ) et le contexte n’offrent pas grand secours pour déterminer la nature de cette pierre précieuse. Aussi saint Jérôme, dans son Commentaire sur Ézéchiel (t. xxv, col. 255) à la question « Que signifie chodchod ? » répond : « Jusqu’ici je n’ai pu le découvrir. » J. D. Michaëlis, Supplemenla ad lexica hebraica, in-8°, Gœltingue, 1792, t. ii, col. 1213, après avoir exposé les divers sentiments des critiques, finit par avouer la même impuissance.
Mais ne faudrait-il pas lire "n~a, karkôd, comme le portent plusieurs manuscrits hébreux, et comme lisait Symmaqùe ? Karkôd rappelle Kap~/r)àwv, un carbunculus. On lit dans la traduction arabe du Pseudo-Aristole, « le kerkend ressemble à l’yaqout rouge, mais il ne soutient pas comme lui l’action du feu. » Clément Mullet, Essai sur la minéralogie arabe, in-8°, Paris, 1868, p. 54. Or le kerkend rappelle le nom spécifique du carbunculus carchedonius, et le karkôd hébreu. Cette pierre qui ressemble au yaqout rouge ou rubis oriental, mais est moins résistante à l’action du feu, serait le rubis tendre dont parle Chardin. Voyage en Perse, in-8°, Amsterdam, t. iv, p. 70, c’est-à-dire le rubis spinelle ou le rubis balais. Le rubis spinelle, qui se prête très bien à la taille et à la gravure, qui est d’un rouge vif, pourrait donc bien être désigné par le karkôd hébreu : ce serait le rubis des anciens dont on peut voir la reproduction, fig. 83 B, vis-à-vis col. 424.
On a voulu quelquefois voir le rubis dans la pierre 'éqdâh qui n’apparaît que dans Is., uv, 12. La racine mp, qadal), « scintiller », et le contexte paraissent indiquer une pierre brillante, mais dont rien ne permet de déterminer l’espèce. Plusieurs exégètes pensent que la vraie leçon devait être mp, qêrah, « cristal ». La Jérusalem nouvelle aurait donc des portes de cristal. Voir Cristal, t. ii, col. 1119. Mais les Septante ont traduit le mot hébreu par ixXExtrfuc ; ils ont donc lu mpt, yeqârâh, au lien de mpN, 'éqdâh. La locution 'ébén yeqârâh pour désigner les pierres précieuses en
268. — Rubis spinelle (aluminate de magnésie).
général est connue dans les textes bibliques. Cf. III Reg., x, 2, 10, 11, etc. L’expression le-ébén yeqârâh, « en pierre précieuse », ferait le pendant des mots du membre parallèle, le-abnê héfés, « en pierres de choix ».
E. Levesque.
1. RUE (grec : ir^yavov ; Vulgate : ruta), plante herbacée très a mère.
I. Description. — Herbe vivace, sous-ligneuse à la base, à feuilles glauques, décomposées en segments oblongs, les terminaux un peu plus larges, obovales. Fleurs régulières, 4 ou 5 mères, diplostémones. Comme dans toutes les plantes de la même famille, les divers parenchymes sont creusés de poches secrétrices dont ï'oléorésine, d’une odeur très forte, mais peu agréable, fournit un puissant emménagogue, d’ailleurs rarement employé. Le Ruta graveolens (fig. 269) est spontané dans les lieux arides de la région méditerranéenne,
269. — Ruta graveolens.
ce qui relève encore l’importance de sa culture dans les jardins de Palestine. On trouve, en outre, aux mêmes endroits deux autres espèces très voisines, le Ruta montana, à divisions foliaires plus étroites, et le Ruta bracteosa dont les bractées sont plus larges, ordinairement ovales-cordiformes. F. Hy.
II. Exégèse. — Le nriyavov, qui désigne certainement la rue, Theophraste, Hist. plant., i, 3, 4 ; Dioscoride, m, 45, ne se rencontre qu’une seule fois dans la Sainte Écriture. Luc, xi, 42. « Malheur à vous, pharisiens, qui payez la dime de la menthe, de la rue, et de toutes les herbes potagères, et qui n’avez nul souci de la justice et de l’amour de Dieu. » La loi ne faisait point rentrer les plantes énumérées dans ce texte parmi les revenus du sol sujets à la dîme, comme le viii, l’huile, le blé. Lev., xxvii, 30 ; Num., xviii, 21 ; Deut., xiv, 22. Mais les rabbins avaient étendu cette obligation à tous les légumes d’après cette règle générale de la Mischna, Maaseroth, i, 1 ; Surenhusius, Mischna, t. i, p. 245. « Tout ce qui est comestible et se conserve pour être mangé, et ce que produit la terre est soumis à la dîme. » Cependant exception est faite expressément pour la rue dans le traité Schebiilh, ix, 1, Surenhusius, i&td., p. 188 ; la raison qu’on en donne est que cette plante « n’a pas coutume^ d'être conservée pour la nourriture. » Là rue se trouve, en effet, à l'état spontané dans la Palestine. Cependant on en cultivait, et on en cultive encore, en Syrie, une espèce, et à ce titre plus d’un pharisien devait la comprendre parmi les herbes potagères sujettes
à la dlme. Dioscoride, iii, 45, distingue une espèce sauvage it^yavov ôpEtviv, la rue des montagnes, Ruta chalepensis, ou sa variété Bracteosa et une espèce cultivée royyavovxT17rEUT<>v, « la rue des jardins y>, Kula graveolens. Estimée en médecine au temps d’Hippocrate, elle servait aussi de condiment. Pline, À. iV^xix, 45 ; Columelle, I>e re rustica, XII, vii, 5 ; Ârnobe, Adv. Gent., vii, 16, t. v, col. 1238. Dans le passage parallèle deMatth., xxiii, 23, on énumère la menthe, l’aneth et le cumin, tandis que Luc, xi, 42, cite la menthe, la rue et les herbes potagères. Comme la rue est omise dans le passage de saint Matthieu, et qu’on trouve à la place l’aneth, il a paru à quelques critiques que le mot employé dans le Matthieu
de pierres, hautes de 0°30 à 0™90 et à peu près larges de l m 50, établies sur le roc dont elles compensaient les inégalités. Mais elles constituaient un dédale inextricable (Gg. 270), auprès duquel les rues de Jérusalem actuelle paraissent presque avoir la régularité d’unç jeune cité américaine, au dire de M. Macalister. Cf. Palest. Expl. Quart. Stat., 1904, p. 115. Les ruesd’Hébron, de Naplouse, et d’autres villes et villages de Palestine présentent encore l’aspect du même fouillis. Les Orientaux s’accommodent d’autant mieux d’un tel état de choses que le soleil a plus de peine à pénétrer dans ces ruelles étroites, et que, le soir, la terrasse de leurs maisons leur ménage un endroit propice pour respirer.
270. — Rue en ruines de Gézer. D’après H. Vincent, Canaan, p. 24.
araméen, xmuf, Sebeta' (et traduit av^Cov dans le Mat t " :
thieu grec), avait été mal lu par le troisième évangéliste et pris pour N"otf, sabara', mrjvavov, rue. Mais le cumin
T r n’est pas plus nommé que l’aneth dans saint Luc, et la différence des deux synoptiques peut s’expliquer plus simplement, par une énumération incomplète qui s’attachait plus à reproduire la pensée du Maître qu'à en conserver tous les mots. Cf. Celsius ; Hierobotanicon, in-8°, Amsterdam, 1748, t. ii, p. 251 :
E. Levesque. 2. RUE (hébreu : rehôb, sûq, hûs ; Septante : pùfiï], ôSéç, è^ôSoc ; Vulgate : vicus, via), voie ménagée à travers les maisons d’une ville. Les termes hébreux désignent assez souvent la place aussi bien que la rue. Voilà pourquoi les versions les rendent plusieurs fois par le mot « place ». Voir Place publique, col. 447. — ' Dans les anciennes villes de Chanaan récemment explorées, les maisons sont entassées sans ordre et les rues ne sont que des passages étroits et tortueux, dont le tracé s’est modifié d’une période à l’autre. À Gézer, vers 3000 avant J.-C, les rues formaient des chaussées
Cf. H. Vincent, Canaan, Paris, 1907, p. 73. La difficulté de se reconnaître à travers un pareil réseau de rues rendait plus difficile la tâche de l’envahisseur et plus aisée la fuite du vaincu. C’est ainsi que, quand les Chaldéens eurent pris Jérusalem, Sédécias put s’enfuir par les rues écartées avec les hommes de guerre. Jer., lu, 7. — David écrase ses ennemis comme la boue des rues. II Reg., xxii, 43 ; Ps. xviii (xvii), 43. La boue des rues est une expression employée pour désigner ce qui est vil et méprisable. Is., x, 6 ; Mien., vii, 10. Voir Fange, t. ii, col. 2176. À Tyr, l’or était commun comme la boue des rues. Zach., IX, 3, — Les rues sont le théâtre de différents épisodes de la vie sociale. L'épouse y cherche son bien-aimé. Cant., iii, 2. On y rencontre les excitations au mal, Prov., vii, 8 ; Eccli., ix, 7, et des dan gers pour la vie. Prov., xxii, 13 ; Tob., ii, 3. Les portes des maisons donnent sur la rue, où les pleureuses se font entendre. Eecle., xii, 4, 5. On y pousse des clameurs dans les jours de détresse. Is., xxiv, 11 ; II Mach., m, 19. En temps de guerre, les ennemis y exercent leurs ravages, Jer., xliv, 6 ; Lam., iv, i, et y massacrent les habitants. Is., v, 25 ; Lam., ii, 12 ; 1 Mach., ii, 9. Le
fracas des guerriers retentit ainsi dans les rues de Tyr, Ezech., xxvi, 11 ; de Sidon, Ezech., xxviii, 23, et de Ninive. Nah, , ii, 4. Après le départ des envahisseurs, les princes de Jérusalem errent consternés dans les rues. Lam., iv, 8, 14. À l'époque de Jérémie, v, 1 ; vii, 17, 34, et à celle de la persécution syrienne, I Mach., i, 58, l’idolâtrie se pratiquait publiquement dans les rues de Jérusalem. — À la restauration d’Israël, le vieillard pourra s’asseoir et le jeune homme s'ébattre en paix dans les rues, Zach., viii, 4, 5, et l’on y fera retentir V alléluia d’allégresse. Tob., xiii, 22. — Le commerce installait ses bazars dans les rues. Le père de Bénadad-II, roi de Syrie, avait établi à Samarie des rues syriennes, dans lesquelles les trafiquants de Syrie avaient le droit de se rassembler et de tenir des comptoirs. En vertu d’un traité, le même Bénadad concéda à Achabdes rues à Damas, dans lesquelles les commerçants israélites pussent tenir leurs bazars. III Reg., xx, 34. — NotreSeigeur signale l’hypocrisie dont les pharisiens font preuve dans les synagogues et dans les rues. Matth, , vi, 2, 5 ; Le père de famille envoie chercher des convives dans les places et dans les rues de la cité. Luc, xiv, 21. Les Apôtres guérissent des malades dans les rues de Jérusalem. Act., v, 15. Saint Pierre va à travers ces rues, après sa sortie de prison. Act., xii, 10. Saint Paul est recueilli dans la rue Droite, à Damas. Act., ix, 11.
Voir Damas, t. ii, col. 1217.- RUFUS##
RUFUS (grec : 'Po-jço ; ), nom d’homme, mentionné deux fois dans le Nouveau Testament. — 1° Saint Marc le cite, XV, 21, comme celui d’un des fils de Simon le Cyrénéen : « Ils contraignirent un certain Simon de Cyrène, père d’Alexandre et de Rufus, … de porter la croix de Jésus. » — 2° Saint Paul, Rom., xvi, 13, salue Riifus, « élu dans le Seigneur, et sa mère, qui est aussi la ihienne. » Ainsi qu’on l’a souvent remarqué, le trait « Simon de Cyrène, père d’Alexandre et de Rufus », propre au second Évangile, suppose que Rufus et son frère étaient bien connus des chrétiens de Rome, pour lesquels saint Marc écrivit très spécialement son livre, à Rome même._ Voir Marc, t. iv, col. 739-740 ; L.-Cl. Fillion, L’Evangile selon saint Marc, in-8°, Paris, 1879, p. 4-5, 9-11. Peu important en lui-même, ce détail avait un intérêt particulier pour les chrétiens romains ; il n’est pas possible d’indiquer une autre raison qui ait porté l'évangéliste à le signaler. Bien plus, en rapprochant le texte de saint Marc de celui de saint Paul, on arrive à une autre conclusion, qui est assez généralement adoptée par les commentateurs modernes : c’est que le Rufus de Marc, xv, 21 et celui de Rom., XVI, 13, ne sont qu’un seul et même personnage, qui s'était établi à Rome avec sa mère et son frère, et qui y résidait lorsque fut composée l'Épître aux Romains (59 après J.-C). Voir F. X. Reithmayr, Commentar zum Brief an die Rômer, inr8°, Ratisbonne, 1845, p. 771 ; J. Knabenbauer, Comment, in Evangelium sec. Marc, in-8°, Paris, 1894, p. 412 ; R. Cornely, Epist. ad Romanos, in-8°, Paris, 1896, p. 779-780 ; J. Grimm, Geschichte des Leidens Jesu nach den vier Evangelien dargestellt, in-8°, t. ii, Ratisbonne, 1899, p. 51-52. Cette opinion est très ancienne, car on la rencontre déjà, au moins implicitement, dans les Actes apocryphes d’André et de Pierre. Voir N. Bonnet, Passio Andrese…, Acla Pétri et Andrew, in-8°, Leipzig, 1898, p. 117-118. Néanmoins, de graves auteurs sont contraires à l’identification, surtout parce que le nom de Rufus était alors très commun chez les Romains. Cf. F. Kaulen, dans le Kirchenlexikon de Wetzer et Welte, 2e édit., t. x, col. 1356. On a fait aussi de Rufus un des soixante-douze disciples et un évêque de Thèbes en Egypte. Voir R. A. Lipsius, Die Apostelgeschichlen urtd Apostellegenden, . ii, 2e partie, Brunswick, 1887, p. 222 ; t. iii, 1890, p. 2. Dans le martyrologe syrien
de 412, sa fête est placée le 19 avril ; le 8 avril dans les ménologes grecs. — Il est évident qu’au passage Rom., xvi, 13, Vépithète eleelum in Domino n’est pas employée dans le sens pour ainsi dire technique qu’elle a souvent, c’est-à-dire, comme synonyme de « chrétien », puisque saint Paul se propose de faire un éloge tout spécial de Rufus. Elle dénote une distinction particulière sous le rapport soit de la piété, soit des fonctions. Cf. I Pet., ii, 6 ; II Joa., 1 ; AV. Sanday et A. C. Headlam, A critical and exegelical Commentary onthe Epistle to the Romans, in-12, 4e édit., Edimbourg, 1900, p. 427. L. Fillion.
- RUGISSEMENT -##
RUGISSEMENT - (s’e'âgâh ; Septante : ùpùwfia ; Vulgate : rugitus), cri que font entendre le lion et d’autres animaux féroces du même genre. — 1° Sens propre. — Le rugissement du lion est formidable. « Lorsqu’il retentit dans les forêts, dans le silence de la nuit, il remplit d'épouvante tous les êtres vivants, à une lieue à la ronde. Ces accents graves, profonds, caverneux, mêlés, par intervalles, de notes plus aiguës, ont quelque chose de terrifiant, qui glace le cœur. Lorsque cette grande voix se fait entendre, les bestiaux tremblent dans les fermes et en suivent avec anxiété les diverses modulations, pour se rendre compte de la marche de l’ennemi qui s’approche. » L. Figuier, Les mammifères, Paris, 1869, p. 321. Voir Lion, t. iv, col. 269. — Aux vignes de Thamna, Samson vit venir à lui un lion rugissant. Jud., xiv, 5. Les lionceaux rugissent après leur proie en réclamant leur nourriture. Ps. civ (cm), 21. Le lion rugit après la proie qu’il convoite, sans craindre les bergers assemblés pour lui tenir tête. Is., xxxi, 4. Quand il rugit, c’est qu’il va se livrer au carnage, Am., iii, 4, et son rugissement répand l'épouvante. Am., iii, 8. L’onagre ne ruçit pas auprès de l’herbe tendre. Job, vi, 5.
2° Sens figuré. — Le rugissement du lion est pris comme terme de comparaison pour caractériser différentes autres voix. On a ainsi : 1. Le rugissement du tonnerre ou la voix de Jéhovah menaçant de sa colère, Job, xxxvii, 4 ; Jer., xxv, 30 ; Am., 1, 2 ; Joël, iv, 6 (m, 16) ; Ose., xi, 10. « Le rugissement du lion est si fort que, quand il se fait entendre par échos la nuit dans les déserts, il ressemble au bruit du tonnerre. » Buffon, Œuvres compl., Paris, s.d., 121n-8°, t. v, p. 294. La voix de l’ange est aussi comme le rugissement du lion. Apoc, x, 3. — 2. Les rugissements de la haine et de la cupidité sont poussés par les ennemis et les persécuteurs, Job, iv, 10 ; Ps. lxxiv (lxxih), 4 ; xxii (xxi), 14 ; Prov., xxviii, 15 ; Eccli., li, 4 ; Jer., ii, 38 ; ii, 15 ; Ezech., xix, 7 ; xxii, 25 ; Soph., iii, 3. Satan rugit comme un lion, quand il cherche à faire périr les âmes. I Pet., v, 8. — 3. Les rugissements viennent aussi de la douleur. Job, iii, 24 ; Ps. xxii, (xxi), 2 ; xxxii (xxxi), 3 ; xxxviii (xxxvii), 9 ; Is., lix, 11 ; Zach., xi, 3. — 4. On compare encore au lion qui rugit la majesté du roi inspirant la terreur, Prov., xx, 2, les prêtres poussant des cris devant les idoles, Bar., vi, 31, et Judas Machabée courant bravement sur les
ennemis. I Mach., iii, 4.- RUINE##
RUINE, ensemble de matériaux qui restent, partie en place et partie à terre, après la destruction d’un édifice ou d’une ville. Par assimilation, on donne le nom de ruine à la perte de la prospérité pour les nations ou les individus.
1° Ruines matérielles (hébreu : galîm, « monceau de pierres » ; Septante : àfavio’ii.ôc, « destruction », neToiju’a, « émigration i, x<i|ia, « amas de terre » ; Vulgate : acervus arenx, tumulus ; — hôrbâh, « dévastation », Èp-rinoç, « désert », déserta, destrucla, ruinosa ; — makiêldh, 6pùfta, « plaie », ruina ; — me’i, « monceau de ruines », 7ttw » i{, « chute », xaTaXeXsiijiva, « choses abandonnées *, acervus lapidum ruina ; — inapdlâh, mapêldh, mapélé(, Tzt&>aiç, ruina ; — maSëû'ôt, èitovYipejo-axo, malignatus est ; — mel}itiâh, SsiXs’ot, « frayeur », forrnido ; — 'î, ômapof uXôxiov, i cabane de gardien », aoorro-/, « impraticable », acervus lapidum ;
— Se’iyyâh, épriixo ; , solitudo ; — s'ômênôf, àçav^riiôç, ipr, |xoç, desolalio, dissipata ; — resisîm, 8Xâo-t>.a, « meurtrissure », ruina ; — beqî'îm, ^otypta, sans doute pour payâç, & crevasse », scissio). — Le grand nombre de mots hébreux en usage pour exprimer l’idée de ruines montre que les destructions dues aux invasions étaient fréquentes. — Le Seigneur dit aux Hébreux que, s’ils luj sont infidèles, il réduira leurs villes en ruines désertes. Lev., xvvi, 33. — Isaïe évoque douze fois l’idée de ruines en se servant [de neuf mots différents. Dans Jérusalem dévastée, on dira au premier venu ayant un manteau : « Sois notre chef, et que cette ruine soit sous ta garde ! » Is., iii, 6. Damas ne sera plus qu’un monceau de ruines. Is., xvii, 1. Les Chaldéens ont fait de Tyr un monceau de ruines. Is., xxui, 13. Babylone à son tour a eu le même sort. Is., xxiv, 12 ; xxv, 2. Au temps de la restauration, les ruines de Sion seront trop étroites pour contenir ses nouveaux enfants. Is., xux, 19. Ses enfants rebâtiront les ruines antiques et relèveront les fondations d’autrefois. Is., lviii, 12 ; lxi, 4. C’est ainsi que Dieuconsolera Sion de ses ruines. Is., ti, 3. — Jérémie, ix, ll ; xxvi, 18 ; li 37, prédit à Jérusalem et à Babylone qu’elles deviendront des monceaux de ruines. Michée, i, 6 ; iii, 12, annonce le même sort [à Samarie et à Jérusalem. Amos, vi, 12, dit aussi à Sion et à Samarie que Dieu fera tomber en ruines la grande maison et en débris la petite maison, c’est-à-dire que rien ne sera épargné, ni palais ni modestes demeures. — Dieu a permis aux Assyriens de réduire des villes fortes en monceaux de ruines. IV Reg., xix, 25. Les ennemis ont mis en ruines le sanctuaire, Ps. lxxiv (lxxxiii), 3 ; ils ont fait de Jérusalem un monceau de pierres. Ps. lxxix (lxxviii), 1. Tyr connaîtra aussi la ruina. Ezech., xxvi, 15, 18. Les ruines d’Israël seront relevées. Ezech., xxxvi, 10, 33. Édom voudra relever les siennes, mais Dieu l’en empêchera. Mal., i, 4.
— Ézéchiel, xxxviii, 12, prédit que Gog ira piller des ruines maintenant habitées. Daniel, ix, 26, annonce la grande dévastation qui ruinera le sanctuaire après le temps du Messie. — Notre-Seigneur compare celui qui ne met pas en pratique sa parole à l’insensé qui bâlit sa maison sur le sable ; quand surviennent la pluie et les vents, la maison n’est bientôt qu’une ruine. Matth., vii, 27 ; Luc, vi, 49.
2° Ruines personnelles (hébreu : madhéh, àxaroco-T » aia, « bouleversement », ruina ; — mehiftâh, o-jv-rptêT), « brisement », xaxov, « mal », confusio, malum ; — mapëlâh, mapélél, massû'ôt, irrwtrtç, ruina). — Les dieux de Damas seront une occasion de ruine pour Achaz et Israël. II Par., xxviii, 23. Jésus-Christ le sera aussi pour ceux qui ne voudront pas le reconnaître. Luc, ii, 34. — Job, xxxi, 29, ne s’est pas réjoui de la ruine de ses ennemis. Babylone s’est réjouie au contraire de la ruine de Jérusalem. Bar., iv, 31. Judith, xiii, 25, a sauvé son peuple de la ruine. Esther, xtv, 11, demande à Dieu que les ennemis de son peuple n’aient pas à rire de sa ruine. — Dieu abat les méchants, ils/ne sont plus que ruines, Ps. lxxiii (lxxh), 18 ; mais, au juste, il est un refuge au jour de la ruine. Jer., xvii, 17. Il faut se' convertir pour que l’iniquité ne devienne pas une cause de ruine. Ezech., xviii, 3. Au jour de la ruine de l'&gypte, chacun tremblera pour soi. Ezech., xxxii, 10. — Les justes contempleront la ruine des méchants, Prov., xxix, 16 ; cependant, il ne faut pas se réjouir de la ruine de ses ennemis. Prov., xxiv, 17. La ruine est amenée par la bouche de l’insensé. Prov., x, 14 ; xviii, 7, par l’arrogance et l’orgueil, Prov., xvi, 18 ; xvii, 19, par l’intempérance de la langue, Prov., xiii, 3, et par les paroles de flatterie. Prov., xxvi, 28. C’est s’exposer
à la ruine que se mêler aux hommes remuants. Prov., xxiv, 21, 22.
La voie de Jéhovah est un rempart pour le juste, Mais elle est une ruine pour ceux qui font le mal.
Prov., x, 29. Cf. Luc, ii, 34 ; Joa., iii, 19, 20.
RUISSEAU d’Egypte. Voir Egypte 3, t. ii, col. 1621.
RUMA, nom de deux localités de Palestine dont le nom est différent en hébreu.
1. RUMA (hébreu, Jos., xv, 52 : Dâniâh, « silencieuse » ; Septante, Vaticanus : 'Papivâ ; Alexandrinus : 'Poupot ; — II (IV) Reg., xxui, 36 : hébreu : Rûmâh ; Vaticanus : 'Poujxi ; Alexandrinus : 'Pjjidt ; Sinaïticus : Kpou[iric), ville de la tribu de Juda. Elle est mentionnée, Jos., xv, 52, entre Arab et Ésaan, parmi les villes qui furent ensuite attribuées à la tribu de Siméon. La plupart des interprètes tiennent Ruma de IV Reg., patrie de Phadaïa et de sa fille Zebida, mère du roi Joachim, pour la même ville que Ruma de Josué. Quelques-uns le contestent et pensent qu’elle pourrait être la Ruma de Jud., iv, 51. Voir Ruma 2. — Bien que la lecture Ruma soit encore, II (IV) Reg., celle de l’hébreu, et celle des versions, les critiques préfèrent généralement la lecture Dûmdh, parce que le nom de Dûméh, (*. « « >
(quelques-uns transcrivent Daûméh), se trouve être celui d’une ruine située à 16 ou 17 kilomètres au sudouest d’Hébron, entre er-Rabiéh et Sâmîâ, deux localités identifiées avec Arab et Ésaan. Eusèbe et saint Jérôme paraissent avoir lu encore au iv « siècle Aoujjni et Duma. Aouiii, dit le premier en faisant allusion à la ville de Josué, de la tribu de Juda, [est] maintenant un très grand village du Daroma, dans le territoire d'Éleuthéropolis, au xvii » mille de cette ville. Saint Jérôme ajoute : « au sud i.Onomasticon, Berlin, 1862, p. 172, 173. Dix-sept milles romains, environ 25 kilomètres, est la longueur à peu près exacte du chemin qui conduit de Beit-Djibrîn, l'Éleuthéropolis des Grecs et des Romains, à Dûméh. Cette ruine, située sur deux collines divisées par un ravin, occupe un assez vaste espace. Parmi les débris des hahitations renversées et qui étaient formées de pierres taillées et équarries, on remarque les restes de deux églises chrétiennes. Elles étaient bâties avec de graudes et belles pierres, relevées en bossage, qui paraissent provenir d'édifices plus anciens. On rencontre d’innombrables citernes et des caveaux spacieux taillés dans le roc, très probablement les uns et les autres de l'époque juive ou même des époques antérieures. De nombreuses grottes sépulcrales entourent la localité. — Cf. Rich. von Riess, Biblische Géographie, 1872, p. 18, 81 ; V. Guérin, Judée, t. iii, p. 359-361 ; Armstrong, Wilson et Conder, Names and Places in the Old Testament, Londres, 1887, p. 50 ; The Survey of Western Palestine, Memoirs, t. iii, p. 313. L. Heidet.
2. RUMA (hébreu 'Arûmâh ; Septante, Vaticanus : 'ApT)|ixt ; Alexandrinus : 'Apijia), résidence du juge Abimélech, fils de Gédéon. Jud., ix, 41. — Selon Gesenius, Thésaurus, p. 1275, Ruma de II (IV) Reg., xxiii, 36, pourrait être identique à celle-ci. Voir Ruma. 1. La transformation de t en t de la part des copistes semble toutefois plus admissible que la supposition du mariage du pieux roi Josias, père de Joachim, avec une femme du pays de Samarie depuis longtemps habité par les Cuthéens. — Quoi qu’il en soit, pour Eusèbe, « 'PoujhJ, c’est Aria. Là, ajoute-t-il, selon [le livre des] Juges, résida Abimélech. Elle est maintenant appelée Remphis (Remthis) et appartient au territoire de Diospolis (Lydda). C’est la même [ville] qu’Arimathie. » Saint Jérôme, au lieu d’Aria lit Arima, et atténue un
peu la dernière affirmation en disant : « La plupart disent maintenant que c’est Arimathie. » Onomasticon, édit. Larsow et Parthey, Berlin, 1862, p. 316, 317. Si l’identité de Remthis, aujourd’hui Rentîs avec Arimathie et Ramathaim (voir Ramathaîm-Sophîm, col. 944) est aujourd’hui reconnue d’un grand nombre, on conteste presque universellement qu’elle puisse être la Ruma, ou Arima, du livre des Juges. D’après son récit, cette localité semble avoir appartenu au territoire de Sichem et n’avoir pas été éloignée de cette ville. Rentîs est, en effet, à environ 40 kilomètres de Nablus, l’ancienne Sichem et les chemins pour arriver de l’une à l’autre sont des plus difficiles. — On doit faire, malgré l’analogie des noms, la même remarque pour Beil-Bîma, située à 8 kilomètres à l’est de Rentîs, et dans laquelle plusieurs auteurs ont voulu voirRuma-Arima. Cf. Buhl, Géographie des Alten Palâstina, 1896, p. 170-171. — Au xiie siècle, on la reconnaissait dans une localité à 4 verstes, selon l’hégoumène russe Daniel, à l’ouest de Sébaste (Samarie). Itinéraires russes en Orient, édit. de Khitrowo, Genève, 1884, p. 58. Il s’agit évidemment de Bâmîn, grand village, bâti sur une colline à 4 kilomètres et demi à l’ouest de Sébasliéh. Le rabbin Schwarz propose la même identification. Tebuoth ha-Arez, édit. Luncz, Jérusalem, 1900, p. 194. On peut objecter que Râmin paraît avoir plus de rapport avec le mot Rimmôn, « . grenade », qu’avec la racine râm dont Rûmdh, « élevée », semble plutôt procéder. — Les explorateurs modernes préfèrent généralement el-'Orméh, proposée par Van de Velde. Celte ruine située à 10 ktlomèlres au sud-est de Nablus et à 3 au nord-ouest de 'Aqrdbéh, est une antique forteresse, couronnant le sommet d’une colline abrupte qui commande toute la contrée. On y voit de nombreuses citernes et de vastes caveaux pratiqués dans le roc. Une belle vallée plantée d’oliviers se développe à l’est. Le changement de VA initial en l’aspiré 'A, se retrouve en d’autres noms, par exemple dans celui d"Ascalon devenu 'Asqalân. Cf. F. de Saulcy, Dictionnaire topographique de la Terre Sainte, Paris, 1877. p. 262 ; TheSurvey of Western Palestine, Memoirs, t. ii, p.387 ; Riess, Biblische Géographie, 1872, p. 6. — On trouve en outre, à douze cents mèlres à l’est-nord-est de Sébastiéh et à cinq cents à l’ouest de Nusf edj-Djebêl, « à moitié des montagnes », village situé sur le flanc septentrional de la montagne qui est le prolongement de l’ancien Ébal et à dix kilomètres deNaplouse, une source connue sous le nom de 'Ain Kefr Bûmâ, « la fontaine du vitlage de Rùmà ». Ce dernier nom était sans doute celui du village voisin. Il semble plus rapproché que les autres du nom biblique et peut-être serait-il plus juste de chercher ici qu’ailleurs la résidence du juge Abimélech. L. Heidet.
- RUMINANTS##
RUMINANTS, animaux qui ruminent. — La rumination est appelée gêràh ; Septante : |jujpuxi<Tf16 ; ). Les deux mots hébreu et grec désignent, dans le sens concret, ce que ruminent certains animaux. Le mot hébreu ne se rencontre que dans les expressions hé'âlâh gêrâh, « faire monter la rumination », Lev., xi, 3-6, 26 ; Deut., xiv, 6, et gdrar gêrah, « tirer la rumination ». Lev., xi, 7 ; Deut., xiv, 8.Il n’est point certain d’ailleurs que gêrâh vienne de la racine gdrar. La Vulgate traduit ces expressions par le seul mot ruminare. — Un Certain nombre de mammifères herbivores sont pourvus de quatre estomacs. Une fois mâchés, les aliments sont absorbés par un premier estomac appelé panse ; l’animal les fait remonter dans la bouche à travers un second estomac, le bonnet, dans lequel ils s’imbibent et se compriment ; les aliments remâchés passent ensuite, par l'œsophage, dans un troisième estomac appelé feuillet, pour se rendre enfin dans le quatrième estomac, la caillette, où se fait la diges tion. Même quand leur repas est terminé, les ruminants mâchonnent presque constamment, pour achever la mastication des aliments précédemment ingérés. Les ruminants n’ont pas d’incisives supérieures, remplacées chez eux par un bourrelet dur et calleux ; ils ont les pieds fourchus. Les ruminants sont, parmi les bovidés, le bœuf, la chèvre, le mouton, l’antilope, le bouquetin ; parmi les cervidés, le cerf, le chevreuil, la girafe ; parmi les camélidés, le chameau, le dromadaire, etc. — La loi mosaïque permettait de manger les ruminants, caractérisés par la rumination et par le pied fourchu. Elle en excepte le chameau, dont la corne n’est pas divisée. Le chameau a bien le pied bifurqué, comme les autres ruminants, mais ce pied est muni en dessous d’une forte semelle cornée, ce qui permet de dire qu’il n’est pas divisé. Voir Chameau, t. ii, col. 519. La loi range aussi parmi les ruminants le lièvre et le daman. Lev., xi, 5, 6 ; Deut., xiv, 7. Ces deux animaux ne ruminent qu’en apparence, et c’est seulement d’après cette apparence que la loi parle d’eux. Voir Chœrogrylle, t. ii, col. 714 ; Lièvre, t. iv, col. 252.
RUPERT DE ŒUTZ (Rupertus Tuitiensis), exégète et mystique de la première moitié du xii b siècle, dont la patrie et la date de naissance ne sont pas exactement connues. Il était originaire des environs de Liège, d’après Mabillon ; il était Allemand, d’après Trithème, P. L., t. clxvii, col. 11. Son surnom de Deutz provient de l’abbaye de Deutz, monastère de bénédictins, situé sur la rive droite du Rhin en face de Cologne, dont il devint abbé en 1119 ou 1120. Il avait pris l’habit de saint Benoît au monastère de Saint-Laurent à Liège. Il mourut d’après l’opinion la plus probable en 1135. Il s'était voué principalement à l'étude de l'Écriture Sainte et de la théologie mystique. Il s’attacha moins à l’explication littérale du texte sacré qu'à l’explication spirituelle et allégorique. Nous citerons parmi ses écrits De Trinitate et operibus ejus libri XLII, publié en 1117, dans lequel il se proposait d’expliquer tout le plan du salut, qu’il étudie successivement dans les cinq livres du Pentateuque, Josué, les Juges, les Rois, Isaïe, Jérémie, Ézéchiel, Daniel et les quatre Évangiles, t. clxvii, col. 198-1570 ; Commentaria in duodecim prophelas minores, t. CLXvm, col. 1-836 ; in Cantica Canticorum de Incarnatione Domini, col. 839-962, que Rupert résume dans ces deux vers :
Femina mente Deum concepit, corpore Christum : Integra fudit eum nil opérante viro ;
Super Job, col. 961-1196 ; In librum Ecclesiastes, col. 1195-1306, où l’auteur s’attache au sens littéral plus que dans ses autres ouvrages : Opus de gloria et honore Filii hominis super Mallhseum, col. 1307-1434 (commentaire allégorique) ; In Evangelium Joannis commentariorum libri XIV, t. clxix, col. 201-826 (le commentaire suit le texte, dans le sens littéral, concilie les divergences et ajoute souvent une interprétation allégorique) ; In Apocalypsim, col. 825-1214 (le contenu de ce livre est considéré plutôt comme se rapportant à l’histoire de l'Église dans le passé, depuis la création jusqu'à la venue de Noire-Seigneur que comme une prophétie de l’avenir). — Voir Histoire littéraire de la France, t. XI, 1759, p. 422-587 ; Rocholl, Rupert von Deutz, Gûtersloh, 1886.
RUSE (hébreu : nêkél, iëkél, 'armâh ; Septante : SôXoç, SoXtonric, uavoypyta ; Vulgate : aslutia ; le rusé est appelé 'ârûm, iravo’jpvoç, astutus, callidus), habileté à se tirer d’embarras ou à y mettre les autres, et acte procédant de cette habileté. Cette habileté confine parfois à la fourberie. Voir Fourberie, t. ii, col. 2339. — La première et la plus grave des ruses dont parle la Sainte Écriture est celle de Satan, prenant la forme
du serpent et faisant tomber Eve dans le péché. Gen., in, 1 ; II Cor., xi, 3. — Celui qui tuait son prochain par ruse ou guet-apens devait être mis à mort sans pitié. Exod., xxi, 14. — Les ruses des Madianites firent tomber les Israélites dans l’idolâtrie à Béelphégor. Num., xxv, 18. —Jacob obtient par rusela bénédiction d’isaac, et il s’enrichit par ruse aux dépens de Laban. Voir Jacob, 1, t. iii, col. 1061, 1063. — Les Israélites, comme plusieurs autres peuples anciens, estimaient la ruse presque à l'égal de la bravoure. Différentes ruses de guerre sont mentionnées : Les Gabaonites feignent de venir de très loin afin que Josué fasse alliance avec eux, Jos., IX, 3-15 ; la ville de Haï est prise grâce à un stratagème, Jos., viii, 3-23 ; Gédéon se sert de trompettes et de torches enfermées dans des cruches pour jeter la panique parmi les Madianites, Jud., vii, 15-23 ; Abimélech s’empare de Sichem par ruse, Jud., ix, 32-40 ; plus tard, Judith se. sert de la ruse pour se bien faire venir d’Holopherne et le tuer. Judith, x, 1-xui, 11, etc. Saül remarque que David était fort rusé. I Reg., xxiii, 22. Ce dernier justifia sa réputation à la caverne d’Engaddi, 1 Reg., xxiv, 4-10 ; au désert de Ziph, I Reg., xxvi, 7-16 ; à Geth,
I Reg., xxvii, 8-12, etc. — Job, v, 13, dit que Dieu prend les plus habiles dans leurs propres ruses. C’est ce que l’on constate fréquemment dans l'Évangile, quand les ennemis du Sauveur cherchent à le prendre en défaut. Ainsi en est-il à propos des guérisons opérées le jour du sabbat, Matth., xil, 10-12 ; de la femme adultère, Joa., viii, 5 ; de l’autorité divine du Sauveur, Matth., xxi, 23-27 ; du tribut à César, Matth., xxii, 15-22 ; de la résurrection, Matth., xxii, 23-33, etc. — Saint Paul rappelle la sentence de Job à propos de la sagesse de ce monde. I Cor., iii, 19. Il recommande de ne pas se conduire par astuce, II Cor., iv, 2, et de ne pas se laisser prendre, comme des enfants, à la ruse des docteurs de mensonge. Eph., iv, 14. — Lui-même, parlant des industries de son zèle, se présente à ses fidèles comme un homme astucieux qui use d’artifices.
II Cor., xii, 16.- RUSSES##
RUSSES (VERSIONS) DES SAINTES ÉCRITURES. Voir Slaves (Versions).
1. RUTH (hébreu : Rûf ; Septante : 'Pouô), femme moabite dont l’histoire est racontée dans le petit livre qui porte son nom. Élimélech, Israélite domicilié à Bethléhem, dans la tribu de Juda, à l'époque des Juges, émigra au pays de Moab avec sa femme Noémi, et ses deux fils Mahalon et Chélion, poussé par la famine qui désolait alors la Palestine. Il y mourut après un certain temps, et ses deux fils épousèrent des femmes moabites : Mahalon s’unit à Ruth, iv, 10, et Chélion à Orpha. Ils ne tardèrent pas à mourir eux-mêmes, et Noémi resta seule avec ses deux belles-filles, i, 1-5. La famine ayant cessé de sévir à Bethléhem, elle se décida à rentrer dans sa patrie, et elle engagea ses brus à demeurer avec leurs familles d’origine. Après un moment d’hésitation, Orpha prit le parti de rester ; mais Ruth refusa de se séparer de sa belle-mère : « En quelque lieu que tu ailles, j’irai, et partout où tu demeureras, j’y demeurerai aussi ; ton peuple sera mon peuple, et ton Dieu sera mon Dieu, » i, 6-16. Noémi l’emmena donc avec elle, i, 18. Elles arrivèrent à Bethléhem au commencement de la moisson des orges, c’est-à-dire vers la fin d’avril, et Ruth se mit aussitôt à glaner, pour subvenir aux besoins de l’humble ménage, i, 19-n, 2. La Providence permit que le champ où elle vint tout d’abord appartint à Booz, riche propriétaire, qui était un assez proche parent d'Élimélech. Booz remarqua la jeune femme, et, comme il connaissait l’histoire de ses vertus, et son attachement pour sa belle-mère, pour le pays et la religion d’Israël, il ordonna à ses moisson neurs non seulement de la traiter avec respect et de la faire manger avec eux, mais de laisser tomber à dessein des épis à terre, pour que sa glane fût plus considérable, ii, 3-23. Lorsque Noémi eut connaissance de cette noble etgénéreuse conduite, elle donna des instructions à Ruth, pour que celle-ci engageât Booz à remplir son rôle de go'ël, c’est-à-dire de protecteur, en rachetant l’héritage d'Élimélech et en l'épousant elle-même, iii, 1-18. Comme il y avait un parent encore plus proche que Booz, on obtint qu’il se désistât, iv, 1-12 ; ensuite Booz épousa Ruth, à la grande joie de tous les habitants de Bethléhem. Ils eurent un fils, qu’on nomma Obed et qui fut l’aïeul de David, iv, 13-22. — Ruth peut être envisagée comme « un singulier exemple de vertu et de piété, dans un âge de rudesse et parmi un peuple idolâtrique… ; comme l’héroïne d’une histoire exquise en beauté et en simplicité. » A. C. Hervey, dans Smith, Diction, of the Bible, t. iii, p. 1064. Saint Jérôme fait remarquer, Epist. xxii ad Paulam, t. xxii, col. 471, que nous pouvons apprécier la grandeur de sa vertu par la grandeur de sa récompense : Ex ejus semine Christus oritur. Elle est, en effet, mentionnée dans la liste des ancêtres de Notre-Seigneur. Matth., i, 5. — Sur l'époque où elle vivait, voir Ruth 2. L. Fillion.
2. RUTH (LIVRE DE). — I. SUJET ET DIVISION. — 1° Cet écrit, l’un des plus courts de ceux qui composent l’Ancien Testament, est ainsi nommé parce qu’il raconte l’histoire de Ruth la Moabite. Comme l’a fait remarquer Ewald, Geschichte des Volkes Israël, 3e édit., t. i, p. 225, ce livre est unique en son genre dans l’Ancien Testament, où nous ne trouvons nulle part une histoire de famille d’ordre aussi intim, e, exposée avec autant de détails.
2° Il se divise en deux parties. La première, qui sert d’introduction, i, 1-22, raconte comment Ruth, après avoir épousé un des fils de Noémi, et être devenue veuve comme sa belle-mère, vint se fixer avec celle-ci à Bethléhem. La seconde, qui contient le corps du récit, H, 1-iv, 22, montre dans quelles circonstances elle devint la femme de Booz, la mère d’Obed, et par làmême l’aïeule du roi David. — En voici les subdivisions : 1. 1° Premier mariage et veuvage de Ruth, i, 1-5 ; 2° Noémi revient à Bethléhem avec Ruth, i, 6-22. — II. 1° Ruth glane dans les champs de Booz, ii, 1-23 ; 2° Noémi intervient pour ménager un mariage entre Rulh et Booz, iii, 1-6 ; 3° Booz consent à épouser Ruth, ni, 7-18 ; 4° L’affaire du mariage est légalement traitée en présence des notables de la ville, iv, 1-12 ; 5° Mariage de Booz et de Ruth, naissance d’Obed, iv, 13-17 ; 6° Généalogie de David, en remontant jusqu'à Phares, iv, 18-22.
II. ÉPOQUE À LAQUELLE SE PASSÈRENT LES FAITS. —
Le livre de Ruth ne signale qu’une seule date proprement dite. Nous la trouvons dès la première ligne, I, 1 : « Aux jours où les Juges jugeaient, » c’est-à-dire gouvernaient ; avec une paraphrase dans la Vulgate : ira diebus unius judicis, quando judices preeerant. Mais la période en question fut considérable, puisqu’elle correspond à l’intervalle de temps compris entre les années 1401 et 1095 avant J.-C. Voir Chronologie biblique, t. ii, col. 738. On a cherché à préciser davantage cette donnée générale. Josèphe, Ant. jud., y, ix, 1, place l’histoire de Ruth sous la judicature d’Héli, qui précéda immédiatement celle de Samuel etl’institution de la royauté chez les Hébreux. Cela nous conduirait aux années 1168-1128 (t. ii, col. 738), et cette date est admissible. En effet, les deux derniers versets du livre, rv, 21-22, supposent quatre générations entre Booz et David, y compris celle de Booz ; ce qui équivaut à environ 100 ans : or, il s'écoula cent treize ans depuis le début de la judicature d’Héli jusqu’au règne de David (1168-1055). — D’autres ont pensé que cette date était
trop récente. En rapprochant iv, 21 de Malth., i, 5, on voit que le père de Booz, Salrnon, avait épousé la célèbre Hahab quelque temps après la prise de Jéricho par Josué, en 1453. Voir Rahab, col. 934. D’après cela, les événements que raconte le livre de Ruth auraient eu lieu sous les premiers Juges. Mais alors on aurait un intervalle d’environ 400 ans (1455-1055) entre la naissance de Booz et le règne de David. Les partisans de cette opinion supposent qu’il manque un certain nombre de générations entre Booz et David. Il est certain qu’on en a omis plusieurs entre Phares et Booz, iv, 18-21, car six générations seulement pour environ neuf cents ans sont insuffisantes ; il faut donc admettre qu’en cet endroit les principaux ancêtres auront été seuls mentionnés. Voir Généalogie de Jésus-Christ, t. iii, col. 165-167. — Comme date des événements racontés au livre de Ruth, on a aussi désigné parfois la judicature de Samuel (1128-1095), celle d’Aod (après 1343), celle de Gédéon (1256-1216). Ce dernier sentiment s’appuie sur la famine mentionnée dans Ruth, i, 1, et Jud., vu, 4-5. Mais la famine qui sévit en Palestine au temps de Gédéon provenait surtout des ravages opérés par les Madiânites, tandis que celle que signale notre livre parait avoir eu plutôt des causes naturelles. D’ailleurs, en toute hypothèse, un fléau de ce genre est une chose trop fréquente en Palestine pour pouvoir servir de date précise. — De ce qui précède, il résulte qu’il n’est pas possible de déterminer d’une manière certaine l'époque où vivaient Ruth et Booz. Quoi qu’il en soit, le livre qui raconte leur mariage complète admirablement l’histoire des Juges. « Sans lui, , nous n’aurions connu Israël que d’une manière très imparfaite, et uniquement par le, dehors, durant la période tragique des Juges. Mais voici que ce petit livre nous révèle la vie intime des pieux Israélites d’alors, et nous la montre sous son jour le plus favorable. » L.-Cl. Fillion, la Sainte Bible commentée, t. ii, p. 120.
III. Date de la composition. — Les sentiments des interprètes et des critiques varient beaucoup sur l'époque où fut composé le livre de Ruth ; on l’a placée à toutes les périodes de l’histoire israélite qui se sont écoulées entre le règne de David et le temps des Machabées. Les commentateurs catholiques, entre autres le P. Cornely, lntrod. specialis, t. i, p. 234, et le P. von Hummelauer, Lib. Judicum et Ruth, p. 357, et plusieurs protestants orthodoxes, notamment MM. Keil, P. Cassel et Wrigth, dans les ouvrages cités plus loin, placent la composition du livre sous le règne de David, et, pour la plupart, vers la fin de ce règne. MM. E. Reuss, Œltli, Driver, etc., notablement plus tard, pendant la dernière période du royaume de Juda ; Reuss, entre la ruine du royaume d’Israël et celle du royaume de Juda ; d’autres, sous Ézéchias. Ewald, Gesch. des Volkes Israël, 3e édit., t. i, p. 107 ; Bertheau, Comment., 2e édit., p. 237, et le D r Kcenig, Einleilung in das A. T., p. 285, réclament une date beaucoup plus récente encore, et regardent le livre de Ruth comme un fruit de la captivité de Babylone. La plupart des néo-critiques vont le plus loin possible après l’exil : tels MM. Kuenen, Schrader, Wellhausen, Bertholet, Budde, Nowack, dans leurs Introductions ou leurs commentaires. Voir aussi E. Meyer, Geschichte der poet. National-Literatur der Hebrâer, in-8°, Leipzig, 1856, p. 500-504 ; C. H. Cornill, Einleitung in das A. T., 2e édit., p. 243 ; G. A. Barton, dans la Jewish Encyclopedia, t. x, p. 577. Les partisans d’une composition relativement récente mettent surtout en avant l’ancienne coutume mentionnée dans Ruth., iv, 7, qui consistait à remettre sa chaussure au propriétaire auquel on cédait son droit de propriété. Elle était usitée « autrefois » (hébreu : lefdnim ; Septante : e(ijtpoo6ev ; Vulgate : antiquitus). Voir E. Kautzsch, Abriss der Gesch. des alttestam. Schrifttums, in-8°, Leipzig, 1897, p. 115. L’au teur du livre croit devoir expliquer à ses lecteurs l’usage en question, tombé en désuétude ; mais il est signalé, Deut., xxv, 9, comme remontant au moins à Moïse, et, entre l'époque de Ruth et le moment où David arriva à l’apogée de sa gloire, il s'écoula environ 150 ans ; ce qui suffit largement pour expliquer comment cette coutume avait pu cesser d'être en vigueur dès la fin de la période des Juges, et par conséquent d'être connue. Cf. Keil, Richter und Ruth, p. 384. — On peut dire avec assez de vraisemblance que le livre de Ruth aura été difficilement composé après le règne de Salomon ; en effet, ce prince est fortement blâmé, III Reg., xi, 1-8, d’avoir épousé des femmes étrangères, et en particulier des Moabites et des Ammonites. Il ne l’aura pas été non plus pendant l’exil, puisque les Juifs vécurent alors plus que jamais séparés des autres peuples. — Les données du livre qui peuvent nous aider à fixer l'époque de sa composition sont peu nombreuses. Il en est deux, néanmoins, qui ont un caractère plus déterminé. — 1. Nous venons de le voir, l'épisode qui forme le fond du récit est daté des « jours où les Juges jugeaient, » i, 1. Il suit de là que, lorsqu’il fut rédigé, la judicature avait disparu comme forme de gouvernement et fait place depuis un certain temps à la monarchie. — 2. La généalogie qui termine l'écrit s’arrête brusquement à David. On peut conclure de là que ce prince régnait encore au temps de la composition, et qu’il avait déjà acquis une grande importance sous le rapport théocratique. On ne comprend guère que l’auteur, s’il n’a pas été contemporain du roi David, ne soit pas allé au delà de lui dans sa liste.
IV. Auteur du livre. — Si l’incertitude règne au sujet de l'époque précise où fut composé le livre de Ruth, à plus forte raison est-il impossible d’en déterminer l’auteur avec quelque vraisemblance. D’après le Talmud, Baba bathra, fol. 14 b, c’est le prophète Samuel qui aurait écrit le livre des Juges, celui de Ruth et les deux livres dits de Samuel. Le fait n’est pas impossible en soi, mais les preuves positives font défaut, et le style du livre de Ruth est tel, que des hébraïsants distingués ne croient pas possible que le même écrivain ait pu composer cet écrit et en même temps le livre des Juges et ceux de Samuel. Cependant cette opinion, qui était celle de Calmet et de Cornélius à Lapide, a encore aujourd’hui des partisans, entre autres le P. Cornely, lntrod. specialis in histor. Veteris Testam. libros, Paris, 1887, p. 233-234. Sans être au^si formel, le P. von Hummelauer, Comm. in lib> : Judicum et Ruth, p. 359-360, admet que le livre a pu être, sinon composé, du moins publié par Samuel. La question est actuellement insoluble.
V. Style. — Tout bref qu’il soit, le livre de Ruth a ses particularités bien marquées sous le rapport du style, qui ne ressemble à celui d’aucune autre partie de l’Ancien Testament. Les principales sont les suivantes : 1° les terminaisons en iii, au lieu de î, pour la seconde personne du féminin singulier, au temps imparfait : ii, 8, 21 ; (idebâqîn ; iii, 4, ta’asin ; iii, 18 ; (éde’in ; 2° les terminaisons en fi, au lieu de (e, pour la seconde personne du féminin singulier, au temps parfait : ii, 8, (a’abûri ; iii, 3, sam(i, yâradefi ; iii, 4, sâkab[i ; 3° les terminaisons eaûn, au lieu de w, pour la 3e personne du pluriel : ii, 9, iqsôrûn ; 4° les verbes 'âgan, « retenir, fermer », i, 13 ; sâbat, « présenter », u, 14 ; sâlal, « tirer », ii, 16 ; nilpa{, « se retourner pour voir », iii, 8 ; 5° le substantif ?ébe(, « gerbe », ii, 16, et l’adjectif mârà', « amer », au lieu de tnârâh, i, 20 ; 6° les conjonctions térem, « . avant que », iii, 14, et Idhên, « c’est pourquoi », au lieu de làkén, i, 13 ; 7° la locution 'eik ippol ddbâr, iii, 18, etc. Voir F. Keil, Lehrbuch der histor. krit. Einleitung, p. 415-416 ; E. Kcenig, Einleitung in das A. T., p. 286-287 ; J. R. Driver, An lntrod. to the Literature of the Old
Test., 5e éd., Edimbourg, 1894, p. 426-427. Les Massorèles ne se sont pas toujours rendu compte de ces particularités et tes ont corrigées dans le texte, comme si elles eussent été des fautes. Un fait plus surprenant, c’est que « tous les interprètes modernes, qu’ils veuillent démontrer l’origine ancienne du livre ou lui assigner une date plus récente, invoquent cet argument (la preuve tirée du style), et que ces singularités, ils les appellent, les uns archaïsmes, les autres néologismes, ceux-ci bethléhémismes, ceux-là'moabilismes. Cependant, parce qu’elles se rencontrent surtout dans les entretiens (i, 13 ; ir, 8 ; iii, 3, 4), elles semblent ne démontrer qu’une chose : c’est que l’auteur, en transcrivant les entretiens, s’est tenu de très près à la source où il a puisé. » R. Cornely, Manuel d’Introd. historiq. et critiq. à toutes les Saintes Écrit., trad. franc., in-12, t. i, Paris, 1907, p. 349.
Ces contradictions des hébraïsants contemporains sont frappantes, et démontrent que ce genre de preuve peut devenir très facilement subjectif et arbitraire. Il est remarquable que les néo-critiques prétendent voir à tout instant dans le livre de Ruth des aramaïsmes, et par conséquent des expressions relativement récentes. « Le style du livre, dit Cornill, Einleitung, 2e éd., p. 343, a un coloris fortement araméen, et présente mainte particularité qui dénote avec une pressante nécessité l'époque d’après l’exil. » Mais il se trouve que les aramaïsmes mis en avant ne méritent nullement ce nom, et sont ou bien des expressions ordinaires, ou des archaïsmes représentant le langage populaire du temps de Ruth. Par exemple, on cite comme araméennes telles et telles.locutions employées de concert par le livre de Ruth et par ceux des Paralipomènes, de Daniel, d’Esdras, de Néhémie, etc. — celles-ci, entre autres : margelô(, iii, 7-8, 14, et Dan., x, 1 ; paras kendfîm, iii, 9, et Ezéch., xvi, 8 ; lâkên, i, 13, et Dan., ii, 6, 9 ; iv, 24, nâsd' nâëîm, i, 4, et II Par., xi, 21 ; xiii, 21 ; Esd., IX, 2 ; qiyyam, « confirmer, » iv, 7, et Esd., ix, 21, etc. — et l’on conclut aussitôt, à cause de ces quelques mots ou tournures, que l’histoire de Ruth ne saurait avoir été composée antérieurement à ces autres écrits. On allègue aussi, comme preuve d’une composition récente, le nom divin Saddaï, employé seul, sans être précédé de 'El : ce qui n’a jamais lieu ailleurs dans la simple prose, mais seulement au livre de Job.
Mais tout cela est fortement exagéré. Comme le dit M. Driver, l. c, p. 427, « ce style dans son ensemble… ne manifeste aucune marque de détérioration ; il diffère d’une manière palpable, non seulement de celui d’Esther et des Paralipomènes, mais aussi de celui des mémoires de Néhémie… ; il se tient au niveau des meilleures parties (des livres) de Samuel… Le style est classique dans son entier… En général, la beauté et la pureté du style (du livre) de Ruth désignent d’une manière beaucoup plus décisive (comme époque de la composition) la période antérieure à l’exil, que les expressions isolées, sur lesquelles on s’appuie, ne marquent la période qui suivit la captivité. » Le D r Kœnig affirme de même, Einleitung in das A. T., p. 287, que « les signes de la période la plus récente du développement de l’hébreu font défaut dans le livre » de Ruth. D’après lui, les formules hase mihi faciat Dominus et hsec addat, I, 17 (onze fois dans les livres de Samuel et des Rois), pelcmi 'almôni (iv, 1 ; cf. I Sam., xxi, 3 ; II fieg., VI, 8), la forme archaïque du pronom 'anoki (sept fois ; deux fois seulement 'ani), l’emploi constant du pronom relatif 'aSer (tandis que l’abréviation Se n’apparaît jamais) sont des preuves certaines d’antiquité sous le rapport du style. Les terminaisons signalées plus haut sont également des archaïsmes, car elles reproduisent des formes primitives.
VI. Caractère historique. — La simplicité et la candeur des récits prouvent en faveur de leur réalité
objective. L'écrit lui-même se présente comme voulant raconter des faits historiques. Cꝟ. 1, 1, et iv, 17-22. Dans ce dernier passage, la narration particulière qui forme le fond du livre est rattachée à l’histoire générale du peuple de Dieu. Nous savons d’ailleurs, par Malth., j, 5, que Booz, Obed et Ruth furent des personnages très réels. « Il n’a pas été inséré (dans le livre) un seul trait auquel on puisse reprocher d'être invraisemblable, à plus forte raison d'être historiquement impossible. » Œltli, Die geschichtl. Bagiographen, p. 214. Les moindres détails sont conformes aux circonstances de temps, de lieux, de personnes, telles que nous les connaissons par ailleurs. Les divers personnages que nous présente le livre de Ruth ont été peints sur le vif. Rien de plus réel, de plus vivant que Ruth, Noémi, Orpha, Booz, les femmes de Bethléhem et les différentes scènes qui décrivent leurs relations réciproques. Voir Œttli, loc. cit., p. 213-214. L’historien Joséphe a inséré ce récit dans ses Ant. jud., V, ix, 1-3, comme reproduisant des faits réels. Comment aurait-on songé à rattacher si étroitement le roi David au peuple odieux de Moab, si le fait n’eût été certain ?
L’accent de vérité qui règne partout est si frappant, que des critiques rationalistes assez nombreux ont reconnu tantôt la nature strictement historique de tous les événements racontés, tantôt au moins l’existence d’une tradition ancienne ayant servi de base à l'écrit. C’est ainsi que Kuenen admet partiellement le caractère historique du livre, en ce sens que David a eu véritablement une aïeule issue du peuple de Moab. Voir Bertheau, Das Buch der Richter und Ruth, 2 « éd., p. 239 ; Bertholet, Die fùnf Megilloth, p. 53. Kœnig, Einleitung, p. 266, croit aussi qu’il y eut d’abord une tradition orale correspondante des faits réels, que cette tradition fut mise par écrit, puis rédigée finalement sous sa forme actuelle par un Israélite qui avait de l’attrait pour les anciens usages et du talent pour peindre les caractères. Mais d’autres néo-critiques ne voient dans le livre de Ruth qu’un petit roman composé d’une manière plus ou moins habile. D’après J. Wellhaus’en, Die Komposilion des Hexateuchs und der hislor. Bûcher des A. Test., in-8°, 3 « éd., Berlin, 1899, p. 358, l’histoire de Ruth n’aurait d’autre fondement que le passage biblique I Reg., xxii, 3-4, où il est dit que David, à l'époque où il était persécuté par Saiïl, emmena son père et sa mère à Maspha de Moab, et les mit sous la protection du roi des Moabites. Selon Budde, dans la Zeitschrift der alttestamentl. Wissenschaft, 1892, p. 37-46, l’histoire de Ruth aurait formé, à l’origine, une partie du « Midrasch du livre des Rois » mentionné II Par., xxiv, 27 (la Vulgate a traduit inexactement ce passage). Voir aussi Wildeboer, Die Litteratur des A. Testam., p. 342. C’est Bertholdl, Einleitung insâmmtliçhe… Schriften des Alt. und N. Testant., 18121819, 5e partie, p. 2337-2353, qui a essayé le premier de démontrer que le livre de Ruth ne serait qu' « une histoire inventée », « un simple poème », un a tableau de famille tout romantique ». Ses arguments se ramènent à six principaux, que répètent à l’envi, depuis bientôt un siècle, les interprètes rationalistes. — 1° Les noms des personnages du livre auraient tous une signification symbolique, en harmonie avec le rôle et Ja situation de ceux qui les portaient ; ce qui suffirait, nous dit-on, pour démontrer le caractère fictif du récit. E. Reuss, La Bible, t. , p. 20, répond très justement que cette objection « repose sur des étymologies forcées ou purement gratuites. » En effet, on n’a pas encore réussi à s’entendre sur le sens véritable des noms de Ruth et de Booz ; Élimélech, c’est-à-dire « mon Dieu (est) roi », n’a rien de particulier pour l’histoire de Ruth ; Afâklonpeut désigner aussi bien la « perfection » que la ce langueur » maladive, et il en est de même de Kilyion ; 'Orfàh, que l’on prétend avoir été
ainsi appelée parce qu’elle tourna le dos Çôrêf) à sa belle-mère, est plutôt un nom synonyme de « gazelle ». Voir Kœnig, Einleitung in das A. T., p. 287 ; Œttli, Die geschichll. Hagiographen, p. 215. — 2° Tous les caractères seraient trop parfaits pour correspondre à la réalité. Ils sont admirables, il est vrai, mais simples e.tttanes towyswcs-, vie^i ue montre qu’ils aient été idéalisés le moins du monde. L’objection est donc entièrement gratuite. Orfâh, d’ailleurs, n’a pas été parfaite, quoiqu’on ne puisse lui faire un reproche d'être restée dans son pays. — 3° On a prétendu voir aussi dans le livre de Ruth des traces d'érudition scientifique, qui démontreraient qu’il est le fruit d’un travail de cabinet. Cf. Ewald, Geschichte des Volkes Israël, 3e édit., t. i, p. 236 ; Bertheau, Das Buch der Richter und Ruth, p. 236. Mais cette assertion porte à faux, car nulle part, dans le récit, on ne voit les marques d’une érudition proprement dite. Si l’auteur signale tel ou tel usage ancien, par exemple, iv, 7, s’il met sur les lèvres des notables un souhait qui rappelle l’histoire de Lia et de Rachel, rien ne dépasse en cela les limites de la connaissance d’un Israélite ordinaire. — 4° On a dit encore que cette idylle pacifique aurait été impossible à l'époque orageuse des Juges. Cf. Wellhausen, dans Bleek, Einleitung, 4 6 édit., p. 204 ; Nowack, Richter und Ruth, p. 181 ; Bertholet, Die fûnf Megilloth, p. 50. Mais le livre des Juges affirme en termes exprès, et à plusieurs reprises, Jud., iii, 11, 30, etc., que les périodes de paix et d’accalmie furent loin de manquer totalement pendant cette époque, et l’histoire de Rulh fut précisément une oasis de ce genre au milieu du tumulte des invasions étrangères. — 5° On a prétendu que l’auteur du livre ne connaissait plus le parent le plus rapproché de Noémi, et que, ne pouvant citer son nom, il fut forcé de le désignerparla vague formule peloni’almoni, « un certain », iv, 1. Celte circonstance fournirait la preuve que l’histoire entière a été inventée. Mais il faut remarquer qu’un temps assez long s'était écoulé entre les événements et la composition du livre. L’ignorance de l’auteur sur ce point secondaire, supposé qu’elle ait été réelle, n’a donc rien d'étonnant ; elle est une preuve de plus de sa sincérité, car un faussaire n’aurait nullement été embarrassé pour trouver un nom quelconque. — 6° Le mariage de Mahalon et de Chélion avec des femmes moabites aurait été contraire à la loi juive, et ce trait prouverait à lui seul le caractère purement idéal de l’histoire. À l’appui de cet argument, on allègue le texte Deut., xxiii, 3-4. Il est vrai que le droit de cité en Israël était à jamais interdit aux Moabites, à cause du mal qu’ils avaient fait aux Hébreux après leur sortie d’Egypte. Cf. Num., xxv, 1-5. Toutefois, l’interdiction faite par Moïse aux Israélites d'épouser des femmes étrangères ne concernait que les Chananéennes. Cf. Exod., xxxiv, 11-16 ; Deut., vi, 1-4. Plus tard, Esdras et Néhémie eurent de graves raisons de se montrer plus sévères, et d’interdire formellement à leur concitoyens de contracter des mariages avec les femmes de Moab. Cf. I Esd., ix, 1-2 ; II Esd., xiii, 23-29. Mais ces raisons n’existaient point à l'époque de Ruth.
VII. But du livre de Ruth. — Tout le monde est d’accord pour reconnaître que ce livre a été écrit dans un but spécial. Mais, ici encore, les néo-criliques ont émis beaucoup d’idées fausses. — 1° Les fausses tendances. — 1. Bertholdt, Einleitung, t. v, p. 2331-2335, disait que le but principal de l’auteur aurait été d'établir que le mariage du lévirat (voir Lévirat, t. iy, col. 213-216) ou son équivalent était stricteuent obligatoire, même à l'égard d’une parente issue d’une race étrangère. Voir aussi F. Benary, De Hebrseorum leviratu, Berlin, 1835, p. 30. Cette opinion a trouvé un certain nombre de partisans. Le D r H. A. Redpath, dans le Dict. of the Bible de Hastings, t. iv, p. 316, croit également que notre livre a été composé d’une manière
générale « pour servir d’illustration aux lois matrimoniales des Israélites. » Mais, quoique le récit roule tout entier autour du mariage de Ruth avec Booz, il ne met en saillie aucune tendance de ce genre. La question de la parenté des deux conjoints y est tout à fait secondaire. S’il avait eu en vue le lévirat, l’auteur aurait vraisemblablement rappelé la loi de Deut., xxv, 5-10, dans le cours de sa narration. — 2. Selon Kuenen, Introd. histor. et critique, trad. franc, § 96, notes 9 "et 10, et Godsdienst, t. ii, p. 148-149 ; A. Geiger, Urschrifl und Uebersetzung, p. 49-55, Wildeboer, Litteratur des A. Test., § 21, n. 10 ; Kautzsch, Abriss der Geschichte des alttestam. Schriftums, p. 115-116 ; Nowack, Richter und Ruth, p. 181-185 ; Bertholet, Die fûnf Megilloth, p. 51-54, etc., l’auteur du livre, opposé en principe aux mesures de rigueur prises par Esdras et Néhémie contre les mariages que des Juifs nombreux avaient contractés avec des femmes de nationalité païenne, aurait composé cette histoire en guise de protestation. Dans son petit livre, il indiquerait, nous dit-on, que parfois une femme étrangère était digne d'être incorporée au peuple de Jéhovah, et même d’y occuper une place d’honneur. Mais, s’il y a quelque chose d’inventé ici, c’est bien cette tendance prétendue. Si elle avait existé réellement, il aurait été beaucoup plus simple et plus naturel d’opposer à Esdras et à Néhémie, non pas le mariage mixte d’un Israélite peu connu, tel qu'était Booz, mais celui de David lui-même. Cf. I Par., iii, 2. D’ailleurs, il est probable que Booz n’aurait pas songé à épouser Ruth, si celle-ci ne se fût mise sous sa protection en qualité de parente. Ajoutons avec le D r Strack, Einleitung in das A, Test., Munich, 1895, 4e édit., p. 137, qu' « un livre d’une époque si tardive et ayant une telle tendance n’aurait jamais pu devenir canonique. » — 3. Le but de l’auteur aurait été entièrement politique, d’après la thèse assez étrange de E. Reuss, Gesch. des Alt. Testam., ^' édit., p. 292-298 ; La Bible, t. vii, p. 24-27. Écrit après la ruine du royaume des dix tribus schismatiques, le livre voulait démontrer, sous la forme d’un gracieux roman, à ceux des habitants |ui n’avaient pas été déportés dans les provinces, assyriennes, que les rois issus de David n'étaient pas seulement les héritiers du patriarche Juda par l’intermédiaire de Booz, mais qu’ils avaient aussi des droits très réels sur le territoire d'Éphraïm et de tout le royaume du nord, grâce à Obed, fils légal de « l'Éphraïmite » Mahalon ; d’où il suit que les sujets du royaume du nord devaient se rallier aux descendants légitimes de David. On le voit, l’argument principal, on plutôt l’argument unique de Reuss consiste à regarder le titre 'Éfrâti (Vulgate, Ephrathsei), attribué à Mahalon et à Chélion, Ruth, i, 2, comme synonyme d'Éphraïmite. Sans doute, ce mot a quelquefois cette signification, cf. Jud., xii, 5 ; I Reg., i, 1 ; III Reg., xi, £6 ; mais il ne l’a certainement pas dans le livre de Ruth, où il désigne manifestement les habitants de l’ancienne Éphrata, c’est-à-dire de Bethléhem. Voir ÉPHRATA, t. ir, col. 1882. La thèse est donc fausse par sa base ; aussi M. Reuss n’a-t-il convaicu personne.
2° Vrai but de l'écrivain sacré. — 1. Ce but se dégage très visiblement de l’ensemble du sujet traité, comme aussi de la liste généalogique qui termine l'écrit. Le livre de Ruth a été composé pour conserver le souvenir d’un touchant épisode qui intéressait la famille de David, et pour établir la série d’un certain nombre de ses ancêtres. En effet, les livres des Rois ne contiennent presque rien sur ces deux points, qui avaient acquis de l’importance lorsque la famille de David fut devenue famille royale. Cf. I Reg., xvi, 1-13, etc Celui de Ruth, au contraire, nous renseigne officiellement sur la généalogie du grand roi durant toute la période des Juges, puisque Salmon avait dû être contemporain de Josué, et il rattache David à
îuda par Phares. Le but de l’auteur est donc directement théocratique, montrant comment une femme d’origine étrangère, née au milieu d’un peuple païen, hostile et odieux à Israël, cf. Is., xv-xvi ; Jer., xi.viij, était devenue d’une manière toute providentielle, à cause de son amour pour la nation et pour le culte de Jéhovah, l’aïeule du saint roi David. Voir F. Vigouroux, Manuel bibl, '12e éd., t. ii, p. 76 ; Umbreit, dans les Theolog. Studien und Kritiken, année 1834, p. 315318. — 2. Le but du livre dans l’intention de l’Esprit-Saint se rattache étroitement à celui de l’auteur, mais il va beaucoup au delà. Il consiste à fixer, pendant la période marquée par la généalogie finale, la liste des ancêtres, non seulement de David, mais du Messie luimême. Cela résulte clairement du passage parallèle, Matth., i, 3 b -5, qui insère sans aucune modification Ruth, iv, 18-22, dans la liste des aïeux de N.-S. JésusChrist. Les anciens interprètes chrétiens l’avaient fort bien compris. Cur scripta est de Ruth historia ? se demandait Théodoret, In Ruth., t. lxxx, col. 518. Et il répondait sans la moindre hésitation : Primum propter Christum Dominum.
VIII. Place du livre dans le canon biblique. — Elle u’est pas la même dans la Bible hébraïque que dans les Septante et la Vulgate. Dans la Bible hébraïque, le livre de Ruth occupe le second rang parmi les cinq Megillôf ou « rouleaux », qui font eux-mêmes partie de la troisième catégorie des écrits sacrés, les Ket ùbîm ou Hagiographes. Il vient immédiatementaprès le Cantique des cantiques et précède les Lamentations de Jérémie. Dans les traductions officielles grecque et latine, il est placé à la suite du livre des Juges, auquel il se rattache directement par ses premiers mots : place très convenable, puisqu’il complète l’histoire des Hébreux à l'époque des Juges, et que, d’ailleurs, celle qui en est l’héroïne vivait à cette même époque. Il semblerait que les Juifs eux-mêmes lui ont aussi attribué primitivement cette place, car Joséphe, Cont. Apion., i, 8, compte les livres des Juges et de Ruth comme n’en formant qu’un seul. Peut-être a-t-il été détaché tardivement de sa première place « lorsqu’on l’affecta à la lecture synagogale et qu’il dut, pour cette raison, faire partie des rouleaux officiels. s> L. Wogue, Hist. de la Bible et de l’exégèse biblique jusqu'à nos jours, in-8°, Paris, 1881, p. 59. On le lisait pour la fête de la Pentecôte. Méliton de Sardes, t. v, col. 1216, Origène, dans Eusèbe, H. E., vi, 25, t. xxx, col. 520, et saint Cyrille de Jérusalem, Cat., iv, 35, t. xxxiii, col. 500, disent formellement aussi que, chez les Juifs, les livres des Juges et de Ruth n'étaient comptés que comme un seul. Saint Jérôme fait de même dans son Prolog, galeat, t. xxviii, col. 553 : Deinàe subiexunt Sophtim, id est, fudicum librum, et in eumdem compingunt Ruth, quia in diebus Judicum facta narratur historia. Cf. Ruffin, Exposit. in Symbol. Apostol., xxx , t. xxr, col. 374. À l'époque des Septante, le livre de Ruth était encore rangé parmi les livres historiques. C’est donc plus tard seulement, durant l'ère chrétienne, lorsque
le canon juif reçut la forme qu’il a encore aujourd’hui, que le livre de Ruth fut placé parmi les Hagiographes en général, et spécialement parmi les cinq Megillôf. IX. Beauté littéraire. — Le livre de Ruth est généralement admiré. On a dit de cette composition que c’est « une œuvre d’art exquise, d’un charme inexprimable ». Ce qui est vrai, à condition de ne pas exagérer le sens des mots œuvre d’art. Voir Cornill, Einleitung in das A. T., 2 6 éd., p. 242. « La variété ne manque pas à la poésie des Hébreux, écrivait A. de Humboldt, dans son Commentar zum west.-ôstlich. LHwan, p. 8, Cosmos, trad. franc., 1864, t. ii, p. 53-54. Tandis que, depuis Josué jusqu'à Samuel, elle respire l’ardeur des combats, le petit livre de Ruth la glaneuse offre un tableau de la simplicité la plus naïve et d’un charme inexprimable. Goethe, à l'époque de son enthousiasme pour l’Orient, l’appelait le poème le plus délicieux que nous eût transmis la muse de l'épopée et de l’idylle. » Le card. Gibbons écrivait de son côté, The Ambassador of Christ, in-12, Baltimore, 1896, p. 332 : « La simplicité de la vie pastorale des Hébreux est décrite, au livre de Ruth, avec un style si charmant et si conforme à la nature, qu’elle n’est dépassée par aucun morceau d’Homère ou des Églogues de Virgile. »
X. Bibliographie. — Théodoret, In Ruth, Migne, t. lxxx, col. 517-528 ; Midrasch Ruth Rabba, publié dans la Bibliotheca rabbinica àek. WwasaYve, Leipzig, 1883 ; Rupert de Deutz, In Jud. et Ruth, t. clxvii, col. 1057 ; Collegium rabbinico-biblicum in librum Ruth, publié par J. B.Karpzow, Leipzig, 1703. Du xvi « au xviiie siècle : Marcellinus Evangelista, O. M., Explanationes in libr. Ruth, Florence, 1586 ; Nie. Serarius, Indices et Ruth, explanali, Mayence, 1609 ; C. Sanchez, Comment, in Ruth, Esther, Lyon, 1651 ; J. Khell, De Epocha historié Ruth, Vienne (Autriche), 1756 ; F. W. C. Umbreit, Ùber Geist und Zweck des Bûches Ruth, dans les Theol. Studien und Kriliken, 1834, p. 305-308 ; Metzger, Liber Ruth ex hebr. in latmum versus perpetuaque interprétations illustratus, Tubingue, 1856 ; Auberlen, Die drei Anhànge des Bûches der Richter, dans les Theologische Studien und Kritiken, 1860, ç. 536-568 ; C. H. Wright, The Book of Ruth in ffebrexv with a criticaïly revhseà Taxt, uanous Readings…, in-8°, Leipzig, 1864 ; C. Hamann, Annotationes cr’iticx et exegeticæ in libr. Ruth ex vetustissimis ejus interpretationibus depromptæ, in-8°, Marbourg, 1871 ; A. Raabe, Das Buch Ruth und das Hohelied ini l’rtext, nach neuester Kenntniss der Sprache, in-8°, 1879 ; H. Zschokke, Biblische Frauen, in-8°, Fribourg-en-Brisgau, 1882, p. 208-225 ; H. F. Kolilbrûgge, Verklsering van het Boek Ruth, in-8°, Utrecht, 1886 ; G. Wildeboer, Die Litteratur des AU. Testant, nach der Folge ihrer Entstehung, trad. du hollandais, in-8 « , Gœttingen, 1895, p. 341-345 ; K. Budde, Vermuthungen zum Midrasch der Kônige, dans la Zeitschrift fur aUtestam. Wissenschaft, t. xii, 1892, p. 37-51. L. Fillion.
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