Dictionnaire de la Bible/Tome 5.1.c PROPHÈTE-ROHOBOTH

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Dictionnaire de la Bible
(Volume Vp. 705-706-1113-1114).

PROPHÈTE, homme inspiré à qui Dieu manifeste ses volontés pour les communiquer aux autres. Les prophètes ont joué un rôle important dans l’histoire d’Israël, et Dieu s’est servi d’eux pour instruire son peuple choisi. Il n’a pas manqué non plus de prophètes dans les premiers temps du christianisme et les deux Testaments parlent fréquemment des prophètes de Dieu.

I. Notion.

Le prophète, tel qu’il apparaît dans les Livres Saints, diffère de la conception vulgaire qui ne voit en lui que celui qui prédit l’avenir. La Bible lui donne une signification plus large et elle le reconnaît comme un homme à qui Dieu manifeste spécialement ses volontés, quelles qu’elles soient, présentes oufutures, pour qu’il les fasse connaître aux autres. Comme elle n’en donne nulle part une définition expresse et formelle, il faut en dégager la notion des nombreux renseignements que l’Ancien Testament fournit sur les prophètes d’Israël. Les noms différents par lesquels ceux-ci sont désignés et la manière dont les prophètes agissaient de la part de Dieu nous serviront à préciser l’idée que la Bible nous en donne.

I. d’après leurs noms.

Trois noms hébreux, rro’-t, mil, « ’33, rô’éh, fyôzéh, nâbï, indiquent la nature du prophète Israélite. Comme, d’après une note que le rédacteur de I Sam., ix, 9, a insérée dans son récit, hni est le nom le plus ancien ou au moins le plus répandu dans l’antiquité, nous l’étudierons le premier nous y ajouterons son synonyme rnfi, avant d’examiner les noms techniques, n>33, ndbi’, en hébreu, et npoç-rç T ttiç, en grec.

Le rô’éhou voyant.

Étymologiquement, ce non » dérive de la racine nui, rtfâh, qui signifie originaire T T ment « voir » des yeux du corps ou de l’esprit. Ce verbe a servi à exprimer les visions divines des prophètes. Is., xxix, 10 ; xxx, 10. Rô’éh en est le participe actif. De soi, il pourrait désigner un voyant quelconque ; mai » l’usage biblique l’a réservé à dénommer une catégorie spéciale de voyants, d’hommes qui voient des yeux de l’esprit ce que les autres hommes ne voient pas.

Ce nom est donné à Samuel, pour la première fois dans la Bible, par Saùl et son serviteur, I Sam., ix T 11, 18, qui l’avaient d’abord appelé « homme de Dieu », 6, 7, 8, 10.<La glose du verset 9, dans les deux rédactions différentes de l’hébreu et du grec, indique que ce nom était usité à l’époque de l’événement et désignait ceux qu’au temps du rédacteur on appelait ndbi’. Le voyant était donc l’homme qu’on allait interroger quand on voulait consulter Dieu. Il voyait ce qu’on voulait apprendre de Dieu et ce que Dieu répondait à "la consultation faite. Sa réponse était considérée comme la réponse de Dieu. Si l’objet de la consultation, rapportée dans cette anecdote, est un intérêt temporel et privé, la découverte d’ânesses perdues, Dieu toutefois manifestait à Samuel des desseins plus importants et tout secrets. La veille, il lui avait révélé à l’oreille la venue de Saùl et ses vues sur lui, et quand Saùl parut devant lui, Dieu réitéra ses déclarations, 15-17. Samuel promit à Saùl de lui indiquer le lendemain tout ce qui était dans son cœur, après lui avoir annoncé que le » ânesses étaient retrouvées, 19, 20. Le lendemain, en effet, il fit connaître au fils de Cis la parole du Seigneur, 27, l’élection divine à la royanté, x, 1, et il lnï donna trois signes pour confirmer la vérité de cette déclaration, 2-11. Ce n’était pas, d’ailleurs, la première révélation faite par Dieu à Samuel. Celui-ci, encore enfant, avait entendu à Silo la voix divine. La première fois qu’elle se fit entendre, l’enfant ne savait de qui .elle provenait, I Sam., iii, 7, parce que la parole de Dieu ne lui avait pas encore été manifestée. Du reste, elle était rare à cette époque, et les visions n’avaient pas lieu, 1. Au troisième appel, Héli comprit que Je Seigneur parlait à Samuel, 2. Au quatrième, l’enfant, obéissant aux recommandations du prêtre, dit ; « Parlez, Seigneur, votre serviteur écoute, » 10, et le Seigneur lui annonça le sort qu’il réservait à la famille d’Héli, 11-14. Samuel craignait de rapporter au prêtre la vision, nNisn, 15. Interrogé, il répéta les paroles divines, 16-18. Samuel fut dès lors connu dans tout Israël comme un prophète, 20, 21. Cf. II Par., xxxv, 18. Il porte spécialement dans l’Écriture le nom de voyant. I Par., ix, 22 ; II Par., xxvi, 28 ; xxix, 29.

Quelques autres personnages cependant sont.dits voyants. David appelle ainsi le prêtre Sadoc. II Sam., xv, 27. Le prophète Hanani, qui vivait sous le règne d’Asa, porte aussi ce nom. II Par., xvi, 7, 10. Isaïe, xxx, 10 ; xxxii, 3, emploie poétiquement le pluriel rô’tni. On en a conclu que le nom de voyant a cessé d’être usité après le règne d’Asa. Quoi qu’il en soit, ces simples attributs ou ces substantifs absolus ne non ? apprennent rien sur la signification du nom. Toutefois, de l’histoire de Samuel il ressort que le voyant recevait la vision et entendait la parole de Dieu pour les manifester aux autres.

2° Le Jfôzéh ou voyant. — Étymologiquement, ce nom

a la même signification que ro’éh. Il vient, en effet

de la racine mn, hâzâh, « voir ». Il en est le participe

ii

kal, pris substantivement, et dans l’usage, il désigne,

comme ro’éh, le prophète voyant. Il est plus fréquemment employé que le précédent, surtout à partir d’Amos. Il désigne cependant des prophètes antérieurs. Gad est le hôzéh de David^ II Sam., xxiv, 11 ; I Par., xxi, 9, ainsi que Héman, I Par., xxv, 5, Asaph, I Par., xxix, 30, etldithun. [I Par., xxxv, 15. Addo, qui a écrit l’histoire de Salomonet de Roboam, est dit aussi hôzéh II Par., IX, 29 ; xii, 15. Quelques critiques en ont conclu que le hôzéh était le prophète attaché à la famille royale, tandis que le rô’éh était un voyant s’occupant des affaires des simples particuliers. Mais le hôzéh Jéhu, fils d’Hanani, avait fait des reproches à Josaphat. II Par., xix, 2. L’histoire d’Amos à Béthel, vii, 12-17, est surtout en opposition avec cette conclusion. Amasias interdit à Amos, qu’il appelle hôzéh, de prophétiser à Béthel, qui est le sanctuaire du roi, une maison royale. Si le hôzéh avait été le voyant de la cour royale, Amos n’aurait pas reçu ce nom de la bouche d’Amasias. Des hôzîm avaient parlé à Manassé au nom du Seigneur. Il Par., xxxill, 18. Il y avait eu, d’ailleurs, en Israël et en Juda des hôzîm qui avaient manifesté les ordres du Seigneur. II (IV) Reg., xvii, 13. Ils avaient vu les visions de Dieu, hâzôn, et reçu ses révélations pour les communiquer aux hommes. Voir Prophétie.

Cependant, le pluriel, hôzîm, a spécialement dési-. gné les faux prophètes. Michée, iii, 7, les nomme avec les devins et il annonce leur confusion : ils n’auront pas de « réponse de Dieu ». La nuit leur servira de vision et les ténèbres de divination, 6. Le prophète lui-même, au contraire, est rempli de la force de l’esprit du Seigneur, 9. lsaïe, xxix, 10, parle aussi des faux prophètes de Juda, qui voient des visions, mais que Dieu couvrira de sommeil et dont il fermera les paupières, de sorte que la vision sera pour eux comme un livre scellé, dans lequel ils ne pourront lire, 11, 12. Les Juifs incrédules refusaient de croire les vrais voyants et demandaient aux faux prophètes de leur annoncer ce qui leur plaisait et d’avoir des visions fausses et erronées. Is., xxx, 10. Cf. Ezech., xiii, 9, 16 ; xxii, 28.

Bien que le nom de hôzéh ait servi en dernier lieu à nommer les faux prophètes, primitivement ii désignait le vrai prophète considéré comme un homme dont les yeux ne sont pas fermés aux visions divines, qui les voit, qui lit la réponse de Dieu et qui la communique aux autres. Il était donc synonyme de rô’éh. La seule différence entre ces deux dénominations est que la seconde a été appliquée aux faux prophètes et la première pas.

3° Le ndbî’ou interprète de Dieu. — a)Etymologie.

— L’origine de ce nom est incertaine et sa signification étymologique douteuse. On l’a recherchée dans l’hébreu ou dans d’autres langues sémitiques. Si nàbï. ne peut venir de toa, ndbâ, qu’il est impossible de décomposer en une racine inconnue N3, ba’, « parler », et en la préposition a, ayant le sens de xari nâbà’signifierait

alors « convaincre par la parole », et le ndbî’serait un homme puissant en discours), on a cherché plus ou moins heureusement à le rattacher à d’autres racines : ou bien à ix, ndbâ’, signifiant « bouillonner » et par

TT

suite « répandre abondamment des paroles i>, et dont N33 nâbâ", est la forme adoucie par le changement de

TT

aîn en aleph ; ou bien à aw, nûb, « sortir, pousser, germer », ou à sa racine bilittère 33, nb, exprimant un mouvement quelconque du dedans au dehors, quels qu’en soient le point de départ et le moteur, de sorte que le nâbV serait l’homme qui émet des pa roles, des oracles, et qui est orateur. Les critiques qui soutiennent que le mot ne dérive pas d’une racine hébraïque ou au moins n’a pas de racine dans l’hébreu de la période historique, le font provenir d’autres langues sémitiques, soit de l’arabe nabaa, « annoncsr » une nouvelle, porter un ordre, soit de l’assyrien nabù, qui signifie « crier, publier, annoncer » et d’où dérive le nom du dieu babylonien Nabo, dieu de la sagesse et de la science, de la parole et de l’écriture, voir t. iv, col. 143H436, de sorte que nâbi’signifierait celui qui parle de la part de Dieu, l’orateur divinement inspiré.

6) Forme grammaticale. — Les hébraïsants ont reconnu au mot hébreu nâbf une forme passive ou active et ont précisé en conséquence la signification passive ou active du nom. Si on considère le mot ndbî’comme un participe passif qâlîl, le nâbi’est un homme à qui il est parlé, qui entend une voix intérieure, mystérieuse et intelligible pour lui seul et qui ne parle que sous l’action d’un révélateur, un homme qui est donc inspiré. C’est pourquoi les actes des prophètes sont toujours exprimés dans la Bible par des verbes au niphal et à Vhithpahel, qui sont deux formes passives. Mais même en admettant la justesse de ces observations, des grammairiens plus récents ont remarqué que les participes passifs, devenus substantifs, ont perdu la signification passive et ont un sens actif ; ainsi Tps,

pdqîd, surveillant, -|tïF, qasîr, moissonneur, 3>-n, nd 7’H

dîb, noble, prince,-pu, nâgîd, chef, b>ai, rdkîl, ca T * T

lomniateur, etc. D’ailleurs, le niphal est plutôt la forme réfléchie du gai ell’hithpahel la forme réfléchie du phel. Par suite N3 : et N3^nn, qui sont souvent employés l’un

pour l’autre, ont la signification réfléchie et veulent dire : ce se montrer prophète. » N’33, a donc plutôt une forme

  • T

active et désigne « celui qui parle », non pas sans doute en son nom propre, mais bien au nom d’un autre.

c) Signification d’après l’usage biblique. — Du reste, l’usage a fixé le sens du mot, et l’usage a, pour déterminer le sens, plus de valeur que l’étymologie et la forme grammaticale. Or, le passage classique qui détermine le sens usuel du mot, est le récit de l’Exode, vii, 1, 2. Moïse avait été chargé par Dieu de transmettre à Pharaon ses volontés au sujet des Israélites opprimés. Il objecta que ses lèvres étaient incirconcises, Exod., iv, 10 ; vi, 10-12, 29-30, et qu’il éprouvait de la difficulté à parler. Or, Dieu lui donna Aaron pour nâbi’; il parlera à sa place. Moïse dira à son frère tout ce que Dieu lui communiquera, et Aaron le transmettra à Pharaon, non pas comme truchement, mais comme porte-parole. De même, à l’égard des Israélites, Aaron sera « la bouche de Moïse ». Exod., iv, 14-16. Voir t. iv, col. 1194. Le nâbi’de Dieu était pour Dieu ce qu’Aaron était pour Moïse. Dieu mettait dans sa bouche les paroles qu’il voulait lui faire dire ; lui-même, il ne disait que ce que Dieu voulait lui faire dire. Il était donc le porte-parole de Dieu, non pas seulement un inspiré, qui reçoit une révélation, mais un représentant officiel, chargé de parler au nom et à la place de Dieu, un orateur, un prédicateur qui dit aux hommes ce que Dieu veut leur faire savoir.

La manière dont Jérémie reçut la mission prophétique confirme cette interprétation. Dieu lui révèle qu’il l’avait choisi dès le sein de sa mère pour être son nâbi’auprès des nations. Jer., i, 4, 5. Le fils d’Helcias répond qu’il ne sait ou ne peut parler avec l’autorité nécessaire, parce qu’il n’est encore qu’un enfant. Dieu l’encourage, confirme sa mission prophétique, lui promet sa protection, touche ses lèvres sur lesquelles il mettra les paroles que le prophète aura à prononcer, 7-10. Cf. v, 14. Jérémie dit les paroles divines qu’il a entendues, I, 11-.13, etc. Il parle donc par délégation divine et il est

l’interprète des volontés de Dieu auprès des hommes.

Le nom de nâbï, ayant cette signification, a remplacé l’ancien nom de rô’êh et est devenu d’un emploi universel pour désigner les représentants de Dieu en Israël. I Sam., IX, 9. II a toujours caractérisé un homme qui parle au nom de Dieu et qui répand des oracles divins. Tout ce qui va suivre confirmera cette explication.

4° Le npotpr ( TTn ; des Septante. — Ce mot grec traduit régulièrement, dans la version grecque dite des Septante, le nom nâbi’appliqué aux vrais prophètes, et quelquefois rô’éh, I Par., xxvi, 28 ; II Par., xvi, 7, 10, et hàzéh. II Par., ix, 2 ; xxix, 30 ; xxxv, -15. Il faut exposer la véritable signification de ce nom, duquel viennent le mot latin propheta et le nom français prophète.

a) Étymologie. — Les Pères et les théologiens ont donné diverses explications de ce nom. Eusèbe de Césarée, Demonsl. ev., I. V, prolog., t. xxii, col. 345, le faisait dériver de itpo : pocîveiv et lui donnait la signification de communication par le Saiut-Esprit des choses futures et cachées. Saint Thomas a adopté une dérivation analogue, puisqu’il séparait upô, procul, et tpavo : , apparitio, et il en a conclu que la prophétie consistait principalement dans la connaissance surnaturelle des choses inconnues. Sum. theol., II a II 85, q. clxxi, a. 1. Suarez, De fide, disp. VIII, sect. iii, n. 1, Opéra, Paris, 1858, t. xil, p. 227, l’a rejetée à juste titre comme n’ayant aucun fondement dans la langue grecque. Ce théologien préférait une autre étymologie, communément admise, qui fait venir ce mot de itpocpâvai, « dire à l’avance, » et qui considère la prophétie comme une prédiction de l’avenir. Cette interprétation était déjà acceptée par saint Irénée, Cont. hser., 1. IV, c. xx, n. 4, t. vii, col. 1034 ; par saint Ambroise, De benedictione patriarcharum, 1. II, n. 7, t. xiv, col. 676 ; par saint Basile, In Isa., proœm., n. 3 ; 1. III, t. xxx, col. 224, 284 ; par saint Chrysostome, In Vidi Dominum, hom. ii, d. 2, t. lvi, col. 111 ; et par saint Grégoire le Grand, In Ezech., 1. I, hom. i, n. 1, t. lxxvi, col. 786. Elle a donné naissance à l’opinion vulgaire, qui ne reconnaît dans les prophètes que des prédiseurs de l’avenir. Mais tout en admettant cette dérivation, on peut et on doit, semble-t-il, lui donner une meilleure explication. Dans TtpoçTyrric, la préposition itp<5 n’est pas une particule de temps. Comme dans les mots composés analogues, itpièoaxoç, vice-pasteur, itp160uXoç, qui prend conseil pour un autre, irpiStxoç, qui traite l’affaire d’autrui, TrporiTopsîv, parler à la place d’autres, etc., et en latin, proconsul, procurator, proprietor, propugnator, etc., « Ile signifie « à la place de ». Le irpoçrJT/iï est donc celui qui pro alio loquitur, et il exprime ainsi très bien le sens de nâbi’.

b) Signification. — Du reste, upo^r/jc, chez les écrivains grecs profanes, signifie interprèle, et non prédiseur de l’avenir. Denys d’Halicarnasse appelle les prêtres Ttpotpîirat ifiv Seîtov, c’est-à-dire les interprètes des choses divines. Platon dit que les poètes sont Mo’Jdûv 7tpoçï]Tai. Thémistius, Orat., xxiii, nomme xpocpïJTr, ; , celui qui explique Aristote. Philon aplusieurs fois présenté les prophètes d’Israël comme les interprètes de Dieu, qui ne disent que ce que Dieu leur fait dire. Les Pères, même ceux qui admettaient, l’étymologie tirée de upocpâvoti, ont donné cette signification.

-S. Chrysostome, In Act., hom. xix, 5, t. lx, col. 156 ; In I Cor., hom. xxxvi, 4, t. lxi, col. 311 ; S. Augustin, Qusest, in Heptateuch., ii, 17, t. xxxiv, col. 601 ; Synopsis Sac. Script, (attribuée à saint Chrysostome), t. lvi, col. 317. Les commentateurs catholiques, à partir du xviie siècle, ont généralement adopté cette interprétation, qui n’est pas, comme on le prétend quelquefois, « ne découverte de l’exégèse moderne.

il. d’après leur manière d’agir. — Tout ce que disent et font les prophètes, ils le disent et ils le font, non pas en leur nom personnel, mais au nom de Dieu.

Beaucoup de leurs oracles oraux ou écrits débutent par ces mots : « Ainsi parle le Seigneur. » I Sam., x, 18 ; xv, 2 ; I (III) Reg., xiii, 2 ; xxii, 11 ; II (IV) Reg., vii, 1 ; Is., vii, 7 ; Jer., ii, 2 ; xix, 1 ; Ezech., v, 5, 8 ; vi, 11 ; vu, 5 ; xi, 2, 7, 16 ; Amos, i, 2, 3, 6, 11, 13 ; ii, 1, 4, 6 ; Abdias, 1 ; Agg., i, 2, 5, 7 ; Zach., i, 3, etc. Dieu lui ordonne de parler ainsi : « Le Seigneur dit ceci. » Jer., IX, 24 ; Ezech., xi, 17 ; xil, 23. Le prophète a entendu de la bouche de Dieu les paroles qu’il proclame. Ezech, , ni, 17 ; xxxiii, 7 ; Hab., iii, 2. Il annonce la parole de Dieu. Is., i, 10 ; xxviii, 14 ; Jer., ii, 4, 31 ; vii, 2 ; IX, 20 ; Ezech., vi, 3 ; xiii, 2 ; xx, 47 ; Ose., iv, 1 ; Amos, vu, 16, etc. Dieu lui ordonne de proclamer ce qu’il lui a dit. Jer., xix, 2 ; Ezech., iii, 4. C’est Dieu qui parle par sa bouche. Is., iii, 6 ; Ezech., xvii. 21. La parole du Seigneur lui a été dite. Ezech., vi, 1 ; vii, 1 ; xi, 14 ; xii, 1, 5, 17, 21, 26 ; xiii, "1, etc. Bref, ce que le prophète dit n’est pas le produit de son esprit, et toutes ses paroles sont des paroles divines. Or, rien n’est plus varié que leur objet. Elles ne concernent pas toutes l’avenir. Elles font connaître les résolutions que Dieu a prises, ses desseins. Elles sont généralement accompagnées d’avertissements et d’exhortations, de reproches, de menaces, de consolations. Elles forment parfois un discours entier. Le prophète manifeste donc toutes les volontés de Dieu, présentes et futures. Il est le porteparole de Dieu, le médiateur de la révélation divine, l’organe de Jéhovah, l’interprète humain de la pensée divine, un orateur divinement inspiré. Philon en donnait déjà cette définition, et saint Pierre l’a déclaré : « Les saints hommes de Dieu ont parlé sous l’inspiration du Saint-Esprit. » II Pet., i, 21.

II. Vocation et inspiration divine des prophètes.

— Les prophètes d’Israël ne se sont pas introduits d’eux-mêmes dans le ministère qu’ils remplissaient. Dieu les suscitait parmi son peuple. Deut., xviii, 18. Leur vocation, leur mission, leur inspiration sont divines ; tous leurs actes, tous leurs oracles, ils les rapportaient à Dieu.

1° Vocation et mission. — Ce n’est ni de leur propre choix et de leur initiative privée ni par une éducation spéciale que les prophètes d’Israël ont commencé et rempli leur ministère. Amos était un simple berger de Thécué, i, 1 ; Dieu l’a pris derrière son troupeau et l’a envoyé prophétiser à Israël, vii, 14-15. Il est donc devenu prophète par vocation expresse et personne ne saurait aller à l’encontre de cet appel divin, ni les prêtres de Béthel ni les rois d’Israël. Ce n’est pas pour remplir un métier et gagner son pain qu’il prophétise comme le supposait Amasias, vii, 12 ; c’est pour obéir à l’ordre de Dieu. L’appel divin a été pour lui d’une clarté irrésistible ; il a quitté son métier de berger et s’est exposé aux dénonciations et aux menaces d’Amasias. La parole divine l’a saisi et subjugué : « Dieu parle ; qui ne prophétiserait ? » iii, 8. Dans une vision, Isaïe a entendu Dieu demander qui il enverrait ; il s’est offert généreusement et il a reçu l’ordre d’annoncer à Juda les volontés divines, vi, 8, 9. Jérémie a été choisi par Dieu comme prophète dès le sein de sa mère. Comme Moïse, il veut repousser la mission qui lui est confiée. Dieu le fortifie, touche sa bouche pour la rendre éloquente et le charge d’une mission pénible, I, 4-10. Plus tard, quand l’accomplissement de sa mission lui attire le mépris de ses contemporains, il se plaint amèrement que Dieu l’ait fait prophète par force. IJ avait voulu garder le silence ; mais il a senti brûler dans ses entrailles et dans ses os un feu dévorant et il a été contraint de céder et de parler, xx, 7-9. Cf. iv, 19-26 ; xv, 10, 15. Ézéchiel a reçu de Dieu, lui aussi, la mission de parler aux Israélites coupables et de ne pas craindre leur opposition, ii, 1-6. Les autres prophètes, bien qu’ils ne nous aient fait connaître ni l’époque ni le mode de leur vocation, étaient cependant choisis par

Dieu comme ses représentants et envoyés vers ceux à qui le Seigneur voulait révéler ses volontés, ordres ou menaces. Dieu lui-même l’affirme par la bouche de Jérémie, xx.iv, 4.

2° Inspiration. — Dieu ne se borne pas à envoyer ses prophètes et à les charger de parler en son nom ; il met sur leurs lèvres ce qu’ils doivent prêcher et annoncer de sa part, il inspire et dirige tous leurs actes et ioutes leurs démarches. L’action de Dieu sur ses envoyés est exprimée dans les Livres Saints en des formules nombreuses, variées et très expressives. Les unes la décrivent d’une façon générale, d’autres en précisent la nature, tout en la laissant cependant encore dans une mystérieuse obscurité qu’il est impossible de dissiper.

La main du Seigneur est sur son prophète, Ezech., I, 3 ; iii, 22 ; xxxiii, 22, avant qu’il ne lui parle ; elle tombe sur lui et il a une vision, Ezech., viii, 1 ; elle le conduit dans l’Esprit de Dieu. Ezech., xxxvii, 1 ; XL, 1. Elle faisait courir Élie devant le char d’Achab. I (III) Reg., xviii, 46. L’Esprit du Seigneur est sur Isaïe, lxi, 11. Michée, iii, 8, a été rempli de sa force, de son jugement et de sa puissance. Cet Esprit se précipite sur Ézéchiel pour lui parler, xi, 5 ; il l’enlève et l’emporte au lieu où il doit porter son message, iii, 12, 14 ; il pénètre en lui, le fait tenir debout et lui parle, iii, 24. Dieu a inspiré par son Espritles paroles desanciens prophètes. Zach., vii, 12. Aussi le prophète est-il l’homme de l’esprit, n=nn ut>n, qu’Israël coupable tient

pour un insensé, Ose., ix, 7, mais qui ne peut mentir. Mich., ii, 11. Cette action de l’Esprit divin s’était produite aussi sur les prophètes d’action. L’Esprit de Dieu s’était précipité sur Balaam, Num., xxiv, 2 ; il était venu sur Azarias, fils d’Oded, II Par., xv, 1, sur Jahaziel, II Par., xx, 14 ; il avait revêtu Zacharie, flls de Joïada. II Par., xxiv, 20. L’annonce de la multiplicité des prophètes aux temps messianiques est faite sous l’image d’une effusion de l’Esprit divin sur toute chair. Joël, ii, 28, 29. Cet esprit qui animait les prophètes d’Israël, venait donc du dehors ; il était étranger à leurs personnes ; il dirigeait leurs actes et il les poussait eux-mêmes à parler.

Son action est précisée ailleurs et présentée comme une révélation divine. Dieu lui-même met ses propres paroles sur les lèvres des prophètes, Deut., xviii, 18, qu’il a purifiées. Is., VI, 5-7 ; Jer., i, 9. Il parle aux prophètes pour leur révéler ses secrets. Amos, iii, 7. Il montre l’objet des visions. Amos, vii, 1, 4, 7 ; viii, 1. Consulté et interrogé, il ne répond que s’il le veut. Ezech., xiv, 3. Le prophète doit attendre que Dieu lui réponde. Hab., ii, 1. Quand le peuple demande une consultation, il prie le Seigneur de donner une réponse qui n’est accordée qu’au bout de dix jours. Jer., XLH, 4, 7. En vain le prophète voudrait-il devancer l’heure et apprendre de force la parole de Dieu. Il n’obtient de révélation que si Dieu veut la lui accorder. Pour punir son peuple, Dieu ne donne plus de visions à ses prophètes. Lament, ii, 9. Mais quand Dieu a ouvert la bouche de son prophète, celui-ci ne peut plus se taire. Ezech., xxxiii, 22. Les prophètes ne parlent donc pas d’eux-mêmes et par leur propre volonté ; c’est l’Esprit qui les inspire. II Pet., i, 21. Leurs paroles ne sont pas le fruit de leurs réflexions personnelles, ni la conséquence de leurs raisonnements. Elles leur viennent du dehors, sont mises par Dieu sur leurs lèvres, ou au moins leurs pensées sont produites dans leur esprit par une force supérieure, l’Esprit de Dieu, qui les fait agir et parler et qui anime toute leur conduite. Sur la manière dont Dieu agissait sur les prophètes et leur communiquait ses volontés, voir Prophétie.

Les prophètes n’ont pas décrit leur état psychologique, tandis qu’ils recevaient les communications di vines. Ils avaient le sentiment intime de posséder la vérité communiquée par Dieu. Toutefois, quelle qu’ait été la façon dont l’Esprit divin agissait sur l’intelligence des prophètes, il laissait leur personnalité intacte ; il ne leur enlevait pas la conscience de leurs actes et n’apportait aucun trouble ni aucune modification dans l’exercice régulier et normal de. leur intelligence et de leur liberté. Quoique inspiré, le prophète agissait, pensait et parlait comme les autres hommes. Ses pensées et ses paroles étaient celles de Dieu ; il avait compris la révélation qui lui avait été faite, et il la publiait comme il eût fait pour ses propres idées. En parlant et en agissant, il parlait et agissait au nom de Dieu, parfois comme s’il était revêtu de la personnalité de Dieu qui parlait par sa bouche ; il n’avait néanmoins rien perdu de son activité personnelle. Quand les prophètes s’exprimaient comme s’ils avaient été Dieu lui-même, quand ils lui attribuaient leurs discours, ils formulaient la pensée divine dans leur langage propre, avec les couleurs de leur imagination et la chaleur de leurs sentiments. Ils empruntaient leurs images à leur milieu social, et ils donnaient parfois l’empreinte de leur esprit à la pensée de Dieu. Ils avaient reçu de Dieu les ordres à communiquer, les vérités à manifester, l’impulsion pour agir et parler ; mais dans l’exercice de la communication des pensées divines aux autres, ils gardaient le libre usage de leurs facultés, Ils n’ont pas laissé d’indice que, même dans la vision, ils aient été ravis en extase. Ils ne disent pas que, tandis que leur esprit percevait la vérité que Dieu leur manifestait, ils avaient perdu conscience des choses extérieures. Il n’y a donc pas lieu, d’ordinaire, de parler d’extase prophétique, au moins dans le sens antique d’hommes qui parlent étant hors d’eux-mêmes et sans l’usage de leurs facultés naturelles. Leur esprit avait dû parfois, peut-être, se fixer si attentivement sur la vérité révélée par Dieu, surtout lorsqu’elle était présentée à leur imagination sous des images, qu’au moment de sa manifestation surnaturelle, il avait perdu, partiellement ou totalement, conscience des choses extérieures. Mais cette abstraction d’esprit ne durait que pendant la perception de - l’objet révélé ; elle n’avait pas fait cesser la pleine conscience intérieure, et l’acte de perception accompli, le prophète gardait le souvenir distinct de ce qu’il avait vu ou de ce qu’il avait éprouvé, et il le manifestait avec l’usage plénier de sa liberté et de ses autres facultés naturelles. L’extase prophétique, quand elle s’est produite, différait donc de la jjav : « des devins antiques et n’avait rien de commun avec leur délire ou leur démence. Le prophète savait toujours ce qu’il prophétisait, quoiqu’il pût cependant ne pas saisir toujours toute la portée de ses oracles. Sur les prophètes exaltés et hors d’eux-mêmes, voir Prophétisme.

Il est clair enfin que les prophètes d’Israël ne sentaient pas constamment en eux ni toujours au même degré, quand elles se produisaient, l’influence et l’action de Dieu. Leur inspiration n’était pas continue ni habituelle. Quoique leur mission ait été ordinairement perpétuelle, tout ce qu’ils faisaient et disaient n’y avait pas un rapport nécessaire. Quand ils remplissaient leur mission, ils étaient poussés par l’Esprit de Dieu, et alors leurs paroles et leurs actes étaient inspirés, bien que Dieu ne leur ait pas fait de nouvelles révélations. L’inspiration divine avait donc lieu pour eux par intermittence. Le prophète Nathan avait de lui-même encouragé le roi David dans son projet de bâtir un temple au Seigneur ; mais, la nuit suivante, Dieu lui révéla que David ne réaliserait pas son dessein qui serait accompli par son fils. II Sain., vii, 3-13. Dieu, ne parlait à Élie que dans des cas particuliers et à de longs intervalles. I (III) Reg., xvii* 2, 8 ; xviii, 1. Si Elisée reçoit une double part de l’esprit d’Élie, II (IV)l Reg., ii, 9, 10. 15, Dieu lui avait caché la douleur de la.

Sunamite privée de son fils unique, Il (IV) Reg., iv, 27 ; et le prophète irrité a besoin d’un harpiste pour calmer sa colère et le prédisposer à recevoir la révélation divine. II (IV) Reg., iii, 11-20. Les oracles des prophètes écrivains n’étaient pas proférés à jet continu. Chacun a eu son occasion propre et le prophète ne recevait les révélations divines que lorsque Dieu le voulait et dans la mesuré même où il le voulait.

III. Manière dont les prophètes manifestaient les volontés divines. — 1° De vive voix et par la parole. — Les prophètes, étant essentiellement des orateurs et des prédicateurs qui parlaient au nom de Dieu et sous son inspiration, ont exercé leur mission surtout par la parole. Tous les anciens prophètes, qu’on appelle prophètes d’action ou non-écrivains, n’ont agi sur leurs contemporains que par leurs oracles promulgués de vive voix et par leurs discours. Élie, Elisée et d’autres n’ont laissé aucun recueil de leurs prophéties. Ce n’est que vers le milieu du vme siècle que commence la prophétie écrite et encore les prophètes de cette époque, avant de faire eux-mêmes ou de laisser faire la collection de leurs oracles, les avaient prononcés de vive voix en public. Amos, le plus ancien peut-être des prophètes écrivains, lorsqu’il paraît pour la première fois à Béthel, parle au peuple et au prêtre Amasias.On peut légitimement supposer qu’il a communiqué les autres messages de Dieu par la parole avant de les rédigor par écrit. Jérémie a prophétisé pendant 23 ans sans écrire, et ce ne fut qu’après ce long laps de temps que Dieu lui ordonna de prendre un rouleau et d’y consigner ses précédents oracles, xxxvi, 1, 2. Il avait, du reste, prononcé quelques-uns d’entre eux dans la cour du Temple de Jérusalem, xxvi, 2. Beaucoup de prophéties ont la forme de discours qui ont sans doute été dits avant d’être couchés par écrit. La parole était certainement à cette époque le moyen le plus efficace de faire connaître et de propager les oracles divins.

On peut donc penser que la plupart des prophètes écrivains ont été orateurs avant de devenir écrivains. Ce n’est qu’après avpir fait entendre aux oreilles de leurs contemporains les volontés divines qu’ils les ont consignées par écrit. Leurs écrits ne sont donc qu’une reproduction de leur prédication. Vraisemblablement, les discours des prophètes n’étaient pas reproduits par eux intégralement, textuellement, sténographiquement. Â moins qu’il ne s’agisse d’oracles écrits pour être lus, la reproduction n’est pas faite ira extenso, mais seulement sous forme de citations partielles ou même de simples résumés. Jérémie, commençant à dicter ses prophéties après 23 ans de ministère, ne se souvenait plus textuellement des paroles qu’il avait prononcées, et il n’a pu les reproduire littéralement. Les écrits de beaucoup de prophètes sont donc des recueils d’extraits ou de spécimens de leur prédication. Ils y ont résumé et condensé eux-mêmes la substance de leur enseignement, les thèmes qu’ils avaient vraisemblablement traités et développés à diverses reprises. Parfois cependant, le texte primitif a été reproduit intégralement. On peut penser qu’il en a été ainsi de ces discours rédigés sous forme poétique, en strophes régulières et avec refrain répété.

2° Par écrit. — Toutefois, certaines parties des livres prophétiques n’ont probablement pas été prononcées de vive voix, mais ont été publiées seulement par écrit. Ainsi les prophéties d’Osée paraissent être moins des discours que des oracles écrits pour être répandus parmi le peuple et communiqués par la lecture. Isaïe, qui avait été à la rencontre d’Achaz pour lui dire les menaces divines, vii, 3-25, voulut, parce que sa mis. sion était mal vue du peuple, lire la révélation et fermer avec un sceau la doctrine parmi ses disciples, viii, 16 ; ce qui signifie qu’il résolut de ne plus la répandre « n public, et de la réserver à un petit groupe de fidèles.

S’il n’avait pas pensé alors à la laisser par écrit, il reçut plus tard de Dieu l’ordre d’écrire les instructions du Seigneur, xxx, 8. II est possible que toute la seconde partie de son livre, xl-lxvi, dont la composition est si régulière, n’a été publiée que par écrit. Quand Jérémie eut dicté à Baruch ses oracles antérieurs et les eut réunis en un volume, il en fit lire publiquement une partie au peuple, xxxvi, 4-10, et aux princes, 11-19. On les lut aussi au roi, qui jeta le volume au feu, 20-25. Jérémie dicta à son secrétaire un volume plus complet que le précédent, 27-32. Le livre de Baruch a été écrit tout entier pour être lu aux Juifs exilés à Babylone, Bar., i, 1-4, ainsi que la lettre que Jérémie adressa aux mêmes captifs. Bar., vi. L’ordre et la disposition du livre d’Ézéchiel font penser que le prophète l’a écrit d’un seul jet, quoique quelques parties soient la reproduction de discours précédents, iii, 10-15 ; XX, 2-44 ; xxiv, 18-27 ; xl, 4. On estime que le plan de restauration religieuse, dressé par lui, xl-xlvhi, n’a pas été destiné à être lu en public. Toutefois, Ézéchiel n’a pas été seulement un prophète de cabinet, comme on l’a dit, il a été aussi bien que ses devanciers un orateur en contact immédiat avec les exilés ; mais il a composé lui-même le recueil de ses prophéties. On a donc eu tort de prétendre que, pour lui, la vision prophétique n’était plus une expérience réellement éprouvée et qu’elle était devenue un genre littéraire, une simple forme dont se revêtait la pensée de l’écrivain. Le livre de Daniel a été composé pour être lii, et ses oracles ne semblent pas avoir été publiés de vive voix, avant leur publication littéraire.

Les recueils d’oracles prophétiques ont vraisemblablement été formés pour la plupart par les prophètes eux-mêmes qui réunissaient ainsi, groupaient l’ensemble de leurs oracles, dont quelques-uns peut-être avaient primitivement été rédigés sur des feuilles volantes. Il n’est pas certain toutefois que tous aient fait la collection de leurs prophéties, Quelques-uns ont pu laisser ce soin à leurs disciples. Les oracles d’Isaïe et de Jérémie ne semblent pas avoir eu, dès le début, une destination publique. Ces prophètes les avaient gardés dans le cercle étroit de leurs disciples. Plus tard, les livres prophétiques furent communiqués au peuple, et tous finirent par être reconnus officiellement et publiquement comme la parole de Dieu. La prophétie écrite a ainsi exercé une plus grande influence que la prophétie simplement orale. Après avoir produit son effet immédiat dans les milieux auxquels elle était destinée, elle a transmis aux siècles suivants et à toutes les générations juives et chrétiennes la révélation divine.

3° Par actions symboliques. — Souvent, les volontés divines étaient manifestées au peuple et rendues tangibles en quelque sorte par des actions symboliques, accomplies par les prophètes et racontées dans les Livres Saints. Les prophètes d’action en ont accompli aussi bien que les prophètes écrivains, En coupant son manteau en douze parts et en en donnant dix à Jéroboam, le prophète Ahias annonçait symboliquement le schisme de dix tribus. I (III) Reg., xi, 29-39. Le fils du prophète, qui se fait battre et blesser et qui se présente au roi Achab sur le chemin, voulait par sa conduite attirer l’attention du roi et lui faire mieux comprendre le tort qu’il avait eu de s’allier avec Bénadad. I (III) Reg., xx, 35-43. Les mariages d’Osée avec Gomer et avec une femme débauchée ne sont, probablement, - ni une fiction allégorique, ni une simple parabole, ni des actes accomplis en vision, mais des histoires vraies, symbolisant la conduite d’Israël è l’égard de Dieu : Voir t. iv, col. 1909-1912. Isaïe, 1-4, écrit sur une grande tablette en grands caractères et devant témoins le nom prophétique qu’il donnera au fils qui lui naîtra bientôt. Ce prophète, nu et déchaussé, parcourt Jérusalem, comme s’il était un prisonnier de guerre, pour figurer les captifs &

que le roi d’Assyrie, dans la campagne commencée, emmènera d’Egypte etd'Éthiopie, xx, 1-6. Jérémie cache sa ceinture de lin au bord d’un cours d’eau et va la reprendre plus tard, toute pourrie et impropre à aucun usage, pour annoncer le châtiment que Dieu tirera de .Tuda, auquel il s’est attaché comme la ceinture s’attache aux reins d un homme, xiii, 1-21. Un potier, sous les yeux du prophète, change la destination du vase qu’il façonne : ce qui signifie que Dieu, lui aussi, peut modifier ses plans, xviii, 1-10. Jérémie brise ensuite devant témoins un vase acheté chez ce potier pour figurer la destruction prochaine de Jérusalem, xix, 1-13. Il met un joug sur ses épaules en vue de représenter l’asservissement de Juda par Dabylone et d’annoncer au roi que Dieu lui commande de se soumettre à ses vainqueurs, xxvii, 2-13, malgré les prédictions trompeuses des faux prophètes. Hananias, l’un d’eux, brise le joug symbolique porté par Jérémie, et ce prophète contredit son adversaire et prédit sa mort prochaine, xxviii. 1-17. Il achète un champ à Anathoth, et cet achat, fait sous l’impulsion divine, est l’emblème et le gage des bénédictions que Dieu réserve aux captifs après leur retour, xxxii, 6-44. Réfugié en Egypte, il cache de grandes pierres pour prédire l’invasion du pays par Nabuchodonosor, xliii, 8-13. Après avoir écrit sa prophétie annonçant la ruine de Babylone, il remet le rouleau à Sarias, qu’il envoie à Babylone pour le lire, l’attacher ensuite à une pierre et le jeter au milieu de l’Euphrate, afin de symboliser la submersion de la grande ville, Li, 59-64. Ezéchiel mange un rouleau d'écriture qui lui est présenté, et ce symbole figure le message dont il est porteur, ii, 8-m, 3. Il reçoit l’ordre de s’enfermer dans sa maison et d’y garder un silence absolu pour montrer que les Israélites exaspèrent Dieu, qui ne veut plus leur parler, iii, 24-27. Il trace sur une brique un plan de Jérusalem assiégée et représente lui-même les assaillants, iv, 1-3. Couché sur le côté gauche pendant 390 'jours, il représente la durée des iniquités d’Israël ; couché ensuite sur le côté droit durant 40 jours, il figure celle des péchés de Juda, un jour étant pour une année ; après quoi, il prophétise contre Jérusalem assiégée, iv, 4-8. Sa nourriture répugnante, malgré l’adoucissement obtenu, et sa boisson seront mesurées comme le signe du : sort misérable auquel seront réduits les assiégeants, iv, 9-17. Il coupe enfin sa chevelure, la livre au feu, au rasoir et au vent, pour signifier qu’un petit nombre seulement des habitants de Jérusalem survivra, v, 1-17. En présence des exilés, il simule un départ hâtif pour un voyage, et il explique que cette scène représente le roi Sédécias et les habitants de Jérusalem qui devront émigrer au milieu des nations, xii, 1-16. La manière dont le prophète mange son pain et boit de l’eau, signifie la condition misérable à laquelle seront réduits les habitants de Jérusalem, xii, 17-20. Sa femme étant morte, il reçoit de Dieu l’ordre de ne pas en porter le deuil, afin de servir de signe à ses compatriotes, en prévision de la ruine prochaine de Jérusalem, xxiv, 15-24. Le livre de Zacharie raconte une seule action symbolique. Trois exilés, revenus de Babylone, avaient rapporté de l’or et de l’argent ; le prophète doit en faire des couronnes qu’il placera sur la tête du grand-prêtre Josué et qui seront déposées dans le Temple de Jérusalem comme des mémoriaux de la reconstruction de ce Temple, ainsi prédite, vi, 6-16. Bien que quelques-unes de ces actions symboliques présentent des difficultés au point de vue de leur réalité historique, ce ne sont pas de simples figures de rhétorique comme le prétendait Reuss, mais plutôt des faits réels, accomplis sous les yeux des spectateurs afin de les impressionner plus vivement et de leur donner une saisissante leçon de choses. IV. Preuves que les prophètes donnaient de la

VÉRITÉ DE LEUR MISSION ET DE LEUR INSPIRATION. —

1° Les miracles. —Les envoyés de Dieu justifiaient parfois leur mission divine, en accomplissant des prodiges. Ainsi, Dieu accorda à Moïse le pouvoir de faire des prodiges avec la verge qu’il tenait à la main ou de changer l’eau en sang pour l’accréditer auprès des Hébreux, . Exod., IV, 1-19, 29-21, aussi bien qu’auprès de Pharaon. Exod., vii, 3-5, etc. L’autel de Béthel fut brisé et la main de Jéroboam desséchée pour confirmer la prédiction d’un prophète de Juda, réalisée plus tard dansla personne du roi Josias. I (III) Reg., xiii, 1-6. La résurrection de son fils fut pour la veuve de Sarephta » une preuve certaine qu'Élie était un homme de Dieu, et que la parole de Dieu était vraiment dans sa bouche.

I (III) Reg., xvii, 23, 24. Le même prophète confondit : les prophètes de Baal qui ne purent faire dévorer parle feu du ciel leurs victimes, et quand sa prière à Jéhovah eut été exaucée, le peuple entier proclama la puissance de son Dieu. Ibid., xviii, 20-30. Dieu lui-même fait proposer à Achaz par Isaïe un signe en preuve dela vérité d’un oracle précédent. Is., viii, 7-12. La rétrogradation de l’ombre sur le cadran d'Ézéchias devait être pour ce roi une assurance divine de la vérité des promesses qui venaient de lui être faites de la part du Seigneur. Is., xxxviii, 5-8. Toutefois, les prophètesd’Israël ne se donnaient pas ordinairement comme thaumaturges, et l’accomplissement de signes et deprodiges semble n’avoir été qu’accidentel pour autoriser, , de par Dieu, la mission de ces prophètes, en Israël.

2° La réalisation de leurs oracles. — La véritablemarque distinctive des faux et des vrais prophètes était la réalisation ou la nonréalisation de leurs prédictions.. Dieu lui-même avait révélé ce critère à Moïse. Deut., xviii, . 20-22. Élie, au début de sa mission, prédit une sécheresse, qui se réalise aussitôt et cesse sur sa parole au< bout de trois ans. I (III) Reg., xviii, 1-45. Dans sa lutte avec les faux prophètes d’Israël, Michée, fils dfr Jemla, prédit à Sédécias et au roi le sort qui les attend en confirmation de la vérité de sa prédiction. I (III) Reg., . xxii, 25, 28. Elisée annonce aux vieillards qui l’entourent que le roi envoie quelqu’un pour le tuer, et à peineavait-il fini de parler que l’envoyé arrivait. II (IV) Reg., . vi, 31-33. L’Israélite qui avait refusé de croire à l’abondance prédite par le même prophète, vit le fait réalisé, mais n’en profita pas, ainsi que l’homme de Dieu le lui avait déclaré. 1Il Reg., vii, 1, 2, 16-20. L'événement justifia promptement la prédiction d’Elisée à Hazaël, qui devint roi de Syrie après le meurtre de BenadadIII Reg., viii, 13-15. Il en fut de même pour celle que ceprophète fit à Joas qui fut trois fois victorieux desSyriens, III Reg, , xii, 14-19, 25, et pour celle qu’Isaïe fit à Ézéchias contre Sennachérib. III Reg., XIX, 20-35. Les incursions des Chaldéens, des Syriens, des Moabites et des Ammonites dans le royaume de Juda sous le règne de Joachim réalisaient les paroles que Dieu avait fait prédire parles prophètes, ses serviteurs. III Reg., xxiv, 2. Amos, vii, 17, annonce au prêtre Amasias un châtiment ; personnel, qui a dû avoir une prompte réalisation. Dans sa discussion avec le faux prophète Hananie, . Jérémie rappelait à son adversaire que les prophètes antérieurs avaient prédit des guerres, des dévastationsi et des famines, alors que lui annonçait la paix. L'événement devait vérifier leurs oracles. Jer., xxviii, 8, 9.

II donna tort à Hananie qui, lui-même, mourut dans l’année en punition de ses prédictions mensongères, 1517. La réalisation des prophéties, faites ainsi à brève échéance, confirmait évidemment la mission divine de ceux qui les avaient faites. Mais toutes les prédictions, ne devaient pas se réaliser sous les yeux des auditeurs. Aussi les incrédules reprochaient-ils fréquemment avec dérision [aux prophètes ; le retard de leurs prédictions. Amos, v, 18 ; ix, 10 ; Is., v, 19 ; Ezech., xii, 21-28. Demême, parce que les prophètes annonçaient aux Israélites prévaricateurs des châtiments, ont-ils été persécu-

tés. Matth., v, 12 ; Àct., vii, 52 ; Heb., xi, 35-40.

3° Le caractère moral de leur prédication. — Le plus souvent, surtout quand ils luttent contre les faux prophètes, les voyants d’Israël, pour justifier leur mission, en appellent à leur droiture, à la conscience intime et profonde qu’ils ont de parler au nom de Dieu, au caractère moral de leur prédication dirigée exclusivement, malgré des obstacles sans nombre, à maintenir ou à ramener Israël dans la vraie religion, dans la bonne voie et dans la pratique du bien. Michée reproche à la maison de Jacob son impiété. S’il n’était un homme inspiré, il dirait des paroles mensongères, il verserait sur ses compatriotes le vin qui les tromperait, il, 11. Les faux voyants de Juda se complaisaient dans des visions vaines et trompeuses. Is., lvi, 10. Du temps de Jérémie, ils trompaient le peuple, vi, 13, parce qu’ils disaient la vision de leurs cœurs et non ce qui sortait de la bouche du Seigneur, xxiii, 16. Ils empêchaient la conversion de Juda, xxiii, 22. Au temps de la captivité, les fausses prophétesses cousaient des coussins et altéraient la vérité pour tromper les âmes. Ezech., xiii, 17-23. Les faux prophètes séduisaient le peuple pour lui plaire et par amour du lucre. Mich., iii, 5, 11 ; Ezech., xm, 19, 21. Du reste, ils étaient adonnés au vin. Is., xxviii, 7. Leurs pensées étaient exécrables et leur conduite mauvaise. Jer., xxiii, 12, 11, 22 ; xxix, 23 ; Soph., m, 4. Celte dépravation morale trahissait la fausseté de leur inspiration feinte, et les distinguait des véritables prophètes, prédicateurs attitrés et officiels du culte moral de Jéhovah.

V. Rôle et influence des prophètes en Israël. — Puisque les prophètes étaient, en Israël, les représentants de Dieu, ses envoyés directs, leur intervention s’est manifestée dans tous les domaines dans lesquels Dieu voulait exercer ses droits sur son peuple choisi. Elle était éminemment religieuse et morale ; mais comme le gouvernement d’Israël était théocratique, elle a nécessairement débordé sur la politique. Enfin, comme à partir du vin" siècle elle s’est exercée par des écrits, elle est devenue littéraire. Nous étudierons donc successivement le rôle religieux et moral, politique et littéraire des prophètes israélites.

1° Rôle religieux et moral, — Les prophètes n’ont pas été les créateurs du monothéisme, mais seulement ses ardents propagateurs. Voir t. iii, col. 1235-1237. S’ils luttaient contre les rois, c’est que ceux-ci pour la plupart, depuis Salomon, portaient le peuple par leurs exemples et leurs actes de gouvernement à l’idolâtrie et que le peuple se laissait facilement séduire. Les prophètes étaient les adversaires de l’idolâtrie et des cultes impurs des Philistins et des Syriens. Déjà, sous Samuel, les disciples des prophètes, à l’époque de la lutte contre les Philistins, propageaient par leurs réunions, leurs chants et leurs prières en commun le culte de Jéhovah ; ils allaient par bandes errantes à travers le pays pour entraîner le peuple à leur suite. Sous Jéroboam I er, les prophètes luttèrent contre le culte du veau d’or, établi à Béthel. Pendant le règne d’Achab, de ce roi qui avait introduit en Israël les idoles tyriennes, ils voulaient avant tout sauver la foi monothéiste. L’extermination des prophètes de Baal par Élie s’explique par la grandeur du danger (il était nécessaire de frapper un grand coup) et par les mœurs du temps. (C’étaient des représailles : n’avait-on pas exterminé les prophètes de Jéhovah ?) C’était un combat de vie et de mort entre le culte du vrai Dieu et celui des fausses divinités. Les prophètes suivants repoussent tout mélange des pratiques idolâtriques avec la religion nationale. Voir t. iii, col. 810-813.

S’ils n’ont pas créé le monothéisme, ils l’ont cependant épuré et développé au moins dans les masses populaires. Ils travaillaient à répandre une connaissance, non pas spéculative et métaphysique, mais simple et pratique.

de Dieu. Jéhovah, le Dieu des pères, était le seul Dieu du ciel et de la terre, supérieur à tous les êtres qu’il a créés, gouvernant le monde avec sagesse et puissance, d’une justice inflexible à punir les coupables, d’une bonté sans mesure pour ses fidèles adorateurs, enfin d’une sainteté si parfaite qu’il ne supportait aucune souillure. Ce Dieu unique et universel, souverainement bon et juste, quoique sévère et terrible, imposait un culte moral en esprit et en vérité et ne se contentait pas des sacrifices et des pratiques extérieures, auxquelles ne se joignaient pas les dispositions intérieures et les œuvres de justice. On a dit, à cause de cela, que la prédication des prophètes était antisacerdotale. Ils n’étaient pas les adversaires du culte mosaïque ; ils défendaient, au contraire, sa spiritualité comme son intégrité contre les prêtres qui favorisaient avec l’idolâtrie la dévotion purement extérieure. Ils devenaient donc les guides religieux du peuple, et ils maintenaient la pureté des mœurs et des doctrines par leurs avertissements, leurs reproches et leurs menaces autant que par leurs exhortations et leurs encouragements. Ils rappelaient sans cesse à la nation juive son idéal religieux, jugeaient le passé et le présent d’après cet idéal dont ils annonçaient et préparaient la réalisation dans l’avenir. Ils se disaient des sentinelles, Is., lii, 8 ; Jer., vi, 17 ; Ezech., iii, 17 ; xxxiii, 6-7, et des gardiens, Is., xxi, II, 12 ; lxii, 6, parce qu’ils veillaient à la sûreté de leur peuple. Cf. Ose., v, 1 ; ix, 8 ; Mich., vii, 4.

Les prophètes ont aussi fait progresser les idées morales en Israël. Ils ont tous été les protecteurs des pauvres et des opprimés et ils ont défendu les faibles contre les injustices et les tyrannies des puissants. Tout en prêchant la rétribution des actes, ils ont reconnu que le juste peut souffrir sans être coupable. Pour plus de détails, voir t. iv, col. 1263-1266. Cf. J. Brucker, L’enseignement des prophètes, dans les Etudes, août 1892, p. 554-580 ; Id., L’Église et la critique biblique, Paris (1908), p. 244-262.]

2° Rôle politique. — Il a été souvent mal compris et mal jugé, sinon travesti : on a fait des prophètes d’Israël des ambitieux voulant tout dominer, le trône et l’autel ; on les a représentés comme des tribuns et des révoltés. En réalité, ils ont simplement tenu la place que la constitution théocratique de leur nation leur assignait, et ils ont rempli la mission que Dieu leur imposait. Dans la constitution mosaïque, le prophète était, de par Dieu, une sorte de modérateur suprême, semblable à Moïse, un surveillant des rois comme des prêtres. Deut., xviii, 15-19. C’est le voyant Samuel qui, par révélation divine, oint Saûl, le premier roi, I Sam., IX, 15-17 ; x, 1, et quand Saül « ut été infidèle à sa mission, le même prophète fut chargé par Dieu d’oindre David, le chef d’une nouvelle dynastie. I Sam., xvi, 1-13. Pendant la révolte d’Adonias, Nathan avertit Bersabée et lui conseille de faire sacrer Salomon. I (III) Reg., i, 11-14. Il intervient lui-même et fait agréer à David les propositions de Belhsabée, 22-27 ; il concourt à l’onction de Salomon, 32-38, 44, 45. On ne doute pas que Nathan ne remplisse en cette circonstance son rôle de prophète. Du vivant de Salomon, Ahias se présente à Jéroboam et lui annonce qu’il régnera sur dix tribus, détachées de la dynastie salomonienne. I (III) Reg., xi, 29-39. Dès que Jéroboam élève un autel à Béthel et organise le culte des veaux d’or pour empêcher les Juifs d’aller adorer Jéhovah à Jérusalem, ibid., xii, 2633, un homme de Dieu vient de Juda prophétiser contre le nouvel autel. Ibid., xiii, 1-10, Parce que ce roi a été idolâtre, Dieu, par la bouche d’Ahias, lui prédit la chute de sa dynastie. Ibid., xiv, 7-16. Cette prophétie fut réalisée par la révolte de Baasa et l’extermination de tous les descendants de Jéroboam. Ibid., xv, 27-30. L’usurpateur, ayant suivi les voies impies de son prédécesseur, apprit du prophète Jéhu sa mort prochaine :

et la ruine de sa maison. Ibid., xvi, 1-4, 7. Après deux ans de règne, Éla, fils deBaasa, fut détrôné par Zambri, 8-13. Amri fut la tête d’une nouvelle dynastie, qui fut idolâtre. Cependant, c’est en punition de l’usurpation de Sa vigne de Naboth par Achab qu'Élie prédit la chute de sa maison. Ibid., xxt, 17-24. Seule, la pénitence d' Achab fit retarder la menace de ruine à la génération suivante, 27-29. Elisée envoya un fils de prophète sacrer Jéhu, II (IV) Rég., ix, 1-10, qui extermina la maison d' Achab. Ibid., x, 10, 17. Parce que ce nouveau roi fut idolâtre, lui aussi, ses fils ne régnèrent que jusqu'à la quatrième génération, 30. Zacharie, en effet, périt assassiné. Ibid., xv, 12. Les prophètes faisaient donc et défaisaient les rois d’Israël. Us n'étaient pas pour cela desadversaires de la royauté par principes républicains. Aucun d’eux n’a prêché le renversement du trône au profit d’une constitution nouvelle. Par ordre de Dieu, ils substituaient roi à roi, maison à maison, et ils proclamaient le principe de la légitimité dynastique, tant que la dynastie était elle-même fidèle à sa mission. S’ils prenaient fait et cause pour un prétendant et favorisaient les usurpateurs, ce n’est pas par républicanisme, mais simplement par application rigoureuse du régime théocratique. Dès que le roi, donné par Dieu à Israël, manquait à son devoir et introduisait ou maintenait l’idolâtrie, il cessait d'être le monarque que Dieu voulait à la tête de son peuple, et les prophètes, après avoir protesté contre les rois coupables, annonçaient leur chute sans toutefois les renverser directement du trône.

Dans le royaume de Juda, comme Dieu avait promis la pérennité à la dynastie davidique, II Sam., vii, 13, les prophètes n’interviennent pas au sujet de la succession au trône et ils se bornent à réclamer contre les infiltrations idolâtriques, favorisées par quelques rois. Leur action politique s’exerce sur un autre terrain. Après la scission des dix tribus, Séméias empêche Roboam de faire)a guerre aux Israélites. I (III) Reg., xii, 22-24. Azarias félicite Asa de sa victoire sur le roi d’Ethiopie et s’appuie sur cette protection divine ponr l’exciter à veiller à la pureté du culte. II Par., xv, 1-7.

Dans les deux royaumes, les prophètes s’opposent spécialement aux alliances avec les peuples voisins, lorsqu’elles devaient servir à la lutte fratricide de Juda et d’Israël et lorsqu’elles étaient dangereuses pour la religion. Hanani reproche à Asa sa confiance en Renadad, roi de Syrie. II Par., xvi, 7-10. Quand Achab victorieux a épargné un autre Benadad, roi de Syrie, et a fait alliance avec lui, un fils de prophète, par une action symbolique, lui reproche cette conduite et le menace du châtiment divin. I (III) Reg., xv, 35-42. Des prophètes lui avaient promis la victoire. Ibid., 13, 14, 22, 28. Quand Achab et Josaphat se sont alliés contre les Syriens, tandis que les faux prophètes prédisent le succès, Michée, fifs de Jemla, annonce la défaite. Ibid., XXJi, 5-28. Et Josaphat fut repris par Jéhu, fils d’Hanani, pour avoir donné son concours à Achab en cette occurrence. II Par., xix, 1-3. Le lévite Jahaziel est suscité par Dieu pour annoncer à ce roi la victoire dans la guerre contre les Ammonites et les Moabites. Ibid., xx, 14-17. Elisée dévoile à Joram, roi d’Israël, les desseins du roi de Syrie. II (IV) Reg., ti, 8-23. Il promet à Joas trois victoires sur les Syriens. Ibid., xiii, 14-21. Quand les rois d’Israël et de Juda voulurent jouer un rôle dans la politique générale en s’appuyant tantôt sur l’empire de Ninive, tantôt sur celui d’Egypte, les prophètes blâmèrent cette politique de bascule et furent constamment les adversaires des alliances étrangères. Osée, vii, 8-16, prédit aux Israélites qu’ils seront victimes de leur confiance dans l’Egypte et que les Assyriens les accableront, lorsqu’ils seront en guerre avec les Égyptiens. Isaïe qui a prédit à Achaz la défaite des peuples alliés contre Juda, vii, 1-17, est violemment

opposé aux Judéens qui comptent sur l’Egypte. Le seul espoir de Juda en face des menaces des Assyriens est dans le Seigneur, xxx, l-7 ; xxxi, 1-9. Il réconforte Ézéchias et l’empêche d’accepter les propositions d’alliance avec les Assyriens, faites par Rabsacès, xxxvi, xxxvii. Voir t. i, col. 385-386. Sous Amasias de Juda, un homme de Dieu prédit la défaite des Iduméens. II Par., xxv, 7-9.

Les prophètes hébreux ont donc fait de la politique, mais c’a été pour réformer l’esprit de gouvernement des rois, pour faire prévaloir les principes du droit, de la justice, de la morale, les appareils exagérés de guerre et les alliances dangereuses. Us reprochaient aux rois leurs fautes, à David son aduJtère, à Achab l’usurpation de la vigne de Naboth. Ils s’opposaient à leurs projets de guerre, et loin de s’appuyer sur le peuple, même fidèle, pour combattre la fausse politique des monarques, ils bravaient parfois l’opinion, quand le peuple suivait ses princes infidèles à la théocratie ; ils annonçaient l’insuccès, la défaite et ils subissaient la persécution. Leur politique a donc toujours été une politique religieuse, théocratique, imposée et sanctionnée par Dieu.

3° Rôle littéraire. — S’il ne nous reste rien ou à peu prés des discours enflammés des anciens prophètes d’Israël, nous avons toute une littérature prophétique, qui va du IXe siècle jusque après le retour desJuifs captifs à Babylone. Les prophètes ont don créé, sous l’inspiration divine, un genre spécial de productions littéraires, dont la plupart sont des chefs-d'œuvre de la littérature hébraïque. Les premiers prophètes écrivains ont composé et publié leurs écrits à l'âge d’or de cette littérature. La forme oratoire de leurs oracles parlés avant d'être rédigés, se rapproche à des degrés divers du lyrisme des poètes. Us sont des orateurs poètes, et leurs œuvres, qui sont les classiques hébreux, renferment des beautés littéraires de premier ordre. La vivacité, le coloris de leurs peintures, la véhémence de leurs apostrophes, l’originalité et le naturel de leurs comparaisons, la force, la franchise, la puissance et l’audace de leurs paroles inspirées donnent à leurs discours un cachet inimitable. Cependant, tous ne se sont pas élevés à ces hauteurs et, au cours des siècles, le genre prophétique a évolué au point de vue littéraire. La lyre prophétique perd parfois de sa fraîcheur. Après la fin de la captivité, la forme est moins parfaite, et la poésie cède la place à la prose. La langue ellemême est moins pure ; elle exprime pourtant encore de bien nobles accents.

VI. Suite chronologique des prophètes. — Les prophètes d’action ont précédé les prophètes écrivains, — 1° Prophètes d’action. — Sans parler d’Abraham qui a été appelé nâbi', Gen., xx, 7, au sens large du mot, parce qu’il avait reçu de Dieu des révélations et des confidences, Moïse est le premier et le plus grand prophète hébreu. Au Sinaï, il avait parlé avec Dieu bouche à bouche, et il avait promulgué la loi religieuse qui devait régir le peuple choisi. Deut., xxxiv, 10. Voir t. iv, col. 1200-1202. Il était, en outre, l’interprète autorisé de la législation, dont il avait été l’intermédiaire, et il avait en Israël la fonction d’oracle attitré de Dieu : il répondait aux consultations du peuple. Exod., xviii, 13-16. Sur le conseil de Jéthro, il choisit des chefs, qui le suppléèrent dans cette charge, 17-27, et sur lesquels Dieu répandit une part de l’Esprit qui était en Moïse. Ces hommes et d’autres, sur lesquels l’Esprit de Dieu s'était reposé, prophétisèrent et parlèrent au nom du Seigneur. Num., xi, 24-29. Après le passage de la mer Rouge et le cantique de Moïse, Marie, la sœur du guide des Hébreux^ était devenue prophétesse et, sous l’inspiration divine, avait chanté le cantique de son frère. Exod., xv, 20 ; cf. Num., xii, 2. Voir t. iv, col. 776. Ralaam, un devin païen, fut obligé de

répéter les paroles que Jéhovah mit dans sa bouche, JNum., xxil, 25, 38 ; xxiii, 3-12, et de bénir Israël, xxiii, 16-26 ; xxiv, 2-23. Voir t. i, col. 1392-1397. Dieu, qui voulait exclure à jamais d’Israël les devins et les augures, promit à son peuple, par la bouche de Moïse, une série de prophètes, semblables à Moïse, qui seraient les intermédiaires autorisés entre lui et les siens et les organes vivants de ses révélations. Deut., xviii, 15-19. VoirPENTATEUQUE, col. 116. La série, en effet, fut dès lors à peu près ininterrompue. Josué succéda à Moïse comme prophète. Eccli., xlvi, 1.

Sous les Juges, Débora est dite « prophétesse », Jud., iv, 4 ; elle communiquait à Barac les ordres de Dieu, 6. Voir t. ii, col. 1331-1333. Un prophète vint de la part de Dieu annoncer la délivrance aux Hébreux opprimés par les Madianites. Jud., vi, 8-10. F. de Hummelauer, Commentarius in libros Samuelis, Paris, 1886, p. 53 ; Commentarius in librum Judicum et Ruth, Paris, 1888, p. 138. L’homme de Dieu, qui annonce au père de Samson la naissance d’un fils, Jud., xiii, 6, bien qu’il soit un ange apparaissant sous forme humaine, est regardé par Manué et sa femme comme un prophète. Leur erreur, bientôt corrigée, prouve l’existence de prophètes à cette époque. F. de Hummelauer, Commentarius in librum Judicum et Ruth, p. 249, 253-254 ; J. Lagrange, Le livre des Juges, Paris, 1903, p. 227. Un homme de Dieu vint aussi adresser à Héli des reproches au nom du Seigneur.

I Sam., ii, 27. En ces jours, la parole de Dieu était rare, et les visions n’étaient pas fréquentes. I Sam., iii, 1. Samuel entend la parole de Dieu, qui lui révèle le sort d’Héli et de sa famille, 2-21. C’est un « voyant », à qui Dieu manifeste ses desseins sur Saùl. I Sam., ix, 6-x, 16. A côté de lui on voit des troupes de prophètes qui reconnaissent son autorité et parmi lesquels Saùl se mêle pour prophétiser, I Sam., x, 5, 6, 10-13 ; xix, 2024, c’est-à-dire, pour chanter les louanges de Dieu. Voir t. ii, col. 1567-1568. Samuel en mourant ne laissa aucun successeur de son autorité spirituelle. Il y avait cependant d’autres prophètes, puisque Saûl, avant de consulter la pythonisse d’Endor, avait interrogé les prêtres et les prophètes. I Sam., xxviii, 6. Sur la nature de ces anciens prophètes d’Israël, voir Prophétisme.

Auprès de David interviennent les prophètes Gad et Nathan. Voir t. iii, col. 23-24, t. iv, col. 1481-1482. Leurs interventions, à la fois politiques, religieuses et morales, sont relativement rares. Ces deux voyants s’étaient occupés de l’organisation de la musique sacrée. II Par., xxix, 25. Ils écrivirent l’histoire de David, I Par., xxix, 29, et Nathan celle de Salomon..

II Par., îx, 29. On n’a signalé l’intervention directe d’aucun prophète sous le long règne de ce prince. Toutefois, Ahia vint prédire à Jéroboam son règne sur dix trftus détachées de la dynastie davidique. I (III) Reg., xi, 29-39 ; xii, 15 ; xiv, 2. Quand Jéroboam fut devenu roi d’Israël, sa femme alla consulter Ahia sur le sort de leur enfant malade. Le vieux prophète annonça la mort de cet enfant et prononça de terribles menaces contre la maison de Jéroboam. I (III) Reg., xiv, 1-18. Voir t. i, col. 291-292. Lors de l’organisation schismatique du culte à Béthel, un homme deDieu vint de Juda prophétiser contre l’autel élevé en ce lieu, et refusa les présents que le roi lui fît offrir pour le gagner à sa cause. I (III) Reg., xii, 26-33 ; xiii, 1-10. Un vieux prophète de Béthel réussit à tromper l’homme de Dieu et à le ramener à sa maison. Il lui prédit une mort violente, qui ne tarda pas à se réaliser ; il l’ensevelit dans son propre sépulcre et demanda à sesfils de l’ensevelir lui-même à sa mort auprès de ce prophète dont les menaces contre l’autel de Béthel se réaliseront. 1.(111) Reg., xiii, H-32. Voir t. i, col. 1629 ; t. iii, col. 1302.

Des prophètes exercent leur action dans les deux

royaumes de Juda et d’Israël. Séméias avait empêché Roboam, après la scission des dix tribus, de faire la guerre aux Israélites. I (III) Reg., xii, 22-24. Ce prophète écrivit l’histoire de Roboam, ainsi que le voyant Addo. II Par., xii, 15. Jéhu reproche à Baasa, roi d’Israël, ses crimes et lui annonce les châtiments divins. I (III) Reg., xvi, 1-4, 7, 12. Voir t. iii, col. 1244-1245. Son père Hanani, ou lui-même désigné sous un autre nom, reproche à Asa la confiance qu’il avait dans le roi de Syrie. II Par., xvi, 7-10. Voir t. iii, col. 414. Azarias avait harangué ce roi victorieux et il exerça sur lui une heureuse influence. II Par., xv, 1-8. Cependant Asa, dans sa dernière maladie, consulta les médecins plutôt que les prophètes. II Par., xvi, 12. Voir t. i, col. 1053-1054, 1300. Sous Achab, apparaît soudain Élie le Thesbite. I (III) Reg., xvii, 1-7. Sur sa mission, voir t. ii, col. 1670-1676. Pendant la persécution de ce roi et de sa femme Jézabel contre les prophètes, Abdias avait caché cent d’entre eux. I (III) Reg., xviii, 4, 13. Un prophète annonça la première victoire d’Achab sur Benadad, roi de Syrie. I (III) Reg., xx, 13, 14. Le même prédit une reprise des hostilités pour l’année suivante, 22. Quand elle eut lieu, un prophète, qui, selon les rabbins, serait Michée, fils de Jemla, prédit la victoire, 28. Par une action symholique, un fils de prophète reproche au roi d’Israël d’avoir laissé la vie sauve au roi vaincu de Syrie, 35-40. Trois ans plus tard, avant de marcher avec Achab contre Ramoth-Galaad, Josaphat, roi de Juda, voulut consulter Dieu. Achab lit venir environ 400 faux prophètes qui annonçaient la victoire. Mais Josaphat désira interroger un véritable prophète. Il restait Michée, fils de Jemla, prophète de malheur pour Achab. On l’appela. Il annonça la défaite ; il fut souffleté par Sédécias, le chef des prophètes de mensonge, et mourut en prison. I (III) Reg., xxii, 1-28. Voir t. iv, col. 1062-1063. Josaphat fut repris par Jéhu pour avoir donné son concours à Achab. II Par., xix, 1-3. Jéhu écrivit l’histoire de Josaphat. II Par., xx, 34. Le lévite Jahaziel avait été suscité par Dieu pour prédire à ce roi la victoire sur les peuples voisins. II Par., xx, 14-17. Voir t. iii, col. 1106. Êliézer, fils de Dodau, avait aussi reproché à ce prince son alliance avec Ochozias, roi d’Israël, 37. Ochozias reçut les reproches d’Élie, parce qu’il consultait le dieu d’Accaron. II (IV) Reg., i, 1-16. Elisée fut le disciple et le successeur d’Élie. Voir t. ii, col. 16901696. Il intervient auprès de Joram, roi d’Israël, et de Bénadad, roi de Syrie, et fait oindre Jéhu par un de ses disciples. Dans sa dernière maladie, il annonce à Joas de Juda la victoire sur les Syriens. Un homme de Dieu prédit à Amasias de Juda la défaite des Iduméens et reproche au roi son idolâtrie. II Par., xxv, 7-16.

Quand parurent les prophètes écrivains, les prophètes d’action ne disparurent pas, et les deux classes d’envoyés divins agirent simultanément par des moyens différents. Ceux-ci semblent toutefois avoir été moins nombreux qu’auparavant, ou, du moins, un plus petit nombre est mentionné dans l’Écriture. Le prophète Oded fait mettre en liberté par les Israélites les habitants de Juda, qu’ils avaient fait captifs. II Par., xxviii, 9-11. Des prophètes prédisent les châtiments que l’impiété de Manassé, roi de Juda, devait attirer sur son peuple. II (IV) Reg., xxi, 10-15. Après la découverte du livre de la loi au Temple, Josias fit consulter la prophétesse Holda sur la conduite à tenir en cette circonstance. II (IV) Reg., xxii, 12-20 ; II Par., xxxiv, 21-28. Voir t. iii, col. 727. Au milieu des faux prophètes qui trompaient Juda, Urie, fils de Séméi, s’associa aux prédictions de malheur de Jérémie, et fut mis à mort par ordre deJoakim. Jer., xxvi, 20-23. Baruch remplit les fonctions de secrétaire de Jérémie, Jer., xxxvi, 1-7, 27-32 ; xl v, avant de devenir prophète lui-même. Parmi les captifs, emmenés de Jérusalem en Babylonie par Nabuchodonosor, se trouvaient des prophètes, à qui Jérémie adressait son livre, Jer., xxix, dans lequel il les mettait en garde contre les faux prophètes, qui avaient surgi à Babylone, 15-32.

Prophètes écrivains.

1. Leur nombre, leur division et leur disposition dans la Bible.

Les Bibles grecques et latines contiennent les écrits de seize prophètes, quatre grands, Isaïe, Jérémie, Ézéchiel et Daniel, et douze petits, Osée, Joël, Amos, Abdias, Jonas, Michée, Nahum, Habacuc, Sophonie, Aggée, Zacharie et Malachie. La prophétie de Baruch est jointe à celle de Jérémie, dont ce prophète avait été le secrétaire. Dans la Bible hébraïque, il n’y a que trois grands prophètes ; Daniel est rangé parmi les hagiographes, ainsi que les Lamentations de Jérémie. Le livre de Baruch et la lettre de Jérémie ne sont pas au canon hébraïque. Les douze petits prophètes n’y sont considérés que comme un seul livre. Ils sont déjà mentionnés ensemble par l’auteur de l’Ecclésiastique, xlix, 12 (10, dans le texte grec), et cette mention, considérée par quelques critiques comme une interpolation, est dans le texte hébreu, récemment retrouvé. Josèphe en parle dans le même sens, Cont. Apion., i, 8, et les rabbins les tenaient pour un seul livre, recueilli par les hommes de la Grande Synagogue, voir t. ii, col. 140, et formé ainsi, en un seul recueil, « de peur que, s’ils étaient demeurés séparés, l’un ou l’autre ne se perdît à cause de leurs petites dimensions, » dit Kimchi, Comment, in Ps., præf., d’après la tradition rabbinique. Les Pères de l’Église en parlaient aussi comme d’un seul volume : δώδεκα ἐν μονοβίβλῳ, dit Méliton de Sardes, dans Eusèbe, H. E., iv, 26, t. xx, col. 397. Cf. S. Grégoire de Nazianze, t. xxxvii, col. 473 ; S. Athanase, t. xxvi, col. 1177 ; Rufin, t. xxi, col. 374, etc. Saint Épiphane l’appelait d’un mot : τὸ δωδεκαπρόφητον, t. xliii, col. 244. Ce sont les Latins qui ont nommé ces prophètes minores, par opposition aux majores, non en raison de leur importance et de leur valeur, mais seulement à cause de la moindre étendue de leurs oracles. Cf. S. Augustin, De civitate Dei, XVIII, xxix, 1, t. xli, col. 585. Si l’ordre du canon hébraïque et chrétien ne varie pas pour les trois ou quatre grands prophètes, il est différent pour les petits. Partout uniformes pour les six derniers : Nahum, Habacuc, Sophonie, Aggée, Zacharie et Malachie, il varie pour les six premiers. Dans les Bibles hébraïques, latines et en langues modernes, ceux-ci sont placés dans cet ordre : Osée, Joël, Amos, Abdias, Jonas, Michée ; mais dans la Bible grecque, on trouve la disposition suivante : Osée, Amos, Michée, Joël, Abdias, Jonas. On pense généralement que la disposition de la Bible hébraïque a été déterminée par une préoccupation d’ordre chronologique, et saint Jérôme croyait que les écrits des petits prophètes, qui ne portent pas leur date dans le titre, sont de la même époque que les précédents, dont la date est connue. Præfat. in prophetas, t. xxviii, col. 1016 ; Comment. in Joelem, i, 1, t. xxv, col. 950. Quoi qu’il en soit de cette règle qui n’est pas rigoureusement exacte, il reste vrai que les prophètes du viiie siècle, Osée, Amos et Michée, sont dans la première partie de la liste, que les prophètes du viie siècle, Nahum, Habacuc et Sophonie, puis ceux d’après la fin de la captivité, Aggée, Zacharie et Malachie, ont été mis dans la seconde partie. D’ailleurs, la date de quelques-uns de ces écrits a été diversement déterminée par les critiques.

2. Leur ordre chronologique.

Il n’est pas facile à fixer, parce que tous ne sont pas datés et que les renseignements qu’ils contiennent ne suffisent pas à l’indiquer avec certitude. Toutes les dates proposées ne sont pas certaines, et les critiques modernes ont émis à ce sujet des opinions divergentes de celles qui avaient cours autrefois. Ils prétendent même que plusieurs des livres prophétiques ne sont pas homogènes et renferment des éléments de provenance d’époques différentes. Ainsi ils partagent couramment le livre d’Isaïe en deux ou trois recueils distincts, et celui de Zacharie en deux parties d’origine diverse. Comme la date de chaque prophète est discutée à son article, le tableau suivant résumera les dates proposées dans ce Dictionnaire et par les critiques libéraux et rationalistes.

NOMS
des
prophètes.
DATES
du
dictionnaire.
DATES
des
critiques avancés.
Abdias 
Vers 865 VIe ou Ve siècle.
Joel 
837-801 Ve ou IVe siècle.
Jonas 
sous Jéroboam II. Ve ou IVe siècle.
Amos 
804-779 760-750
Osée 
789-706 750-735
Isaïe 
755-712 Ier, 740 ; IIe, vers 540 ; IIIe, Ve siècle.
Michée 
Contemporain d’Isaïe. 740-701
Nahum 
Mil. du viie s. (663-608). 650, 624, 610.
Sophonie 
Vers 665 630, 627, 625.
Habacuc 
645-630 607, 605-600.
Jérémie 
639-586 626-586
Baruch 
583 Ép. machabéenne.
Ézéchiel 
592-570 593-573
Daniel 
538 168-167 ; 164-163
Aggée 
520-516 520
Zacharie 
520 Ier, 520 ; IIe, 300
Malachie 
Après la 32e année d’Artaxerxès Longuemain. 440

Cf. A. Van Hoonacker, Les douze petits prophètes, Paris, 1908, p. vii-x.

La série des prophètes israélites se termina par Malachie. Au temps des Machabées, on attendait la venue d’un prophète, pareil aux anciens, pour décider ce qu’il fallait faire des pierres de l’autel des holocaustes profané. I Mach., iv, 46. Cf. I Mach., ix, 27 ; xiv, 41. Ce ne fut qu’à l’aurore des temps messianiques que Jean-Baptiste put être appelé prophète du Très Haut en raison de sa mission de précurseur. Luc, i, 76. Il vint dans la puissance et l’esprit d’Élie. Voir t. ii, col. 1676. Jésus le déclara prophète et plus que prophète, parce qu’il avait préparé les voies au Messie. Matth., xi, 9, 10 ; Luc, vii, 26-28. Voir t. iii, col. 1157.

VII. Faux prophètes.

Les livres de l’Ancien Testament signalent deux catégories de faux prophètes : ceux qui prophétisaient au nom des dieux étrangers, et ceux qui se donnaient mensongèrement pour desenvoyés du vrai Dieu d’Israël.

Prophétisant au nom des dieux étrangers.

En dehors de Balaam, qui fut un devin plutôt qu’un prophète, voir t. i, col. 1398, les prophètes, qui étaient prêtres de Baal,. apparurent dans le royaume d’Israël sous le régne d’Achab. Élie en provoqua 450 sur le Carmel, et après leur échec, il les fit massacrer sur les bords du Cison. I (III) Reg., xviii, 19-40 ; xix, 1. Voir t. ii, col. 292-293, 1671-1672. Sur les incisions qu’ils se faisaient, voir t. iii, col. 868-870. Ils prophétisaient au nom de Baal et trompaient Israël. Jer., xxiii, 13. Le Dieu chananéen eut aussi des prophètes en Juda jusqu’à la captivité de Babylone. Jer., ii, 8. Voir t. i, col. 1319-1320.

Prophétisant mensongèrement au nom de Jéhovah

À côté des vrais prophètes, inspirés de Dieu, se levaient des personnages, qui se comportaient comme s’ils étaient de véritables prophètes. Dieu les avait annoncés et avait indiqué les signes auxquels on les reconnaîtrait, et le sort qu’ils méritaient. Deut., xiii,. 1-5 ; xviii, 20-22. Ils sont parfois explicitement désignés comme faux prophètes. Souvent cependant ils sont dits simplement prophètes, mais le contexte permet alors de les distinguer suffisamment des vrais

prophètes. Ils apparurent encore en Israël sous le règne d’Achab, au nombre de 400 environ. Parce que Josaphat, roi de Juda, veut consulter Dieu, Achab les interroge. Par une action symbolique, leur chef Sédécias prédit la victoire sur Bamoth-Galaad, et tous les autres confirment cette prédiction. Michée, fils de Jemla, tenté par l’envoyé du roi, refuse de s’associer à ce mensonge et annonce la mauvaise issue de l’expédition. Il a vu Jéhovah, assis sur son trône et envoyant un esprit menteur pour inspirer les faux prophètes et tromper Achab. Sédécias se prétend véritablement inspiré par Jéhovah et il frappe Michée qui en appelle à la prochaine réalisation de son oracle. I (III) Beg-., xxii, 5-28. Dans le royaume de Juda, les faux prophètes furent nombreux au temps d’Isaïe et de Jérémie. Isaïe leur reproche leurs excès et leurs erreurs, causés par l’ivrognerie, xxviii, 7. Michée, son contemporain, leur adresse les mêmes reproches, ii, 11, et les accuse de prophétiser pour de l’argent, iii, 5, 11. Jérémie les accuse de mensonge, v, 13, 14 ; viii, 10 ; xiv, 13-18, et il les maudit, xxiii, 9-40. Il entre en conflit direct avec eux. Tandis qu’il prédit la ruine prochaine de Jérusalem et du royaume de Juda, les faux prophètes s’unissent aux prêtres et au peuple pour le contredire et l’amener en jugement, xxvi, 7-19. Il les contredit publiquement et exhorte le peuple à ne pas ajouter foi à leurs oracles trompeurs, xxvii, 14-18. Il eut un conflit personnel avec Hanani, prophète de Gabaon, xxviii, 117. Il poursuivait les faux prophètes jusqu’au lieu de leur exil. Comme ils continuaient à tromper les premiers captifs, il les confond, et il prédit des châtiments spéciaux à Achab, à Sédécias et à Séméias, x-xix, 1-32. Le prophète de l’exil, Ézéchiel, eut à lutter aussi en Chaldée contre les faux prophètes d’Israël, hommes et femmes, qui trompaient les captifs, xiir, 1-23. Après le retour à Jérusalem, Gossem accusait Néhémie d’avoir suscité des prophètes pour favoriser ses projets. II Esd., vi, 7. Loin de là, Néhémie allant consulter Séméias vit que ce soi-disant prophète n’était pas envoyé par Dieu, pas plus que Noadias et les autres prophètes qui voulaient l’épouvanter et le détourner de son dessein. lbid., 10-14.

Ces prophètes prétendaient posséder, eux aussi, la parole de Dieu ; mais leur parole n’était que du vent ; elle ne contenait pas la parole d « Dieu. Jer., v, 13. Ils parlaient faussement au nom de Jéhovah, et ils mettaient en sa bouche leurs propres discours. Dieu ne les avait pas envoyés, ne leur avait pas ordonné de parler. Leur vision était mensongère ; ils trompaient et séduisaient le peuple. Jer., xiv, 14, 15. Ils disaient la vision de leur cœur et non celle qui vient de la bouche de Dieu. Jer., xxiii, 16. Dieu ne les envoyait pas, et ils couraient d’eux-mêmes ; il ne leur parlait pas, et ils prophétisaient d’eux-mêmes, 21. Ils prétendaient avoir eu des songes prophétiques, 25 ; mais ils annonçaient le mensonge et les séductions de leurs cœurs. Us volaient les paroles de Dieu, 30, et ils prenaient leurs langues pour dire : « Le Seigneur a dit. » Ils rêvaient des mensonges, 31, 32. Ils n’avaient donc ni mission ni révélation divine. Us prétendaient avoir des visions, Jer., xw, 14 ; xxiii, 16 : visions vaines, songes creux. Is., lvi, 10 ; Mien., iii, 6, 7 ; Ezech., xiii, 3, 6-9 ; xxii, 28. C’étaient des trompeurs et des séducteurs, Jer., xxix, 21, 23, 31 ; des chiens muets incapables d’aboyer. Is., lvi, 10. Loin de reprendre le peuple, ils le confirmaient dans le mal et empêchaient sa conversion. Jer., xxiii, 14, 15, 17, 22 ; Ezech., xiii, 5, 22. Ils faisaient avoir confiance dans le mensonge. Jer., xxix, 31. Us attendaient vainement la confirmation de leurs oracles, Ezech., xiii, 6 ; leurs prédictions ne s’accomplissaient pas, ce qui était le signe de leur fausseté conformément à la prédiction de Moïse. Deut., xvin, 22. Us seront couverts de confusion, lorsque

l’événement aura montré la fausseté de leurs prophéties. Jer., xiv, 13-15 ; xxviii, 9, 16-17. Leur caractèremoral était peu élevé, Soph., iii, 4 ; ils s’adonnaient au » vin, Is., xxviii, 7 ; Jer., xiii, 13, et prophétisaient pouide l’argent et pour gagner la faveur des hommes. Mich., m, 5, 11 ; Ezech., xiii, 18, 19. Us n’avaient donc rien de commun avec les véritables prophètes, et leurinspiration était feinte. Us avaient cependant de l’influence sur les prêtres, sur les chefs et sur le peuple, et ils contrecarraient souvent la mission des véritablesprophètes.

VIII. Les prophètes du Nouveau Testament. — 1° Jésus-Christ prophète. — Si, avec la plupart des Pères, on pense que Moïse prédisait, sous le nom deprophète semblable à lui, que Dieu devait susciter au » milieu de son peuple, Deut., xviii, 15, le Messie seul et sa mission prophétique, voir col. 116, il n’est pasétonnant que Jésus, le véritable Messie, ait été prophète. Luc, xxiv, 19 ; Joa., iv, 19 ; vii, 40 ; îx, 17 ;  : Act., iii, 22 ; vii, 37. Sa doctrine dogmatique et morale, .voir t. iii, col. 1480-1487, complétait et surpassait celle des prophètes, qu’il n’était pas venu renverser ni abolir. Matth., v, 17. Comme ses devanciers, il a connu efa prédit l’avenir. Ses prédictions ont été exposées, t. iii, col. 1499-1501. — 2° Il y eut aussi des prophètes dansle Nouveau Testament. D’abord, des prédiseurs de l’avenir. Quand l’Église d’Antioche eut été fondée, il y vint de Jérusalem des prophètes, dont l’un, nommé Agabus, prédit une famine qui se produisit sous lerègne de Claude. Act., xi, 27-28. Seize ans plus tard, à. Césarée, le même Agabus annonça par une action symbolique la prochaine captivité de saint Paul. Act, , xxi, 10-11. Voir t. i, col. 259. Ce fait se passa dans la maison de l’évangéliste Philippe, qui avait quatre filles, vierges et prophétesses. Act., xxi, 9. Ces prophètescoexistaient à Antioche avec des docteurs. Act., xiii, 1.. Deux prophètes de Jérusalem, Judas, surnommé Barsabas, et Silas, furent envoyés à Antioche. Act., xv, 32. Leur ministère prophétique comprenait sans doute la, prédication et l’enseignement, puisqu’ils consolèrent les frères et les confirmèrent dans la foi. Voir t. iii, col. 1807. Parmi les charismes, qui se manifestèrent) dans l’Église de Corinlhe, saint Paul nomme la prophétie, I Cor., xii, 10, et il range ceux qui en étaient ; dotés entre les Apôtres et les docteurs, 28-29. Le don de prophétie était supérieur au don des langues, car leprophète parle aux autres et les édifie, les exhorte et les console, tandis que le glossolale n’édifie pas l’Église^ de Dieu, à moins que ses paroles ne soient interprétées. I Cor., xiv, 1-5. Le ministère de ces prophètes estj utile surtout aux fidèles, 22 ; il convertit cependant les infidèles qui pénètrent dans les assemblées, en lesconvainquant par la parole et en manifestant les secrets de leurs cœurs, 24-25. Tous ceux que l’Espriti animait avaient le droit de prophétiser. Cependant, pour éviter les abus, saint Paul règle l’exercice de ce charisme. Il suffisait qu’à chaque assemblée deux ou trois seulement prennent la parole et exhortent les ; fidèles ; les autres devaient être juges de ces manifestations de l’Esprit. Us devaient parler successivement, , et dès qu’un nouveau prophète prenait la parole, le précédent devait se taire, chacun enseignant et exhortant, l’assistance à son tour, car les prophètes sont soumis ; les uns aux autres. Dieu qui les inspire est le Dieu de la paix et non pas de la discussion, 29-32. Et cesrègles l’Apôtre les enseignait dans toutes les Églises. Il* impose donc cette loiaux prophètes de Corinthe, comme-un ordre du Seigneur, 37, non pour étouffer l’espritu de prophétie, sinon celui des faux prophètes qui désobéiraient ^puisqu’il tient la prophétie pour le meilleurdes charismes divins, 38. Les prophètes, placés entre les Apôtres et les évangélistes, travaillent, comme eux, _ au service des saints et des fidèles. Eph., iv, 11. Ils*

sont avec les Apôtres les fondements de l’Église. Eph., H, 20. Ils sont nommés encore après les Apôtres. Eph., m, 5 ; Àpoc, xviii, 28. Ils n’ont pas disparu avec l’âge apostolique. La Didaché, x, 7 ; xi, 7-12, dans Funk, Patres apostolici, 2e édit., Tubingue, 1901, t. i, p. 24, 28-30, et le Pasteur d’Hermas, Mand., xi, ibid., p. 502-510, les signalent encore et les distinguent des faux prophètes. Ces prophètes, possédés, dirigés et conduits par le Saint-Esprit, étaient des prédicateurs inspirés, qui prêchaient et exhortaient les fidèles ; c’étaient parfois des missionnaires qui, poussés par l’Esprit, répandaient comme les Apôtres l’Évangile. Mais leur prophétie était un charisme, ’une grâce d’exception, qui se manifestait quand et comme voulait l’Esprit. Cf. Cornely, Prior Epistola ad Corintkios, Paris, 1890, p. 414 sq. — 3° Jésus avait mis ses disciples en garde contre les faux prophètes. Matth., vii, 15. Deux faux prophètes sont mentionnés dans le Nouveau Testament : Barjésu, Act., xiii, 6-12, voir t. i, coi. 1461, et une femme de Thyatire, Jézabel. Apoc, h, 20. Voir t. iii, col. 1536.

IX. Bibliographie. — Plusieurs anciens écrivains ecclésiastiques ont réuni les données bibliques à beaucoup de détails légendaires pour composer des notices sur tous les prophètes de l’Ancien Testament. On possède en grec les fragments d’Eusèbe de Césarée, Devitis prophetarum, t. xxii, col. 1261-1272 ; deux re--censions du Liber de vitis prophetarum, attribué à ^aint Épiphane, t. xlhi, col. 393-414, 415-428 ; un livre analogue, publié sous le nom de Dorothée de Tyr, dans le Chronicon pascale, t. xcii, col. 360-397. Sur ces textes, voir Th. Schermann, Propheten— und Apostellegenden, dans Texte und Vntersuchungen, de Harnack et de Schmidt, Leipzig, 1907, t. xxxi, fasc. 3, p. 1-133, qui en donne une édition plus complète et plus critique. Dans le recueil de saint Isidore de Séville : De vita et obitu patrum qui in Seriptura laudibus efferuntur, édité par Fabricius, De vita et morte Mosis libri très, Hambourg, 1714, p. 512-551, et par Migne, Patr. Lat., t. lxxxiii, col. 131-156, il y a des notices’sur les prophètes. Les légendes syriaques sur les prophètes ont été rassemblées par le nestorien Théodore bar Kôni, au IXe siècle, dans son Livre des -scholies, et par Michel le Syrien, Chronique, édit. Chabot, Paris, 1899, t. i, p. 63-101.

Sur les prophètes, on pourra consulter toutes les introductions aux livres de l’Ancien Testament. Citons seulement F. Vigouroux, Manuel biblique, ’12e édit., Paris, 1906, t. ii, p. 566-591 ; Trochon, Introduction -générale aux prophètes, Paris, 1883 ; R. Cornely, Jntroductio speciafts in didacticos et propheticos V. T. libros, Paris, 1887, p. 267-305 ; card. Meignan, Les prophètes d’Israël. Quatre siècles de lutte contre l’idolâtrie, Paris, 1892, p. 1-48 ; Id., Les prophètes d’Israël. et le Messie depuis Salomon jusqu’à Daniel, Paris, 1893, p. 17 ; J.-B. Pelt, Histoire de l’Ancien Testament, 3e édit., Paris, 1902, t. ii, p. 138 sq. ; "E. Laur, Die Prophetennamen des alten Testamentes, Fribourg, 1903 ; *L. Gautier, Die Berufung der Propher ten, 1903. E. Mangenot.


PROPHÉTESSE (hébreu : nebï’âh ; Septante : TtpotpfJTi ;  ; Vulgate : prophetis, prophetissa), nom donné dans l’Ecriture 1° à des femmes douées de l’esprit de Dieu ; 2° à Marie, sœur de Moïse, considérée comme poète ou chantant au son des instruments le cantique de Moïse, . après le passage de la mer Rouge, Exod., xv, 20 (sans avoir aucun don de prophétie, cf. Num., xii, 6) ; 3° à la femme du prophète Isaîe, ainsi appelée parce que son mari était prophète. — Les femmes’à qui les auteurs -sacrés donnent le titre de prophétesses dans la pre.mière acception du mot sont : Débora, qui rendait la .justice aux tribus d’Israël avec le secours divin, Jud.,

iv, 4 ; Holda, contemporaine du roi Josias, IV Reg., xxii, 1-4 ; II Par-, xxxiv, 22 ; Noadias, fausse prophétesse, d’après l’hébreu, t. iv, col. 1635 (faux prophète d’après les Septante et la Vulgate), II Esd., vi, 14 ; et, dans le Nouveau Testament, Anne, fille de Phanuel. Luc, II, 36. Voir ces" noms. — La Vulgate, dans l’Ancien Testament, n’a employé le mot prophetissa que pour Marie, sœur de Moïse, et pour la femme d’Isaïe ; elle a donné à Débora et à Holda le titre de prophetis. En saint Luc, ii, 36, Anne est appelée prophetissa.


PROPHÉTIE. — I. Notion. — La notion biblique de la prophétie correspond à la définition du prophète d’Israël, donnée précédemment, col. 705. La prophétie dans la Bible n’est donc pas une simple prévision de l’avenir, quoique l’historien juif Josèphe, Ant. jud., XIII, x, 7, l’ait définie : r zû> sieXXôvtwv itpdfvuutç, et que plusieurs Pères de l’Église aient adopté cette définition. Voir col. 709. Elle a, en réalité, une signification plus large, et elle désigne toute manifestation de la volonté divine à un prophète et, par l’intermédiaire de celui-ci, aux autres hommes.

Les noms qu’elle porte dans la Bible correspondent aux différents noms des prophètes. Si le prophète est un nsi, « voyant », la prophétie est une « vision », rwnB-,

I Sam., ix, 15, et une vision de Dieu, communiquée par Dieu. Ezech., i, 1 ; viii, 3 ; xl, 2. Ce nom ne désigne pas seulement ce que Dieu fait voir aux yeux du corps ou de l’esprit, mais encore ce qu’il fait entendre aux oreilles. La vision est donc synonyme de la parole de Dieu. I Sam., iii, 1, 15 ; IX, 10-18. Elle désigne par suite toute révélation divine. Ezech., i, 9 ; », 2 ; iii, 5 ; v, 6 ; vi, 4, etc. Le verbe rvn est souvent

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employé dans les phrases dans lesquelles les prophètes rapportent les révélations qu’ils ont reçues de Dieu. Is., vl, 1 ; xxi, 6 ; Jer., i, 11-13 ; Ezech., i, 15 ; iii, 23, etc. ; Joël, iii, 1 ; Amos, vii, 8 ; viii, 2 ; Hab., ii, 1 ; Zach., i, 8 ; ii, 4, etc. Partout, c’est Dieu qui fait voir (le verbe est à l’hiphil). Jer., xxiv, 1 ; Ezech., xl, 4 ; Amos, vii, 1 sq. ; viii, 1 ; Zach., ii, 3 ; iii, 1. Le voyant ne voit que ce que Dieu lui fait voir. La vision est donc une révélation divine. Cf. S. Isidore de Séville, Etym., 1. VII, c viii, t. lxxxii, col. 283 ; S. Thomas, Sum. theol., II a II », q. clxxi, a. 1. — Si le voyant est dit rrrn, sa vision se nomme alors ^tn. Ce nom désigne la parole révélée par Dieu, II Sam., vii, 17 ; I Par., xvii, 5, ou la’chose elle-même. Hab., Il, 2, 3. La révélation est dite « vision », Ezeeh., vii, 13 ; viii, 22 ; x, 1, 9 ; xii, 13, 24, 27, ou « parole de vision ». Ezech., xii, 23. On parle une vision, Jer., xxiii, 16 (faux prophète), comme on voit une parole. I (III) Reg., xxii, 19 ; Is., i, 1 ; ii, 1 ; xiii, 1 ; Amos, i, 1, etc. ; Abdias, i, 1 ; Mich., i, 1 ; Nahum, i, 1 ; Hab., i, 1 ; Jer., i, 11-13. Jérémie a eu une vision de la bouche de Dieu. Jer., xxiir, 16. La vision ainsi nommée est donc encore une révélation divine, une manifestation de la parole de Dieu. — 3° Le substantif nN’, 32, nebû’dh, correspondant à N’33, dé t : t

signe un oracle, I Esd., vi, 14 ; )II Esd., vi, 12 ; II Par., xv, 8, ou même un écrit prophétique. II Par., ix, 29. — Dans les Septante, le mot grec npoç7)Tê(’a répond soit à jïrn, hdzôn, II Par., xxxii, 32, soit à —[m : . I Esd., vi,

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14 ; II Esd., vi, 12. — La prophétie consiste donc en une action extraordinaire ou surnaturelle, par laquelle Dieu communique à son prophète certaines lumières ou connaissances avec mission de les transmettre aux autres hommes.

II. Manières dont Dieu communiquait aux prophètes ses volontés. — Pour connaître les vérités qu’ils devaient manifester de la part de Dieu, les prophètes d’Israël n’employaient aucun des procédés a

artificiels ou appris de la divination, voir t. ii, col. 14431448, pas plus que des moyens naturels de se mettre en rapport avec Dieu. C’était Dieu lui-même qui leur révélait ou leur inspirait directement ce qu’ils devaient dire. Les moyens dont il se servait sont désignés dans l’Écriture par trois expressions différentes : la parole, la vision et le songe. Ces deux derniers moyens de communication prophétique devaient être les plus ordinaires, puisqu’ils sont distingués de la parole articulée, employée régulièrement par Dieu pour révéler à Moïse ses volontés. Num., xii, 6-8.

1° La parole. — Quand Dieu, pour exclure plus sûrement de son peuple les devins, Deut., xviii, 9-14, promit de susciter en Israël une série de prophètes, semblables à Moïse, il déclara qu’il placerait ses propres paroles dans leur bouche et qu’ils diraient tout ce qu’il leur ordonnerait de dire. Comme Moïse au Sinaï servit d’intermédiaire entre Jéhovah et son peuple, sur la demande de ce dernier qui craignait d’entendre directement la voix de Dieu, Exod., xx, 21, ainsi les prophètes parleront au nom du Seigneur au peuple, qui devra écouter leurs paroles. Deut., xviii, 15-19. Les prophètes entendirent donc parfois la parole articulée par Dieu lui-même, comme il arriva à Moïse au buisson ardent, Exod., iii, 4-22, et au Sinaï. Samuel entendit à Silo la voix divine qui l’appelait, I Sam., m, 4-14, et Dieu parlait à son oreille. I Sam., ix, 1517.. Cf. I(III)Reg., xvii, 2, 8 ; xviii, l ; xxii, 17 ; Amos, iii, 7 ; Ose., i, 2, 4, 6 ; iii, 1 ; Is., xviii, 4 ; Jer., ii, 1 ; xxiii, 28 ; Dan., viii, 1-27 ; x, 1, 5 ; Agg., ii, 1, 21 ; Zach., i, 1, 7. Il s’établissait parfois un véritable dialogue entre Dieu et le voyant, ainsi avec Élie, I (III) Reg., xix, 9-18, et avec Jérémie. Jer., xiv, 11-14. Mais le plus souvent, semble-t-il, les prophètes n’entendaient qu’une voix intérieure. Job, iv, 12, 16. C’est ainsi qu’on peut expliquer les révélations faites aux oreilles des prophètes. Is., xxi, 10 ; xxii, 14 ; xxviii, 22 ; Abdias, i, 1. Ils transmettaient de vive voix ou par écrit les paroles qu’ils avaient entendues au fond de leurs cœurs. Aussi leurs oracles prenaient-ils le nom de paroles de Dieu, Amos, ni, 1, et plusieurs recueils ont pour titre : « Paroles que Dieu a dites par le prophète. » Ose., i, 1 ; Joël., i, 1 ; Soph., i, 1 ; Jer., i, 1, 2.

2° La vision. — Les mentions de visions sont nombreuses dans les écrits des prophètes. Amos a eu cinq visions, groupées à la fin de son livre, vii, l-ix, 15. Isaïe reçoit la mission prophétique dans une vision, vi. Il voit un oracle, xiir, 1. Jérémie, peu après sa vocation, a deux visions, i, 11-19. Zacharie a une série de visions, i, 8, 18 ; ii, 1 ; iii, 1 ; iv, 1 ; v, 1, 5 ; vi, 1. Ézéchiel aussi en a fréquemment, i, 4 ; ii, 1 ; viii, 2 ; x, 1, 9, etc. Plusieurs livres prophétiques sont intitulés : « Vision ». Is., i ; Abdias, I, 1 ; Nahum, i, 1. Quelques-unes de ces visions étaient extérieures, Dan., v, 25, et corporelles et formaient de véritables apparitions. Dan., viii, 16-27. Mais le plus souvent, elles se produisaient dans l’imagination du voyant. Dieu avait annoncé à Aaron et à Marie qu’elles auraient lieu per senigmata et figuras. Num., xii, 8. On a remarqué qu’elles se présentaient sous des traits connus du prophète et empruntés au milieu où il vivait. Les images de ces visions sont ou palestiniennes ou assyriennes ou babyloniennes, selon que le voyant habitait la Palestine, i’Assyrie ou la Babylonie. Elles avaient lieu à l’état de veille (autrement, elles auraient été des songes) ou le jour ou la nuit. Dieu parle à Samuel de nuit. 1 Sam., iii, 3, 10 ; vii, 4 ; xv, 11, 16 ; Zach., i, 8 ; Job, iv, 13. Si le voyant était endormi, Dieu le tirait de son sommeil, ou d’un état semblable au sommeil. Jer., xxxi, 26 ; Zach., iv, 1.

"3° Le songe. — Quand Dieu manifestait sa volonté aux prophètes endormis, c’était en songe. Ce mode de manifestation divine, annoncé par Dieu, Num., xii, 6 ;

Deut., xiii, 1, 3, 5, est rarement attesté dans l’Écriture. Il est mentionné comme un moyen que Saùl aurait tenté inutilement pour consulter Dieu. I Sam., xxviii, 6, 15. Joël, ii, 28, annonce que, dans l’avenir messianique, les vieillards d’Israël auront des songes. Le seul exemple cité est celui de Daniel, vil, 1. Les faux prophètes aimaient les songes. Is., lvi, 10 ; Jer., xxiii, 25, 28, 32 ; xxvii, 9 ; Zach., ii, 2. — Sur l’état psychologique des prophètes pendant les visions, voir Prophète, col. 712.

III. Réalité des prophéties. — Qu’il y ait dans la Bible des prophéties véritables, c’est-à-dire des manifestations surnaturelles de ses volontés, faites par Dieu> aux hommes par l’intermédiaire d’individus inspirés, c’est tout à la fois un fait constaté et un dogme de la foi catholique, — 1° Preuves scripturaires. — 1. L’affirmation des prophètes eux-mêmes. — Tous les prophètes israélites déclarent qu’ils parlent au nom de Jéhovah, que Jéhovah parle par leur boucheet qu’ils annoncent en son nom ce qu’il faut faire et ne pas faire et ce qui arrivera. Voir Prophète, col. 711. Ils croyaient donc être et ils se sont donnés comme les organes de la divinité, parce qu’ils avaient conscience de leur inspiration divine. Ils en fournissaient des preuves à leurs contemporains, qui ont cru à leur mission et à leur inspiration, en voyant plusieurs de leurs prédictions accomplies à brève échéance et les miracles qui les autorisaient. On peut chercher à> expliquer naturellement ces faits ; on ne peut les nier, et le témoignage d’hommes probes, sincères, désintéressés, en faveur de leur propre inspiration est recevable. En racontant leurs visions, ils exprimaient des expériences réelles qu’ils avaient éprouvées, et on ne peut prétendre qu’ils employaient un procédé littéraire pour exprimer leurs propres pensées et les faire passer auprès d’une foule crédule pour celles de Dieu. Leur parole n’a pas toujours été crue, Amos, ii, 12, " Is., xxxviii, 7 ; Jer., vi, 17 ; vii, 25-28 ; xi, 8, 21, etc., et ils. ont été persécutés, parce que leurs oracles inspirés étaient la plupart du temps à l’encontre des idées de leurs contemporains, des chefs de la nation aussi bien que du peuple tout entier. Matth., v, 12 ; xxm, 29-37 ; Luc, vi, 23 ; XI, 47-50 ; xiii, 34 ; Act., vii, . 52 ; Rom., xi, 3 ; I Thés., ii, 15 ; Heb., xi, 32-40 ; Jac, v, 10. Seul, le sentiment intime de la réalité de leur inspiration divine a pu leur donner à tous l’énergie et le courage nécessaires pour supporter les persécutions dont ils étaient l’objet, et remplir, malgré tout, la mission que Dieu leur avait confiée. — 2. L’affirmation de Jésus et de ses Apôtres. — Ils en ont appelé aux écrits des prophètes comme au témoignage de Dieu même, et ils ont signalé la réalisation des prophétiesmessianiques. Voir t. iii, col. 888-889. L’inspiration des prophètes a été explicitement affirmée par saint-Paul, Heb., i, 1, et deux fois par saint Pierre. I Pet., i, 10-12 ; II Pet., i, 16-21. Voir t. iii, col. 889-890. — 2° Preuves traditionnelles. — Les Pères, appuyés sur le double témoignage de l’Ancien et du Nouveau Testament, ont affirmé et enseigné l’inspiration divine desprophètes d’Israël. Voir t. iii, col. 891-897. Cf. Leitner r Die prophetische Inspiration, Fribourg-en-Brisgau, 1896, p. 98-190. — 3° Preuves dogmatiques. — Après avoir été cru, affirmé et prouvé, le dogme de l’inspiration des prophètes a été explicitement défini par l’Église. Voir t. iii, col. 897-898 ; Leitner, op. cit., . p. 191-195. Le fait de l’inspiration divine des prophètesest donc un dogme de la foi catholique. — 4° Réponseaux objections des critiques. — La plupart des critiques rationalistes ont opposé à la réalité divine des prophéties une fin de non-reeevoir, fondée sur des raisons philosophiques et sur l’impossibilité d’une intervention surnaturelle de Dieu et de la prédiction del’avenir. Kuenen a discuté à fond la doctrine tradi—

tionnelle sur les prophéties ; il a prétendu que cette conception était contraire à l’histoire et à la critique loyale des textes scripturaires. Il rejette d’abord le témoignage des prophètes sur leur, propre inspiration divine. Si ce témoignage était valable, celui des faux prophètes serait recevable au même titre, puisqu’ils avaient, eux aussi, conscience de leur inspiration surnaturelle et qu’ils l’affirmaient expressément. Tous tirent leur inspiration d’eux-mêmes ; c’est leur conviction qui les inspire. La distinction entre les vrais et les faux prophètes a été inventée après coup. En fait, il y avait seulement des prophètes opposés les uns aux autres, et tous étaient considérés comme inspirés par Jéhovah. Ils étaient en conflit et dans le peuple chacun prenait parti pour ceux dont les idées lui agréaient. Cependant il finit par s’établir une ligne de démarcation plus nette entre les prophètes. Il y eut ceux dont la pensée religieuse avait fait plus_ de progrès et qui avaient sur Dieu des idées plus précises, et les autres plus retardataires et moins avancés au point de vue religieux. Les premiers ont écrit l’histoire sainte et traité de faux prophètes leurs adversaires. Toutefois l’élévation morale des uns, leur opposition avec les idées des grands et de la foule, la persistance de leur croyance à leur inspiration malgré les persécutions qu’elle leur attirait, tout cela, que Kuenen reconnaît, prouve la sincérité de leur prédication. Les faux prophètes flattaient les passions des rois et de la nation ; ils avaient des idées moins élevées ; leur moralité est discutée par leurs adversaires ; tout cela constitue un préjugé contre la sincérité de leurs affirmations et la vérité de leur inspiration. D’ailleurs, pour assurer la permanence de la mission des vrais prophètes, leur crédit auprès de la portion saine de la nation et leur triomphe définitif, il a bien fallu qu’ils aient fourni des signes de leur mission divine. On les exigeait d’eux, et ils les donnaient. C’étaient ces prédictions claires et à court terme, relatées dans les livres historiques, l’annonce d’une défaite ou d’une victoire immédiate, du succès ou de l’échec d’une invasion. Voir col. 716. Supposer avec Kuenen que ces prédictions ne se soient jamais réalisées ou n’aient été que des prévisions purement naturelles, c’est se mettre dans l’impossibilité d’expliquer la permanence et le triomphe de prophètes, haïs du peuple, qui auraient été traités d’imposteurs, s’ils s’étaient trompés, aussi bien que la nonréalisation des soi-disant oracles des faux prophètes, qui favorisaient les idées du peuple et élaient en opposition directe avec les prédictions précises des vrais prophètes. Il a bien fallu que ces prédictions fussent vérifiées pour que les prophètes pussent continuer leur mission avec quelque chance d’être écoutés. Le non-accomplissement des oracles des faux prophètes devait diminuer leur crédit auprès de la foule qu’ils trompaient. L’œuvre des prophètes eut-elle simplement consisté, comme on le prétend, dans la destruction de l’idolâtrie et l’établissement du monothéisme en Israël, elle n’a pu aboutir que s’ils ont eu auprès d’un peuple grossier et idolâtre une réelle autorité et une autorité divine.

Kuenen a prétendu, en second lieu, que si les prophètes d’Israël étaient véritablement inspirés par Dieu, il est nécessaire que toutes leurs prédictions se soient accomplies. Si elles ne se sont pas accomplies, c’est que les prophètes ne parlaient qu’en leur nom et pas au nom du Dieu de vérité. Cet argument, qu’il avait indiqué dans son Histoire critique des livres de l’Ancien, Testament, trad. franc., Paris, 1879, p. 15, 1926, a été longuement développé. The Prophets and Prophecy in Israël, trad. anglaise, Londres, 1877, c. vvii, p. 98-275. Le critique hollandais parcourt la série des prédictions contenues dans les livres canoniques et relatives soit aux peuples voisins d’Israël soit aux

destinées du peuple élu (les prophéties messianiques) et il prétend démontrer que le plus grand nombre de ces prophéties n’a jamais été accompli. Au c. viii, p. 276, il examine un petit nombre de prophéties qui se sont réalisées ; mais il soutient ou bien qu’elles ont été vérifiées par l’événement d’une manière vague et inexacte, ou bien qu’elles ne sont pas authentiques et ont pu être écrites après l’événement, ou enfin qu’elles ne dépassent pas les limites de la prévision naturelle. Cet argument avait été énoncé par Munk, La Palestine, Paris, 1881, p. 420-421 ; A. Réville, dans la Revue des deux mondes, juin 1867, p. 836-840. Il a été repris par Paul Schwàrtzkopff, Die prophetische Offenbanmg nach Wesen, Inhalt und Grenzen, Giessen, 1896, p. 100-166. Ce n’est pas le lieu de reprendre une à une les objections de Kuenen. Voir, pour la réfutation de quelques-unes, F. Vigouroux, Manuel biblique, 12e édit., Paris, 1906, t. ii, p. 570-572. L’abbé de Broglie a observé que la plupart avaient été présentées auparavant et discutées. La force de l’argumentation ne pourrait venir que de l’accumulation des objections. Mais cette argumentation part de principes faux, comme si le sens d’un texte prophétique devait être exclusivement déterminé d’après les idées du prophète lui-même et de ses contemporains, comme si la réalisation avait dû s’accomplir d’une façon absolument conforme à la prévision du prophète ainsi fixée, comme si enfin chaque fragment d’une prophétie devait être la prédiction d’un seul et même événement. En réalité, la prophétie a pu ne pas être parfaitement comprise des contemporains et du prophète lui-même, si elle avait un sens énigmatique que l’événement seul pouvait faire découvrir pleinement. N’étant pas claire et complète, elle ne cadre pas nécessairement avec l’événement d’une façon absolue, et l’accord ne peut pas être plus clair ni plus complet que la prévision elle-même. Enfin, toutes les parties d’un oracle prophétique ne s’appliquent pas à un même événement. La vue de l’avenir en perspective a souvent réuni sur le même plan des événements analogues, dont la réalisation devait avoir lieu à des époques différentes. Voir P. de Broglie, Les prophéties et les prophètes d’après les travaux du. D r Kuenen, da^s. Compte rendu du III’Congrès scientifique international des catholiques, Bruxelles, 1895, 11e section, Sciences religieuses, p. 139151 ; Id., Questions bibliques, édit. Piat, Paris, p. 346380 ; J. Brucker, Les prédictions des prophètes, dans les Études, août 1893, p. 586-615 ; F. Vigouroux, Manuel biblique, t. ii, p. 578-580.

IV. Cycle des prédictions prophétiques. — Rien de plus varié que l’objet des prophéties bibliques. Cependant, malgré leur grande variété, les oracles des prophètes écrivains ont des thèmes communs plus où moins développés et diversement appliqués selon les temps et les milieux, et se déroulent dans le même cercle d’idées, qu’il est bon d’indiquer.

1° Les péchés d’Israël et de Juda. — Pour ramener leurs contemporains dans la voie droite, dont la plupart étaient sortis, les prophètes leur reprochent leurs fautes et font des tableaux éloquents de la perversité morale, qui attire sur eux la colère divine et de terribles châtiments. Amos décrit avec véhémence les iniquités d’Israël, i, 6-8 ; iii, 2, 9, 10 ; iv, 1-5 ; vi, 1-7. Les actions symboliques d’Osée et ses mariages figurent l’infidélité et l’idolâtrie du royaume schismatique, i, 2-ni, 5. Ses discours directs exposent en détail les crimes du peuple et de ses chefs, iv, 1-v, 7 ; vii, 1-7. Isaïe, dès le début de ses oracles, résume les fautes de Juda, dont il prédit les châtiments, 1, 2-31. Il y revient sans cesse, et signale celles que chacune des classes de la nation a commises, ii, 5-9 ; iii, 12, 16 f 17 ; v, 8-23 ; x, 1, 2, etc. C’était sa mission et il devait la remplir avec force et constance, lviii, 1. Michée décrit les crimes de Samarie et de Juda, i, 5 ; ii, 1, 2 ; iii, 2 ; 3, 5, 9-11 ; vii, 1-4. Juda

n’a pas tiré profit du sort d Israël : il imite son idolâtrie. Jer., iii, 6-10 ; XI, 9-10 ; xvi, 11, 12. La corruption est profonde et universelle à Jérusalem. Jer., v, 1-9, etc. Ézéchiel voit les abominations commises dans le Temple de Jérusalem, 7111, 1-16. 1 dénonce es faux prophètes, qui trompent et séduisent les exilés, xiii, 3-7, 18, 19. Il retrace les crimes des habitants de Jérusalem, xxli, 116, 24-31. Après le retour en Palestine, Aggée reprend les rapatriés qui négligent de relever le Temple, I, 2-6, et plus tard Malachie adresse des reproches aux prêtres, I, 6-8, 12, 13, et aux Juifs qui épousent des femmes étrangères, 11, 11. Les prophètes apparaissent donc tous comme des correcteurs de vices et des redresseurs de torts, et leurs prophéties sont remplies de plaintes contre les prévaricateurs.

2° Le châtiment des coupables. — Comme les coupables s’endurcissaient et refusaient de profiter des reproches et de changer dévie, Jer., xxxii, 33 ; Ezech., 111, .7, si même ils ne se moquaient des menaces des prophètes, Amos, v, 18 ; Is., v, 19, la punition divine devait les frapper. Toutes les descriptions de crimes, précédemment rappelées, sont immédiatement suivies de l’annonce de châtiments. Plus souvent encore, la menace est directe, qu’elle soit adressée sous forme de plainte ou d’élégie, Amos, v, 1-14, ou d’exhortation ou de reproche. Ose., viii, îx ; Is., ix, 8-x, 34. Elle tourne parfois en malédiction. Is., xxviii, 1-xxxill, 12. Elle vise tous les coupables. Tous seront punis, et la punition répondra à la culpabilité. Chacune des classes de la société aura son châtiment propre et proportionné. Puisque la dépravation est générale et que tout espoir de conversion est perdu, la nation entière périra. Israël, qui est le plus coupable, disparaîtra le premier. Amos, 1, 9-16 ; Ose., xiii, î-xiv, 1 ; Mich., 1, 2-7. Juda, qui n’a pas compris la leçon, Jer., iii, 6-10, aura le même sort. Jer., iv, 5-vi, 30 ; Ezech., xxm. Le châtiment sera gradué, Jer., iv, 27 ; v, 18, et la ruine définitive ne viendra pas frapper un peuple, capable encore d’amendement. Des coups isolés avertiront les coupables et tenteront de les ramener à résipiscence. La patience divine se lassera enfin, et la perte des deux royaumes sera tour à tour décidée. L’instrument des vengeances divines est ordinairement l’épée des nations voisines d’Israël et de Juda. La ruiue du royaume du nord sera l’œuvre de l’empire assyrien, Ose., x, 6 ; xi, 5 ; Is., vii, 17-25 ; celle du royaume du sud sera accomplie par les Babyloniens. Is., xxxix, 3-7 ; Mich., iv, 10 ; Hab., 1, 6-11 ; Jer., ix, 10-16 ; xxi, 3-14 ; Ezech., xxiv, etc.

3° Les oracles contre les nations. — Bien que les nations païennes soient la verge dont Dieu frappe Israël et Juda, elles ne seront pas toutefois épargnées, parce qu’elles sont coupables, elles aussi, et plusieurs livres prophétiques contiennent des recueils spéciaux d’oracles contre elles. Amos, 1, 3-n, 3 ; Is., xiv, 28-xxi, 17 ; Soph., ii, 4-15 ; Zach., ix, l-7 ; Jer., XLVi, 1-xlix, 39 ; Ezech., xxv, 1-xxxii, 32. La prophétie d’Abdias est tout entière contre l’Idumée. Mais les deux grandes puissances vengeresses ont leurs menaces particulières, souvent répétées. Elles sont idolâtres ; elles ont dépassé la mesure en exécutant les jugements de Dieu contre Israël et Juda ; elles ont tenté d’exterminer des peuples, que Dieu ne voulait que châtier ; elles ont commis des injustices dans la répression juste ; elles seront donc punies à leur tour, et elles seront détruites comme nations. On lit des oracles contre l’Assyrie dans Isaïe x, 5-26 ; xxx, 27-33 ; xxxvil, 21-38 ; Nahum, 1, 2-m, 19 ; Sophonie, 11, 13-15, et contre la Chaldée ou Babylone dans Isaïe, xiii, 1-xiv, 23 ; xxi, 1-10 ; xxxix, 3-7 ; xliii, 1421 ; XLVI, 1-XLvn, 15 ; Jérémie, xxv, 12-14 ; L, 1-li, 64 ; Habacuc, ii, 2-20. Cf. Rohart, De oneribus biblicis contra gentes, Lille, 1893.

4° La conversion d’Israël et de Juda et leur restauration. — Quels qu’aient été les crimes dé son peuple

choisi, quelque durs qu’aient été les châtiments infligés, Dieu faisait annoncer par ses prophètes la conversion finale d’Israël et de Juda sous le coup de l’adversité. Il ne se bornait pas à promettre des bienfaits, si les coupables quittaient les voies de l’iniquité, Ose., 11, 1424, il déclarait que les Israélites, emmenés en captivité en Assyrie, reviendraient en Palestine, Ose., xi, 8-11. Abdias prédit le salut, 17-21. Israël se repentira et obtiendra miséricorde. Mich., vii, 1-20. Les Israélites dispersés seront réunis de nouveau. Is., xi, 10-16 ; Jer., xxxi, 1-14. Juda surtout trouvera grâce aux yeux du Seigneur. Is., 1, 26-31. Il sera restauré, is., xxvi, 1-xxvii, 13 ; xxxii, 1-20 ; xxxiii, 13-24 ; xxxv, 1-10 ; xl, 1-31 ; xli, 8-20 ; xliii, 1-13 ; xlix, 14-26 ; lii, 1-12. Jérémie prédit la libération des exilés après 70 ans de captivité, xxix, 8-14. Il décrit la conversion, le retour et la restauration, xxx, 2-24 ; xxxii, 37-xxxin, 26. Baruch répète aux exilés la même promesse, 11, 30-m, 8 ; v, 1-9. Ézéchiel annonce aussi le salut, xxxvi, 8-xxxvti, 28. Il trace même tout un plan de restauration, xl-xlviii. Voir 1. 11, col. 2156.

5° Le royaume messianique. — Le rétablissement de Juda comme royaume temporel de Dieu en Palestine amène les prophètes à annoncer la rédemption spirituelle des Israélites et de tous les hommes et l’établissement d’un royaume nouveau, idéal, réunissant tous les peuples sous la loi du vrai Dieu, et gouverné par un rejeton de David, roi d’Israël et des nations. Michée a décrit ce nouveau royaume comme la glorification et l’exaltation de Sion, iv, 1-13. Isaïe a repris le même, thème, 11, 2-4. Il décrit la gloire de cette nouvelle Jérusalem, liv, 1-lvi, 8 ; lx, 1-22 ; lxvi, 1-24. Jérémie en parle comme d’une alliance conclue entre Dieu et Juda sous de nouvelles conditions, xxxi, 31-40. Bref, les prophètes prédisent le royaume messianique et son roi, le Messie, et ils en décrivent les caractères. Leurs oracles messianiques sont exposés dans les articles de ce Dictionnaire, qui concernent chaque prophète en particulier. Celles qui ont trait à la personne du Messie ont été résumées, t. iii, col. 1431-1434, et leur signification en faveur de la divinité de Jésus indiquée un peu plus loin, col. 1497-1499. Pour la bibliographie, voir ibid., col. 1436.

Sur les prédictions des prophètes en général, voir J.-B. Pelt, Histoire de l’Ancien Testament, 3e édit., Paris, 1902, t. 11, p. 153-179 ; * Davidson, Old Testament prophecy, 1903. Sur la doctrine des prophètes, on pourra consulter *Zschokke, Théologie der Propheten desalten Testaments, Fribourg-en-Brisgau, 1877 ; Trochon, Introduction générale aux prophètes, Paris, 1883, p. xlix-lix ; Selbst, Die Kirche Jesu Christi nach den Weissagungen der Propheten, Mayence, 1883 ; "Duhm, Die Théologie der Propheten, Bonn, 1875 ; "Kirkpatrick, Doctrine of the Prophets, 1892. On peut consulter aussi les théologies de l’Ancien Testament : Scholz, Handbuch der Théologie des alten Bundes xm Lichte des Neuen, Ratisbonne, 1862 ; ’Franz Delitszch, Die biblisch-prophetische Théologie, Leipzig, 1845 ; ’Schultz, Alttestamentliche Théologie, 2 in-8°, Francfort, 1869 ; 5e édit., 1896 ; *Œhler, Théologie des alten Testaments, Tubingue, 1873 ; 3 a édit., 1891 ; trad. anglaise, 2 in-8°, Edimbourg, 1874 ; trad. franc., 2 in-8° ; "Hitzig, Biblische Théologie des A. T., 1880 ;

  • Riehm, j4 Utestamentliche Theologie, 1889 ; *Dillmann,

Handbuch der alttestament. Théologie, 1895.

E. Mangenot.

    1. PROPHÉTIQUES##

PROPHÉTIQUES (LIVRES). Dans l’usage ecclésiastique on donne spécialement ce nom aux livres qui contiennent les oracles des quatre grands prophètes et des douze petits prophètes dans l’Ancien Testament, et a l’Apocalypse dans le Nouveau. Dans la Bible hébraïque, outre les œuvres des prophètes proprement dits qui sont appelés prophètes postérieurs, on distingue >

celles des prophètes antérieurs ou premiers, c’est-à-dire des auteurs du livre de Josué, des Juges, des deux livres de Samuel (nos deux premiers livres des Rois) et des deux livres des Rois (le troisième et le quatrième livre des Rois de la Vulgate).

PROPHETISME. On désigne sous ce nom, dans le langage des rationalistes, l’explication naturelle de l’intervention, dans l’histoire d’Israël, des prophètes, hommes extraordinaires, doués d’une très grande intelligence et d’une très rare perspicacité, qui ont enseigné une doctrine religieuse très élevée et exercé sur leur peuple une très forte influence au point de vue religieux, moral, social, politique et littéraire. Loin d'être un miracle vivant, une série presque ininterrompue d’interventions directes de Dieu en Israël, comme on l’a cru longtemps, le prophétisme hébreu est un phénomène purement naturel, unique en son genre, il est vrai, quoiqu’il ne soit pas absolument distinct d’autres actes religieux ni sans aucune analogie avec des faits de même nature dans les autres religions. À force d'études, la critique moderne l’a enfin compris etl’aramené, sans le rabaisser, aux conditions et aux lois de l’histoire positive. Avant d’exposer la nouvelle idée qu’on s’est faite des prophètes d’Israël, il sera bon d’indiquer brièvement les principes qui ont seryi de point de départ et la méthode suivie pour aboutir à de tels résultats.

I. Principes et méthode. — Pour expliquer l’origine, la nature, le rôle historique du prophétisme hébraïque et son influence sur les destinées religieuses et politiques d’Israël, les critiques rationalistes ont écarté toute intervention surnaturelle de Dieu ; ils se sont placés uniquement sur le terrain rationnel et ils n’ont eu recours qu'à la loi historique du développement de l’humanité. Le prophétisme hébreu leur est apparu comme un phénomène religieux et se présentant avec les mêmes caractères et les mêmes traits que le prophétisme des autres religions. L’unique différence entre le prophète hébreu et les prophètes païens, c’est qu’il a atteint une hauteur à laquelle les autres ne sont pas parvenus. Les prophètes d’Israël excellent ; ils sont incontestablement et de beaucoup les premiers, les types du genre ; mais leur supériorité ne les élève pas à l’ordre surnaturel et divin ; ils restent dans l’ordre naturel de l’histoire des anciennes religions, surtout des religions sémitiques.

En effet, le prophétisme n’est pas un phénomène particulier au peuple d’Israël. Il n’est pas de société humaine qui, à un moment donné de son existence, n’ait eu, sous un nom ou sous un autre, ses interprètes de la divinité, ses hommes de Dieu. Chez tous les peuples de l’antiquité et aujourd’hui encore parmi les nations qui n’ont pas dépassé un certain degré de culture et qui sont très rapprochées de la situation sociale des âges primitifs, il s’est rencontré et on rencontre des hommes qui se sont attribué ou s’attribuent, avec une entière bonne foi, le pouvoir surnaturel de lire dans l’avenir et de communiquer à ceux qui les entourent les décisions de la volonté divine, dont ils sont ou dont ils croient être les organes. Tous les peuples sémitiques, notamment ceux qui touchent de plus près à Israël, ont eu leurs prophètes. Les Arabes n’ont pas cessé d’en avoir. Le prophétisme caractérise en quelque sorte la race sémitique. Toutefois, il s’est produit aussi dans les races indo-européennes. La Grèce eut ses navreiç, ses devins possédés de la [iavia ou fureur prophétique, et cet ordre de faits donna lieu à une science spéciale, la mantique. La Gaule et la Germanie eurent leurs inspi"rées, leurs prophétesses. Dans la plupart des cas, le prophétisme ne s'éleva pas très haut et ne dépassa guère les modes ordinaires de la divination. Si chez les Hébreux il fut supérieur à ce qu’il apparaît ailleurs, il" ne faut pas cependant changer sa supériorité relative en singularité absolue.

Il présente, en effet, dans ses manifestations extérieures, des ressemblances avec le prophétisme desautres peuples. Ce que la Bible rapporte des prophètes d’Israël, de leur genre de vie, de leur mode d’action, , ressemble étonnamment à ce que nous savons des devins païens. On constate, chez les uns et chez lesautres, la révélation par les songes, une violente exaltation de l’imagination dans l’exercice même de la prophétie, l’union de la vaticination avec l’art de la médecine et la poésie. Leur histoire a été embellie par la légende, et leur existence n’est signalée qu'à l'âgé héroïque des peuples anciens. On est ainsi ramené à une loi historique générale. Le prophétisme est commun à tous les peuples, et il est une manifestation propre aux temps héroïques. Le peuple d’Israël n’est donc pas, sous ce rapport, une exception dans le monde, et son prophétisme rentre dans les analogies de l’histoire. D’ailleurs les récits bibliques, dépouillés de leur caractère légendaire et de leur interprétation surnaturelle des faits prophétiques, se ramènent très facilement aux conditions ordinaires du développement des idées religieuses.

Que penser de ces principes et de cette méthode ? Il n’est pas exact, d’abord, que le prophétisme n’ait existé qu’aux âges héroïques de l’histoire, puisque les peuples païens ont eu leurs devins aux époques de la plus grande civilisation et en pleine histoire. Quant à la méthode employée pour ramener le prophétisme hébreu aux lois et aux conditions ordinaires, elle n’est qu’une application spéciale de l'étude comparée des religions, comme si les ressemblances constatées prouvaient l’identité de nature et de conditions. Mais ces ressemblances sont purement extérieures, partielles et isolées, et elles ne constituent souvent que de simples analogies. On ne peut donc sans paralogisme conclure à l’identité de cause, d’autant qu'à côté des ressemblances, si multiples qu’elles soient, il y a de très grandes différences, et la supériorité du prophétisme hébreu sur les autres n’est niée par aucun critique. Ces différences et cette transcendance exigent donc une autre origine, des causes différentes et supérieures aux causes naturelles, par suite une cause surnaturelle qui est précisément l’inspiration divine, attestée dans la Bible. Voir Prophète et Prophétie. Les ressemblances purement extérieures s’expliquent par l’identité de quelques moyens, employés par Dieu même pour produire parmi son peuple de choix, les mêmes effets que la divination produisait chez les peuples païens, pour s’adapter aux mêmes dispositions du cœur humain et donner satisfaction aux mêmes aspirations. Cf. P. de Broglie, Problèmes et conclusions de l’histoire des religions, Paris, 1885, p. 244-260, 321-326, 412414. L’interprétation naturaliste des récits bibliques, faite en vue de leur enlever tout caractère surnaturel et divin, repose sur un principe a priori, étranger à la science véritable, et n’est pas capable de faire impression sur un esprit exempt du préjugé rationaliste.

II. Développement prétendu du prophétisme hébreu. — Le prophétisme a passé en Israël par trois périodes distinctes et caractéristiques : 1° celle des débuts sous Samuel ; 2° une période de transition jusqu'à Élie et Elisée, sous Achab ; 3° celle des prophètes écrivains, qui va du vme siècle au iv= avant JésusChrist.

r. période des débuts sous samvel. — Tous les critiques soi-disant indépendants sont actuellement d’accord pour placer l’apparition du prophétisme proprement dit en Israël vers la fin de la période des Juges, sous Samuel, qui est lui-même un des premiers prophètes, sinon même le premier des prophètes au moins d’une catégorie particulière-. En effet, si quelques-uns confondent encore tous les prophètes de cette époque dans une seule classe d’hommes divinement inspirés et

exaltés, groupés autour de Samuel, leur chef, la plupart distinguent, à l’origine, deux catégories de prophètes, de nature et d’esprit fort différents, celle des voyants et celle des nebi’im enthousiastes et extatiques.

1° Les voyants. — Dans les parties anciennes de la légende de Samuel, celui-ci est appelé rô’éh, « voyant ». Il tient du devin et du prêtre. C’était un simple sorcier, que, dit-on, l’on consultait sur des ânesses perdues et qu’on n’abordait qu’un cadeau à la main, I Sam., ix, 6-9, comme Balaam. Num., xxii, 17, 18 ; xxiv, 11-13. Il fondait son autorité sur des signes, I Sam., x, l-8, et il jetait les sorts pour savoir qui serait roi, 20-22. Il s’occupait donc déjà de politique. Parfois cependant, sa fonction se rehaussait, et il annonçait l’avenir. Tous les critiques ne sont pas d’accord sur la nature des voyants, selon qu’ils tiennent les détails de la vie de Samuel pour historiques ou légendaires. Krætzschmar, Prophet und Seher im alten Israël, Tubingue et Leipzig, 1901, p. 6-12, tient le voyant pour une personne que l’on consulte au sujet des affaires ordinaires de la vie privée, et qui ne s’en occupe que selon sa science et « a sagesse naturelles. Il ne se considère pas comme un représentant de la divinité. Il ne recourt qu’à des moyens naturels pour découvrir les forces secrètes de la nature. Il voit ce que les autres ne voient pas, mais sans agitation ni extase, et il dit clairement ce qu’il voit d’après certains indices ou même une illumination intérieure. Il n’a aucun rapport avec le jahvéisme, et il est peut-être antérieur au jahvéisme. D’autres peuples avaient des voyants de même nature ; ainsi Balaam en Mésopotamie. La profession de voyant n’a aucune relation ni avec la nationalité ni avec la religion, et les premiers voyants d’Israël n’ont exercé aucune influence sur la religion de leurpeuple. Pour Smend, au contraire, le voyant et le prêtre étaient primitivement apparentés ; tous deux rendaient des oracles divins. Chez les Sémites, ils avaient élé d’abord identiques. Le mot hébreu kôhen, « prêtre », signifie « voyant », kâhin, dans l’ancien arabe. Avant d’être voyant, Samuel avait été prêtre à Silo avec Héli La principale différence a consisté en ce que le charisme du voyant a un caractère plus personnel que celui du prêtre, qui est social. Il se rapproche ainsi du ndbï. Lehrbuch der altlestdmentlichen lieligionsgeschichte, 2e édit., Fribourgen-Brisgau, 1899, p. 92-93. Cette dernière théorie est démentie par les faits, et au lieu que le prêtre soit originairement un devin, le devin n’est chez les Sémites qu’un prêtre dégradé. Cf. J. Lagrange, Éludes sur les religions sémitiques, 2 B édit., Paris, 1905, p. 218. Si les anciens rationalistes regardaient les voyanls d’Israël comme les successeurs de Moïse et les continuateurs de son œuvre religieuse et morale, la plupart des rationalistes récents pensent que Samuel a inauguré la série et que le peuple d’Israël n’avait pas eu dévoyants, ni au désert, ni au commencement de son installation au pays de Chanaan. M. Loisy cependant estime que les voyants d’Israël, Débora et Samuel, ont fait suite à Moïse et ont rendu, comme lui, des oracles au nom de Jéhovah, tout en s’occupant d’ordinaire d’intérêts privés. La religion d’Israël, Paris, 1901, p. 60. Organes de Jéhovah, les voyants ne sont pas les prédicateurs de leur Dieu, parce qu’ils n’avaient pas besoin de le prêcher.

2° Les nebî’îm. — À la même époque apparaissent des prophètes enthousiastes et possédés de la divinité. Ils sont mentionnés pour la première fois dans la légende de Samuel, et les personnages antérieurs, Abraham, Moïse, Marie, Débora, sont nommés prophètes ou prophétesses par projection des notions du temps de l’écrivain dans le passé qu’il raconte. Les premiers nebi’îm, contemporains de Samuel, n’étaient ni des devins, ni des prêtres. Ils ne rendaient pas d’oracles et, à plus forte raison, n’instruisaient pas le peuple. C’étaient des exaltés, des corybanles extatiques, réunis

DICf. DE LA BIBLE.

en groupes et formant des associations. Ils prophétisaient par leurs cris et leurs attitudes, au son des instruments de musique. Saiil qui les rencontra en revenant de chez Samuel, fut saisi par l’esprit du Seigneur et prophétisa avec eux ; il devint un autre homme, de telle sorte que ceux qui" l’apprirent disaient : « Saûl est-il donc du nombre des prophètes ? » I Sam., x, 5, 6, 10-12. C’étaient des hommes obscurs, dont personne ne connaissait l’origine, ou des gens mal famés, sans naissance, ni bonne renommée. Saiil, seul et isolé, eut dès lors des accès particuliers, qu’on attribuait à l’esprit mauvais de Dieu. Il prophétisait, c’est-à-dire faisait l’insensé dans sa maison, et on était obligé de recourir à un harpiste pour le calmer. I Sam, , xvi, 14-16, 23 ; xviii, 10 ; xix, 9. Les soldats envoyés par lui pour prendre David, qui s’était réfugié à fiamatha, rencontrèrent une troupe de ces nebi’im qui prophétisaient et, saisis par la contagion, se mirent à prophétiser eux aussi. D’autres émissaires, envoyés après eux, furent encore gagnés par l’exemple et le même fait se produisit une troisième fois. Saùl enfin se mit en route et, chemin faisant, il fut saisi par l’esprit prophétique, et se dépouillant de ses vêtements, il tomba par terre et prophétisa tout nu ce jour-là et la nuit suivante, de sorte qu’il passa dès lors en proverbe de dire : « Saûl est-il donc du nombre des prophètes ? » I Sam., xix, 20-24. Ces nebi’im, auxquels Saiil se mêla à deux reprises, étaient donc de véritables corybantes, qui se procuraient une ivresse orgiastique, et dans leur enthousiasme extatique se livraient à des actes de folie sacrée. Selon M. Loisy, op. cit., p. 60, ces inspirés « n’étaient censés les organes de Jahvéh qu’à raison des phénomènes extraordinaires qui se manifestaient en eux ». Toutefois, selon Smend, op. cit., p. 79, ils rendaient des oracles durant leur extase.

Les critiques rapportent généralement leur origine à l’époque de leur première mention dans l’histoire d’Israël. Le nabisme paraît alors nouveau, extraordinaire, mal défini encore. Budde, Die Religion des Volkes Israël bis zur Verbannung, Giessen, 1900, p. 90. Il est donc, selon ce critique, d’origine palestinienne. Cornill, Der isrælitische Prophelismus, be édit., Strasbourg, 1903, p. 12, qui fait dériver le mot nâbV d’une racine arabe, en conclut que l’Arabie a été la patrie du prophétisme. Cf. Cheyne, Encyclopsedia biblica, Londres, 1902, t. iii, col. 3857. Mais la plupart des critiques lui reconnaissent une origine chananéenne. « Baal avait de ces confréries et cette forme inférieure du prophétisme aura passé des Chananéens aux Israélites. » À Loisy, op. cit., p. 60. Krætzschmar, op. cit., p. 10, a cherché à expliquer leur apparition en la rattachant à l’oppression des Israélites par les Philistins à la fin de l’époque des Juges. Des fanatiques de Jahvéïî se levèrent alors pour soutenir la supériorité de leur dieu national sur l’idole Dagon des Philistins et pour maintenir en Israël le culte de Jahvéh. Leur enthousiasme religieux produisit les accès de folie religieuse, qu’on remarque chez eux, qui frappèrent l’attention des foules et les rattachèrent plus fermement ou même les ramenèrent au culte de leur dieu. Ils continuèrent leurs manifestations religieuses sous le règne de Saùl, qu’ils avaient entraîné dans leur parti. Leur exaltation religieuse se compliquait d’une exaltation psychique, maladive, qui les poussait à l’action et qui développa une piété plus ardente envers le dieu national. Budde, op. cit., p. 90-94. Toutefois, pense ce critique, loc. cit., p. 90, il reste toujours possible que le nabisme ait existé déjà auparavant en Israël, au moins dans une partie du peuple, et que, après un long assoupissement, il ait pris sous l’oppression philisline une signification et une ampleur, jusque-là. inconnues.

II. PÉRIODE DE TRANSITION JUSQU’A ÉLIE EV ELISÉE

sous AcHAB. ~~ Durant cette période, les voyants et les prophètes se sont rapprochés au point de se confondre

V. - 24

enfin dans la personne d’Elisée. L’enthousiasme des nebî’tm s’alténue fortement ; les prophètes cessent d’être hors de raison ; ils deviennent voyants et reçoivent des communications de Jéhovah. D’autre part, les voyants prennent quelques allures extraordinaires des anciens prophètes exaltés et font des actes plus singuliers que ceux qui sont attribués à Samuel dans les anciens récits. Élie et Elisée inaugurent un ministère, qui est une sorte d’apostolat par protestation contre l’introduction de Baal et des dieux étrangers en Israël. Autour d’Elisée, qui était un voyant, se groupent des troupes d’inspirés ; ils devinrent ses disciples, et ils ont des révélations. Les voyants prenaient alors le nom de prophètes, et les inspirés sont appelés fils de prophètes.

Suivant la remarque de Krætzschmar, op. cit., p. 23, il n’est pas toujours facile de discerner dans l’histoire de cette période de transition, à quelle catégorie des voyants ou des prophètes il faut ranger certains personnages, et il se peut que, dans les anciens récits, le nom d’un groupe ait été attribué à des individus de l’autre groupe. Par suite, les critiques ne sont pas d’accord sur le classement pas plus que sur certains détails, dont ils admettent ou contestent l’historicité.

Ils relèvent cependant, même chez les prophètes Élie et Elisée, qui paraissent être les successeurs des voyants, des traces du caractère extatique des anciens neb’îîm. Ainsi Élie courut au galop devant le char d’Achab durant tout le trajet du Carmel à Jesraël. I (III) Reg., xviii, 44-46. Elisée irrité eut besoin d’appeler un harpiste pour calmer son courroux et se procurer à l’aide de la musique l’inspiration prophétique. II (IV) Reg., iii, 15. Quand ce prophète envoya un de ses disciples pour oindre.léhu, ce fils de prophète remplit sa mission, seul, sans témoin, dans la chambre de Jéhu, et dès qu’il eut fini, il ouvrit aussitôt la porte et s’enfuit. Les soldats demandèrent à leur chef : « Pourquoi ce fou est-il venu te trouver ? » II (IV) Reg., ix, 1-11. Ce terme de jjjm, « fou, insensé », servait à désigner les prophètes. Cf. Ose., îx, 7, 8 ; Jer., xxix, 26. La conduite du fils de prophète, qui se fait frapper par un passant, et qui, couvert de son turban, se présente au roi Achab et lui propose un cas de conscience, paraît bien extravagante. Aussi, lorsqu’il eut enlevé le linge qui couvrait son visage, le roi le reconnut pour un prophète, pour un homme exalté et singulier. I (III) Reg., xx, 35-41. Krætzschmar, op. cit., p. 9, après Stade, a même cru reconnaître dans cet épisode une preuve que les fils de prophètes portaient sur le front entre les yeux des cicatrices sacrées, que ce critique a appelées des « marques de Jahvéh », tatouage qui distinguait ceux qui appartenaient à ce dieu et qui se plaçaient sous sa protection spéciale. Un nabi’ne voulait-il pas être reconnu, il couvrait son front d’un linge et cachait ses cicatrices caractéristiques. Achab reconnut à ce signe le fils de prophète, qui s’était présenté à lui ainsi voilé. Pour les mêmes signes aux mains, on renvoie à Zach., xui, 3-6. Cf. A. Van Hoonacker, Les douze petits prophètes, Paris, 1908, p. 686-687. C’est parce que le ndbî’et le fils de nâbî’étaient encore mal considérés et passaient pour des insensés qu’Amos, le premier prophète écrivain, déclare qu’il n’est ni ndbi’ni fils de nâbï, vii, 14.

Élie, dans la légende et dans l’histoire, apparaît comme la personnification idéale du prophète puritain de Jéhovah. Il est isolé. Une vraie pensée religieuse l’anime, quoiqu’elle soit empoisonnée par un sombre fanatisme. C’est un jéhoviste intégral, c’est-à-dire un adorateur de Jéhovah, dieu bon, juste, quoique sévère, exigeant un culte moral, en esprit et en vérité, Sous le règne d’Achab, qui favorisait le culte de Baal, la religion nationale* courait de grands risques. Le prophète se fit l’apôtre de son Dieu ; mais c’était un apôtre ardent, fougueux, exalté, qui ne recula pas devant l’emploi de

moyens violents pour faire triompher ses idées ieligieuses et morales. Il est entré en lutte ouverte avec Achab et a fait égorger les prêtres de Baal. Mais la légende l’a peut-être fait plus fanatique qu’il n’était en réalité. Son disciple, Elisée, continuateur de son esprit, est entouré de fils de prophètes, c’est-à-dire de nebî’im proprement dits, qui étaient de la même catégorie que les nebî’tm exaltés du temps de Samuel. C’étaient des adorateurs fervents de Jahvéh qui s’élevèrent, à cette époque de crise nationale et religieuse, pour l’honneur d’Israël et de son Dieu. Ils protestaient contre l’intrusion du culte étranger et polythéiste de Baal. Budde, op. cit., p. 94. Elisée les avait organisés en corporations, sur la nature et le but desquelles on est loin d’être d’accord. Généralement, on admet qu’on s’y exerçait à l’art prophétique et qu’on y recourait à des moyens naturels, à des recettes, à des procédés pour exciter l’inspiration. « La plupart d’entre eux, dit M. Maspero, Histoire des peuples de l’Orient classique, Paris, 1897, t. ii, p. 749, étaient installés auprès des temples, et ils y vivaient en termes excellents avec les membres du sacerdoce régulier. Ils y répétaient au son des instruments les chants où les poètes d’autrefois avaient exalté les exploits de Jahvéh, et ils en extrayaient la matière des histoires semireligieuses qu’ils racontaient sur l’origine du peuple, ou hienils s’en allaient prêcher à l’aventure dès que l’esprit les saisissait, isolés, ou le maître avec son disciple, ou par bandes inégales. Le peuple se pressait autour d’eux, écoutant leurs hymnes ou leurs histoires de l’âge héroïque ; les grands, les rois mêmes subissaient leurs visites et enduraient leurs reproches ou leurs exhortations avec un respect mêlé de terreur. » Et M. Loisy, op. cit., p. 61, conclut : « L’institution semble décliner après la mort d’Elisée, et elle n’a pas dû, en tout cas, survivre au royaume d’Israël. Amos, Osée, Isaïe ne sortent pas de ce milieu. »

lll. PÉRIODE DES PROPHÈTES ÉCRIVAINS, DU VIW AU

IV SIÈCLE. — Ces prophètes sont en progrès notable sur les précédents. Ils tiennent encore du devin, mais ils n’ont plus rien du prêtre. Ils sont les héritiers de Samuel et des voyants et non des nebi’îm exaltés, dont pourtant ils portent le nom, mais avec une autre signification. Ons les consultait encore, comme on avait consulté Samuel, sur toutes sortes de sujets, et ils ré* pondaient à toutes les questions. « Les rois d’Israël et de Juda, avant de partir en guerre, interrogent les prophètes sur le succès de leurs expéditions. Beaucoup d’individus faisaient métier d’annoncer l’avenir et de fournir des renseignements sur les choses cachées, le tout au nom de Jahvéh, mais comme ils l’auraient fait au nom de Camos en Moab : ce sont ceux que l’Écriture appelle faux prophètes, et qui pratiquaient, en quelque façon, la divination pour elle-même. Les vrais prophètes exercent aussi la divination, mais en vue d’une fin supérieure, et les réponses qu’ils donnent au nom de Jahvéh sont en rapport avec le caractère moral de leur Dieu. Dans le temps et le milieu où ils vivaient, un enseignement dogmatique n’aurait eu aucune prise sur le commun des hommes. On eût mieux aimé recourir aux sorciers que de se passer d’oracles. Les vrais prophètes en ont donc rendu, et beaucoup, selon que l’Esprit les leur suggérait ; mais nous les voyons de bonne heure subordonner leurs réponses à un principe général, à une condition religieuse et morale qui peut se résumer en ces termes : Jahvéh vous protégera si vous lui êtes fidèles ; il vous abandonnera si vous l’abandonnez. Et comme ils en viennent de plus en plus à s’occuper des intérêts généraux de la nation, leurs prédictions se transforment progressivement en véritables prédications sur la^providence de Jahvéh, ses desseins, sa justice, les moyens de prévenir ses châtiments et d’avoir part à sa miséricorde. » A. Loisy, op. cit., p. 61-62.

Ces prophètes ne se bornaient donc pas à prédire l’avenir ; ils enseignaient une doctrine complète, qu’ils prêchèrent d’abori et qu’ils écrivirent ensuite, pour que leurs successeurs et la postérité en tirent profit. Sous ce rapport même, les critiques rationalistes exagèrent et faussent l’influence des prophètes du vme siècle, quand ils en font les créateurs du monothéisme et les fondateurs de la théocratie. À l’époque d’Élie et d’Elisée, la religion d’Israël n’avait pas encore rompu complètement avec l’idolâtrie. Ces prophètes, qui combattent avec la dernière énergie le culte de Baal, ne disent rien contre l’adoration du veau d’or à Béthel. Leur jéhovisme cependant est déjà monolâtre, puisqu’il n’est jamais fait mention d’un autre dieu, pas même d’une déesse compagne et épouse. Les prophètes du vme siècle sont monothéistes. Jéhovah, pour eux, est le vrai Dieu, Je Dieu universel, maître du monde entier, unique par nature, invisible et spirituel, saint, juste et miséricordieux. Une fois en possession de cette idée monothéiste, obtenue par la comparaison du dieu national avec les dieux des peuples voisins, par la constatation de sa supériorité et finalement par la conclusion de son unicité et de sa supériorité universelle, ils s’en firent les apôtres et les prédicateurs. Ils travaillèrent à la faire accepter par les rois, les prêtres et le peuple lui-même. La lutte fut longue et le triomphe ne fut définitif qu’après le retour de la captivité de Babylone. Ils furent aussi les créateurs du culte moral. Auparavant, Jéhovah n’était honoré que par des actes extérieurs et par des sacrifices. Les prophètes découvrent que le Dieu unique et véritable demande le culte du cœur, la justice, la vertu, l’obéissance à sa loi, supérieure aux victimes et aux sacrifices. Ainsi donc, c< la critique historique ne s’est pas bornée à détruire les croyances traditionnelles, ainsi qu’on l’en accuse trop souvent. Elle a reconstruit après avoir démoli. En replaçant les prophètes d’Israël dans leur véritable milieu historique, elle a fait ressortir leur incomparable originalité, la haute valeur de leurs prédications enflammées ; elle a reconnu en eux de véritables ancêtres de la conscience moderne, et s’ils ont perdu leur caractère miraculeux, ils y ont infiniment gagné en grandeur morale. » i. Réville, Le prophétisme hébreu, Paris, 1906, p. 2.

Mais enfin, en quoi consistait donc, au sentiment de ces critiques, l’inspiration des prophètes, hommes d’action et écrivains ? L’ancien rationalisme, celui de Voltaire et des encyclopédistes, ne voyait dans les prophéties que de pures conjectures sur l’avenir religieux et politique, capables de séduire les simples et d’enflammer les fanatiques, ou bien des prédictions post eventum, c’est-à-dire l’histoire du passé écrite sous forme de prophétie, donc un procédé littéraire employé pour attirer l’attention, frapper l’imagination et aider la mémoire. Les rationalistes plus récents ont rejeté cette fausse conception et réduit les oracles post eventum à un minimum de prédictions trop claires. Pour eux, l’inspiration des prophètes d’Israël, sans être surnaturelle et directement divine, est cependant réelle et religieuse. Ils y sont allés par degrés. Les prophètes d’Israël ont d’abord été des prédicateurs d’une doctrine élevée, des hommes d’une foi profonde, des orateurs inspirés par de grandes pensées, qui attribuaient à Jahvéh leur propre inspiration. Mais cette inspiration provenait de leur exaltation religieuse ; ils la puisaient dans leur enthousiasme pour la vraie religion. Ils se mettaient constamment en rapport avec Dieu, et ils se regardaient comme ses serviteurs et ses messagers. Dieu, la religion, la morale étaient l’objet de leurs principaux discours. Ils rattachaient toutes leurs paroles à un ordre d’idées purement religieux ; mais ils s’inspiraient toutefois réellement de leurs propres convictions, qu’ils attribuaient à Dieu. Des critiques plus récents ont reconnu cependant dans ce

sentiment religieux une action de Dieu, réellement exercée dans l’âme des prophètes. La prophétie ne vient pas de Dieu en ce sens seulement qu’elle est, comme toutes les œuvres humaines, produite par les facultés que Dieu a données à l’humanité. Il y a plus. Le prophète a conscience que la pensée qui lui vient, que la conviction qui s’empare de son esprit, n’est pas de lui, qu’elle ne lui est pas arrivée par la voie ordinaire du raisonnement, et il l’attribue à Dieu. Pourquoi ? Parce qu’il n’en trouve pas la source en lui. Il se sent inspiré, il le déclare, et nous ne pouvons douter de sa parole. Bien que les idées prophétiques ne lui aient pas été communiquées par révélation surnaturelle, elles sont de Dieu, parce que la disposition qui les a produites dans l’esprit du prophète est l’œuvre de Dieu en lui. L’esprit de Jéhovah est entré et a agi dans l’esprit de l’homme. Les prophètes expliquaient ainsi l’obsession intérieure d’une grande pensée qui remplissait leur âme et dont l’origine psychologique échappait à leur conscience. Ils étaient sincères, et leur inspiration venait de Dieu en quelque manière.

Voir "Knobel, Der Prophetismus der Hebràer, 1837 ;

  • M. Nicolas, Du prophétisme hébreu, dans Éludes critiques

sur la Bible, Ancien Testament, Paris, 1862, p. 301-442 ; *A. Kêville, dans la Revue desdeux mondes, juin 1867, t. lxix, p. 823 ; "Dillmann, Veber die Propheten des alten Bundes, 1868 ; "Kuenen, Histoire critique des livres de l’Ancien Testament, trad. franc., Paris, 1879, t. ii, p. 1-52 ; Id., De profeten en de profetie onder Israël, 1875 ; trad. anglaise, Londres, 1877 ; ’Robertson Smith, The prophets of Israël and their place in history, Edimbourg, 1882 ; * Darmesteter, Les prophètes d’Israël, Paris, 1895 ; "Cornill, Der isrælitische Prophetismus, 1894 ; 4e édit., Strasbourg, 1906 ; * Giesebrechl, Die Berufsbegabung der altlestamentlichen Propheten, 1897 ; *S. Michelet, Isræls Propheten als Trager der Offenbarung, trad, allemande, Fribourg-en-Brisgau, 1898 ; *Smend, Alttestarnentliche Religions geschichte, 2e édit., Fribourg-en-Brisgau, 1899, p. 78-93, 187-200, 253-264 ; ’Krælzschmar, Prophet und Seher im alten Israël, Tubingue et Leipzig, 1901 ; *A. Sabatier, Esquisse d’une philosophie de la religion, 7e édit., Paris, 1903, p. 154-162 ;

  • B. Stade, Biblische Théologie des Alten Testaments,

Tubingue, 1905, t. i, p. 124-126, 131-132, 204-212 ; M. Réville, Le prophétisme hébreu. Esquisse de son histoire et de ses destinées, Paris, 1906.

III. Critique. — Les preuves, précédemment données aux articles Prophète, col. 711, et Prophétie, col. 730, de l’inspiration divine des prophètes d’Israël rendent inadmissiblee prophétisme, qui n’est qu’un essat d’explication naturelle d’un phénomène surnaturel et divin. Par conséquent, nous pourrions nous borner à conclure que l’institution prophétique en Israël et que son développement séculaire ne se justifient pas par les seuls agents de l’histoire, et qu’ils dépendent d’une vertu surnaturelle, que les prophètes eux-mêmes ont nommé l’Esprit de Dieu. Cependant, comme cet Esprit divin a pu se servir des causes secondes agir et se manifester diversement suivant les temps et les milieux, il se pourrait qu’il y ait quelque vérité dans ses manifestations extérieures, telles que les critiques les décrivent, en ne tenant pas suffisamment compte de la puissance surnaturelle qui agit. Il y a donc lieu de se demander si les conclusions des critiques sur le développement de la prophétie en Israël ne sont pas certaines et conciliables avec l’action divine sur les prophètes.

1° La distinction entre les voyants et les prophètes au temps de Samuel, si elle était démontrée, pourrait se concilier avec l’enseignement catholique, et elle prouverait seulement la diversité des dons divins et des manifestations prophétiques. Mais elle est loin

d’être certaine, et les raisons invoquées pour prouvera la séparation complète de ces deux catégories d’hommes inspirés ont paru insuffisantes à M. Jean Réville lui-même, Le prophétisme hébreu, p. 9. On recourt à des traditions différentes, qu’on prétend discerner dans les récits actuels des livres dits de Samuel. Mais la réflexion du rédacteur, I Sam., îx, 9, montre qu’il n’y avait pas, dans les documents qu’il connaissait, de différence bien tranchée entre le rô’éh et le nâbV. D’ailleurs, Samuel, que Saül va consulter, n’ignore pas les nebi’îm, dont il annonce la rencontre au futur roi comme^signe de la vérité de la communication divine et de la voeation à la royauté. I Sam., x, 5-7. Quand David s’est réfugié auprès de Samuel à Ramatha, Je voyant préside tes scènes prophétiques des nebi’îm. I Sam., xix, 18-20, 24. Ainsi donc, dans les deux seules circonstances dans lesquelles il est question de ces nebi’îm, Samuel, le voyant, est en relations avec eux. C’est un indice certain que la distinction des deux catégories de prophètes n’est pas aussi évidente qu’on le prétend, et pour l’introduire il faut attribuer au rédacteur du livre un travail de conciliation de deux traditions dont la diversité n’est pas démontrée. M. Van Hoonacker distingue les prophètes de vocation personnelle, tels que Amos, etc., des prophètes par état et consécration volontaire. Ceux-ci ont été groupés à l’époque de Samuel et de Saûl, puis, dans le royaume du nord, autour d’Élie et d’Elisée. Du sein de ces corporations sortaient parfois de véritables « hommes de Dieu », distingués par une vocaliùn personneïïe. Mais aussi de ces prophètes par état provenaient les faux prophètes, qui se prétendaient investis d’une mission d’en haut. Les douze petits prophètes, Paris, 1908, p. 269. Cette distinction peut-être admise.

Quant à la nature des fonctions du voyant, on ne peut les réduire à celles de devin et de sorcier qu’en ne prenant dans les récits actuels que ce qui va à la théorie. Si le peuple allait consulter le voyant pour des Vtà&t&& ^revj&s, , feYs> qw’w %ijfeV à’àtiesses égarées, I Sam., ix, 8, 9, Samuel avait reçu la veille une révélation divine concernant Saül et sa vocation à la royauté, 15, 16 ; et Dieu lui en donne confirmation, quand Saül se présente, 17. I ! n’a pas besoin d’être mis au courant de l’affaire, et avant d’avoir été interrogé, il renseigne sur le sort des ânesses, 20, et il s’engage à révéler le lendemain à Saül ses pensées les plus intimes, 19. Si Saül se préoccupe du cadeau à offrir, c’est qu’il ne connaissait pas Samuel et que, sur les renseignements de son serviteur, il le prenait pour un devin ordinaire, 7. En fait, on ne raconte pas qu’il lui ait offert la pièce d’argent, dont parle le serviteur, 8. Les événements furent tout autres que ceux qu’il attendait, et le lendemain, Samuel le traita royalement, 22-24. Plus tard, devant tout le peuple réuni, Samuel déclara qu’il n’avait jamais reçu de présents dans sa judicature, et le peuple le reconnut hautement.

I Sam., xil, 3-5. Si le sort est jeté pour le choix du roi, c’est devant la face de Jéhovah, c’est-à-dire probablement auprès de l’arche. I Sam., IX, 19. On n’en peut conclure que Samuel était un vulgaire sorcier. En outre, le voyant est appelé « homme de Dieu », I Sam., IX, 6, 7, 8, 10, nom donné à d’autres prophètes, qui n’étaient pas des devins. J (III) Reg., xii, 22 ; xvii, 18 ;

II (IV) Reg., iv, 9. La prévision des signes donnés du choix divin, I Sam., x, 3-7, n’a pu avoir lieu qu’en vertu du don prophétique. Donc, le récit tout entier, le seul sur lequel s’appuie la théorie du voyant, sorcier ou devin, nous montre en Samuel, le premier voyant connu, un véritable prophète. Donc, il d’est pas prouvé que la prophétie hébraïque a tiré son origine de la divination. Et s’il y a, entre quelques formes de la prophétie primitive et la divination superstitieuse, des

nalogies extérieures, elles ne permettent pas de conclure à l’identité du fond. Elles indiquent seulement que les premières manifestations de l’esprit prophétique se produisirent sous des formes imparfaites, adaptées aux usages de ces temps reculés et aux idéesencore peu élevées du peuple juif. Pour le détourner des pratiques superstitieuses des Chananéens, Dieu daignait condescendre à la faiblesse humaine et donner aux Israélites des moyens de communiquer avec lui et de connaître ses volontés, même en des choses demoindre intérêt, par l’intermédiaire de ses prophètes, comme il l’avait promis. Deut., xviii, 9-22.

Le soi-disant délire prophétique des nebi’îm exaltés ne repose que sur quelques textes qu’on interprété dans un sens défavorable. Saül devait rencontrer unetroupe de prophètes, qui descendaient du haut-lieu, précédés d’instruments de musique et « prophétisant ». L’esprit du Seigneur devait se saisir de lui ; lui-même devait « prophétiser » et devenir un autre homme. Les faits se passèrent comme Samuel l’avait annoncé. Saûl rencontra les prophètes ; l’esprit divin s’empara de lui, et au grand étonnement des assistants, Saül « prophétisa » avec eux. I Sam., x, 5j 6, 10-13. Rien dans cerécit ne décèle des extatiques, et il n’est rien dit de la nature de l’acte prophétique accompli. L’étonnemen des assistants ne porte ni sur les qualités des nebî’im ou la singularité de leurs actes, mais seulement sur le fait que Saül se mêle à eux et est saisi lui-même par l’esprit divin. Sur la nature des actes accomplis par ces prophètes, voir t. ii, col. 1569-1570. Si, dans sa maison, Saül commet plus tard des actes de fureur et de folie, c’est qu’il était sous l’influence d’un esprit mauvais, qui s’était emparé de lui et qui n’avait rien de commun avec les actes prophétiques des nebî’inl. Une seconde fois, I Sam., xix, 18-24, il prit part aux actes des nebi’îm, ainsi que les trois troupes de soldats qu’il avait envoyées pour prendre David. Ici encore, les prophètes « prophétisaient ». L’esprit du Seigneur saisit les soldats, et ils prophétisent à leur tour. On parle de contagion communiquant le déire prophétique. Rien dan& le texte ne l’indique. Il y a seulement une action del’esprit divin, qui fait participer les soldats aux exercices des prophètes, quels que soient d’ailleurs ces exercices. Le cas de Saül est plus compliqué. En chemin et avant d’arriver à Ramatha, il est déjà sous l’action de l’esprit et il se met à « prophétiser ». S’il y a eu contagion, ça été contagion à distance. Arrivé à Ramatha, il se dépouille de ses vêtements et il prophétise avec les autres. « Et il tomba nu ce jour-là et la nuit suivante. » On voit ici la chute cataleptique de l’extase, en se référant à Balaam. Num., xxiv, 4, 16. Plusieurs commentateurs catholiques l’admettent, , quoique von Gall, Zusammentsetzung und Herkunft der Bileaviperikope, Giessen, 1900, p. 33, nie la> parité avec Balaam, et justement, semble-t-il, puisque ce devin a des visions, que n’ont pas les nebi’îm de-Saûl. Ce détail, joint à la nudité et à la longue durée de l’extase, rend le cas de Saül fort singulier et extraordinaire. Ainsi entendu, il ne peut être généralisé et appliqué à tous les nebi’îm. Il semble plutôt que c’est un cas unique, qui s’explique, dans les circonstances spéciales, par les mauvaises dispositions de Saül contre David, que Dieu voulait changer par une action plus énergique. Quoi qu’il en soit, ce sont là les seuls renseignements que nous ayons sur les nebî’îm exaltés, contemporains de Samuel. Suffisent-ils réellement à. justifier la théorie qu’on échafaude sur eux ? Aussin’est-on pas fondé à traduire mifnabbé’îm par « faisant les fous, les insensés », ou bien « étant dans le délire prophétique ». On n’a pas de raison non plus d’attribuer l’occasion de leur exaltation religieuse à l’oppression des Israélites par les Philistins. Quand ils apparaissent dans les récits bibliques, les nebi’îm n’ont "745

PROPHÉTISME

liff

.aucune relation avec cette situation politique. On ne la suppose que par comparaison avec les betiê hannebi’îm, qui entourent Elisée et qui luttent avec lui contre Achab. On conjecture qu’une cause analogue a provoqué l’élan prophétique du temps de Samuel. Tout -cela ne sort pas du champ des hypothèses, et l’existence des prophètes exaltés, véritables corybantes de Jahvé, « ’est pas prouvée.

D’autre part, nous sommes trop peu renseignés sur ^es actes des nebïim de cette époque pour nous faire une idée juste de leur nature et de leur influence religieuse. En particulier, le côté extraordinaire de leurs manifestations collectives nous échappe complètement, et c’est abuser de quelques ressemblances générales que de les assimiler entièrement aux phénomènes convulsifs d’autres mouvements analogues plus récents. On ne peut, en tout cas, leur enlever tout caractère religieux et il est légitime de penser que ces bandes organisées de dévots serviteurs de Jéhovah, courant le pays au son des instruments de musique, priant et peut-être prêchant, ont, en un temps de marasme religieux, produit une grande impression. Ils étaient une preuve manifeste de l’action de Jéhovah en Israël et ils ont pu -aboutir à relever le niveau religieux et moral de la foule. L’Esprit de Dieu, qui agit différemment suivant les époques et les milieux, a suscité un mouvement extraordinaire, capable d’exciter alors dans le peuple la piété, l’espérance en Dieu et la confiance en l’avenir »

2° Si, comme nous le pensons, la première période du prophétisme en Israël n’a pas présenté les caractères imaginés par les critiques rationalistes, la seconde période, dite de transition, perd déjà par le fait même sa caractéristique générale, car il ne peut y avoir transition d’un état qui n’a pas existé à un état futur. Élie diffère beaucoup moins de Samuel qu’on ne le prétend, et c’est un indice assuré que la série des voyants se continue sans modification essentielle, et que, s’il y a progrès, il n’est pas aussi sensible qu’on le dit. Ce qu’on appelle le « galop » d’Élie devant le char d’Achab, accompli sous l’action divine, I (III)Reg., xvin, 46, avait sans doute pour but de frapper par sa singularité l’esprit. du roi, au début de l’activité prophétique d’Élie. Si Elisée demande un harpiste avant de répondre à la consultation de.Tosaphat, II (IV) Reg., m, 15, ce n’était pas pour se préparer directement à l’inspiration prophétique qui ne dépendait pas de moyens extérieurs, mais de la seule volonté de Dieu ; c’étaitpour calmer l’irritation dont il s’était animé lui-même en parlant au roi d’Israël. Il n’y a pas à s’étonner que des soldats, ayant remarqué la fuite précipitée du fils de prophète qui était venu sacrer Jéhu, l’aient traité d’insensé. II (IV) Reg., IX, 11. Si l’épithète a le sens injurieux ou méprisant qu’on lui donne, cela viendrait du peu d’estime que ces soldats avaient pour les prophètes. On ne doit pas faire grand fond sur une injure ou une simple moquerie de caserne. Osée, IX, dit seulement que le peuple traite d’insensé le prophète dont les avertissements l’importunent et qu’à ses .autres crimes il ajoute celui de persécuter ceux que Dieu lui envoie. Dans sa lettre au prêtre Sophonie, le faux prophète Séméias ne parle, selon son sentiment, que des faux prophètes, des personnes qui feignent être saisies de l’esprit de Dieu. Jer., xxix, 26. Si l’expression est injurieuse, elle vient d’un adversaire et elle vise Jérémie, 27. Vraiment, on ne peut conclure de ces faits que y&wa ait jamais été un nom ordinairement donné aux prophètes. Cf. Laur, Die Prophetennamen des alten Testamentes, Fribourg, 1903, p. 38-40. L’acte de ce fils de prophète qui se présente devant Achab, la face voilée, n’est qu’une de ces actions symboliques que les prophètes accomplissaient pourannoncer la volonté divine d’une manière plus expressive et saisissante. Il se fait blesser pour paraître revenir du

combat. I (III) Reg., xx, 35-41. Quant aux prétendus signes de Jéhovah que les prophètes auraient portés au front et aux mains, c’est une de ces hypothèses singulières qui ne résistent pas à un examen attentif. On suppose gratuitement qu’il voile son tatouage qui, découvert, le fait reconnaître par le roi pour un prophète. C’est au symbolisme de son action que le roi reconnaît son caractère prophétique. Zacharie. parle de coups reçus par le faux prophète qu’il met en scène, et le terme qu’il emploie ne peut s’entendre d’un tatouage antérieur de ses mains. Cf. Laur, op. cit., p. 5459. Si Amos, vii, 14, déclare à Amasias qu’il n’est ni prophète ni fils de prophète, c’est qu’il est peut-être au début de sa vocation et qu’il ne fait pas partie d’une communauté de fils de prophètes. Il n’en affirme pas moins sa mission divine et il ne rejette pas un titre qu’il regarderait comme injurieux, ne voulant avoir rien de commun, pas même le nom, avec ces insensés de prophètes. Il répond à l’insinuation malveillante d’Amasias et il déclare qu’il ne fait pas profession de prophète dans un but de lucre. Cf. Laur, op. cit., p. 3941, 50-51 ; A. Van Hoonacker, Les douze petits prophètes, p. 269.

Quant aux benê han-nebYïm, on a pu les distinguer du nâbi’de Jéhovah. Voir Laur, op. cit., p. 59-63. Les premiers ne seraient pas des prophètes proprement dits (quoique leur désignation biblique semble équivaloir à celle de nebVîm), mais des hommes menant, sous la direction d’un nâbï, un genre de vie déterminé, sans être généralement doués de l’esprit prophétique. Sur leurs associations, voir ÉCOLES DE prophètes, t. ii, col. 1567-1570. Quoi qu’il en soit, ces fils de prophètes, groupés autour d’Elisée, ne présentent aucun de ces caractères excentriques et violents qu’on a voulu attribuer aux prophètes exaltés du temps de Samuel. S’ils en sont les successeurs, ils en ont continué, avec des différences conformes aux temps, les fonctions et l’esprit. Leur organisation paraît plus régulière et leur action non moins efficace. Disciples des grands prophètes, ils faisaient connaître au peuple leur doctrine et ils ont contribué à arrêter l’invasion du polythéisme en Israël. Ils étaient, dans cette œuvré, personnellement animés de l’Esprit de Dieu ; cet Esprit les inspirait, les dirigeait et favorisait leur succès : ce qui apparaît tout à fait digne de l’action directe de Dieu sur son peuple choisi.

3° Les prophètes de la troisième période ne diffèrent donc pas essentiellement de ceux des périodes antécédentes. Us continuent leur œuvre de direction et d’enseignement par des moyens nouveaux, plus parfaits en eux-mêmes peut-être ou selon notre mode d’appréciation, mieux adaptés aux besoins de leur temps et produisant, par l’écriture, des effets plus durables de leur ministère prophétique. Distinguer des formes inférieures et des formes supérieures de l’inspiration divine, c’est mesurer l’action de Dieu aux idées humaines. Il reste cependant conforme aux lois de la providence que, puisque Israël avançait progressivement dans la civilisation, qu’il était plus directement en rapport avec les grands empires polythéistes et qu’il avait besoin de mieux comprendre la religion et le culte spirituels, Dieu ait choisi de nouveaux moyens d’entrer en communication avec lui était, si l’on veut, recouru à des formes plus parfaites d’inspiration pour éclairer ses prophètes. Ce développement et ce progrès de l’esprit prophétique se comprennent très bien et se justifient logiquement. Tls diffèrent, il est vrai, de ceux que les critiques ont créés d’après leurs vues naturelles et leurs idées rationalistes.

La seule remarque à ajouter est que les prophètes du viii" siècle ne sont pas les créateurs du monothéisme. La foi monothéiste d’Israël remontait aux origines de ce peuple, constitué précisément pour en être le gar-.

dien dans l’humanité. Voir t. iii, col. 1235-1237. Les prophètes, nous l’avons dit plus haut, col. 717, ont été assurément les apôtres et les propagateurs du monothéisme ; mais ils ne l’ont pas fondé. La création du monothéisme par les prophètes du vme siècle, non seulement n’est pas démontrée, mais encore elle se heurte à des difficultés insurmontables qu’a bien fait valoir l’abbé de Broglie, Questions bibliques, 2e édit., Paris, 1904, p. 243-320. Leur rôle historique et l’influence des prophètes d’Israël, tels que nous les avons exposés précédemment, col. 717, ne sont pas pour cela amoindris. De ce qu’ils les ont remplis et exercés sous l’inspiration divine, leur gloire n’en est pas diminuée. C’est un honneur pour un homme d’avoir été l’instrument intelligent, libre et docile de l’Esprit inspirateur. L’inspiration prophétique n’est pas une action mécanique qui fait mouvoir des agents inconscients. Elle a sauvegardé, nous l’avons dit, avec la doctrine catholique, la conscience, l’intelligence et la liberté des prophètes. Tout en maintenant leur inspiration surnaturelle, nous pouvons les saluer comme les plus grands hommes d’Israël et les plus dignes représentants de Dieu dans l’histoire du peuple choisi. La grandeur de l’œuvre qu’ils ont accomplie est la marque la plus certaine que Dieu a parlé par leur bouche. E. Mangenot.

    1. PROPITIATOIRE##

PROPITIATOIRE (hébreu : kappôrét ; Septante : Uaurripiov, èîtiŒna, ou seulement UaaT-^ptov ; Vulgate : propitiatorium), plaque d’or qui couvrait l’Arche d’alliance et portait les deux chérubins. Voir Arche d’alliance, t. i, col. 913-919.

1° Description, — Le propitiatoire était une plaque d’or pur, longue de deux coudées et demie (l m 31) et large d’une coudée et demie (0 m 78). Aux deux extrémités étaient placés les chérubins d’or battu, qui faisaient corps avec le propitiatoire. Les chérubins se faisaient face, et leurs ailes déployées vers le haut couvraient le propitiatoire, en laisant vide l’espace du milieu. Le propitiatoire était posé au-dessus de l’Arche. Exod., xxv, 17-21 ; xxvi, 34 ; xxx, 6 ; xxxi, 7 ; xxxv, 12 ; xxxvii, 6-9 ; xxxix, 35 ; xl, 20.

2° Destination. — 1. Le propitiatoire servait 10ut d’abord à couvrir l’Arche. Celle-ci, étant un coffre ouvrant par le haut et contenant différents objets, avait naturellement besoin d’un couvercle. Exod., xxv, 21.

— 2. Le propitiatoire était de plus l’endroit où le Seigneur communiquait avec Moïse. « Là je me rencontrerai avec toi et je te communiquerai, de dessus le propitiatoire, du milieu des deux chérubins, tous les ordres que je te donnerai pour les enfants d’Israël. » Exod., xxv, 22. « Lorsque Moïse entrait dans le Tabernacle de l’alliance pour parler avec Jéhovah, il entendait la voix qui lui parlait de dessus le propitiatoire placé sur l’Arche du témoignage, entre les deux chérubins, et il lui parlait. » Nnm., vii, 89. C’était là comme le trône de Dieu, l’endroit où il manifestait sa présence et rendait ses oracles. C’est cette présence ainsi manifestée que plus tard les Juifs ont appelée sekînâh, « habitation ». Voir Gloire de Dieu, t. iii, col. 252 ; Oracle, t. iv, col. 1846. On comprend dès lors pourquoi ce dessus du propitiatoire restait vide, pour servir de résidence au Dieu invisible et dont toute représentation était interdite. Les arches égyptiennes, au contraire, portaient toujours une image quelconque de divinité. Voir t. i, fig. 241, 242, 245, col. 913, 915, 918. - 3. Le jour de la fête de l’Expiation, le grand-prêtre pénétrait dans le Saint des saints ; là, prenant avec son doigt du sang du taureau immolé, il aspergeait la face orientale du propitiatoire et faisait sept autres aspersions devant le propitiatoire. Il recommençait ensuite le même rite avec le sang du bouc immolé. Lev., xvi, 14-15. Ces aspersions avaient pour but de présenter à Jéhovah le sang des victimes égorgées pour se le rendre propice.

3° Signification. — 1. Le mot kappôrét vient, d’après quelques anciens auteurs juifs et quelques modernes, de kâfar, « couvrir » ; il désignerait donc le propitiatoire uniquement comme im§ïj.a, « couvercle » de l’Arche. Il est peu probable que les Hébreux aient attaché un sens aussi restreint au mot kappôrét, qui n’est d’ailleurs employé qu’à propos de l’Arche. L’idée de « couvrir » était tout à fait secondaire dans un objet qui portait les deux chérubins et servait de trône à la majesté divine. Puis, aurait-on appelé le Saint des saints bel hak-kappôréf, « maison du couvercle » ? I Par., xxviii, 11. — 2. Les anciennes versions ont fait dériver le mot du piel kippér, qui veut dire « pardonner » et « expier ». Cf. Deut., xxi, 8 ; Ps. lxv, 4 ; Jer., xviii, 23 ; Exod., xxx, 15 ; Lev., i, 4, etc. L’assyrien kuppuru ou kapdru a aussi le sens de « purifier, essuyer ». Les takpirdli sont des purifications que VûHpu applique à des personnes ou à des objets divers. Cf. Fr. Martin, Textes religieux assyriens et babyloniens, Paris, 1903, p. xxii-xxiii ; Zimmern, Die Keilinsckr. und dàs A. T., Berlin, 1903, p. 601. L’arabe kaffdrah, dans le Coran, désigne une « expiation » ou un « moyen d’expiation ». Cf. Hughes, Dicl. of Islam, Londres, 1896, p. 259. Le sens de kappôrét comporte donc certainement l’idée d’expiation. Les Septante le rendent par î).a<7T^piov, du verbe llà<r » t.oi.ixi, « expier, rendre propice. » Dans l’Épître aux Hébreux, ix, 5, le même mot désigne le kappôrét. La Vulgate l’appelle propitiatorium, l’endroit de la propitiation. Le sens du mot est donc surtout emprunté au rite de la fête de l’Expiation. C’est invisiblement présent sur le kappore’f que Dieu recevait les marques authentiques du repentir d’Israël, c’est là qu’il accordait au peuple son pardon. Là aussi Dieu communiquait ses volontés à Moïse. Mais ces communications divines se firent après Moïse par l’Urim et le Thummin et le texte de I Reg., Xiv, 18, à supposer qu’il n’ait pas été altéré, n’indique nullement que L’Arche ait servi pour faire connaître au grand-prêtre Achias la volonté divine. Tous les ans, au contraire, le grand-prêtre pénétrait dans le Saint des saints pour y implorer le pardon divin. Il était donc naturel que l’historien sacré parlât de la « maison de la propitiation », bêt hak-kappôrét. I Par., xxviii, 11. Le propitiatoire d’or était en réalité le siège de la royauté de Jéhovah sur Israël ; c’est de là qu’il commandait, c’est là qu’il pardonnait. Au lieu d’être comme un accessoire destiné à couvrir l’Arche, le propitiatoire constituait au contraire la pièce principale, dont l’Arche était comme la base. Aussi les écrivains sacrés aiment-ils à appeler Jéhovah « celui qui siège entre les chérubins ». I Reg., iv, 4 ; Il Reg., vi, 2 ; IV Reg., xix, 15 ; I Par., xiii, 6 : Ps. lxxx (lxxix), 2 ; xctx (xcxvin), 1 ; Is., xxxvii, 16 ; Dan., iii, 55. Cf. Bkhr, Symbolik des tnosaischen Cultus, Heidelberg, 1837° t. i, p. 379382, 387-395. — 3. Saint Paul dit que Jésus-Christ a été montré « comme Uaa-nîpiov, propitiatio, dans son sang parla foi. » Rom., iii, 25. Le mot D.ajTÎiptov a été retrouvé dans un certain nombre d’inscriptions ; il y désigne un « moyen » ou un « objet d’expiation » ou de « propitiation ». C’est bien le sens de l’hébreu kapporêt. Quant à Notre-Seigneur, il est présenté par saint Paul comme « moyen » ou « instrument d’expiation » ; il expie « dans son sang >> et on s’applique cette expiation « par la foi. » Cf. F. Prat, La théologie de saint Paul, Paris, 1908, p. 282, 287-289.

    1. PROPOSITION##

PROPOSITION (PAINS DE). Voir Pains de proposition, ii, 2°, t. iv, col. 1957.

    1. PROPRIÉTÉ##

PROPRIÉTÉ, droit en vertu duquel une chose appartient en propre à quelqu’un.

I. À l’époque patriarcale. — 1° Dans le principe, Dieu avait placé l’homme sur la terre en lui disant, à

lut et à tous ses descendants : kibsuhd, xaTaxvpie-jrxaxs <vjt7|ç, subjicite eam, « soyez-en les maîtres. » Gen., i, 28. L’homme était ainsi constitué le propriétaire de la terre, c’est-à-dire de tout ce qu’il pouvait en atteindre par l’exercice de son activité. Les animaux furent également mis à sa disposition. Gen., i, 28 ; ix, 2, 3. Celte propriété devait-elle rester indivise ou se partager ? Dieu ne l’indiqua point. Il laissa à l’homme la liberté de disposer de sa propriété comme il le jugerait bon. De fait, ceux d’entre les hommes qui menèrent la vie nomade exercèrent leur droit de propriété sur le sol en l’occupant transitai rement et en exploitant ses produits spontanés pour leur usage et celui de leurs troupeaux. Mais déjà les pasteurs nomades possédaient une propriété personnelle, celle de leur troupeau. Abel offrait à Dieu les premiers-nés de « son troupeau », c’est-à-dire les prémices d’un bien qui était à lai. Gen., iv, 4. D’autres s'établirent à demeure fixe sur une partie du sol. Un fils de Caïn, Hénoch, bâtit une ville. Gen., iv, 17. Le terrain occupé et les demeures élevées sur son emplacement devenaient, de droit naturel, la propriété des bâtisseurs. De plus, pour subsister, il leur fallait aussi posséder des terres environnantes, soit pour les cultiver, Gen., IV, 12, soit pour y élever des troupeaux. La propriété se trouva ainsi constituée naturellement sous diverses formes, engendrées par des manifestations différentes de l’activité humaine.

2° En arrivant dans le pays de Chanaan, Abraham amenait avec lui les biens qu’il possédait. Ces biens consistaient surtout en troupeaux. Les Chananéens et les Phérézéens étaient alors établis dans le pays. Gen., xili, 7, Abraham et Lot n’en faisaient pas moins paître leurs troupeaux ici et là sans être inquiétés. Ayant constaté qu’ils ne pouvaient rester ensemble, Lot s’en alla dans la plaine du Jourdain tandis qu’Abraham demeurait en Chanaan. Il existait donc alors des espaces considérables, sur lesquels les habitants du pays ne songeaient à revendiquer aucun droit de prepriété, ou dont, tout au moins, ils laissaient le libre usage aux nomades. Dieu toutefois se réservait le droit de disposer de la propriété du sol, puisqu’il dit à Abraham : « Tout le pays que tu vois, je le donnerai â toi et à tes descendants pour toujours. » Gen., xiii, 15. Sur ce sol occupé d’une manière générale par des peuples sédentaires, il y avait des propriétés particulières. À Hébron, Éphron, fils de Séor, possédait un champ, et, au bout de ce champ, la caverne de Macpélah. Abraham désirait cette caverne pour y inhumer Sara et en faire un lieu de sépulture à lui. Il fit marché avec Éphron et, pour quatre cents sicles d’argent, il acquit en toute propriété le champ et la caverne, avec les arbres qui se trouvaient dans le champ et tout autour. Gen., xxiii, 16-18. Dans les pays inoccupés, les nomades creusaient des puits pour les besoins de leurs troupeaux, et, bien que disputés par les populations sédentaires du voisinage, ces puits demeuraient leur propriété. Gen., xxvi, 15, 18-22, 32. À Gérare, en pays philistin, lsaac put même faire des semailles et récolter abondamment. Gen., xxvi, 12. Les fils de Jacob allaient paître leurs troupeaux jusqu'à Sichem et Dothaïn, pendant que leur père résidait à Hébron, où Abraham avait acquis une propriété. Gen., xxxvii, 1, 14, 17. En somme, au point de vue de la constitution de la propriété, le pays de Chanaan apparaît déjà à peu près tel que les Hébreux le trouveront au moment de la conquête. La population forme des agglomérations qui possèdent les villes et les bourgs épars à travers le pays. Les membres de ces agglomérations comptent parmi eux des hommes qui sont propriétaires de champs situés dans les alentours. Puis, entre ces agglomérations, qui ont le haut domaine sur les habitations et la campagne environnante, s'étendent des espaces plus ou moins vastes, stériles ou inoccupés, sur lesquels les nomades. peuvent s'éta blir transitoirement, mais toujours à leurs risques et périls, comme le montre l’histoire de Lot, Gen., xiv, 12-16, et celle d’Isaac. Gen., xxvi, 16, 17, 20.

II. Chez les Babyloniens. — 1° Le roi possédait de vastes domaines, à la tête desquels il plaçait des administrateurs. On trouve mentionnés les ministres du blé, les chefs des vignes, les chefs des troupeaux de bœufs, etc. Cf. Rawlinson, Cun. Inscr. W. As., t. ii, pi. 31, col. ii, 2 ; iii, 22 ; vi, 4. Aux temples des dieux étaient attribués des territoires, des troupeaux, des biens de toute nature, qui allaient sans cesse en s’accumulant et que se chargeaient d’amoindrir de temps à autre des voisins pillards ou des rois à court de ressources. En principe, la terre était le domaine imprescriptible des dieux ; il convenait donc que les détenteurs particuliers tinssent' compte de ce droit. Cf. Maspero, Histoire ancienne, t. i, p. 676-678. Le roi accordait à ses officiers. des apanages comprenant maison, champ et jardin. Ces domaines restaient inaliénables et la vente en était frappée de nullité. Le concessionnaire ne pouvait les transmettre â sa femme ni à sa fille, qui n’avaient droit qu’aux biens propres de l'époux et du père. Celui-ci devait pourtant pouvoir transmettre à son fils les biens reçus du roi, à moins qu’ils ne fissent relour au donateur, ce sur quoi les textes ne s’expliquent pas. Cf. Seheil, Textes élamites-sémitiques, Code de Rammurabi, art. 35-41, p. 137. Les articles suivants, 42-65, p. 138-140, se rapportent à la gestion des propriétés particulières. Les contrats chaldéens démontrent que, dans la classe moyenne, chaque famille avait sa propriété qu’elle s’efforçait de conserver. La maison était léguée à la veuve ou au fils aine, à moins qu’elle restât indivise. Les terres, fermes, jardins et autres biens se partageaient entre les frères ou les descendants naturels. Au temple, à la porte du dieu, un arbitre présidait à la répartition, et quand celle-ci était acceptée, il n’y avait plus à y revenir. Ces partages amoindrissaient graduellement les fortunes ; au bout de quelques générations, l’avoir des héritiers devenait trop médiocre pour les faire vivre, et ceux-ci servaient de proie à des usuriers, s’ils ne parvenaient à relever leur situation. Cf. Maspero, Histoire ancienne, t. i, p. 748-749. Les terres étaient limitées par des bornes. Voir Borne, t. i, col. 1854.

2° En Mésopotamie, Bathuel, père de Hébecca, était riche et possédait de grands troupeaux. Gen., xxiv, 25, 32. Laban, frère de Rébecca, élevait au même endroit de nombreux troupeaux, dont Jacob prit la garde pendant vingt ans. Gen., xxxi, 38. Mais Laban ne vivait pas en nomade ; il avait une maison, Gen., xxxix, 13, probablement avec des terres alentour, ce qui n’empêchait pas de conduire les troupeaux jusqu'à trois jours de marche, Gen., xxx, 36, dans des endroits dont l’usage restait libre à tous.

3° Quelques siècles plus tard, les Israélites furent transportés dans ce même pays. Pendant que leurs terres de Palestine étaient attribuées à des colons étrangers, eux-mêmes occupèrent celles qu’on leur assigna en pays chaldéen. II fieg., xvii, 6, -24. La propriété ne leur fut ni interdite, ni inaccessible. Voir Captivité, t. ii, col. 234, 235, 239. Aussi Jérémie, xxix, 4, pouvait-il dire aux exilés : « Bâtissez des maisons et habitez-les, plantez des jardins et mangez-en les fruits. »

III. Chez les Égyptiens. — 1° En Egypte, comme en Babylonie, une grande partie du territoire était la propriété des temples. Diodore de Sicile, i, 21, 73, dit que le tiers du pays appartenait aux prêtres. Son affirmation a été reconnue conforme â la réalité. Le roi et les seigneurs se chargeaient d’arrêter l’extension de ces biens en mettant la main de temps en temps sur les revenus des dieux. Il était de principe que, mise à part la propriété des dieux, le sol entier appartenait < ?51

PROPRIÉTÉ

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au pharaon. Mais celui-ci avait à faire de nombreuses largesses à ses favoris et aux seigneurs héréditaires. Son domaine immédiat ne s’étendait pratiquement que sur la moitié du pays ; ce domaine se rétrécissait quand les concessions devenaient trop nombreuses, et il se reconstituait quand de grands fiefs lui faisaient retour par confiscation ou par quelque autre voie. Le pharaon exploitait directement une petite partie de ce domaine au moyen de ses esclaves royaux ; le reste était confié àdes fonctionnaires qui payaient une redevance annuelle. Les seigneurs n’avaient droit qu’à l’usufruit de leurs fiefs, dont la propriété appartenait an pharaon. Cela ne les empêchait pas de s’y comporter en maîtres absolus et de les administrer pour leur compte personnel, soit directement, soit par des fermiers. Quelques

181. — Borne égyptienne.

D’après Mariette, Monuments divers, pi. 47 a.

cultivateurs libres réussissaient à acheter des domaines sur les territoires concédés par le pharaon, et dont, par fiction légale, celui-ci restait toujours propriétaire. Ces cultivateurs pouvaient d’ailleurs, sans nulle opposition, non seulement faire valoir leur domaine, mais encore Je liguer, le donner, le vendre ou en acheter de nouveaux. Ils payaient pour cela une taxe personnelle et l’impôt foncier. Les modifications apportées fréquemment à la configuration du terrain par les inondations du Nil obligeaient à reviser continuellement le cadastre et à limiter exactement chaque propriété par une ligne de stèles (fig. 18t), portant souvent le nom dn propriétaire actuel avec la date du dernier bornage. Cf. Maspero, Histoire ancienne, t. r, p. 283, 296, 303, 328. La constitution de la propriété en Egypte tenait à la nature même du sol producteur. « Ici tout vient du Nil, et les terres avec leurs riches productions, pour nous servir d’une expression d’Hérodote, ii, 5, sont un véritable

présent du fleuve. Toutefois, pour répandre ses bienfaits sur l’Egypte, le Nil avait besoin d’une main puissante qui lui creusât des canaux et qui pût diriger ses eaux fécondantes ; la distribution des eaux du fleuve exigeait le concours de la puissance publique et de l’autorité souveraine ; il fallait que le pouvoir des gouvernements intervînt, et la nécessité de cette intervention dut changer en quelque sorte et modifier les droits de la propriété foncière. » Michaud, Correspondance d’Orient, Paris, t. viii, 1835, p. 64.’2° Joseph connaissait bien la situation, quand il profita de la famine pour reconstituer le domaine royal. Il commença par vendre du blé aux Égyptiens, Gen., xli, 56, puis, après leur argent, il reçut en paiement leurs troupeaux. Gen., xlvii, 13-17. La famine se prolongeant, les Égyptiens eux-mêmes offrirent leurs terres et se firent serfs du pharaon, afin d’obtenir du blé pour se nourrir et ensemencer. Tout le pays devint ainsi la propriété du pharaon, à l’exception des terres des prêtres, c’est-à-dire des temples, qui étaient inaliénables. Les Égyptiens continuèrent naturellement à occuper et à cultiver leurs champs, quoique passés dans le domaine royal ; mais Joseph leur imposa une redevance d’un cinquième sur leurs récoltes. Gen., xlvii, 18-26. Ordinairement, l’impôt montait à un dixième. Cf. Revue des deux mondes, 15 février 1875, p. 815 ; Maspero, Histoire ancienne, t. i, p. 330, 331. La mesure imposée par Joseph équivalait à une élévation d’impôt, justifiée par les circonstances. Cependant, grâce à lui, le pharaon était devenu le seul propriétaire du pays, mis à part les dieux dont les propriétés foncières durent être respectées. L’auteur de la Genèse, xlvii, 26, dit que la loi imposée par Joseph était encore en vigueur de son temps. Hérodote, ii, 108, 109, attribue à Sésostris le creusement des canaux égyptiens et le partage des terres entre tous les habitants, moyennant le paiement d’une certaine redevance sur le revenu. On sait que le nom de Sésostris, Sésoustouri, est un sobriquet désignant Ramsès II, et que la légende attribuait à ce prince bien des travaux et des exploits qui remontaient à ses prédécesseurs. Toujours est-il que, pour faire le partage des terres, il fallait que Ramsès II ou un pharaon plus ancien les eût en sa possession, ce qui confirme le récit de la Bible sur l’administration de Joseph. Ce partage n’empêcha pas Ramsès III de se donner comme le propriétaire du sol de l’Egypte. Cf. Grand Papyrus Harris. Plus tard, d’après Diodore de Sicile, i, 73, le territoire était divisé en trois parts, celle des prêtres, celle du pharaon et celle des soldats. Cf. Hérodote, ii, 168. En somme, dans les anciens temps comme aujourd’hui, il importait peu à l’Égyptien d’être propriétaire ou locataire du sol. Toute la question se résumait pour lui à pouvoir le cultiver, à sauvegarder sa récolte contre les déprédations et à en abandonner le moins possible aux collecteurs d’impôts. Cf. Vigoureux, La Bible et les découvertes modernes, 6e édit., t. ii, p. 165-189.

IV. Chez les Israélites. — 1° La législation mosaïque commence par consacrer le principe même de la propriété, en rappelant le droit naturel qui défend de dérober, et en interdisant même de convoiter la maison, les animaux du prochain, ni rien de ce qui lui appartient. Exod., xx, 15, 17. Cette convoitise est prohibée en tant qu’elle prend le caractère d’un acheminement à l’appropriation illégitime du bien du prochain. La loi protège la propriété dans les différentes circonstances où elle peut être menacée. Voir Borkes, 1. 1, col. 1854> Dette, t. ii, col. 1393 ; Dommage, t. ii, col. 1482 ; Objets trouvés, t. iv, col. 1723 ; Vol.

2° Le Seigneur, en vertu de son droit souverain, Lev., xxv, 23, donne à son peuple le pays des Chananéens, pour qu’il en occupe les villes et les maisons. Deut., xix, 1. Il en prescrit le partage suivant certaines

règles. À chaque tribu, à chaque famille est attribué un lot inaliénable. Ce lot devait primitivement se tirer au « ort et être proportionné au nombre des membres de la famille. Num., xxxiii, 51. Des précautions étaient prises pour que ce lot ne sortit ni de la tribu, ni de la famille, voir Goël, t. iii, col. 260 ; Héritage, t. iii, col. 610, et pour qu’en cas d’aliénation il revint à la famille au moins à l’année jubilaire. Voir Jubilaire (Année), t. iii, col. 1752. Cette disposition s’appliquait même au champ voué à Jéhovah et faisant partie d’un patrimoine. Lev., xxvii, 22-25. Aux lévites étaient attribuées des villes spéciales et des pâturages autour de ces villes. Num., xxxv, 2-5. Il est à croire qu’il en était de même dans les autres villes, autour desquelles la campagne, sur une étendue variable, était réservée aux habitants soit pour le labour, soit pour le pacage. Ce terrain était probablement morcelé à proximité de la ville ou du village ; il restait, à une certaine distance, propriété indivise. Le sol se trouvait ainsi loti à peu près comme du temps des Chananéens : autour des villes et des villages, des terrains attribués à chaque famille comme jardins ou champs destinés à la culture ; au delà, un territoire plus ou moins étendu servant en commun au pâturage ; enfin, entre ces territoires appartenant aux villes ou aux villages, des espaces libres, incultes ou improductifs, que personne ne revendiquait. L’existence d’un territoire indivis ou communal autour des villages paraît supposée par quelques textes. Michée, H, 5, dit au faux prophète : « Tu n’auras personne qui étende chez toi le cordeau sur une part d’héritage dans l’assemblée de Jéhovah. » Jérémie, xxxvii, 11, sort de Jérusalem pour aller au pays de Benjamin, afin de retirer sa portion au milieu du peuple. Peut-être s’agit-il dans les deux cas d’un terrain communal, qu’on divisait en portions tirées au sort chaque année par les familles du village. À cet usage se rapporterait l’allusion faite par le Psalmîste :

Jéhovah est la part de mon héritage et de ma coupe ; C’est toi qui m’assures mon lot,

Le cordeau a mesuré pour moi une portion délicieuse, Oui, un splendide héritage m’est échu.

Ps. xvi (xv), 5-6. Cf. Buhl, La société Israélite d’après l’A. T., trad. de Cintré, Paris, 1904, p. 94-95. En tous cas, la propriété devenait collective, au moins quant à l’usage, durant l’année sabbatique. Exod., xxiii, 11 ; Lev., xxv, 6, 7. À la même idée de propriété commune se rattachaient les droits de glanage, Lev., xix, 9 ; xxiii, 22, Deut., xxiv, 19, de grapillage, Lev., xix, 10 ; Deut., xxiv, 21, et celui d’entrer dans un champ ou dans une vigne pour y manger sur place des raisins ou des épis. Deut., xxiii, 24-25.

3° La propriété privée n’en était pas moins solidement constituée. Elle pouvait comprendre d’autres possessions que celles qui constituaient le domaine patrimonial. Lev., xxvii, 16-21. Ainsi Caleb se fit attribuer la propriété de la montagne d’Hébron, à condition d’en chasser les Énacim. Jos., xiv, 11-14. Après avoir donné à sa fille Axa un domaine peu arrosé, il lui en accorda un autre qui possédait des sources d’eau.- Jud., 1, 14, 15. Par la culture de leurs terres, l’élevage de leurs troupeaux et l’extension de leurs domaines sur des territoires inoccupés, certains Israélites devinrent très riches, tels Nabal, I Reg., xxv, 2 ; Berzellaï, IIReg., xix, 32, etc. Les rois eurent naturellement des propriétés fort étendues. II Reg., IX, 7. David possédait des champs, des vignes, des vergers, des troupeaux de toutes sortes en déférents endroits du pays, avec des préposés chargés défaire valoir tous ces biens. I Par., xxvii, 25-31. Salomon faisait administrer les siens par douze intendants, assez semblables aux fonctionnaires du pharaon. Chacun d’eux pourvoyait pendant un mois à l’entretien du roi et de sa maison. III Reg., iv, 7. Josaphat possédait de

grands biens dans les différentes villes de Juda. II Par., xvil, 13. D’autres, comme Achab, ne craignaient pas de recourir au crime pour agrandir leur domaine. III Reg., xxi, 15, 16. Les gros propriétaires israélites sont désignés sous le nom de gibbôrê harhayîl, les « grands en force », 7tïv 8uva-ôv iayyï, potentes et divites. IV Reg., xv, 20. Pour acquitter les mille talents d’argent (8500000 fr.) versés au roi d’Assyrie, Manahem imposa de cinquante sicles d’argent (141 fr. 50) les propriétaires du royaume. IV Reg., 19, 20. Il en fallut donc 60000 pour fournir la contribution. Pour qu’un si grand nombre de propriétaires notables existât en Israël, la propriété foncière devait être assez morcelée. En Juda, il y avait une tendance abusive à étendre les propriétés. Isaïe, v, 8, le constate en ces termes :

Malheur à ceux qui ajoutent maison à maison,

Qui joignent champ à champ,

Jusqu’à ce qu’il n’y ait plus d’espace,

Et qu’ils habitent seuls au milieu du pays.

Cf. Mich., ii, 2. Cet accaparement ne pouvait guère se produire qu’au mépris de la loi sur Finaliénabilité des héritages familiaux. Il avait pour effet de détruire cette égalité que la loi avait établie, de créer de grandes propriétés foncières et, par là même, de réduire à l’indigence et d’éliminer peu à peu les petites gens, ceux qui font la force d’une nation, Aussi le prophète ajoutait-il que ces grandes et nombreuses maisons, ainsi passées aux mains de quelques propriétaires, n’auraient bientôt plus d’habitants. Is.. v, 9.

4° L’Israélite tenait pourtant avec une singulière énergie à son domaine familial. On aimait à habiter en sécurité « sous sa vigne et sous son figuier », III Reg., IV, 25, c’est-à-dire dans sa propre maison et sous les ombrages de son propre jardin. Michée, iv, 4, promettait la même chose pour l’époque de la restauration spirituelle. Le vieux Berzellaï, invité par David à le suivre à Jérusalem, préférait s’en retourner dans sa ville pour y mourir près du sépulcre de son père et de sa mère. II Reg., xix, 37. Quand Achab offrit à Naboth d’acheter sa vigne ou de lui en donner une meilleure, celui-ci lui répondit sans hésiter : « Que Jéhovah me garde de donner l’héritage de mes pères ! » III Reg., xxi, 3. Le châtiment annoncé par Élie à Achab et à Jézabel, après le meurtre de Naboth, se rapportait à deux crimes : « N’as-tu pas tué et pris un héritage ? » III Reg., xxi, 19. Le verbe hébreu yâra’s signifie « prendre un bien héréditaire », Septante : ÈxXripavô(i.r, ! Ja ; , « tu as hérité, » tu as pris un bien d’héritage. Sous les patriarches, l’héritage pouvait passer à un esclave, quand le maître demeurait sans postérité. Gen., xv, 2, 3. Plus tard, l’esclave intelligent arrivait à recevoir une part dans l’héritage. Prov., xvii, 2. Mais le cas ne devait pas se produire assez fréquemment pour modifier sensiblement l’assiette de la propriété. L’Israélite pouvait pourtant vouer à Jéhovah sa maison ou son champ, lesquels devenaient propriétés des prêtres, si on ne les rachetait pas. Lev., xxvii, 14-21. Sur la vente des maisons, voir Maison, t. iv, col. 590.

5° Dans sa description idéale de la nouvelle Terre Sainte, Ézéchiel fournit de curieux renseignements, en s’inspirant de l’état de choses antérieur, pour le consacrer ou pour le corriger. Tout d’abord, le pays est partagé et tiré au sort. Le prophète prévoit trois grandes parts. La première part est pour Jéhovah ; son sanctuaire y est élevé, et le reste du territoire est occupé par les lévites. Une seconde part est attribuée à la maison d’Israël et une troisième au prince. Mais ce dernier devra se contenter de son lot et ne pins empiéter sur celui du peuple. « Ce sera son domaine, sa possession en Israël, et mes princes n’opprimeront plus mon peuple et ils laisseront le pays à la maison d’Israël. » Ezech., xlv, 1-8. À meilleur droit que les dieux

d’Egypte, Jéhovah étail considéré comme le souverain propriétaire du sol. Ps. xxiv(xxm), 1, 2. Israël rendait hommage à son droit en payant les redevances exigées, dîmes, prémices, etc. Le prince pouvait faire des dons, à condition de les prendre sur son propre domaine » sans expulser personne de sa propriété, et avec cette clause que le don revenait au domaine royal à l’année jubiliaire si d’autres que les fils du roi en avaient bénéficié. Ezech., xlvi, 16-18. Nul du peuple ne courait donc le péril d'être dépouillé de son bien, comme l’avait été Naboth. Chaque tribu doit avoir une part égale de territoire, et ce territoire forme une bande allant de la mer à la vallée du Jourdain. Dans chaque tribu, une portion est attribuée non seulement à l’Israélite, mais aussi au gêr, à l'étranger qui vit au milieu d’Israël en respectant ses lois. Ezech., XL vii, 13, 14, 21, 23. La capitale est comme une réduction de tout le pays. Il y a là encore la part des lévites, là part du prince et celle des habitants, pris d’ailleurs dans toutes les tribus. La ville n’est pas isolée ; elle a une banlieue composée de champs et de pâturages. Les artisans s’y livrent à la culture et pourvoient ainsi à la subsistance de ceux qui remplissent des fonctions dans la ville. Ezech., xlviii, 8-22. On le voit, c’est pour le fond l’organisation antérieure, "mais idéalisée et visant à une égalité sociale qui n’a pas été réalisée.

6° Au retour de la captivité, les Israélites trouvèrent les anciennes propriétés occupées ou à l’abandon. Assez peu nombreux eux-mêmes, victimes de calamités et de vexations multiples, ils eurent peine à vivre de leurs biens et beaucoup des moins aisés en furent réduits à engager leur avoir et à vendre leurs enfants comme esclaves. II Esd., v, 1-13. Néhémie parvint à relever momentanément la situation. La prospérité matérielle ne paraît guère avoir repris que sous la domination des Ptolémées.

V. À l'époque évangéliql’e. — 1° Du temps de NotreSeigneur, la propriété ne reposait plus sur les mêmes bases qu’aux époques antérieures à la captivité. Les tribus étaient plus ou moins confondues et seules les généalogies en gardaient fidèlement le souvenir. De plus, beaucoup d'étrangers s'étaient établis en Palestine et y possédaient. Aussi, quand il fait quelque allusion à la propriété, le Sauveur ne s’en occupe-t-il qu’au point de vue moral ou ne la constate-t-il que comme un fait. Il parle du petit propriélaire, qui sème dans son champ, Matth., xiii, 4, 21, 31, et du grand propriétaire, qui a de nombreux esclaves, Matth., xviii, 23 ; Luc, xii, 37 ; xvii, 7, qui possède de riches exploitations agricoles, Matth., xx, t ; xxi, 33 ; Luc, xvi, 1, qui amasse d’abondantes récoltes, Luc, xii, 17, et fait valoir sa fortune. Matth., xxv, 14 ; Luc, xix, 13. Il mentionne, sans apprécier sa conduite, celui qui réalise tout son avoir pour acheter un champ dans lequel il sait qu’un trésor est caché. Matth., xiii, 44. Le père du prodigue, Luc, xv, 12, et Joseph d’Arimathie sont des riches. Matth., xxvii, 57. Le mauvais riche est condamné, non pour sa richesse, mais pour le mauvais usage qu’il en a fait. Luc, xvi, 19. Le Sauveur rappelle le commandement qui protège la propriété légitime contre le vol, Matth., xix, 18, mais il se met fort au-dessus de toute question d’intérêt temporel. Lui-même n’a pas la propriété d’un gîte, Matth., viii, 20 ; Luc, ix, 58 ; il refuse de s’occuper d’une question d’héritage, Luc, xii, 14, et présente les richesses comme un obstable à l’entrée dans le royaume de Dieu. Matth., xiii, 22 ; xix, 23. A tous, il ordonne de chercher avant tout le royaume de Dieu et sa justice, Matth., vi, 23 ; Luc, xii, 31, et à ceux qui veulent devenir parfaits, il conseille de renoncer à toute propriété, Matth., xix, 21. En somme, NotreSeigneur laissa en l'état la question de la propriété. Il suppose formellement sa légitimité, mais il abandonne à la liberté humaine le soin de la répartir et de

l’utiliser. Il demande seulement aux plus aisés de s’intéresser à leurs frères pauvres, et à tous ses disciples de faire passer en première ligne les biens spirituels.

2° Après la Pentecôte, les chrétiens de Jérusalem établirent entre eux la communauté des biens. « Tous ceux qui croyaient vivaient ensemble, et ils avaient tout en commun. Ils vendaient leurs terres et leurs biens, et ils en partageaient le prix entre tous, selon les besoins de chacun. » Acl., ii, 44, 45. Trois mille Juifs environ s'étaient convertis à la parole de saint Pierre. Act., ii, 41. Parmi eux se trouvaient bon nombre de pauvres, de Juifs arrivés de l'étranger et de prosélytes sans grandes ressources. D’autre part, ceux qui demeuraient attachés au judaïsme se montraient fort peu sympathiques à ceux de leur famille qui embrassaient la foi nouvelle. Il était donc convenable que, parmi les convertis, les plus riches vinssent en aide aux moins fortunés. Leurs revenus ne suffisant pas à cette œuvre, ils vendaient leurs terres et leurs biens pour en utiliser le prix. Rien ne s’opposait à la vente et à l’achat des terrains. Naguère le sanhédrin avait acheté auprès de Jérusalem le champ d’un potier, avec les trente deniers de Judas. Matlh., xxvii, 7 ; cf. xiii, 44. En vendant ainsi leurs biens fonciers, les plus riches faisaient grand acte de charité ; en même temps, ils se dégageaient de toute attache terrestre et se rendaient libres pour le service de l’apostolat, comme il arriva pour Barnabe. Act., iv, 37, Quand la chrétienté de Jérusalem se fut encore accrue, elle continua sa vie de communauté fraternelle. « Nul n’appelait sien ce qu’il possédait, mais tout était commun entre eux… Il n’y avait parmi eux aucun indigent ; tous ceux qui possédaient des terres et des maisons les vendaient et en apportaient le prix aux pieds des Apôtres ; on le distribuait ensuite à chacun, selon ses besoins. » Act., w, 32, 34, 35. Les choses se passaient ainsi sous la seule action de la grâce divine ; on ne voit nulle part que les chefs de l'Église naissante aient imposé un renoncement si désintéressé. L’Esprit du Seigneur portait les fidèles à mettre en pratique ce que le Sauveur avait présenté comme un conseil de perfection, Matth., xix, 21, et nullement comme une condition nécessaire à la vie chrétienne. L'épisode d’Ananie etSaphire le prouve surabondamment. Ces deux chrétiens avaient vendu une propriété pour en apporter le prix aux Apôtres, en se réservant cependant une partie du produit de la vente. Saint Pierre leur reprocha de mentir au Saint-Esprit en retenant quelque chose du prix de leur champ et il dit à Ananie : c< Ne pouvais-tu pas, sans le vendre, en rester possesseur ? Et après l’avoir vendu, n'étais-tu pas maître de l’argent ? i> Act., v, 4. Il suit de là que les nouveaux fidèles n'étaient obligés ni de vendre leurs propriétés, ni d’en donner le prix à la communauté. La faute d’Ananie et de Saphire consista donc surtout dans une dissimulation accompagnée d’orgueil et de défiance envers la Providence. Ils voulurent se procurer, aux yeux de l'Église, la gloire de tout abandonner au bien commun, comme le faisaient leurs frères ; mais en secret ils tinrent à garder en partie le bénéfice de leur vente, comme si Dieu n'était pas là pour leur assurer le nécessaire. Plusieurs Pères, se référant sans doute à Lev., xxvil, 16-21, supposent que l’offrande totale des biens résultait d’une promesse ou d’un vœu qu’il était criminel de ne pas accomplir intégralement. Cf. S. Jérôme, Epist. cxxx, t. xxii, col. 1118 ; S. Augustin, Serm. cxlviii, 2, t. xxxvhi, col. 799 ; S. Grégoire, Epist. i, 34, t. lxxvii, col. 488.

3° À cette même époque vivaient à part, sur le bord de la mer Morte et dans l’oasis d’Engaddi, les esséniens, totalement séparés du reste de la société juive. Une de leurs lois fondamentales était la communauté des biens. Pour faire partie de leur association, il fallait mettre son patrimoine à la disposition de tous, ne rien conserver en propre, ne rien vendre et ne rien acheter au sein de la communauté, vivre dans la pauvreté en recevant d’une caisse commune ce qui était strictement nécessaire pour la nourriture, le vêtement, les soins en cas de maladie, verser à cette caisse le produit de son travail, ne rien emporter en voyage, etc. Cf. Josèphe, Bell. jud., II, viii, 3, 4, 8, 9 ; Philon, Quod omnis probus liber, 12, 13, édit. Mangey, t. ii, p. 457, 458, 632, 633. Les écrivains du Nouveau Testament ne font aucune mention des esséniens et les laissent cantonnés dans leur orgueilleux et stérile particularisme. Les pharisiens les avaient en horreur, à cause de leur prétention à être des Juifs parfaits. Ils disaient à propos de leur communisme : « Celui qui dit : le mien est à toi et le tien est à moi, est un niais. » Pirké aboth v, 14. Les doctrines singulières des esséniens, leur fidélité servile à la loi, leur éloignement systématique du Temple, l’étrangeté de leur manière de vivre ne permettent pas de dire que les premiers chrétiens aient voulu les imiter. Ceux-ci avaient pour se guider les exemples de la vie menée en commun par les Apôtres, les exemples et les conseils du Sauveur ; et si le divin Maître voulut mener une vie qui, au regard des biens de ce monde, avait quelque analogie avec celle des esséniens, il ne lui était pas nécessaire de recourir à eux pour en avoir l’inspiration. L’esprit et la pratique du détachement et de la charité fraternelle résultaient, comme une conséquence toute naturelle, des enseignements qu’il apportait au monde. D’ailleurs cette vie d’obéissance et de pauvreté en commun n’était pas totalement étrangère aux anciens Israélites ; elle avait dû être la vie de ces « fils de prophètes » qui se groupaient autour de Samuel, d’Élie, d’Elisée et d’autres pieux personnages. I Reg., x, 10 ; III Reg., xx, 35 ; IV Reg., ii, 3 ; iv, 38, etc.

4° Le système inauguré par l’Église de Jérusalem ne pouvait être que transitoire. Les esséniens excitaient l’admiration du peuple par leur pauvreté volontaire et leur charité. Il était bon de montrer que la doctrine nouvelle avait la puissance de faire pratiquer ces grandes vertus par tous ses adhérents. Mais vint le jour où toutes les propriétés furent vendues et où il devint fort difficile d’entretenir une société nombreuse, incapable de se suffire par son seul travail et n’ayant rien à espérer de ses anciens coreligionnaires. Quand saint Paul vint à Jérusalem après ses premières missions, les trois apôtres qui se trouvaient alors dans la capitale durent le prier de se souvenir des pauvres. Gal., ii, 10. Il fut fidèle à cette recommandation. Voir Aumône, t. i. col. 1251. L’expérience montrait qu’au point de vue de la propriété, la pratique du conseil ne pouvait devenir la règle générale parmi les chrétiens.

5° Les Apôtres, dans leurs Épîtres, ne disent rien qui ait trait directement à la propriété. Saint Jacques, qui avait sous les yeux le contraste existant entre les pauvres de son église chrétienne et les riches propriétaires du judaïsme sadducéen, maudit ces derniers et les compare à la victime qui se repaît encore le jour où on va l’égorger. Jacob., v, 1-6. Saint Paul recommande de ne pas attacher son cœur à ce que l’on possède. I Cor., vii, 30. Il veut que les ministres de Dieu, qui possèdent tout dans l’ordre spirituel, II Cor., vi, 10, se contentent, pour toute propriété, de ce qui est indispensable à la nourriture et au vêtement. I Tim., vi, 8. Dans le cours de ses missions, l’Apôtre fut mis en rapport avec des personnes qui disposaient de propriétés considérables, Priscille et Aquila, qui entretenaient une communauté chrétienne dans leur maison, à Corinthe, I Cor., xvi, 19, et à Rome, Rom., xvi, 5, Philémon, auquel il demande l’hospitalité, Philem., 22, etc. Des patriciens de Rome ne tardèrent pas à suivre les exemples de ces premiers chrétiens et à mettre à la disposition de leurs frères dans la foi leurs maisons, pour y célébrer leur culte, leurs domaines ruraux, pour y creuser leurs sépultures.

H. Lesètre.

PROSÉLYTE (Septante : προσήλυτος ; Vulgate : proselytus), étranger qui adhère plus ou moins complètement à la religion juive.

I. Dans l’Ancien Testament.

Le mot προσήλυτος est particulier au grec de l’Ancien Testament et ne se trouve pas chez les classiques. Dans la Genèse, xlvii, 9, Aquila traduit mâgûr, « séjour à l’étranger », ἡμέραι ἃς παροικῶ, peregrinatio, par προσηλύτευσις. Dans l’Exode, xii, 40, les Septante traduisent gêr, « étranger », par προσήλυτος, colonus. Dans Ézéchiel, xiv, 7, les mots hag-gêr’ăšėr yâgûr beyṡrâ’êl, « l’étranger qui réside en Israël », sont rendus dans les Septante par προσηλύτοι οἵ προσηλυτευόντες ἐν τῷ Ἰσραήλ, et dans la Vulgate par de proselytis quicumque advena fuerit in Israel, « quiconque des étrangers se sera établi en Israël. » Le mot prosélyte est encore employé pour désigner les étrangers, gêrîm, qui habitent parmi les Israélites, I Par., xxii, 2 ; II Par., ii, 17 ; xxx, 25 ; Tob., i, 8 (7). En somme, dans les versions de l’Ancien Testament, ce mot signifie simplement « étranger ».

II. A l’époque du Nouveau Testament.

Signification du mot.

Notre-Seigneur accuse les scribes et les pharisiens de courir les mers et la terre pour faire un prosélyte qu’ils conduisent ensuite à la perdition. Matth., xxiii, 15. Le mot ne signifie plus seulement « étranger » ; car alors la remarque du Sauveur ne se comprendrait pas. Il s’agit d’un étranger conquis à la croyance et à la pratique religieuse des Israélites. A la Pentecôte, l’écrivain sacré signale la présence à Jérusalem d’« hommes pieux de toutes les nations », tant juifs que prosélytes. Act., ii, 5, 11. Ici encore les prosélytes sont autre chose que de simples étrangers. D’autres noms éclairent la signification du précédent. Des étrangers sont appelés φοβούμενοι τὸν θεόν, timentes Deum, les « craignant Dieu », Act., x, 2, 22 ; xiii, 16, 26 ; σεβόμενοι τὸν θεόν, colentes Deum, les « servant Dieu », Act., xvi, 14 ; xviii, 7, ou simplement σεβόμενοι, colentes, Act., xiii, 50 ; xvii, 4, 17, et une fois σεβόμενοι προσήλυτοι, colentes advenæ, « étrangers servant » Dieu. Act., xiii, 43. Cf. Josèphe, Ant. jud., XIV, vii, 2. Ces noms différents désignent les gêrim ou « étrangers » qui ont adhéré de quelque façon à la religion juive. Dans la Mischna, le mot gêr, traduit par προσήλυτος, dans les versions, prend souvent ce sens spécial d’étranger converti. Cf. Bikkurim, 1, 4, 5 ; Schekalim, i, 3, 6 ; vii, 6, etc. De gêr, les talmudistes ont même tiré le verbe niṭgayyêr, « se convertir ». Cf. Pea, iv, 6 ; Challa, iii, 6 ; Pesachim, viii, 8, etc. Comme en araméen gêr devient giyyorâ’, les Septante ont créé le mot γειώρας, Exod., xii, 19 ; Is., xiv, 1, pour désigner les réunions d’étrangers qui se joignent aux Israélites. Ainsi, les deux mots gêr et προσήλυτος ont perdu, dans la littérature juive, leur sens primitif pour en prendre un autre plus spécial. Philon, De monarch., i, 7, édit. Mangey, t. ii, p. 219, définit les προσήλυτους ἀπὸ τοῦ προσεληλυθέναι καινῇ καὶ φιλοθέῳ πολιτείᾳ, « de ce qu’ils s’approchent d’un genre de vie nouvelle dans laquelle on aime Dieu. » Dans l’Évangile de Nicodème, 2, il est dit : « Que sont les prosélytes ? On lui dit : Ce sont ceux qui sont nés enfants des Hellènes et maintenant sont devenus Juifs. » Les Pères parlent des prosélytes dans le même sens ; ainsi saint Justin. Dial. cum Tryph., 23, 122, t. vi, col. 525, 560, qui emploie le terme γηόρας pour désigner la réunion des prosélytes ; saint Irénée, Adv. hæres., III, xxi, 1, t. vii, col. 946, qui appelle Théodotion et Aquila des « Juifs prosélytes » ; Tertullien, Adv. jud., 1, t. ii, col. 597, etc. Philon emploie parfois, comme synonymes de προσήλυτος, les mots ἐπήλυτος, qu’on retrouve dans les Septante, Job, xx, 26, ἐπήλυτης et ἔπηλυς.

La propagande juive.

1. Les Juifs ne jouissaient pas d’une grande faveur dans l’ancien monde gréco-romain. Les écrivains classiques les traitent souvent avec mépris, haine et injustice. Cf. Tacite, Hist., v, 4, 5, 8 ; Plutarque, Sympos., IV, 5 ; Juvénal, Sat., vi, 160 ; xiv, 97, 98, 103-106 ; Ammien Marcellin, xxii, 5, etc. D’autre part les Juifs, par leur particularisme outré, leur antipathie pour les étrangers, le caractère de leur dogme et de leur morale, si surprenants pour des païens, semblaient destinés à rester confinés dans leur isolement. Mais la Providence avait ici très manifestement des vues en contradiction avec les prévisions humaines. Les prosélytes juifs devaient fournir à la propagande chrétienne des âmes toutes préparées. La loi mosaïque devenait ainsi le vestibule de l’Évangile, non seulement par son action préparatoire à la rédemption et au règne messianique, mais encore par une influence directe sur les âmes des Juifs et sur celles que conquéraient les Juifs. C’en fut assez pour que ce peuple longtemps jaloux de ses prérogatives, qu’il tenait pour incommunicables, travaillât à y associer des étrangers, et pour que ces derniers, malgré leurs préjugés contre une religion d’assez mauvais renom parmi eux, se missent à l’étudier et à l’embrasser en grand nombre. Il y a là un phénomème dont les explications naturelles ne suffisent pas à rendre compte d’une manière adéquate.

2. A vrai dire, cette adoption des étrangers dans le sein d’Israël, inaugurée à la sortie d’Egypte, Exod., xii, 38, n’avait ensuite pris quelque développement que dans les pays de l’exil, où le contact immédiat des Juifs permettait de mieux apprécier leur religion. Tob., i, 7 ; Esth., viii, 17. Mais la propagande ne devint vraiment active et systématique que dans l’empire romain. Notre Seigneur constate ce zèle, parfois exclusif et funeste dans ses résultats. Matth., xxiii, 15. Saint Paul l’attribue à la conviction qu’avait le Juif d’être « le guide des aveugles, la lumière de ceux qui sont dans les ténèbres, le docteur des ignorants, le maître des enfants, ayant dans la Loi la règle de la science et de la vérité », et il lui reproche de ne pas pousser son zèle jusqu’à s’instruire lui-même. Rom., ii, 19-21.

3. La propagande eut tant de succès, dans le monde gréco-romain, que seuls, parmi les adeptes des cultes orientaux, ceux du culte d’Isis et de Mithra l’emportaient sur ceux du judaïsme. Josèphe, Cont. Apion., ii, 10, constate que les Juifs étaient plus éloignés des Grecs par la distance que par les idées, et que beaucoup d’entre ces derniers avaient adhéré au judaïsme, bien que tous n’y eussent pas persévéré. Il ajoute, Cont. Apion., ii, 39 : « Depuis longtemps beaucoup désirent s’associer à notre manière de servir Dieu. Il n’y a pas de ville grecque ou barbare, pas de nation chez laquelle ne se soit introduite la coutume de célébrer le septième jour, que nous passons dans le repos, et où l’on n’observe les jeûnes, les allumages de lampes et les abstinences de mets qui nous sont défendus. On s’efforce d’imiter notre mutuelle entente, notre libéralité, notre application aux métiers, notre patience dans les tourments que nous endurons pour nos lois. » Des témoignages analogues sont fournis par Tertullien, Ad. nation., i, 13, t. i, col. 579 ; Sénèque, dans S. Augustin, De civ. Dei, vi, 11, t. xli, col. 192 ; Dion Cassius, xxxvii, 17. Les prosélytes étaient en nombre à Antioche, cf. Josèphe, Bell. jud., vii, iii, 3 ; à Antioche de Pisidie, Act., xiii, 16, 26, 43, 50 ; à Thessalonique, Act., xvil, 4 ; à Athènes, Act., xvii, 17, et à Rome. Cf. Horace, Sat., i, ix, 68-72 ; Sénèque, Epist. xcv ; Perse, v, 179-183 ; Ovide, De art. am., i, 75, 415 ; Tibulle, i, 3 ; v, 18 ; Juvénal, Sat., xiv, 96-106, etc. Les femmes étaient plus nombreuses et plus empressées que les hommes à embrasser le judaïsme. Act., xiii, 50 ; xvii, 4. Certains Juifs faisaient profession de les initier à la connaissance et à la pratique de la loi mosaïque. Cf. Josèphe, Ant. jud., XVIII, iii, 5. A Damas, la majorité des femmes étaient prosélytes. Cf. Josèphe, Bell, jud., II, xx, 2. A Rome, des femmes célèbres, comme Fulvie, pratiquaient le judaïsme, et d’autres, comme Poppée, femme de Néron, lui étaient favorables. Cf. Josèphe, Ant. jud., XVIII, iii, 5 ; XX, viii, 11. Non contents de s’affilier au judaïsme, de nobles étrangers venaient faire acte de religion à Jérusalem même, comme le ministre de la reine Candace, Act., viii, 27, et la reine Hélène d’Adiabène, qui se fit construire un palais dans la Ville sainte et se montra si généreuse envers les Juifs dans des circonstances difficiles. Cf. Josèphe, Ant. jud., XX, ii-iv.

Causes du succès de cette propagande.

1. Dieu favorisait, sans nul doute, une œuvre dont la réalisation rentrait dans ses plans ; mais il la laissait s’exécuter par des moyens humains. De leur côté, les Juifs avaient été saisis par un zèle véritable pour la propagation de leurs idées religieuses. Plusieurs adhérents devenaient nombreux dans les villes étrangères, plus leur influence se consolidait. Les hommes vraiment sincères et religieux y voyaient un gain pour la cause de la vérité et aussi pour la gloire de leur nation, Luc, ii, 32 ; les autres regardaient cette extension comme un acheminement vers cette conquête du monde et cette domination universelle sur les peuples, que les prophéties semblaient promettre à Israël. Dans ce but, on employait des moyens divers. Pour convertir les Idumeens et ensuite les Ituréens, Jean Hyrcan et Aristobule leur donnèrent à choisir entre la mort, l’exil ou la circoncision. Cf. Josèphe, Ant. jud., XIII, ix, 3 ; xi, 3. Parfois, des fanatiques imposaient la circoncision par violence. Cf. Josèphe, Vit., 23. D’autres faisaient de la propagande par des moyens ou pour des motifs peu avouables. Cf. Josèphe, Ant. jud., XVIII, iii, 5. Les procédés employés étaient le plus souvent de toute autre nature ; mais les instances ne faisaient jamais défaut pour déterminer une adhésion. De là le mot d’Horace, Sat., i, iv, 142 : Veluti te Judæi, cogemus in hanc concedere turbam, « nous te forcerons, comme font les Juifs à prendre rang dans cette foule. »

2. La doctrine israélite exerçait une forte attraction sur les esprits sérieux qui, fatigués des hontes du paganisme et des pauvretés intellectuelles du scepticisme, cherchaient une base solide à la croyance, un appui à l’espérance d’un avenir meilleur et une satisfaction à la fois digne et positive au besoin de Dieu qui torture le cœur humain. Les âmes ainsi disposées apprenaient que les Juifs possédaient des traditions merveilleuses et des données incomparables sur les questions qui intéressent la vie de l’âme ; qu’ils avaient en main des livres sacrés du plus haut intérêt ; que ces livres sacrés, sur le désir d’un Ptolémée d’Egypte, avaient été traduits en grec, pour être misa la portée de tous les penseurs du monde gréco-romain ; que ces livres étaient interprétés par des docteurs compétents et que plusieurs d’entre ces derniers, formés dans les célèbres écoles d’Alexandrie, cherchaient à montrer que ce qu’il y avait de meilleur et de plus élevé chez les grands philosophes de la Grèce ne différait guère de l’enseignement que professaient les livres juifs. En fallait-il davantage pour pousser beaucoup d’âmes à une étude qui promettait de leur donner satisfaction ? L’expérience leur en montrait d’ailleurs l’à-propos.

3. Les motifs qui déterminaient les prosélytes n’avaient pas toujours la même noblesse. Ceux du temps d’Esther, viii, 17, désiraient surtout, sans doute, échapper à des représailles ou partager la faveur dont jouissaient alors les Juifs. Les étrangers transportés en Samarie pendant la captivité ne devinrent juifs que par peur. IV Reg., xvii, 26-29. D’autres, à l’époque romaine, tendaient surtout à partager les privilèges accordés aux Juifs par l’autorité, l’exemption du service militaire, par exemple. Cf. Josèphe, Ant. jud., XIV, x, 13. Ceux qui voulaient profiter de l’influence, du crédit, de l’assistance des Juifs dans une ville, embrassaient le judaïsme. On en faisait autant en vue d’un mariage, cf. Josèphe. Ant. jud., XVI, vii, 6, ou d’intérêts qui n’avaient rien de religieux. Toutefois le nombre de ceux qui devenaient prosélytes sans vraie conviction se tenait dans des limites relativement restreintes, à raison des sarcasmes dont les Juifs étaient l’objet de la part de la populace païenne, cf. Horace, Sat., i, iv, 142 ; Martial, vi, 29, 34, 81 ; xii, 95 ; xii, 37, et des mesures sévères que le gouvernement prenait contre eux de temps à autre. Cf. Tacite, Ann., ii, 85 ; Suétone, Claud., 25 ; Domit., 12.

4. Tout en tenant compte des abus qui se produisirent naturellement, il est juste de reconnaître le succès de la propagande juive, le zèle qui portait des scribes et des pharisiens à traverser les mers et à parcourir la terre pour y travailler, Matth., xxiii, 15, et aussi le réel dévouement des nouveaux prosélytes qui adhéraient à une doctrine élevée, sans doute, mais qui en même temps s’assujettissaient à des pratiques assez onéreuses. Il est à regretter cependant que les missionnaires juifs aient trop souvent communiqué à leurs prosélytes l’esprit d’orgueil et de formalisme qui les caractérisait eux-mêmes, de manière à faire de leurs nouveaux disciples, ainsi que Notre-Seigneur le leur reproche, « des fils de géhenne, deux fois plus qu’eux-mêmes. » Même convertis au christianisme, ces prosélytes seront pour l’Église naissante une cause de grandes difficultés. Voir Judaïsants, t. iii, col. 1778.

Les prosélytes juifs.

1. Ainsi qu’il fallait s’y attendre, il y avait parmi ces prosélytes des convertis inconstants, comme l’avoue Josèphe, Cont. Apion., ii, 10, et d’autres qui n’acceptaient la loi juive qu’en partie. C’est à eux que saint Paul écrivait : « Je déclare encore une fois à tout homme qui se fait circoncire, qu’il est tenu d’accepter la loi tout entière. » Gal., v, 3. Cependant, on passait outre quelquefois. Ainsi, quand Izate, fils d’Hélène et roi d’Adiabène, voulut se faire circoncire pour devenir juif parfait, sa mère s’y opposa, pour ne pas causer de troubles dans le royaume ; mais un marchand juif, du nom d’Ananias, déclara au roi « qu’on pouvait parfaitement servir la divinité sans la circoncision, pourvu (qu’on fût résolu à adopter les antiques coutumes des Juifs, qui importaient bien davantage que la circoncision ». Josèphe, Ant. jud., xx, ii, 4. Un autre Juif, nommé Éléazar, meilleur interprète de la Loi, donna ensuite une décision contraire à lzate, qui se fit circoncire. Il n’en est pas moins à penser que beaucoup partageaient les idées d’Ananias. Ils croyaient au Dieu unique, dont aucune représentation n’était permise ; ils l’honoraient, fréquentaient les synagogues et observaient la loi mosaïque, mais en se bornant aux points principaux. Ce sont ces hommes que l’on désignait sous le nom de σεβόμενοι ou φοβούμενοι τὸν θεόν, colentes ou timentes Deum, « ceux qui servent » ou « craignent Dieu ». Act., xiii, 43 ; x, 2, etc. Les anciennes inscriptions latines enregistrent de temps en temps quelque metuens ou observateur des coutumes juives. Cf. Corp. insc. lat., t. v, 1, 88 ; t. vi, 29759, 29760, 29763 ; t. viii, 4321, etc.

2. Or, ces hommes vivant à la juive ne sont pas de véritables prosélytes. On les appelle ordinairement gêrê haš-ša’ar, « prosélytes de la porte », tandis que les autres sont nommés gêrê haṣ-ṣédéq, « prosélytes de justice ». Mais l’identification des « hommes craignant Dieu » et des « prosélytes de la porte » est arbitraire ; la Mischna ne la connaît pas. Celle-ci distingue seulement entre le gêr, l’étranger proprement dit, et le gêr ṭôšâb, l’étranger colon, qui habite au milieu du peuple d’Israël. Le gêr haš-ša’ar ne serait pas autre chose que ce dernier, l’étranger qui habite dans les portes ou le pays d’Israël, la porte étant prise souvent pour la ville elle-même. Deut, xii, 12 ; xiv, 27 ; III Reg., viii, 37, etc. Voir Porte, col. 548. Cet étranger devait se soumettre aux lois imposées à tous les hommes qui n’étaient pas juifs, c’est-à-dire à ce que l’on appelait les sept commandements des fils de Noé concernant : 1° l’obéissance aux juges ; 2° le blasphème ; 3° le culte des idoles ; 4° l’impureté ; 5° le meurtre ; 6° le vol ; 7° la chair avec le sang. Gen., ix, 4. Cf. Sanhédrin, 56 b. Il va de soi que, depuis la conquête romaine surtout, les Grecs, Romains et autres étrangers établis en Palestine se mettaient fort peu en peine d’observer ces sept lois noachiques, de telle façon qu’aucune différence pratique ne subsistait plus entre l’étranger vivant au milieu des juifs et l’étranger résidant hors de Palestine. Les noms de gêr, de gêr ṭôšâb et de gêr haš-ša’ar ne représentaient donc plus de » situations différentes.

3. Les hommes « craignant » ou « servant Dieu » sont ainsi en dehors des deux autres classes. Corneille, par exemple, « religieux et craignant Dieu, ainsi que toute sa maison, faisait beaucoup d’aumônes au peuple et priait Dieu sans cesse. » Act., x, 2. Mais il n’était pas circoncis ; saint Pierre craignait de se commettre avec quelqu’un qui n’appartenait pas au judaïsme, Act., x, 10-16, et les fidèles s’étonnèrent beaucoup que le Saint-Esprit descendît sur des gentils. Act., x, 45 ; xi, 3. Les hommes tels que Corneille n’étaient pas regardés comme juifs, parce qu’ils n’avaient pas reçu la circoncision ; et cependant, par leurs croyances et leurs pratiques, ils étaient aussi proches des Juifs sincèrement pieux qu’éloignés du commun des païens. Les convertis de cette espèce s’étaient multipliés autour des juiveries officielles, et l’appoint qu’ils fournirent au christianisme naissant dépassa probablement celui qui lui vint des Juifs proprement dits. Ce judaïsme incomplet ne comptait pas aux yeux des Juifs de stricte observance, comme le montre l’appréciation des judéo-chrétiens de Jérusalem au sujet du baptême de Corneille. Beaucoup s’en contentaient cependant, n’attachant qu’une importance secondaire au rite de la circoncision, qui, d’ailleurs, les décelait et leur attirait des sarcasmes dans les thermes publics. Voir Circoncision, t. ii, col. 778. Aussi est-il probable que, parmi les Juifs de la dispersion, la propagande religieuse n’obtenait pas toujours tout son effet ; beaucoup se décidaient à vivre à la juive ; les vrais prosélytes allant jusqu’à recevoir la circoncision étaient beaucoup moins nombreux. On le conclut des mentions fréquentes qui sont faites dans les Actes des hommes « craignant Dieu ». Il n’y a donc pas de valeur à attacher à la division des prosélytes adoptée par certains auteurs, qui distinguent les prosélytes « de la porte » et les prosélytes « de justice ». Les Juifs ne reconnaissaient d’autres prosélytes que ces derniers. Depuis la conquête grecque, la Palestine ne comptait plus guère de prosélytes « de la porte », ou étrangers soumis aux lois noachiques. Quant aux hommes « craignant Dieu », sans aller jusqu’à l’adoption complète de la loi mosaïque, ils avaient une religion bien supérieure à celle des prosélytes « de la porte », anciens ou nouveaux.

Obligations et droits des prosélytes.

1. Pour devenir prosélyte de justice, c’est-à-dire prosélyte complet et véritable, cf. Matth., iii, 15, il fallait tout d’abord se soumettre à trois conditions, la circoncision, le baptême ou ablution conférant la pureté légale et un sacrifice. Les femmes se contentaient des deux dernières conditions. Cf. Keritkoth, 81 a ; Yebamoth, 46 a ; Pesachim, viii, 8 ; Eduyoth, v, 2 ; etc. La circoncision incorporait le gentil au peuple juif, l’ablution le purifiait selon la loi lévitique et le sacrifice expiait ses péchés. Après la destruction du Temple, la troisième condition devint naturellement impossible à remplir.

2. Les prosélytes devaient se conformer à toute la loi mosaïque et acquitter toutes les redevances sacrées. Cf. Gal., v, 3 ; Bikkurim, i, 4 ; Schekalim, i, 3, 6 ; Pea, iv, 6 ; Challa, iii, 6, etc. Cependant ils n’étaient tenus à ces redevances que pour les biens acquis postérieurement à leur conversion. Cf. Pea, iv, 6 ; Challa, iii, 6 ; Chullin, x, 4. Les frères nés avant la conversion de leur mère n’étaient pas obligés au lévirat. Cf. Yebamoth, xi, 2. Aux filles nées avant la conversion de leur mère ne s’appliquait pas non plus la loi du Deutéronome, xxii, 13-21. Cf. Kelhubolh, iv, 3. Les jeunes filles prosélytes ne pouvaient épouser un prêtre ; les filles de prosélytes ne le pouvaient que si elles descendaient d’un côté d’ancêtres israélites, à Va dixième génération au plus. Cf. Yebamoth, vi, 5 ; Kidduschin, iv, 7 ; Bikkurim, i, 5. Les jeunes filles prosélytes pouvaient épouser ceux que le Deutéronome, xxiii, 1, 2, interdit aux juives de prendre pour époux. Cf. Yebamoth, viii, 2. Elles n’avaient pas le bénéfice de la loi de l’Exode, xxi, 22. Cf. Baba kamma, v, 4. Elles étaient cependant obligées par celle des Nombres, v, 1128. Cf. Eduyoth, v, 6.

3. En principe, les prosélytes étaient assimilés aux Juifs de naissance ; en réalité, il subsistait entre les uns et les autres une distinction notable. Au prosélyte, en effet, manquait toujours la descendance d’ancêtres juifs. « Quand un prosélyte apporte ses prémices, il ne récite pas la confession indiquée Deut., xxvi, 3, parce qu’il ne peut pas dire : Que tu as juré de nous donner. Si sa mère était israélite, il peut réciter la confession. Si le prosélyte prie à part, il doit dire : Dieu des pères d’Israël. S’il prie dans la synagogue, il doit dire : Dieu de vos pères. Si sa mère était israélite, il doit dire : Dieu de nos pères. » Bikkurim, i, 4. Il y avait là comme une ligne de démarcation que le prosélyte ne pouvait franchir et qui lui rappelait sans cesse son origine. D’ailleurs le rang qu’il devait occuper dans la société juive lui était ainsi assigné : « Le prêtre a le pas sur le lévite, le lévite sur l’Israélite, l’Israélite sur le bâtard, le bâtard sur le nalhinéen, le nathinéen sur le prosélyte, le prosélyte sur l’esclave affranchi. » Horayoth, iii, 8.

Les interdictions.

D’après la loi du Deutéronome, xxiii, 2, 3, il était interdit de recevoir dans l’assemblée de Jéhovah, c’est-à-dire dans la société des Israélites, même à la dixième génération, par conséquent à jamais, comme l’explique le texte, le mamzer, l’Ammonite et le Moabite. Voir Mamzer, col. 637. On rie pouvait donc recevoir de prosélytes ayant cette origine. Mais, avec le temps, il devint impossible de remonter très haut dans la généalogie des étrangers qui demandaient à faire profession de judaïsme. Aussi les docteurs se montrèrent-ils faciles sur ce point, pour la raison que les Ammonites et les Moabites visés par la Loi n’existaient plus depuis longtemps. Cf. Yadayim, iv, 4. Les Iduméens et les Égyptiens pouvaient être reçus à la troisième génération. Deut., xxiii, 7, 8. Vers l’époque évangélique, cette troisième génération datait de fort loin. Il ne subsistait donc aucune difficulté pour recevoir au prosélytisme ceux de ces nations qui le sollicitaient. Cf. Josèphe, Ant. jud., XIII, IX, 1 ; xi, 3 ; xv, 4, 7, 9. Pratiquement, la porte était ouverte à tous ; les conditions imposées étaient par elles-mêmes assez onéreuses pour qu’on n’exigeât pas de celui qui les acceptait volontairement des garanties trop difficiles à fournir. Le prosélytisme juif put donc ainsi se donner libre carrière, et préparer inconsciemment à l’Évangile de dévoués disciples et un certain nombre d’adversaires acharnés.

Voir Slevogt, De proselytis Judxorum, Iéna, 1651, et dans Ugolini, Thésaurus, t. xxii, p. 841 ; Mùller, De proselytis, dans le même volume d’Ugolini ; Wâhner, De Ebrxonim proselytis, Gœtlingue, 1743 ; Danz, Cura Judœorum in conquirendis proselytis, ad Matt., xxiii, 15, dans Nov. Test, ex Talmude illuslratum de Meuschen, 1736, p. 649-676 ; Lûbkert, Die Proselyten der Juden, dans Stud. und Krit., 1835, p. 681-700 ; Weill, Le prosélytisme chez les Juifs selon la Bible et le Talmud, Strasbourg, 1880 ; Friedlænder, La propagande religieuse des Juifs grecs avant l’ère chrétienne, dans la Bévue des études juives, t. xxx, 1895, p. 161-181 ; et surtout Schùrer, Geschichte des jùdischen Volkes im Zeil. J.-C, Leipzig, t. iii, 1898, p. 102135, qui donne tous les textes et toutes les références sur le sujet.

H. Lesêtre.

PROSTERNEMENT, attitude qu’on prend en se mettant à genoux devant quelqu’un et en inclinant la tête vers le sol. — En prenant cette posture, on témoigne qu’on se fait humble et petit devant celui auquel on veut rendre hommage, qu’on remercie ou dont on attend quelque faveur. Les hommes se prosternent en diverses circonstances :

1° Devant Dieu. Ainsi font Éliézer, Gen., xxiv, 52 ; Moïse, pendant quarante jours et quarante nuits, Deut., ix, 18 ; Tobie et sa famille, pendant trois heures, Tob., xii, 22 ; Judith et les Israélites ses compatriotes, Judith, vii, 4 ; ix, 1 ; x, 1, 20 ; les Machabées, II Mach., x, 4, une fois pendant trois jours. II Mach., xiii, 12. Le Psalmiste invite son peuple à se prosterner devant Jéhovah pour l’adorer. Ps. xcv (xciv), 6, et il annonce que les nations se prosterneront devant lui. Ps. lxviii (lxvii), 31 ; lxxii (lxxi), 9. Le Sauveur

182. — Serviteurs prosternés devant leur maître.

D’après Champollion-Figeac, L’Egypte ancienne, dans l’Univers pittoresque, de Didot, 1839, pi. 38.

se prosterna trois fois devant son Père pendant son agonie. Matth., xxvi, 39 ; Marc, xiv, 35. Les vingt-quatre vieillards sont proslernés devant le trône de Dieu dans le ciel. Apoc, iv, 10.

2° Devant les idoles. La Loi défendait de se prosterner devant des images taillées. Lev., xxvi, 1. C’est ce que faisaient les idolâtres. Is., xuv, 19 ; xwr, 6. Voir t. i, fig. 36, col. 234. Naaman était obligé, par son service auprès du roi de Syrie, de se prosterner devant le dieu Remmon. IV Reg., v, 18. À Babylone, on se prosterne pour adorer la statue de Nabuchodonosor. Dan., iii, 6, 10, 15.

3° Devant les anges. Lot se prosternait le visage contre terre pour accueillir les anges qui le visitent à Sodome. Gen., xix ; 1.

4° Devant le roi. On voit se prosterner devant David Abigaïl, I Reg., xxv, 23, Miphiboseth, II Reg., ix, 8, et Séméï, II Reg., xix, 18. Esther se prosterna devant Assuérus. Esth., viii, 3. Les subalternes n’approchaient d’un roi qu’en rampant ou en se prosternant. Voir t. ii, fig.541, col. 1637. Sur l’obélisque de SalmanasarII, on voitJéhu prosterné devantleroi assyrien. Voirt. i, fig. 37, col. 235,

5° Devant un grand. Joseph voit en songe les gerbes de ses frères se prosterner devant la sienne, le soleil, la lune et onze étoiles se prosterner devant lui, et son père se demande si les parents et les frères de Joseph auront à se prosterner de même. Gen., xxxvii, 7, 9, 10. C’est pourtant ce qui arriva plus tard. Gen., xlii, 6. En Egypte, on se prosternait ainsi devant un dignitaire (fig. 182). Joseph à

son tour, se prosterne devant son père. Gen., xlviii, 12. Achior se prosterne devant Judith, xiii, 30. Plus tard, le centurion Corneille se prosterne devant saint Pierre, Act., x, 25, et le geôlier de Philippes devant Paul et Silas. Act., xvi, 29. — 6° Devant celui qu’on sollicite. Il faut se prosterner devant celui pour lequel on a répondu, afin d'être délivré delà caution. Prov., vi, 3. On se prosterne devant le créancier pour obtenir remise de la dette. Matth., xviii, 26, 29. Abraham se prosterne devant le peuple d’Hébron afin d’obtenir qu’on lui vende la caverne de Macpelah. Gen., xxiii, 7. — Devant JésusChrist. Les Mages se prosternent pour l’adorer. Matth., u, 11. Saint Jean-Baptiste se reconnaît indigne de se prosterner devant lui pour détacher les cordons de ses sandales. Marc, i, 7. Devant lui se prosternent ceux qui demandent une faveur, le chef de la synagogue, Marc, v, 22 ; l’hémorrhoïsse, Marc., v, 33 ; Luc, viii, 47 ; la Chananéenne, Marc, vii, 25 ; le père du possédé, Matth., xvii, 14 ; le lépreux, Luc, v, 12 ; le démoniaque, Luc, viii, 28, et ceux qui veulent adorer et témoigner leur reconnaissance, Pierre, après la pêche miraculeuse, Luc, v, 8, et l’aveugle-né après sa guérison.

Joa., ix, 38.
H. Lesêtre.
    1. PROSTITUTION##

PROSTITUTION (hébreu : zenût, zenûnîm, laznût ; Septante : itopvsia ; Vulgate : fornicatio, prostitutio), genre dévie dans lequel on s’abandonne et on provoque à l’impudicité.

I. En Egypte et en Chanaan. — 1° Le climat égyptien et le caractère sensuel du culte rendu à une multitude de dieux et de déesses ne pouvaient que favoriser l’immoralité sur les bords du Nil. La Bible cite les exemples du pharaon contemporain d’Abraham, Gen., xii, 15, 16, et de la femme de Putiphar, Gen., xxxix, 7-12, dont la honteuse entreprise se trouve reproduite dans le conte des deux frères. Cf. Maspero, Les Contes populaires de l’Egypte ancienne, Paris, 3e édit-, p. 6. On sait quelles coutumes incestueuses présidaient aux mariages égyptiens. Voir Inceste, t. iii, col. 865. Hérodote, ii, 48, 60, 64, parle de l’immoralité qui régnait en Egypte ; mais il déclare que la prostitution ne s’y pratiquait pas dans les lieux sacrés, comme cela se faisait dans la plupart des autres pays. Cependant, dans les temples des dieux mâles, un véritable harem de femmes fournissait à la divinité des épouses, des concubines, des servantes, des musiciennes et des danseuses. Dans les temples des déesses, les femmes occupaient les premiers postes. Cf. Erman, Aegyplen und âgyptisches Leben, Tubingue, 1887, p. 399-401.

2° Chez les Chananéens, le culte d’Astarthé comportait partout la prostitution. Voir Astarthé, t. i, col. 1187. Non seulement des femmes, mais aussi des hommes exerçaient ce commerce infâme. Cf. Eusèbe, Vit. Constant., iii, 55, t. xx, col. 1120. Ce sont ces derniers que le Deutéronome, xxiii, 18, désigne sous le nom de kelâbîm, s chiens ». Les pires impudicités se commettaient en l’honneur de la déesse, à Byblos, à Aphéca, dans le Lihan, voir t. i, col. 734, et dans toute la Syrie, d’où son culte se propagea ensuite dans le monde grec Cf. Lucien, De dea Syra ; Dœllinger, Paganisme et judaïsme, trad. J. de P., Bruxelles, 1858, t. ii, p. 241244 ; Vigouroux, La Bible et les découvertes modernes, 6e édit., t. iii, p. 84-92. On trouve dans la Genèse les traces de l’influence exercée sur les mœurs des habitants par les exemples qui venaient des temples chananéens. À Sodome, ce sont tous les hommes de la ville, des enfants aux vieillards, qui se livrent au vice infâme et attirent sur eux la vengeance divine. Gen., xix, 4-9 ; II Pet., ii, 7. L’odieux inceste des deux filles de Lot avec leur père indique jusqu'à quel point le sens moral était oblitéré, même chez des femmes appartenant à la famille d’Abraham. Gen., xix, 30-38. Un peu plus tard, on voit Thamar, belle-fille de Juda, jouer le rôle de prostituée

auprès de son beau-père. Elle s’assied au bord du chemin et se voile le visage. À ce signe, Juda la prend pour ce qu’elle n’est pas, fait marché avec elle et convient de lui payer un chevreau. Celle-ci demande des gages qui lui sont accordés, et c’est à ces marques que Juda reconnaît ensuite celle à qui il s’est si facilement abandonné. L’acte qu’il s’est permis ne semble pas lui causer beaucoup de honte, car il en parle à un ami qu’il charge de porter le chevreau convenu. Il n’en songe pas moins à faire brûler Thamar, quand on lui dit que celle-ci s’est livrée à la prostitution. Gen., xxxviiꝟ. 14-25. La peine portée contre Thamar ne visait pourtant pas la prostitution elle-même, mais la prévarication que Juda, en tant que chef de famille, avait à reprocher à la femme veuve d’un de ses fils et promise à un autre. La courtisane Rahab avait sa maison à Jéricho. Jos., ii, 1. Samson alla chez une autre courtisane dans la ville philistine de Gaza. Jud., xvi, 1.

II. La législation mosaïque. — 1° Moïse devait prémunir les Hébreux contre les dangers qu’ils courraient dans la terre de Chanaan, au point de vue des mœurs. Aussi commence-t-il en ces termes les articles de sa législation du mariage : « Vous ne ferez pas ce qui se fait dans le pays d’Egypte où vous avez habité, et vbus ne ferez pas ce qui se fait dans le pays de Chanaan où je vous conduis. >> Lev., xviii, 3. Puis il défend le mariage entre frère et sœur, usité en Egypte, Lev., xviii, 9, les unions incestueuses et les actes contre nature que se permettaient les Chananéens, et parfois aussi les Égyptiens. Lev., xviii, 22, 23 ; xx, 16 ; cf. Hérodote, ii, 46. Ces abominations ont souillé le pays, ont rendu ses habitants dignes d'être chassés, et attireraient sur l’Israélite la peine du retranchement. Lev., xviii, 24-30 ; xx, 23. Il dit ensuite formellement : « Ne profane pas ta fille en la prostituant, de peur que le pays ne se livre à la prostitution et ne se remplisse de crimes. » Lev., xix, 29. Aucune pénalité n’est pourtant assignée contre les coupables. Quand il s’agit de la fille d’un prêtre, il en est autrement ; à cause du déshonneur qui rejaillit 9ur son père, la coupable est livrée au feu. Lev, , xxi, 9. La défense de la prostitution est répétée avec plus d’insistance et de détail dans le Deutéronome, xxiii, 17, 18 : « Il n’y aura pas de prostituée (qedèsâh, nôpvr„ meretrix) parmi les filles d’Israël, et il n’y aura pas de prostitué (qâdês, iropve’jwv, scortator) parmi les fils d’Israël. Tu n’apporteras pas dans la maison de Jéhovah, ton Dieu, le salaire d’une prostituée (zônâh, îripvrj, prostibulum), ni le salaire d’un chien (héléb, xûwv, canis) pour l’accomplissement d’un vœu ; car l’un et l’autre sont en abomination à Jéhovah, ton Dieu. » Les prostitués sont désignés par les mots qâdês, qedèsâh, « consacré, saint », qui étaient probablement en usage dans la langue d’un pays où la prostitution passaitpour une fonction sacrée. Les Grecs donnaient aux mêmes individus le nom de ÎEpiEouXot, « serviteurs sacrés », hiérodules. Le mot kélêb, « chien », désigne ici le qâdês. Dans l’Apocalypse, xxii, 15, les chiens sont également des impudiques. Parmi les fonctionnaires des temples phéniciens, l’inscription de Larnaca signale des kalabu, qui sont vraisemblablement les prostitués, scorta virilia, comme ont traduit les éditeurs du Corp. inscr. semit., t. i, p. 92-99. Cf. Lagrange, Etudes sur les religions sémitiques, Psivis, 190ô, p. 220. Le chevreau promis par Juda à Thamar, Gen., xxxviii, 17, était un de ces salaires de la prostitution qu’il n’eût pas été permis d’offrir en sacrifice.

2° Non contente d’interdire directement la prostitution, la loi la poursuivait encore dans ses moyens et dans ses effets. Il était défendu à l’homme et à la femme de prendre les habits l’un de l’autre. Deut., xxii, 5. Ce changement de costume favorisait les pires désordres ; souvent, dans les temples idolâtriques, les hommes et surtout les prostitués s’affublaient de costumes ferai »

nins. Cf. Macrobe, Saturnal., iii, 8. Un prêtre ne pouvait épouser une zonâh (ndpvr], scorlum) ni une t}âldlâh (peër, X(i)(ilvv), prostibulum). Lev., xxi, 7, 14. Ces deux termes désignent la courtisane. Voir Courtisane, t. ii, col. 1091. D’après Josèphe, Ant. jud., IV, viii, 23, la défense d’épouser une prostituée s’étendait à tout Israélite. Enfin, la descendance de la prostitution ne pouvait jamais entrer dans la société israélité. Deut., xxm, 2. Ce jtexte qui se rapporte au mamzer, voir Mamzer, t. iv, col. 637, comprend aussi très vraisemblablement le fruit de la prostitution.

III. La prostitution en Israël. — La Loi la condamne sévèrement, mais ses prescriptions ne furent pas toujours observées. — 1° Dès le désert, les filles de Moab entraînèrent des Israélites à, là débauche et à l’idolâtrie. Vingt-quatre mille de ces derniers furent punis de mort. Un Hébreu osa amener avec lui une Madianite jusque sous les yeux de ses frères. Pbinées les perça tous les deux de la lance dans la qubbdh, xâpuvo ; , lupanar. Le mot hébreu qui, par l’arabe a donné « alcôve t>, a dans la Mischna le sens que lui assigne la Vulgate. C’est un rendez-vous de prostitution. Num., xxv, 1-9. Sous les Juges, Jepbté est le fils d’une courtisane ; chassé plus tard de la maison paternelle, comme « fils d’une autre femme », il [n’en devient pas moins chef du peuple. Jud., xi, 1, 2, 11. Samson se rend chez une prostituée de Gaza. Jud., xvi, 1. À Gabaa de Benjamin, les habitants veulent renouveler sur un lévite le crime de Sodome, abusent de sa concubine et la font mourir. Jud., XIX, 22-26. Les fils du grand-prêtre Héli commettent le mal avec les femmes qui servent à l’entrée du Tabernacle. IReg., ii, 22, 25.

2° Des prostituées étaient tolérées, peut-être à Jérusalem même, du temps de Salomon. Deux d’entre elles, des zônôf, itôpvat, meretrices, furent admises au tribunal de ce roi et provoquèrent son fameux jugement au sujet de leur enfaut. III Reg., iii, 16. Sous le roi Roboam, des prostituées se répandent dans le pays de Juda et les anciennes abominations chananéennes se reproduisent. 1Il Reg., xiv, 24. Asa, petit-fils deRoboam, fait disparaître les prostituées du pays. 1Il Reg., XV, 12. Mais il en demeure encore, et son fils Josaphat achève de les supprimer. III Reg., xxii, 47. Le roi Manassé installe dans le Temple même l’idole d’Astarthé, IV Reg., xxi, 7, et avec l’idole s’introduisent naturellement les hiérodules qui forment le cortège obligé de la déesse. Ces femmes habitaient des maisons qu’on leur avait bâties dans l’enceinte sacrée et elles s’occupaient à tisser des tentes pour la déesse. Josias chasse les prostituées et démolit leurs maisons. IV Reg., xxiii, 7. Le règne de Manassé fut la seule période durant laquelle la prostitution prit un caractère officiel et pénétra dans le Temple même comme élément constitutif d’un culte idolâtrique. Il est donc inexact et souverainement injuste d’affirmer, contrairement à tous les textes, qu’elle servait en partie à payer les frais du culte à Jérusalem. Le Deutéronome, xxxiii, 18, interdit formellement toute offrande souillée par une pareille origine. Cf. Vigouroux, La Bible et les découvertes modernes, t. iv, p. 506-516.

3° Les livres historiques ne font qu’une allusion à ce qui se passait dans le royaume d’Israël. Quand le cadavre du roi Achab fut ramené à Samarie, on lava le char ensanglanté qui l’avait porté dans une piscine où les prostituées se baignèrent. III Reg., xxii, 38. La Vulgate ne parle pas de prostituées, zonôt, et les Septante les remplacent par des porcs, usç. Il est présumable que dans le royaume du nord la prostitution avait pris beaucoup plus de développement que dans celui de Juda. Elle suivait naturellement le progrès de l’idolâtrie. De plus elle trouvait des exemples et des encouragements en Phénicie et en Syrie, où le culte

des Astarthés avait à son service des foules d’hommes et de femmes voués à tous les genres d’impudicité. Cf. Lucien, De dea Syra, 19-27 ; Movers, Die PhônU zier, Berlin, 1841, t. i, p. 677-681. Jéhu reproche publiquement à Jézabel, la Sidonienne, ses prostitutions et ses sortilèges. IV Reg., ix, 22.

4° Si les historiens fournissent peu de renseignements sur la prostitution parmi les Israélites, les autres écrivains sacrés reviennent assez fréquemment sur ce sujet. Dans les Proverbes, v, 20 ; vi, 24 ; vii, 5, la prostituée est appelée « étrangère », nokriyâh, ài), oTpia, aliéna, extranea. Le parallélisme ne permet pas de s’y tromper :

La prostituée (zônâh) est une fosse profonde,

Et l’étrangère (noknyâh) un puits étroit. Prov., xxiii, 27.

Il en faut conclure que, très souvent du moins, c’étaient des étrangères, des Syriennes, des Phéniciennes, qui se livraient à ce vice en Palestine, où l’on avait tort de tolérer leur présence. Néanmoins des filles d’Israël se laissaient aussi pervertir, comme l’indiquent clairement les prophètes. De vives exhortations sont adressées dans le livre des Proverbes à ceux qui seraient tentés de succomber à la provocation des séductrices. Prov., v, 3-6, 20 ; vi, 24-26 ; vil, 5-23 ; xxii, 14 ; xxiii, 27-85, etc. L’auteur de l’Ecclésiastique, IX, 3-9 ; xix, 2, 3 ; xxvi, 8-12, etc., s’exprime de même. Job, xxxi, 1, 9, a fait un pacte avec ses yeux pour n’être pas séduit. Amos, ii, 7, dit qu’en Israël le père et le fils vont vers la même fille, profanant ainsi le nom de Dieu aux yeux des étrangers. Osée revient sans cesse sur les allusions à la prostitution, à laquelle il compare l’idolâtrie d’Israël comme à une chose familière. Il déclare que Dieu ne punira pas les filles et les femmes de leurs adultères et de leurs prostitutions, car les hommes eux-mêmes « vont à l’écart avec les prostituées et sacrifient avec les courtisanes. Dès qu’ils ont fini de boire, ils se livrent à la prostitulion. » Ose., iv, 13, 14, 18. Isaïe, iii, 9, appelle Jérusalem une Sodome ; on y commet le mal en plein jour, sans se cacher. Jérémie, v, 7, montre les hommes de Jérusalem allantpar troupes dans la maison de la prostituée, et il les compare à des animaux. Ezéchiel ; xliii, 7, 9, rappelle les prostitutions dont le Temple a été le théâtre, probablement à l’époque de Manassé. De ces textes il faut conclure que la prostitution exerçait de grands ravages parmi les Israélites, surtout dans le royaume du nord, où la loi religieuse n’était plus capable de la réfréner, et dans les villes, comme Jérusalem, où se donnaient rendez-vous un grand nombre d’étrangères et où l’impiété des rois et des grands favorisait souvent la propagation du mal. II ne s’ensuit nullement toutefois que la masse de la nation ait été atteinte, spécialement en Juda. La loi morale et les prescriptions mosaïques gardaient encore assez de vigueur pour tenir la généralité des Israélites éloignée des excès auxquels se livraient leurs voisins. C’était un déshonneur, pour une fille de Juda, de devenir une prostituée. Am., vii, 17.

IV. Descriptions bibliques. — Pour inspirer plusgrande horreur du vice, les auteurs sacrés ne reculent pas devant des descriptions très réalistes. L’histoire de-Thamar et de Juda en est un premier exemple. Gen., . xxxviii, 14-26. L’auteur des Proverbes, vii, 10-23, montre la courtisane aux aguets, hors de sa maison, dans la rue, sur les places, à tous les angles, abordant sa victime, lui vantant les charmes de sa demeure, la sécurité de la rencontre.

D’autres fois, la provocatrice s’assied devant chaquepoteau. Eccli., xxvi, 15. Elle se construit un gdb, unlieu élevé et visible, oî-nr^a icopvikov, lupanar, elle se fait un rdmâh, un tertre, ’&x8eij.a, prostibulum ; il y en a un à chaque carrefour, et là se multiplient les prostitutions. Ezech., xvi, 24, 25. Non contente d’attendre"769

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-et de provoquer, la. courtisane chante et s’accompagne -d’instruments pour attirer l’attention. Eccli., ix, 4. lsaïe, xxiii, 16, parle de la chanson de la courtisane.

Elle a des paroles doucereuses, comme le miel et J’huile, Prov., v, 3 ; vi, 24, la démarche agitée, Prov., vu » 11, 12, un visage effronté, Prov., vii, 11, 13 ; Jer., iii, -3, une mise qui la fait reconnaître. Prov., vii, 10. Il lui faut son salaire, Ezech, , xvi, 33, son pain et son eau, sa laine et son liii, son huile et sa boisson. Ose., H, 5 ; cf. IX, 1 ; Mich., i, 7. Pour elle, on se réduit à un morceau de pain, Prov., vi, 26 ; on dissipe son bien. Prov., xxix, 3. -Cependant ce salaire était souvent mesquin. Joël, iii, 3, dit que les ennemis d’Israël -donnaient un enfant pour le salaire d’une courtisane, c’est-à-dire le vendaient à vil prix. L’auteur de Job, xxxvi, 14, ajoute un trait au tableau, en disant que les pécheurs endurcis meurent dans leur jeunesse et voient leur vie se flétrir comme celle des qedêsîm, effeminati, les hommes qui font métier d’impudicité. Les Septante traduisent ici à tort le mot hébreu par - « anges ».

V. En Babylonie. — 1° Toutes les monstruosités que comportaient le culte d’Astarthé en Chanaan se retrouvent en Babylonie dans le culte d’Istar. Les temples babyloniens ont leurs courtisanes sacrées, leurs qadistu ou hiérodules, leurs istaritu ou « consacrées à Istar », leurs harimtu ou prostituées. Héro--dote, i, 199, exagère probablement quand il prétend que toute femme était obligée de s’offrir une fois dans sa vie au temple de la déesse. Cf. Strabon, viii, 378 ; xii, 559 ; Maspero, Histoire ancienne, t. i, p. 639, 640 ; 676. Mais tous les temples babyloniens avaient leurs bandes d’hommes et de femmes qui abusaient et laissaient abuser d’eux-mêmes. Érech était comme la capitale de la prostitution en ce pays. Voir Arach, t. i, col. 868. Une inscription cunéiforme caractérise ainsi cette ville : « Érech, la demeure d’Anou et d’Istar, la ville des filles, des courtisanes et des prostituées, auxquelles Istar vend et livre l’homme ; …eunuques… dont Istar, pour effrayer les gens, a changé la virilité en hermaphroditisme, porteurs d’épées, de rasoirs, de stilets et de silex… » Cf. Jensen, Mythe d’Iura, col. ii, 9. 5-12, dans la Keilinschriftliche Bibliothek de Schrader, t. vi, p. 62. Ces instruments servaient aux incisions et aux mutilations que s’imposaient les serviteurs de la déesse. Voir Eunuque, t. ir, col. 2044 ; Incisions, t. iii, col. 869. La prostitution babylonienne, partie intégrante du culte des idoles, est signalée par Jérémie dans sa lettre aux captifs israélites. Bar., vi, 42-44. Hérodote, I, 199, mentionne la couronne que portaient les prostituées. La farine qu’elles brûlent rappelle le kavvân, gâteau offert aux Astarfhés, Jer., vii, 18 ; xliv, 19, et sert d’encens à la déesse. La prostitution ne se confinait pas dans les enceintes sacrées ; aucun frein n’arrêtait son débordement. Quand les Perses occupèrent le pays, ils ne tentèrent vraisemblablement pas, malgré la pureté relative de leur culte, d’opposer une digue à’l’immoralité de la race conquise. D’ailleurs la faveur avec laquelle ils considéraient, à l’exemple des Égyptiens, les unions les plus incestueuses, (cf. Darmstetier, Le Zend-Avesta, Paris, 1892, t. i, p. 126-134), les disposait peu à corriger l’immoralité des autres.

2° Quand Sargon eut déporté en Assyrie les habitants de Samarie, il envoya pour les remplacer des colons’tirés de Babylone, de Cutha, d’Avah, d’Émath et de Sépharyaïm. Ces colons établirent leurs divinités particulières dans les anciens hauts-lieux des Samaritains. « Les gens de Babylone firent Sochoth-Benolh (sukkôt benùf), ceux de Cutha firent Nergal, ceux d’Émath firent Asima, etc. » IV Reg., xvil, 30. Les mots sukkôt benôf, à s’en tenir à la transcription massoréiique, signifient « tentes des filles ». De ces simples mots -ainsi compris, on a tiré cette conclusion qu’il existait


chez les Israélites une fête, que les colons de Babylone auraient adoptée, et dans laquelle les filles se tenaient sous des tentes pour des prostitutions sacrées. Cf. J. Soury, Revue des deux mondes, avril 1876, p. 599-600. Mais il est de toute évidence que, dans le texte des Rois, l’éuumération ne comprend que des noms de divinités. Il faut donc que Sukkôt Benôt ait un sens analogue à celui des autres noms. Déjà Gesenius, Thésaurus, p. 952, se rendant compte que le sens obvie n’était pas le véritable, proposait de. lire sukkôt banôt, ’< tentes sur les hauteurs ». Mais on reconnaît aujourd’hui qu’il y a ici un nom de divinité assyrienne. Cf. Buhl, Gesenius’Handwôrterb., p. 566. Sukkôfbenot serait une transcription hébraïque, peut-être altérée à dessein, du nom de la déesse assyrienne appelée Zirbanit, Zarpanit ou Sarpanit, « celle qui donne la postérité », la même qui est appelée Mylitta par Hérodote, i, 131, 199. Cf. Halévy, dans la Revue critique, 19 déc. 1881, p. 483, note ; Vigoureux, La Bible et les découvertes modernes, t. iii, p. 575-577 ; t. iv, p. 509511. Toutefois l’hébreu rroD, que les versions traduisent ordinairement par « tentes », est dans Amos, v,

26, le nom d’une divinité assyro-babylonienne, Sakkut, qu’on a trouvé joint au nom d’une autre divinité, Kaïvan, dans une incantation. Cf. Revue biblique, 1901, p. 358. Ce sont deux divinités sidérales. Il es’t fort probable que le Sakkut nommé dans Amos est aussi le dieu qu’honoraient les Babyloniens de Samarie. En toute hypothèse, il ne peut être question de « tentes de filles » érigées en vue de prostitutions sacrées, à l’exemple de ce qui se serait fait dans le pays. Les textes ne permettent pas cette interprétation, et il est incontestable qu’en Palestine la prostitution ne fut jamais qu’au service des cultes idolâtriques.

VI. Prostitution et idolâtrie. — 1° La Sagesse, xiv, 23-27, déclare que « le culte des viles idoles est le principe, la cause et la fin de tout mal » ; et parmi les manifestations du mal, elle signale les mystères clandestins, les débauches effrénées de rites étranges, l’impudeur dans la vie et dans les mariages, les crimes contre nature. Saint Paul constate aussi que les prétendus sages du paganisme, pour avoir substitué l’adoration de la créature à celle du Créateur, ont été livrés à l’impureté et en sont arrivés à << déshonorer entre eux leurs propres corps. » Rom., i, 24, — 2° Mais la relation de cause à effet entre l’idolâtrie et la prostitution n’est pas a seue qui existe. Les awtewïs sacrés v. ajoutent une relation de similitude. Par vocation, en effet, la nation israélite appartient à Jéhovah ; quand elle se détourne de lui pour se livrer aux faux dieux, elle se rend donc coupable de fornication, voir Fornication, t. ii, col. 2316, et de prostitution. Ainsi Moïse défend aux Israélites d’entrer en contact avec les Chananéens, de peur qu’ils n’en viennent à se prostituer à leurs dieux. Exod., xxxiv, 15, 16. Dans le Pentateuque et les plus anciens livres, le culte des idoles et des faux dieux est habituellement appelé une prostitution. Lev., xvii, 7 ; xx, 5, 6 ; Deut., xxxi, 16 ; Jud., ii, 17 ; vjii, 33, etc. Plus tard, toute la prophétie d’Osée roule sur l’idée de l’idolâtrie d’Israël représentée sous la forme d’une prostitution. « Va, prends une femme de prostitution et des enfants de prostitution, carie pays ne fait que se prostituer en abandonnant Jéhovah. » Ose., i, 2 ; cf. ii, 2, 5 ; iv, 12-14 ; v, 3 ; vi, 10 ; îx, 1, 10. Jérémie emploie la même image pour décrire l’idolâtrie de Juda, et celle d’Israël. Jer., iii, 1-8. Ézécbiel, xvi, 17 ; xxiii, 30, se sert d’expressions identiques. — 3° Les auteurs sacrés qualifient aussi de prostitution les relations du peuple de Dieu avec les nations idolâtres dSns l’appui desquelles il met sa confiance. Israël s’est prostitué aux nations. Ose., viii, 9. Jérusalem surtout s’est prostituée à l’Egypte et à l’Assyrie. Eiech., xvi. 25-34 ; xxiii, , 8,

27, 30. — 4° Enfin la conduite même de certaines na V. - 25

tions idolâtres est assimilée à la prostitution. Ainsi Tyr se prostitue à toutes les nations de la terre. Is., xxiii, 17. Ninive est châtiée « à cause du grand nombre de prostitutions, de la prostituée pleine d’attraits, de l’habile magicienne, qui vendait les nations par ses prostitutions et les peuples par ses enchantements. » Nah., iii, 4.

VII. Dans le monde gréco-romain. — De la Syrie et de la Phénicie, l’usage de la prostitution avait aisément passé en Asie-Mineure, en Grèce et en Italie. Dans l'île de Chypre régnait une immoralité analogue à celle de la Babylonie. Cf. Hérodote, i, 199. En Phrygie et en Bithynie, le culte de Cybèle comportait l’orgie et la prostitution. La Cappadoce et le Pont honoraient Ma, confondue avec Artémis par les Grecs. La déesse avait à Gomana un temple qui abritait six mille hiérodules, hommes et femmes. Analtis en comptait autant à Sarus, et Zeus trois mille à "Venasa. Cf. Dbllinger, Paganisme et Judaïsme, t. ii, p. 169-173. En pays grec, les prostitutions sacrées n'étaient point en usage, si ce n’est peut-être à Corinthe et à Éryx, en Sicile. Cf. Justin, xviii, 5 ; Strabon, vi, 2 ; Lagrange, Études sur les religions sémitiques, p. 445. Voir Corinthe, t. ii, col. 975. Mais l’impudicité trouvait des excitations permanentes dans les exemples des dieux, dans les fêtes célébrées en leur honneur et dans les mille facilités qu’une vie voluptueuse pouvait se ménager dans le monde antique et sous des climats qui la favorisaient. Cf. Dbllinger, Paganisme et Judaïsme, t. iii, p. 265272 ; de Champagny, Les Césars, Paris, 1876, t. iii, p. 303-306. À Rome, la prostitution avait pris, sous les premiers empereurs, un tel développement, que les courtisanes seules étaient considérées ; pour attirer l’attention, les plus nobles matrones en venaient à se faire courtisanes, au point que Tibère même se crut ohligé de réprimer ce honteux désordre. Cf. Suétone., Tib., 35 ; Tacite, Annal., Il, 85 ; xiv, 16 ; xv, 37, etc. Des courtisanes syriennes, du plus bas étage, se rendaient dans la capitale, où on les connaissait sous le nom A’ambubaiæ, « joueuses de flûte, » parce qu’elles attiraient l’attention à l’aide de cet instrument. Cf. Horace, Sat., 1, 2, 1 ; Suétone, Ner., 27 ; Pétrone, Sat., lxxvi, 13. — La Palestine ne fut pas à l’abri de la contagion. Le progrès de la prostitution y suivit l’introduction des mœurs grecques, mais en prenant les formes de la corruption asiatique. Par l’ordre d’Antiochus Épiphane, « le Temple fut rempli d’orgies et de débauches par des Gentils dissolus et des courtisanes, des hommes ayant commerce avec des femmes dans les saints parvis. » II Mach., vi, 4. Dans un autre passage, II Mach., iv, 12, il est dit, d’après la Vulgate, que Jason établit un gymnase et exposa les jeunes gens dans les lieux infâmes, in lupanaribus. Il y a dans le texte grec : iith Kirxaoi ^-jev, « il les mena sous le chapeau », c’est-à-dire il les conduisit aux exercices de la palestre pour lesquels on se coiffait du néTano ; , chapeau à larges bords. Voir t. ii, col. 829.

VIII. À l'époque évangélique. — 1° Il est plusieurs fois question de prostituées dans l'Évangile. C’est avec elles que le fils prodigue dissipa son bien. Luc, xv, 30. La femme qui se présenta chez Simon le pharisien, et qui était Marie-Madeleine, est qualifiée de « pécheresse dans la ville », àuapTWÀô ; , peccatrix. Luc, vil, 37, 39. Ce terme adouci désigne une femme de mœurs légères. Les Juifs talmudistes ont bâti tout un roman sur son compte, pour diffamer, à son occasion, la mère du Sauveur. Voir t. IV, col. 808, 810. Les courtisanes, Ttôpvoti, meretrices, ne sont pourtant pas exclues du royaume dé Dieu, si elles font pénitence. Il en est qui ont cru à la prédication de Jean.-Baptiste et ont fait pénitence. Elles précèdent, irpoctyoucrt, les prêtres et les anciens dans le royaume de Dieu, c’est-à-dire qu’elles y entrent plus rapidement et plus sûrement que les

orgueilleux du sanhédrin. Mattb., xxi, 31, 32. Le Sauveur en donne l’assurance à Marie-Madeleine, Luc, vn T 50, qui comptait probablement parmi celles qui avaient entendu les exhortations du précurseur. — Dans une discussion avec les Juifs, Notre-Seigneur leur reproche de ne pas faire les œuvres d’Abraham, dont ils se prétendent les fils, mais de faire les œuvres d’un autre père, c’est-à-dire de montrer par leur conduite qu’ils descendent d’un autre père, le diable. Ils lui répondent : « Nous ne sommes pas nés de la prostitution, èx itopvet’ac, ex fomicatione ; nous n’avons qu’un père, qui est Dieu. » Joa., viii, 41. Ils abandonnent la paternité d’Abraham pour remonter plus haut. Mais ils ont compris l’allusion et ont été piqués au vif.

2° Au cours de leurs prédications évangéliques, les Apôtres eurent à réprimer la prostitution, qu’ils rencontrèrent à chaque pas sur leur chemin. Par leur décret de Jérusalem, ils proscrivent rigoureusement ce qu’ils appellent iîopv£Lct, fornicatio. Act., xv, 20, 29 ; xxi, 25. Le mot grec désigne toute liaison en dehors du mariage, non seulement quand elle est passagère, mais encore et surtout quand le vice devient une profession comme dans la prostitution. On sait que, pour les païens, c'était là une chose qui parfois revêtait un caractère religieux et qui, en tous cas, demeurait indifférente et licite. Cf. Térence, Adelph., i, 2, 21 ; Cicéron, Pro Cœlio, 20 ; Horace, Sat., i, 2, 31, etc. Quelques auteurs pensent que le mot rcopves’a désigne les unions contractées dans des conditions de consanguinité ou d’affinité prohibées par le Lévitique, xviii, 718. Ces unions sont indiquées par l’expression gallôt 'érvdh, « découvrir la nudité », qui se retrouve Sanhédrin, 56 b, pour formuler un précepte noachite, antérieur au Lévitique. Il est difficile d’admettre que les Apôtres n’aient eu en vue que des unions prohibées par une législation dont les Gentils ne pouvaient avoir connaissance. Ils doivent donc viser bien plutôt la fornication en général, telle que les idolâtres la pratiquaient sans grand scrupule. Cf. Knabenbauer, Acius Apost., Paris, 1899, p. 266-267 ; Coppieters, Le décret des Apôtres, dans la Revue biblique, 1907, p. 48. Pour la simple prohibition de certains mariages, cf. Corne ! y, Prior Epist. ad Cor., Paris, 1890, p. 119-121 ; Prat, La théologie de saint Paul, Paris, 1908, p. 76. — Aux Corinthiens, qui ont sous les yeux de si déplorables exemples, saint Paul rappelle que les membres du. chrétien sont les membres du Christ, que son corpsest le temple du Saint-Esprit, et qu’il y aurait crime et honte à faire de ces membres ceux d’une prostituée, , et de ce corps un même corps avec le sien. I Cor., vi, 1519. Seront d’ailleurs exclus du royaume de Dieu r entre autres criminels, r.ôpvot, fornicarii, les fornicateurs ; [(.otyoi, adulteri, les adultères ; podaxof, molles, les mous, les efféminés qui servent à la débauche d’instruments passifs ; àpjrevoxoîxat, masculorum concubitores, ceux qui se livrent au vice contre nature châtié àSodome ; El8w7.o), aTpa ! , idolis servientes, ceux qui rendent un culte aux idoles, particulièrement sous forme de prostitution sacrée, telle qu’on la pratiquait dans le temple d’Aphrodite à Corinthe. I Cor., vi, 9 f 10. Tous les excès qu’entraîne la prostitution sont ainsi stigmatisés. Mais les séductions du mal étaient terribles dans cette ville de Corinthe. De malheureux chrétiens se laissaient entraîner. En leur écrivant un& seconde fois, l’Apôtre craint d’avoir à pleurer sur ceux qui n’ont pas fait pénitence après avoir succombé à l’ix « 6apcjîa, immunditia, l’impureté en général, la itopvet’a, fornicatio, la prostitution, et râcj£), yeta, impudicitia, la dissolution des mœurs dans ce qu’elle a d& plus grossier. II Cor., xii, 21. Aux Thessaloniciens, dont la ville était un lieu de plaisir et de dépravation, cf. Lucien, Asin., 46, saint Paul rappelle l’obligation, de fuir la prostitution et ses conséquences. 1 Thess., IV, 773 PROSTITUTION — PROVENÇALES (VERSIONS) DE LA BIBLE 774

3. À Timothée, évêque de cette ville d’Éphèse dans laquelle le culte de Diane attirait les courtisanes et les débauchés, il ordonne de condamner, au nom de l’Évangile, les icôpvot et les àpusvoxoîtai, ceux qui vivent dans la prostitution et les vices contre nature.

I Tim., i, 10. Aux Éphésiens eux-mêmes, il recommande de ne plus se conduire comme les païens, qui, « ayant perdu tout sens, se sont livrés aux désordres, à toute espèce d’impureté, avec une ardeur insatiable. » Eph., IV, 17-19. Cf. I Pet., iv, 3.

3° Enfin, dans l’Apocalypse, ii, 14, 20-21, saint Jean signale la prostitution à Pergame et à Thyatire. Il décrit la ruine de la cité du mal, de Babylone, tîjç ttipvf, ? ttjç y.i~(irj< ; , meretricis magna, « la grande prostituée, qui a abreuvé les nations du vin de sa furieuse impudicité. » Apoc, xiv, 8 ; xvii, 1, 2, 4 ; xvin, 3, 9 ; six, 2. Il annonce le châtiment qui est réservé aux impudiques, la seconde mort. Apoc, xxi, 8.

II exclut à jamais de la cité bienheureuse les chiens et les débauchés, en compagnie des idolâtres, par conséquent tous ceux qui vivent dans les hontes de la prostitution et des vices qu’abritent les temples des faux

dieux. Apoc, xxii, 15.
H. Lesêtre.
    1. PROTÉVANGILE##

PROTÉVANGILE (premier évangile), nom donné 1° à la première prophétie messianique, Gen., ’m, 15, annonçant que le Sauveur futur, de la race de la femme, écrasera la tête du serpent tentateur (voir Marie 2, t. IV, col. 778) ; 2° à un Évangile primitif supposé par divers critiques pour rendre compte des ressemblances des Évangiles synoptiques (voir Évangiles, t. iii, col. 2094) ; 3° à un Évangile apocryphe dit de saint Jacques. Voir Évangiles apocryphes, t. ii, col. 2115.

    1. PROTOCANONIQUES##

PROTOCANONIQUES (LIVRES), livres de l’Écriture dont l’autorité n’a été l’objet d’aucune contestation. Voir Canon, t. ii, col. 137.

    1. PROUE##

PROUE (grec : itptipa ; Vulgate : prora), avant d’un navire. Voir Navire, t. iv, col. 1513. Quand le navire qui portait saint Paul fut poussé par la tempête vers Ftle de Malte, les marins, craignant d’être portés sur les récifs au milieu de la nuit, jetèrent quatre ancres de la poupe, afin d’arrêter la marche du navire. Puis, pour échapper eux-mêmes au danger, ils mirent une chaloupe à flot du côté de la proue, sous prétexte d’y jeter une autre ancre. C’est de ce côté, en effet, qu’ils comptaient trouver un rivage. Quand le jour fut venu, on coupa les amarres des ancres et on échoua le navire sur une plage. La proue s’enfonça dans le sable et y resta fixée, tandis que la poupe se disloquait sous la violence des vagues. Act., xxvii, 29, 30, 41. C’est à la proue qu’on sculptait les figures symboliques qui servaient d’enseigne au navire. Voir Castors, t. ii,

col. 342.
H. Lesêtre.
    1. PROVENÇALES##

PROVENÇALES (VERSIONS) DE LA BIBLE.

Leur histoire n’est connue exactement que depuis peu de temps seulement. Leurs manuscrits ont été longtemps confondus avec ceux des traductions bibliques faites dans le dialecte des vallées vaudoises. Cf. Richard Simon, Nouvelles observations sur le texte et les versions du Nouveau Testament, IIe partie, c. ii, in-4°, Paris, 1695, p. 141-142 ; J. Le Long, Bibliotheca sacra, in-f », Paris, 1723, t. i, p. 368-369. Ed. Reuss a distingué le premier les versions albigeoises ou cathares en provençal des traductions vaudoises. Fragmentslitléraires et critiques relatifs à l’histoire de la Bible française, dans la Revue de théologie de Strasbourg, 1852, t. v, p. 321-349 ; 1853, t. vi, p. 65-96. Depuis lors, on a découvert et étudié des manuscrits nouveaux ; on a confronté les textes, et de cette compa raison Samuel Berger et Paul Meyer ont tiré des conclusions scientifiques, que nous exposerons brièvement.

1° La plus ancienne traduction provençale a été retrouvée dans un manuscrit unique du xite siècle, conservé à Londres au British Muséum, Harleian 2928, fol. 187 v ». Il comprend cinq chapitres de l’Évangile de saint Jean, xiii, 1-xvii, 26, dont le texte provençal est précédé de cette rubrique latine : Incipit sermoDomini nostri Jhesu Christi quem fecit in cena sua quandu pedes lavit discipulissuis. Il a été copié à Limoges, peut-être à l’abbaye Saint-Martial. Le texte est un morceau liturgique et on n’a pas de raison de penser qu’il ait fait partie d’une version plus étendue. Il est de la même époque que le manuscrit, par conséquent du xiie siècle. Il a été publié par Fr. Michel, par C. Hofmann, Gelehrte Anzeigen der kônigl. bayer. Akademie der Wissenschaften, juillet 1858, par Paul Meyer, Recueil d’anciens textes bas-latins, provençaux etfrançais, Paris, 1874, t. i, p. 32-39, etparK. Bartsch, Chrestomathie provençale, 4e édit., Elberfeld, 1880, col. 9-18.

2° Environ cent ans plus tard, au xme siècle, on fit une version provençale de tout le Nouveau Testament. Elle existe dans un seul manuscrit d’une écriture méridionale paraissant de la fin du xme siècle (1250-1280), à la bibliothèque du Palais des arts à Lyon, n » 36. Il a été apporté de Nimes à Lyon en 1815, et donné à la ville de Lyon par J.-J. Trélis. Le texte présente deux lacunes notables, provenant de la perte de quelques feuillets : les passages, Luc, xxi, 38-xxiil, 13 ; Rom., vii, 8 6-Vm, 28, manquent. La version provençale est suivie d’un rituel qu’Edouard Cunitz a reconnu le premier pour le rituel cathare ou albigeois, contenant la liturgie du consolament : Ein katharisches Ritual, dans les Beitrâge fur den theol. Wissenschaften, Iéna, 1852, t. iv, p. 1-88. Il a été réédité par M. Léon Clédat avec le Nouveau Testament, in-8°, Paris, 1888 (le texte en a été transcrit en caractères ordinaires et traduit en français dans l’Introduction, p. ix-xxvi), et spécialement : Vieux provençal. I. Rituel provençal, manuscrit 36 de la bibliothèque municipale du palait Saint-Pierre, à Lyon, in-8°, Lyon, 1890. Les citations du Nouveau Testament de ce rituel appartiennent à la version provençale, dont le texte précède, quoiqu’elles n’en-soient pas extraites textuellement. Ed. Reuss, loc. cit., avait péremptoirement démontré, par la comparaison avec les textes vaudois, que cette version n’avait rien de vaudois, et qu’elle avait été la traduction officielle des cathares ou albigeois. Samuel Berger, Les Bibles provençales et vaudoises, dans la Romania, Paris, 1889, t. xviii, p. 354 sq., a constaté que la version provençale du manuscrit de Lyon avait été faite sur un texte latin de la Vulgate tout à fait caractéristique et usité dans le Languedoc pendant la première moitié d"u xme siècle. Cf. son Histoire de la Vulgate pendant les premiers siècles du moyen âge, Paris, 1893, p. 7282. Elle y correspond de tous points pour le fond (aussi bien que les corrections marginales) et lui ressemble même dans ses formes extérieures, et en particulier pour la division en chapitres. Bien plus, comme un certain nombre de passages, tant du début de la plupart des livres que de quelques endroits du texte, sont restés en lalin sans traduction, il faut en conclure que le copiste transcrivait la version provençale interlinéaire d’un manuscrit latin glosé. Non seulement il a copié parfois, par inadvertance sans doute, le texte latin, mais l’ordre dès mots vulgaires est presque exactement celui du texte original. Cette copie semble avoir été prise directement sur le manuscrit latin glosé, car, si elle n’est pas un manuscrit d’auteur, elle n’est pas très éloignée du manuscrit de l’auteur. M. Paul Meyer, dans la Romania, loc. cit.,

p. 423-426, par une étude comparée de la langue de cette version, a déterminé la région à laquelle appartenaient l’auteur et ! e copiste du manuscrit. Toutes les particularités linguistiques se retrouvent à l’époque indiquée, dans les documents qui proviennent du pays correspondant au département actuel de l’Aude et même, pour plus de précision, à la partie orientale de ce département. Des fac-similés du manuscrit ont été reproduits par W. S. Gilly, The romaunt Version of the Gospel according to St. John, Londres, 1848, p. lvii ; par Reuss, loc. cil. ; dans le Recueil des fac-similés à l’usage de l’École des chartes, pi. 129. "W.Foerster a édité l’Évangile selon saint Jean, dans la Revue des langues romanes, 2e série, 1878, t. v, p. 105 sq. M. Léon Çlédat a publié une reproduction photolithographique du manuscrit entier : Le Nouveau Testament traduit au xiii* siècle en langue provençale, dans la Bibliothèque de la faculté des lettres de Lyon, Paris, 1888, t. iv. Cette version provençale a exercé, nous le verrons, une grande influence, directement ou par ses dérivés, sur les versions vaudoises, catalanes et italiennes du NouveauTestament. 3° Un autre état de cette traduction provençale du Nouveau Testament a été conservé dans le manuscrit français 2425 qui provient de Peiresc. Il est malheureusement mutilé en plusieurs endroits, et l’Évangile de saint Matthieu est perdu tout entier. L’écriture est de la première moitié du xive siècle. D’autre part, le texte lui-même est abrégé. Il a été écourté soit pour éviter des répétitions, soit par recherche de la brièveté. Au lieu de donner la traduction complète du texte, l’auteur n’en fait souvent qu’un résumé ; parfois Cependant, il a ajouté quelques mots de paraphrase. La version est donc plutôt libre que littérale, et en beaucoup d’endroits, elle est très négligée. D’ailleurs, la copie est souvent défectueuse. Or, elle ressemble en bien des points à celle du manuscrit de Lyon. La division en chapitres est en grande partie identique à celle de ce manuscrit. Le texte lui-même est si ressemblant que vraisemblablement on ne se trouve pas en présence de deux traductions différentes ; les contresens sont les mêmes. Les divergences se ramènent à peu près à une traduction plus littérale de quelques mots ; la diversité de l’ordre des mots et de la disposition des phrases provient de ce que la version interlinéaire du manuscrit de Lyon suit l’ordre du texte latin, tandis que celle du manuscrit de Paris à remis les phrases sur ses pieds. La communauté d’origine admise, le manuscrit de Lyon représenterait la première édition ; celui de Paris en serait le redressement, et le texte provençal primitif aurait simplement été transcrit dans un langage plus moderne et, au jugement du transcripteur, plus conforme au latin. Au sentiment de M. Paul Meyer, loc. cit., cette transcription a été faite dans le dialecte de la Provence, et plus probablement du sud ou du sud-est de cette province. Au point de vue doctrinal, cette vei-sion est neutre, comme la précédente. La copie semble avoir été faite pour l’usage d’un catholique, qui y lisait les évangiles et les épltres des dimanches et des fêtes. Un grand nombre d’index, dus à plusieurs mains et qui paraissent remonter au xv « siècle, indiquent en quelles mains ce manuscrit a passé. Ils attirent l’attention sur des textes de morale et sur des passages qui ont un rapport direct avec l’enseignement spécial des Vaudois, et ils semblent être le résumé de la prédication d’un « barde » et le témoignage de sa carrière errante et persécutée. S. Berger, ïbid., p. 365-371.

Le texte de l’Évangile de saint Jean a été publié en entier par Gilly, The romaunt Version of the Gospel according to St. John, Londres, 1848, et par J. Wollenberg, L’Évangile selon saint Jean en vieux provençal (Programme du Collège royal français de Berlin), 1868.

P. Meyer a reproduit Joa., xiii, dans Recueil d’anciens textes bas-latins, provençaux et français, Paris, 1874, t. i, p. 32-39. 1. Wollenberg avait publié déjà l’Épître aux Èphésiens, dans VArchiv fur das Studium der neueren Sprachen, 1862, t. xxxviii, p. 75 sq., et Karl Bartsch en a extrait Éph., i, 1-23, pour l’insérer dans sa Chreslomathie provençale, 4e édit., Elberfeld, 1888, col. 331-332.

Ces textes provençaux du Nouveau Testament ont exercé une influence notable sur les versions vaudoises, qui ont avec eux un grand nombre de points communs. Les divergences ne permettent pas d’ad mettre la communauté d’origine ; mais la dépendance de celles-ci relativement à ceux-là est certaine. S. Berger, loc. cit., p. 399-408. Ils ont influé aussi, comme les versions vaudoises elles-mêmes, sur la première traduction italienne des Épitres de saint Paul, des Épîtres catholiques et de l’Apocalypse. S. Berger, La Bible italienne au moyen âge, dans la Romania, 1894, t. xxiv, p. 45, 47, 50. Voir Italiennes (Versions), t. iii, col. 1020-1021. Ils ont même influé sur une Bible allemande, représentée par les manuscrits de Tepl et de Freiberg (xive siècle) et par dix-huit édilions imprimées. Son texte se rattache surtout au manuscrit de Lyon ; mais certaines de ses leçons ne se retrouvent que dans le manuscrit de Paris ou dans les versions vaudoises. Il faut en conclure que le traducteur allemand a eu sous les yeux un original intermédiaire entre les différentes versions. Voir la bibliographie du sujet, citée t. i, col. 376, et les articles de la Revue historique, janvier 1886, t. xxx, p. 167 ; septembre 1886, t. xxxii, p. 184, et 1891, t. xlv, p. 148 (les deux premiers ont été reproduits avec additions dans le Bulletin de la Société d’histoire vaudoise, n° 3, décembre 1887).

4° Une version toute nouvelle ^du Nouveau Testament a été découverte plus récemment encore dans deux manuscrits. Le premier, qui n’en contient qu’un fragment, a été trouvé par M. Mireur, archiviste du Var, dans les archives de Puget, où il servait de couverture à un registre de comptes. C’est un débris de deux feuillets, dont l’écriture est du milieu du xiv « siècle environ. Le texte reproduit est Matth., xxviii, 8-Marc, i, 32. Mais plusieurs lignes du feuillet précédent se sont imprimées à l’envers sur le suivant et ont fourni Matth., xxvi, 1-4, 17-21. M. P. Meyer a édité ce texte et l’a étudié. Fragment d’une version provençale inconnue du Nouveau, Testament, dans la Romania, t. xviii, p. 430-438. Cette version est bien plus libre d’allures que la précédente ; elle ne suit pas littéralement le texte latin, et elle vise à être claire et intelligible pour tous, parfois même en forçant un peu le sens. Tous les mots et toutes les locutions sont de bonne langue populaire, et on ne trouve pas de termes latins passés en provençal. La traduction ne paraît pas notablement plus ancienne que le manuscrit ; elle serait donc de la première moitié du xrve siècle. Les règles de l’ancienne déclinaison sont tombées en désuétude, et elles ne semblent pas être des corrections du copiste. La langue appartient à la partie méridionale de la Provence, en sorte que la version est du même pays que le manuscrit qui la contient.

Samuel Berger a étudié plus tard un manuscrit nouveau, qui reproduit la plus grande partie des Évangiles, à la suite d’un « livre de Genèse », dont il sera parlé plus loin. C’est le manuscrit français 6261 de la Bibliothèque nationale de Paris. Écrit au xve siècle, il a appartenu à Jean de Chastel, évoque de Carcassonne († 1475), et au célèbre Tristan l’Ermite. Chaque Évangile est précédé de son argument, La division en paragraphes, à peu près semblable à celle des manuscrits de la version précédente, semble indiquer que la traduction est antérieure, sinon au milieu, du moins à la fin du xiue siècle. Le texte latin, sur lequel elle a été

faite, n’a presque rien du texte languedocien ; c’est, à peu de chose près, celui qui a été en usage dans toute la France depuis le ix « siècle jusqu’au milieu du XIIIe. La version est libre, souvent abrégée, parfois paraphrasée ou accompagnée de gloses. Elle est, à certains endroits, la même que celle du fragment du Puget. L’origine commune, au moins partielle, des deux textes est évidente. Le fragment est plus ancien et plus rapproché, à certains égards, de l’original. Cette traduction a certainement été en partie l’original de la plus ancienne des versions catalanes des Évangiles, qui se trouve dans le manuscrit de Peiresc, Bibliothèque nationale, fonds espagnol, 2-4, du xv « siècle. Voir t. ii, col. 346. Il y a ressemblance en certains passages, et identité en beaucoup d’autres. Certains indices pourraient faire croire que cette version provençale est d’origine cathare. Elle parle des « bons hommes » et des « parfaits ». Moins littérale que la précédente, elle est bien supérieure au point de vue du goût, et elle est faite pour le peuple. Certains contresens, dont quelques-uns sont peut-être le fait des copistes, nous apprennent comment l’auteur entendait l’original. Le texte n’en a pas encore été publié. S. Berger, Nouvelles recherches sur les Bibles provençales et catalanes, dans la Romania, 1890, t. xix, p. 535-548. La traduction toscane des Évangiles, du xiip siècle, a été faite, à certains endroits, sons l’influence d’un te-tte pïoveuçal, parent de celui qui avait été traduit en catalan, mais plus ancien et plus rapproché de la source commune de tous les textes provençaux. S. Berger, La Bible italienne au moyen âge, dans la Romania, 1894, t. xxiii, p. 30-32.

5° Le « livre de Genèse », que contient le manuscrit 6261, est un extrait de la Bible et des apocryphes, qui complète l’histoire sainte par des légendes évangéliques. Il paraît être du xiv a siècle. Il est conservé aussi dans le manuscrit de la Bibliothèque de SainteGeneviève à Paris, Af 4, fol. 79, du xiv 8 siècle. M. Bartsch. l’a reproduit, Chrestomathie provençale, ¥ édit., Elberfeld, 1880, col. 393-398. Ce livre a été traduit en catalan. La version catalane, conservée dans les manuscrits : Bibliothèque nationale de Paris, esp. 46, du xv ! siècle ; Barcelone, daté de 1451, a été publiée par M, V. Amer, Genesi de Scripturn, Barcelone, 1873. Le même livre a été traduit en béarnais. V. Lespey et P.Raymond, Récits aVhist. sainte, 2 vol., Pau, 1876, 1877.

6° Les livres historiques de l’Ancien Testament ont enfin été traduits en provençal au xve siècle. Le texte en a été conservé dans un seul manuscrit du xv" siècle, à la Bibliothèque nationale de Paris, fonds français 2426. Aux feuillets 152 et 366, il y a une signature qui pourrait bien être celle du copiste et qu’on peut lire « Johannes Convel » ou « Conveli ». Quelques parties en ont été éditées par M. J. Wollenberg, dans VArchiv fur das Studium der neueren Sprachen, à savoir : l’histoire de Susanne. 1860, t. xxviii, p. 85-88 ; Eslher, 1861, t. xxx, p. 159-169 ; Tobie, 1862, t. xxxii, p. 337-352. Elle a été pour une partie traduite littéralement sur une Bible historiale française, dont il existe trois manuscrits plus ou moins complets : Bibliothèque de l’Arsenal à Paris, manuscrit 5211, du milieudu XIIIe siècle ; Bibliothèque nationale, nouvellesacquisitionsfrançaises, 1404, de la seconde moitié du xm 8 siècle ; fonds français 6447, copié entre le xme et le xiv « siècle. Voir t. ir, col. 2353-2354. Cette version a les caractères de son original français, qui est une compilation et une œuvre mêlée due à plusieurs traducteurs. S. Berger, Nouvelles recherches, etc., p. 548-557. Elle a été faite peutêtre pour servir de complément au Nouveau Testament provençal.

La littérature provençale n’a jamais produit une BiWe complète. "E. SUè^gïkot.

PROVERBES < LIVRE DES), un des livres sapientiaux de l’Ancien Testament.

I. Titres du livre. — Ce livre a pour titre dans la Bible hébraïque les premiers mots du texte Mislê Se.lômôh. Dans le Talmud et dans certains ouvrages juifs plus récents, il est assez souvent désigné par le seul mot Mislê ; dans le Talmud également on le trouve aussi mentionné sous le titre de séfér hokmdh, « livre de la sagesse », Tosephot in Baba balhra, 14. — Dans les Septante il est intitulé llapoifu’at ou ITapoiiuai Sa>w(x.iovToç. — La Vulgate, au titre, de Liber Provsrbiorum, ajoute : gueni Hebræi Misle appellant. — L’antiquité chrétienne indique assez souvent les citations empruntées à ce livre par ces seuls mots : Salamon a dit ; cependant on le rencontre encore désigné, explicitement ou implicitement par le terme de Eoift’i ou Soçfot Sa)>ù)|j.MVToç, Sapientia Salomonis, S. Justin, Adv. Tryph., 129, t. vi, col. 771 ; Méliton de Sardes, cité dans Eusèbe, H. E., iv, 26, t. xx, col. 397 ; Clément d’Alexandrie, Psedag., ii, 2, t. viii, col. 421 ; Origène, In Gen., hom. xiv, t. xii, col. 237 ; S. Cyprien, l’estim. adv. Jud., iii, 56, t. iv, col. 761 ; r| mxvâpsToc ao ?U, S. Clément, 1 Cor., lvii, 3, édit. Gebhart et Harnack, 1876, p. 94. Eusèbe nous apprend que cette épithète était en usage parmi les auteurs ecclésiastiques du IIe siècle, H. E., iv, 36, t. xx, col. 397. — Dans la liturgie, l'Église le désigne, ainsi que les autres livres sapientiaux, sous le titre général de « Livre de la Sagesse ».

H. Pla.ce du livre dans la. Bible. — Le livre des Proverbes, dans la Bible hébraïque, fait partie des Hagiographes, et, par suite, il se trouve placé après la Loi et les Prophètes, le plus ordinairement à la suite des Psaumes et de Job ; dans la Vulgate comme dans les Septante, il est placé à la suite de Job et des Psaumes.

III. Canonicité du livre. — Le livre des Proverbes fait partie des protocanoniques ; il a toujours été considéré comme livre canonique par les Juifs et par l'Église chrétienne. Dans les écrits du Nouveau Testament, les passages de ce livre qui y sont cités sont rapportés avec les formules ordinairement employées pour les citations scripturaires. Dans l'Épitre aux Romains, xii, 19-20, une citation des Proverbes, xxv, 21-22, est jointe à une autre du Deutéronome, xxxii, 25, et toutes les deux sont introduites avec la formule « car il est écrit ». Voir aussi II Cor., vjii, 21, et Prov., iii, 4 ; Heb., xii, 5-6, et Prov., iii, 1112 ; Jac, iv, 6 ; I Pet. v, 5, et Prov., iii, 34 ; I Pet., iv, 18, et Prov., xi, 21. Cf. II Cor., ix, 7, et Prov., xxii, 8 (Septante) ; Héb., xii, 13, et Prov., iv, 26 (Septante). Quelques anciens rabbins juifs soulevèrent des difficultés relativement à la canonicité des Proverbes, mais ils visaient l’usage public du livre et non pas son autorité religieuse. Elles consistèrent principalement dans les contradictions que l’on pensait trouver entre ces deux passages, xxvi, 4, et xxvi, 5, ainsi que dans les descriptions de vii, 7-20, jugées inconvenantes comme trop réalistes et trop suggestives ; cette question fut encore soulevée au synode de Jamnia (vers 100 après J.-C). Une distinction mit fin à la première difficulté en rapportant xxvi, 4, aux choses de la terre et xxvi, 5, aux choses religieuses. Quant aux descriptions du chap. vii, elles furent interprétées d’une manière allégorique. Après cette date, aucun doute n’est plus signalé sur ce livre dans le milieu juif. — Parmi les chrétiens, le second concile général de Constantinople (553), Labbe, Conc, t. v, col. 451, condamna la doctrine de Théodore de Mopsueste qui reconnaissait, il est vrai, que Salomon était l’auteur de ce livre, fait en vue de l’utilité d’aulrui, mais prétendait qu’il l’avait composé de lui-même, parce que pour ce travail il n’avait pas été favorisé, disait-il, des dons de prophétie. — Dans les temps modernes, cette attaque fut reprise par le juif B. Spinoza. Tractatus theologico

polit., ii, et par, 1. le Clerc, Sentiments de quelques théologiens de Hollande sur l’histoire critique du V. Testament. Lettre 12, Amsterdam, 1685, qui ne pouvaient comprendre que « le Saint-Esprit eût inspiré des choses aussi simples que celles qu’on rencontre en plusieurs passages de ce livre et que des paysans sans instruction apprennent et connaissent sans le secours d’aucune révélation. » Raisonnement absolument faux, parce qu’il confond la révélation et l’inspiration et donne comme critèrede l’inspiration d’un livre son contenu, et qui, s’il était poussé logiquement, aboutirait, comme le remarquait justement R. Simon, Réponse aux sentiments de quelques théologiens de Hollande, c. xiii, Rotterdam, 1686, p. 138, à la négation de l’inspiration d’un bon nombre d’autres livres de la Bible.

IV. Le sens du mot Proverbes. — Màsâl, dont Proverbe est la traduction, vient de la racine Vtfo,

- T

qui répond à l’idée de comparaison, de similitude, d’où parabole, sentence. Kautasch, dans The sacred Books of the Uld Testant. : The Book of Proverbs, i, 6, p. Ï52, préfère, pour fixer ce sens, recourir à un rapprochement avec l’assyrien mislu, qui veut dire « moitié », confirmé par l’arabe jfJ— ao, dont la signification revient à ceci : « brisé en deux » ou « divisé par le milieu ». Pour lui, l’idée première de mâsâl ne serait donc point celle de similitude, au moins d’une façon directe, mais impliquerait immédiatement l’idée de stiques poétiques, c’est-à-dire de membres parallèles. Dans le Lexique de Brown-Driver-Briggs, le mot mâsâl est traduit ainsi : c< proverbe parabole, se dit de sentences disposées en parallélisme. » On peut dire, en général, que mâiâl signifie tout d’abord similitude, comparaison, et ensuite, similitude exprimée sous forme de parallélisme, avec diverses nuances de sens. En dehors du livre des Proverbes où il est employé 6 fois i, 1, 6 ; x, 1 ; xxv, 1 : xxvi, 7, 9, on le rencontre 33 fois dans l’Ancien Testament. Il signifie : dicton populaire, I Sam., xxiv, 14 ; Ezech., XII, 22 ; oracles prophétiques fde Balaam), Num., xxm etxxiv ; énigmes, Eiech., xxi, 5f xxiv, 3 ; chant où domine l’ironie, Is., xiv, 4 ; Mich., ii, 4 ; objet de risée, Deut., xxviii, 37 ; II Par, , vii, 20, mais on peut retrouver dans ces diverses acceptions une signification commune : celle d’une composition littéraire plus ou moins longue, en langage figuré et suivant le rythme poétique, basée sur un rapprochement ou une comparaison. Mais il y a encore une autre acception du mot màsâl qui le rapproche du mot yvm|jly) des Grecs, celle de maximes, de sentences, exprimées sous la forme poétique et ayant une portée morale, et c’est le sens qui convient à ce mot dans le livre des Proverbes.

V. Objet du livre des Proverbes. — Ce recueil est, avant tout, le livre de la Sagesse, et on a vu comment les Pères lui ont donné ce titre. Cette désignation convient excellemment au contenu de ce livre, car, dans tout son ensemble, c’est la Sagesse qu’on y entend, soit que, personnifiée, elle instruise directement ellemême, soit qu’elle communique aux hommes ses enseignements par « les sages », ses représentants.

Mais ce livre n’est point une œuvre abstraite, un recueil de considérations Ihéologiques sur la sagesse, c’est un livre pratique et l’enseignement qui y est donné, les préceptes et les leçons qu’on y trouve, présentés par la Sagesse ou en son nom, convergent tous vers un même but et donnent ainsi sa véritable unité à ce recueil de sentences : rendre meilleur l’homme qui suivra ces conseils en le rendant participant de la sagesse. L’objet du livre des Proverbes, c’est donc, ainsi que l’exprime le prologue du livre I, 1-6, l’enseignement donné par la sagesse pour rendre l’homme sage.

Qu’est-ce donc que la sagesse ? qu’est-ce qu’un sage ?

Dans la Bible, le nom de sage sert à désigner diverses catégories de personnages, mais si variées que puissent être les conditions sociales dans lesquelles ils sont placés, ou la nationalité à laquelle ils appartiennent, une idée commune se retrouve toujours dans cette appellation ; celle d’une science plus parfaite. C’est ainsi que dans l’Exode Dieu déclare avoir rempli de sagesse, d’intelligence et de savoir Béséléelet Ooliab pour qu’ils puissent exécuter ses prescriptions relativement à la construction du Tabernacle. Exod., xxxi, 3-6 ; xxxv, 31, 34. Hiram, à l’habilité de qui Salomon fait appel lors de la construction du Temple, est mentionné lui aussi comme « rempli de sagesse, d' intelligence et de savoir pour faire toutes sortes d’ouvrages d’airain. » I Reg., vu, 14. Au témoignage de Jérémie, xliv, 7, et d’Abdias, 8, les Edomites étaient réputés pour leur sagesse, et, quand il s’agira de faire ressortir l’excellence de la sagesse de Salomon, l’historien sacré dira qu’il « élait plus sage… qu'Élhan l’Ezrahite, qu’Héman, Chalcol et Dorda, les fils deMahol. » I Reg., iv, 30-31. Et la sagesse de ce prince est tout aussi bien reconnue et proclamée dans le jugement qu’il rend entre les deux mères qui viennent le consulter, I Reg., iii, 28, que lorsqu’il répond aux questions de la reine de Saba et résout ses difficultés, I Reg., x, 3 ; 6, ou qu’il prononce de nombreuses maximes. I Reg., iv, 32, 34.

Si l’on examine maintenant les diverses acceptions du mot hokmdh, ordinairement traduit par Sagesse, on verra qu’une large part y est faite au côté intellectuel et qu’il implique une science plus parfaite en celui qui possède cette sagesse. Et cette connaissance supérieure n’est point restreinte dans son objet, elle est toujours susceptible de perfection, elle comprend tout aussi bien les choses divines que les choses humaines et elle embrasse les vérités pratiques et morales tout autant que les vérités spéculatives. Si elle comprend la connaissance de la nature et des choses de la nature, elle comprend également la science de la pratique de la vie, et à ce titre elle est, a-t-on pu dire, le principe du savoir vivre comme du savoir faire dans l’homme qui la possède. Autant qu’elle se trouve en l’homme, la sagesse, dans son acception la plus vraie, consiste donc dans la science de Dieu, de l’univers et dé la vie,

Mais cette sagesse ou cette science éminente que l’on peut rencontrer dans l’homme et qui le rend supérieur à celui qui ne la possède point, ne vient pas de lui, il la reçoit de l’extérieur, et, en dernière analyse de Dieu même en qui elle réside essentiellement, mais qui peut en communiquer quelque chose aux hommes, en sorte que ceux qui la posséderont seront des bénéficiaires d’un don divin.

Si l’on se sert de ces réflexions pour apprécier les maximes que renferme le recueil des Proverbes, on peut reconnaître que ce livre constitue un manuel théorique et pratique de conduite morale, il a pour but d’amener celui qui en suit les enseignements à une science plus parfaite et au perfectionnement de sa propre vie, ce qui constituera sa véritable sagesse.

Les Pères entendaient ainsi le but et l’objet de ce livre quand, avec saint Basile, ils définissaient la sagesse de ce recueil « une science des choses divines et humaines…, non pas tant spéculatives que pratiques, de nature à conduire l’homme à la pratique de toutes les vertus et par là-même le mettre en mesure d’atteindre au bonheur parfait. » In princip. Proverb., hom. xii, 3, t. xxxi, col. 389.

A plusieurs reprises, surtout dans les premiers chapitres, ceux à qui s’adresse la Sagesse sont désignés par le nom de « fils », mais on se tromperait sur la portée de ce terme si on ne voulait y voir que l’indication d’un âge peu avancé, il désigne, avant tout ; ceux qui désirent mener une vie meilleure et ne font que

commencer. La sagesse prend à leur égard l’attitude du maître qui instruit et forme un disciple.

VI. Divisions du livre des Proverbes.— Il renferme 8 sections : — 1°, i, l-ix, 18. Une série de discours moraux qui paraissent destinés à servir d’introduction aux Proverbes proprement dits et qui ont pour titre : Parabolx Salomonis, Proverbes de Salomon, i, .1. — 2° x, 1-xxti, 16. Une grande collection de sentences portant le même titre que les maximes de la section précédente : ParaboUe Salomonis, x, 1. Ce titre manque dans les Septante. — 3° xxii, 17-xxiv, 22. Un recueil de pensées qui sont données comme « paroles des sages », xxii, 17. — 4° xxiv, 23-34. Quelques pensées également attribuées à des sages, xxiv, 23. — 5° xxv, 1-xxix, 27. Nouvelle collection’de proverbes’attribués à Salomon, mais réunis seulement au temps d’Ézéchias, xxv, 1. — 6° xxx. Recueil de maximes intitulé : Paroles d’Agur, xxxi, l. — 7° xxxi, 1-9. Quelques réflexions de la mère du roi Lamuel, xxxi, 1. — 8° xxxi, 10-31. Poème alphabétique, sans titre, contenant le portrait de la femme forte,

VII. Origine des différentes parties du livre. — Sept de ces sections portent donc le nom de personnages déterminés : Trois sont attribuées à Salomon : 1, 2, 5 ; deux le sont à des auteurs autres que Salomon et dont les noms sont indiqués : 6, 7 ; deux à des auteurs désignés seulement par le titre de « sages », 3, 4. On peut donc distinguer deux groupements dansle livre des Proverbes : les sections attribuées à Salomon et celles qui ne portent pas son nom. Cette distinction est aujourd’hui généralement admise.

I. ORIGINE SAWMONIENNE DES PREMIÈRE, DEUXIÈME

et cinquième sections. — Il s’agit ici de l’origine des trois principales sections du livre, celles qui renferment le nom de Salomon dans leurs titres respectifs i, 1 ; x, i ; xxv, 1. — 1° Preuves. — Les auteurs anciens et la plupart des auteurs modernes catholiques reconnaît dans ces sections une œuvre vraiment salomonienne. M. Vigoureux, Manuel biblique, t. ii, 12e édit., 1906, p. 482 ; Cornely, Introd. specialis, t. ii, Paris, 1887, p. 143 sq. ; Card. Meignan, Salomon, Paris, 1890, p. 328. La thèse est ainsi exposée : Salomon a composé un très grand nombre de maximes gnomiques, toutes ne nous sont pas parvenues, mais il en existe au moins deux recueils qui furent faits à deux reprises différentes. À ces sentences ainsi choisies on a ajouté des maximes provenant de divers auteurs, et de l’ensemble est résulté le livre des Proverbes que nous possédons.

La preuve principale de l’origine salomonienne des trois grandes sections du livre repose sur la tradition qui lès attribue à Salomon. Les Pères et les auteurs ecclésiastiques, héritiers en cela des docteurs juifs, sont unanimes à reconnaître ce livre comme une œuvre vraiment salomonienne. Leur témoignage s’appuie sur les titres de ces trois sections, titres qui sont très anciens et antérieurs aux Septante. Il est vrai que la version grecque et la Peschitto n’ont point de titre, au début de la deuxième section, x, 1, mais quelle que soit l’explication de cette omission, on peut dire que le titre I, 1, devait, sans doute, servir à désigner tout le contenu i, 1-xxii, 16. Et même le titre général, 1, 1-6, ne peut avoir toute sa portée que s’il désigne les sentences de la deuxième section tout autant que les exhortations morales de la première. — Le troisième livre des Rois, iv, 29-32, nous apprend expressément que Salomon, doué par Dieu d’une sagesse particulière, « prononça trois mille maximes. » Le terme hébreu traduit par maximes est précisément ce mot niâsâl que l’on retrouve dans les titres du livre des Proverbes, i, 1 ; x, 1 ; xxv, 1.

L’histoire de Salomon nous atteste encore que le règne de ce prince fut, dans son ensemble, une période

de tranquillité, durant laquelle la civilisation pénétra de plus en plus dans la société Israélite, entraînant avec elle l’abondance des richesses, la puissance, le luxe et de nombreux abus. Elle nous permet de supposer à cette époque, sinon dans toutes lesvilles.au moins à Jérusalem, par suite des exemples de Salomon et de sa cour, un cadre de vie sociale analogue à celui que supposent certaines descriptions des chap. l-ix. On pourrait même signaler quelques rapprochements assez significatifs ; c’est ainsi, par exemple, que l’abondance de parfums et d’aromates, que les tapis d’Egypte, que les lointains voyages, qui sont mentionnés, vii, 16-19, s’accorderaient bien avec ce que nous savons du luxe et du commerce d’Israël à l’époque de Salomon. III Reg., ix, 26-28 ; x, 2, 10, 14-15, 25.

2° Objections contre l’authenticité des Proverbes. — L’authenticité salomonienne des sections 1, 2, 5, n’est pas admise par tous les auteurs modernes. Pour beaucoup de critiques, le livre des Proverbes n’est qu’une compilation de petites collections de sentences qui ont existé d’abord indépendantes les unes des autres, car elles sont et d’époques et d’auteurs différents. Plusieurs des sections du livre actuel renfermeraient même des sous-sections, aux caractères particuliers assez accentués pour qu’on pût considérer les sections actuelles comme étant elles-mêmes des résultantes de collections moins étendues : notamment x-xv et xvi-xxii, 16, dans la 2 a section, et xxv-xxvii et xxvin-xxix, dans la 5e section. Les caractéristiques de ces sous-sections se reconnaîtraient en particulier : aux répétitions de proverbes identiques, à l’emploi presque exclusifde tel genre de parallélismes, à la préférence pour certaines idées et à la manière de les apprécier. Toy, Proverbs, dans The internat, critical Comment., 1899, p. xix sq.

Des dates sont proposées par ces auteurs, soit pour la composition, soit pour la compilation de ces sections et l’on peut constater une progression constante depuis une vingtaine d’années dans l’abaissement de ces dates par rapport à l’histoire d’Israël. Les critiques les plus récents ne recherchent même plus s’il y a des maximes qui peuvent être de Salomon, mais ils voient uniquement en lui l’initiateur du genre gnomique en Israëlcomme David l’avait été de la poésie lyrique. Frz. Delitzsch, Bas Salom. Spruchbuch, 1873, p. 25, n’hésitait que pour les chap. i-ix qu’il plaçait à l’époque de Josaphat ; Cheyne, Job and Solomon, 1883, p. 183, affirme qu’on ne peut reconnaître l’authenticité salomonienne du livre, mais qu’il y a des proverbes remontaut au ix c siècle. Loisy, Les Proverbes de Salomon, 1889, p. 32, reconnaît que des sentences de Salomon avaient pu être conservées par la tradition orale, chez les sages ; et que la partie du recueil qui paraissait la plus ancienne et qui reproduisait sans doute le plus exactement le fond et la forme des pensées authentiques de Salomon était la collection faite à l’époque d’Ezéchias ; pour Bicfeelî, Krit. Bearbeilung der Proverbien, 1891, la partie la plus ancienne du livre consiste dans la collection faite au temps d’Ézéchias ; laquelle ne devait comprendre que xxv, 11-xxvii, 22 ; les discours sur la sagesse, i-ix, pourraient remonter au temps de Jérémie ; Driver, Introduction to the Literat.of the Old Test., Ie édit., 1898, p. 407, considère comme historique la donnée de Prov., xxv, 1, et y voit la preuve qu’au temps d’Ézéchias les Proverbes qui suivent ce titre étaient regardés comme anciens ; il ne conclut pas cependant à l’authenticité salomonienne de toute la section, mais seulement à l’existence certaine d’un noyau de proverbes salomoniens dans la 5e comme dans la 3e section, sans qu’on puisse en déterminer exactement l’étendue ; i-ix serait de peu antérieur à l’exil. Nowack, Kurzgef. exegetisches Handbuch, 1883, et Kuenen, Histor.-crit. onderzoek, 1865, partagent à peu près le même sentiment et placent la composition de ce livre avant l’exil, à partir du vme siècle, sauf peut-être en ce qui. concerne les chap. xxx-xxxi ; mais pour Reuss, Philos, mor. et relig. des Héb., 1818, p. 151 sq, , on ne peut savoir ce qu’il y a de Salomon dans le livre des Proverbes, dont la partie la plus ancienne est la collection faite au vine siècle au temps d’Ézéchias.

Avec les auteurs plus récents, les conclusions sont assez différentes ; pour Wildeboer, Die Sprûche, dans Kurzer Hand-Commentar de Marti, 1897, adoptant les conclusions de Cornill, Einleitung, 2e édit., tout le livre des Proverbes est post-exilien et nullement antérieur au IVe siècle ; pour Frankenberg, Die Sprûche, dans Se Hand-Commentar de Nowack, 1898, et pour Toy, op. cit., p. xxx, et art. Proverbs, dans VEncyc. Bibl., t. iii, 1902, col. 3917, les deux grandes sections xxxii, 16, et xxv-xxix, proviennent de milieux différents, mais ne sont pas antérieures au ive siècle, la 1™ section i-ix, appartient au milieu du m » siècle. L. Gautier, Introduction à l’Ane. Test., Lausanne, 1906, t. ii, p. 89-90, tout en admettant la possibilité d’une collection de Proverbes faite au temps d’Ézéchias, ne voit aucune preuve permettant d’affirmer qu’ils nous auraient été conservés ; et bien que le style ne s’oppose pas à une composition du VIe siècle, il place au ive la composition de notre livre des Proverbes.

Certains auteurs ont même modifié leur propre sentiment sur ce sujet : ainsi Nov/ack dans son Commentaire, 1883, plaçait les Proverbes avant l’exil ; dans l’art. Proverbs du Diction, of the Bible, t. iv, 1902, p. 142, tout le contenu du livre lui semble post-exilien ; Cheyne dans Job and Solomon, 1887, p. 168, reconnaissait que non seulement les grandes sections du livre étaient préexiliennes mais encore que les c. i-ix ne pouvaient raisonnablement pas être placés après l’exil, et dans Jewish religions Life after ihe Exile, 1898, p. 128, il déclare qu’une littérature de la sagesse a pu exister avant l’exil, mais qu’il est impossible de dire dans quelle mesure il y a relation entre cette ancienne littérature plus ou moins hypothétique, et les œuvres des sages post-exiliens conservées dans nos livres sapientiaux actuels ; Kuenen, dans la l re édit., 1865, de son Histor.crit. Onderzoek, soutenait la composition pré-exilienne du livre des Proverbes ; dans la 2e édit., 1893, § 97, note 15, il prétend que placer à l’époque contemporaine des prophètes l’ensemble des idées morales religieuses des auteurs des proverbes cela constituerait un véritable anachronisme.

Quant à l’usage du nom de Salomon il s’expliquerait par ce fait que de bonne heure on songea à utiliser la réputation de sagesse que la tradition lui avait conservée, en plaçant sous son nom et en couvrant de son patronage des recueils de sentences provenant d’auteurs dont le nom n’était point connu. Les meilleurs témoignages de la haute antiquité de cette réputation de Salomon se trouvent et dans le titre de xxv, 1, qui repose sur une base historique et dans la mention des Prov. comme œuvre de Salomon par l’auteur de l’Eccli., XLVH, 16-18. Mais tout en reconnaissant le fait de cette réputation traditionnelle, ces critiques récusent, au point de vue historique, la valeur des titres salomoniens i, 1 ; x, 1 ; xxv, 1, pour eux ils n’ont pas plus de valeur que les titres des Psaumes pour en déterminer les auteurs. Le témoignage du livre des Rois, même considéré comme document strictement historique et non comme l’expression d’un sentiment traditionnel, n’autoriserait pas à conclure que les maximes contenues dans le livre des Proverbes sont une sélection des 3000 sentences dont il fait mention. Bien plus même la nature des sentences telle qu’elle est expliquée. III Reg., v, 12-13 (Vulgate, 32-33), indiquerait plutôt que leur objet n’était pas le même que celui des sentences du livre des Proverbes.

Les principaux arguments présentés par ces auteurs^ peuvent se résumer ainsi. Au point de vue religieux — c’est, à l’encontre de ce qui est constaté chez tous les auteurs pré-exiliens, l’absence de toute polémiquecontre le polythéisme : le monothéisme est supposé admis par tous sans aucune difficulté ; — c’est l’absence de cette préoccupation nationale dans l’emploi des expressions religieuses telle qu’on la constatait avant l’exil ; sans doute Dieu est bien encore désigné sous le vocable particulier (mn*) qui le caractérisait durant la période pré-exilienne, mais on ne rencontre jamais l’expression si fréquente chez les prophètes, de « Dieud’Israël », Toy. Proverbs, p. xxi, et de toute allusion àla tendance des Israélites à se porter vers leurs sanctuaires les plus vénérés comme le leur reprochaient souvent les prophètes ; — c’est encore l’élévation de pensée sur la divinité, en particulier sur la sagesse divine (vin) qui suppose, dit-on, un milieu religieux plus cultivé que n’était Israël avant la captivité (milieu grec) Toy, Proverbs, p. xxii ; Cheyne, op. cit. ; (milieu, persan) Kuenen, op. cit., Baudissin, Die allt. Sprïtch., 1893 ; enfin ce sont des réminiscences du Deutéronome qui ne permettent pas de reporter les maximes qui les renferment à une date antérieure à la réforme de Josias.

Au point de vue social, les Proverbes supposent constamment des habitudes et un état de choses qui n’existèrent pas en Israël avant la captivité ou même avant le début de la période grecque ; — dans la famille, la< monogamie comme règle générale et la place importante occupée par la femme ; par exemple : x, l ; xv, 20 ; . xix, 14, et surtout xxxl, 10-21 ; — dans les habitudes sociales, les fautes et les vices (violences et inconduite), spécialement mentionnés dans i-ix. Toy, art. Proverbs {Book), dans Encyc. Bibl., t. iii, col. 391â ; . Nowack, dans Hastings, Dict. of the Bible, art. Proverbs, t. iv, p. 141.

Enfin, au point de vue littéraire, la plupart des auteurs cités pensent que ce recueil ne saurait appartenir aux grandes époques de la littérature hébraïque.

Toutes ces raisons sont loin d’être décisives et ne constituent pas des preuves péremptoires de la date relativement récente de ce livre, surtout de sa date post-exilienne.

Il est à remarquer que tous ne récusent pas indistinctement la valeur des titres salomoniens, notamment xxv, 1. Si Baudissin, op. cit., p. 11, déclare que la mention de « roi de Juda » dans ce titre est une preuve qu’il fut écrit alors que depuis longtemps il n’y avait plus de roi de Juda, par contre Driver, op. cit., . p. 407, soutient qu’il n’y a pas lieu de mettre en question la valeur de cette donnée, de même Loisy, qui, (op. cit., p. 32 et dans le compte rendu du Commentaire de Toy, Rev. d’Bist. et de Litt. relig., 1900, p. 384), déclare « qu’il n’est pas démontré que la mention des hommes « d’Ézéchias », Prov., xxv, 1, comme auteurs de cette seconde collection, n’ait aucune valeur tradi>tionnelle ».

Comparer les Proverbes avec les écrits prophétiquesau point de vue religieux et s’appuyer sur l’absence de polémique contre le polythéisme dans les Proverbes pour en fixer la date tardive, c’est méconnaître l’objet complètement différent de ces divers écrits’et la différence d’action et de ministère pour les prophètes et pour les sages.

La prédication comme les écrits des prophètesdevaient prémunir les Israélites contre leur tendance naturelle à matérialiser les données de l’enseignement religieux et prévenir Je danger d’aboutir à un syncrétisme religieux sous l’influence des civilisationsétrangères ; les Proverbes s’adressaient aux Israélitesfidèles au monothéisme, et leur enseignaient la meilleure manière de vivre une vie moralement bonne. ’.

On peut cependant établir des rapprochements entre les données des écrits prophétiques et les Proverbes : l’élévation de la pensée religieuse de ceux-ci, dit-on, dépasse de beaucoup le milieu religieux ordinaire antérieur à l’exil, mais n’y a-t-il pas certains passages bien authentiques d’Amos, d’Osée, d’Isaïe qui dépassent, et notablement, les données religieuses de nombreux passages de l’Ecclésiastique, ou de certains psaumes sûrement post-exiliens ? Et précisément en ce qui concerne la doctrine de la Sagesse, le rapprochement de date avec l’Ecclésiastique n’est peut-être pas aussi favorable qu’ils le veulent bien prétendre aux conclusions de ceux qui le soutiennent. La différence assez sensible qui sépare les données « sapientiales » des Proverbes de celles de l’Ecclésiastiquer réclame un laps de temps plus long qu’ils ne le reconnaissent et un milieu religieux sensiblement différent. Dans les Proverbes la Sagesse conserve son caractère universel et on ne la rencontre pas encore s’identifiant avec l’enseignement et la pratique de la Loi, ainsi qu’on le constate dans Eccii., xxiv. Loisy, Les Proverbes de Salomon, p. 27.

L’absence de toute préoccupation rituelle dans l’ensemble des conseils de la Sagesse destiné à faire l’éducation d’un juste, telle qu’on la constate dans le livre des Proverbes, semblerait devoir fournir une indication sérieuse d’ancienneté pour ce livre, spécialement pour des auteurs qui soutiennent que les prescriptions cultuelles sont particulièrement indicatrices de 1, ’poque post-exilienne et que le culte du second Temple a eu une nécessaire répercussion sur toute la littérature bi. blique du Ve et du IVe siècle.

Nowack, dans Dict. of tlte Bible, art. Proverbs, t. IV, p. 142, signale un certain nombre d’exemples pour montrer dans les Proverbes et dans les écrits prophétiques le même ton dans la louange de l’humilité et les avertissements contre l’orgueil (Prov., xi, 2 ; xiv, 29 ; xv, 1, 4, 18, etc. ; Is., Il, 11 ; Ain., vi, 8 ; Ose., vii, 11) ; le même cœur pour dénoncer la conduite de ceux qui oppriment le pauvre et pour insister sur la sollicitude à laquelle celui-ci a droit, Prov., xiv, 31 ; xvtr, 5 ; xviii, 23, et Ara., iv, 1 ; Ose., v, 10, et l’on ne voit pas qu’il y ait cet anachronisme dont parlait Kuenen, op. cit., §97, note 15.

Plusieurs descriptions des chap. l-ix semblent bien supposer dans le milieu social qu’elles visent, ces raffinements de luxe dont la civilisation grecque a fourni de nombreux exemples, mais, indépendamment que cette remarque n’atteindrait en définitive que les neuf premiers chapitres du livre, on peut ajouter encore qu’elle ne s’impose pas nécessairement, car on peut trouver des situations sociales analogues, en Israël, dans la période pré-exilienne : par exemple, dans les reproches que les prophètes du ïlli" siècle adressaient aux femmes de leur temps ; les prophètes du Nord (Amos et Osée) à celles de Samarie ; Isaïe à celles de Jérusalem ; comparer en particulier Is., iii, 16-23, et Prov., vit, Il sq., et ne pourrait-on pas encore alléguer à ces auteurs Gen., xxviii ?

La loi, il est vrai, permettait l’usage de la polygamie, mais on y trouvait surtout une grande facilité pour la répudiation de l’épouse, et en fait, en dehors des rois et des grands, la monogamie était pratiquée parle plus grand nombre des familles israélites, bien des siècles avant la fin de l’ère juive. Loisy, Les Proverbes de Salomon, p. 26.

Les réminiscences du Deutéronome constatées dans les Proverbes, ainsi que la portée sociale de quelques sentences, comme xxii, 28, peuvent tout particulièrement être alléguées contre ceux qui veulent placer après l’exil la composition de tous les Proverbes.

Quant au vocabulaire du livre, il est assez difficile de s’en servir comme d’un argument bien rigoureux pour fixer la date de sa composition, et en fait, la plu part des auteurs le reconnaissent et. par suite ne s’en* servent que comme d’un argument purement négatif. Cela est particulièrement vrai des deux grandes sections 2 et 5.

II. PARTIES DU LIVRE NON ATTRIBUÉES À SALOMON..

— Troisième section, xxii, 17-xxiv, 22. — L’introduction, xxii, 17-21, commence par ces mots : Prête l’oreille et écoute les paroles des sages, que la Vulgate a traduits littéralement de l’hébreu. Les Septante présentent une variante : Ao’yoïç aoyGrt izxpàêxhke. oov où ; xai axoye èfxbv).ôfov. Bickell, Carmina Vet. Test. r p. 140, et Kautzsch, op. cit., p. 55, complètent le premier stique hébreu avec iù>v).ôyov des Septante en suppléant le mot’mDxb. Que cette correction soit admise ou non, cette section doit être considérée comme distincte de celle qui la précède ; plusieurs raisons motivent cette conclusion : le style, au lieu du simple distique ce sont habituellement des maximes plus développées, 4 vers et même plus ; — l’autorité dans le ton, il est exhortatif et prohibitif, le’al hébreu prohibitif (correspondant à la particule, ne des Latins) se rencontre 17 fois dans ce petit recueil alors qu’on ne le trouve que 2 fois dans les 12 chapitres précédents ; — la détermination du disciple, l’auteur s’y occupe de l’éducation d’un disciple en particulier, de là la fréquence de l’expression « mon fils », 5 fois (6 fois dans le Targum) dans cette section, et une fois seulement dans la précédente (xix, 27) ; — la nature des maximes, très pratiques sur quelques sujets bien déterminés. — Le mot « sages » (xxii, 16) peut donc marquer une distinction d’auteur entre la 2 a et la 3e section, ce qui est confirmé par l’énoncé du titre de la 4e section : « cela aussi vient des sages, » car cette remarque ne peut se justifier que si les= auteurs de la 3e comme de la 4e section sont distincts de celui à qui la 2* section a été attribuée. Il faut noter cependant que des auteurs comme Oornely, op. cit., p. 147-148, ne trouvent point de raisons suffisantes pour rejeter l’origine salomonienne de la 3e section, comme de la 4e.

Quatrième section, xxiv, 23, 34. — L’hébreu, xxiv, 23, est ordinairement traduit ainsi : « cela aussi vient des sages. » Le b, l, placé devant le mot hâkâmîm, « sages, » étant interprété dans ce passage comme le b auctoris, fréquemment employé en ce sens dans les titres des Psaumes. Les anciennes versions n’ont pas ainsi compris ce passage : les Septante : taura 5s Xéyto ûjjitv toîç (rojpotç ; la Peschitlo et le Targum traduisent de même ; la Vulgate seulement, Hsec quoque sapienlibus ; si l’on adoptait ce sens, il faudrait conclure que ce passage ne renferme aucune indication d’auteur, qu’il désigne seulement un enseignement destiné à ceux qui aspirent à la sagessse. Cf. Cornely, Introduclio specialis, t. ii, 2° part., p. 118. Cette interprétation n’est pas motivée et paraît peu vraisemblable, car « ce ne sont pas les sages qui ont besoin de conseils de ce genre. » M. Vigouroux, Man. bibl., t. ii, p. 490.

Quels furent ces sages à qui le contenu de la troisième et de la quatrième section est attribué, à quelleépoque ont-ils vécu et dans quel milieu se sont-ils trouvés ? Ce sont là des questions auxquelles on ne peut répondre d’une façon satisfaisante.

Pour expliquer le fait de répétitions assez nombreusesentre plusieurs passages de ces deux petits recueils et les deux grandes sections 1 et 2, surtout la première, , par exemple, xxii, 26, et vi, etc. ; xxiv, 1, et iii, 31, tout particulièrement la description du paresseux, xxiv, 33-34, et vi, ÎO-M. M. Lesêtre, Le livre des Proverbes, 1879, préf., p. 21, conclut que ces auteurs ont dû s’inspirer de Salomon ou puiser à une source commune.

Sixième section, xxx. — Le titre hébreu porte : « Paroles d’Agur, fils de Yâqéh. » Il est suivi du mot Kii/nn, ham-masàâ’, susceptible de diverses interprétations : on peut le traduire par l’oracle ou le discours, .

mais il peut être aussi considéré comme un nom de lieu : de Massa’ou le Massaïte. C’est le sens le plus ordinairement adopté par les auteurs modernes. Frankenberg, Die Sprûche, 1898 ; L. Gautier, op. cit., p. 95 ; Cornely, op. cit., p. 148. La Peschito et le Targum ont conservé exactement les noms propres. Les Septante ne les ont pas reconnus et ont traduit ce passage : « Mon fils, crains mes paroles, et en les recevant, fais pénitence. » Saint Jérôme, influencé peut-être par les explications de quelques rabbins, y a trouvé des noms symboliques de David et de Salomon. Agur (celui qui assemble) serait à considérer comme un qualificatif personnel désignant Salomon rassemblant le peuple pour l’instruire, ïdqéh (celui qui répand) serait une allusion à David faisant connaître ou répandant la vérité, de là : Verba Congregantis, filii Vomentis. Voir Agur, t. j, col. 288-289. Agur et Yâqéh doivent être pris comme noms propres, ce sentiment communément admis par les auteurs modernes, était déjà soutenu par D. Calmet, Préf. des Prov., Bossuet, Proverbes, préf., Cornélius a Lapide, Comm. in loc. ; R. Bayne, qui s’exprimait ainsi : Nam quuni nomen viri et nomen patris ponantur, scripturam nobis hominem aliquem insinuare voluisse credendum est, ut omitlam vehementer duram esse metaphoram vocari Satomonem filium Vomentis. Comm., Paris, 1555, in loc. Si à l’époque où ce chapitre fut ajouté au recueil des Proverbes, il avait été considéré comme salomonien on l’aurait placé, sans titre, à la suite d’une collection attribuée explicitement à Salomon.

Septième section, xxxr, 1-9. — Le texte hébreu, porte : « Paroles du roi Lamuel, sentence ou oracle (ici le mot niaèsa’semble plutôt se rattacher à ce qui suit et a an sens plus précis et plus certain que dans xxx, 1), dont l’instruisit sa mère. Ainsi saint Jérôme dans la Vulgate. — Les Septante (Oi kLo Xôfoi z.prfna.<. vizb ©eoù : ces paroles de moi ont été dites par Dieu) n’ont pas vu qu’il s’agissait d’un nom propre. Un certain nombre d’auteurs modernes voient cependant dans Maèsa’un nom de pays comme dans xxx, 1. Cornely, op. cit., p. 149.

On ignore ce qu’était ce roi Lamuel. Un certain nombre d’interprètes catholiques ont vu dans ce nom un pseudonyme, M. Yigouroux, op. cit., p. 491 ; d’autres, un roi d’Israël, peut-être Ézéchias (Grotius), Salomon {card. Meignan, op. cit.) ; Lamuel (réservé à Dieu, consacré à Dieu), serait ainsi l’équivalent de yeduldh (Vulgate : Amabilis Domino), nom donné à Salomon par Nathan. II Reg., xii, 25. Aucune des identifications proposées n’est justifiée d’une manière satisfaisante.

Huitième section, xxxi, 10-31, la seule qui ne renferme aucune indication comme titre ; les auteurs anciens l’attribuaient à Salomon, comme le reste du livre, mais la place qu’elle occupe à la fin du recueil, à la suite de deux sections dont les auteurs sont nommément désignés semble s’opposer à cette attribution. — L’origine non salomonienne des sections 3, 4, 6, 7, 8, est admise par le plus grand nombre des auteurs modernes.

111. DATE DE LA FORME ACTUELLE DU LIVRE DES

proverbes. — La date de composition des différentes sentences qui le constituent ne fixe pas, par là même, la date du livre des Proverbes dans l’état définitif dans lequel nous le possédons. Pour tous les auteurs, en effet, ce livre est le résultat d’un assemblage — sélection ou collection. C’est un recueil qui a été formé de sentences qui existaient déjà avant d’être groupées ensemble. Mais tous ne s’accordent pas sur l’époque et les conditions dans lesquelles ce recueil a été formé, même ceux qui admettent l’origine salomonienne des Proverbes : pour les uns, le recueil actuel ne saurait être antérieur à l’exil, pour d’autres il remonterait au VIIIe siècle.

D. Calmet s’exprime ainsi : « De tout ce détail il paraît que les Proverbes, tels que nous les avons, sont une compilation des sentences ou autres ouvrages de Salomon, faites en divers temps et par différentes personnes, et rassemblées en un corps par Esdras ou par ceux qui revirent les Livres sacrés après la captivité de Babylone et qui les mirent en l’état où nous les avons. » Et il ajoute qu’une des preuves les plus évidentes que ce livre est un assemblage fait par différentes personnes, se trouve dans la répétition d’un assez grand nombre de versets, « ce qui ne serait pas arrivé si une seule personne eût travaillé à cette compilation. »

Cornely, op. cit., p. 151-152, qui admet la date d’Ézéchias pour la formation du recueil, i-xxix, hésite relativement à l’addition de xxx-xxxi qui complète le livre actuel des Proverbes, mais en tout cas il ne voit pas de raisons sérieuses pour l’attribuer à une date postérieure au temps d’Esdras.

Mais le plus grand nombre parmi ces auteurs font remonter au vin" siècle la formation définitive de ce recueil. Les « hommes d’Ezéchias », xxv, 1, auraient trouvé déjà réunis les chap. i-xxiv, résultat d’une collection faite à la fin du règne de Salomon ou peu de temps après. Cornely, op. cit., p. 151 ; Vigouroux, op. cit., p. 485, etc. « Dans sa forme présente, le livre des Proverbes est du temps d’Ezéchias, » conclut M. Vigouroux, faisant sienne l’affirmation de H. Reusch, Bible polyglotte, t. iv, 1903. p. 344. D’après le card. Meignan, Salomon, p. 329, le recueil officiel n’aurait d’abord contenu que ce que Salomon avait dicté ou écrit, puis autour de ce noyau se seraient successivement ajoutés d’autres proverbes salomoniens, « depuis Salomon jusqu’au temps d’Ezéchias et peut-être au delà. »

Pour la plupart des critiques contemporains, les recherches relatives à la fixation de la date du recueil définitif se trouvent circonscrites à un laps de temps relativement court par le fait de la date tardive qu’ils adoptent pour la composition même des sentences. Un point leur paraît définitivement acquis, c’est que la formation du livre tel que nous l’avons ne saurait remonter à une période antérieure à la captivité. Cerlains, tout en reconnaissant que plusieurs des collections particulières qui composent le livre actuel ont pu être formées avant l’exil, ne penseut pas pouvoir admettre cette même date pour la formation définitive du recueil. Loisy, Les Proverbes, p. 32-33 ; Bickell, Wiener Zeitschrift fur die Kunde des Morgenlandes, 1891 ; Driver, op. cit., p. 406. Kuenen, op. cit., 2e édit., § 97, p. 14-20. reconnaît que quelques proverbes peuvent être préexiliens, mais il prétend que toutes les collections sont post-exiliennes et que la rédaction de l’ensemble du livre est à placer entre 350-300. La question ne se pose même plus pour ceux qui ne reconnaissent qu’une origine post-exilienne à tous les proverbes (Wildeboer, Toy) ; pour ces derniers, le temps écoulé entre la composition des sentences et la formation du recueil est même assez court ; selon Wildeboer il faudrait placer au ive et au me siècle le travail de composition et de compilation.

Entre ces auteurs les divergences sont particulièrement accentuées en ce qui concerne la plus ou moins grande ancienneté des diverses collections particulières dont la réunion a formé le livre actuel des Proverbes. En 1862 Hooykas, Geschiedenis der beoefening van de Wijsheid onder de Hebreën, prétendait que la plus ancienne de ces collections correspondait aux chap. i-ix : par contre, les critiques contemporains sont à peu près unanimes à considérer cette même section comme la dernière en date pour la composition (notion plus parfaite de la sagesse et forme littéraire plus développée que dans le reste du livre) et pour la compilation générale du recueil ; elle aurait été ajoutée aux deux grandes sections, 2 et 5, pour leur servir d’introduction.

Laquelle de ces deux dernières sections serait la plus ancienne ? Les uns (Davidson, Loisy, Bickeli), utilisant la donnée chronologique de xxv, considèrent xxv-xxix comme le plus ancien recueil de proverbes ; d’autres (Delitzsch, Ewald, Driver, Kautzsch), considérant plutôt la place respective de ces sections dans le recueil définitif, regardent x-xxii, 16, comme la plus ancienne collection. Quelques-uns parmi les auteurs les plus récents (Franckenberg, Nowack), tout en estimant qu’au point de vue des pensées, xxv-xxix (et spécialement xxvxxvii), renferment les plus anciens proverbes, pensent néanmoins que comme compilation cette section serait postérieure à la 2e (x-xxii, 16).

Les proverbes qui constituent ces deux sections, provenant de milieux différents, auraient d’abord été réunis en deux groupements absolument distincts et auraient ainsi existé indépendamment l’un de l’autre vers le milieu du rve siècle, tous les deux portant le même titre Proverbes de Salomon. Vers cette même époque (Nowack), ou vers la fin de ce même siècle (Toy), ils auraient été réunis ensemble, mais comme dès ce moment le premier groupement (x-xxii, 16), était déjà pourvu des deux petites sections, xxii-17, xxiv, 22, et xxiv, 23-34, on ne toucha point à ces appendices et l’on ajouta xxv-xxix à la suite de xxiv, 34, en maintenant dans xxv, 1, le nom de Salomon comme il était déjà dans x, 1 ; et c’est ainsi que fut constituée la plus grande partie du livre x-xxix.

Le recueil fut complété par les chap. i-ix, qui devaient servir d’introduction générale à tout l’ensemble formé par les précédentes collections, alors même qu’il n’aurait pas été composé précisément dans ce but. La date de cette addition varie selon les auteurs car elle dépend de l'époque admise pour la composition même de cette section ; en effet, ils admettent généralement que l’addition suivit de près la composition, si même elle ne fut pas l'œuvre du même auteur. Davidson, Cornill, Wildeboer. La fixation de cette date dépend de l’influence principale que l’on croit reconnaître dans ces pages : influence persane (Cheyne, Semit. studies, 1891) ; influence grecque (Franckenberg, Wildeboer, Stade) ; ou seulement trace des créations haggadiques de la littérature rabbinique à la fin de l'ère persane (Baudissin). Selon Friedlsender, Griech, Phil. im ait. Test., 1904, p. 20, citant Clément d’Alexandrie, Strom., i, v, t. viii, col. 717, la femme étrangère (n, 16 sq.), dont le pieux Israélite doit si soigneusement se défier, serait la culture grecque, xrjv 'EXXsviiuiv « suSeiav, Et par suite, si le recueil est complet au début de la 2e moitié du IV siècle pour Kautzsch, Kuenen ; pour d’autres, Nowack, Franckenberg, Wildeboer, Toy, on ne trouvera point le recueil i-xxix avant la 2e moitié du m « siècle. Enfin, avec certains de ces auteurs, Franckenberg, Toy, il faut descendre jusqu’au IIe siècle pour trouver le livre actuel absolument complet avec l’addition de xxx-xxxi, c’est-àdire à l'époque de Ben-Sira (200-180) et peu de temps avant la traduction grecque du livre des Proverbes.

Ces assertions contradictoires et arbitraires ne peuvent modifier le sentiment des auteurs catholiques qui soutiennent l’authenticité des sections salomoniennes, en s’appuyant sur les titres, Prov., i, 1 ; x, 1 ; xxv, 1, sur certaines descriptions de leur contenu et sur le témoignage de la tradition.

VIII. Forme littéraire du livre des Proverbes. — I. rythme. — Par son contenu le livre des Proverbes appartient à la série des didactiques ; par sa forme, aux livres poétiques. Les règles de la poésie hébraïque y sont constamment observées et se manifestent par un parallélisme très régulier. Les vers seraient uniformément de sept syllabes d’après Bickeli, Carmina Veteris Teslctmenti metrice, p. 121 ; ils seraient de trois, quatre et très rarement de cinq accents, d’après le système dé Grimme, « et il faut s’attendre à voir changer le mètre

à chaque sentence nouvelle. >> Mètres et Strophes, dans la Revue biblique, 1900, p. 405. Toy, Proverbs, p. ix-x, reconnaît également cette même mesure et désigne les stiques des Proverbes par l’appellation de binaire, ternaire ou quaternaire selon qu’ils comptent 2, 3 ou 4 accents. Cf. N. Schlœgl, Études métriques et critiques sur le livre des Proverbes, c. I, dans la Revue biblique, 1900, p. 518-525.

La strophe, sous différentes formes, se rencontre dans toutes les sections du livre, à l’exception de la 2e, car elle n’est pas entièrement absente de la 5e, bien que celle-ci renferme surtout des distiques. Toy, The Book of Prov., p. îx ; Bickeli, Kritische Bearbeitung der Proverbien, dans la Wiener Zeitschr. fur die Kunde des Morgenlandes, 1891, où il établit l’existence de strophes de quatre vers chacune dans tous les poèmes de la première section.

Toutes les pièces qui composent ce livre n’ont pas la même longueur, on trouve dans Frz. Delitzsch, Das Salom. Spruchb., p. 7-17, le relevé des différentes formes de sentences constatées dans notre livre. La plus fréquemment employée, c’est le simple distique, soit antithétique, x, 1, 20 ; xi, 1 ; xiii, 24 ; soit synonymique, n, 3, 8, 11 ; soit synthétique, ii, 13 ; xiii, 14 ; soit parabolique. Ce dernier renferme une comparaison, exprimée ou sous-entendue par le simple rapprochement de l'énoncé de deux idées, empruntées à la connaissance de quelque phénomène naturel, x, 26 ; xxv, 14, ou à un incident de la vie quotidienne domestique ou sociale, xxv, 17, et qui sert à faire mieux ressortir la pensée morale que le sage veut apprendre à son disciple. C’est sous cette forme que se trouve pleinement réalisée la première notion du tndsàl. D’autres fois une même maxime dépasse les limites du simple distique et la pensée qu’elle renferme s’y trouve développée pendant 4, 6, 8 vers et même davantage, iii, 11-12 ; xxiii, 19-21 ; vi, 12-15 ; xxiii, 29-35.

A côté de cette catégorie de proverbes ainsi développés il convient de signaler soit des groupements de distiques ainsi placés parce que chacun d’eux renfermait une même expression ou avait trait à un même "objet, par exemple au roi, xvl, 12-15, soit des séries de vers à indication numérique. Dans ces derniers, l’auteur indique dès le premier distique la somme totale des sujets dont il va parler, mais le fait de telle sorte que le nombre répété dans le 2 a stique renferme une unité de plus que dans le 1 er, ainsi xxx, 21-22 :

Trois choses troublent la terre

Ei il en est quatre qu’elle ne peut supporter.

Enfin on y rencontre un poème alphabétique très régulier.

Toutes ces espèces de proverbes ne sont pas disposées sur un plan uniforme et ne se rencontrent point également dans les diverses sections du livre : I re section, i îx. Dans l’ensemble, ce sont des discours moraux formant de petits poèmes plus ou moins développés, ni, 1-10 ; IV, 1-9 ; , vii, 6-23, ordinairement en strophes de 4 vers (Bickeli) ; les pensées détachées sont rares, ni, 29, 30. On y trouve un proverbe numérique (vi, 1619) et l’usage du parallélisme synonymique y est à peu près exclusif. — IIe section, x-xxii, 16 ; uniquement des distiques ; dans x-xv presque exclusivement antithétiques, sans que cependant l’antithèse soit toujours aussi uniformément accentuée ; dans xvi-xxii, 16, surtout synonymique et synthétique ; peu d’antithèses, xviii, 23. — IIIe section, xx », 17-xxtv, 22 ; au début exhortation morale de 10 vers analogue à celles de la 1° section ; quelques distiques, mais surtout des tétrastiques, plusieurs sentences de 5, 6, 7 et 8 stiques et même un petit poème de 16 stiques d’après Toy et Kautzsch, de 18 d’après Bickeli. Le texte massorétique compte 17 stiques : Toy et Kautzsch pensent qu’il y a un

stique^à retrancher, Bickell croit plutôt qu’il faudrait en ajouter un. Ordinairement parallélisme synonymique entre les stiques, parfois même entre Jes distiques d’un quatrain. — IVe section, xxiv, 23-34, la plus courte et la plus variée comme rythme : un distique, un tristique, un téfrastique, un décastique ; sauf 2 exceptions, parallélisme synonymique. — Ve section, xxv-xxix, au point de vue du rythme on peut la diviser en deux : — xxvxxvii ; usage prédominant mais non pas exclusif du distique car on y trouve plusieurs tristiques et tétrastiques, un pentasfique, un hexastique ainsi que 2 petits poèmes, l’un de 8, l’autre, de 10 stiques. Parallélisme parabolique et synthétique ; les antithèses y sont très rares ; — xxvin-xxix : emploi exclusif du distique et presque dans une égale proportion parallélisme antithétique et parabolique. — VIe section, xxx ; quelques distiques isolés, mais ordinairement chaque sentence renferme plusieurs distiques ; c’est dans cette partie du livre que se rencontrent (en dehors de vi, 16-19) les proverbes numériques dans lesquels on ne trouve point de parallélisme au point de vue de la pensée. En dehors de ces sentences, parallélisme synonymique. — VIIe section, xxxi, 1-9. Elle renferme 3 sentences de 4, 8, 4 vers : parallélisme synonymique. — VIIIe section, xxxi, 10-31 : poème alphabétique de 22 distiques, parallélisme synonymique.

II. style ET vocabulaire. — 1° Style. — Le caractère particulier du genre gnomique rend assez difficile la comparaison entre le style des Proverbes et celui des autres livres de l’Ancien Testament, la plus grande partie de ce recueil se composant de simples maximes dans lesquelles une pensée déjà bien concise est exprimée sous une forme elliptique dans un seul distique. Cependant, la variété des comparaisons, le choix des images, la régularité de la forme rythmique, l’allure si vive de l’expression, la psychologie si pénétrante de certains tableaux, revêtent d’un cachet spécial les pages mêmes du livre où les pensées sont le moins étendues, et leur donnent un coloris tout particulier. Dans les proverbes plus développés, tout spécialement dans les exhortations de la I re section, comme aussi dans les portraits esquissés à travers les autres seclions, on trouve des passages dignes des plus beaux jours de la littérature hébraïque.

2° Vocabulaire. — Il n’est point surprenant que ce recueil renferme, en outre des expressions plus spéciales aux livres sapientiaux, un certain nombre dé mots que l’on ne rencontre pas ailleurs dans la Bible hébraïque ou du moins que très rarement. La raison en est au sujet lui-même et à cette forme de littérature qui demande une plus grande précision dans l’énoncé des pensées. On peut signaler quelques locutions qui ne se rencontrent que dans ce livre ou bien s’y trouvent avec un sens particulier qu’elles n’ont pas ailleurs.

Ne se trouvent que dans les Proverbes : rvjb, couronne, i, 9, iv, 9. — n3N, hélas ! ah ! (que la Vulgate a traduit : Cujus patri vx ? xxui, 29 ; — le verbe nn4, employé uniquement au Hithp. Dinnhnn, morceaux friands, xviii, 8 (le ꝟ. se retrouve identiquement répété xxvi, 22. — fD3 >Ttn, dans le sens de entrailles, pris au figuré, xviii, 8 ; xx, 27, 30 (xxvi, 22). — vb t>, assurément, xi, 21 ; xvi, 5. — 3-- >mrn, pommes d’or, xxv, 11,

Expressions rares rencontrées plus particulièrement dans les Proverbes : g » n yy, arbre de vie, 1 fois Gen., m, 24 ; et 4 fois Prov., iii, 18 ; xi, 30 ; xiii, 12 ; xv, 4 — rnp, ville, 1 fois, Job, xxix, 7 ; 4 fois dans Prov., vm, 3 ; IX, 3, 14 ; xi, 11 (Brown, Driver). — d>t ;  : , avec le sens de choses magnifiques, ne se rencontre que dans Prov. viii, 6. — niNSi, sartté, ne se rencontre que dans Prov. iii, 8 et indique une forme aramaïsante — 13, fils, xxxi, 2 (3 fois répété), est un mot araméen. Cependant les aramaïsmes sont rares et le livre ne ren ferme point d’expression persane ou grecque. Toy, op. cit., p. xxxi. Driver, op. cit., p. 403-404, donne une liste des principales locutions particulières au livre des Proverbes, au moins pour la 2e section.

IX. Texte et versions du livre des Proverbes. — A) Texte. — Le texte hébreu de ce livre a subi quelques altérations par suite de la facilité qu’il y avait à changer la suite des sentences en les transcrivant, à modifier une locution dans l’énoncé d’une maxime difficile à lire, le contexte ne pouvant pas, dans ces cas, servir à indiquer sûrement quelle était la vraie lecture du passage ; le fait qu’il n’était point du nombre des Ketubim lus dans les synagogues eut peut-être aussi pour résultat de le faire traiter avec moins de soin que d’autres livres. Par contre, Toy, Proverbs, p. xxxi-xxxii, prétend que ce livre dut à cette situation de n’être point l’objet de retouches ou de modifications sous l’influence d’idées théologiques.

Les altérations de ce texte peuvent être constatées par le contrôle des anciennes versions, par les moyens de critique que fournissent les règles poétiques et aussi, pour les plus notables transpositions, par les caractères particuliers de chaque section. C’est ainsi que plusieurs critiques voient une transposition dans la description du festin de la Sagesse, Prov., IX, 1-12 ; et rapportent les ꝟ. 7-10, à la 2° section x-xxii, 16. Bickell, Cdrnfina V. T. metrice, p. 129 ; Toy, op. cit., p. 192.

Le texte actuel du livre, renferme également un certain nombre de sentences répétées. Elles se présentent sous différentes formes, les unes sont absolument identiques dans V expression, vi, 10-"i, et xxw, 3â-31, d’autres comportent une légère modification sur un mot ou deux du mâsdl répété, xvi, 2, et xxi, 2, d’autres enfin sont identiques pour, la pensée et nullement dans les mots qui l’expriment, xi, 15, et xxii, 26. Les cas les plus difficiles à justifier sont ceux où il y a identité absolue dans les mots ; et les critiques modernes se servent assez souvent de cette constatation pour conclure à la pluralité d’auteurs et à une formation indépendante des différentes sections où on les rencontre ; ainsi entre autres Nowack, art. Proverbs, dans Dict. of the Bible, t. iv, p. 140 ; Cornill, Einleitung, >. 225 ; Toy, op. cit., p. vu. Il importe cependant de remarquer qu’il y a des répétitions de distiques entièrement identiques dans une même section, xiv, 12, et xvi, 25 ; x, 1, et xv, 20 ; xix, 5, et xix, 9.

B) Versions. — 1° La plus ancienne des versions que nous possédons du livre des Proverbes est la version grecque des Septante ; on la trouve dans les principaux manuscrits onciaux B, « , À (quelques fragments dans C) et dans de nombreux manuscrits cursifs. On admet communément que ce livre faisait partie des Hagiographes déjà traduits en grec et que l’auteur du prologue de l’Ecclésiastique désigne par les mots t «  la : nk t&v fiioXiwv ; cette traduction serait donc antérieure à 132 et aurait probablement été faite vers le milieu du IIe siècle avant J.-C. Baumgartner, Etude critique sur l’état du texte du Livre des Proverbes, p. 8. Il est des auteurs cependant qui la placent vers la fin du n s siècle, Toy, Proverbs, p. xxxii ; art. Proverbs, dans Encyc. Bibl., col. 3907.

Cette traduction est plus libre que littérale et c’est l’idée du texte original qui a été exprimée plutôt que le mot n’a été exactement rendu. Frankenberg pense que le traducteur n’était point très familier avec la langue hébraïque et que d’ailleurs il n’aurait point été soucieux de l’exactitude littérale, parce qu’il n’entreprenait pas tant cette traduction pour l’usage de ses coreligionnaires que pour des païens instruits à qui il voulait faire connaître les enseignements moraux de la littérature gnomique d’Israël. Cette préoccupation et ce but expliqueraient la pureté relative du grec de cette version et certaines réminiscences classiques (également consta

tées par Baumgartner), op. cit., p. 9. Indépendamment même de ces circonstances, il était à peu près impossible .au traducteur grec de rendre littéralement les mots d’un mâsâl dont l’expression portait si fortement accusée l’empreinte du cachet sémitique ; et alors, tantôt un verbe, tantôt un qualificatif, tantôt une périphrase -devaient être ajoutés avant que la formule hébraïque devînt intelligible à des esprits grecs.

Les différences entre le texte massorétique et la version grecque des Proverbes ne consistent pas uniquement dans des manières différentes de rendre une pensée. Il y a, entre les deux, d’autres divergences plus notables, et telles que la plupart des auteurs en concluent que cette traduction a dû être faite sur un manuscrit hébreu différent du texte massorétique qui nous est parvenu (Vigouroux, Baumgartner, Toy, etc.). Il y a des changements dans la composition même de distiques qui de synthétiques sont devenus antithétiques ; il y a omission de plusieurs passages contenus dans le texte hébreu et l’on ne voit aucune raison pouvant légitimer cette disparition ; il y a surtout des additions de passages assez nombreux, provenant plus probablement d’un texte hébreu plutôt que d’un original grec (Vigouroux, Baumgartner, Toy) ; on y constate encore des changements relativement à la distribution des chapitres à partir dé 24. Ainsi, après xxiv, 22, de l’hébreu le grec intercale xxx, 1-14, puis xxiv, 23-34, ensuite xxx, 1-9, « iprès xxv-xxix, et enfin xxxi, 10-31.

La version grecque représentant un texte hébreu plus -ancien que le texte massorétique constituerait un excellent moyen de critique littéraire du texte hébreu reçu, si les particularités de sa composition et les modifications qu’elle a subies avant et après les recensions du irie siçcle, n’avaient un peu diminué sa valeur critique, bien qu’elle soit encore assez notable.

2° La version sahidique, éditée par Ciasca, qui comprend une grande partie des Proverbes, pourrait èlre très utile pour la reconstitution du texte ancien des Septante, en tant que cette version a été faite avant les recensions et dans la suite n’en a subi qu’assez peu l’influence, Hyvernat, Versions coptes, dans la Revue biblique, 1896, p. 427-433, 540-569 ; 1897, p. 48-74. — Pendant longtemps, la Peschitto avait été considérée comme dépendant du ïargum des Proverbes et indépendante des Septante, ce sentiment est maintenant complètement abandonné. R. Duval, Littérature syriaque, 3e édit., 1907, p. 32. La question des rapports de la Peschito relativement aux Septante a été particulièrement étudiée par H. Pinkuss, Me syrische Ubersetzimg der Prov. textkntisch untersucht, dans la Zeitschr. fur die alttest. Wissenschaft, t. xiv, 1894, p. 65-141, 161-222.

3° La date de composition de la Peschito, en ce qui concerne les Proverbes, est assez incertaine, ce livre n’étant point de ceux dont la traduction s’imposât en premier lieu : les uns comme R. Duval, op. cit., p. 31, ne font terminer l’ensemble de la traduction qu’au IVe siècle, tandis que d’autres, avec Baumgartner, op. cit., p. 14, ne descendraient pas au delà du milieu du IIe siècle. La traduction aurait été faite sur un manuscrit hébreu à peu près identique au texte massorétique, puis plus tard revision de cette traduction d’après les Septante, R. Duval, op. cit., p. 33 ; au viie siècle, au moment de la version syro-hexaplaire de Paul de Telia, Baumgartner, op. cit., p. 14 ; à rencontre de cette opinion celle de Frankenberg, qui prétend que l’influence du grec remonte au traducteur ; tout en suivant l’hébreu pour le fond il se serait inspiré en même temps de l’œuvre des Septante. Comme par ailleurs la traduction syriaque a une allure assez Jibre, qu’elle paraphrase en certains passages, ces diverses particularités diminuent sa valeur critique.

4° Le Targum des Proverbes suit de très près Ja .Peschito et en dépend. Dalhe, De ratione consensus

versionis chald. et syr. Prov. Salom. ; R. Duval, Littérature syriaque, p. 32. Les passages où il s’en écarte proviennent probablement d’une revision faite d’après le lexte massorétique. On ignore sa date, il peut être très ancien ; la défense de mettre par écrit les explications targumiques, si longtemps en [vigueur, ne s’appliquant qu’aux livres bibliques lus dans la synagogue.

5° La traduction des Proverbes dans la Vulgate latine est l’œuvre de saint Jérôme ; elle fut faite très rapidement, en même temps que celle de l’Ecclésiaste et du Cantique. Voir Ecclésiaste, t. ii, col. 1543-1557, et Cantique des Cantiques, t. ii, col. 185-199. D’une façon générale elle suit assez fidèlement le texte massorétique sur lequel elle a été faite. Elle porte cependant des traces de l’influence des Septante, probablement par l’intermédiaire de l’ancienne version latine, très bien connue de saint Jérôme, Baumgartner, op. cit., p. 16 ; Toy, Proverbs, p. xxxiv ; Frankenberg pense plutôt que les emprunts aux Septante constatés dans la Vulgate seraient postérieurs à saint Jérôme et l’oeuvre de copistes qui ont voulu compléter la version hiéronymienne avec l’aide de l’ancienne version latine faite sur le grec ; de fait la comparaison entre la Vulgate Clémentine et le Codex Amiatinus, de la fin du VIIe siècle, voir Amiatinus (Codex), t. i, col. 480, semble favoriser cette opinion. La Vulgate renferme donc la plus grande partie des additions des Proverbes qu’on trouve dans les Septante, mais elle en contient aussi un certain nombre qui lui sont propres.

X. Comparaison avec les autres livres sapientiaux.

— Le livre des Proverbes est ordinairement rapproché des autres livres sapientiaux avec lesquels il a des ressemblances pour le fond comme pour la forme. — 1° Au point de vue du vocabulaire, on y trouve certaines expressions dont l’usage est assez fréquent dans ces livres comme se rapportant plus particulièrement à leur objet spécial : les mots exprimant le commandement, la loi, l’instruction, la connaissance de la vérité, la sagesse. Toy, Proverbs, p. xxiv, a dressé une liste comparative de ces expressions, telles qu’on les rencontre dans les Proverbes, Job et l’Ecclésiastique.

2° La composition littéraire de ces livres se signale par une constante fidélité à garder les lois du parallélisme. Le rapprochement est plus particulièrement remarquable avec l’Ecclésiastique (voir Ecclésiastique, t. ii, plus spécialement col. 1543-1557) et dans l’un et l’autre se trouve la même préoccupation d’apporter une grande variété dans l’emploi de cette règle fondamentale de la poésie hébraïque. Le simple distique est cependant plus fréquent dans les Proverbes que dans l’Ecclésiastique, et les chap. i-ix, malgré une certaine unité constatée dans les discours et les exhortations de la Sagesse, ne présentent point ce caractère d’unité que revêt 1’  « Éloge des anciens » dans Eccli., xliv-xlix.

3° Quant à [l’objet du livre, les Proverbes se rapprochent également beaucoup plus de l’Ecclésiastique que des autres livres sapientiaux. L’étude de la Sagesse fournit la note caractéristique de ces deux ouvrages comme elle donne une certaine unité à tout l’ensemble de leur contenu : son origine divine (Prov., vin ; Eccli., xxiv), et surtout ses conseils pratiques pour l’instruction des hommes. L’un et l’autre livre constituent un manuel pratique pour l’instruction et la formation de ceux qui veulent se constituer les disciples de la Sagesse. L’ensemble des vérités religieuses qu’ils renferment sur Dieu, sur la rétribution, sur la conduite de l’homme et sa dépendance vis-à-vis de Dieu, sont envisagées au même point de vue ; à noter cependant la perspective nationale constatée dans Eccli., xxiv, qu’on ne trouve point dans les Proverbes. Il y a aussi grande analogie dans la description de la vie sociale que nous révèlent les Proverbes et l’Ecclésiastique.

XL Analyse du livre des Proverbes. — Il est impossible de donner une analyse bien serrée du contenu de ce livre ou d’indiquer la suite de toutes les pensées renfermées dans ce recueil, du moins dans toutes les parties qui le composent.

7° section, i, 1-ix, 18. — i, 1-6. Introduction générale indiquant le titre, le but et l’importance de l’ouvrage. — i, 7-ix, 18. De petits discours moraux et quelques distiques isolés dans lesquels la Sagesse, directement ou par l’intermédiaire du Sage, parle à son disciple qu’elle appelle « mon fils ». Ils forment comme une grande introduction préliminaire au recueil de maximes proprement dites qui commencera avecle chap. x. Tout le contenu de cette section se ramène à un même objet : l’excellence de la Sagesse, de là, des exhortations sans cesse renouvelées d’étudier et de pratiquer la Sagesse.

II » section, x, 1-xxir, 16. — C’est une longue série des pensées morales présentées dans de simples distiques. Dans cette section, on rencontre parfois des groupements de vers présentant une certaine affinité de pensées, ou simplement contenant chacun un même mot important, mais un classement logique n’a point présidé à la formation de ce recueil. On a pourtant essayé de trouver un classement méthodique pour grouper tous ces proverbes sans obtenir un résultat tout à fait satisfaisant. Zôckler a proposé un tableau de ce genre ; il a été utilisé par Lesètre, Le livre des Proverbes, p. 2931. Toutes les sentences de cette section considèrent l’homme dans diverses situations de la vie humaine où il peut se rencontrer, avec des devoirs sociaux, moraux et religieux. — On pourrait peut-être reconnaître que dans x-xv, où le parallélisme est antithétique on insiste plus spécialement sur les contrastes qui existent entre les heureux effets de la justice pratiquée et les châtiments réservés au mal ; — que dans xvi, 1-xxii, 16, avec le parallélisme synonymique et antithétique on exhorte plus spécialement à la pratique du bien par la perspective du bonheur des justes et d u malheureux sort de l’impie.

III" section, xxii, 17-xxiv, 22 : Exhortations morales du même genre que celles de la I re section : c’est un corps de maximes proposées par le Sage à son disciple comme dans 1-x. — xxii, 17-21 : Le disciple est invité à garder soigneusement l’enseignement du Sage. — xxii, 22-xxm, 18 : Divers conseils entremêlés de formules dans lesquelles les exhortations sont présentées avec une insistance particulière ; elles concernent tout spécialement la conduite à tenir à l’égard du prochain considéré sous divers aspects de la vie sociale : pauvres, riches, grands, enfants,-orphelins, etc. — 19-35. Catégories d’individus à éviter plus spécialement : ceux qui s’adonnent au vin et les femmes de mauvaise vie. — xxiv, 1-14 : Avantages et bienfaits de la Sagesse pour qui la possède, les devoirs qu’elle crée à l’égard d’autrui.

— 15-22 : Vivre dans la paix et ne causer de mal à personne ni au juste, ni même à ses ennemis.

IV » section, xxiv, 23-34. — Divers conseils du Sage : rapports avec le prochain, 24 1 29 : altitude de justice et de charité qu’il faut prendre à son égard. — 30-34 : Éviter la paresse en constatant ses tristes effets.

Ve section, xxv, 1-xxix, 27. — Ce sont des maximes d’ordre général concernant des devoirs sociaux, mais il y a aussi de nombreuses sentences de conduite pratique dans l’ordre privé et domestique. On peut y distinguer 2 parties assez nettement distinctes au point de vue du style et de la nature despensées : — xxv-xxvii, qui se terminent par un petit poème sur l’agriculture : les distiques n’y sont pas exclusivement usités et la valeur psychologique des maximes qui s’y.trouvent est particulièrement remarquable ; — xxviii-xxrx, exclusivement des distiques : sentences morales avec moins de vie dans l’expression que dans les cha’p. précédents.

VI » section, xxx, forme un tout distinct du reste du livre, en général les pensées y ont une certaine étendue.

— 1. Titre. 2-4. Paroles d’Agur ; faiblesse de l’intelligence humaine en face des œuvres de Dieu, qui est connu par la révélation de lui-même. — 5-6. Exhortations à la confiance en Dieu. — 7-9. Une prière pour demander à Dieu la loyauté de caractère et une situation qui ne l’expose pas à être tenté par les extrêmes de la fortune.

— 10-33. Diverses maximes : descriptions de qualités ou de caractères, sous forme de proverbes numériques, avec prédominance du nombre 4.

VII » section, xxxi, 1-9. — Maximes de la mère du roi Lamuel, genre homilélique ; contre la fréquentation des femmes et l’intempérance ; exhortation à la justice et au secours des faibles.

Vlll » section, xxxi, 10-31. — Éloge de la femme forte ou description de quelques-unes des qualités que doit posséder l’épouse parfaite, cousidérée plus spécialement dans la direction et le soin des affaires de la vie domestique.

XII. Doctrine dd livre des Proverbes. — I. géné-BALU’ÉS. — 1. Il ne faut point chercher dans le contenu de ce livre un exposé systématique ni un traité théorique où seraient classées et étudiées les différentes catégories de devoirs qui incombent à tous les hommes, même aux Israélites en particulier, mais bien plutôt une invitation à la pratique de la morale en vue de rendre la vie morale meilleure. — 2. La vie humaine est considérée dans ces maximes sous son aspect extérieur, comme une collection d’actes moraux, conformes ou non à la loi, et c’est en partant de cette conformité comme norme que les hommes sont divisés en deux catégories dont les caractères paraissent absolument fixés : les bons et les méchants, les sages et les insensés. — 3. La vie humaine y est envisagée tout particulièrement comme une discipline à réaliser, de là l’importance et la place prépondérante données à l’instruction, à l’éducation et à la loi. Par loi, dans l’ensemble du livre, on indique tout aussi bien les préceptes de la loi naturelle que ceux de la loi positive. — 4. Bien qu’à plusieurs reprises on y parle des devoirs sociaux de l’homme et que toujours l’homme y soit considéré comme faisant partie d’une collectivité sociale, domestique ou nationale, néanmoins c’est avant tout à l’individu qu’on s’adresse dans cet enseignement. Le bien général résultera de la mise en pratique des conseils de la sagesse par ceux qui voudront bien être ses disciples, mais il ne sera point l’objet immédiat de cette instruction. De là le côté si fortement individualiste que présenteront un grand nombre de proverbes. — 5. L’existence du mal physique et moral y est parfaitement reconnue, mais on n’y rencontre point une préoccupation quelconque d’indiquer ou de solutionner quelques-uns des problèmes que cette constatation peut présenter à l’esprit ; on indique seulement la possibilité et le devoir d’éviter la violation de la loi (mal moral) en l’observant fidèlement et la possibilité d’écarter le mal physique en méritant les faveurs de Dieu.

II. dieu. — 1. La doctrine monothéiste est absolue dans toutes les parties du livre ; comme dans les autres livres de la Bible affirmée et toujours présupposée sans aucune préoccupation de démonstration : l’idolâtrie n’est pas mentionnée, Dieu y est souvent désigné sous son nom de Jéhovah. — 2. Dieu est éternel, rien n’existait encore de tout l’univers et il était déjà viii, 22-26 ; indépendant du monde, c’est lui qui est le créateur de tout ce qui existe, iii, 19-20 ; libre de créer, il est lui-même la cause finale de son œuvre, xvi, 4 (Vulgate). — 3. Le livre ne renferme poin^ de données précises sur la nature divine, néanmoins les sections de viii, 22 sq., sur la sagesse personnifiée, fournissent un apport tout nouveau et important sur cet objet. — 4. L’attention est surtout attirée sur les attributs de Dieu en

tant qu’ils se manifestent dans ses relations avec les hommes ; — a) Sa science parfaite qui lui permet de suivre continuellement les actions et les intentions des hommes : cause d’effroi pour le pécheur, source de consolation pour le juste, v, 2î ; xv, 3, ii, xxiv, 12. — 6) Une puissance infinie dans l’exécution de tous ses desseins, irrésistible dans son action même sur les actes de l’homme tout en respectant sa liberté xvi, 4, 9 ; xix, 21 ; xx, 24 ; xxr, 1. — c) Sa justice absolue, mise tout particulièrement en relief, soit qu’on le considère comme le principe de toute justice, xvi, 11, et ne pouvant supporter la moindre injustice, XI, 1, soit qu’on envisage son activité par laquelle il se révèle toujours essentiellement juste : en appréciant chaque action selon sa valeur morale, iii, 32, 35 ; xii, 2 ; en se constituant le protecteur des faibles contre ceux qui pouvaient abuser de leur force à leur égard, xxii, 23 ; en poursuivant le pécheur et en rétablissant par le châtiment l'équilibre moral ébranlé par sa faute, xv, 25 ; xvi, 5 ; en récompensant le juste dont il est le défenseur, m, 5, 10. — d) Sa providence, soit au sens philosophique du mot, on la constate s’exerçant dans le monde par une action incessante à l'égard de l’homme comme par rapport aux nations, xvi, 4 ; viii, 15-16 ; soit au sens de protection spéciale, il est la source du bonheur pour quiconque se confie en lui, spécialement pour le juste, xvi, 20 ; xviii, 10, et pour ceux qui sont faibles et abandonnés : orphelins, veuves, etc., xv, 25 ; xxiii, 1011. — e) Sa bonté qui se manifeste même quand il châtie celui qu’il aime, iii, 12.

m. L’homme. — A) Sa constitution. — o) Constitution physique. — L’homme se compose d’un corps et d’une âme. L'âme (néfés) est le principe de la vie physique et morale ; le siège de la pensée et des passions, xxiii, 7 ; xi, 25. Souvent c’est le cœur qui est donné comme agent de la connaissance, xv, 14 ; xvi, 1, tandis que la vie effective de l'âme est manifestée par le tressaillement des entrailles, xxiii, 16. — b) Constitution morale. : il est un être libre qui a des commandements à observer et qu’il peut ne pas garder ; tout le livre suppose cette liberté ; de là la constatation de sa responsabilité et la note caractéristique de l’insensé : il a méconnu les conseils de la sagesse, i, 24. — c) Dépendance de Dieu, dans sa vie corporelle : membres, conservation de la vie, etc., xx, 12 ; dans sa vie morale : décisions, conseils, etc., xvi, 9 ; xix, 21 ; dans son bonheur, x, 22. — d) Destinée. Les Proverbes enseignent que tout n’est pas fini pour l’homme avec la vie présente, ils connaissent et affirment la doctrine de la survivance, mais ils en parlent peu et leurs expressions sont-assez indéterminées. Ce qu’ils nous rappellent à ce sujet, c’est que tous les morts descendent au ùe'ôl, rendez-vous universel de tous les hommes où la vie est transformée en une sorte de léthargie, gouffre profond situé dans les parties inférieures de la terre, 1, 12 ; II, 15, séjour immense dont la science parfaite de Dieu peut seule avoir une connaissance complète, xv, 11.

B) L’homme dans sa vie morale. — 1° Morale générale. — 1. C’est Dieu qui est le principe et le fondement absolu de toute la morale, xvi, 11 ; xx, 24, comme de l’homme par la parole même de Dieu ou par des intermédiaires : parents, sages. — 2. L’idéal moral, c’est l’acquisition de la Sagesse qui consiste dans la crainte de Dieu, c’est-à-dire la haine du mal et la poursuite de la sainteté, i, 7 ; viii, 13. — 3. L’observation de la loi morale est obligatoire pour l’homme, il en est le sujet et il y a mal moral pour lui à agir autrement, xiv, 21 ; xvi, 17, et il n’aura même sa véritable vajeur d’homme que dans la mesure où il s’y vaontvera fidèle ; d’ailleurs la sagesse est accessible â quiconque la recherche, elle s’olfre à qui veut a trouver, i, 20, viii, 1 sq. ; ix, 3 sq. ; — i. La méthode morale à employer (ou les dispositions inté rieures requises) pour l’acquisition de la Sagesse consiste dans une recherche sincère accompagnée debeaucoup d’oubli de soi-même et de détachement, ii, 3 sq., iv, 7-8 ; vil, 4 ; d’humilité et de défiance de soi-même, iii, 517 ; d’application à la pratique de la justice avec tendance constante à la perfection, xx, 9.

— 5. La vie morale ne consiste pas dans des observances purement extérieures, même excellentes commeles sacrifices, xxi, 3, mais dans la crainte de Dieu, la pratique de toutes les vertus et l’accomplissement des diverses prescriptions concernant Dieu, le prochain ou soi-même. C’est une vie spéciale qui réclame même des actions plus qu’ordinaires, par exemple, les prévenances à l'égard des ennemis, xxiv, 17, et où le fond essentiel, c’est l’intention, xvi, 30 ; xxi, 27. Elle comporte une grande maîtrise de soi, manifestée surtout au moment des difficultés, iv, 23. — 6. La Sanction de cette vie morale se manifeste ordinairement dans la vie présente et peut être envisagée avec ou sans une intervention immédiate de Dieu. Dans le premier cas, comme récompense, c’est en particulier l’amitié de Dieu, l’intimité avec lui puisqu’il « communique ses Secrets aux cœurs droits », iii, 32 ; viii, 17, 35 b ; xii, 2% c’est la santé et l’abondance des biens, iii, 8, 10 ; c’est la prolongation des jours et la descente au se'ôl retardée le plus longtemps possible, x, 27 ; c’est le bonheur et la stabilité dans le bonheur assurés par Dieu, m, 33 b ; xix, 23 ; — le châtiment se présente dans des conditions analogues, iii, 33 a ; c’est l’arrivée subite de la ruine pour l’homme méchant, vi, 15, c’est le nombre de ses années abrégé, c’est à la ileur de l'âge qu’il descend au sêol, x, 27 ; si une affliction transitoire peut atteindre le juste, il s’en relève, il n’en est pas ainsi de l’impie, xxiv, 16. Sans mention de l’intervention immédiate de Dieu ; c’est la paix et le bonheur accompagnant ordinairement la vertu, I, 33 ; ii, 7 ; viii, 35°, quant au péché, il se punit lui-même, car souvent l’homme est puni par où il a péché, I, 19, 32, v, 22. — Un autre genre de sanction souvent exprimée est celle qui récompense ou châtie l’homme dans sa postérité, les enfants du juste participant aux bénédictions dont il avait bénéficié, tandis que le pécheur fait partager à ses descendants la malédiction qu’il avait attirée sur lui, xiii, 22 ; xx, 7. — Les proverbes mentionnent, bien qu’un peu obscurément, une relation entre la vie présente et les conditions de la vie future envisagée comme sanction, xi, 4 ; cf. xii, 28.

2° Morale spéciale. — o) Devoirs envers Dieu. Les principaux sentiments qui doivent animer-l’homme dans ses rapports avec Dieu sont : la crainte, entendue spécialement comme exprimant l’idée de religion, i, 7, la confiance, iii, 4, la délicatesse de conscience qui ne présume pas trop facilement de sa perfection, xx, 9 ; xxviii, 14. Ces dispositions se manifestent par une fidèle obéissance â toutes les prescriptions de Dieu, m, 9-10 ; Xix, 18, qui n’a de valeur que si elle est accompagnée de la justice intérieure, XXI, 3, 27.

b) Devoirs envers le prochain. — Ils sont prescrits par Dieu et fondés sur la nature des choses. Les principaux devoirs sur lesquels on insiste spécialement sont tout d’abord : la justice (on y revient très souvent dans le livre) dans les transactions commerciales, xi, 1 ; xx, 10, 23, dans les jugements, xvii, 15, 23, aussi bien que dans le respect du bien d’autrui, xxii, 28 ; xxiii, 10 ; — la charité dans ses différentes formes : aimer et secourir les deshérités de la fortune, car Dieu a fait le pauvre comme le riche et il veut qu’on aime les pauvres ; ainsi, donner aux pauvres c’est prêtera Dieu, xiv, 31 ; xix, 17 ; xxii, 20 ; — s’intéresser à ceux qui ignorent la Sagesse en les instruisant, XV, 7 ; xvi, 23 ;

— surtout en oubliant et en pardonnant les injures xix, 11, car c’est à Dieu seul de faire justice, xx, 23, ne pas même se contenter de ne se point réjouir du

malheur d’autrui, même s’il est notre ennemi, xxiv, 17, mais encore lui faire du bien.

Si ton ennemi a faim, donne-lui du pain à manger. S’il a soif, donne-lui de l’eau à boire, xxv, 21.

c) Devoirs envers soi-même. — - D’une façon générale, c’est d’un côté, des efforts incessants vers le bien et l’acquisition de la Sagesse, et de l’autre une applica410n continuelle à fuir le mal. Quelques vertus plus particulièrement recommandées dont les caractères se ramènent aisément à ces deux idées ; modération et activité : l’humilité, iii, 5, 7 ; xxvii, 2 ; la chasteté, ii, 16 ; vi, 24-29 ; la tempérance, xx, 1 ; xxiii, 1-3 ; le détachement des richesses, xxiii, 4-5 ; la modération et la .maîtrise de soi, xvi, 32 ; la droiture dans les actions, 41, 15 ; iv, 26 ; l’amour et la pratique du travail, vi, 611 ; x, 4-5. — Quelques vices et défauts plus spécialement signalés -.l’orgueil, vi, 17 ; l’impiété manifestée dans les dispositions défectueuses de celui qui offre un sacrifice, xv, 8, ou qui fait des vœux précipités, xx, 25 ; le faux témoignage, la calomnie, la médisance, xix, "S, 28 ; x, 18 ; xviii, S ; l’humeur querelleuse et la colère, xii, 16 ; xvii, 19 ; l’impureté (on y insiste spécialement dans les chap. v et vu) ; le mensonge et l’hypocrisie,

: xii, 19 ; xix, 22 ; l’intempérance et la paresse signalées

avec une insistance particulière, xxiii, 29-35 ; xxiv, 3034 ; xxvi, 13-16.

d) Dans l’ensemble de ces prescriptions, il en est quelques-unes qui peuvent provenir de l’expérience, personnelle ou acquise des anciens, ce sont surtout celles où l’intérêt immédiat du sujet paraît en cause, comme l’est par exemple le conseil d’éviter la femme -adultère pour ne pas s’exposer à la vengeance du mari courroucé, VI, 32-35 ; mais il en est d’autres qui ne peuvent provenir de la même origine, car ils ne consistent pas uniquement dans le fait d’une modification ayant pour but d’en faire disparaître les principales imperfections, mais bien dans une transformation radicale qui ne peut avoir que l’Esprit de Dieu comme principe, ainsi les conseils de chasteté par rapport à la courtisane, là où il n’y a plus les inconvénients signalés à propos de l’adultère, v, 20 ; vi, 24 ; ainsi les conseils concernant l’attitude à garder vis-à-vis du pauvre, quand la tendance naturelle porte l’homme fortuné à abuser de sa situation par rapport aux deshérités de la fortune si ses intérêts l’y engagent, surtout vis-à-vis de l’ennemi quand la vengeance paraît si naturelle au cœur de l’homme, xix, 17 ; xxv, 21.

C’est par une fidélité ponctuelle et continuelle que l’homme deviendra juste, car si la sagesse est la connaissance des règles de l’activité humaine telle que Dieu veut qu’elle l’exerce, la justice consiste dans la mise en pratique des règles et des prescriptions élaborées ou proposées par la Sagesse. Les Proverbes insistent beaucoup pour montrer que cette sagesse n’est pas innée en nous et que d’ailleurs l’homme se fait très aisément illusion sur ses intérêts même les plus immédiats, xvi, 25, de là, l’impérieuse nécessité de l’éducation pour former le juste qui doit se constituer le disciple de ceux qui sont les intermédiaires de Dieu pour lui faire connaître la Sagesse.

iy. la famille. — Plusieurs points sur ce sujet sont plus particulièrement intéressants à noter. — 1. Importance de l’épouse vertueuse dans l’intérêt de la maison, xii, 4 ; xiv, l a, aussi l’homme ne saurait-il -apporter trop de soin dans le choix de celle qui devra être sa compagne, xviii, 22. Le portrait de la femme forte, xxxi, 10-31, énumèrê avec complaisance les grands services que le mari peut attendre d’une épouse bien choisie, en même temps qu’il indique quelles qualités sérieuses il faut rechercher pour que ce choix soit sage et éclairé ; une épouse de ce genre doit être .considérée comme un don de Dieu, xix, 14 ; — par

contraste, le Sage ne manque pas de rappeler fréquemment quels maux peut attirer sur une maison l’épouse dépourvue de ces qualités, ii, 16-18 ; xii, 4 ; xiv, 1*. — 2. Le premier devoir du mari c’est la fidélité conjugale, aussi lui est-il recommandé, avec une insistance significative, de se garder avec soin de toute relation coupable avec la femme étrangère et corrompue, en même temps qu’on lui rappelle toute la gravité de l’adultère, v, 15-23 ; vi, 25, 29, 32-33. - 3. Parmi les devoirs des parents, l’éducation des enfants attire tout particulièrement l’attention du Sage, il reconnaît l’autorité du père et de la mère en cette matière et indique le respect et ^’obéissance que les enfants doivent également à l’un et à l’autre, i, 8 ; vi, 20 ; il signale toute l’importance, xxii, 6, 15 ; xxix, 17, et les principaux caractères de cette éducation, insistant spécialement sur la fermeté qu’on doit y employer, xiii, 24 ; xxiv, 13, non toutefois sans recommander de tenir compte des tendances particulières de l’enfant, xxii, 11 ; c’est d’ailleurs l’intérêt des parents, car la conduite de leurs enfants, résultat de l’éducation reçue, leur sera une cause de bonheur ou de malheur, x, 1 ; xvii, 25 ; xxiii, 24-25. — 4. L’enfant doit montrer une très grande docilité à l’égard de ses parents ; il leur doit un égal respect qui ne diminue nullement avec l’âge, vi, 20 ; xxiii, 22 ; il trouvera le bonheur dans cette attitude, iv, 10, tandis que les menaces s’accumulent contre le fils insensé et indocile, xix, 26 ; xx, 20 ; xxx, 17.

v. lasagesse. — 1° D’une façon générale, sciencepartaite, propre à Dieu et communiquée par lui aux hommes ; elle se présente sous différents aspects. — a) Une conception humaine de la sagesse, dont les traits caractéristiques sont -, une certaine habileté, i, 5 ; une grande facilité de discernement, i, 4, 6 ; une prudence pratique ou « expérience » qui donne la science de la vie, m, 2 ; xiv, 8, — 6) Une conception religieuse, considérée comme distincte de l’habileté naturelle et impliquant la crainte de Dieu, i, 7, l’amour de Dieu, l’accomplissement du culte et l’exécution de la loi, iii, 9, et comme telle, source de bénédictions divines et principe de l’acquisition et de la pratique de la vertu et faisant de celui qui la possède « l’homme juste », viii, 13 ; xxx, 3.

— L’acquisition de la sagesse par l’homme est donnée comme une chose ardue, elle lui serait presque impossible, si elle ne s’offrait elle-même à quHa recherche, viii, 13 ; ix, 3, et si en définitive elle n’était communiquée par Dieu soit indirectement par des intermédiaires, soit surtout directement comme un don que lui seul peut faire, car elle est plus que la simple totalité de 1’  « expérience » (personnelle et des anciens) ; sa possession est vraiment un don de Dieu, ii, 6. — c) Conception d’une sagesse absolue et universelle ; — elle nous est montrée comme s’adressant à tous, i, 20-33 ; vm, 2, 3 ; ix, 3 ; elle se trouve dans l’ordre général du monde qui la manifeste, iii, 19-20 ; on la rencontre encore dans le gouvernement politique de l’humanité, vu. 15-16. — d) La Sagesse considérée en elle-même. — a) Son origine ; elle vient de Dieu dès l’éternité et avant toutes choses, viii, 22-23. — 3) Sa nature ; 1° attribut de Dieu, en qui elle réside, qui la possède éternellement et dont elle fait les délices, iii, 19 ; viii, 22-31. — 2° hypostase : son activité coopératrice dans la création, vm, 20 : son amour pour les hommes, elle leur sert de médiatrice auprès de. Dieu, viii, 31, c’est-à-dire qu’elle se présente avec les trois caractères suivants : nature transcendante, personnification nettement accentuée (la tradition catholique y voit une personnalité réelle et distincte), possibilité et désir de se communiquer aux hommes, que le progrès de la révélation accentuera de plus en plus et qui trouveront leur exposition complète dans le prologue du IVe Évangile. Voir dans J. Corluy, La Sagesse dans l’Ane. Test. (Congr. scient, des cath., 1888, t. i, p. 61-91), un tableau comparatif des données 801

Pft OBEREES (^LW IE. -BESy — PRONVûE^Cï,

802

de saint Jean, i, et des Proverbes, viii, ainsi que de l’Ecclésiastique, xxiv, et de la Sagesse, vii-viii). — La liturgie catholique fait une application particulière de viii, 224)1, à la très sainte Vierge.

XIII. Bibliographie des Proverbes. — t. texte et verswns anciennes. — * R. Grey, The Book of Proverbs divided according lo the mètre, with Notes, Londres, 1738 ; *J. A. Dathe, Prolusio de ratione consensus vers. chald. et syriacse Prov. Salom., Leipzig, 1764, étude publiée par Rosenmùller, dans Opuscula ad crisin et interpretationem V. T. spectantia, 1814 ; * L. Vogeb Observât, crit., addition à Vers, integ. Prov. Salom., de A. Schultens, Halle, 1769 ; *J.G. Jæger, Observalion.es, in Prov. Salom., versionem Alexand., Leipzig, 1788 ;

  • J. G. Dahler, Animadversiones in cap. i-xxtv vers,

grsecm Prov. Salom., Strasbourg, 1786 ; * P. de Lagarde, Anmerkungen zur griechischen Uebersetzung êer Proverbien., 1863 ; *S. Bær, Liber Proverbiorum (texte massorétique), avec préface de Frz. Delitzsch, Leipzig, 1880 ; * J. Dyserinck, Kritische Scholiën bij de verlaling van het boek der Spreuken, Leyde, 1883 ; *IJ. Grâtz, Exegetische Sludien zu den Satoni. Sprûchen, dans Monatsschrift fur Gesch. und Wissenschaft, des Judenthums, 1884, p. 289, 337, 414, 433 ; et notes critiques sur les chap. l-xxii, dans Emendationes, Breslau, 1893, p. 30 ; *II. Oort, Spreuken i-ix, dans Theol. Tijdsckrift, Leyde, 1885, p. 379 ; *A. J. Baumgartner, Etude critique sur Vétat du texte du livre des Proverbes d’après les principales traductions anciennes, Leipzig, 1890 ; ' H. P.Chajes ; Proverbia-S Indien zu der sogenannten Salomonischen Sammlung, c. x-xxm, 16, Berlin, 1899 ; * E. Kautzsch, The Book of Proverbs, dans The sacred Books of the Old Test., édit. par P. Haupt, Leipzig, 1901 ; *G. Wildeboer, De Tijdbepaling van het Boek der Spreuken dans Verslagen en Mededeelingen der konink. Akad. van Welenschappen, Amsterdam, 1899, p. 233.

il. COUMENTAIUES. — Outre ceux qui ont été déjà nommés dans le cours de l’article : * H. Deutsch, Die Sprûche Salomo’s nach der Auffassung im Talmud und Midrasch dargestellt und krilisch untersucht, 1885 ; S. Hippolyte, In Proverbia (fragments), t. x, col. 615-628 ; Origène, Eiç xà ; itaposiua ; SaXofuôvtoç (fragments), t. xiii, col. 17-34 ; S. Basile, Hom. xii, In Principium Proverb., t. xxxi, col. 385-424 ; Didyme d’Alexandrie, fragments d’un comment, sur les Proverbes, t.xxxix, col. 1621-1646 ; Procope de Gaza, 'Ep|j.'<]w.x eï ; ta ; îi « poi( « aî, t. Lxxxvii, l"part., col. 1221-1544 ; Supplément, t. lxxxvii, 2e part., col. 1779-1800 ; Salonius, évêque de Vienne, In Parabolas Salomonis expositio mystica, t. lui, col. 967-991 ; Bède, Super parabolas Salomonis allegorica expositio, t. xci, col. 937-1040, suivi du De muliere forii libellus, col. 1040-1052, également suivi de In Prov. Salom. allegoricse interprelationis fragmenta (chap. vii, xxx, xxxi, xxvi), col. 1050-1060 ; R. Maur, Expositio in Prov. Sal., t. cxi, col. 679-792 ; R. Holkoth, Prxlect. in lib. Sap., 1481 ; in Proverbia, Paris, 1515 ; S. Munster, Prov. Salom. juxta heb. veritatem translata et adnotat. illustrata, Bàle, 1525 ; Gajetan, Parabôlie Sal. ad veritatem ebraicam castigatse etenarratee, Lyon, 1545 ; J. Arboreus, Comm. in Prov. Sal., Paris, 1549 ; K. Bayne, Comm. in Prov. Sal., Paris, 1555 ; Cornel. Jansenius, de Gand, Paraphrasis et adnotationes in Prov. Sal., Louvain, 1569, J. Mercèrus, Comm. in Salomonis Proverbia, Genève, 1573 ; Th. Cartwrigbt, Comm. succincti et dilucidi in Prov. Salom., Leyde, 1617 ; Fr. de Salazar, Expositio in Prov. Salom., tam litteralis quant moralis et allegorica, 2 in-f°, Paris, 1619-1621 ; Bohl, Ethica sacra, sive comment, super Prov. Salom., publié par G. Witzleben, Rostock, 1640 ; J. Maldonat, Scholia in Psalmos, Proverbia, etc., Paris, 1643 ; A. Agellius, Comment, in Proverbia, Paris, 1611 ; Vérone, 1649 ; Corn. Jansenius

niCT. DE LA BIBLE.

d’Ypres, Analecta in Prov., Louvain, 1644 ; M. Geier, Proverbia regum sapientissimi Salomonis cum cura enucleata, Leipzig, 1653, 1688, 1725 ; Bossuet, Lïbri Salom. Prov., Eccl., Paris, 1693 ; *C. B. Michælis, Notée uberiores in Prov. Salom., dans Annotât, uber. inttagiogr. V. Test, libros, Halle, 1720 ; * A. Schultens, Proverb. Salomonis versionem intégrant ad Hebrœum fonlem expressif alque commenlarium adjecit, Liège, 1748 ; *L. Nagel, Die Sprûchivorter Salomon’s umschrieben, Leipzig, 1767 ; *J. F, Hirts, Vollstândigere Erklârung der Sprûche Salomons, léna, 1768 ; J. D. Michælis, Uebersetzung der Sprûche und des Predigers Salomons mil Anmerkungen fur Vngelehrte, Gœltingue, 1778 ; *J. C. Dcederlein, Sprûche Salomon’s. Neu i’tbersetzt mit kwzen erlâuternden Anmerkungen, Altdorꝟ. 1778, 1782, 1786 ; "B. Hodgson, The Proverbs ofSal. translaled front the Hebreio with notes, Oxford, 1788 ; *C. L. Ziegler, Neue Uebersetzung der Denksprùche Sal. im Geist der Parallelen, mit einer vollstûndigen Einleitung, philologischen Erlàuterungen und praktisehen Anmerkungen, Leipzig, 1791 ; " C. G. Henslers, Erlàuterungen des ersten Bûches Samuels und der Salom. Denksprûche, Hambourg et liïel, 1796 ; * G ; Holdens, Attempt towards an improved translation of the Prov. of Salom. front the original Ilebrew ; with notes critical and explanatory, and a preliminary dissert., Londres, 1819 ; * G. Umbreit, Philolog.-kritisch und philosoph. Commentar ûber die Sprûche Sal., Heidelberg, 1826 ; "Maurer, Comment, gram. critic. in Proverbia, 1841 ; * R. Noyés, New translation of the Prov., 1846 ; * E. Bertheau, Die Sprûche Salomo’s, Leipzig, 1847, revu par W. Nowack, Leipzig, 1883 ; *M. Stuart, Comm. on the Book of Prov., 1852 ; * F. Hitzig, Die Sprûche Salomo’s ûberselzt und ausgelegt, Zuricb, 1858 ; * O. Zôckler, Comm. zu der Sprûche Salom., Leipzig, 1866 ; * H. F. Miihlau, De proverbiorum quse dicuntur Aguri et Lemuelis origine atque indole, Leipzig, 1869 ; A. Rohling, Das Salom. Spruchbuch ûbersetzt und erklârt, Mayence, 1879 ; * L. Strack, Die Sprûche Salomo’s, Nordlingue, 1888, 2e édit., 1899 ; G. Frankenberg, Die Sprûche, Gœttingue, 1898. J. Marie.

2. PROVERBES (UVRE DES), apocryphe. Voir Apocryphes (Livres), 3, t. i, col. 772.

    1. PROVIDENCE##

PROVIDENCE (grec : irpôvoia ; Vulgate : providentia), action par laquelle Dieu veille sur ses créatures. — L’idée de Providence est une idée abstraite et philosophique, qui était familière aux Grecs. Cf. Hérodote, m, 108 ; Sophocle, (Ed. Col., 1180 ; Euripide, Phen., 640 ; Xénophon, Memor., i, 4, 6, etc. Elle ne passa que tardivement chez les Latins. Cf. Sénèque, Qiiœst. nat., ii, 45 ; Quintilien, I, x, 7 ; xii, 19, etc. Le livre grec de la Sagesse est le seul livre inspiré où elle soit exprimée. L’auteur dit, , en parlant du vaisseau qui flotte sur les eaux : « O Père, c’est votre Providence qui le gouverne. » Sap., xiv, 3. Il représente ailleurs les Egyptiens, pendant la plaie des ténèbres, « fuyant euxmêmes votre incessante Providence. » Sap., xvii, 2. — Les Hébreux avaient à un haut degré l’idée de la Providence, mais ils ne possédaient pas dans leur langue de mot spécial pour l’exprimer. Ils ne se représentaient l’action vigilante de Dieu que sous une forme concrète. Jéhovah est le Dieu de l’univers, mais en même temps leur Dieu particulier, qui prend soin d’eux, les bénit et les protège. Exod., xix, 5-6 ; xxiii, 20-33 ; Deut., xxvii, 1-68, etc. Plusieurs Psaumes sont de véritables hymnes à la Providence. Ps. iv, viii, xxm (xxii), xxvli (xxvi), XLVI (xlv), lxv (lxiv), civ (cm), cvii (cvi), cxiii (cxii), cxxi (cxx), etc. D’autres célèbrent l’action de la Providence à travers l’histoire d’Israël. Es. lxxviii (lxxvii), cv (civ) ; cvi (cv). Ces mêmes idées sont expri V. - 26

mées sous Néhémie. II Esd., ix, 6, 31. Dans le Nouveau Testament, la Providence est présentée comme le Père céleste, qui fait luire son soleil sur les bons et sur les méchants, Matth., v, 45, et qui prend soin de toutes ses créatures. Matth., vi, 25-34. — La Vulgate emploie le mot providentiel dans plusieurs passages où il est question seulement de prévision divine, Judith, ix, 5 ; xi, 16 ; de prévoyance, Tob., ix, 2 ; Sap., vi, 17 ; ix, 14 ; de connaissance, Eccle., v, 5, ou de gouvernement. II Mach., iv, 6 ; Act., xxiv, 2.

,
H. Lesêtre.

. PRUDENCE (hébreu : (ebûnâh ; Septante : « riveoic, « fovïjdiç ; Vulgate : prudentia), vertu qui aide à choisir ce qu’il y a de meilleur et de plus sage, pour y conformer sa conduite. — Dans la Sainte Écriture, la prudence se confond fréquemment avec l’intelligence et la sagesse ; c’est souvent en ce sens qu’il faut entendre le mot dans les versions. Les philosophes platoniciens faisaient de la prudence l’une des quatre vertus cardinales ; le livre de la Sagesse, viii, 7, se réfère à cette classification. — La prudence vient de Dieu, Prov., ii, 6 ; Bar., iii, 14, en face duquel il n’y a en réalité ni sagesse ni prudence, Prov., xxi, 30, les qualités humaines étant insignifiantes auprès de ses perfections. Ceux qui ont cherché la vraie prudence en dehors de Dieu ne l’ont pas trouve. Bar., iii, 23. Heureux qui a acquis la prudence, Prov., iii, 13 ; qui vit selon la prudence aura le bonheur. Prov., xix, 8. La prudence est aussi le fruit des années. Job, xii, 12. Elle apprend à veiller sur ses paroles, Prov., x, 19, et à ne pas attirer sottement l’attention sur soi. Eccli., xxi, 23 (20). Elle aide la femme à trouver un mari. Eccli., xxii, 4. L’homme prudent vaut mieux que l’homme robuste. Sap., vi, 1. Il plaît aux grands, Eccli., xx, 29 (26), est recherché dans les assemblées, Eccli., xxi, 20 (17), et, même esclave, sait s’imposer auxhommes libres. Eccli., x, 28 (24). — Notre-Seigneur recommande à ses disciples d’être prudents comme des serpents. Matth., x, 16. Voir Serpent. Il fait l’éloge du serviteur prudent, toujours à son devoir, Matth., xxiv, 45 ; Luc, xii, 42, et des vierges prudentes, attentives à la venue de l’époux. Matth., xxv, 2, 4, 9. Il remarque que les fils du siècle ont beaucoup plus de prudence, dans leurs affaires temporelles, que les fils de lumière dans leurs intérêts spirituels. Luc., xvi, 18. Il remercie son Père de n’avoir pas réservé sa révélation aux sages et aux prudents. Matth., xi, 25 ; Luc, x, 21. Le Sauveur fut lui-même, pendant toute sa vie, un admirable exemple de prudence. Il la fit spécialement remarquer dans sa réserve à manifester sa divinité. Il défendait à ceux qui en avaient quelque idée, pendant sa vie publique, de dire ce qu’ils savaient ou ce qu’ils avaient vii, afin d’empêcher des manifestations et des oppositions qui auraient mis obstacle à son ministère évangélique. Il ne s’expliqua publiquement à ce sujet que dans les derniers jours de sa vie, alors que ses déclarations devaient hâter un dénouement, dont il avait lui-même fixé l’heure. Cf. Lepin, Jésus Messie et. Fils de Dieu, Paris, 1905, p. 364-372.

— Saint Pierre demande aux fidèles de se montrer prudents et sobres, afin de vaquer à la prière. I Pet.,

iv, 7.
H. Lesêtre.
    1. PSALTÉRION##

PSALTÉRION, PSALTÉRIUM (chaldéen : pesanterln, pesanterïn ; Septante :-t/aWipiov), instrument de musique, composé d’une table d’harmonie plate, en forme de trapèze allongé, portant un jeu de cordes tendu horizontalement. Les Septante ont traduit nébcl par « VaXTTJpiov exceptionnellement ; la Vulgate presque toujours par psalterium. Kinnor est rendu i|/ « XTT, pitiv dans les Septante, Ps. xlvhi, 5 ; cxlix, 3 ; Ezech., xxvi, 13 ; par psalterium, Vulgate, Ps. xlvhi, 5 ; cxlix, 3.

I. Nom. — iaXtrjptov, d’après son étymologie, tyâWw, « tendre les cordes », J/aX[14< ; , « percussion des doigts

sur les cordes ». Voir Van Lennep, Elymologicum linguse grasese, Utrecht, 1808, p. 851. Comparer mizmôr de zdmar, voir Musique, t. iii, col. 1137, qui désigne tout instrument à cordes joué par percussion manuelle. Gevært, Histoire et théorie de la musique dans l’antiquité, Gand, 1875-1881, t. ii, p. 243. Ce nom comprendrait par conséquent les harpes, lyres, cithares, sambuques, et même les instruments à manches. Il est à remarquer que Varron et Athénée appellent le nable un psaltérion droit, orthopsallium, J/aXrirçptov opôtov, BeifmoS ; 1. IV, p. 183, par opposition sans doule aux instruments de forme plafe, comme le psaltérion proprement dit. — Cette signification générique justifierait en quelque manière les auteurs des anciennes versions grecques et les commentateurs ecclésiastiques latins et grecs, jusqu’aux lexicographes de la renaissance, d’avoir traduit par’l/aX-ui)piov, psalterium, l’hébreu nébél et même le nom de la harpe, kinnor. Ezech., xxvi, 13. Cependant il est préférable d’admettre que par cette interprélation, ils nous ont représenté, au lieu de l’instrument hébreu, l’instrument grec en usage à Alexandrie sous la domination hellénique et qui avait remplacé à cette époque les anciens types d’instruments orientaux. Telle est aussi la valeur à donner aux textes des Pères, qui différenciaient la cithare du psaltérion par cette particularité, que la première a sa caisse sonore à la base ; l’autre au contraire, à la partie supérieure. S. Basile : iioû.Tqp’.o-i tt^v ïjyo-jaav 8’jvafuv ly. to0 avo>6ev’i-/zn. In Ps. xxxii, t. xxix, col. 328. Le Breviarium in Psalmos, publié dans les œuvres de saint Jérôme, In Ps. cxlix, t. xxvi, col. 1266 : Psalterium similitudinum habet citharse sed non est cithara… Cilhara deorsum percutitur, cieterum psalterium sursum percutitur, S. Augustin : Psalterium de superiori parle habet testudinem, illud scilicet tympanum est concavum lignum, eux chordse innitentes résonant. Enarrat. in Ps. xiii, t. xxxvi, col. 499. Voir col. 280, 671-672, 900, 1964. Cassiodore : Psalterium est, ut Hieronymus ait, in tnodum À literx formati ligni sonora concavitas obesum ventrem in superioribus habens.Prsef. in Psalt., c. iv, t. lxx, col. 15 ; S. Isidore de Séville, Etymol., iii, 22, t. lxxxii, col. 168 ; Bède le Vénérable, Interpretatio Psalterii, t. xciii, col. 1099. L’assimilation que ces auteurs font du psaltérion au nable provient de la version des Septante. Les dix cordes du psaltérion sont une erreur prise des textes où il est en réalité question du nable à dix cordes. Voir Nable, t.’jv, col. 1432. Le rapprochement entre la forme de l’instrument et celle du delta grec, A, loin d’être exclusivement propre au psaltérion, figurerait plus exactement les harpes antiques, et tout spécialement le trigone. Voir Harpe, t. iii, col. 434. En somme, ces textes, où les auteurs s’inspirent d’un instrument de musique, fort éloigné de l’antiquité biblique et même de la tradition hellénique, ne nous fournissent pas de renseignements suffisants pour une identification. C’est à l’aide des monuments anciens, rapprochés des types encore en usage chez les Orientaux, que nouspourrons connaître le psaltérion antique.

II. Description du psaltérion antique. — Le troisième musicien du bas-relief de Koyoundjik, fig. 382, t. iv, col. 1353, porte un instrument (fig. 183) dont la forme rappelle le qanûn ou le santir des modernes Orientaux. Cette représentation montre en effet une Caisse plate, pourvue d’ouïes, avec un jeu de cordes tendu horizontalement. La caisse est bombée à la partie inférieure et se porte à plat devant la poitrine. Les cordes au nombre de dix, si la sculpture est exacte, décrivent une courbe, comme si elles étaient placées sur un rebord arrondi et tendues par des poids. Ces cordes étaient peut-être de métal, voir Botta, Monument de Ninive, t. i, pi. 62, et doublées pour augmenter la résonnance, comme dans les instruments plus modernes. Les

instruments de cette forme diffèrent de la harpe en ce que les cordes ainsi disposées sont accessibles sur une seule face, tandis que dans la harpe elles peuvent être touchées sur deux côtés par les deux mains. Ils différent d’autre part des instruments à manche en ce que les cordes, bien qu’elles aient la même disposition, sont en nombre nécessairement restreint dans ceux-ci, par suite du manque d’espace.

Comme les autres instruments originaires d’Orient, le psaltérion, adopté par les Hellènes (tig. 184), retourna en Asie à la suite des conquêtes d’Alexandre ; mais il y revint perfectionné et sous un nom grec. Nous n’avons pas le nom hébreu de l’ancien type asiatique qui devint le tyaXTigpiov. On ne le trouve en effet que dans l’énu 183. — Musiciens de Suse.

D’après Place, Ninive et l’Assyrie, pi. S8.

mération des instruments babyloniens de Nabuchodonosor, et sous la transcription jitbjds, pesanterîn,

Dan., iii, 7, ou jnsuDS, pesanferin, Dan., iii, 5, 10, 15,

où le changement de consonne, l pour », n’est qu’une particularité dialectale et où le groupe final ]> représente la terminaison grecque iov plus complètement exprimée dans la transcription ayriaqno. Af. À <v> Q

pe$al{erôn. Toutefois les grammairiens ont traité jnrCDS, pesanferin, comme un pluriel et consacré la forme du singulier itUDS, pesanfêr. Du même mot grec les Arabes

ont fait postérieurement le mot j^aJ~^, santir, autrement pisantir, sa » (our, etles Syriens modernes samtur. Le santir arabe et son dérivé le qanûn affectent une disposition pareille à celle de l’instrument babylonien, mais sans doute moins primitive. Le premier, dont le nom rappelle directement le psaltérion grec, se compose d’une table d’harmonie en forme de trapèze ou de triangle tronqué, portant trente-six cordes de métal retenues à une extrémité par des attaches et à l’autre par des chevilles pour régler l’accord. Ces cordes, mises à l’unisson deux à deux, fournissent dix-huit notes.

Le qanûn, £jy*-*, xa-zcôv, « règle, type », offrant par ordre les toniques de chacun des modes arabes, est le développement plus complet du psaltérion. Il a de soixante-six à soixante-quinze cordes, accordées trois par trois, et vingl-deux, vingt-trois ou vingt-cinq notes,

En Algérie, on ne lui donne parfois que soixante-trois cordes et vingt et une notes. La table de l’instrument est pourvue de sillets en os, à charnière, pouvant se lever pour régler l’accord et distinguer certaines tonalités. Les cordes sont en boyau, la caisse, en bois de noyer, a 3 mètres de long sur 0, 40 de large et 0, 05 de haut. Les cordes des notes élevées sont plus minces et plus courtes, et la série tout entière va en augmentant de longueur jusqu’aux notes graves. On accorde à partir de la corde basse (ré-2 substitué à l’ut par les musiciens turcs) et par succession de notes (non pas par quintes), la deuxième corde sur le premier sillet, la troisième sur le second et ainsi de suite. Le type ancien du qanûn est, suivant Al Farabi, le djank ou sank. Land,

181. — Psaltérion grec, d’après quelques archéologues.

Baumeister, Denkmàler der klassischen Altertums, t. iii,

p. 1345, fig. 1609. Peinture du jardin Farnèse.

Recherches sur l’hhtoire de la gamme arabe, Leyde, 1884, p. 52, 74.

Le joueur ne marche pas comme le musicien babylonien ; assis à terre ou sur un tabouret bas, et les jambes croisées à la manière orientale, il porte l’instrument sur ses genoux écartés et l’appuie contre sa poitrine pour avoir les deux mains libres. Il touche les cordes au moyen de deux petits plectres, mizdrab, de corne, de baleine ou de becs de plume, fixés dans des anneaux portés au pouce et au médius de chaque main. Le son du qanûn est fort, vibrant, arec une résonnance étouffée dans les notes graves. Le santir, aux cordes de métal, estplus aiga et rappelle la mandoline. Le joueur oriental manie son instrument avec vivacité, en répétant rapidement les notes, suivant un procédé cher de tout temps aux exécutants orientaux. Voir Fontanes, Les Égyptes, Paris, 1882, p. 356-357. Le qanûn a supplanté le santir dans presque tout l’Orient. Sauf à Mossoul, Bagdad, Damas, les musiciens des. villes l’abandonnent aux exécutants populaires. Le qanûn de Damas est très grand, il a cent sept cordes quadruples, sauf la dernière qui est triplé, et donne vingt-septnotes. Enfin les Persans ont gardé pour la musique de chambre le santir, qu’ils appellent ceintour. Il a soixante-douze cordes en cuivre jaune, que l’on touche avec des baguettes d’os ou de métal appelées mezrabe. Advielle, La musique chez les Persans en 1885, Paris, 1885, p. 12-13.

De l’Orient, le psaltérion, qui avait passé à Rome sous les empereurs, revint en Occident après les croisades. On l’appela psaltère, saltère, de son nom biblique. Les sculpteurs le mirent parfois aux mains du roi David. L’instrument oriental resta en vogue pendant tout le moyen âge. On en perfectionna successivement la qualité, le mécanisme, on en augmenta les dimensions. Le Cymbel hongrois en est une dérivation. Finalement l’adjonction de marteaux fixes dépendant d’un clavier fit de l’ancien instrument le piano moderne. Mais le psaltérion subsiste de nos jours sous la forme de la Zither allemande.

J. Parisot.

1. PSAUMES (LIVRE DES), recueil de chants sacrés des Hébreux. Les livres historiques et prophétiques de la Bible en renferment un certain nombre ; mais la plus grande partie de leurs chants religieux forme un recueil spécial désigné en hébreu sous le nom de סֵפֶר תְּהִלִּים, Sêfér ṭehillim, Ψαλτήριον, Psalterium, en grec et en latin. La désignation hébraïque est transcrite Σφαρ θελλείμ, βίβλος ψαλμῶν dans le Canon origénien en tête du Commentaire d’Origène sur le Ps. i, t. xii, col. 1084, et « Sephar thallim, quod interpretatur Volumen Hymnorum » dans S. Jérôme, Præf. ad Sophronium in Ps., t. xxviii, col. 1124. Dans le Prologus galeatus, t. xxviii, col. 553, le même Père l’appelle du nom de David, et ajoute : quem quinque incisionibus et uno Psalmorum volumine comprehendunt. La désignation du même livre est abrégée dans les références juives sous les formes תִּילִּי ,תִּלִּים, ṭillîm et ṭillî.

I. Place des Psaumes dans la Bible.

Ce livre se trouve communément dans la Bible hébraïque massorétique en tête des Keṭubim ou Hagiographes, la troisième partie du recueil ; saint Jérôme, dans son Epist. ad Paulinum, t. xxii, col. 547, le place de même ; mais il n’en a pas toujours été ainsi ; dans le Prologus galeatus, t. xxviii, col. 555, il le fait précéder de Job ; la liste talmudique du traité Baba bathra le fait précéder de Ruth ; les manuscrits hébraïques espagnols, des Chroniques ou Paralipomènes. Quant au mot mnémotechnique אֶמֶת, désignant par abréviation les livres poétiques selon les Hébreux, Job, Proverbes, Psaumes, il donne précisément le renversement de l’ordre des manuscrits d’Allemagne, suivi par l’édition imprimée actuelle. Les Septante placent le Psautier dans la seconde partie de la Bible, en tête des livres sapientiaux, mais là encore on ne trouve pas d’uniformité : l’Alexandrinus, par exemple, le rejette, avec les autres livres sapientiaux, après les prophètes, dans la troisième partie. La Vulgate Clémentine le place au contraire dans la seconde partie après Job. L’habitude des auteurs du Nouveau Testament de citer la Bible sous la formule in Moysi, prophetis et psalmis, Luc, xxiv, 44, permet de conclure que de leur temps ce livre était placé comme dans la Bible massorétique, en tête de la troisième partie.

II. Division des Psaumes en cinq livres.

Le Psautier se subdivise en cinq livres, terminés chacun par une doxologie indépendante du Psaume final, sauf pour le cl et dernier : xl, 14 ; lxxi, 18-20 ; lxxxviii, 53, et dans l’hébreu par une indication massorétique. Saint Jérôme dit dans son Epist. ad Sophronium, t. xxviii, col. 1123 : Nos Hebræorum auctoritatem secuti et maxime Apostolorum qui seniper in Novo Testamento Psalmorum librum nominant, unum volumen asserimus. Mais parlant avec plus de précision dans son Epist. xxvi ad Marcellam, t. xxii, col. 431, il dit : In quinque volumina Psalterium apud Hebrseos divisum est ; également Epist. cxl, t. xxii, col. 1168, et dans le Prolog, galeat., t. xxviii, col ; 553 : quinque incisionibus. La plupart des Pères anciens mentionnent cette division du Psautier.

Le recueil total se subdivise en 150 morceaux, d’après l’hébreu actuel, le grec et la Vulgate : mais les anciens manuscrits hébreux n’étaient pas tous d’accord, certains n’en comptant que 149 ou même 147. La séparation des Psaumes n’étant pas indiquée dans les anciens textes hébreux, comme en témoigne encore Origène, et un bon nombre de Psaumes n’ayant pas de titre, les coupures ont été pratiquées quelquefois très arbitrairement, de sorte que, tout en arrivant au même total, l’hébreu d’une part, et les Septante et la Vulgate d’autre part, donnent des numérotations un peu différentes ; l’accord se maintient de i à viii ; ix de l’hébreu forme ix et x dans les versions ; xi à cxiii de l’hébreu correspond à x-cxii des versions ; cxiv et cxv de l’hébreu à cxiii des versions ; cxvi de l’hébreu à cxiv et cxv des versions ; cxvii à cxlvi de l’hébreu à cxvi-cxlv des versions ; cxlvii de l’hébreu donne cxlvi et cxlvii des versions ; enfin l’accord est rétabli de cxlviii à cl. En général donc l’hébreu l’emporte d’une unité sur les versions. La critique textuelle permet de constater que les coupures sont fautives en nombre de cas ; on a souvent, dans l’original comme dans les versions, joint des fragments qu’il fallait séparer, par exemple cxliii, 1-11 et 12-15 ; on a plus rarement séparé des fragments qui auraient dû être réunis, par exemple xli et xlii. Les auteurs ecclésiastiques, appuyés sur certains manuscrits et sur les variantes des Actes, xiii, 33, ont souvent cité le Ps. ii : Quare fremuerunt gentes, avec la référence ἐν πρώτῳ ψαλμῷ. Origène, Fragm. in Psalm., t. xii, col. 1100 ; S. Hilaire, In Psalm., t. ix, col. 262, 264.

III. Noms des divers Psaumes.

Les Psaumes portent des noms différents, qui indiquent différents genres poétiques : celui du recueil entier est Sêfér ṭehillîm, bien rendu parsaint Jérôme, Liber hymnorum, exactement « Livre des louanges (de Dieu) » : le Ps. cxlv (cxliv) est cependant le seul qui porte un pareil titre, ṭehillâh, αἴνεσις, laudatio ; un titre plus ancien nous est donné pour une portion du recueil dans lxxi, 20, ṭefillôṭ, orationes ; les Septante et la Vulgate ont dû lire ṭehilloṭ, car ils traduisent laudes (David filii Jesse) ; exactement, « prières » ; le nom le plus courant est מִזְמוֹר, mizmôr, ψαλμός, psalmus, c’est-à-dire : chant destiné à être accompagné par les instruments, ou simple poème lyrique : de là vient le terme ψαλτήριον, psalterium, détourné de sa signification première « d’instrument à cordes », pour signifier tout le recueil, le Psautier. En hébreu 57 Psaumes ont le titre de mizmôr, mais il y en a davantage dans les versions. On trouve aussi le titre de שִׁיר, šîr, ᾆσμα, ᾠδή, canticum, hymnus, qui veut dire chant, xvii, xliv et XLV, souvent préposé (5 fois) ou postposé (8 fois) au terme mizmôr, et traduit alors canticum psalmi ou psalmus cantici, mais apparemment simple doublet provenant des variantes de différents manuscrits ; à noter en outre spécialement la série des šîrê ham-ma’âlôt, canticum graduum, ᾆσμα τῶν ἀναβαθμῶν ou ἀναβάσεων, « cantique graduel ou cantique des montées » (du pèlerinage liturgique à Jérusalem), de cxix-cxxxiii. Les titres désignent en outre 13 maskil, מַסְכִּיל, terme traduit en grec par les Septante σύνεσις et par Aquila ἐπιστήμων, par la Vulgate intellectus et intelligentia, par saint Jérôme eruditio, dans le sens du verset psallite sapienter, psaumes de forme artistique, beaucoup ayant des strophes et des refrains ; 6 miktam, מִכְתָּם, en grec στηλογραφία, dans la Vulgate tituli in scriptio, la plupart munis d’une indication de mélodie, de l’air sur lequel il les faut exécuter ; enfin 1 šiggayôn, שִׁגָּיוֹן, le Psaume vii, traduit par les Septante simplement ψαλμός, par Symmaque et Aquila ἀγνόημα, ἀγνοία, par la Vulgate psalmus et par saint Jérôme ignoratio, sorte d’ode irrégulière analogue au dithyrambe avec vifs changements de rythme et de pensée. Voir tous ces noms. Il est à remarquer que la valeur précise de ces

termes techniques s’est vite perdue, on ne les rencontre plus gnère dans le cinquième livre, et les Septante ne savent plus les traduire ; les Pères de l'Église 'leur donnent des sens mystiques. Au point de vue de la forme, et abstraction faite des appellations anciennes, il faut distinguer les Psaumes à simple parallélisme, les Psaumes’avec strophes, ceux avec refrain, et les Psaumes alphabétiques avec ou sans strophes.

IV. Origine et date des Psaumes.

Collections successives des Psaumes.

L’origine (auteur et date) des Psaumes est assez difficile à préciser dès qu’on sort des opinions extrêmes, attribuant l’une tous les Psaumes à David, l’autre les renvoyant tous à l'époque qui suit le retour de la captivité. Théodoret, Prsefat. in Ps., t. lxxx, col. 862, se décide pour l’attribution générale des Psaumes à David ; cette opinion, ajoute-t-il, est celle de la majorité des auteurs ecclésiastiques : mais Origène et toute son école sont d’avis différent ; et c’est leur opinion qu’exprime saint Jérôme, Epist. ad Sophron., t. xxviii, col. 1123 : Psalmos omnes eorum testamur auctorum qui ponuntur in titulis, David scilicet, Asaph et Idilhun, filiorum Core, Eman Ezrahitse, Moisi et Salomonis et reliquorum quorum Ezras uno volumine comprehendit (opéra). — D’autre part les additions évidentes datant de la captivité, telles que les deux derniers versets du Miserere et d’autres analogues, montrent bien que les Psaumes qui les ont reçues étaient d’origine notablement antérieure, et s’opposent à la composition récente du Psautier. La division du Psautier en cinq livres nous donne une chronologie approximative des Psaumes, pourvu qu’on n’oublie pas d’autre part que, pour des raisons diverses, les Hébreux ont pu insérer dans un recueil ancien un Psaume ou un fragment plus récent, ou inversement ajouter à une collection récente un poème plus ancien.

1. Le premier livre et une portion du second semblent avoir formé le noyau primitif : les Psaumes y sont, par leur titre, attribués à David, ont généralement un caractère élégiaque ou méditatif personnel et non pas national, et trouvent une conclusion toute naturelle dans l’explicit ou note finale du Ps. lxxi, 20 : Defecerunt laudes David filii Jesse. Ce groupe n’est cependant pas d’une homogénéité parfaite, il renferme des Psaumes davidiques en deux recensions, jéhoviste et élohiste, tels que xiii et lii, xxxix et lxx, et même un groupe lévitique xli-xlix ; les Psaumes i et ii sans nom d’auteur semblent aussi avoir été mis plus tard en tête du Psautier en guise de préface.

2. Un second recueil a été superposé au premier, d’origine lévitique, formant le livre troisième : une tranche lévitique xli-xlix a même pénétré dans le livre deuxième, probablement par interversion des manuscrits ; ce second recueil est nettement défini par les attributions d’auteurs, xli-xlviii les fils de Coré ; xlix et lxxii-lxxxii Asaph ; lxxxiii-lxxxviii les fils de Coré ; par le choix des sujets généralement nationaux, cultuels ou dogmatiques, et par le style plus soigne, avec plus de recherches d’ornements poétiques, strophes et refrains, indications techniques et musicales. — Dans ces deux recueils composés des trois premiers livres, tout ce qui a trait à la captivité paraît sous forme d’antienne additionnelle, la royauté davidique avec sa perpétuité, l’inviolabilité du temple et de la cité sainte y sont nettement inculquées, par conséquent la composition en est antérieure à la première destruction de Jérusalem et à la captivité de Nabuchodonosor.

3. Au contraire les quatrième et cinquième livres donnent l’impression d’une composition ou d’une compilation plus tardive : les allusions à la captivité paraissent non plus sous la forme d’additions, mais comme partie intégrante ou même sujet principal des Psaumes : le style en est aussi très différent, on y rencontre de ces longues énumérations ou des répétitions multiples, alignées souvent en groupe ternaire comme dans le cantique final de l’Ecclésiastique dans le texte hébreu, dans la Sagesse, dans le cantique deutérocanonique de Daniel ; les indications techniques et musicales y font très communément défaut, la plupart des Psaumes sont anonymes, et les emprunts aux plus anciens y sont fréquents ; la langue est plus teintée d’aramaïsme, ki pour k, pronom suffixe de la 2e personne du féminin singulier, xi pour "ton, pronom relatif : beaucoup ne sont que des compositions doxologiques à l’usage du culte public et privé, nourries de souvenirs historiques anciens, mais sans allusion aux événements contemporains. On y distingue même plusieurs petits recueils particuliers, les Hallel, le recueil des cantiques du pèlerinage ou Psaumes graduels, le Ps. cxviii, recueil de strophes à la louange de la loi divine, et les séries d’Alle ! « la ; Vensembe formai ! un groupe plus considérable que les autres livres a été partagé en deux par une doxologie finale apposée à la fin du Ps. cv ; et l’on a obtenu ainsi cinq sections du Psautier, analogues aux cinq sections du Pentateuque et disposées à peu prés dans leur ordre chronologique. L’origine du recueil remonte donc aux plus hautes époques delà monarchie juive, les plus beaux morceaux. lévitiques étant de la période littéraire d'Ézéchias, l’exil et le retour correspondant au quatrième livre, le reste s’espaçant durant deux ou trois siècle’s postérieurs.

Psaumes dits Machabéens.

Certains Psaumes descendent-ils jusqu'à l'époque des Machabées ? La plupart des auteurs modernes l’admettent volontiers ; et le contexte de Psaumes tels que xliii, lxxiii, lxxviii, lxxxii, semble leur donner raison. Toutefois il faut se garder de trop presser la conséquence, car en somme l’histoire juive dans ses détails nous est peu connue ; les livres historiques de la Bible ne procédant que par extraits incomplets ou par référence à des ouvrages qui ne nous sont pas parvenus, il nous est impossible de dire si les faits narrés par les Psalmistes sont ceux de la persécution d’Antiochus Épiphane, ou ne datent pas d’une autre époque, si les invasions égyptiennes, assyriennes et babyloniennes n’ont pas amené de grands massacres ; nos renseignements historiques sur la période pré-exilienne tiennent en quelques pages, ceux de la période post-exilienne sont plus défectueux encore.

En outre, Renan a fait valoir contre les Psaumes machabéens des raisons qui ne manquent pas de solidité et que Davidson a repris dans le Dictionary ofthe Bible de Hastings, t. iv, p. 152-153, contre les exagérations évidentes de Hitzig, Olshausen et Cheyne : « (Des poèmes machabéens) subsistent-ils dans le recueil actuel des Psaumes ? C’est un des points sur lesquels il est le plus difficile de se prononcer : l'âme d’Israël n'était pas changée, mais sa langue était changée, et nous croyons que des prières composées au temps d’Antiochus ne seraient pas si difficiles à discerner des prières classiques plus anciennes : le siècle n'était pas littéraire, la langue était plate et abaissée… » Il ajoute en note : « Les Ps. xliv, lxxjv, lxxix, lxxxiii surtout conviennent parfaitement à ce temps : mais après tout rien ne s’oppose à ce qu’ils soient plus anciens, les 'ânavîm (fidèles) s'étant souvent trouvés dans des situations analogues. Ces Psaumes sont de la plus belle langue classique, du style le plus relevé, souvent pleins d’obscurités et de fautes de copistes. Or, la langue à l'époque des Machabées était extrêmement abaissée, et le génie poétique perdu, le style est plat, prolixe à la façon araméenne, n’offrant jamais aucune difficulté quand l’auteur ne fait pas exprès de contourner sa pensée… Le Psautier de Salomon, peu postérieur aux Machabéens, a-t-il jamais pu être confondu avec les Psaumes davidiques ?… Le Psaume qui paraît le plus machabaïque, le Ps. ùxrv, est cité dans le premier. livre des Machabées, vii, 16-17, comme un vieux texte prophétique. » Histoire d’Israël, t. iv, p. 316-317. Driver, An introduction to the Littérature of the O. T., Edimbourg, 1838, p. 388, bien qu’un peu moins affirmatif, fait des constatations analogues. On peut ajouter à ces raisons littéraires que les idées des rétributions ultra-terrestres et messianiques sont en tels progrès dans les Psaumes de Salomon qu’on ne peut supposer qu’ils soient de la même époque que les Psaumes canoniques. Quant à l’acrostiche Simon (Machabée) obtenu par les initiales du Psaume cix, 1 o, 2, 3, 4, suivant les indications de G. Bickell, il est pour le moins fort arbitraire et n’est nullement établi.

Il semble donc que nous n’avons guère de Psaumes postérieurs au hp siècle avant J.-C. La traduction des Septante, dont le Psautier est absolument homogène, est déjà utilisée par I Mach., vii, 16 ; l’original hébreu est déjà employé Ps. civ, 1-15 ; xcv ; cv, 1, 47-48, par le rédacteur des Paralipomènes avec la doxologie finale du IV » livre, en transportant ce verset du sens original optatif, à une application à un passé historique, I Par., xvi, 8-36 ; or les Psaumes présentés comme les plus certainement machabéens sont antérieurs à cette doxologie finale.

V. Auteurs des Psaumes.

La plupart des Psaumes — presque invariablement ceux des trois premiers livres, au contraire exceptionnellement ceux des deux derniers — portent en tête un nom d’auteur, David (73), Asaph (12), les descendants de Coré [(11), Salomon (2), Héman (1), Éthan-Idithun (4), Moïse (1) ; la formule fréquente dans la Vulgate, ipsi David, doit être considérée comme un génitif, et n’est que la traduction de l’hébreu le-Davîd, en grec, toO Aagîê, ipsius David ; l’hébreu laisse 50 Psaumes orphelins, c’est-à-dire sans nom d’auteur ; les versions n’en ont qu’un nombre moindre, la Vulgate n’en compte que 35, car elles ont mis des auteurs à de simples fragments indûment séparés de leur contexte, cf. xlii, attribué à David, quoique formant la troisième strophe du Ps. xli des fils de Coré. — Le fait qu’un bon nombre sont restés anonymes montre que les copistes n’ont pas donné des noms d’une façon arbitraire ; une seconde observation, le style caractéristique de certains auteurs retrouvé d’une manière courante dans la plupart des morceaux qui leur sont attribués, par exemple le style élevé et souvent enflé des Psaumes d’Asaph, la perfection littéraire et poétique de ceux des fils de Coré, montre qu’il faut tenir compte de ces indications, Beaucoup sont originales ou du moins ont été placées très anciennement d’après des renseignements traditionnels ; il y avait même des traditions divergentes, que l’on a recueillies simultanément dans certains exemplaires ; ainsi s’expliquent les indications contradictoires trouvées surtout dans les versions grecques et latines, par exemple, cxxxvi, attribué à David et à Jérémie. Certains de ces noms doivent aussi être considérés plutôt comme familiaux que comme individuels, ce sont des noms de tribu ou d’école ; ainsi Coré et Asaph sont-ils appliqués à des époques très différentes, au temps des luttes de Sennachérib et d’Ézéchias, et à celui de la conquête de fa Palestine par Nabuchodonosor, Ps. lxxxii, xliii, xlviii, d’une part et d’autre part xli, xlii,.lxxiv, lxxix, lxxxiv. Dans les cas douteux, le critique peut essayer, par les indices tirés du style, les renseignements historiques contenus dans le Psaume, les analogies de doctrine avec telle ou telle autre partie de la Bible, de préciser la date de la composition.

David.

Le roi David est le plus célèbre des Psalmistes et c’est pourquoi on a donné souvent son nom à la collection entière. L’absence de préoccupations politiques, la forme plaintive et élégiaque, le ton de pieuse mysticité d’un grand nombre de Psaumes attribués à David, en opposition avec le caractère de ce prince tel qu’il paraît se dégager des livres des Rois ou des Paralipomènes, sont les raisons qu’on allègue à rencontre de la composition davidique ; mais il faut se rappeler que l’énergie, la vaillance, et même la dureté à la guerre des Orientaux n’empêchent pas chez eux un sentiment de soumission, d’humilité, de confiance plus ou moins mystique vis-à-vis de la divinité : vis-à-vis de leurs dieux, les prières ou psaumes d’Assurbanipal et d’Asarhaddon ont également un ton plaintif des plus accentués qui forme grand contraste avec le récit qu’ils font ailleurs de leurs exploits. Maspero, Histoire ancienne des peuples de l’Orient, les Empires, p. 405 ; Knudtzon, Assyrische Gebete an den Sonnengott fur Slaal, p. 72-82 ; Eb. Schrader, Keilinschriften und Geschichtsforschung, p. 519 ; Records of the Past, newser., p. xi-x.ni. Il faut en outre se rappeler que nous n’avons des Psaumes qu’une rédaction liturgique, par conséquent parfois généralisée ou adaptée à des circonstances différentes, et nullement l’édition originale : par exemple le Psaume ix et x de l’hébreu, ix des Septante et de la Vulgate, en strophes alphabétiques dans la rédaction primitive, a été amalgamé avec un autre, d’un rythme différent et non alphabétique, à peu près par moitié : on conçoit que le caractère primitif ait dû en souffrir, bien qu’on ait retenu le titre de Psaume de David. Tout le monde reconnaît que les deux versets ajoutés au Miserere en changent notablement le caractère moral et historique, la finale supposant la destruction de Jérusalem et le grand prix attaché par Dieu aux sacrifices liturgiques, tandis que la fin primitive donne une impression différente. Le Ps. cxliii Benedictus attribué par le titre à David, abrégé du Ps. xvir, peut avoir un noyau davidique, que l’addition des ꝟ. 12-15 transporte dans des conditions historiques toutes différentes. Sous des réserves analogues, si les deux premiers livres du Psautier n’avaient pas un noyau vraiment davidique, on ne comprendrait pas pourquoi, à une date très ancienne, on y aurait donné la finale : « (Ici) finissent lesprières de David, fils d’Isaï, » Ps. lxxi, 18-19 ; que du recueil ainsi délimité ou de tout autre analogue le rédacteur du ch. xxii de II Reg. eût extrait le Ps. xvii comme document final, suivi de ses novissima verba, ch. xxiii, de style semblable à celui de beaucoup dé Psaumes davidiques, et l’eût nommé lui-même egregius psaltes Israël, en hébreu : « aimable par les chants d’Israël. » Le rédacteur du règne de David dans les Paralipomènes I Par., xvi, 8-36, lui attribuede même les Ps. civ, xcv, cv : tandis que le prophète Amos, vi, 5, dit des habitants de Samarie et de Jérusalem : sicut David putaverunt se habere vasa cantici, ou plus exactement d’après l’hébreu : sicut David excogitant sibi vasa cantici ; les deux élégies conservées de lui sur la mort de Saùl elde Jonathas et sur celle d’Abner ne suffisent pas à justifier toutes ces appréciations : la réputation littéraire de Salomon n’a pas suffi à lui faire attribuer plus de deux Psaumes, bien que les rédacteurs des Rois et des Paralipomèmes aient grandement glorifié son œuvre religieuse.

Ewald concluait, d’après le critérium très subjectif du goût, de l’originalité, de la vivacité et du coloris, de la dignité et de la noblesse des sentiments exprimés, à l’origine davidique des.Ps. iii, iv, vii, xi, XV (xiv), xviii (xvii), xix (xviii), 1 « partie, xxiv (xxm), xxix (xxviii), XX.XII (xxxi), ci (c) et d’un bon nombre de fragments. Cette liste n’est pas définitive ; d’autant moins que certains de ces Psaumes ou fragments davidiques sont répétés, ou abrégés, ou développés, dans d’autres parties du Psautier. Renan estime ancienne et davidique par exemple la strophe lx-lix, 8 (14), répétée dans le Ps. cvm (cvn). Nôldeke tient pour authentique le Ps. xvin (xvii) abrégé dans cxxxi : or, la longueur extrême du premier Psaume, la description du secours de Dieu sous l’allégorie d’une théophanie accompagnée de tempête et de tremblement de terre, sembleraient plutôt faire incliner à un jugement contraire : mais il ajoute, sans qu’on puisse vraiment le contredire : « Connaissons-nous donc si exactement le style de David ? Est-ce qu’un chant de fête, composé peut-être par un vieillard, doit reproduire le style concis et simple d’une œuvre de jeunesse comme l’élégie sur Saû ! et Jonathan ? » Th. Nôldeke, Histoire littéraire de l’A. T., trad. H. Derenbourg et, 1. Soury, Paris, 1873, p. 185-186 ; Driver, op. cit., p. 379, 385. Enfin il est certain que le culte se développa en même temps que la royauté, sous David et Salomon, et aussi sous l’iniluence extérieure égyptienne et phénicienne, peut-être aussi dès lors assyrienne ou babylonienne ; il dut donc y avoir des chants religieux analogues à ceux de l’Egypte et de l’Assyrie, et il n’est pas vraisemblable qu’on les ait laissés de côté plus tard.

Il faut reconnaître par contre que ces traditions anciennes de l’époque davidique ont pu occasionner plus d’une attribution arbitraire, et même évidemment erronée : par exemple les manuscrits utilisés par les Septante ont attribué, comme d’ailleurs aussi la Vulgate, une composition davidique au Ps. xui, Judica me, qui n’est qu’une strophe détachée du Ps. précédent non davidique ; cf. aussi Ps. cxxxvii, Super flumina Babylonis. Inversement le Ps. cxxiv, Nisi quia Dominus eral in nobis, porte dans l’hébreu une attribution davidique, que les Septante et la Vulgate ont justement laissée de côté, apparemment pour nous montrer ce qu’il fallait faire en présence du caractère si évidemment postexilien d’un te) morceau ou de tout autre analogue.

Les fils de Coré.

La série attribuée aux « Fils de Coré » comprend 11 Psaumes en deux groupes xli (xlii) (avec xlii (xliii) ; xliv (xliii) jusqu’à xlviii (xlix), puis lxxxiii (lxxxiv) jusqu’à lxxxvii (lxxxviii) à l’exception de lxxxv (lxxxvi) ; ce sont les plus beaux morceaux du Psautier, distingués pav eir simplicité, leur délicatesse, leur forme à la fois étudiée et parfaite au point de vue poétique, d’une strophique très régulière et avec emploi fréquent et heureux du refrain : au point de vue des sentiments on y distingue un grand amour du Temple et de la cité sainte. La tradition T&Uæhait l’origine de cette famille au Coré du désert ; leur activité littéraire fut marquante durant la période d’Ézéchias et jusqu’après le retour de la captivité, comme le montrent les allusions historiques de leurs Psaumes : leurs idées théologiques ou messianiques sont analogues à celles d’Isaïe : voir par exemple Ps. lxxxvi (lxxxvii) et Isaïe, xix, 19 r 25 ; leurs fonctions dans le Temple sont indiquées dans les livres historiques depuis David jusqu’à la restauration d’Israël, gardiens des portes du temple, I Par., ix, 19 ; xxvi, 1-19 ; puis chantres. II Par., xx, 19.

Asaph.

Douze Psaumes portent l’indication r Asaph » et sont par conséquent aussi de l’école lévitique : xlix (l) et lxxii (lxxiii) jusqu’à lxxxii (lxxxiii). Sous ce nom comme sous le précédent se cache une famille de lévites dont l’activité littéraire s’espace sur plusieurs siècles : par exemple lxxxii (lxxxiii) appartient à l’époque de la lutte contre l’Assyrie ; lxxiii (lxxiv) et lxxviii (lxxix) à l’invasion babylonienne ; ce sont toujours des Psaumes nationaux, et non personnels : le style, moins parfait que ceux des Fils de Coré, est communément d’une grande autorité et d’une grande véhémence, qui approche souventdu sublime, mais qui aussi le dépasse quelquefois ; ils renferment beaucoup d’allusions à l’histoire et aux vieux souvenirs d’Israël, et d’imitations des allégories des prophètes : voir par exemple la belle allégorie de la vigne lxxix (lxxx). Leur langue recherchée a été souvent mal traduite par les Septante et la Vulgate. Voir Asaph, 1. 1, col. 1056.

Éthan.

Éthan, auteur du Psaume lxxxviii (lxxxix), est peut-être par une faute de transcription ou

de lecture de Yaleph initial, le même qu’Idithun auteur de xxxviii (xxxix), lxi (lxii), lxxvi (lxxvii). Voir ces noms. Ces Psaumes sont par conséquent aussi d’origine lévitique, et très beaux ; voir par exemple lxxxviii (lxxxix) élégie messianique sur la dynastie de David, en en séparant les ꝟ. 6-19, qui forment un Psaume différent et fort beau, également inséré dans le premier.

Salomon, Moïse, Psaumes anonymes.

Salomon est donné comme auteur des Psaumes lxxi (lxxii) et cxxvi (cxxvii) : cette dernière attribution est plus que contestable. Le Psaume de la vieillesse lxxxix (xc) est attribué à Moïse, mais saint Augustin, In Ps. lxxxix, t. xxxvil, col. 1141, en disait déjà : Non enim credendum est ab ipso omnino Moyse islum Psalmum fuisse conscHptum, et il en donne pour raison que s’il eût eu cette origine, on l’eût joint au Pentateuque. Saint Jérôme, E/Àst. cxl ad Cyprianum, t. xxii, col. 1167, admet l’origine mosaïque de ce Psaume et des dix suivants, où il est cependant parlé de choses bien postérieures et même de Samuel. Ps. cxviii, 6. Les versions ajoutent encore des noms d’auteurs à quelques Psaumes ; mais ces additions sont généralement fort arbitraires. Il reste plusieurs Psaumes anonymes, comme on l’a vu plus haut. Quelques-uns des plus beaux du Psautier sont compris dans cette catégorie, tels que cm-crv, tableau de la créalion, et evi-cvii, action de grâces pour le retour de la captivité ; la plupart se trouvent dans les deux derniers livres du recueil.

VI. Indications historiques, liturgiques et techniques des titres.

Indications historiques.

Les titres ajoutent quelquefois au nom de l’auteur des indications de circonstances historiques, Elles semblent n’être plusieurs fois que des conjectures du recenseur ; le contenu ne les justifie pas toujours ; un mot a quelquefois suffi pour qu’on rattachât tout un Psaume à la vie de David. Par exemple Ps. iii, quand David fuyait devant Absalom son fils ; vii, à l’occasion des paroles de Chusi le Benjamite ; xxxm(xxxiv), quand David contrefit l’insensé en présence d’Abimélech ; li(lii), quand Doëg l’iduméen vint dire à Saùl que David était chez Achimélech ; lui (liv) quand les Ziphéens vinrent dire à Saül : « David est caché parmi nous ; » lv (lvi), quand les Philistins le saisirent à Cteth ; lix(lx), à l’occasion de la guerre contre les Syriens de Mésopotamie et de Soba, etc. Dans ce dernier cas, par exemple, il est question des Philistins, des lduméens comme encore à vaincre, et nullement des Syriens ; dans le Psaume lxii (lxiii), la mention repose sur le ꝟ. 2, in terra déserta et invia et inaquosa, qui est lui-même vraisemblablement pour sicut terra… inaquosa, sic in sancto apparut libi, « comme » étant à restituer au lieu de « dans ».

Indications liturgiques.

D’autres additions sont des indications liturgiques remontant à l’emploi des Psaumes dans le Temple, dans le culte public ou dans le culte privé : xxix(xxx) pour la dédicace du Temple ; xci(xcii) pour le jour du sabbat ; de cxix(cxx) jusqu’à cxxxih(cxxxiv) cantique des montées ou du pèlerinage. à Jérusalem, canticum graduum ; xxxvii(xxxvin) et r lxix(lxx) pour la commémoraison (des bienfaits), in rememoralionem ; cxix(c), pour (le sacrifice d’) action de grâces, in confessione. Les Septante et la Vulgate en. ont d’autres encore : xcv, pour li reconstruction du Temple après la captivité, guando domus sedificabatur post captivitalem ; xcii, quando fundata est terrai xxxvii, de sabbalo ; xxm le lendemain du sabbat, prima die sabbati ; xlvii, secunda sabbati, le second jour de* la semaine ; xcii, quarto sabbati, le quatrième jour ; xcn, in die ante sabbatum, quando fundata est terra’, la veille du sabbat, le jour où fut achevée (la création) de la terre. Les Septante, la Vulgate et aussi le Syriaque contiennent également des indications de circonstances historiques ou une seconde série de noms d’auteurs inconnus à l’hébreu actuel, et généralement

peu soutenues par le contexte : Septante, (Psalnius David) filiorum Jonadab et priorum captivorum ; cxxxvi, de David et de Jérémie ; lxiv, Jeremise et Ezechielis populo transmigrationis, cum inciperent exire : CXI, reversionis Aggxi et Zacharise, en tête du Beatùs vir qui n’a aucun rapport à la sortie d’exil ; cxxv, Canticum ad Assyrios, qui semble au contraire une note marginale bien appropriée ; xxvi, David priusquam linirelur ; xxviii, t|/aXu.ôç ™ Aaui’5 ê£oSi’ou axr^r^, in consummatione tabernaculi, etc.

Indications techniques.

Ils contiennent encore des indications techniques, poétiques ou musicales ; par exemple l’espèce particulière de chaque Psaume : niizmôr, sir, maskîl, niikfam, siggdyôn, (efilldh ; sir yedidôf. Voir col. 808.

Quant à la mélodie ou air connu indiqué, nous trouvons les formules suivantes : ’alniûp labbên, ûrckp tô>v xpuçiw toj Ycoù, pro occullis Filii, c’est-à-dire sur l’air’almût labben (peut-être : la pâle mort), Ps. ix ; ’al’ayyéle’t has-sahar, {.7tip tr^ç àvTtXïjJ/ewi ; t ?, c êh)9tv71ç, pro susceptione matutina, sur l’air : « la biche de l’aurore » ; Ps. xxi(xxii), ’al-yônat’êlém rehôqîm, Oiiàp toû Xao-j tg-j àrnh TàW àffwv (ieîiaxpu{iu.évou, pro populo qui a sanctis longe foetus est, sur l’air : « colombe des lointains térébinlhes » ; Ps. lv(lvi), ’al-(ashêf, (xri SiaopOsipVic ne disperdas, sur l’air : « ne détruis pas », Ps. lvi(lyii) jusqu’à l"VHi(lix) ; ’al-sûsan’êdûf, toï ; àXXoiw61)<jo[iiot{ ï-ci, pro iis qui immutabuntur (adhuc), sur l’air : « lis, témoin de… » Ps.lix(lx), ou encore avec variante sôsannîm xliv(xi.v), lxviii(lxix), lxxix(lxxx). Il faut y ajouter quelques autres indications qui ont un sens vraisemblablement analogue, al-’âldmôt, inzïç T&v xpuçiwvjpro arcanis, c’est-à-dire super puellarum (vocem ou modulum), sur (l’air) : « Jeunes filles… » ou « pour voix de jeunes filles, de soprani », Ps. xlv (xlvi) ; ’al-gil(i(, ûiùp TtSv Irp&v, pro torcularibus, « sur la Géthéenne », sur la (lyre ou le ton) de Gelh, ville philistine où résida David durant la persécution de Saûl, Ps. lxxx (lxxxi) et lxxxiii (lxxxiv) ; ’al-malyalat, juèp MasXéd, pro mæleth, sur un air ou un instrument de musique dont on ignore la nature, peut-être la flûte qui guide le chœur, ce qui s’accorde assez bien avec la traduction d’Aquila, im xopeti, et de saint Jérôme (su)per chorum ; Ps. lii(lui) et lxxxvh(lxxxviii), voir Mæleth, t. iv, col. 537 ; be-neginôf, iv]/txky.oïç, sans doute pour èv ^aXT-^ptoïç : Vulgate : in carmin16us ; saint Jérôme : inpsaltnis, sur les « psaltérions », sur les « instruments à cordes », Ps. i’v ; ’él han-nehilô(, Septante îiTcèp Tri ? xXï]povo|ioiKTr|ç, Vulgate : pro eaquse hrnreditatem consequitur, saint Jérôme : super heereditatibus, c’est-à-dire « sur les flûtes », Ps. v ; voir ces mots, ’alhus-sénùnit, ùnèp ivi ; o-fSôris, pro octava, c’est-à-dire pour « la lyre àhuit cordes » (ou peut-être « à l’octave » si l’on admet pour les anciens orientaux une échelle musicale semblable à la nôtre), Ps. vi. Enfin la plupart de ces indications ou rubriques sont adressées à un lévite ou officiant dont le nom hébreu est menasseal}, terme rendu par les Septante : Eiç tô te’Xoç, par la Vulgate, In finem, par saint Jérôme : Victori, et qui doit être traduit par « Au maître de chœur ». Voir Chef des chantres, t. ii, col. 645. On a remarqué que tous ces termes techniques étaient déjà devenus inusités lors de la rédaction des deux derniers livres du Psautier ; il furent même totalement incompris des Septante, qui les traduisirent en les décomposant ou en les remplaçant par des termes de prononciation semblable mais de sens très différent, pris dans le vocabulaire qui leur était familier ; de sorte que les premiers interprètes des Psaumes et les Pères de l’Église, ne trouvant dans ces titres que des mots incompréhensibles, abandonnèrent le sens littéral pour chercher des explications allégoriques plus ou moins étranges, telles que l’explication de saint Ambroise : In Luc., y, c. 6, t. xv, col. 1649 : Pro octava enim multi inscribuntur Psalmi… spei nostræ octava perfeclio est ; … octava summa vir lutiim est. Tous les autres terroesanalogues sont expliqués de même, en y cherchant des sens dogmatiques, mystiques ou moraux. Origéne voyait dans les titres des Psaumes « la clef pour en pénétrer le sens, » mais il avouait ensuite que « les clefs avaient été mélangées et qu’il était devenu fort difficile de retrouver celle qui donnait entrée dans chacun des Psaumes. » In Ps. l, n. 3, t. xii, col. 1080. D’après l’analyse que nous en avons donnée, ce sont des indications littéraires, poétiques, musicales et liturgiques, de date suffisamment ancienne mais qui méritent vérification ; on peut les comparer aux rubriques du bréviaire et du missel. Saint Thomas d’Aquin, In Psalm. ri, Opéra omn., Parme, 1863, t. xiv, p. 163, reconnaît qu’elles ne remontent pas aux auteurs des Psaumes : Sciendum est quod tilvli ab Esdra facli sunt. Par conséquent on ne peut les considérer comme nécessairement inspirées. L’Église ne les a jamais regardées comme faisant partie intégrante des Psaumes ; dom Calmet, Sur les titres des Psaumes, dans le Commentaire littéral, Psaumes, t. i, p. xxxiv, 1713 ; Noël Alexandre, Histoire de l’Ane. Testament, diss. XXIV, a. i, q.l, ont nié leur inspiration. Certains d’entre ces titres ont même été ajoutés aux Septante par une main chrétienne, pour passer de là dans la Vulgate, et même dans l’Éthiopien, comme Ps. lxv, 'j> « X[ib ; àvacTTcicTed) :  ; , Psalmus Resurrectionis ; enfin la Peschito les a généralement rejetés etremplacés par des indications chrétiennes : ainsi en tête du Ps. cix, Dixil Dominus, nous lisons : De solio Domini deque virtute ejus gloriosa : et prophelia de Christo et Victoria de hoste.

VII. Caractère des Psaumes ; leur supériorité par rapport aux chants religieux des autres peuples orientaux.

Le Psautier est évidemment un recueil d’hymnes, de prières, de méditations et même de compositions didactiques, histoire, dogme, prophétie, morale ; il appartient à la poésie lyrique, et les Psaumes hébreux peuvent être comparés, quoique infiniment supérieurs quant au fond et généralement aussi quant à la forme, aux psaumes assyriens ou babyloniens, conservés dans les textes cunéiformes ; aux chants religieux de l’Egypte, papyrus ou monuments ; aux Gâthàs de l’Avesta et aux Vèdas de la littérature sanscrite. Bien que les sections ou coupures pratiquées entre les Psaumes ne soient pas toutes certaines, les titres maintenus dans le texte nous montrent que la plupart sont des poèmes de peu d’étendue — à part le Ps. cxviii (cxix) qui est plutôt un recueil de maximes de morale religieuse, groupées en strophes alphabétiques — les uns servant à la récitation et au culte publics, les autres à la lecture ou récitation privée : les uns étaient destinés à louer Dieu dans le Temple, dans les assemblées religieuses, comme le Confitemini Domino, les autres à la prière privée tels que le Miserere mei ; d’autres aux cérémonies religieuses, tels que VExurgat Deus, Ps. lxvhi ; d’autres à l’instruction d’Israël, comme les Confitemini, civ et cv (cv et evi) ; beaucoup devaient leur origine à un événement particulier et se récitaient dans des circonstances analogues.

D’autres instruisaient Israël de son passé et de l’avenir que lui prédisaient les prophètes : il y a en outre un grand nombre de Psaumes de caractère individuel, relatifs à toute sorte d’épreuves, maladie, persécution, calomnies, vieillesse, etc. C’est une exagération évidente que celle de Reuss qui voit partout des Psaumes nationaux, où Israël est toujours caché sous la personnification du Psalmiste ; bien qu’il soit suivi par la plupart des critiques contemporains, tels que Duhm, Cheyne, Smend, il suffit" de s’en tenir au texte de Psaumes tels que iii, iv, vi, et même xxi(xxii) ou autres semblables pour se persuader du contraire, l’auteur y parlant de circonstances personnelles qu’on ne peut

évidemment appliquer à Israël, son « père », sa « mère », sa « naissance », son « vêtement », etc. ; il y a cependant certains Psaumes primitivement individuels qui sont devenus ensuite des Psaumes nationaux, soit par simple accommodation, soit même grâce à des changements ou des modifications pratiquées dans le texte primitif : le Ps. ix(x) en est un exemple caractéristique.

VIII. Forme poétique des Psaumes.

Leur caractère poétique, non seulement quant au fond, mais encore quant à la forme, est absolument évident, et si les Psauliers du temps d’Origène ont pratiqué la scriptio continua, source de mauvaises lectures et de fausses coupures fréquentes, à l’origine et pour la psalmodie primitive, la séparation des vers et des strophes a dû être conservée, comme elle l'était dans la poésie assyrienne et les papyrus égyptiens. Les déplacements du sélah, Sià^ïAu-a, qui indique la strophique dans beaucoup de Psaumes, et qui a été parfois copié un vers trop haut ou un vers trop bas, ne peut avoir d’autre origine qu’un texte hébreu où les vers étaient séparés ligne par ligne. Beaucoup de manuscrits grecs anciens ont tâché de reconstituer la disposition primitive. Le parallélisme qui constitue l’essence de la poésie hébraïque rendait cette reconstitution relativement facile. Voir Poésie hébraïque, t. iii, col. 489. Il y a cependant dans les Psaumes des endroits dont la forme poétique est très peu accentuée, et où le parallélisme est peu régulier, tels que le Ps. i ; d’autres où les copistes lui ont fait subir des altérations en supprimant ou en ajoutant un membre, comme Ps. viii, 3 b. c ; enfin certains Psaumes ont été composés en rythme ternaire, et l’habitude de mettre deux membres du parallélisme par verset, les a rendus totalement méconnaissables, comme xcn (xcm) où il faut rétablir ainsi les versets

Eteuim firmavit orbem terra ; …
Parata sedes tua ex tune,
A sasculo tu es.
Eievavenmt flumina, Domine,
Elevaverunt flumina vocem suam,
Elevaverunt flumina fluctus suos ;
A voeibus aquaruoi multarum
Mirabiles elationes maris,
Mirabilis in altis Dominus ;
Testimonia tua credibilia facta sunt nimis,
- Domum tuam decet sanctitudo, Domine,
In longitudinem dierum.

Le parallélisme sous ses différentes formes, synonymique, antithétique, synthétique, produit naturellement en hébreu l'égalité du nombre des mots et par conséquent un rythme facilement perceptible. Sur le vers hébreu, voir Hébraïque (Langue), t. iii, col. 490. Mais il faut noter que dans les Psaumes la régularité du vers est loin d'être constante et absolue : parce que les règles n’en étaient pas peut-être exactement fixées, bien connues ou bien observées, et parce que les copistes ne nous ont pas toujours conservé fidèlement le texte. Cf. Ps. xviu (xvii), xvi (xcv), cv (civ), avec II Sam. Reg., xx, 2-51, et I Par., xvi, 8-36. Bien qu’entre ces passages il y ait un grand nombre de divergences, il faut constater néanmoins qu’elles n’ontqu’une influence fort restreinte au point de vue rythmique etde la poésie. D’ailleurs on ne peut guère supposer dans les Psaumes des altérations prosodiques très nombreuses ni très graves durant la période ou le Psautier demeura partie intégrante de la liturgie juive, ou élément principal des chants d’Israël : par conséquent toute théorie sur la poésie hébraïque qui suppose trop d’altérations et exige de trop fréquents remaniements du texte doit être considérée comme suspecte.

Le caractère lyrique des Psaumes, l’usage où l’on était de les chanter couramment, amène à supposer dans un grand nombre l’existence de strophes : il en

est cependant où l’on ne découvre aucune strophique, tels le Psaume moral cxh (cxi), Bealus vir, les Psaumes historiques cxi(cx), Confilebor, lxxviii (lxxvii), Attendue, popule meus. D’autres ont plutôt des divisions logiques que des strophes proprement dites, l'égalité des fragments n'étant que très approximative ; mais dans le plus grand nombre on découvre une strophique très intentionnelle, reconnaissable au développement égal attribué à chaque pensée du Psaume, souvent même cette strophique est accusée par des indications spéciales, l’alphabétisme en tête de chaque strophe ou de chaque vers, le nom de Jéhovah, placé dans chaque premier vers, ou au contraire le terme technique seiaA, gtâ^a^u.a (voir Sélah), ou la présence d’un refrain à la fin de chaque strophe.

La division la plus simple, et probablement la plus ancienne, est le partage du Psaume en deux parties, la strophe et V antistrophe, sorte de parallélisme qui oppose non pas vers à vers ou membre à membre, mais tamêau à YîAAw^i dans un même >oème : ainsi le Ps. I donne successivement le sort du juste et celui du méchant ; le Ps. xvi (xv) le choix de Jéhovah comme Dieu unique, puis les heureuses conséquences de ce choix ; le Ps. xix (xviit) la lumière physique, puis la lumière morale ; le Ps. xxii (xxi) la souffrance du Serviteur de Jéhovah, puis l’action de grâce pour sa délivrance, etc. Cette habitude de joindre la strophe et l’antistrophe pousse même à juxtaposer et à réunir totalement quelquefois deux Psaumes primitivement distincts, par exemple on juxtapose les deux Psaumes royaux xx (xix) et xxi (xx), Exaudiat te Dominus et Domine in virtute tua ; on réunit dans l’hébreu rxv (exiv) Dilexi quoniam exaudiet et Credidi propter quod locutus sum. Et même dans les Psaumes d’une strophique plus étudiée, on maintient la division générale en deux parties, Ps. xix (xvtu), Cseli enarrant gloriamDei ; XLV (xuv), Eruclavit cor meuni. Avec ou sans cette division binaire très fréquente, on trouve souvent des strophes moins longues et plus nombreuses de diftérents modèles, quelquefois avec de légères différences de longueur dont la responsabilité incombe à l’auteur primitif ou bien au copiste ; il est évident par exemple que le Ps. ii, Quare fremuerunt gentes, se subdivise en quatre strophes d’une égalité approximative : révolte des nations, réponse de Jéhovah, consécration du Messie, conclusion du Palmiste ; au contraire le Ps. iii, Domine, quid multiplicati sunt, se divise naturellement en quatre strophes égales marquées en hébreu et en grec par les termes sélah et êtœij’aXu.a. La strophe la plus ordinaire se compose de quatre membre parallèles deux à deux : Ps. xxrv(xxm), A et B ; xxxm(xxxii), cxiv(cxm) In exilu jusqu'à Non. nobis, etc. On trouve moins fréquemment la strophe de huit membres parallèles : Ps. xviii (xvii), xxxii (xxxi), etc. La strophe de seize membres est d’un emploi très rare à cause de sa longueur : voirPs. cxix (cxviii) qui est plutôt un recueil de maximes sur la loi de Dieu enchaînées par ordre alphabétique qu’un Psaume véritable. — Le rythme ternaire a donné naissance à la petite strophe de trois membres : Ps. xcm (xcn), et cxxxvi (cxxxv) à la strophe de six membres ; Ps. xxii (xxi) ; xl vi (xlv) ; Ps. cxv 6, Non nobis ; Domine, non nobin, dans 17° exitu ; cxviii (cxvii), etc. ; enfin à la strophe de douze membres, dont le modèle le plus achevé est le Ps. cxxxix (cxxxviii), Domine, probasti me. — On rencontre aussi, mais fort rarement, une strophe de dix membres parallèles : Ps. cxxxii (cxxxi), Mémento Domine David.

Un bon nombre de Psaumes, ceux surtout destinés au chant public, font usage du refrain. Dans les cas les plus simples il paraît seulement au commencement et à la fin du Psaume, et alors c’est plutôt une sorte de cadre donné au poème qu’un refrain véritable, Ps. vin ;

cm (eu), civ (cm) ; souvent le refrain' est répété régulièrement après chaque strophe : Ps, xlii (xli) en y joignant le suivant qui en donne la dernière strophe ; xlvI (xlv) en rétablissant le refrain supprimé après le ꝟ. 4, Dominus virtutum nobiscum ; sûsceptor noster Deus Jacob ; xlix (xlviii) homo cum in honore esset non intellexit ; cvn (evi) refrain modifié après chaque strophe : clamaverunt ad Dominum… Confiteantur Domino misericordise ejus… ; cxvi b (Credidi), vola mea reddatii… etc. Dans le seul Psaume cxxxvi (cxxxv) le refrain quoniam in seternum misericordise ejus est actuellement répété après chaque vers : comparer cxvin (cxvii) qui se chantait peut-être de même. Le même verset servait de répons et était repris par tout le chœur dans les solennités religieuses. I Par., xvi, 41 ; I Esd., iii, 11.

Enfin un certain nombre de Psaumes rentrent dans la catégorie des poèmes alphabétiques. Voir Alphabétiques (Psaumes), t. i, col. 416. Dans ce cas chaque vers, chaque strophe ou chaque distique, commence successivement par chacune des lettres de l’alphabet : ce genre d’acrostiche, que la poésie dédaigne chez nous, est hautement prisé au contraire par les poètes arabes ou syriaques, qui recherchent en ce genre les plus extraordinaires complications. Voir R. Duval, Ancienne littérature syriaque, p. 26-28. On serait porté à attribuer aux Psaumes alphabétiques une date récente : mais la présence de ces poèmes dans Nahum et les Lamentations prouve qu’ils étaient goûtés même des anciens Hébreux. On pourrait supposer aussi que les Psalmistes s’en servent pour grouper des versets qui n’ont pas entre eux d’enchaînement logique bien étroit : cette explication est admissible pour le Beati immaculati in via, exix (cxvili) et d’autres semblables ; mais les Lamentations et le début de Nahum ne manquent pas d’unité et n’avaient pas besoin de ce lien factice : dans certains cas il brise même la suite logique ou la chronologie, comme dans le Ps. exi (ex) où il bouleverse la série régulière des événements de la sortie d’Egypte et du séjour au désert. Saint Jérôme l’avait déjà signalé, Epist. xxx ad Paulam, t. xxii, col. 442 ; suivant le goût de son temps il voit à chaque lettre une raison mystique ou allégorique qu’il explique dans Epist. xxx, t. xxii, col. 443. Harre s’en est servi pour les études de la poésie hébraïque, comme le rapporte Lowth, De sacra poesi Hebrseorum, édit. Rosenmùller, 1821, p. 39, 365, 629 ; et Koester pour l'élude des strophes hébraïques Die Strophen und der Parallelismus der hebràischen Poésie, dans Studienund Krilxken, 1831, p. 40. — Dans le Ps. lx-x, Vulgate, ix de l’hébreu, chaque strophe de deux vers ou quatre membres commence successivement par une des lettres de l’alphabet hébreu, mais les strophes manquantes ont été remplacées par d’autres non alphabétiques : t, ii, s, d, 3, d, v, s, ï. Les Ps. xxv (xxrv) et xxxiv (xxxm) sont semblables, une lettre par vers, avec addition au poème d’une antienne non alphabétique relative aux épreuves d’Israël ; Ps. xxxvil (xxxvi) une lettre tous les deux vers ; exi (ex) et cxii (exi) une lettre pour chaque hémistiche ; cxix (cxvin), chaque lettre répétée huit fois en tête des hui t vers de chaque strophe : noter en outre que dans chaque strophe la loi de Dieu est désignée par huit termes synonymes, que chaque strophe ramène dans un ordre différent ; enfin Ps. cxlv (cxliv), une lettre par vers. Les irrégularités qui se remarquent — à part l’interversion de y et s qui est ancienne et se 'rencontre déjà dans les Lamentations — sont de date postérieure, et proviennent d’altérations, de suppressions et d’additions au texte : à noter la perte du : dans le Ps. cxlv texte hébreu, alors que le verset correspondant est conservé dans, les Septante, la Vulgate et le syriaque. D’autres Psaumes ont un alphabétisme incomplet, le premier mot y commence par alepfi et le dernier commence ou finit par tliav, peut-être pour indiquer que le poème est complet et qu’il n’y a rien à y ajouter, qu’il comprend depuis la première lettre jusqu'à la dernière ; tels sont ï, v, lxx (lxix), lxxix (lxxvih) ; cxii (cxi) commence aussi par aSré et finit par (obed comme le Ps. ï.

Il faut enfin noter comme derniers ornements accessoires la rime, assonance, monorime : iii, rime proprement dite ; cxxi (cxx) assonance en a, cxxiv (cxxm) assonance en nu ; cxxxii (cxxxi) ; cxliii (cxxlii) ; — le rythme graduel ou gradation qui prend la finale d’un vers pour en faire le commencement du vers ou de l’hémistiche suivant, dont on trouve un modèle dans Isaïe, xxvi, 1-9, et une imitation dans le début du IVe Évangile ; Exemple : Ps. exv (IVore nobis Domine).

nequando dicant gentes :
ubi est Deus eorum ?
Deus autem noster in cselo…
Benedicti vos a Domino
Qui fecit cselurti et terram
Cælum cseli Domino,
Terram autem dédit filiis hominum.

Cette construction avait pour résultat de faciliter la mémoire : aussi la retrou ve-t-on fréquemment dans les Psaumes de caractère’populaire, spécialement les Cantiques du pèlerinage cxx-cxxxrv, nommés psaumes graduels, canticum graduum, Sir ham-ma’alôt. Les jeux de mots, formant dans la poétique orientale un ornement très recherché, se retrouvent naturellement aussi dans les Psaumes ; par exemple : ire'û ve-irâû, ridebunt (mulli) et timebunt, XL (xxxix), 4lii (li), 8 ; videbunt qusti) et timebunt, XL (xxxix), 18 ; 'anî'ani, miser (sum) ego, lxix (lxviii), 30 ; lxx (lxix), 6, etc. Voir Jeux de mots, t. iii, col. 1525.

IX. Contenu et doctrine des Psaumes.

1. sujet des psaumes.

Il est impossible de donner une classification logique des Psaumes, un seul touchant souvent à des sujets fort divers, ainsi le Ps. mous donne le sort du juste et celui de l’impie ; xix (xviii) la lumière matérielle et la loi de Dieu ; xxiv (xxm) portrait du juste et cérémonie religieuse xxxm (xxxii) invitation à louer Diju, sa justice, sa puissance créatrice, châtiment des nations, triomphe final du juste ; lxxxix (lxxxviii) promesses de Dieu à David, puissance infinie de Dieu, sa fidélité à son peuple, promesses de perpétuité à la race davidique, ses abaissements, prière en sa faveur. Quoi qu’il en soit Dieu, son infinité, sa puissance, sa justice, sa miséricorde, en face de Vhamme, sa dépendance, sa faiblesse, ses fautes, ses épreuves, son besoin du secours divin, les dons divins qu’il a reçus et ceux qu’il réclame, tout cela forme le sujet général du Psautier, soit comme contemplation, soit comme louange, soit dans un but de prière, et presque toujours sous la forme d’un entretien personnel du psalmiste avec Dieu ou sous la forme d’un hymne liturgique. En ne tenant compte que de l'élément principal de chaque Psaume, on peut s’arrêter à la classification suivante :

Psaumes dogmatiques : Dieu créateur : viii, création abrégée (Gen., ï) ; tableau développé, civjcm) ; xix (xviii A) ; chaque créature doit louer Dieu cxlviii ; beauté des différen tes œuvres de Dieu, xxviii(xxvii), orage (à comparer avec xviii (xvii), 8-17) ; grandeur du créateur, xcni (xch) ; omniscience et immensité divines, cxxxix (cxxxviii) ; néant des idoles ou des faux dieux, lxxxi (lxxx), cxvft (cxiv) ; cxxxv (cxxxiv) ; sa bonté et sa miséricorde, li : (l), jCiii (cii) ; cxxx (cxxix)' ; cxlv (cxliv).

Psaumes moraux : la loi de Dieu, xix (xviiiô), exix (cxvin) ; portrait du juste, xv (xiv) ; xxiv (xxm) ; lxii (lxi) ; cxii (cxi) ; l’impie, xii (xi), xiv (xm) ; xlix (xlviii) (mauvais riche). ; lvih (lvii) et lxxxii (lxxxi) mauvais juge) ; lii (li) (calomniateur) ; l (xlix) (hypocrite) ; sanctions divines, i, xch (xci), xxxvii (xxxvi), lxxiii (lxxii) ; xiv (xm) = lui (lu), lxxxi (lxxx). Psaumes historiques : Lxviif (lxvii), lxxvii (lxxvi), lxxviii (lxxvii), cxv (cxiv), cxi (ex), cxxxv, (cxxxiv), cxxxvi (cxxxv) (sortie d’Egypte, désert, conquête de Palestine) ; période des Juges, cv (civ), evi (cv) ; davidiqne, lx (lis), cvm (cvn) ; période assyrienne, xuv (xi.hi), lxxxhi (lxxxii), xlvi (xlv), XLVI1I (xlvii), lxxvi (lxxv) ; période babylonienne, lxxiv (lxxiii), lxxix (lxxviii), lxxx (lxxix) ; exil, Cxxxvil (cxxxvi) ; retour, lxxxv (lxxxiv), cvii (cvi), cxxvi -(cxxv).

Psaumes relatifs à Jérusalem au Temple : xxi (xxvi), xlii (xll), xliii (xlil), xlviii (xlvd), lxxxivi (lxxxui), lxxxvii (lxxxvi), cxxii (cxxi), cxxxh (cxxxi) ; cérémonies religieuses ; xxiv (xxm 6), i.xviii (lxvii), cxviii (cxvii), cxvi, b (cxv).

Psaumes royaux : xsl (xix), xxi(xx), ci (c), cxxxiii (cxxxvii b) ; messianiques, lxxxix (lxxxviii) ; promesse : cxxxii (cxxxi) ; son règne universel, ii, lxxii (lxxi), ex (cix) ; sa gloire xlv (xi.iv) ; le Serviteur de Jéhovah souffrant, lxxxviii (lxxxvii), xxii(xxi) ; le règne de Jéhovah sur les [nations, xlvii (xlvi), lxvii (lxvi), xcxvi (xcxv), cxlix, etc.

Psaumes personnels : contre ennemis et persécuteurs m, v, vii, xiii (xii), xiv (xiii) etc. ; pardon du péché, li (l), cxxx (cxxix), etc. ; la souffrance suite du péché, vi, xxxviii (xxxvii), xli (xl), eu (ci) ; la vieillesse, xxxix (xxxviii), xc (lxxxix) ; confiance en Dieu, xvi (xv), xxiii (xxii), cxxi (cxx), xci (xc), CXII (cxi).

II. doctrine des psaumes.

La doctrine générale des Psaumes est l’abrégé de toute la Bible, sous la forme la plus imagée et la plus brillante. Les Psalmistes nous donnent, dans leurs chants, une image grandiose du monde et du créateur, naturellement sous des images proportionnées à la capacité intellectuelle et aux formes du langage des Hébreux. Le monde est comme une vaste demeure bâtie par Jéhovah, créateur, ordonnateur du chaos primitif, sorte d’océan immense et ténébreux. Les restes de cet océan entourent encore le monde actuel, c’est le grand fleuve, la merdes confins du monde jusqu’où le Messie devra étendre son règne ; la terre s’élève par dessus, et ses plus hautes montagnes soutiennent le firmament qui sépare le ciel du monde visible. Au ciel, Dieu trône éternellement sur sa montagne sainte, entouré de la milice des armées célestes, et de là il gouverne le mondé matériel et le monde humain. Au dessus du firmament sont accumulés, prêts à exécuter ses ordres, les trésors des eaux, de la neige, de la grêle, des foudres et des tempêtes. Au firmament se balancent ou se meuvent les astres, les étoiles, la lune, le soleil qui forment une seconde armée céleste : c’est dans ces deux sens que Jéhovah s’appelle le Dieu des armées, Dominus Deus Sabaoth, Deus virtutum, Deus exerciluum ; tous ces termes ont le même sens. — Quand Jéhovah vient juger les hommes, c’est-à-dire sanctionner [ses lois par des récompenses et des châtiments, ou soutenir ses fidèles et anéantir les méchants, il est représenté descendant sur son char, traîné par les chérubins, lançant la foudre autour de lui, caché derrière un voile de nuées, faisant entendre sa voix qui est le tonnerre, faisant trembler la terre et desséchant les abîmes. Le monde aune troisième partie, la terre des morts, le èeôl, sorte de grand tombeau souterrain où les défunts viennent successivementprendre place : c’est l’abîme de la nuit, du silence, et de l’oubli : Jéhovah n’y est pas loué. Les Psaumes les plus anciens ne sont guère plus explicites sur cette existence ultra-terrestre et n’y distinguent pas le sort du juste de celui de l’impie. Dans ces descriptions, il n’est pas toujours facile de discerner le sens du fond d’avec ce qui est simple formule poétique et pure métaphore, ou bien allusion aux croyances de l’Orient ancien : les Babyloniens, les Égyptiens employaient souvent un langage analogue ; la science du temps avait groupé sous cette série d’images l’ensemble des phénomènes observés par elle : les termes mêmes du dictionnaire hébreu renfermaient des mots qui faisaient allusion à ces opinions, le tonnerre ou la voix de Jéhovah, les armées célestes ou les étoiles, etc. Les Psalmistes hébreux devaient parler comme leurs contemporains.

Mais, le contraste est frappant quand de la forme, on passe au fond : sans langue philosophique, sans raisonnements métaphysiques, ils.nous donnent une telle idée de Jéhovah que nulle part nous ne trouvons une notion de Dieu plus élevée ni plus exacte : tandis que les dieux des nations sont des vanités, des abominations dépourvues de sentiment, d’intelligence et de vie, Jéhovah est le créateur et le maître de tous les êtres célestes et terrestres : tout change et passe, seul Jéhovah est immuable : sa pensée pénétre l’avenir comme le passé et le présent ; son regard voit partout, jusqu’au fond des abîmes et des ténèbres : nul ne peut fuir sa présence : où qu’on soit, sa main nous soutient. Sa puissance est telle que la création et ses merveilles ne lui ont coûté qu’un mot : c’est lui qui conserve à tout la’vie et l’existence, s’il détourne sa face, tout rentre dans le néant ; sa justice est incorruptible, et rien n’y échappe : la sainteté est sa nature, son essence : seule sa miséricorde et sa bonté la surpassent, le pardon habite avec lui, et il aime les enfants des hommes : sans doute il a une affection paternelle pour Israël, mais il veut aussi le bien de tous les peuples de la terre, il prend soin d’eux dès maintenant, et il les amènera tous un jour à reconnaître sa royauté. Il aime l’homme et il prend soin de lui, il l’a fait à son image et comme le Dieu visible de la terre.

La loi qu’il a donnée à Israël est une lumière qui réconforte l’âme, par ses enseignements et par ses préceptes : les sacrifices qu’il exige ne sont pas son aliment à lui, il n’a besoin de rien, rien ne lui manque ; les pratiques rituelles doivent surtout être accompagnées de justice, de rectitude morale, de confiance en Jéhovah : il aime mieux le cœur repentant que les holocaustes ; les sacrifices lui sont insupportables quand ils sont accompagnés de l’homicide, de l’oppression des faibles, du déni de justice aux opprimés : quant aux sacrifices offerts aux idoles, surtout le sacrifice humain des cultes chananéens et phéniciens, ils souillent la terre, Jéhovah les abhorre, et doit les punir.

A la vérité le Psalmiste rend ces idées relevées par toute sorte d’anthropomorphismes, mais cela tient aux nécessités mêmes de la langue hébraïque : d’ailleurs, ils sont très bien choisis pour nous donner une haute idée deJéhovahtouten nous rapprochant de lui ; Jéhovah est notre salut, notre bouclier, notre citadelle, notre rocher, tous termes du reste adoucis par les Septante et la Vulgate ; il trône dans les cieux et la terre est l’escabeau de ses pieds : ses yeux toujours ouverts sondent les cœurs des hommes, sa main les soutient, ses ailes les couvrent de leur ombre lutélaire, son bras châtie les impies ; ses flèches les transpercent, sa colère les anéantit.

Plusieurs points de la doctrine des Psaumes exigent cependant des éclaircissements spéciaux :

Immortalité de l’âme. — La Providence, la justice de Dieu, son amour du bien et sa haine du mal soulèvent dans le Psautier le même problème que dans le livre de Job : le pécheur est souvent heureux, etle juste dans l’épreuve : l’auteur l’explique par la doctrine des rétributions terrestres : puis il suggère des moyens de justifier la providence divine : tout cela est passager, et le juste et le pécheur finissent toujours par obtenir le traitement auquel ils ont droit, en eux-mêmes et dans leur descendance : telle est la solution commune. À d’autres endroits, le psalmiste va plus loin et trouve une solution plus haute : Dieu seul est une récompense suffisante, le juste sera toujours avec Dieu, dont la main le conduira et l’introduira dans la gloire, Dieu sera son partage à jamais, lxxiii (lxxh), 23-26 ; xvi (xv), 10-11, assure

que le juste ne demeurera pas dans le sëôl, qu’il vivra devant la face de Jéhovah y trouvant plénitude de joie et des délices éternelles ; xvii (xvi), 14-15, exprime le même espoir presque dans les mêmes termes ; le juste se trouve plus heureux que le méchant, rassasié de richesses, comblé d’enfants et de petits-enfants ; xux (xlviii), 15, représente les impies conduits au sëôl par la mort qui sera leur berger : tandis que le juste sera racheté par Jéhovah de l’étreinte du sëôl, et que Jéhovah le prendra avec lui. C’est l’acheminement à la croyance à l’immortalité de l’âme, sinon déjà une pleine profession de cet article de foi, mis par l’Évangile seul dans toute sa lumière. Les Psaumes vi, xxx (xxix), xxxix (xxxviii), lxxxvih (i.xxxvii), sont moins précis : ils nous représentent le sëôl comme la terre de l’oubli, de l’éternel silence et de l’éternelle nuit que la pensée et la louange de Jéhovah n’interrompent jamais, sorte d’état, non d’anéantissement total, mais d’effacement et de semi-inconscience, analogue aux croyances babyloniennes, mais dont les mythes babyloniens eux-mêmes, tels que la descente d’Istar aux enfers, nous montrent qu’on ne doit pas prendre toutes les expressions au pied de la lettre, pas plus qu’il ne faudrait le faire dans les textes hébreux. Quand nous-mêmes nous disons d’un mourant qu’il a cessé de vivre, qu’il n’est plus, nous sommes loin de faire une profession de foi matérialiste ; il n’en faut pas voir davantage dans les formules des Psaumes : et amplius non ero : . « (donne-moi un peu de repos) avant que je cesse d’être (parmi les vivants), » sans préjudice à l’existence subséquente, dont les seules conditions d’eux connues ; n’avaient à leurs regards et avant toute révélation plus précise, rien de particulièrement attrayant. Présentement bien des croyants, persuadés cependant de la vie future, parlent encore de la sorte.

Psaumes imprécatoires : xviii (xvii), 38-40 ; xxxv (xxxiv), lu (li), lix (lviii) ; lxix (lxviii), 3-29 ; cix (cvin), 6-20 ; cxxxvii (cxxxvi), 7-9. — La justice de Dieu, dont le principe tient si fort à cœur aux Psalmistes, s’exerce sur les nations comme sur les* individus : par conséquent, les nations idolâtres ne peuvent prévaloir définitivement contre Israël croyant et fidèle à Dieu : Effunde tram tuam in génies quse te non novet runl.’Ps. Lxxxviir, 6 ; bien plus les ennemis d’Israël sont aussi les ennemis de Dieu même, puisqu’Israël est seul à connaître et louer le vrai Dieu : leur ruine ou leur châtiment est donc certain à ses yeux. Ceci n’est pas seulement une certitude de foi, c’est aussi un objet de désir de la part d’une partie des Psalmistes, désir d’autant plus grand que plus grand est leur amour pour Jéhovah et son régne. C’est ce désir qui fait le fond des Psaumes dits imprécatoires, dont la plupart sont non des Psaumes individuels, mais des Psaumes nationaux : Israël est sûr que Dieu triomphera de ses ennemis ; ce jour de Jéhovah, le Psalmiste l’appelle de tous ses vœux, dans lesquels se mêlent à la fois l’amour de Jéhovah et le sentiment national. Quant aux formules que révêtent ces sentiments et à ce qu’elles paraissent avoir d’exagéré et de cruel, il ne faut pas oublier que le style de ces morceaux est poétique ou même prophétique, c’est l’hyperbole qui lui donne sa couleur, sa vivacité et sa chaleur, et le sens réel en doit être beaucoup adouci. Du reste, les termes sont empruntés au vocabulaire courant de l’époque, et aussi aux terribles droits de la guerre d’alors : ceux-là seuls s’en étonnent qui ignorent comment les vainqueurs anciens traitaient leurs vaincus, se faisant même gloire de leur cruauté, comme on peut le voir dans les Annales des rois d’Assyrie, en particulier d’Assurnasirpal et d’Assurbanipal. Dans le Super, ftumina Babylonis, le Psalmiste, sous une forme opta tive dictée par sa conviction du triomphe final par son amour pour le règne de Dieu et par son attachement à sa patrie, la Jérusalem terrestre, ne fait que dépeindre d’une manière poétique comment on traitait trop souvent les villes prises d’assaut ; on traitera Babylone comme celle-ci a traité la ville sainte : ami comme il est de la justice, Jéhovah ne doit pas vouloir moins ! Les mêmes principes d’explication doivent prévaloir dans les Psaumes certainement individuels : le véritable Israélite se considère comme le représentant du vrai Dieu, de la justice et de la religion sur la terre : il est sûr de son triomphe final, et il le décrit sous une forme optative ou prophétique : ses ennemis lui en veulent parce qu’il est le serviteur de Jéhovah, et à ce titre il est sûr que Dieu prendra en main sa défense, qu’il réduira à néant les projets de ses ennemis, qu’il châtiera tous leurs crimes. Ici, de plus, nous devons rappeler que les sentiments de charité que la loi chrétienne nous oblige d’avoir pour nos ennemis, rendant le bien pour le mal, et priant pour ceux qui nous persécutent, sont d’origine exclusivement évangélique : là aussi, comme dans la question de la vie future, l’Evangile a mis dans notre foi et notre conscience des données nouvelles ; c’est en cela que consiste le principal progrès de la révélation morale.

Psaumes messianiques.

Ils tiennent une place particulièrement importante dans la collection : il en faut distinguer deux espèces, les uns nationaux, les autres personnels. Le but final des deux espèces est le même, c’est d’annoncer et de préparer le règne de Dieu, sur les nations infidèles jusqu’aux extrémités du monde : les Psalmistes saluent bien souvent, spécialement de xc (lxxxix) à ci (ci), cet avenir messianique. « Les idoles seront renversées et les dieux du monde, c’est-à-dire ses princes, avec leurs peuples, se joindront au dieu d’Abraham, ils deviendront des citoyens de Jérusalem ; » termes et idées analogues à Isaïe xix et toute la seconde partie du même prophète ; outre ce groupe, on les rencontre encore dans des Psaumes isolés tels que xlvii (xlvi), xcvn (xevi), lxviii (lxvii), 29-36, etc.

Mais la diversité commence où l’on étudie l’instrument de cette conversion du monde ; dans certains Psaumes on ne mentionne qu’Israël en général, c’est Israël qui soumettra les nations, enchaînera leurs princes, et chantera la gloire de Jéhovah (Ps. cxlix) ; c’est donc une formule de messianisme ethnique, un royaume des Saints, analogue à celui des Visions de DanUl, vii, 17-18, 25-27. D’autres Psaumes ^sont plus précis. Il y est question d’un personnage particulier, d’un roi qui étendra partout le culte de Jéhovah, qui fera cesser l’injustice, qui donnera au monde la paix, dont la puissance sera partout reconnue ; on en fait différents portraits, les uns le représentent surtout comme un conquérant, d’autres accentuent davantage sa mission religieuse, l’iniquité et la violence disparaîtront à son avènement, il sera d’une façon particulière fils de Dieu. Ce portrait du Messie revient souvent dans les Psaumes comme dans les prophètes ; Ps. ii, ex (cix) ; i.xxii (lxxi) on y joint des annonces de prospérité temporelle qu’il faut, également comme dans les prophètes, Isaïe, xi, 6-9, prendre au sens allégorique : lxxh (lxxi), 16-18 ; cxxxti (cxxxi), 14-16 ; cxliv (cxliii), 12-15. Un trait particulier du Messie qui ressort de plusieurs passages, c’est que l’établissement du royaume de Dieu sur la terre sera le résultat de ses souffrances ; l’humiliation et les souffrances du Serviteur de Dieu, suivies de sa glorification, amèneront le monde à croire à cette puissance de Jéhovah ; en certains endroits, comme dans Isaïe, liii, et dans le Psaume xxii, le caractère individuel de la victime, de ses souffrances et de celle délivrance est précisé ; et la fidélité de la peinture du sacrifice de la Croix a frappé tous les lecteurs, au point que les Évangélistes n’ont pas irîanqué de la souligner, que le Christ lui-même sur la croix a voulu montrer cette prophétie réalisée dans sa personne. Voir JÉsus-CHRisr, prophéties, t. iii, col. 1433.

Pour saisir le sens de ces Psaumes messianiques, il faut évidemment les préciser par les textes prophétiques parallèles : les Psaumes n’ont pas de cadre historique, et trop souvent le titre ne nous fournit presque aucune lumière : c’est alors l’analogie des Écritures, et l’ensemble de la révélation messianique qui doivent servir de guide et de lumière : toutes les pensées d’Israël, tous les battements de son cœur ont leur répercussion dans le Psautier, de même que ses épreuves et ses triomphes, en un mot toute son histoire, sa religion, sa morale, ses croyances de tout ordre : naturellement aussi ses espérances et les grandes annonces des prophètes doivent y trouver leur écho ; il est donc très logique d’éclaircir les uns par les autres ; et quand les titres des Psaumes ne sont pas suffisamment clairs, ou indiscutablement datés, comme c’est souvent le cas, les textes correspondants des prophètes nous donnent un commentaire à la fois littéraire, chronologique et exégétique sur lequel on peut s’appuyer en tonte sécurité. On ne peut nier le caractère messianique des Psaumes que si l’on nie également l’existence de toute prophétie messianique dans la Bible. Cependant il faut bien se garder de traiter comme vraiment messianiques certains passages détachés ordinairement de leur contexte et expliqués indépendamment du reste du Psaume : ce sont alors des accommodations plus ou moins ingénieuses, mais qui n’ont pas de valeur rigoureusement exégétique ou théologique. Quelques Pères de l’Église, pour l’instruction des fidèles, ont appliqué à Notre-Seigneur la plupart des Psaumes, comme on le voit dans le commentaire de saint Augustin ; saint Jean Chrysostome, bien que plus attaché au sens littéral, le fait aussi quelquefois et cherche même à s’en justifier par le style général des prophéties. In Psalm. cxvii, t. iv, col. 336.

Les Pères ne faisaient en cela que suivre l’usage des Juifs qui avaient alors coutume d’appliquer à la venue du Messie bien des textes qui n’ont pas d’application directe à Jésus-Christ, mais dont on pouvait se servir à leur égard comme d’arguments ad hominem ou comme moyen d’édifier les chrétiens.

X. Texte des Psaumes.

Texte hébreu.

Tel que nous le connaissons par l’hébreu actuel et les versions anciennes, le texte des Psaumes n’est pas toujours correct : les versions ou de simples conjectures permettent de le corriger en certains endroits, mais le plus grand nombre des altérations échappe à toute retouche. Comme plus ancien témoin du texte, nous avons la traduction grecque dite des Septante, deux siècles environ avant Jésus-Christ ; nous avons au iie siècle les versions grecques citées dans les Héxaples d’Origène, principalement Aquila, Théodotion et Symmaque, malheureusement nous n’en possédons que quelques fragments ; enfin vers le commencement du ve siècle, nous trouvons la traduction de saint Jérôme adressée ad Sophronium ou Psautier secundum veritateni hebraicam. Quant au texte hébreu actuel dit massorétique, il se présente à nous avec fort peu de variantes, mais il bénéficie d’une unité factice, les éditeurs juifs ayant supprimé impitoyablement toutes les divergences des manuscrits. On peut ajouter à cette liste les citations dû psautier dans le Nouveau Testament ; seulement la plupart sont faites non d’après l’hébreu mais d’après les Septante, et très souvent sans l’exactitude verbale absolue que réclamerait la critique ; enfin la version syriaque, faite sur le texte hébreu mais avec des leçons ou des retouches dans le sens des Septante, et dont l’origine est incertaine ; les Targum et le Talmud ont peu aidé la critique textuelle.

On peut constater que le texte dont saint Jérôme s’est servi pour sa traduction était substantiellement identique au nôtre, bien qu’il offrit quelques divergences accidentelles : par exemple Ps. cx (cix), 3, au lieu du tecum principium des Septante et de la Vulgate, il traduit populi tui spontanei, ce qui correspond à l’hébreu actuel ’ammekâ nedâbôṭ dont il a lu le premier mot ’ammêyka, le pluriel pour le singulier : au lieu de haderêy, in splendoribus, de l’hébreu et des versions, il a lu harerêy, in montibus ; avant ex utero il intercale ke, quasi (de vulva) ; au lieu de mišḥar, aurora, lucifer, il lit izraḥ, orietur ; pour le reste il le lit comme l’hébreu actuel, de sorte qu’il traduit tout le verset ; populi tui spontanei erunt in die fortitudinis tuas in montions sanctis : quasi de vulva orietur tibi ros adolescentiæ tuæ, conformément à l’hébreu actuel, au lieu de la traduction des Septante et de la Vulgate : Tecum principium in die virtutis tuæ in splendoribus sanctorum, ex utero ante luciferum genui te ; Ps. iv, 3, au lieu de usquequo gravi corde, utquid (diligitis vanitatem), il lit à peu près comme notre texte hébreu : Usquequo inclyti mei ignominiose, avec la légère différence de kebôdî pour kabedaï ; Ps. xi (x), 1, il lit contre l’hébreu et suivant les Septante et la Vulgate : (Transmigra in) montent ut (avis),

har kemô ṣippôr pour harkém ṣippôr ; Ps. xvi

(xv), 10 : (Non dabis) sanctum muni (videre corruptioneni), ce qui paraît du reste la leçon primitive de l’hébreu que les massorètes n’ont pas rejeté totalement, au lieu de sanctos tuos, En cours hasidka pour fyasidêka ; Ps. xix-xviii, 14, il lit avec l’hébreu, mizzedim, a superbis au lieu de ab alienis, mizzarim des Septante et de la Vulgate ; Ps. xxir (xxi), 17, il lit fixerunt ou vinxerunt (pedes meos et manus meas) au lieu de fodientes (pedes meos), ka’arû pour ka’arê ou ka’ari, sicut leo ; xxix (xxvrn), 6, il lit avec l’hébreu Sariun, le mont Sirion, au lieu de yesûrûn, dilectum des Septante et de la Vulgate ; xux (xlviii), 13, il lit avec l’hébreu Un, commorabilur, contre les Septante et la Vulgate bîn, inlellexit, etc. De même pour les séparations et les titres des Psaumes, S. Jérôme confirme l’hébreu massorétique ; par exemple xliii (xlii) il omet avec raison l’attribution psalmus David puisque c’est une strophe séparée du Psaume précédent. des Fils de Coré : dans le Cod. Amiatinus on trouve même rétablie la suscription filiis Chore ; de même encore contre les Septante et la Vulgate, et en suivant l’hébreu il supprime au cxxxvii (cxxxvi), le Super flumina Babylonis le litre étrange Psalmus David, Jeremise. On doit donc conclure que depuis saint Jérôme le texte des Psaumes n’a guère subi d’altération.

La même conclusion s’impose quand on compare l’hébreu actuel avec les traducteurs grecs du ne siècle cités dans les Héxaples d’Origène : par exemple IV, 3, ils lisent contre les Septante et la Vulgate et avec saint Jérôme et l’hébreu massorétique, ot é’v80 ?oi’[aou ou ^ Sôia |iov ; iv, 8, âm> xaspoû, a tempore, pour a fructu (frumentx) ; xi-x, l, ilslisentcependant avec les Septante, la Vulgate et saint Jérôme (transmigra in monlem), à ; iteTstvôv, ut avis, la leçon massorétique étant une faute évidente ; xix (xviii), 14, ànô tû>v ûitepintpâviùv, a superbis avec saint Jérôme et le texte actuel ; xxix (xxviu), 6. EEptwv ou Sapiciv, le mont Sirion, au lieu de dilectum (quemadmodum’filins unicornium), etc. Voir Field, Origenis Uexapl., 1875, t. ii, p. 90, 91, 102, 115, 129 : cx(cix), 3, ex utero aurorse, aoi Spôao ; iraifisÔTijTÔ ; ctou ou 7) veotïi ; oou, tibi ros juventutis tuse au lieu de rcpo êiù<7<p6pou iyéwriaâ at, ex utero ante luciferum genui te des Septante et de la Vulgate. lbid., p. 266. En somme les traductions du IIe siècle sont presque toujours favorables au texte massorétique : du reste on sait que saint Jérôme, qui lui est favorable également, n’a guère fait que suivre presque partout Aquila, le premier de ces traducteurs, à qui il ne trouve à reprocher que sa littéralité exagérée et son manque de goût. On peut dire d’une façon générale que le Psautier hébreu était au temps de Notre-Seigneur sensiblement ce qu’il est aujourd’hui. Quant au Nouveau Testament, la plupart de

ses citations du Psautier étant prises aux Septante, il n’y a guère de conclusion spéciale à en déduire.

Le Psautier est un des livres de l’Ancien Testament le plus souvent reproduit dans les manuscrits grecs : mais c’est aussi un de ceux dont le texte a reçu le plus grand nombre d’altérations : les travaux critiques d’Origène, loin de lui conserver sa pureté primitive, ont souvent même contribué à augmenter la confusion, car on a parfois substitué aux Septante, ou même on leur a superposé les différentes traductions grecques des Hexaples, supprimant les signes diacritiques, astérisques et obèles, et mélangeant dans une rnéme phrase des versions différentes : ainsi au début de xxii (xxi) nous lisons à ©s’oc, 6 ©eô ; (no-j, np6<r/e{ [loi, traduit dans la Vulgate exactement : Deus Deus meus, respice in me : or ce sont deux traductions juxtaposées des mêmes mots hébreux : 'Êlî 'Êli, qu’on peut entendre Deus meus, Deus meus, ou bien in me, in me (sous entendu respice). Dans l'Évangile, Notre-Seigneur le cite selon l’hébreu et la traduction qui y est jointe omet le respice in me des Septante. Eusèbe, InPsalm., t. xxiii, col. 204, fait aussi remarquer que npôoye ; jjioi n’a pas d'équivalent dans l’hébreu. Saint Jérôme avait soigneusement indiqué ces signes critiques dans son Psautier ex Origenis Hexaplis ou gallican ; mais là aussi les copistes les supprimèrent comme il s’en plaint souvent, par exemple Epist., cvi, 55, t. xxii, col. 857 : Qux signa dum per scriplorum negligenliam a plerisqae quasi superflua relinquuntur, magnus in legendo error exoritur. Toute cette lettre de saint Jérôme est pleine de remarques critiques analogues qui s’appliquent aussi bien au Psautier grec qu’au lalin. Au Ps. cxxxii (cxxxi), 4, on lit un doublet d’origine analogue : toi ; pUtpàpot ; i.av vj<tc « y(jiôv xa àvimxvaiv toï ; y.poiàçoiî (iou, (si dedero) soninum oculis mets, et palpebris nieis dornritationem, la seconde partie étant une deuxième traduction des mêmes mots hébreux empruntée à Théodotion. Dans le même Psaume nous lisons, ꝟ. 15, ttjv yjipoiv (aOir, ; bio^ûiv tvloyr^aui) viduam (ejus benedicam benedicam), qui est une altération subséquente pour tï|v Oïipàv : « Ubi enim nostri legunt viduam ejus benedicens benedicam… in hebrseo habel Seda idest cibaria ejus. » S. Jérôme, Qusest. hebraic. in Gen., xlv, 21, t. xxiii, col. 1000.

Mais les altérations les plus nombreuses et les plus profondes sont antérieures à la traduction grecque : les scribes d’alors transcrivaient les textes hébreux, et le Psautier particulièrement, avec des négligences qui contrastent vivement avec le soin dont leurs successeurs commencèrent à faire preuve après l'ère chrétienne. Dans le Ps. ix-x (ix des Septante et de la Vulgate), qui est alphabétique, on n’a conservé que la moitié des strophes primitives, les autres appartiennent à une composition différente et sans alphabétisme : les autres Psaumes alphabétiques sont copiés plus exactement, mais il y a aussi des lacunes, et souvent addition d’un verset final non alphabétique. Le début du Psaume vm est évidemment altéré de même que le y. 3, lema’an sorarêka lehasbïf 'ôyeb u-mitnaqêm, propter inimicos ut destruas inimicum etultofem ; le texte du Psaume xviii (xvii) est fort différent de la reproduction qui en est donnée dans II Sam. (Reg., xxii), où le texte semble meilleur ; le Ps. xxiv (xxm) a une finale ꝟ. 7-10 étrangère au sujet, le portrait du juste ; la finale de xxxix (xxxviii) paraît écourtée : xlii-xli et xlih-xui sont séparés sans raison ; xlvi (xlv) a perdu son premier refrain après jꝟ. 4 ; lui (lu) et xiv (xm) identiques offrent des variantes multiples ; lx (lix) et cvm (cvn) dans leur partie identique présentent des variantes nombreuses ; lxxx (lxxix) a perdu son troisième refrain ; lxxxvih (lxxxvii) a perdu sa conclusion ; , cvhi (cvii) offre des variantes inattendues de lx et lviii qu’il’copie ; les deux parties de cxvi, séparées dans les Septante et la Vulgate, sont réunies à tort dans l’hébreu, etc. Grætz a

raison de dire que le Psautier, précisément à cause de son caractère populaire, est l’un des livres les plus altérés de la Bible, Kritischer Kommentar zu den Psalmen, Breslau, 1882, t. i, p. 145 ; mais il exagère outre mesure quand il ajoute que « très peu de Psaumes sont demeurés totalement intacts, tandis que beaucoup fourmillent de tant de fautes qu’il sont devenus totalement incompréhensibles. » Les altérations qu’a subies le texte des Psaumes sont d’ailleurs sans importance grave au point de vue doctrinal. Elles intéressent surtout les critiques et l’on en trouve d’analogues dans tous les livres anciens qui ont été fréquemment transcrits.

Traduction des Septante.

Quant à la version grecque dite des Septante, elle a été faite au deuxième siècle avant Jésus-Christ, en un temps où l’hébreu était un peu moins altéré que le texte massorétique, mais où il avait déjà perdu en très grande partie son intégrité primitive. En outre, les interprètes à qui l’on doit la version des Psaumes sont de beaucoup inférieurs aux traducteurs du Pentateuque ; ils connaissent l’hébreu vulgaire de leur temps, fortement aramaïsé, mais paraissent fortpeuau courant de la langue littéraire classique ; ils distinguent rarement entre les différentes significations d’un mot ; et dans les passages difficiles, fréquents dans les Psaumes à cause de leur caractère poétique, ils se contentent de traduire isolément chaque terme hébreu par un mot grec, sans se préoccuper du sens, ou de l’absence de sens, qui en peut résulter pour l’ensemble. Les relations des mots entre eux, quand elles sont exprimées en hébreu, le sont souvent par des particules fort différentes des conjonctions ou prépositions grecques par lesquelles ils essaient de les traduire, le vav conjonctif hébreu par exemple, signifiant à lui seul suivant les cas, et, maïs, ou, alors, au contraire, parce que, quoique, etc. : or, ils le traduisent presque toujours par %oà, qui donne un sens fort différent ; enfin le verbe hébreu exprime la modalité, certaine et incertaine, absolue ou conditionnée, et nullement la division du temps, présent, passé ou futur ; or, ilsohtrendu presque invariablement la modalité certaine par le passé, l’incertaine par le futur. Il faut ajouter que le texte hébreu alors n'était pas ponctué de voyelles, que les mots n’y étaient pas séparés, non plus que les phrases ni les Psaumes eux-mêmes. S’ils n’ont pas commis plus d’erreurs, il faut l’attribuer à une certaine connaissance traditionnelle qui leur restait de la signification des Psaumes et de leur emploi dans le "culte judaïque. C’est à eux que l’on doit faire remonter la responsabilité des nombreux passages étranges que renferme la Vulgate.

Traduction latine des Psaumes dans la Vulgate.

La version latine en effet est une traduction très littérale des Septante ; sa forme primitive nous est connue par les citations des Pères et quelques rares manuscrits ; outre les particularités de la lingua rustica qu’elle partage avec tous les textes bibliques antérieurs aux travaux de saint Jérôme, elle a les qualités et les défauts de la version grecque du Psautier : texte hébreu plus ancien que la recension massorétique, et multiples imperfections des premiers traducteurs, auxquelles vinrent se joindre beaucoup de fautes de copistes et de multiples interpolations. Ce texte servit de base au premier travail de saint Jérôme pendant son séjour à Rome sous le pape saint Damase ; il fut fait vraisemblablement sur Vltala, qu’il revit, non sur l’hébreu, mais sur la KoivtJ ou Vulgate grecque : ce fut une revision partielle et hâtive : Psalterium Romæ dudum positusemendaram… ; et juxta Septuaginla interprètes cursim, … magna ex parte, dit-il lui-même ; il ajoute que le texte ainsi expurgé fut bientôt altéré de nouveau : Scriptorum vitio depravatum, plusque antiquum errorem, quam novam emendationeni valer.e.

Præf. in Psalterium sec. Septuaginla edit., t. xxix, col. 117-118. Ce premier travail forme le Psalterium romanum, employé autrefois à Rome jusqu’à saint Pie V, maintenu dans le Missel et dans une partie du Bréviaire, ainsi que dans l’office capitulaire de Saint-Pierre de Rome ; saint Jérôme en décrit le principal caractère, ubiùumque sensus idem est (non dans l’hébreu mais dans le grec), veterum interpretum con suetudinem mulare noluimus, ne nimia novitate lectoris studium terreremus. Epist. cri, t. xxii, col. 844, et plus loin : nos antiquam interpretalionem sequentes, quod non nocebat, mulare noluimus. Il fit ce premier travail vers 384. Voir Jérôme, t. iii, col. 1307. De retour à Béthléhem, entre 386-391 selon le P. Van den Gheyn, i&itf., sa première édition étant déjà fort corrompue, il en entreprit une seconde, où il prit pour texte i’édilion hexaplaire des Septante, avec astérisques et obéles, les premiers destinés à indiquer ce que les Septante omettaient de l’hébreu et dont lui-même emprunta la traduction à Théodotion, les autres signalant au contraire ce qu’ils y avaient ajouté : saint Jérôme dit lui-même qu’il avait fait cette seconde traduction « avec beaucoup de soin, » Epist. ad Sophron., t. xxviii, col.H26 ; il l’appelle « une version nouvelle » dansl’iîpist. ad Sunniam et Fretelam, t. xxii, col. 838 ; c’était donc un travail critique où l’on pouvait voir d’un seul coup d’œil la version des Septante et sa comparaison avec le texte hébreu dans les passages qu’elle avait en plus ou en moins : il n’y manquait que la retouche des endroits où les Septante avaient traduit d’une façon insuffisante ou inexacte. Malheureusement la transcription de tous ces signes critiques exigeait trop desoins ; et malgré les prières réitérées du saint docteur, on les omit dans la plupart des mauuscrits, de sorte qu’on cessa de distinguer ce qui venait des Septante, ou de Théodotion, ou qui était surajouté au teiLte hébreu. Dans cet état, et avec les altérations encore subies depuis, elle constitua le Psalterium gallicanum qui est celui de l’édition officielle de la Vulgale et du Bréviaire, et dont le nom rappelle sa diffusion rapide dans les églises de France et de Germanie : dom Martianay remarque en effet que la plupart des manuscrits du Psautier avec astérisques et obtles proviennent de France, et que l’Italie n’en a conservé que très peu, t. xxviii, col. 66. Saint Jérôme ne dit pas qui l’engagea dans sa première retouche ; il composa la seconde à la prière de sainte Paule et d’Eustochium ; enfin, sur les instances de Sophronius, il donna une troisième traduction.

Traduction nouvelle de saint Jérôme.

Elle fut faite exclusivement sur le texte hébreu vers 390-391, en tout cas avant la lettre à Domnion, t. xxviii, col. 53-54. Il donne les raisons de cette nouvelle traduction dans sa lettre à Sophronius, t. xxviii, col. 1 124 : la nécessité de donnera la controverse contre les Juirs une base solide, ceux-ci rejetant les prophéties tirées des Septante comme ne rendant pas l’original hébreu : ensuite la science des Écritures qui n’est véritable que si elle est établie sur les originaux. Autant que nous en pouvons juger par le peu de fragments qui nous en restent, Aquila lui servit surtout de guide pour le sens de l’original ; quant à la forme, il s’éloigna le moins possible des traductions connues jusqu’alors. Dans cette dernière œuvre, il s’écarte quelquefois de la version qu’il avait cru devoir donner de l’hébreu dans d’autres ouvrages ; ainsi Ps. ii, il traduit adorale pure au lieu de apprehendite disciplinam des autres versions et de adorate ilium comme lui-même avait traduit précédemment ; il répond même aux critiques que ce changement avait excitées, dans son Apologie contre Rufln, i, 19, t. xxiii, col. 413 ; en cela il s’accommode encore à la traduction d’Aquila qui lisait xa-raçi}71<xxre êxtecrâç, ou à Symmaque itpo(7xuvT)<raTe xafiapûç ; de même dans le titre du Psaume xxii, il traduit d’après la plupart des manuscrits : pro eerva malulina, tandis que dans le commentaire d’Osée, 1. II, t. xxv, col. 867, il veut qu’on lise pro cervo matutino, qu’il applique au Christ. Le nom du maître de chœur, menasseah, est souvent traduit par victori, tandis que dans le commentaire sur Daniel, Prsefat., t. xxv, col. 492, il le rend par pro Victoria ; Ps. xlv, il rend de domibus eburneis, ce qu’il traduit de templo dentium dans son Epist., lxv ad Principiam, t. xxii, col. 633 ; Ps. lvi, il traduit pone lacrymam meam in conspectu luo, bien qu’il traduise ailleurs le même mot no’d par outre, ce qui est exact ; Ps. lxiii, il traduit sitivit te, bien qu’il prétende qu’il faille traduire tibi dans l’Epi(re xxxv, ad Svnniam et Fretelam, t. xxii, col. 850 ; Ps. xci, 1, Saddaï est traduit in umbraculo Domini, tandis que le même mot est rendu Deum sublimem dans Ézéchiel et robustum. et sufficientem ad omnia dans l’Epist-, xxv, ad Mareellam, t. xx/i, col. 429 ; Ps. eu, 7, il traduit quasi bubo, et dans l’Epist. ad Sunniam et Fretelam, t. xxii, col. 859, quasi noctua ; Ps. civ, il traduit petra refugium herieiis, et dans la même lettre refugium cuniculi. —. D’une façon plus générale on doit lui reprocher d’admettre trop facilement et trop universellement l’intégrité absolue du texte hébreu, de Vhebraica verilas, ainsi qu’il s’exprime après Origéne et Eusèbe : de la sorte il essaie de donner un sens à des passages altérés qui en sont dépourvus, comme Ps. viii, 3 ; cxli, 5-7 ; il traduit dans les titres canticum psalnii ou psalmus cantici, les deux appellations cantique, psaume, juxtaposées comme variantes. et entre lesquelles il faut seulement choisir ; il se montre trop attaché aux traductions de ses devanciers, surtout du juif Aquila, rendant comme lui les termes techniques d’une façon étrange, miktam, ode, par (David) humble et parfait, sélah, pause après les strophes, par toujours, joint à la phrase précédente ; beaucoup de noms propres sont traités comme noms communs, et rendant la phrase inintelligible : tels dans le Ps. Lxviii, Saddaï, nom divin, Basan, montagne, devenus robuslissimus et pinguis ; il faut enfin lui reprocher trop de servilité dans la traduction des modes du verbe hébreu, qu’il fait trop régulièrement correspondre au prétérit ou au. futur latins, et trop d’uniformité dans cei/e des particules : ainsi Ps. es, il traduit : percussit in die furoris sui reges, judicabit in genlibus, implevit valles, percutiet caput in terra multa ; or c’est une » description dont tous les verbes devraient être au même temps ; Ps. cxvi il traduit : credidi propter quod locutus sum, au lieu de confidebam eliam quando dicebam, etc. Toutefois ces critiques de détail ne doivent pas faire méconnaître la valeur de cette version du Psautier : elle est au contraire ce qu’il y a de plus parfait comme traduction dans l’œuvre du saint docteur, et même les commentateurs protestants comme Delitzsch en font le plus juste éloge : ils en ont même donné plusieurs éditions critiques, telles que celle de P. de Lagarde, Leipzig, 1874, et celle de Tischeudorf, Bær et Frz. Delitzsch, Leipzig, 1874. On la trouve aussi dans les éditions des œuvres de saint Jérôme. Voir le tableau col. 831-832.

XI. Canonicité.

Le Psautier est l’un des livres bibliques dont la canonicité est la plus facile à établir : ou plus exactement, elle n’a jamais été contestée, hormis par les sectes qui ont nié la divinité de l’Ancien Testament, guostiques ou manichéens. Les Psaumes sont cités, exactement comme les autres textes bibliques, dans I Machabées, iv, 24 ; vii, 16 ; dans II Machabées on rappelle qu’ils eurent place dans la bibliothèque sacrée de Néhémie, ii, 13. Dans le prologue de l’Ecclésiastique, ils sont évidemment compris dans les formules générales qui désignent les hagiographes ou troisième partie de la Bible hébraïque, rôt Xomà-cwv (StêJutov, et sont explicitement désignés dans le précis historique qui forme la seconde partie de ce livre, xlvii, 8-11. Le [Tableau à insérer] TABLEAU COMPARÉ DU PS. IV DANS LES REVISIONS ET TRADUCTION DE SAINT JÉRÔME

PSALTERIUM ROMANUM.

J N FINEM^ PSALUUS DAVID, CANTICUM.

Cum invocarem te, exaudisti me, Deus justitïae meæ :

in tribulatione dilatasti rnihi. Miserere mihi, Domine, et exaudi orationem meam. Filii homînum, usquequo gravi corde ? utquid diligitis vanitatem. et quæritîs mendacium ?

DIAPSALMA.

Scitote quonram magnilicavit Dominus sanctum suum :

Dominus exaudiet me, dum clamavero ad eum. Irascimini, et nolite peccare : quae dicitis in cordibus vestris, et in cuiilibus vestris corapungimini.

DIAPSALMA.

Sacriilcate sacriûcium justitiæ,

et sperate in Domino. Multi dicunt : quisostenditnobisbona ? signatam est super nos lumen vultus tui, Domine. Dedisti lætitiam in corde meo : a tempore frumenti, vint et olei suï multiplicati sunt.

In pace in idipsum obdormiam et requiescam :

quoniam tu Domine sïngulariter in spe constituisîi me.

PSALTERIUM OALLICANUM.

IN FINEM, IN CARMINIBUS, PSALHUS DAVIIK

. Cum invocarem, exaudivit me Deus justitiae meæ :

in tribulatione dilatasti mihi. Miserere mei : et exaudi oiationem me

[am. Filii hominum, usquequo gravi corde ? ^ ut quid X diligitis vanitatem, — et { quœritis mendacium ?

DIAPSALMA.

  1. Et J scitote quoniam miriiicavit Dominus sanctum suum :

Dominus exaudiet — me X cum clamavero ad eum.

Irascimini et nolite peccare : vr quae + dicitis in cordibus vestris, in cubilibus vestris compungimini.

DIAPSALMA.

Sacriflcate sacrilîcium justitiæ et sperate in Domino : multi dicunt : quts ostendit nobis bona ? Signatum est super nos lumen vultus tui, Domine.

dedisti lætitiam in corde meo. Afructu frumenti et vini £- et olei % sui : multiplicati sunt

In pace in idipsam, dormiam et requiescam :

Quoniam tu, Domine, sïngulariter in spe constituisti me.

PSALTERIUM JUXTA HEBBAICAM VERITATEM.

VICTORl IX PSALHIS, CANTICUM DAVID.

Invocantem me exaudi me, Deus justitiae mese,

in tribulatione dilatasti mihi : Miserere mei : et exaudi orationem meam.

Filii viri, usquequo inclyti mei ignomîniose

diligitis vanitatem quœrentes mendacium ? SEMPER

Et cognoscite quoniam mirabilem reddidit Dominus sanctum suum,

Dominus exaudiet cum clamavero ad eum. Irascimini et nolite peccare, loquimitii in cordibus vestris super cubilia vestra et tacete.

SEMPER.

Sacriflcate sacrifîcium justitiae

et fidite in Domino. Multi dicunt : quis ostendit nobis bonum ? leva super nos lucem vultui tui, Domine. Dedisti lætitiam in corde meo a tempore frumentum et vinum eorum multiplicata "sunt. In pace simul requiescam et dormiam.

quia tu, Domine, specialiter securum habitare fecisti me.

La première colonne comprend le Ps. IV d’après la première recension hiéronymienne ; la seconde lo même psaume avec les astérisques et obèles : les astérisques indiquentles passages que Théodotion avait déjà ajoutés aux Septante, et qui étaient dans l’hébreu sans être dans leur version ; saint Jérôme les lui emprunte et les traduit : par exemple Et scitote. Les obèles marquent au contraire les mots qui n’ont pas d'équivalent dans l’hébreu, tels que utquid, et olei, etc., et qu’il veut faire considérer comme non existants. Son texte de la seconde colonne correspond assez généralement au texte officiel de notre Vulgate, avec cette notable différence qu’on en a éliminé les astérisques et les obèles dont il écrivait : Quæ diligenter emendavi, cum cura et diligentia tran&cribantur. Notet sibi unusquisque vel jacentem lineam vel signa radiantia : id est vel obelos, vel astericos. Aussi cette suppression des signes critiques donne-t-elle parfois un sens tout opposé à celui qu’avait en vue le traducteur. — La troisième est celle du Psalterium ad Sophronium ou juxta ïiebraicam verilatem, où il faut remarquer la traduction des versets ; Filii viri, loquimini in cordibus, leva super nos, a tempore [quo] frumentum, etc. qui sont très exactement rendus. Toutefois les termes techniques ne sont pas exactement traduits, le maître de chœur par' victori, pause par semper. Saint Jérôme a emprunté ces traductions au Juif Aquila.

II livre des Rois (Samuel), XX, 2-31, avait déjà cité comme davidique le Psaume xviii, en ajoutant, xxi, 2, que « l’Esprit de Jéhovah avait parlé par [lui] et que sa parole était sur [ses] lèvres ; » I Par., xvi, 8-36, fait aussi au Psautier un long emprunt, mais sans formuler aucune appréciation sur sa canonicité ; il témoigne seulement qu’ils servaient aux usages liturgiques, Il Par., vu, 6, xxix, 30 : voir de même I Esd., iii, 10, et IIEsd., xii, 45. Les Psaumes ne suscitèrent jamais chez les Juifs les doutes qui parurent au sujet du Cantique, de l’Ecclésiaste, etc. Quant au Nouveau Testament, il ne fait que continuer la tradition juive : il cite souvent le Psautier comme portion de l'Écriture et fait même du nom des Psaumes une désignation pour tous les hagiographes : in prophetis et psalmis, Luc, xxiv, 44 ; outre les références générales il en est de spéciales pour NotreSeigneur, Luc, xx, 42 ; les Apôtres, saint Pierre, Act., i, 20 ; xiii, 33 ; saint Jean, ii, 17 ; saint Paul, Rom., in, 13-18 ; Heb., i, 5-n, 9 etc. ; filles forment plus de la moitié des citations de l’Ancien Testament par le Nouveau.

Aussi figurent-ils dans tous les canons, même les plus exclusifs, de l’antiquité : Meliton de Sardes ; Origène, Athanase ; ils se trouvent dans tous les Pères, cités ou

commentés ; ils forment le livre de l’Ancien Testament qu’on rencontre le plus fréquemment, et de beaucoup, dans les manuscrits ; ils se trouvent dans toutes les listes conciliaires et versions officielles de l’Orient, de l'Église grecque et de l'Église latine.

Quant aux attaques dont ils ont été l’objet, elles venaient de l’erreur générale des gnostiquesou des manichéens qui attribuaient l’Ancien Testament en entier au mauvais principe, créateur de la matière : c’est pourquoi ce livre fut rejeté par eux et les nicolaites. Philastre, Hseres., t. xii, col. 1199, 1259. Théodore de Mopsuesle fut condamné, non parce qu’il les rejetait, mais parce qu’il avait exagéré, au sujet de quelques Psaumes, le littéralisme historique dont il faisait profession dans l’explication de l'Écriture, spécialement des Ps. xxh (xxi) et xlv (xlvi) : Codicem in prophetiam Psalmorum conscripsit, omnès de Domino prxdictiones abneganlem… Judaicse impietatis viaticum. Mansi, Collect. concil., 1763, t. ix, 212-213. Cf. Patr. gr., t. lxvi, col. 30, 32, 111-112, 663. C’est pourquoi il fut condamné par le IV" Concile de "Constantinople..

Quant aux Psaumes^ que Paul de Samosate remplaça par des cantiques à sa louange personnelle, ce pour quoi il fut condamné par le concile d’Antioche, c'étaient

des compositions liturgiques récentes, et non le Psautier biblique. Eusèbe, H. E., vii, 30, t. xx, col. 713. Dans les deux derniers documents conciliaires où l’on affirme la canonicité de ce livre, il faut noter la différence des désignations : le concile de Florence l’avait désigné sous le titre de Psalterium Davidis ; le Concile de Trente, reproduisant le même décret, changea ces termes en Psalterium davidicum pour éviter de paraître enseigner l’origine exclusivement davidique du Psautier, tandis qu’il ne voulait qu’attester sa canonicité. Theiner, Acta conc. Tridentini, t. i, p. 79 sq.

XII. Usage des Psaumes dans l'Église chrétienne

Pour les chrétiens, le fait indubitable que les Psaumes ont été souvent récités par le Christ donne à ce recueil une autorité et un attrait tout particuliers : dans sa passion il répète le Deus Deus meus, quare dereliquisti me ? et In manus tuas commendo spiritum meum, comme des textes absolument familiers, et presque les seules paroles qu’il ait prononcées alors. Dans sa vie mortelle, bien que l'Évangile n’en dise rien, il dut souvent réciter les Psaumes à la synagogue, au temple, aux fêtes juives, aux pèlerinages à Jérusalem : la narration de la Cène nous atteste qu’il y dit VHallel de la Pàque. Il s’en sert également dans sa prédication : le Seali mites quoniam ipsi possidebunt terrani, est l’abrégé du Psaume xxxvii (xxxvi) ; le Dixit Dominus lui sert pour enseigner sa filiation divine ; le Lapidem quem reprobaverunt sedificantes, pour expliquer l’aveuglement des Juifs ; le Benediclus qui venit in nomine Domini est appliqué par Jésus au retour final des Juifs ; le Ex ore infantium et lactentium perf’ecisti laudem estappliqué à son entrée triomphale dans le Temple. Ce livre, outre l’inspiration qui lui est commune avec tous les livres de l'Écriture, a donc eu le privilège d'être la prière même du Christ, et il est encore pour ainsi dire tout imprégné des sentiments mêmes de Jésus : il n’y a que l’Oraison dominicale à quoi on puisse le comparer. On comprend que l'Église ait toujours cherché à s’unir aux pensées et aux affections du Fils de Dieu, en reprenant le Psautier comme sa principale prière. Elle ne faisait du reste que continuer les usages de la Synagogue. Voir Hallf.l, t. iii, col. 404. Saint Paul l’y engage instamment dans deux textes parallèles : Laquantes vobisrnelipsis in psalmis et hymnis et canticis spiritualibus, canlantes et psallentes in cordibus vestris Domino, Eph., v, 19 ; Commonentes vosmetipsos psalmis, hymnis et canticis spiritualibus, in gratia contantes in cordibus vestris Deo. Col., iii, 16. Les psalmi idiolici ou de composition nouvelle et chrétienne, s’y ajoutent peu à peu sans les supplanter, ce sont les hymnis et canticis spiritualibus de saint Paul, et il semble même qu’on en retrouve des restes dans ses propres Épîtres. I Tim., iii, 16. Tertullien, De anima, X, t. ii, col. 660, rapporte qu’une visionnaire de son temps dont la mention revient plusieurs fois dans ses écrits, avait des extases en correspondance avec les différentes parties de l’office public, selon que Scripturœ leguntur, psalmi canuntur, alloculiones proferuntur aut petitiones deleganlur. On constate que le peuple prit peu à peu une place, mais généralement modérée, à cette récitation, comme autrefois chez les Juifs où il répondait : Quoniam in seternum misericordia ejus ; les séries de Psaumes étaient interrompues par quelque oraison, ou par quelque antienne ou doxologie dite en chœur par l’assistance : dans certaines Églises comme Alexandrie et Rome, c'était une récitation plutôt qu’un chant ; ailleurs c'était un chant véritable. Dé même la fréquence des versets redits en chœur était différente : soit après plusieurs Psaumes, soit après chaque. Psaume, soit même après quelques versets. Saint Basile emploie le terme de ôvxi+àXXeiv àXXr, Xoic, « psalmodier en deux choeurs. » Epist., ccvii, t. xxxii, col. 764. Saint Ambroise institua une psalmodie analogue à Milan. Notre office romain a conservé la trace de ces trois récitations. L’alternance proprement dite, par deux chœurs qui lisent successivement tous les versets du Psaume, introduite d’abord en Syrie, passa de là dans les églises d’Egypte, de Palestine, à Antioche, à Césarée, puis à Constantinople et en Occident, en commençant par Milan, au temps dé saint Ambroise. Voir Batiffol, Histoire du Bréviaire romain, 1893, p. 5, 23 ; Bâumer, Histoire du Bréviaire, trad. Biron, 1905, t. i, p. 12, 52, 170-178, etc. ; (Bacuez, ) Du saintOfï.ce, Paris, 1872, p. 89-109.

Outre la récitation liturgique, l'Église, surtout daus les siècles passés, a toujours grandement estimé, conseillé et pratiqué la récitation privée des Psaumes, divins par leur origine, sanctifiés par l’usage qu’en ont fait les saints de l’Ancien et du Nouveau Testament, et surtout Jésus-Christ. Les lettres de saint Jérôme nous montrent l’usage qu’on en faisait de son temps : dans son Éloge de sainte Paute, t. xxii, col. 894-896, on voit combien les paroles de ce livre lui étaient familières ; elle s’en servait contre ses ennemis, ou pour s’exciter à la patience, pour se consoler dans la tristesse, pour se résigner à la perte des siens, pour exciter ses désirs du ciel ; « elle désira même d’apprendre l’hébreu, ajoute-t-il ; et elle vint tellement à bout de son dessein qu’elle chantait les Psaumes en hébreu, et le parlait sans y rien mêler de la prononciation latine ; ce que nous voyons faire à sa sainte fille Eustochium. » Dans une lettre de sainte Paule à Marcelle, t. xxii, col. 491, elle écrit elle-même qu' « à Bethléhem il n’y a que le chant des Psaumes qui rompe le silence, le laboureur guidant sa charrue chante Alléluia, le moissonneur tempère le poids du jour et la chaleur par le chant des Psaumes ; le vigneron en taillant la vigne a toujours à la bouche quelque passage de David. » Saint Jérôme, écrivant à Lseta, Epist., cvi, t. XXII, col. 871, 876, pour l'éducation de sa fille, lui recommande « de ne lui laisser apprendre aucune chanson profane, mais seulement à chanter les Psaumes ; » il veut ensuite que « au lieu de perles et de riches habits, elle recherche surtout les livres sacrés, non pas les mieux enluminés, mais les plus corrects et les plus capables de fortifier la foi ; qu’elle commence par apprendre le Psautier, qu’elle prenne plaisir à le chanter. » Écrivant à Gaudentius sur l'éducation à donner à Pacatule, il conseille de même : « Quand elle sera parvenue à sa septième année, qu’elle apprenne le Psautier par cœur. » Epist., cxxti, t. xxiï, col. 1098. Saint Ambroise, à la même époque, écrit « qu’un homme sensé aurait honte de terminer sa journée sans la récitation de quelque Psaume ; » qu'à l'église, « alors qu’il est si difficile d’obtenir le silence pendant qu’on lit les leçons ou que l’orateur essaye de parler, dès qu’on lit le Psaume, cela suffit à faire faire le silence : la psalmodie réunit les âmes divisées, réconcilie dans la discorde, apaise le ressentiment des offenses… On éprouve autant de joie à le chanter qu’on gagne de science à l’apprendre. » S. Ambroise, In Psalm. I, t. xiv, col. 925. Ce chant des Psaumes à Milan avait produit une profonde impression sur saint Augustin qui paraît même se reprocher le plaisir qu’il prenait à entendre les mélodies ambrosiennes. Confess., IX, vivii ; X, xxxiii, t. xxxii, col. 769-770, 800. Son peuple d’Hippone était si familier avec le texte sacré qu’il ne voulut pas corriger les fautes de latin de la version africaine, et qu’il laissait chanter dans le Psaume cxxxiicxxxi : Super ipsuni autem floriet (pour efflorebit) sanctificatio mea. De doctr. christiana, xiii, t. xxxiv, col. 45. L'Église orientale les avait en égale estime et en faisait le même usage : le texte cité de saint Ambroise est pris presque textuellement à saint Basile, Homil. in Ps. I, t. xxix, col. 212, qui ajoute : « Les plus indolents, c’est-à-dire le grand nombre, ne retiennent même pas un verset des prophètes ou des Épîtres ;  ; mais pour les

Psaumes, ils les chantent aussi bien chez eux qu’en public.. Et quel enseignement n’y puisons-nous pas ? l'éclat de la force, la perfection de la justice, la gravité de la tempérance, la plénitude de la prudence, la manière de faire pénitence, la juste mesure de la patience, en un mot toute sorte de biens ! Là se trouve une théologie parfaite, là les prophéties de l’Incarnation, la menace du jugement, l’espérance de la résurrection, la crainte du supplice, les promesses de la gloire, la révélation des mystères ; tout cela se trouve dans le Psautier comme dans un grand et riche trésor. » Théodoret s’exprime d’une façon presque identique dans la Préface de son Commentaire, t. lxxx, col. 857.

XIII. Beauté des psaumes.

Sur ce fond tout divin fourni par l’inspiration, les auteurs du Psautier ont jeté leur empreinte personnelle, en le colorant des pensées et des sentiments les plus variés, les plus grandioses, les plus vifs, les plus profonds et les plus humains vis-àvis de Dieu, de son temple, de sa cité sainte, de sa loi, de sa création tout entière, du peuple croyant, des nations infidèles, des destinées du monde ou des nécessités de l’existence personnelle. À la vérité la langue hébraïque manque de nuances et de précision, elle n’a pas la souplesse et la logique de nos idiomes : mais les Psaumes n’y perdent guère, ils y prennent plutôt un caractère d’universalité et de grandeur hiératique d’où est banni tout ce qui est trop personnel et trop étroit, trop étudié ou trop mesquin : leur rythme poétique, grâce au parallélisme, à la strophe ou au refrain, est facilement traduisible en nos langues ; et leur grandeur un peu abstraite permet à chacun de se les appliquer. Rien n’est beau, dans aucune poésie, comme les Psaumes messianiques : Quare fremuerunt génies ; Deus judicium tuum régi da ; Misericordias Domini ; Dixit Dominus ; rien n’est grandiose, recueilli, coloré et varié comme les tableaux de la création dans Domine Dominus noster ; Cœli enarranl ; Benedic anima mea Domino ; comme la peinture de la tempête dans le Diligam te et Afferte Domino : rien n’est sublime comme la description des attributs de Dieu dans le premier Benedic anima mea] ; le Domine probasti me. Aucun sanctuaire vénéré, aucune des cités du monde antique n’ont été aimés, chantés, glorifiés et pleures comme Jérusalem et son temple dans les Psaumes religieux, triomphants, prophétiques ou élégiaques des fils de Coré et d’Asaph. Le groupe des cantiques graduels (Psaumes du pèlerinage hiérosolymitain) est plein de vie, de fraîcheur, de naïveté, d’enthousiasme ; il donne les leçons de la foi la plus sublime et de la morale la plus pure dans une langue simple, animée et populaire. Aucune littérature n’a rien qui égale le sentiment de confusion, de repentir, de confiance aussi dans le pardon divin des Psaumes de la pénitence, surtout du Miserere et du De profanais. Aucune histoire n’a été décrire comme celle d’Israël dans les trois Psaumes Confitemini, VExurgat, Vin exitu Israël ; nulle religion, nulle philosophie n’a été exposée, développée, méditée et surtout exaltée et aimée comme la loi de Jéhovah dans les Psaumes moraux l, cxix(cxviii). Aussi saint Jérôme pouvait-il écrire dans sa Prsef. in Chronic. Euseb., t. xxvii, col. 36 : Quid Psallerio canorius, quod in morem nostri Flacci et Grseci Pindari nunc iambo currit, nunc alcaïco Personal ! L’impression de beauté et de perfection ne fait que s’accroître si l’on met en face des Psaumes hébreux les chants religieux des autres peuples, Vêdas, Gathas, textes égyptiens, psaumes assyriens et babyloniens : ces derniers sont ceux qui se rapprochent le plus de nos Psaumes ; mais malgré des coïncidences partielles, ils en demeurent encore séparés de toute la distance de l’humain au divin.

XIV. Les psaumes et la récitation du bréviaire.

La récitation du Bréviaire crée pour ceux qui y sont obligés, une véritable nécessité de faire une étude spéciale du Psautier, non seulement abstraite et purement scientifique, mais encore au point de vue spécial de la prière. Il est incontestable que cette étude doit être basée sur le sens littéral des Psaumes, sur celui que le Saint-Esprit, leur auteur, avait en vue, et non pas sur les accommodations plus ou moins arbitraires par lesquelles on s'évite la peine de pénétrer jusqu’au sens véritable. Le reproche de saint Jean Chrysostome, dans son commentaire sur les Psaumes, serait plus grave, s’il s’appliquait aux ecclésiastiques, qu’il ne l'était adressé aux fidèles qu’il instruisait : Vos qui ah infanlia ad extremam usque senectutem Psalmuin hune méditantes, nihil aliud quant verba tenetis, quid aliud facitis nisi quod thesauro absconso assidetis, et obsignatam crumenam circumfertis ? In Ps. ext, t. lv, col. 427. Ce serait négliger une portion obligatoire et principale de la science ecclésiastique, se priver du vrai moyen de dire pieusement le saint office et renoncer à une véritable jouissance spirituelle non moins qu’intellectuelle. Il faut donc, principalement pour le nombre relativement restreint des Psaumes de récitation fréquente, s’appliquer à en saisir le sens général, en bien préciser le sujet, à voir surtout l’enchaînement des idées, souvent indiqué par la division strophique, sans vouloir néanmoins que dans la récitation l’esprit s’attache à tous les détails, ni même exiger que dans l'étude préalable il en approfondisse d’abord toutes les obscurités. Il ne faut pas quitter ce sens littéral dans la récitation des Psaumes théologiques, messianiques ou moraux du Bréviaire. Les premiers nous dépeignent Dieu, ses attributs, la création, son gouvernement du monde, sa justice, sa miséricorde et finalement sa royauté établie sur toute création ; les secondes décrivent les gloires du Messie, ses souffrances, son empire sur les nations et nous servent à nous unir à la prière qu’il fait lui-même à son Père : Postula a me, et dabo libi génies hxreditalem luam. Ps. ii, 8. C’est l’accomplissement de sa loi en nous et dans les autres que nous devons demander dans les Psaumes moraux, tels que i, xviii (xix), et surtout cxviii (exix), dont chaque verset est comme la répétition des demandes du Pater, adveniat regnum tuum, fiât voluntas tua. Les Psaumes relatifs à Jérusalem, à sa beauté, à ses épreuves, à ses triomphes, aux destinées glorieuses que Dieu lui réserve, sont des chants prophétiques qui ont bien plus en vue l'Église et la Jérusalem céleste que celle de la terre, comme on le voit dans lxxxvi (lxxxvii), cxxi (cxxii), cxlvii, et autres. Les Psaumes historiques, outre leur sens propre déjà suffisant à remplir l’esprit des pensées de la puissance, de la bonté et de la justice de Dieu dans la conduite d’Israël, ont en outre un sens figuratif ou spirituel, suivant la doctrine de saint Paul et de toute l'Écriture ; H sec omnia in figura conlingebant illis. I Cor., x, 'II. C’est ainsi que le Psaume ex (exi) relatif à la sortie d’Egypte, aux prodiges du désert, à la promulgation de la loi, à la prise de possession de la Palestine est appliqué par les Pères à la conversion des nations, à leur évangélisation, aux biens spirituels de l'Église, à la patrie céleste ; on peut dire que c’en est l’interprétation générale dans saint Augustin, Enarrationes in Psalm., t. xxxvii, col. 674966. Enfin les Psaumes personnels sont rédigés de telle sorte que leur texte, loin d'être particulier à David, à Asaph ou aux autres Psalmistes, trouve une application facile à la vie intime de chacun des lecteurs, comme déjà on en voit, la remarque dans saint Athanase, Epist. ad Marcellin., t. xxvii, col. 19 : Hoc sibi proprium et admirandum habet quod eliani uniuscujusque animi motus eorutnque mutatxones et castigationes in se descripta et expressa contineat… singuhs in rébus quisque reperiet divina cantica ad nos nostrosque motus motnumque temperationes accommodata. Les Psaumes de la pénitence, ceux de recours à Dieu au milieu des adversités, de la maladie, de la vieillesse, des ennemis, des calomniateurs, conviennent merveilleusement à l'Église, et à chaque âme chrétienne aii milieu de ses épreuves intérieures et extérieures, péchés, tentations, misères de toute espèce. On trouvera le développement de ces indications générales dans Bacuez, Du Saint Office, 1872, p. 101-109 ; Vigouroux, Manuel biblique, 1895. t. ii, p. 358-363 ; Bossuet, Explication du Psautier ; dom Martianay, Les Psaumes de David et les Cantiques de l'Église, 1705 ; Wolter, Psallite sapienter, 1883 ; Ad. Schulte, Die Psalmen des Breviers, 1907.

XV. Bibliographie.

Une bibliographie des commentaires du Psautier absolument complète serait d’une longueur démesurée et sans utilité : nous nous bornerons à mentionner les principaux, et pour l'époque des Pères d’après l’ordre de la patrologie de Migne.

1° S. Hippolyte, In Psalmos fragmenta, t. x, col. 606616, 711-724 ; Origène, Selecta in Psalmos, t. xii, col. 1013-1685 ; Homilize in Ps. xxxvi-xxxviii a Rufino translates et excerptae catenis, t. xii, col. 1319-lilO ; t. xvii, col. 105-149 ; ce sont les restes de ses td(i, o(, ayo’ktai et des o(j.O, tai sur les Psaumes ; y joindre pour le texte et sa critique Field, Origenis Hexaplorum quse supersunt, t. ii, p. 83-305. Eusébe et Théodoret chez les Grecs, saint Hilaire et saint Ambroise chez les lalins, lui ont beaucoup emprunté, c’est ce qui explique les coïncidences verbales qu’on remarque entre eux. Eusèbe de Césarée, Commentarii in Psalmos, t. xxiii, col. 65-1396 ; t. xxiv, col. 9-76 ; commentaire utile et nullement influencé par les idées un peu ariennes de l’auteur ; S. Alhanase, Epist. ad Marcellinum, t. xxvii, col. 11-46 ; Exégèses in Psalmos, t. xxvii, col. 55-546 ; De litulis Psalmorum t. xxvii, col. 645-1344 ; l’une et l’autre d’authenticité douteuse ; Fragments, t. xxvii, col. 547-590 ; S. Basile, Homilise in Psalmos, t. xxix, col. 209-494 ; Pseudo-Basile, t. xxx, col. 72-117 ; Apollinaire de Laodicée, Explication métrique des Psaumes (fragments), t. xxxii, col. 1313-1537 ; S. Didyme d’Alexandrie, Explication des Psaumes (fragments), t. xxxrx, col. 1155-1615 ; Astérius d’Amasa, Homélies sur les Psaumes v-vil, t. XL, col. 389-477 ; S, Grégoire de Nysse, Sur le titre des Psaumes, t. xliv, 431-608 ; Explication du Psaume VI (fragment), ibid., col. 608615 ; S. Jean Chrysostome, Expositio Psalmorum (incomplet), long, moral, mais aussi littéral et intéressant, t. lv, col. 35-528 ; fragments douteux, t. lv, col. 527-784 ; Théodore de Mopsueste, Fragments, t. lxvi, col.641-696 ; (voir aussi Batiffol, Littér. grecque, 1897, p. 297) ; S. Cyrille d’Alexandrie, Interpret. Psalmorum (incomplet), t. lxix, col. 699-1274 ; Théodoret, lnterpretatio Psalm., t. lxxx, col. 857-1998 (le plus ulile parmi les Grecs, avec S. Jean Chrysostome) ; Euthymius de Zigabène, Comment., t. cxxviii, col. 41-1326 (formé d’extraits). — Pères latins : S. Hilaire de Poitiers, Traclatus super Psalmos : c’est Origène abrégé, traduit et expurgé, t. ix, col. 231-908 ; S. Ambroise, Enarraliones in xii Psalmos (xxxv-xl, xliii, xlv, xlvii, xlviii, lxi) et Expositio in Psalmum cxviii, t. xiv, col. 921-1526 ; oratoire et moral plus qu’exégétique ; S. Jérôme, Liber Psalmorum juxta hebraicam verilalem, traduction soignée sur l 'hébreu, t. xxviii, col. 1 12312W) ; Excerpt a dePsalterio ou Enchiridion beati Hieronymi in Psalmos, publié par D. Morin sous le titre : Sancti Hieronymi, qui deperditi hactenus patabantur, commentarioli in Psalmos, Maredsous, 1895 ; Epistolx, t. xxii, col. 433, 441, 837 ; Breviarium in Psalmos (non authentique, mais formé d’extraits de saint Jérôme et autres) ; t. xxvi, eol. 821-1300, trop allégorique ; S. Augustin, Enarrationes in Psalmos, t. xxxvii, col. 67-1966 (commentaire moral et pieux : tout y est appliqué au Christ et à l'âme chrétienne ; il est abrégé dans S. Prosper d’Aquitaine, Expositio in Psalmos c-cl, t. li, eol. 277-426) ; Cassiodore, Expositio in Psallerium, t. lxx, col. 9-1056 ; et un inconnu placé parmi les œuvres de Rulin, In Lxxv Davidis Psalmos commentarius, t. xxi, col. 641-960.

2° Le moyen âge ne fit que compiler les Pères, quelques-uns en y ajoutant des raisonnements et une forme scolastique : on peut citer Bède, Richard de saint Victor, Pierre Lombard, saint Thomas d’Aquin, saint Bonaventure, Denys le Chartreux ; Nicolas de Lyre et Paul de Burgos emploient des sources rabbiniques, l’un dans ses Postillx, l’autre dans ses Additiones éditées avec la BibliaMaximacumglossada moyen âge ; on y retrouve assez confusément les opinions de Raschi de Troyes, Aben-Ezra et David Kimchi. Sur les commentaires des Juifs médiévaux, voir Frz. Delitzsch, Konimentar iïber den Psalter, Einleilung, 1873, t. i, p. 41, ou la traduction anglaise, 1895, t. i, p. 55-57.

3° Auteurs modernes : M. A. Flaminius : In Ubrum Psalmorum brevis expositio, 1585 ; Jansenius Gandavensis, Paraphrasis in omnes Psalmos Davidicos, 1614 ; Génébrard, Commentarius in Psalmos, 1582 (dans Aligne, Cursus Complelus S. Sacrée, t. xiv-xv) ; Agelli, Commentarius in Psalmos, 1611 ; Bellarmin, Explanatio in Psalmos, 1611 ; Simon de Muis, Commentarius in omnes Psalmos cum versione nova, 1630 ; Bossuet, Liber Psalmorum, 1690 ; Notée in Psalmos cum dissertalione in libr. Psalmorum, Lyon, 1691 ; Supplendain Psalmos, Paris, 1693 ; Bellenger, Liber Psalmorum cum notis, 1629 ; Reinke, Die Messianischen Psalmen, 1857-1858 ; Scheg, Die Psalmen, 1857 ; Rohling Die Psalmen, 1871 ; Thalhofer, Erklârung der Psalmen, Ratisbonne, 1880 ; Wolter, Psallite Sapienter, 1883 ; Bickell, Der Psalter, 1884 ; Van Steenkiste, Commentarius in Ubrum Psalmorum, 1810 ; Patrizi, Cento Salmi tradotlie commentati, 1875 ; Minocchi, 1 Salmi tradotti dal testo ebraico, 1895, 1902 ; H. Laurens, Job et les Psaumes, 1839 ; de la Jugie, Les Psaumes d’après l’hébreu, 1863 ; Mabire, Les Psaumes traduits en français sur le texte hébreu 1868 ; Le H/'r, Les Psaumes traduits de l’hébreu en latin avec la Vulgate en regard, Paris, 1876 ; Lesêlre, Le livre des Psaumes, Paris, 1883 ; Fillion, Les Psaumes commentés selon la Vulgate et l’hébreu, 1893 ; Crampon, Le livre des Psaumes, traduction sur la Vulgate avec sommaire et notes, 1889 ; Flament, Les Psaumes traduits en français sur le texte hébreu, 1898 ; Boulleret, Les Psaumes selon la Vulgate, leur véritable sens littéral, Paris, 1902 ; M.-B. d’Eyragues, Les Psaumes traduits de l’hébreu, Paris, 1904 ; E. Pannier, Les Psaumes d’après l’hébreu en double traduction, Lille, 1908.

Hétérodoxes : *Rosenmùller, Scholia in Psalmos, 1821-1823 ; * de Wette, Convmenlar ùber die Psalmen, ¥ édit., 1836 ; 'Hitzig, die Psalmen, 1863-1865 ; * Hengstenberg, Commentar ùber die Psalmen, 2e édit., 1845-1852 ; "Ewald, Poet. Bûcher des A. B., t. ii, 2° édit., 1886 ; 'Hupfeld-Riehm, Die Psalmen, ¥ édit., 1867-71 : * Hupfeld-Nowack, 1888 ;

  • Grætz, Kritischer Kommentar zu den Psalmen, 18821883 ; *Frz. Delitzsch, Commentar ûber den Psalter,

1859-60 ; 5e édit., 1894 ; Delitzsch-Bolton, traduction anglaise revisée, 1895 ; *ûuhm, Die Psalmen erklârt, 1899, dans le Hand-Commentarde Marti ; "Perowne, TheBook of Psalms, 1878 ; * Cheyne, The Book of Psalms, 1888,

E. Pannier.


2. PSAUMES APOCRYPHES. Indépendamment des « Psaumes de Salomon » (col. 840), on connaît quelques Psaumes apocryphes, peu importants. — Leur forme extérieure est en gros celle des Psaumes canoniques. Les pensées sont pour la plupart littéralement extraites des écrits, poétiques et autres, de l’Ancien Testament. Le plus connu de ces Psaumes est. celui qu’on trouve dans les Septante, à la fin du Psautier, sous le chiffre eu. D’après son titre, il aurait été composé par David, en souvenir de son combat avec Goliath ; il est désigné en propres termes, dans

ce même titre, comme étant « en dehors du nombre s> canonique de 150. C’est une composition pseudépigraphique, qui a pour base les récits de I Reg., xvi, 1-13, et xvii, 1-51. Saint Jérôme l’a traduit en latin, comme les autres Psaumes. Voir Psalterium juxCa Hebrœos Hieronymï, édit. de Lagarde, 1874, p. 151-152 ; F. Vigouroux, Manuel biblique, t. ii, 12e édit., p. 476. Le voici traduit en français, d’après la version syriaque publiée par M. Wright ; elle contient quelques variantes intéressantes.

1. J’étais le plus jeune parmi mes frères

Et un jeune homme dans la maison de mon père.

2. Je faisais paître le troupeau de mon père ; Et je trouvais un lion et un loup,

Et je les tuais et les mettais en pièces.

3. Mes mains firent une flûte,

Et mes doigts fabriquèrent une harpe.

4. Qui me montrera mon Seigneur ?

Lui, mon Seigneur, est devenu mon Dieu.

5. Il m’a envoyé son ange,

Et il m’a pris derrière le troupeau de mon père, Et il m’a oint avec l’huile d’onction.

6. Mes frères, eux, beaux et grands,

Le Seigneur ne s’est pas complu en eux.

7. Et je sortis à la rencontre du Philistin, Et il me maudit par ses idoles.

8. Mais je tirai son épée et je coupai sa tête, Et j’enlevai l’opprobre des fils d’Israël.

En 1887, M. William Wright, a publié dans les Proceedinga of the Society of Biblical Archeology, t. ix, Londres, p, 256-266, en syriaque et en anglais, sans notes ni commentaires, cinq Psaumes apocryphes, découverts par lui dans un manuscrit syriaque qui appartient actuellement à la bibliothèque de l’Université de Cambridge. À part le premier, qui reproduit le Ps. cli, ces poèmes étaient inédits jusqu’ici. Le manuscrit dont ils font partie contient un traité de théologie composé par un évêque nommé Élie, qui vivait vers l’an 920 de notre ère. Voir Assemani, Bibliolheca orientalis, t. iii, l re part., p. 258259. Ce manuscrit ne remonte guère au delà de 1700. On trouve aussi les cinq Psaumes dans un autre manuscrit du même ouvrage, daté de l’an 1703, conservé à la bibliothèque du Vatican. Les titres qui les précèdent en attribuent trois à David, y compris le premier d’entre eux, qui correspond au Ps. eu ; un autre est attribué à Ézéchias ; un autre est sans nom d’auteur.

Le second a pour titre : « Prière d’Ézéchias, lorsque ses ennemis l’entouraient ; » ce qui fait évidemment allusion à la situation décrite IV Reg., xviii, 13-xix, 37, et Is., xxxvi, 1-xxxvii, 38. — Le troisième morceau de la petite collection syriaque publiée par M. Wright mériterait une attention spéciale. Il est intitulé : « Lorsque le peuple reçut de Cyrus la permission de rentrer dans la patrie. » Quoique l’auteur parle à la première personne du singulier, c’est moins en son nom personnel qu’en celui de toute la nation théocratique qu’il présente à Dieu sa prière et sa reconnaissance anticipée. Voir W. Bæthgen, Die Psalmen ûbersetzl und erklârt, Gœttingue, 1892, p. iv et xl. C’est le plus long de tous ; il a vingt versets. — Du quatrième, il est <lit qu’il fut « prononcé par David, lorsqu’il luttait avec le lion et le loup qui ravissaient une brebis de son troupeau. » Il n’est pas sans quelque couleur locale :

i. O Dieu, 6 Dieu, viens à mon secours. Aide-moi et sauve-moi ; Délivre mon àme de l’égorgeur.

2. lrai-je dans le séjour des morts par la gueule du lion ? Ou le loup me ccuvrîra-t-il de’confusion ?

3. N’est-ce pas assez pour eux d’avoir tendu des embûches au

[troupeau de mon père, Et mis en pièces une brebis du troupeau de mon père ? (Faut-il) qu’ils désirent aussi détruire ma vie ?

4. Aie pitié, Seigneur, et sauve ton saint de la destruction, Afin qu’il puisse raconter tes louanges dans tous les temps Et qu’il puisse louer ton grand nom,

5. Lorsque tu l’auras délivré des mains du lion destructeur et

Çdu loup furieux. Et lorsque tu auras délivré ma captivité des mains des

[bêtes fauves.

6. Vite, ô mon Seigneur, envoie devant moi un sauveur,

Et tire-moi de la fosse béante qui m’emprisonne dans ses

[profondeurs.

Le cinquième Psaume fut « prononcé par* David lorsqu’il rendit grâces à Dieu, qui l’avait délivré du lion et du loup, après qu’il les eut tués l’un et l’autre. » Il a également six versets. « Toutes les nations » sont invitées à louer Dieu de cette délivrance.

Personne ne s’est prononcé, que nous sachions, sur l’origine de ces cinq Psaumes. Le premier, ou CLie des Septante, est assez ancien. Les quatre autres pourraient bien appartenir à la même époque. Mais les documents font défaut, de sorte qu’on ne saurait se prononcer avec cerlitude à ce sujet.

J. A. Fabricius a publié depuis longtemps déjà, , en latin, Codex pseudepigraphus Veteris Testamenli, 2e édit., Hambourg, 1822, t. i, p. 21-26, deux prétendus « Psaumes d’Adam et d’Eve. » Ces deux pièces ne méritent guère d’attirer l’attention. Comme le dit Fabricius, loc. cit., p. 21, c’est un franciscain portugais, nommé Amodéus, né en 1474, qui les mit par écrit à la suite d’une révélation qui les lui aurait fait connaître. Le premier aurait été composé par Adam, après la création d’Eve. C’est un développement assez peu poétique de Gen., ii, 20 b -24 ; on y annonce indirectement la naissance du Messie : Filius ex maire sine paire orietur. — Le second Psaume, qui est censé avoir été composé après la chute de nos premiers parents, contient sept strophes assez étendues, qui sont attribuées, la première à Adam, la seconde à Eve, la troisième, la quatrième et la cinquième à Adam, la sixième et la septième à Eve. Il exprime les gémissements, les sentiments de contrition, la demande de pardon d’Adam et d’Eve après leur péché. Chaque strophe commence par les mots : Adonai, Domine Deus, secundum magnani misericordiam tuant miserere mei,

L. Fillion.

3. PSAUMES DE SALOMON, livre apocryphe. -I. Histoire et nature de ce recueil. — On désigne par ce titre (TaXu.o’i SoÀou.wvtoç) une petite collection pseudépigraphique, qui se compose de dix-huit poèmes rédigés sous la forme des anciens psaumes, et qui compte parmi les meilleurs et les plus intéressants des écrits apocryphes de l’Ancien Testament.

1° Transmission et éditions principales. — L’antiquité chrétienne mentionne très rarement ce psautier.-Nous ne possédons même à son sujet aucune citation patristique bien nette. Lactance, De divin, inslit., iv, 12, t. vi, col. 479, signale un texte emprunté, dit-il, à la « 19° ode de Salomon, » mais qui n’a rien de commun avec le contenu de nos dix-huit psaumes, quoiqu’il semble supposer leur existence. Plus tard, il est question de ce recueil d’une manière directe dans plusieurs listes du canon chrétien de l’Ancien Testament. On le range tantôt parmi les Anlilegomena, avec les livres des Machabées, la Sagesse de Salomon, l’Ecclésiastique, Judith, Tobie, etc. — c’est le cas pour la Synopsis [du pseudô-Athanase, t. xxviii, col. 450, et pour la Stichométrie de Nicéphore, cf. Kicephori opuscula, éd. de Béer, Leipzig, 1880, p. 134, et T. Zahn, Geschichte des neuteslamenll. Kanons, t. ii, p. 299 — tantôt parmi les apocryphes proprement dits, avec le livre d’Hénoch, le Testament des douze patriarches, les apocalypses de Moïse et d’Esdras, etc. Il est encore cité par deux auteurs byzantins du xii « siècle, Zonaras et T. Balsamon. Voir Beverngius, Pandeclx canonum, Oxford, 1672, t. i, p. 481, T. Zahn, loc. cit., t. ii, p. 288-289.

Au moyen âge, il n’est plus question des Psaumes de Salomon, et ils avaient depuis longtemps disparu, lorsqu’ils furent publiés à Lyon, en 1626, d’après un manuscrit de la bibliothèque de Vienne (Autriche), par le jésuile J.-L. de la Cerda, comme appendice à son ouvrage intitulé Adversaria sacra, in-4°. Voir 0. von Gebhardt, dans Texle und Vntersuchungen, t. xiii, fasc. 2, p. d-8.’Il ne faut pas confondre ces psaumes avec les cinq « odes de Salomon » que l’auteur de l’écrit gnostique Pistis Sophia a incorporées à son livre ; elles en diffèrent essentiellement. Voir Migne, Dictionnaire des Apocryphes, t. i, col. 955-958 ; Mûnter, Odse gnosticss Salomoni tributse, Havnise, 1812 ; A. Harnack, Texte und Vntersuchungen, t. vii, fasc. 2, 1891, p. 35-49 ; Ryle et James, Psalms of the Pharisees, p. xxm-xxvii, 155-161. Pendant très longtemps, on se contenta de l’édition princeps, fort imparfaite, publiée par le P. de la Cerda, Celle de J. A. Eabricius, imprimée en 1713 dans le Codex pseudepigraphus Veteris Testamenli, in-8°, 1. 1, p. 914-999, n’en est guère que la reproduction tant soit peu modifiée. La première édition scientifique fut celle de A. Hilgenfeld, dans la Zeitschrift fur wissenschaftliche Théologie, 1868, p. 134-168, et dans le Messias Judseorum, in-8°, Leipzig, 1869, p. 1-38 ; mais elle n’avait pareillement pour base que le manuscrit de Vienne, corrigé d’après des conjectures plus ou moins heureuses. Il en estde même des deux suivantes, préparéesl’uneparun savant catholique, Ephrem Geiger, Der Psaiter Salomo’s herausgegeben und erkldrt, in-8°, Augsbourg, 1871, l’autre parle D’Fritzsche, Libriapocryphi Veteris Testamenti greece, in-8°, Leipzig, 1871, p. 569589. Une sixième édition, par M. B. Pick, fut insérée dans la Presbyterian Review, 1883, p. 775-812. Celle de MM. H. E. Ryle et M. R. James, iPaXiioi 20).ojiwvTo : , Psalms of the Pharisees, conimonly called the Psalms of Solomon, in-8°, Cambridge, 1891, réalise de sérieux progrès, car ces savants purent collationner des manuscrits nouvellement découverts. Vint ensuite celle du D r H. B. Swete, dans l’ouvrage Old Testament in Greek according to the Septuagint, in-12, t. iii, Cambridge, 1894 ; 2e édit., 1899, p. 765-787. La plus récente et la meilleure de toutes est celle d’O. von Gehbardt, qui a pu consulter des manuscrits plus nombreux encore, découverts au mont Athos et ailleurs ; elle a paru dans les Texle und Vntersuchungen zxtr Geschichte der altchristlichen Lileralur, t. xiii, fasc. 2, in-8°, Leipzig, 1895, sous ce titre : Die Psalmen Salomo’s zum ersten Maie mit der Benulzung der Athoshandschriftenund des Codex, Casanatensis herausgegeben.

2° Forme extérieure. — La forme de ces poèmes est celle des Psaumes canoniques qu’ils imitent très ostensiblement sous le rapport des pensées, du style, de la marche générale, du genre poétique. Ils font defréquents emprunts à l’Ancien Testament, dont on entend sans cesse l’écho en les lisant. Ils sont très simples pour la plupart et dépourvus d’originalité, d’élévation poétique, bien qu’ils renferment quelques beaux passages. Voir en particulier les psaumes ii, iv, viii, xi, xvii et xviii. Chacun d’eux a son unité, son plan bien déterminé. Le parallélisme des membres, ce trait essentiel de la poésie hébraïque, y apparaît avec toutes ses nuances’; mais il manque habituellement d’art et de distinction. — À part le 1 er, les Psaumes de Salomon sont munis, comme ^eux du Psautier canonique, d’une petite inscription, qui en désigne l’auteur prétendu, tû 20Xm[i’Àv ; le sujet, « sur Jérusalem, contre la langue de ceux qui sont opposés à la loi, » etc. ; la nature, « psaume », « parmi les hymnes », « dithyrambe ». On trouve aussi, xvii, 31, et xviii, 10, l’expression 8c<n|jaXu.a, qui, dans les Septante, représente l’hébreu sélah et qui parait supposer un emploi liturgique des Psaumes qu’elle accompagne.

II. Sujet. — Le sujet traité par ces poèmes a aussi une grande analogie, dans son ensemble, avec celui des psaumes et des cantiques de l’Ancien Testament. Il suffit, pour s’en convaincre, de lire le sommaire de quelques-uns d’entre eux : I, Les péchés et le châtiment de Jérusalem ; iir, Contraste entre les justes et les pécheurs ; iv, Description et dénonciation de ceux qui cherchent à plaire aux hommes ; x, Les avantages de l’affliction ; xi, La future restauration d’Israël. Mais il a beaucoup moins d’ampleur, puisque les psaumes de Salomon sont si peu nombreux et qu’ils furent composés, on le dira bientôt, en vue d’une situation très particulière. Ils reviennent souvent sur les humiliations infligées au peuple juif, d’abord par un parti national puissant, anti-théocratique, puis par un envahisseur étranger qui a profané la capitale et le temple, et ils présentent ces humiliations, ces souffrances, comme autant de châtiments que les Juifs avaient mérités par leurs fautes. Sous ce rapport, ce petit psautier rappelle les psaumes canoniques de l’époque chaldéenne, qui décrivent les peines analogues endurées par Israël. À ce thème douloureux est rattaché l’éloge perpétuel de la justice divine, et aussi l’ardent désir de voir luire des jours meilleurs, et surtout de voir apparaître bientôt le libérateur promis, le Messie. Voir Wittichen, Die Idée des Reich’es Gottes, in-8°, 1872, p. 155-160.

Le portrait que les psaumes xvii et xviii tracent du rédempteur si impatiemment attendu a pour type les oracles messianiques de l’Ancien Testament. Il est remarquable en maint endroit, et dépasse tout ce que la littérature apocryphe contient en ce sens. Cf. A. Bousr set, Die jiïdische Apokalyptik, in-8°, Berlin, 1903, p. 12-13 ; H. Mon nier, La Mission historique de Jésus, in-8°, Paris, 1906, p. 20-21. Le Christ, le Xpitn :  ! > ; Kûptoç, comme il est nommé à deux reprises, xvii, 36, et xviii, 8, cf. Luc, ii, 11, appartiendra à la race de David ; il exercera lui-même la royauté, non-seulernent sur les Juifs, mais aussi sur les païens, qu’il soumettra à son sceptre très puissant. Il viendra à l’époque fixée par Dieu, xvii, 23, à la suite de grandes épreuves subies parla nation choisie, qu’il délivrera et purifiera de ses péchés. Il rétablira les douze tribus d’Israël et rendra à Jérusalem sa gloire antique, matériellement et spirituellement, xvii, 26-29. Il régnera par la sainteté et la justice, par la sagesse et par la puissance. Néanmoins, dans ces psaumes comme au livre d’Hénoch, le Messie ne semble pas être autre chose qu’un délégué de Dieu, bien qu’il porte lui-même le titre de « Seigneur », Il y a donc une différence étonnante entre ce Christ et celui des Évangiles, qui, d’ailleurs, sauve les hommes avant tout par ses souffrances et par sa mort. — Relativement à Dieu, nos psaumes enseignent, le plus pur monothéisme. Par rapport à la vie future, leur doctrine ne s’écarte pas non plus de l’Ancien Testament : les justes seront à jamais récompensés ; les méchants subiront une damnation sans fin.

Il existe une ressemblance frappante, assez souvent littérale, entre le Ps. xi de Salomon et le chap. v de la prophétie de Baruch. Plusieurs critiques protestants, entre autres MM. Ryle et James, The Psaiter of thé Pharisees, p. lxxu-lxxvii, et le D r Schûrer, Gesch. des jùdisch. Volkes, 3 a édit., t. iii, p. 154, en ont conclu que celui qu’ils nomment le pseudo-Baruch aurait connu et utilisé notre recueil. C’est le contraire qui aurait plutôt eu lieu, puisque le livre de Baruch est authentique et contemporain des oracles de Jérémie. Voir Baruch, t. i, col. 1475 ; E. Geiger, Der Psaiter Salomo’s, p. 137. D’ailleurs, la ressemblance en question est de telle nature, qu’elle peut s’expliquer fort bien aussi par une source commune, c’est-à-dire quelque prière liturgique déjà en usage à l’époque de Baruch.

III. Date de la. composition. — Elle était, il y a cin

quante ans, l’objet de discussions 1res vives. — 1° D’assez nombreuses critiques, à la suite du D r H. Ewald, Geschichte des Volkes Israël, in-8°, t. iv, 3e édit., p. 392, attribuaient aux psaumes de Salomon une date assez reculée, celle du règne d’Antiochus Épiphane (175-164 avant.J.-C.), et plus spécialement celle delà prise de Jérusalem par ce prince (170 avant J.-C). Naguère encore, le D r W. Frankenberg essayait de faire revivre ce sentiment dans l’ouvrage Die Datierung der Psalmen Salomo’s, in-8°, Giessen, 1896. Comme preuves, ces savants allèguent en particulier les passages i, 8 ; ii, 3 ; viii, 12-14, où il’est parlé de la profanation du temple et de l’autel. Mais c’est à plusieurs reprises que des profanations de ce genre eurent lieu, à des époques très diverses, et rien n’indique que l’auteur de nos psaumes ait eu en vue celles qui se rattachent à la persécution d’Antiochus Épiphane. Tout au contraire, il affirme que l’oppresseur sacrilège d’Israël était venu des extrémités de l’Occident, vii, 26, .tandis qu’Antiochus venait seulement de la Syrie pour attaquer les Juifs.

2° D’autres, notamment Frz. Delitzsch, Commentar ûber den Psalter, in-8°, t. ii, Leipzig, 1860, p. 381, et T. Keim, Geschichte Jesu von Nazara, t. i, p. 243, retardaient la composition de ces poèmes jusqu’à l’époque d’Hérode le Grand (40 avant J.-C, - 1 après J.-C), également sans raison suffisante. Suivant eux, ce prince serait « l’homme étranger » qui s’éleva contre la dynastie alors régnante en Palestine. Cf. xvit, 9. Mais c’est Jaune erreur manifeste d’interprétation, car « l’homme étranger » ne diffère pas en réalité de l’envahisseur ennemi qui s’empara de Jérusalem et emmena captifs des Juifs nombreux, xvii, 14 ; ce qui ne futnullement lecas pour Hérode.

3° L’historien juif H. Grâtz, Geschichte der Juden, 2e édit., in-8°, Leipzig, t. iii, p. 439, est allé encore plus loin, en affirmant que le psautier de Salomon aurait eu une origine chrétienne, et en lui assignant comme date la fin du premier siècle de notre ère ; mais il a abandonna son opinion dans une édition subséquente. On ne trouve pas, dans ce recueil, le plus léger détail qui trahisse la main d’un chrétien.

4° On admet très généralement aujourd’hui que ces dix-huit poèmes furent composés vers l’époque de la conquête de Jérusalem par Pompée, en 63 avant J.-C ; quelques-uns peut-être avant cette date, quelques autres certainement un peu plus tard, de sorte que les années 80-40 avant notre ère peuvent servir de date moyenne. En effet, les psaumes de Salomon, surtout les psaumes ii, viii, xvii, supposent la situation suivante : Les Juifs sont gouvernés par des rois qui n’appartiennent pas à là race de David, xvii, 5-8, mais à une famille d’usurpateurs qui se sont emparés de la couronne, et sous l’administration desquels toute la nation est tombée dans le péché, xvii, 7-8, 21-22. Le Seigneur renversera ces mauvais princes ; contre eux s’est levé un envahisseur étranger, qui, conduit par Dieu, est arrivé des extrémités de la terre, déclarant la guerre à Jérusalem et à la nation entière, xvii, 8-9. Les chefs du peuple sont allés au devant de lui et lui ont ouvert les portes de la ville, de sorte qu’il y est entré comme dans sa propre maison, viii, 15-20. Après s’être installé dans la cité, il a massacré de nombreux habitants, choisis parmi les plus distingués, et il a renversé les remparts au moyen du bélier. Cf. ii, 1, 20 ; viii, 21-24. L’autel du Seigneur n’a pas été épargné, n, 2. En grand nombre aussi, d’autres citoyens ont été emmenés captifs dans l’Occident, et les princes ont subi d’odieux outrages. Cf. ii, 6 ; viii, 24 ; xvii, 13-14. Mais finalement, le « dragon » qui avait humilié Jérusalem a péri lui-même, égorgé près des montagnes d’Egypte, sur la mer, et son cadavre a été privé d’une sépulture honorable, ii, 29-31. Or, il est évident que ces diffé rentes circonstances se rapportent à la conquête de Jérusalem par Pompée, puis à sa mort (48 avant J.-C). « Les princes qui s’étaient arrogé la royauté en Israël et s’étaient emparés du trône de David sont les Ilasmonéens, qui, depuis Aristobule I « r, portaient le tilre de rois… L’homme étranger, qui frappe avec force, que Dieu a amené de l’extrémité de la terre, c’est Pompée. Les princes qui vont au devant de lui sont Aristobule II et Hyrcan 11. Les partisans de ce dernier ouvrirent les portes de la ville à Pompée, qui s’empara ensuite par la force du reste de la ville, où le parti d’Àristobule s’était retranché. Tous les autres détails, la violation du temple par les envahisseurs, le massacre des citoyens les plus distingués, la déportation des prisonniers en Occident, et aussi des princes pour qu’ils servissent au triomphe du vainqueur, tous ces détails correspondent à l’histoire, » telle qu’elle nous est racontée par les anciens historiens. Schûrer, Geschichte des Volkes Israël, 3e édit., t. iii, p. 152. Le transport des prisonniers en Occident, xvii, 14, est une circonstance décisive en cet endroit, car, indépendamment de la conquête de Jérusalem par Titus, de laquelle il ne saurait élre question ici, ce trait ne convient à aucune autre victoire que celle de Pompée. S’il restait encore quelque doute, il disparait dès qu’on lit les détails relatifs à la mort du conquérant, tant ils correspondent à la lettre avec ce que les anciens auteurs nous racontent de la fin tragique de Pompée. Cf. Plutarque, Pompée, lxxx, 1-2 ; Tacite, Hist., v, 9 ; Strabon. XVI, ii, 40 ; Dion Cassius, xxxviii, 15-16 ; xlii, 3-8. Voir aussi Josèphe, Bell, jud., i, vi-xix ; Ant. jud., XIV, iii-iv ; Orose, Hist. Eccl., vi, 6, t. xxxi, col. 1004-1U06. En somme, les Psaumes de Salomon appartiennent à la dernière période de l’histoire de l’ancienne théocratie.

IV. Esprit religieux de ces psaumes. — Il confirme ce que nous venons de dire au sujet de l’époque de leur composition. Il ne diffère pas de l’esprit légal, de l’esprit pharisaïque, tel qu’il est si bien décrit dans nos évangiles ; aussi, plusieurs des savants qui se sont occupés de ce petit psautier, entre autres MM. Ryle et James, Font-ils nommé assez justement « le psautier des pharisiens. » Voir col. 841. Une très grande importance y est attachée aux œuvres légales ; c’est d’elles que nos psaumes font dépendre la résurrection pour la vie éternelle ou l’éternelle condamnation. La gjxaioaiivr 7tpo(7Tay(i(2Tii>v, c’est-à-dire l’accomplissement intégral, non pas précisément de la loi divine, mais surtout des prescriptions pharisaïques, y apparaît comme le comble de la vertu. Cf. iii, 16 ; ix, 9 ; xiv, 1, etc. Les psaumes de Salomon doivent donc avoir été composés dans le cercle des pharisiens, qui luttait alors de toutes ses forces contre le parti sadducéen. Ce.s cantiques insistent fréquemment sur le contraste qui existe entre les hommes pieux et les impies, les justes et les pécheurs. Mais ces dénominations sont prises surtout par le dehors : les hommes pieux sont ceux qui pratiquent les observances pharisaïques ; par contre, les impies ne diffèrent pas des Sadducéens. — On voit par ces détails que les Psaumes de Salomon sont d’un » grande utilité pour nous faire connaître le judaïsme de l’époque à laquelle ils appartiennent, avec ses sentiments religieux, son idéal politique et historique.

V. Auteur. — Le P. de la Cerda, qui admettait l’authenticité du titre général, « Psaumes de Salomon », et des titres spéciaux placés en tête de la plupart de ces dix-huit cantiques, « de Salomon », etc., croyait que Salomon était réellement l’auteur de notre collection. Mais cette opinion, condamnée, nous venons de le voir, par le contenu mêmedes poèmes, fut réfutée de bonne heure et ne trouva dès lors aucun défenseur sérieux. Cf. Huet, Demonstr. evangel., iv ; Neumann, De Psaltcrio Sal&monis, Wiltemberg 1687. Aucun dé

lail, en effet, ne contient la plus petite allusion au roi Salomon. Peut-être est-ce le passage III Reg., jv, 32, qui a suggéré le titre « Psaumes de Salomon », ajouté, non par l’auteur lui-même, mais plus tard, sans qu’on puisse dire à quelle époque.

On ne peut désigner l’auteur que d’une manière générale et approximative. Il était Juif, et appartenait au parti pharisaïque, comme le montre sa vive polémique contre les Saddùcéens, qui sont pour lui les « pécheurs » et les « transgresseurs » par excellence, tandis que les Pharisiens sont les « justes » et les « saints ». Ces derniers ont actuellement le dessous ; leurs adversaires sont au pouvoir, riches et puissants. L’auteur devait habiter la Palestine, comme le prouvera ce que nous dirons de la langue primitive du livre ; peut-être résidait-il à Jérusalem. Son œuvre donne de lui une idée favorable ; c’était un homme pieux et humble. — On a parlé quelquefois de plusieurs auteurs distincts pour le recueil ; mais cela ne paraît pas vraisemblable, tant il y a d’unité dans le style, l’esprit et les pensées.

VI. La langue primitive. — On ne possède aujourd’hui les Psaumes de Salomon qu’en grec. Auraient-ils été composés dans cet idiome ? C’est ce qu’a pensé l’évêque d’Avranches, Huet, loc. cit. D’autres encore l’ont fait à sa suite, spécialement le D r Hilgenfeld, qui leur attribue l’Egypte comme lieu d’origine. Mais il est, aujourd’hui, à peu près seul de son avis, car c’est presque à l’unanimité que les critiques déclarent qu’on doit regarder l’hébreu, ou tout au moins l’araméen, et non pas le grec, comme la langue originale. Le grec actuel n’est donc qu’une traduction, faite de très bonne heure, ou pour les Juifs dispersés, ou pour les chrétiens, qui ne tardèrent pas à prendre goût à ces psaumes. À l’appui de ce fait, on allègue plusieurs preuves, « avec une entière certitude, » dit le D r Kittel, dahsKautzsch, Die Apokryphen und Pseudepigraphen des Alten Testant., Fribourg, 1899, t. ii, p. 129. La première, qui est aussi la meilleure, consiste dans un coloris hébraïque très sensible. Le texte grec est tellement « maladroit », Reuss, Gesc/i. der lieiligen Schriften des A. T., 1881, p. 652, que l’hébreu apparaît pour ainsi dire à travers. Les temps des verbes, en particulier, ont été souvent mal rendus ; parfois, dans un seul et même passage, on trouve de curieux exemples de cette confusion. Cf. iii, 8-10 ; xvii, 8-12, etc. Il faut recourir à l’hypothèse d’un texte hébreu primitif pour expliquer ces difficultés. Voir Ryle et James, loc. cit., p. lxxvii-lxxxvii. Il n’est donc pas possible de dire que nous avons ici de simples hébraïsmes, comme dans la traduction des Septante. En second lieu, nous avons vu que ces Psaumes avaient très probablement une destination liturgique ; or, ce fait suppose aussi que l’hébreu était la langue originale.

VII. Bibliographie. — Indépendamment des ouvrages cités ci-dessus, voir G. Janonski, Dissertatio de psalterio Salomonis, Wittemberg, 1687 ; Migne, Dictionnaire des apocryphes, t. i, Paris, 1856, col. 939956 ; J. Langen, Das Judenthum in Palâstina zur Zeil Christi, in-8°, Fribourg-en-Brisgau, 1866, p. 64-70 ; A. Carrière, De Psallerio Salomonis, in-8°, Strasbourg, 1870 ; A. Hilgenfeld, Die Psalmen Salomo’s deutsch ùberselzt undaufs neue untersucht, dans la Zeitschrift fur wissenschaftliche Théologie, 1871, p. 343-418 ; M. "Vernes, Histoire des Idées messianiques, in-8°, Paris, 1874, p. 121-135 ; J. Wellhausen, Lie Pharisâerund die Sadducâer, in-18, Greifswalden, 1874, p. 112-164 ; J. Girbal, Essai sur les Psaumes de Salomon, in-8°, Toulouse, 1887 ; B. Stade, Geschichte des Volkes Israël, in-8°, Berlin, 1888, t. ii, p. 448-466 ; O. Zôckler, Die Apokryphen des Alten Testaments, in-8°, Munich, 1891, p. 405-420 ; W. J. Deane, Pseudepigrapha, in-8°, Londres, 1891 ; E. Jacquier, Les Psaumes de Salomon, dans l’Uni versité catholique, Lyon, 1893, p. xii, 94-131, 251-275 ; Frankenberg, Die Datierung der Psalmen Salomo’s, ein Beitrag zur jûdischen Geschichte, in-£S°, Giessen, 1896 ; Lévi, .£es dix-huit Bénédictions et les Psaumes de Salomon, dans la Revue des Études juives, t. xxxii, Paris, 1896, p. 161-178 ; W. Baldensperger, Die messianisch-apokalyptischen Hoffnvngen des Judentums, 3e édit., Strasbourg, 1903, in-8°, p. 33-36 ; E. Kautzsch, Die Apokryphen und Pseudepigraphen des Alten Testaments. .. ùbersetzt und herausgegeben, gr. in-8°, Fribourg-en-Brisgau, 1900, p. 127-148. L. Fillion.

    1. PTOLÉMAÏDE##

PTOLÉMAÏDE (n.zoUi.a.îc), ville de Palestine, nommée primitivement Accho et plus tard Saint-Jean d’Acre. Elle reçut le nom de Ptolémaïde quand elle tomba en la possession de Ptolémée II Philadelphe, roi d’Egypte, et elle figure sous ce nom dans l’histoire des Machabées, I Mach., v, 15, 22, 55 ; x, 1, 39, 56, 57, 58, 60 ; xi, 22, 2, 4 ; xii, 45, 48 ; xiii, 12 ; II Mach., xiii, 24, 25, et dans l’hisloire de saint Paul. Act., xxi, 7. Voir Accho, t. i, col. 108.

    1. PTOLÉMAÏOIENS##

PTOLÉMAÏOIENS (grec : o{ n-coU^ei ;  ; Vulgate : Ptolemenses), habitants de Ptolémaïde. I Mach., XII, 48 ; II Mach., xiii, 25. Voir Ptolémaïde.

    1. PTOLÉMÉE##

PTOLÉMÉE (grec : TlxaUy.xïoî ; Vulgate : Ptole- matus), nom de plusieurs rois d’Egypte et de quatre autres personnages dans l’Écriture. Le nom grec signifie « belliqueux », de htqXe^o ; , pour noXejjiQç, « guerre ». On le trouve déjà dans l’Iliade, lv, 228. Voir W. Pape, Wôrterbuch der griechischen Eigennamen, 3e édit.. t. ii, p. 1271. Il devint surtout célèbre à partir d’Alexandre le Grand, lorsqu’un de ses généraux, Ptolémée, fils de Lagus, eut fondé la dynastie à laquelle on a donné son nom.

1° Dynastie. — Les Ptolémées ou Lagides ont régné en Egypte depuis la mort d’Alexandre le Grand jusqu’à la mort de Cléopàtre VI (323-30 avant J.-C), où ce royaume devint province impériale romaine.

TABLEAU chronologique de la dynastie des lagides

Avant J. -G.

Ptolémée J" Soter, satrape 323-305

Ptolémée I" Soter, roi 305-285

Ptolémée H Philadelphe 285-247

Ptolémée III Évergète I" 247-222

Ptolémée IV Philopator 222-204

Ptolémée V Épiphane 204-181

Ptolémée VI Philométor 181-146

Ptolémée VII Évergète II 170-117

Ptolémée VIII Eupator Mort en 146

Ptolémée IX Néos Philopator …. Mort en 130

Ptolémée X Philométor Soter II (Lathyros).. 116-108 Ptolémée XI Alexandre I" Philométor …. 108-88

Ptolémée X Soter II restauré 88-86

Ptolémée XII Alexandre II 80 ( ?)

Ptolémée XIII Phitopator II Philadelphe Nées

Dionysos (Aulètès) 81-58

Bérénice IV…„ 58-55

Ptolémée XIII restauré 55-51

Cléopàtre VI Philopator 51-30

Ptolémée XIV Philopator 51-47

Ptolémée XV Philopator 47-44

Ptolémée XVI (César Phitopator Philométor).. 44-30 L’Egypte devient province impériale sous Auguste, 30

2° Bibliographie des Lagides. — J. Vaillant, Historia P lolemseorum Mgxjpti regum ad /idem numismalum accommodata, Amsterdam, 1701 ; J..T. Champollion-Figeac, Annales des Lagides, 2 in-8°, Paris, 1819-1820 ; A.-J. Lelronne, Recherches pour servir à l’histoire de l’Egypte pendant la domination des Grecs et des Romains, in-8°, Paris, 1823 ; S. Sharpe, History of Egypt under the Plolemies and the Romans, 2e édit., Londres, 847

PTOLÉMÉE I er SOTER — PTOLÉMÉE II PHILADELPHE

848

1852 ; R. St. Poole, The Ptolemies Kings of Egypt (Catalogue ofthe Greek Coins ofthe Brilis h Muséum), in-8°, Londres, 1882 ; Max L. Strack, Die Dynastie der Ptolemâer, in-8°, Berlin, 1897 ; J. N. Svoronos, Ta Nono, u.*T2 toû Kpârovc tûv irroXEpiat’wv, 3 parties en 1 in-f°, Athènes, 1904 ; Paul M. Meyer, Das Heerwesen der Ptolemâer und Rômer in Aegypten, in-8°, Leipzig, 1900 ; J. P. Mahafly, The Empire of the Ptolemies, in-16, Londres, 1895 ; Id., À History of Egypt under the Ptolemies (t. iv de V History of Egypt de Flinders Pétrie), in-16, Londres, 1899 ; E. R. Bevan, The House of Séleucus, 2 in-8°, Londres, 1902 ; E. W. Budge, History of Egypt frûm the end of the neolithic period to the death of Cleopatra, t. vil et viii, in-16, Londres, 1901 ; À. Bouché-Leclerq, Histoire des Lagides, 2 in-8°, Paris, 1903-1904 ; B. Niese, Geschichle der griechischen und makedonischen Slaaten seit der Schlacht bei Chæronea, 3 in-8°, Gotha, 1893-1903.

F. YlGOUROUX. 1. PTOLÉMÉE I er SOTER, roi d’Egypte, n’est pas nommé par son nom dans l’Écriture, mais Daniel prédit son avènement (fig. 186). Il était né vers 367 et,

186. — Monnaie de Ptolémée I" Soter. Tête de Ptolémée Soter, à droite. Devant le nez une contre-marque. — §. nTOAEMAlor bæiæql. Aigle debout sur un foudre, à gauche ; dansJe champ, à gauche, un monogramme.

quoiqu’il passât pour fils de Lagus, Macédonien de bonne naissance, on le croyait fils de Philippe, roi de Macédoine, et d’Arsinoé. Q. Curce, IV, viii, 22 ; Pausanias, I vi, 2. Il jouit d’une grande faveur auprès d’Alexandre le Grand et il se distingua par sa bravoure et par son habileté militaire, dans la campagne de l’Inde en particulier. Arrien, Anab., iv, 24, 25, 29 ; v, 13, 23, 24 ; vi, 5, 11 ; Q. Curce, VIII, x, 21 ; xiii, 13-27 ; xiv, 15 ; IX, v, 21. Après la mort d’Alexandre, il réussit à se faire donner le gouvernement de l’Egypte et chercha aussitôt à y établir solidement son pouvoir (323).

Il gouverna au nom de Philippe Arrhidée, frère idiot d’Alexandre le Grand, et d’Alexandre IV, fils d’Alexandre le Grand (fig. 187), de 323 à 316 avant J.-C, et au nom d’Alexandre IV seul de 316 à 311 ; il fut indépendantde311 à 305, mais sans prendre le titre de roi, ce qu’il ne fit qu’en 305. Daniel avait prédit, xi, 3-4, qu’il serait un de ceux qui recevraient une part de l’empire d’Alexandre, quand cet empire serait divisé aux quatre vents du ciel. % Le roi du sud (c’est ainsi qu’est désigné le roi d’Egypte) deviendra fort, mais un de ses princes (Séleucus) sera fort aussi et celui-ci (Séleucus) deviendra plus fort que lui (Ptolémée I er) et il aura la domination. » xi, 5. Ptolémée avait été en guerre avec Antigone, dit le Cyclope, un des généraux d’Alexandre, au sujet de la possession de la Syrie et de la Phénicie dont il s’était rendu maître en 320, après avoir réussi à s’emparer de Ja plus grande partie de l’Asie. Une grande bataille navale avait été livrée entre les troupes des deux rivaux dans les eaux de Salamine en Cypre. Les Égyptiens avaient été complètement battus (306). Antigone, fier de sa victoire, prit à cette occasion le titre de roi. Ptolémée, malgré sa défaite, se sentait encore fort ; il

l’imita et se déclara roi à son tour (305). Une tentative d’invasion de l’Egypte par Antigone échoua. — Quelques années auparavant, en 316, un autre général d’Alexandre, Séleucus, satrape de Babylone, traqué par Antigone, s’était réfugié en Egypte auprès de Ptolémée. Profitant de circonstances favorables, Séleucus avait repris, en 322, sa satrapie de Babylone, et son retour, d’après l’opinion commune, marque le commencement de l’ère des Séleucides (1 er octobre 312). En 302, Séleucus se ligua avec Ptolémée et quelques autres contre Antigone. Ce dernier tut vaincu et tué à la bataille d’Ipsus (301). Ptolémée n’avait pas pris part à la bataille. Aussi les coalisés ne lui rendirent-ils ni Cypre ni la Phénicie, et la Cœlésyrie fut attribuée à Séleucus, qui fonda aussitôt Antioche (300) et en fit sa capitale. Strabon, xvi, 4-5 ; Appien, Syr., 57. Séleucus fut alors « plus fort » que Pto-K’mée. Celui-ci réussit à reprendre Cypre en 295, mais la Phénicie et la Cœlésyrie avec la Judée restèrent à Séleucus. En 284, Ptolémée abdiqua en faveur de son plus jeune fils, Ptolémée II Piladelphe, et il mourut environ deux ans après (283).

Dans une de ses expéditions en Syrie, à une date incertaine, mais probablement vers 320, Ptolémée avait mis à profit le repos imposé aux Juifs le jour du sabbat pour s’emparer de Jérusalem. Josèphe, Cont. Apion., i, 21 ; Ant. jud., XII, i, 1. Il traita d’ailleurs avec bienveillance les Juifs qu’il emmena captifs à Alexandrie et leur accorda dans sa capitale des privilèges avantageux qui y attirèrent volontairement un nombre croissant d’enfants d’Israël.

F. Vigouroux.

2. PTOLÉMÉE II PHILADELPHE (284-247), le plus jeune fils de Ptolémée I » r et son successeur (fig. 188), avait été proclamé roi par son père deux ans avant sa mort, afin de lui assurer ainsi sa succession. Sous son règne, la lutte recommença entre l’Egypte et la Syrie, par suite des intrigues de Magas, demi-frère de Ptolémée II par sa mère Bérénice et roi de Cyrène, avec Antiochus I er Soter, son beau-père. Après plusieurs années de guerre entre la Syrie et l’Egypte, une partie des possessions d’Antiochus II Théos, petit-fils de Séleucus I" Nicator, étaient tombées entre les mains des Égyptiens, et le roi de Syrie avait été obligé de faire la paix avec Ptolémée II et d’épouser sa fille Bérénice, en répudiant sa femme et sœur Laodice et en s’engageant à laisser le trône, non aux enfants qu’il

187. — Statue colossale grécoégyptienne d’Alexandre IV à Karaak. D’après Mahaffy, ’dans Pétrie, History of Egypt, t. iv, p. 37.

avait eus de Laodice, mais à ceux qui naîtraient de Bérénice, a Ptolémée Philadelphe, dit saint Jérôme, In Dan., xt, 6, t, xxv, col. 560, voulant après plusieurs années mettre fin à une guerre importune donna en mariage sa fille Bérénice à Antiochus II (Théos), qui de sa première femme Laodice avait deux fils, Séleucus qui fut surnommé Callinicus, et un autre Antiochus. (Son père) la conduisit jusqu’à Péluse et lui donna pour dot une grande quantité d’or et d’argent, ce qui le fît appeler çïpvtxpSpoc, c’est à dire dotalis, « qui dote ». Antiochus déclara qu’il faisait partager son royaume à Bérénice, et que Laodice n’avait plus que le rang de concubine, mais longtemps après, cédant à son amour pour Laodice, il la ramena dans le palais royal avec

188..— Monnaie de Ptolémée II Philadelphe.

AAEA<ï>îiN. Têtes accolées et diadémées, à droite, de Ptolémée II

et d’Arsinoé. Derrière la tête du roi, un monogramme. —

H ?. ©EQN. Têtes accolées et diadémées, à droite, de Ptolémée I er

Soter et de Bérénice. Derrière la tête du roi, un fer de lance.

ses enfants. Celle-ci, redoutant l’esprit versatile de son mari et craignant qu’il ne reprît Bérénice, le fit empoisonner par ses serviteurs ; Icadion et Gennée, princes d’Antioche, mirent à mort par ses ordres Bérénice et le fils qu’elle avait eu d’Antiochus, et elle établit roi son fils aîné Séleucus Callinicus à la place de son père. » Voir Antiochus II, t. i, col. 687. A l’époque du meurtre de Bérénice, son père était mort. Ptolémée II avait conservé les pays que lui avait laissés le traité de paix, la Phénicie et la Cœlésyrie. C’est sous son règne que fut commencée, d’après la tradition, la version grecque de l’Ancien Testament par les Septante. Voir Septante. F. Vigouroux.

" 3. PTOLÉMÉE III ÉVERGÈTE, fils aîné de Ptolémée II, lui succéda sur le trône (fig. 189). Il était frère de

183. — Monnaie de Ptolémée III Évergète. Buste de Ptolémée 111 Évergète, radié, à droite. — h). I1TOAE-MAior bæiæqs. Corne d’abondance radiée. Au bas dans le champ AI.

Bérénice, la victime de Laodice. Il voulut venger le meurtre de sa sœur et envahit la Syrie à la tête d’une puissante armée. « Il sortira un rejeton (Ptolémée III) de ses racines (de Ptolémée II), dit Daniel, xi, 7-9, il ira avec une grande armée, il entrera dans les places fortes du roi du nord (Antiochus II) et il en disposera à son gré et il se rendra puissant. Il enlèvera même et transportera en Egypte leurs dieux et leurs statues (nesihêhém), leurs objets précieux d’or et d’argent et pendant plusieurs années il sera plus fort que le roi du nord. Et celui-ci marchera plus tard contre le roi du midi (en Egypte), mais il reviendra dans son pays (en Syrie). » « Après le meurtre de Bérénice, dit saint Jérôme, In Dan., xi, 7-9, t. xxv, col. 560, son père Ptolémée Philadelphe étant mort en Egypte, son frère appelé aussi Ptolémée et surnommé Évergète lui avait succédé, troisième, dans son royaume, rejeton de sa racine… II s’en alla avec une grande armée et il entra dans la province du roi du nord, c’est-à-dire de Séleucus, surnommé Callinicus, qui régnait en Syrie avec sa mère Laodice, et il les maltraita et il s’empara de force de la Syrie, de la Cilicie et des pays situés au delà du haut Euphrate et de l’Asie presque entière. Mais ayant appris qu’une sédition.venait d’éclater en Egypte (cf. Justin, xxvii, 1, 9), il ravagea le royaume de Séleucus et emporta quarante mille talents d’argent, des vases précieux, en même temps que les statues des dieux, au nombre

190. — Antiochus 1Il le Grand, roi de Syrie. Musée du Louvre.

de deux mille cinq cents, parmi lesquels se trouvait le butin que Cambyse, après la prise de l’Egypte, avait emporté chez les Perses. »

L’inscription d’Adulis, conservée par Cosmas Indicopleuste, Pair. gt, t. uivin, col. 103-104 ; Corpus in~ script, grsec, n. 5127, donne des détails analogues sur les résultats de la campagne de Ptolémée III en Syrie : « Le grand roi Ptolémée… s’étant rendu maître de tout le pays en deçà de l’Euphrate, et de la Cilicie, et de la Pamphylie et de l’Ionie et de l’HeUespont et de la Thrace…, franchit l’Euphrate, et ayant soumis la Mésopotamie et la Babylonie et la Susiane et la Perse et la Médie et tout le reste jusqu’à la Bactriane, et ayant recherché tous les objets sacrés emportés d’Egypte par les Perses et les ayant rapportés en Egypte avec tous les autres trésors provenant de ces lieux, il expédia des troupes parlesileuves creusés de mainsd’homme… » Bouché-Leclercq, Histoire des Lagides, t. i, p. 261262. C’est en reconnaissance du recouvrement des objets sacrés qu’avait emportés Cambyse que les Égyptiens donnèrent à Ptolémée III le surnom d’Évergète, « le Bienfaisant ». S. Jérôme, ibid. Cf. le décret de Canope, dans Bouché-Leclercq, ibid., p. 267-272 ; texte

grec dans Mahaffy, The Empire of the Ptolemies, 1895, p. 227 7 239.

Après le retour de Ptolémée en Egypte, Séleucus parvint à reprendre une partie des provinces qu’il avait perdues, pendant que son ennemi restait « quelques années loin du roi du nord » Dan., xi, 8 (texte hébreu). Séleucus s’enhardit alors à tenter de reprendre la Cœlésyrie. « Le roi du nord, dit Daniel, xi, 9 (texte hébreu), marchera contre le royaume du roi du midi (l’Egypte), mais (il sera défait et) retournera dans son royaume. » Séleucus fut complètement battu et obligé de se retirer à Antioche. Justin, xxvii, 2, 5. Son frère Antiochus Hiérax se fit alors proclamer roi en Asie Mineure, et Ptolémée III, sans poursuivre son succès, laissa les deux frères se faire la guerre entre eux, se contentant pour son compte de travailler à faire fleurir la paix dans son royaume. Il se montra bienveillant envers les Juifs et fit offrir des sacrifices dans le temple de Jérusalem. Josèphe, Cont. Apion., Il, 5. Cf. Ant. jud., XII, îv. Il mourut en 221 et sa mort offrit à Antiochus III (fig. 190), qui venait de monter sur le trône de Syrie une occasion favorable pour attaquer l’Egypte dès le commencement du règne de Ptolémée IV.

C’est peut-être sous le règne de ce roi que le petit-fils de l’auteur de l’Ecclésiastique, étant allé en Egypte, comme il nous l’apprend lui-même dans le Prologue de ce livre, traduisit en grec le livre de son grandçère Bea SkæVi. Coiarae il ^ a devrx. vois d’Egypte qui ont été surnommés Évergéte, Ptolémée III et Ptolémée VII, dit aussi Physcon, frère de Ptolémée Philométor, les commentateurs placent le voyage du traducteur, les uns sous Ptolémée III, les autres sous Ptolémée VII. F. Vigouroux.

4. PTOLÉMÉE IV PHILOPATOR, roi d’Egypte, fils aîné et successeur de Ptolémée III Évergéte (222-204), fut un prince efféminé et dégradé, qui déploya cependant une certaine énergie en quelques circonstances (fig. 191). Les principaux événements de son règne et

191. — Monnaie de Ptolémée IV Philopator. Buste de Ptolémée IV, à droite, diadème. — fy nTOAEMAIOl" MiVOriAïPŒ. Aigle debout sur un foudre à droite ; devant lui, un monogramme.

ses guerres avec la Syrie sont décrits dans Daniel, xi, 10-12. Voir Antiochus III, 1. 1, col. 688-689. Il remporta sur Antiochus à Raphia une grande victoire qui le remit en possession de la Cœlésyrie. Ce fut à cette occasion qu’il put aller à Jérusalem. D’après le troisième livre des Machabées, Ptolémée IV offrit des présents au vrai Dieu, mais il voulut entrer, malgré le grand-prêtre, dans le Saint des Saints. À cette nouvelle, toute la ville se souleva, et le roi, frappé d’une terreur miraculeuse, fut emporté évanoui par ses gardes. De retour à Alexandrie, irrité de ce qui était arrivé, il voulut forcer les Juifs de la ville à honorer ses dieux, sous peine d’être écrasés par les éléphants dans l’Hippodrome de la ville. Au lieu d’écraser les Juifs, les éléphants se retournèrent contre les soldats du roi, qui s’empressa de révoquer ses’ordres. III Mach., i-vii. Eusèbe parle du massacre de soixante mille Juifs par ce prince. Le récit du troisième livre des Machabées

ne saurait être pris à la lettre, mais il doit avoir un certain fond de vérité, puisque Josèphe, Cont. Apion., Il, 5, atteste que les Juifs célébraient une fête en souvenir de ces événements. Voir Machabées (Livres apocryphes des), t. IV, col. 499. Ptolémée IV passa les dernières années de sa vie dans l’oisiveté, occupé seulement à satisfaire les plus basses et les plus honteuses passions. Il mourut en 204. Justin, xxx, 2 ; S. Jérôme, In Dan., xi, 13, t. xxv, col. 562. F. Vigouroux.

5. PTOLÉMÉE v ÉPIPHANE, roi d’Egypte, fils unique de Ptolémée IV (204-181) (fig. 192). Il n’avait que quatre

192. — Monnaie de Ptolémée V Epit hane. Buste de Ptolémée V, à droite, diadème et radié ; derrière le cou’un fer de lance. — f$. nTOAEMAlor dasiæqb. Corne d’abon" dance. Dans le champ, deux astres et un monogramme.

ou cinq ans quand il succéda à son père. Antiochus III voulut profiter de cette circonstance pour se venger de l’échec que lui avaient infligé les Égyptiens. Il fut d’abord victorieux, Dan., xi, 13-15, mais l’intervention des Ro 193. — Ptolémée V Épiphane, en habits sacerdotaux, offrant de l’encens aux dieux. D’après E. A. w. Budge, À History of Egypt, t. viii, 1902, p. 19.

mains l’arrêta au milieu de ses victoires. Voir Antiochus, m, t. i, col. 689-690. Le roi de Syrie fit la paix avec Ptolémée V et lui donna en mariage sa fille Cléopâtre, Dan., xi, 17, qui reçut en dot la Palestine et les autres provinces conquises sur l’Egypte. Josèphe »

853

PTOLEMÉE V ÉPIPHANE

PTOLÉMÉE VI PHILOMÉTOR

854

Ant. jud., XII, iv, 1 ; Polybe, xviii, 51. Antiochus avait compté sur elle pour exercer son influence sur le roi d’Egypte. Ses calculs furent déjoués. Cléopâtre prit le parti de son mari contre son père et l’encouragea à rester fidèle aux Romains dont l’alliance paralysait toutes les entreprises de la Syrie contre lui. Les provinces contestées restèrent néanmoins sous la domination d’Antiochus III jusqu’à sa mort (187). Ptolémée V préparait une expédition pour les reprendre sur le nouveau roi de Syrie, Séleucus IV Philopator, lorsqu’il périt par le poison, d’après plusieurs historiens, cf. S. Jérôme, Jn San., xi, 20, t. xxv, col. 565, laissant la mémoire d’un prince impopulaire, indolent et vicieux. La célèbre inscription trilingue connue sons le nom de Pierre de Rosette, découverte en 1799 par un officier français pendant l’expédition d’Egypte, et conservée aujourd’hui au British Muséum à Londres, qui a donné à Champollion la clef de l’écriture hiéroglyphique, fut gravée en l’honneur de Ptolémée V pour célébrer la fête de son intronisation à Memphis et ordonner qu’une statue lui serait dressée dans tous les temples du pays (fig. 193). F. Vigouroux.

6. PTOLÉMÉE VI PHILOMÉTOR, roi d’Egypte (fig. 191), succéda à son père, étant encore en bas âge

194. — Monnaie de Ptolémée VI Philométor. Tête diadémée de Ptolémée Philométor, à droite. — $. DAEIAEfiï UTOAEMAlOr *IAOMHTOPOS ŒOr. Aigle debout, à gauche, sur un foudre et portant un épi. Dans le champ, lettre et monogramme.

(181-146). Il pouvait avoir environ six ans. Sa mère Cléopâtre gouverna le royaume en son nom et vécut en paix jusqu’à sa mort avec la Syrie dont elle était originaire (173). Mais à peine eut-elle fermé les yeux que l’eunuque Eulæus et l’affranchi syrien Lenoeus qui exercèrent le pouvoir au nom du jeune Ptolémée VI, cherchèrent à reconquérir la Cœlésyrie et la Judée. Polybe, XXVII, 19 ; Diodore de Sicile, xxx, 2 ;

195. — Monnaie de Ptolémée VII Physcon Évergète II. Tête de Jupiter Ammon, à droite. — ^.bæiæos nTOAEMAlOl" EïEFrETOr. Aigle debout à droite sur un foudre et portant un bâton. Dans le champ *.

16. Àntiochus IV Èpiphane était alors devenu roi de Syrie. Voir Astiochus IV, t. i, col. 693. Il se hâta d’attaquer l’Egypte avant que les Égyptiens eussent achevé leurs préparatifs, Il Mach., lv, 21 ; cf. I Mach., l, 17, et il les délit entre Péluse et le mont Casius (171). Le jeune Ptolémée tomba entre ses mains, Dan., xi,

22 ; S. Jérôme, In Dan., xi, 22, t. xxv, col. 566 ; Polybe, xxviii, 7, 16 ; Diodore de Sicile, XXX, iv, 1 et 2, on ne sait de quelle manière. Antiochus devenait par là même maître de l’Egypte ; il se rendit à Memphis et s’y fit proclamer roi. Mais la population d’Alexandrie refusa de le reconnaître comme tel ; elle conféra la dignité royale au frère cadet de Philométor qui prit le titre d’Évergète et est connu sous le nom de Ptolémée Physcon Évergète 11 (fig. 195).

Cet événement fournit au roi de Syrie un prétexte pour marcher contre Alexandrie, soi-disant pour rétablir Philométor sur le trône. Il assiégea la ville, mais sans succès, et il se détermina quelque temps après à retourner en Syrie, en laissant une forte garnison à Péluse. Quand il se fut éloigné, Philométor s’entendit avec son frère et sa sœur Cléopâtre (fig. 196) qu’il avait

196. — Monnaie de Cléopâtre II. Tête de Cléopâtre II, en Isis, avec de longues tresses attachées par des épis, à droite. —, $. nTOAEMAiOr bæiAE.QE. Aigle aux ailes éployées, sur un foudre, à gauche. — Elle épousa successivement ses deux frères.

épousée et ils convinrent de régner conjointement (fig. 197). Polybe, XXXIX, viii, 4 ; Tite Live, xlv, 11. Cet accord ramena Antiochus en Égyple. Au commencement du printemps 168, il se mit en route, et envoya sa flotte en Cypre ; l’Ile lui fut livrée par la trahison de Ptolémée Macron. Il Mach., x, 13. Lui-même se dirigea vers la vallée du Nil. Philométor envoya des ambassa 197. — Ptolémée VI, son frère Ptolémée VII

etkur sœur Cléopâtre, rois d’Egypte. Temple de Deir-el-Medinéb D’après Mabaffy, dans Pétrie, t. iv, p. 170.

deurs au-devant de lui à Rhinocolure. Le roi syrien formula de nouvelles demandes : la possession de Cypre, celle de la bouche pélusiaque du Nil avec Péluse, etc. Comme les rois égyptiens ne lui donnèrent pas de réponse au temps qu’il avait fixé, il marcha contre Alexandrie par Memphis. Près de six mois s’étaient écoulés depuis son départ de Syrie quand il arriva prés de la capitale des Lagides. Un coup de théâtre

mit fin à sa marche victorieuse. L’envoyé de Rome, Popilius Lœnas, l’arrêta à Eleusis près d’Alexandrie et, l’enfermant dans un cercle qu’il traça autour de lui, l’obligea à promettre de retourner immédiatement en Syrie, ce qu’il fit quin 168). Il dut aussi retirer sa flotte de Cypre. Polybe, xxix, 27 ; Tite Live, -XLV, xi, 8-xii, 8 ; Diodore ; xxxi, 2 ; Velléius Palerculus, i, 10 ; Appien, Syr., 66 ; Justin, XXXIV, iii, 1-4 ; Valère Maxime, vi, 3. En quittant l’Egypte, Antiochus IV s’arrêta à Jérusalem et se vengea aux dépens des Juifs des humiliations qu’il venait de subir de la part des Romains.

Ptolémée Philométor, au contraire, se montra bienveillant pour les Juifs de ses États et c’est sous son règne qu’Onias IV éleva dans le nome d’Arabie, à Léontopolis, près d’Héliopolis (vers 154), un temple rival

198. — Portrait de Ptolémée VI, à Kom-Ombo. D’après Mahaffy, dans Pétrie, t. iv, p. 180.

de celui de Jérusalem. Josèphe, Ant. jud., XIII, iii, 1. Les commentateurs placent communément sous le règne de Ptolémée Philométor le voyage de Dosithée qui apporta en Egypte la lettre des phurim, c’est-à-dire probablement la traduction du livre d’Esther en grec. Voir Cléopâtre 2, t. ii, col. 805 ; Dosithée, t. ii, col. 1494.

Après la mort ignominieuse d’Antiochus Épiphane, Ptolémée VI eut à combattre contre son propre frère qui était devenu roi.de la Cyrénaïque, mais voulait s’emparer en plus de l’Ile de Cypre. Il arrêta son ambition et songea alors à la Syrie. Pendant le règne du jeune Antiochus Eupator, il semble avoir pris parti pour Philippe le Phrygien (voir col. 266) contre le régent du royaume séleucide, Lysias. Cf. II Mach., ix, 29. Lorsque Démétrius I er eut fait périr Eupator, le roi d’Egypte prit d’abord parti pour Alexandre Balas, le rival de Démétrius, en haine de ce dernier.qui avait essayé de s’emparer de Cypre. Alexandre Balas battit et tua Démétrius I er. Philométor s’entendit alors avec le vainqueur et lui/lonna sa [fille Cléopâtre en mariage à Ptotémaîde

(150). I Mach., x, 51-58. Mais il cherchait par là à faire valoir ses droits sur la Syrie. Cf. I Mach., xi, 1, 10. Il eut à se plaindre d’Alexandre, qui attenta à sa vie, cf. I Mach., xi, 10, ce qui le fit tourner en faveur de Démétrius II, le compétiteur d’Alexandre Balas ; il enleva sa fille Cléopâtre. à Alexandre et la donna à son rival (147). La Syrie fut soumise en peu de temps par le roi d’Egypte et il fut couronné roi d’Asie à Antioche. I Mach., xi, 13. Mahaffy, The Empire of the Ploleniies, 1895, p. 366. Alexandre fit de vaines tentatives pour recouvrer le royaume ; il fut battu par les armées réunies de Philopator et de Nicator et périt peu après en Arabie. Voir Démétrius II Nicator, t. ii, col. 1362. Ptolémée VI devait le suivre de près dans la tombe (145), Grièvement blessé à la tête dans la bataille, les médecins essayèrent de le trépaner, mais il mourut pendant l’opération, la 36e année de son règne. Tite Live, Epist., lu. Cf. Josèphe, Ant. jud., XIII, iv, 8.

Ptolémée Philométor (fig. 198) est, avec son frère Ptolémée VII Physcon, le dernier roi d’Egypte nommé dans les Saintes Écritures. F. Vigouroux.

7. PTOLÉMÉE VII PHYSCON ÉVERGÈTE II, roi

d’Egypte (170-117). Ptolémée Physcon (fig. 195) est mentionné I Mach., xv, 16, comme le destinataire d’une lettre qui lui fut adressée de la part des Romains par le consul Lucius en faveur des Juifs. Voir Lucius, t. iv, col. 409. C’est peut-être aussi de lui qu’il est question dans le Prologue de l’Ecclésiastique. Voir plus haut, col. 851. Sur son règne, voir Ptolémée VI.

F. Vigouroux.

8. PTOLÉMÉE, fils de Dorymine. I Mach., iii, 38 (et dans le texte grec de II Mach., iv, 45) ; cf. Polybe, v, 61. On l’identifie communément avec le Ptolémée qui est surnommé Macron (Macer, dans la Vulgate), Voir t. iv, col. 479. II Mach., x, 12. Cette identification n’est pas sans souffrir quelques difficultés. D’après Athénée, vl, p. 246, le Ptolémée qui fut gouverneur de Cypre pendant la minorité de Ptolémée Philométor et qu’on confond avec le Ptolémée del Mach., iii, 38, était fils d’Agésarque et non de Dorymine. Si Athénée donne le véritable nom de son père et si ce nom et celui de Dorymine ne désignent pas un même personnage, Ptolémée fils d’Agésarque est alors le Ptolémée Macron de II Mach., x, 12, et distinct du Ptolémée de I Mach., iii, 38, mais il est possible que Dorymine et Agésarque soient une seule et même personne. Cf ; I Mach., iii, 38 et II Mach. ; x, 13.

Ptolémée surnommé Macron, mégalopoiitain d’origine, fut gouverneur de l’Ile de Cypre au nom de Ptolémée Philométor encore mineur, et il remplit d’abord fidèlement ses fonctions. Polybe, xxvii, 12. Mais la lutte était vive à cette époque entre les Séleucides et les Lagides, et les sujets des uns et des autres passèrent quelquefois du camp égyptien au camp syrien £t réciproquement. Après avoirservile roi d’Egypte, le gouverneur de Cypre se mit au service d’Antiochus IV Épiphane, il devint son favori et en reçut le gouvernement de la Phénicie et de la Cœlésyrie. II Mach., viii, 8 ; x, 11-12. Ptolémée (fils de Dorymine) profita de son crédit auprès du roi pour protéger le grand-prêtre juif usurpateur Menélas (t. iv, col. 961), qui avait acheté son concours à prix d’argent. II Mach., iv, 45-50. Il fût un des fauteurs de la persécution syrienne contre les Juifs. II Mach., vi, 8. (La Vulgate et plusieurs manuscrits grecs, comme le texte de l’édition romaine des Septante, portent « les Ptolémées » au pluriel, mais la vraie leçon paraît bien être « Ptolémée » fils de Dorymine, au singulier. 0. Fr. Fritzsche, Kurzgefasstes exegetisches Handbuch zu den Apocryphen, iv, Lief., 1857, p. 111-112.) Lorsque Judas Machabée eut remporté ses premières victoires contre les Syriens, Lysias choisit pour combattre les Juifs Ptolémée fils de Dorymine, avec Nicanpr et Gorgias. I Mach., iii, 38. Ils furent battus par les Juifs

(108), mais nous ne savons rien de particulier sur la conduite de Ptolémée dans cette guerre. Il paraît seulement avoir compris l’inutilité dé la violence contre Israël. Nous apprenons par II Mach., x, 13, qu’à l’avènement du roi mineur Antiochus Eupator au trône d’Antioche, Ptolémée (Macron) était animé, de sentiments conciliants à l’égard des Juifs. Ce fut la cause de sa chute. Ses ennemis en profitèrent pour le perdre : on l’accusa de trahison et ne pouvant supporter sa disgrâce, il s’empoisonna. « Ptolémée, surnommé Macron, dit le texte grec, avait été le premier à observer la justice envers les Juifs à cause des violences qu’ils avaient subies et s’était efforcé de gouverner pacifiquement. Mais pour cela même il fut accusé par des amis (du roi) auprès d’Eupator et comme il s’entendait partout appeler traître, parce qu’il avait abandonné Cypre que Philométor lui avait confiée et qu’il était passé (dans le parti) d’Antiochus Épiphane, n’ayant plus qu’un pouvoir sans honneur, il perdit courage et prenant du poison, il s’ôta la vie. » F. Vigouroux.

9. PTOLÉMÉE, fils d’Abobi, gendre de Simon Machabée. Il était fort riche et avait reçu le gouvernement de Jéricho et de son territoire. Il conçut le projet de devenir maître de la Judée et pour le réaliser, ayant reçu son beau-père dans la petite forteresse de Doch (t. ii, col. 1454), il le mit traîtreusement à mort avec ses deux fils Mathathias et Judas, à la fin d’un grand festin. Un troisième fils de Simon, Jean, surnommé Hyrcan (t. iii, col. 1154), n’avait pas accompagné son père à Jéricho et se trouvait alors à Gazara (Gazer, t. iii, col. 126). Son beau-frère expédia des émissaires dans cette ville pour le mettre à mort, mais heureusement prévenu à temps de la mort de son père et de ses frères et du danger qui le menaçait, Jean fit saisir et exécuter ses assassins à leur arrivée. Pendant ce temps, Ptolémée demandait des secours au roi de Syrie, pour prendre possession de la Judée et essayait de se rendre maître de Jérusalem. I Mach., xvi, 14-22. L’auteur de I Mach. ne nous apprend plus rien sur cet ambitieux, mais Josèphe, Ant. jud., XIII, vii, 4 ; viii, 1, ajoute que Jean Hyrcan alla l’assiéger dans sa forteresse de Doch, d’où Ptolémée s’échappa finalement pendant l’année sabbatique, et se réfugia auprès de Zenon Cotilas, prince (tupaweûovTa) de Philadelphie. Cf. Bell, jud., I, ii, 3-4. Contrairement au récit de I Mach., Josèphe suppose que Ptolémée avait conservé ses deux beaux-frères comme otages, ainsi que leur mère, et qu’il se servit de sa belle-mère, qu’il exposait aux coups des assaillants, pour ralentir les attaques de Jean Hyrcan ; il explique ainsiles longueurs du siège. L’auteur sacré ne parle point de la mère de Jean et il raconte que ses frères avaient été tués en même temps que leur père, comme on l’a vu plus haut, et non après que le siège eut été levé, comme le dit le récit de Josèphe, qui ne fait d’ailleurs jouer aucun rôle dans le siège à Mathathias et à Judas, ce qui confirme indirectement le récit des Machabées, qui est seul exactement historique.

F. ViGOUROUX.

    1. PUBERTÉ##

PUBERTÉ, âge auquel le jeune homme ou la jeune fille deviennent. aptes à la vie conjugale. — Cet âge vient plus tôt dans les pays chauds que dans les autres. Chez les Juifs, il était fixé à treize ans et un jour pour les garçons, à douze ans et un jour pour les filles. Si alors les signes de la puberté étaient constatés, on déclarait les jeunes gens gedolim et gedolô}, c’est-à-dire « grands, majeurs ». S’il en était autrement, ils pouvaient rester mineurs jusqu’à dix-neuf ans et onze mois ; mais c’est seulement à trente-cinq ans et un jour qu’on les déclarait, s’il y avait lieu, impropres au mariage. Cf. Iken, Antiquilates hebraicse, Brème, 1741, p. 519, 530. On se mariait, en général, à Un âge très jeune. Le jeune homme nubile était appelé’élém,

veavt’aç, adolescens. C’est le nom qui est attribué au jeune David, I Reg., xvii, 56, et au jeune page de Jonathas. I Reg., xx, 22. Sur la jeune fille nubile, voir’Almah, t. i, col. 391, 392. — Il est plusieurs fois parlé de la « femme de la jeunesse », ’êsét ne’ûrim. Prov., il, 17 ; v, 18 ; Ezech., xxiii, 3, 8, 21 ; Jo., i, 18 ; Mal., ii, 14, etc. Les Septante traduisent par-pjvri veqt.yitoî, et la Vulgate ordinairement par uxor puberlatis, « femme de la puberté », expression exacte quant au fond, car il s’agit ici de la première union, de celle qui a été contractée par les époux à un âge encore tendre, dès qu’ils ont été nubiles. — Dans le Lévitique, xix, 20, la Vulgate appelle simplement nubilis, « en âge d’être mariée », une esclave néhërefef le’îë, « fiancée à un homme », 8fane.<pjxy>.hi âvBptùroo, « réservée à un

homme ».
H. Lesêtre.
    1. PUBLICAINS##

PUBLICAINS (grec : « Xûvai ; Vulgate : publicani), nom qui sert à désigner, soit dans la littérature classique, soit dans les trois premiers évangiles, avec la nuance importante qui sera indiquée plus bas, ceux qui levaient les divers genres d’impôts chez les Romains. Le nom grec vient de téXoç, « impôt, taxe » ; le nom latin dérive du mot publicum, employé comme synonyme de vectigal, ou dans le sens de trésor public, Tite-Live, xxxit, 7, parce que les sommes perçues par les agents en question étaient versées dans le trésor de l’État.

1° Les publicaim en général. — À Rome, sous l’empire comme au temps de la république, la perception des impôts ne se faisait pas au moyen d’une administration spéciale, à la solde et sous le contrôle direct de l’État, mais au moyen d’une mise à ferme, qui trouvait de nombreux candidats, car l’opération permettait presque infailliblement d’obtenir de gros bénéfices. Voir Impôts, t. iii, col. 851-853. Les publicani étaient donc ceux qui affermaient le droit de lever, dans une région déterminée, la totalité des impôts, ou du moins telle ou telle catégorie spéciale d’impositions, par exemple, la taxe de pacage, scriptttra, la dîme, decuma, les droits de douane, portoria, etc. Publicani… dicuntur qui publica vectigalia habent conducta. DigesC, xxxix, 4. La somme à verser dans la caisse publique étant considérable, il fallait être très riche pour prendre les impôts à bail ; aussi les publicani appartenaient-ils généralement à l’ordre des chevaliers Le fermage avait lieu par la voie des enchères publiques, au profit de celui qui oftrait le prix le plus élevé. Souvent, un seul capitaliste était incapable de verser la somme requise ; on formait alors des sociétés vectigaliennes, societates publicanorum, Digest., xvii, 2 ; Cicéron, Pro Sextio, iv, 32, dont les membres, au moment où l’on partageait les bénéfices, recevaient une quote-part proportionnée à leur cotisation. Ces sociétés étaient présidées à Rome par un magister ; en province, par un pro magister. Cicéron, Ad Div., xiii, 9 ; Ad Attic, v, 15 ; Tite-Live, xxiii, 48-59. La durée du fermage était de cinq ans au temps de l’empire, et l’exécution du contrat commençait le 15 mars. — On comprend sans peine que ce système de perception des impôts était très vicieux en lui-même, et ouvert aux plus criants abus. Aussi ne manqua-t-il pas de porter ses fruits : la vexation, le vol, la fraude, les brutalités de tout genre. L’État y avait un grand avantage, puisqu’il évitait ainsi les frais de perception ; mais, par contre, les contribuables étaient livrés à l’arbitraire d’une levée d’impôts non réglée par la loi, et organisée uniquement dans l’intérêt des adjudicataires. Cf. Tite Live, XLV, xviii, 4. Les publicani devaient tout naturellement songer à lever sur les particuliers des sommes supérieures à celles qu’ils s’étaient eux-mêmes engagés à payer, car ils étaient personnellement responsables des contributions qui ne rentraient pas, et tenus de les acquitter à leurs propres dépens.

Ce sont ces fermiers généraux qui recevaient à proprement parler le titre de publicani. Ils avaient sous leurs ordres un nombre considérable d’agents inférieurs, nommés en latin portitores, exactores, qui exerçaient à peu près les fonctions de nos douaniers, et qui étaient attachés à des stations déterminées : sur les ponts, aux carrefours des routes, à la porte des villes, près des lieux de débarquement. Cf. Matth., ix, i, 9. Ces sous-agents, qui traitaient directement avec les contribuables, n’imitaient que trop la conduite odieuse et tout spécialement les concussions de leurs chefs, d’autant mieux que leur recrutement avait lieu dans de mauvaises conditions, et que, ayant souvent une part des profits dans les perceptions, ils ne craignaient pas de surtaxer les objets soumis à la douane. Aussi le sentiment populaire leur était-il partout défavorable ; on se plaignait d’eux de tous côtés. Cf. Digest. , xxxix, 4. D’après Stobée, Serm., ii, 34, les portitores étaient comme les ours et les loups de la société humaine ; cf. Théocrite, Char., 7. La locution Ilâv-cô ;-ceXûvat navreç âp7 ! ays ; , « Tous les publicains sont des voleurs », était devenue de bonne heure proverbiale. Cicéron, dans une lettre à son frère, Ad Quint., i, i, 11, avoue que le public se plaignait moins encore des portoria, quoique si lourds, que des iniuriœ portitorum. Il dit ailleurs, De Offic, i, 42, que la profession de publicain était la pire de toutes. Et il n’y avait pratiquement aucun recours contre leurs procédés vexatoires, car, dans les provinces surtout, les autorités romaines, qui auraient dû réprimer les abus, étaient souvent de connivence avec les publicains pour dépouiller le public, sous le prétexte de percevoir les impôts. Voir Tacite, Ann., xiii, 50.

Les publicains dans les Evangiles.

Remarquons d’abord qu’à l’époque de Notre-Seigneur la Palestine dépendait de trois juridictions différentes au point de vue politique, et par conséquent sous le rapport des impôts. La Judée et la Samarie étaient sous la domination direcle de Rome et étaient gouvernées par le procurateur romain ; la Galilée et la Pérée appartenaient à Hérode Antipas ; la Trachonitide, l’Abilène et l’Iturée, à son frère Philippe. Cf. Luc, iii, 1. En Judée et en Samarie, les impôts étaient donc levés pour le compte de Rome ; dans les autres districts, pour celui des deux tétrarques. Sur ces divers territoires, il y avait de nombreux collecteurs d’impôts. Des deux publicains qui sont mentionnés nommément dans l’Évangile, l’un, Lévi ou l’apôtre saint Matthieu, dont le bureau était à Capharnaùm, près du port, Matth., ix, 1, 9, levait la taxe au nom d’Hérode Antipas ; l’autre, Zachée, à Jéricho, Luc, xix, au nom du gouverneur romain.

La mention fréquente des publicains par les Évangélistes indique quelle grande place cette catégorie d’hommes tenait dans la vie sociale de la Palestine. Dans le Nouveau Testament, les synoptiques sont seuls à les mentionner, encore ne parlent-ils pas des publicani proprement dits, c’est-à-dire des entrepreneurs généraux, mais des simples portitores, auxquels la Vulgate donne improprement le nom de « publicains » ; le grec les nomme toujours TEÎ.wvai. Il existe tout au plus une exception à cette règle : Luc, xix, 2, Zachée est nommé àp-/ ! T€).wvï]ç, Vulgate, princeps publicanorum, et il est fort possible qu’il ait été lui-même adjudicataire des impôts pour tout le district de Jéricho. Cette ville, en effet, était une station importante de douanes, à cause du grand commerce de baume dont elle était le centre.

Dans les Évangiles aussi, on trouve plusieurs allusions aux extorsions injustes et à la violence des publicains. Jean-Baptiste, interrogé par quelques-uns d’entre eux sur la manière dont ils devaient faire pénitence, leur répondit : « Ne faites rien de plus que ce qui vous a été prescrit, » Luc, iii, 13, c’est-à-dire : n’exi gez rien au delà de la taxe légitime. Zachée, prenant en face de Jésus de généreuses résolutions, promet, s’il a fait tort à quelqu’un, de restituer au quadruple. Luc, xix, 8. Dans ce second texte, l’équivalent grec de defraudavi de la Vulgate est uuxoçaviEtv, extorquer de l’argent au moyen de fausses accusations. Les portitores recouraient donc au chantage, accusant à faux les gens d’avoir fraudé, pour obtenir d’eux des sommes plus considérables. Leur conduite est surtout stigmatisée, dans les Évangiles synoptiques, par la manière perpétuelle dont le peuple les associait soit aux pécheurs en général, cf. Matth., ix, 10, II ; xi, 19 ; Marc, il, 15-16 ; Luc, v, 30 ; vii, 29-30 ; xv, 1 ; xviii, 11, etc., soit en particulier aux femmes publiques, Matth., xxi, 31-32, et aux païens, Matth., xviii, 17, c’est-à-dire aux êtres les plus odieux d’après les principes Israélites.

C’est que, dans les divers districts de la Palestine, les collecteurs subalternes des impôts étaient le plus souvent Juifs eux-mêmes. Cf. Matth., ix, 9 ; Luc, iii, 12 et xix, 2 ; Josèphe, Ant., ll, xiv, 4. Or, spécialement en Judée, ce fait les rendait doublement méprisables aux yeux de leurs compatriotes, parce qu’ils avaient, par leurs fonctions mêmes, indépendamment de leur rapacité, le tort impardonnable de servir d’instruments aux Romains, les puissants ennemis de la cause théocratique. On lés regardait donc, non seulement comme des hommes avides, qui songeaient avant tout à leurs intérêts personnels, mais aussi comme des traîtres et des renégats sous le rapport politique et religieux. En effet, à ce dernier point de vue, plus d’un Israélite se posait au fond de sa conscience, lorsqu’il s’agissait de se mettre en règle avec les publicains, cette question qui fut adressée un jour à N.-S. Jésus-Christ, Matth., xxii, 17 : « Est-il permis de payer le tribut à César ? » Le payer, n’était-ce pas substituer une royauté païenne à celle du Seigneur ? Les publicains étaient donc particulièrement abhorrés en Palestine, comme on le voit par les écrits talmudiques. On les bannissait impitoyablement de la société des gens honnêtes, Luc, vii, 34 ; on regardait comme une chose inconvenante de manger et de boire avec eux, Matth., ix, 11 ; Marc, ii, 16 ; Luc, v, 30 ; ils n’avaient pas le droit d’être juges ou témoins dans les procès. Les rabbins allaient jusqu’à affirmer que le repentir, et par conséquent le salut des publicains, sont impossibles, Baba Kama, 94 b ; ils les rangeaient parmi les voleurs et les assassins. Nedar., iii, 4, 1. Les publicains étaient donc excommuniés de fait. Cf. Lightfoot, Opéra orania, Utrecht, 1599, t. ii, p. 295-296, 344, 502-503, 555. Leur famille était regardée comme déshonorée. Il était interdit d’accepter leurs aumônes et même de changer delà monnaie chez eux, leur argent étant souvent le produit du vol. Baba Kama, 10, 1. Au contraire, il était permis de les tromper le plus possible ; par exemple, en déclarant que les objets soumis à la douane étaient destinés au Temple, en faisant passer un esclave pour un fils, etc. Le Talmud ne se montre indulgent à leur égard que lorsqu’ils diminuaient les taxes pour leurs compatriotes. Sanhedr., 25, 2. Ainsi traités en parias, les publicains n’avaient d’autre ressource que de s’associer étroitement entre eux ou à d’autres parias, et c’est précisément pour ce motif qu’ils sont si fréquemment rapprochés des pécheurs dans les Évangiles. On ne pouvait les fréquenter sans se compromettre ; aussi les Pharisiens ne pardonnaient-ils pas à Jésus-Christ les relations qu’il avait avec eux et les sentiments de bienveillance qu’il leur témoignait. Cf. Matth., ix, 10-11 ; xi, 19 ; Marc, ii, 15-16 ; Luc, v, 29-30 ; vii, 34 ; xv, 1 ; xix, 1-10. Bien plus, Jésus lui-même, malgré sa bonté pour les pécheurs, employait parfois envers les publicains le langage sévère de ses compatriotes. Cf. Matth., xviii, 17 ; xxi, 31-32, etc. La conversion de plusieurs d’entre eux, comme on le voit

par celles de Lévi et de Zachée, fut sincère et généreuse. Cf. Matth : , ix, 9-13 ; Marc, ii, 14-17 ; Luc, v, 27-32 ; xviii, 13-14 ; xix, 2-10. Jésus avait une grande influence sur beaucoup d’entre eux.

3° Bibliographie. — Struckmann, De portitoribus in Novo Teslamento obviis, Lemgo, 1750 ; C. G. Muller, De TcXcivatç et àfiapToXotc, Géra, 1779 ; Salkowski, Qusestiones de jure socielatis prxcipue pvblicanorum, in-8°, Regiomonti Borussi, 1859 ; G. Friedlânder, Darstellungen aus der Sitlengeschichte Roms in der Zeit von Augusi bis zum, Ausgang der Antonine, in-8°, Leipzig, 1865-1867, t. ii, p. 25-27, G. Humbert, Les douanes et les octrois chez les Romains, in-8°, Toulouse, 1867, extrait du Recueil de l’Académie de législature ; , T. Marquardt, Rômische Staatsverwaltung, Berlin, 1876, t. ii, p. 261-269 ; du même auteur, De l’organisation financière chez les Romains, trad. franc, du t. x de T. Mommsen et J. Marquardt, Manuel des antiquités romaines, in-8°, Paris, 1888, p. 379-384 ; L. Herzfeld, flandelsgesckichte der Juden des Alterthums, in-8°, 1865, p. 160-165 ; A. G. Dietricb, Beitrâge zur Kenntniss des rbmisch. Steuerpàchtersystems, in-8°, Leipzig, 1877, p. 5-10 ; Id., Dierechtliche Natur der Societas publicanorum, in-8°, Meissen, 1889 ; Edersheim, The Life and Times of Jésus the Messiah, in-8°, Londres, 1883, t. i, p. 545-518 ; Vigie, Les douanes dans l’empire romain, in-8°, Montpellier, 1884, p. 157168 ; F. Thibault, Les douanes chez les Romains, in-8°, Paris, 1888 ; P.-Allard, Les publicains et l’organisation dans l’ancienne Rome, dans la Réforme sociale, février 1889. L. Fillion.

PUBL1US (grec : IIôtiXio ; , forme grécisée du latin Publius), « premier », tiomto ; , de l'île de Malte (voir Premier, col. 602), à l'époque où saint Paul y aborda après son naufrage. Il gouvernait File en qualité de légat du proconsul de Sicile. Il possédait des terres à l’endroit où furent jetés les naufragés : il fit bon accueil à l’Apôlre et à ses compagnons et lui donna l’hospitalité pendant trois jours. Saint Paul l’en récompensa ; il guérit son père qui était au lit malade de la fièvre et de la dysenterie, en priant pour lui et en lui imposant les mains. Act., xxvtn, 6-8. Dieu lui accorda à lui-même une grâce plus grande encore, le don de la foi. D’après la tradition, Publius devint évêque d’Athènes après saint Denis l’Aréopagite et reçut la couronne du martyre, S. Jérôme, De vir. M., 19, t. xxiii, col. 637 ; Acla sanctorum, januarii t. ii, édit. Palmé, p. 792.

PUCE (hébreu : par’os, le purSu’u assyrien ; . Septante : « J/ûXXoc ; Vulgate : pulex), insecte diptère et suceur,

199. — Pulex irritans (grossi de 20 diamètres).

composé de douze segments cornés, dont la tête est armée de petites scies et d’un suçoir aigu, et dont les longues pattes, surtout celles de derrière, sont conformées pour permettre à l’animal des bonds extraordinaires pour sa taille (fig. 199). La puce femelle pond de huit à douze œufs qu’elle dépose dans la poussière, dans les fentes des boiseries ou des meubles ou dans

des linges malpropres. De ces œufs sortent de petites larves, qui se changent en nymphes, puis en puces parfaites. Cette transformation demande de vingt à trente jours. La chaleur et la malpropreté sont des conditions favorables à la multiplication de l’insecte. Le pulex irritans s’attaque à l’homme ; il y a d’autres espèces particulières pour les chiens, les chats, les poules, les pigeons, etc. — Les puces trouvent en Orient tout ce qu’il faut pour faire prospérer leur race. Tous les voyageurs se plaignent amèrement du supplice qu’elles leur font endurer. Cf. de Saulcy, Voyage autour de la mer Morte, Paris, 1853, t. ii, p. 463 ; lady Gordon, Lettres d’Egypte, trad. Ross, Paris, 1869, p. 33 ; Le Camus, Voyage aux pays bibliques, t. ii, p. 170. Aucun n'échappe à leur atteinte et les habitants de la Palestine, ordinairement si patients, ne peuvent se défendre de manifester leur irritation contre cet insecte. Parfois les Bédouins sont obligés de capituler devant les puces et de s’en aller camper ailleurs ; mais malheur au voyageurqui s’arrête à leur ancienne place, même s’ils l’ont quittée depuis un mois ! Des myriades de puces sortent de la poussière et s’acharnent après lui. Cf. Tristram, The natural history of the Bible, Londres, 1889, p. 305 ; Wood, Bible animais, Londres, 1884, p. 638. '— Après avoir épargné Saùl qui le poursuivait injustement, David lui dit : « Qui poursuis-tu ? Un chien mort, une puce ! » I Reg., xxiv, 14. Un peu plus tard, dans une occasion analogue, il dit encore : « Le roi d’Israël s’est mis en marche pour chercher une puce ! » I Reg., xxvi, 20. David parlait ainsi par hyperbole ; il se comparait à un insecte insignifiant, indigne d’occuper l’attention d’un roi. — Un certain nombre d’Israélites portèrent le nom de par’os, « puce ». I Esd., ii, 3 ; viii, 3 ; x, 25 ; II Esd., iii, 25 ; vii, 8 ; x, 15. Voir Pharos, col. 218. H. Lesëtre

    1. PUDENS##

PUDENS (grec : flo-JS^), chrétien de Rome, dont l’apôtre saint Paul envoie les salutations àTimothée avec les salutations d’Eubulus, Linus, Claudia et des autres frères. II Tim., jy, 21.

Le nom de Pudens est un cognomen assez fréquent chez les anciens Romains ; et il fut porté par deux consuls du IIe siècle, c’est-à-dire « Arvrius Pudens » de l’an 165 et « Servilius Pudens » de l’an 166. On le trouve aussi chez un personnage de la gens Pomponia adopté par un Flavien (P. Flavio Pudenti Pomponiano), Renier, Inscriptions de l’Afrique, n. 1521, et dans la gensOctavia. C. Oclavio FI. Pudenti, ibid., n. 3893. Il. y a aussi un L. Cassius Pudens militaire et un C. Valerius Pudens et d’autres encore comme on peut le voir dans les recueils épigraphiques. Corp. inscrip. lai., t. iii, n. 3543, cf. aussi Willmans, Exempta Inscrip-tïonum lalinarwr », eVc. lft^tyttv 4e ¥vveus Cwt aussi un nom servile qu’on trouve porté par des affranchis. Ainsi pour en citer un exemple on trouve en Espagne un Pudens affranchi de l’empereur Nerva. Corp. insc. lai., t. ii, n. 956.

On voit par là que le Pudens rappelé par saint Paul dans sa lettre envoyée de Rome à Timothée a pu être à la rigueur, soit un humble esclave chrétien, soit un affranchi, soit aussi un personnage distingué et appar- * tenant à une gens. Le plus probable, c’est qu’il a été un personnage d’une certaine distinction comme pouvait être aussi une femme distinguée, Claudia, rappelée dans la même lettre et qui porte un nom de la plus haute aristocratie romaine. On peut donc identifier notre personnage avec un Pudens qui, d’après un ancienne traditien, aurait reçu chez lui l’apôtre saint Pierre à Rome pendant sa première venue dans la capitale de l’empire et qui aurait été baptisé par l’apôtre même. On dit qu’il était fils d’un Punicus et d’une Priscille et qu’il fut le père des deux célèbres vierges chrétiennes Pudentienne et Praxède.

On parle de ce Pudens dans les Actes des saintes Pudentienne et Praxède, mais on n’y dit rien de sa noblesse ni de sa dignité sénatoriale. Àcta sanctorum, maii t. iv, p. 299 ; Baronius, Annales, ad ann. 159 ; Fiorent, Martyrol., p. 701 sq. ? Le récit du Liber pontificalis dans la biographie du pape Pie I er, à ce sujet est une interpolation d’après Mgr Duchesne, Liber poniificalis, 1. 1, p. 1331. Cependant Adon, dans son martyrologe, appelle sainte Pudentienne illuslrissimi generis. Adon, MariyrOl., 19 mai.

Dans ces documents, quoique apocryphes, il y a certainement un fond de vérité historique, comme J. B. De Rossi l’a aussi reconnu, Bull, d’arch. crisliana, 1867, p. 3. Mais on ne peut pas accepter tout ce qu’ont imaginé à ce sujet, d’abord Bianchini et Febeo et, depuis, plusieurs autres qui ont fait des confusions incroyables. Bianchini soupçonne que Pudens était de la gens Cornelia et de famille sénatoriale, et la chose est possible ; mais on est arrivé après jusqu'à dire qu’il jetait le même personnage que le centurion Corneille baptisé par saint Pierre en Palestine et on lui a attribué aussi des inscriptions qui sont certainement fausses. De Rossi ne partagea jamais ces opinions qui néanmoins lui ont été attribuées. Bull, di arch. crise, 1880, p. 53.

Enfln il y a un auteur qui a cru reconnaître le Pudens de saint Paul dans un personnage nommé sur une inscription de la Grande-Bretagne et en a fait un fils de Pomponia Grsecina ( ! ) Mais, ces rêveries ont été justement réfutées par Hùbner, Corp. inscr. lat., vii, p. 19, et dans le Rheinisches Muséum, t. xiv, 1859, p. 358.

Voici ce que l’on peut établir à cet égard. Il est sûr qu’il y a eu à Rome de nobles matrones qui ont porté les noms de Pudenliana et de Pudentilla réunis aux noms de famille des Cornelii et des JEmilii. De Rossi, Borna sotterranea, t. i, p. 312. Il est certain que, au commencement du ine siècle, demeurait à Rome sur l’Aventin, près de l’endroit où on bâtit après l'église de sainte Prisque, un personnage appelé C. Marins Pudens Ccrnelianus, qui était originairement de la gens Cornelia, adopté après dans la gens Flavia, et qui devait se nommer Cornélius Pudens. Un de ses descendants fut probablement ce M. Marins Pudens, dont le nom est marqué sur quelques briques. Marini, lscrizioni doliari, 152, 6. Ce Cornélius Pudens demeurait sur l’Aventin tout près de l’endroit où l’on reconnaissait au moyen âge la maison d’Aquila et de Prisque (église de Sainte-Prisque) ; et on sait que ces deux célèbres personnages nommés par saint Paul dans sa lettre aux Romains, eurent leur sépulture dans le cimetière de Priscille sur la voie Salaria, cimetière qui prit le nom de la mère de Pudens, le maître de la maison sur le vicus patricius (aujourd’hui SaintePudentienne) et qui fut enseveli aussi dans le même cimetière. Cette circonstance ne peut pas être attribuée au hasard ; mais elle nous autorise à supposer qu’il y eut des relations entre les deux maisons chrétiennes de l’Aventin et du vicus patricius et que le centre où ces souvenirs se réunissaient, était le cimetière de Priscille sur la voie Salaria. J.-B. De Rossi retrouva dans le cimetière de Priscille une inscription d’un PUDENS FELIX et il fit remarquer que ce cognomen Félix peut bien faire penser à un « Cornélius ». Inscrip. scelle délia B. V. Maria, p. 17. On peut donc tirer la conclusion que très probablement le Pudens nommé par saint Paul était le fondateur du cimetière de Priscille et qu’il pouvait très bien être un Cornélius Pudens.

Ce rapprochement nous oblige de dire un mot sur le célèbre cimetière de la voie Salaria dont l’histoire et la topographie a été éclairée d’une lumière inattendue par les études de mon maître J.-B. De Rossi et après aussi par les miennes.

Il est maintenant certain que ce cimetière est le plus ancien de tous les autres cimetières chrétiens de Rome et que ses monuments peuvent remonter jusqu'à l'âge apostolique. À la suite des nouvelles fouilles, mon maître a pu démontrer que le célèbre cimetière de la voie Salaria avait été fondé par la noble famille des Acilii Glabriones dont un membre, Manius Aciliùs Glabrio, consul de l’an 91, fut mis à mort par ordre de Domitien à cause de sa profession de foi chrétienne. Bull, d’arch. crist., 1888-1889, p. 3-4. Il y retrouva des inscriptions qui mettent en rapport les Acilii avec quelques nobles femmes qui portent le nom de Priscilla et il en a tiré la conclusion que le Pudens de la légende de sainte Pudentienne était lié de parenté avec la famille même des Acilii et qu’il fut le fondateur de ce vénérable cimetière, le plus ancien de tous, où il fut enseveli et où furent déposées aussi ses filles Pudentienne et Praxède.

Priscille, la mère de Pudens, pouvait être aussi de la gens Acilia ; et en effet on trouve dans le nom de cette famille le cognomen « Priscus ». Dans le musée du Vatican on voit l’inscription d’un Acilhis Priscus.

Après de longues recherches sur le cimetière de la voie Salaria, je suis parvenu à démontrer que dans le cimetière de Priscille on vénérait le grand souvenir de la première prédication de saint Pierre et de la fondation de l'Église romaine ; et qu’on y doit reconnaître le célèbre cimetière Ostrien où l’Apôtre aurait administré le baptême, c’est-à-dire le cœmeterium ad nymphas appelé aussi cœmeterium fontis S. Pétri. En voir les preuves développées dans plusieurs articles publiés par moi dans le Nuovo Bullettino di archeologia cristiana, 1901-1908. La célèbre indication du catalogue de Monza du vie siècle, sedes ubi prius sedit sanclus Pelrus, doit être considérée comme une indication topographique et être attribuée au cimetière de Priscille. Nuovo Bullettino, 1908, n. 1-2.

Or cette identification a une grande importance pour la question du Pudens de la légende ; elle nous confirme que, dans cette légende, il y a un fond de vérité quand on met saint Pierre et sa première venue à Rome en relation avec un personnage qui avait été le fondateur d’un cimetière creusé dans un endroit de la banlieue romaine où l’apôtre avait inauguré son épiscopat dans la capitale de l’empiré.

Le cimetière de Priscille peut être appelé aussi le cimetière de Pudens car il y avait là son tombeau de famille. D’après les dernières fouilles on pourrait reconnaître ce monument dans la région du cimetière qui est près de l’entrée actuelle et dans les environs de la chambre sépulcrale que l’on appelle la « chapelle grecque ». Mais le monument le plus important de ce cimetière, et qui renfermait, pour ainsi dire, tous ses grands souvenirs, était la basilique établie à la surface du sol dans la maison même de campagne des Acilii Glabriones qui a pu être très bien la maison de campagne de Pudens. Cette basilique (ou il y avait les tombeaux de sept papes) fut retrouvée et rebâtie par mon initiative aux frais de la commission d’archéologie sacrée, l’an 1907. Voir Nuovo Bullettino di arch. crist., 1908 n. 1-2. Après le cimetière de la voie Salaria, un autre souvenir de Pudens était le titulus Pudentis, c’est à dire la maison même habitée par lui à l’intérieur de la ville où est aujourd’hui l'église de Sainte-Pudentienne. Les documents qui nous fournissent des indications sur l’origine de l'église de Sainte-Pudentienne sont les récits dits de Pasteur et de Timothée ; les lettres de Pie I er à Juste de Vienne, et le Liber pontificalis. Les deux premières classes sont apocryphes ; mais nous avons plusieurs motifs de penser qu’elles contiennent un fond de vérité, comme j’ai déjà dit. D’après ces documents, il y avait là primitivement la 865

PUDENS

maison dans laquelle le sénateur Pudens avait reçu saint Pierre, et qui fut transformée en église au 11e siècle, sous Pie I er. Elle prit le nom de titulus Pastoris, du nom du frère de ce Pape ; mais nous savons par quelques inscriptions qu’elle fut appelée aussi titulus Pudentis. Les Bollandistes ont admis qu’il a existé deux personnages du nom de Pudens, celui qui donna l’hospitalité à saint Pierre, et un autre qui aurait vécu an 11e siècle et qui serait un descendant du premier et le père des saintes Praxède et Pudentienne. Cette supposition n’est pas nécessaire ; il suffit pour justifier les données des documents, que les deux saintes aient eu une longue vie, et de fait la mosaïque de l'église les représente sous les traits de personnes assez âgées.

qui est au Vatican, prise à tort par Visconti pour une inscription mithriaque et qui dit :

MAXIMVS HAS OLIM - THERMAS « ^ DIVINAE MENTIS DVCTV CVM - O M^

Elle devait rappeler une restauration faite par Maxime des Thermes déjà tranformés en église sous l’inspiration divine (divinx mentis ductu). Une autre mosaïque représentait saint Pierre assis sur une chaire et enseignant au milieu d’un troupeau d’agneaux : monument qui nous montre dès le ive siècle la tradition locale relative à saint Pierre. J.-B. De Rossi mit en relation avec ces thermes le souvenir de saint Justin, qui, d’après ses actes, habita prope ad balneum cognomento Timo 200. — Mosaïque de l'église Sainte-Pudentienne.

Le titre de Pudens était en relation avec le cimetière de Priscille, sur la via Salaria dont j’ai résumé tout à l’heure les grands souvenirs. Or tout cela s’accorde parfaitement avec la tradition du séjour de l’Apôtre dans la maison qui devint après l'église de SaintePudentienne. Dès le ive siècle cette église était appelée ecclèsia Pudentiana. C’est le nom que Pasqualini, au xvi « siècle, a lu sur une inscription dont il n’a pas noté la provenance. De Rossi, Bull, d’arch. crist., 1867. On le lit aussi sur une autre inscription qui se trouve encore au cimetière de Saint-Hippolyte, et sur la mosaïque même de l’abside : Dominus conservator ecclesix Pudentianœ.

Toutes ces indications sont confirmées par les notes des archéologues du xvie siècle qui ont pu voir l'église avant qu’elle fût gâtée par les restaurations modernes.

Ciæconio nous a laissé un dessin d’une mosaïque de la chapelle de Saint-Pierre qui représentait le Sauveur entre deux personnages, probablement No rat et Timothée, avec l’inscription Maximus fecit cuwi suis. C’est probablement un souvenir de ce Maxime et des Thermes de Novat que nous avons dans une autre inscription

DtCT. DE LA BIBLE.

tinum. Il en tira la conclusion que près des thermes de Novat et du titulus Pudentis on devrait reconnaître un centre d’enseignement chrétien même au II" et au m ? siècle.

On voit qu’il y a quelque chose d’historique dans les légendes relatives à ces titres, tandis qu’il ne faut attribuer aucune valeur aux relations supposées par Bianchini entre Pudens et le centurion Corneille ou à l’histoire de la chaire curule donné par le sénateur Pudens à saint Pierre qu’a imaginée Febeo. D’abord oratoire privé, l'église de Sainte-Pudentienne devint au IVe siècle basilique publique. Le successeur de Damase Sirice, la restaura. Ce lait a de l’importance même par rapport à la tradition de la venue de saint Pierre au vicus patricius et à la via Salaria. On peut penser en effet que Sirice avait un culte spécial pour les souvenirs du cimetière de Priscille, où en effet il fut enterré. L’inscription de son tombeau renferme des allusions à une autre chaire et à une fontaine baptismale ; et l’une et l’autre étaient apparemment dans ce cimetière. Dans cette inscription on dit qu’il mérita d'être reconnu comme pape près d’un très célèbre baptistère, qui était

V. - 28 867

PUDENS

PUITS

très probablement celui auquel on rattachait le souvenir du baptême administré par saint Pierre : Fonte sacro niagnus mentit sedere sacerdos. Pavinio a vu près de l’autel de sainte Pudentienne l’inscription : Satvo Siricio epiçcopo Ecclesiae sanctæ il y avait à la suite : et Icilio Leopardo et Maximo. L’un de ces textes est au musée de Latran, l’autre à Sainte-Pudentienne. La date de cette inscription nous est fournie par "une autre inscription que copia Suarez au temps d’Urbain VIII. Cette restauration eut donc lieu entre 387 et 398. Elle est par conséquent contemporaine d’autres travaux et exécutée prés du vicus Patricius, par les mêmes prêtres et par l’autorité publique. En effet on a retrouvé en 1850 cette inscription qui est maintenant au musée de Latran.

OMNIA QVAE VIDENTUR

A NE.NOfUA SANCTl MAR

Tms ppo.m x/sqx/e hvc

SVRGERE TECTA 1L1CIVS

PRESB SUMPTV PROPRIO FECIT

Or l’église de Saint-Hippolyte se trouve précisément sur le vicus Patricius. On l’appelle Saint Hippolyte in fonte, parce que, suivant une tradition, ce serait la .maison du geôlier de saint Laurent converti et baptisé tpar le saint diacre. Il s’agit dans l’inscription d’un portique construit par ce prêtre Icilius. D’autre part on a trouvé près de Sainte-Pudentienne une inscription rappelant des travaux d’embellissement ordonnés par FI. Valerius Messala, préfet de Rome, à la fin du IVe siècle. Corsini, Séries prœfectoium urbis, p. 304.

La reconstruction de l’ancienne église de Pudens, commencée par le pape Sirice fut achevée par le pape Innocent I er au commencement du Ve siècle, et en effet l’Panvinio put voir dans l’abside un fragment de l’inîscription commémoralive SALVO-INNOCENTIO (episcopo). D’autres restaurations suivirent pendant le moyen âge jusqu’à la dernière du cardinal Gætani, à la fin du xvi « siècle qui changea l’ancienne forme de l’édifice et qui détruisit aussi en partie la belle mosaïque. Cette , mosaïque (6g. 200) est la plus importante des mosaïques basilicales romaines, et elle appartient, comme on a dit, à l’époque du pape Sirice. Le Sauveur assis occupe le centre de la composition ; de la main droite il semble

! bénir, de la gauche il tient un livre ouvert sur lequel

sont tracés les mots DOMINVS CONSERVATOR ECCLESI/E PVDENTIAN/E. Et cette manière dédire est très importante, et montre l’antiquité du monument ; caràune époque postérieur&on aurait dit « église de Sainte-Pudentienne », tandis que « église Pudentienne » est une dénomination primitive et qui signifie l’église bâtie dans la maison de Pudens.

A côté du Sauveur étaient les douze Apôtres (maintenant on n’en voit que dix) et au-dessous de Saint Pierre et de saint Paul il y avait leurs noms. Derrière les deux chefs des apôtres, on voit deux femmes qui présentent au Christ leurs couronnes, probablement sainte Praxéde et sainte Pudentienne. Derrière la série des Apôtres on voit un édifice formé d’un portique et, au-dessus, une colline avec d’autres monuments, et au milieu une grande croix gemmée. Parmi les différentes explications qu’on a données de cette [scène, la plus vraisemblable est qu’elle représente une reproduction des monuments locaux ; c’est-à-dire de la maison même de Pudens et du portique qui flanquait le vicus Patricius. Au-dessus on aurait représenté le Viminal avec ses édifices, et enfin la croix pour indiquer le triomphe définitif du christianisme sur l’idolâtrie.

En 1895 on fit des fouilles dans les souterrains de Sainte-Pudentienne et on retrouva des ruines imposantes des thermes de Novat et de l’ancienne maison de Pudens qu’on peut encore visiter et qui montre la grande importance de cet édifice. Ce groupe monu mental a été dernièrement en grand danger d’être détruit à cause de la construction d’une nouvelle rue de la Rome moderne, la « via Balbo », qui devait passer derrière l’église de Sainte-Pudentienne. Mais la Commission d’archéologie qui veille sur les grands souvenirs de la ville éternelle a réussi à empêcher ce vandalisme qui aurait été une honte ineffaçable. Cette menace de destruction a même amené à faire de nouvelles études sur cet ensemble imposant de monuments et à étudier la manière de le rendre mieux visible au public étant resté jusqu’à présent en grande partie caché à l’intérieur du monastère de religieuses qui habitent là. De cette manière, quand les travaux proposés par la Commission archéologique seront terminés, on pourra voir dans toute sa magnificence ce vénérable édifice de l’ancienne maison de Pudens, qui peut être considéré comme le pendant du cimetière de Priscille. En effet dans cette maison urbaine et dans ce cimetière suburbain se conserve le grand souvenir de la première prédication apostolique dans la ville des Césars.

H. MaRUCCHI..

    1. PUITS##

PUITS (hébreu : bëêr, bayîr ; Septante : çpsap ; Vulgate : puteus), excavation creusée dans le sol jusqu’à une profondeur où l’eau puisse se trouveW/ig.’20’l.l.

201. — Un des puits de Bersabée, avec ses auges. D’après H. van Lennep, Bible Lands, laiô, p. 47.

1° Pùils mentionnés dans la Bible. — 1. Les puits sont en Orient, surtout dans le désert sans cours d’eau et sans sources, d’une nécessité extrême. Sans eux, il serait impossible d’abreuver les troupeaux et de désaltérer les hommes, et la vie nomade et pastorale serait impossible dans beaucoup de régions. Aussi, dans la Genèse en particulier, est-il souvent question de puits comme de propriétés importantes. 1. Le premier puits dont il soit parlé est celui qu’Agar aperçoit dans le désert ; elle y va, remplit son outre et désaltère son fils Ismaël. Gen., xxi, 19. — 2. En Mésopotamie, le serviteur d’Abraham, Éliézer, s’arrête avec sa caravane non loin de la ville de Nachor, auprès d’un puits. Rébecca puise de l’eau du puits et abreuve les chameaux d’Éliézer, qui, à ce signe, reconnaît la future épouse d’Isaac. Gen., xxiv, 11, 20. À son arrivée en Chanaaa, Rébecca rencontra lsaac non loin du puits de Lafjtay rô’î, « le vivant me voit », ainsi nommé jadis par Agar quand, maltraitée par Sara, elle avait fui au désert et y avait entendu la voix de Jéhovah lui annonçant les

destinées d’Ismaël. Gen., xvii, 14 ; xxiv, 62. — 3. Dans là vallée de Gérare ! à la frontière sud-auest de la Palestine, voir t. iii, col. 197, les serviteurs d’Abraham avaient jadis creusé des puits que les Philistins, tout voisins de là, comblèrent ensuite. En s’établissant à son tour dans cette vallée, Isaac fit creuser les puits à nouveau et leur rendit les noms assignés par son père. Quand on eut trouvé l’eau vive dans le premier puits, les bergers de Gérare s’en prétendirent les maîtres, d’où dispute avec les bergers d’Isaac. Alors celui-ci appela le puits’êèéq, <i dispute », àoiy.ioe, « injustice », calumnia, « calomnie ». Un second puits donna lieu à des rixes, d’où son nom de silnâh, t hostilité », è^8pi’a, inimiciiix. Autour du troisième puits, le calme régna, d’où le nom de rehobôt, « latitude », eùp-jywpi’a, latitude). De là, Isaac remonta jusqu’à Bersabée, be’iir Sâba’, « puits du serment ». Gen., xxvi, 15-24. Voir Bersabée, t. i, col. 1629. — 4. Lorsque Jacob s’en alla en Mésopotamie, il arriva à un puits autour duquel étaient réunis des troupeaux qu’on abreuvait. Voir t. iii, fig. 195, col. 1065-1066. Les troupeaux se rassemblaient autour des puits en Orient. On fermait ces puits à l’aide d’une pierre qu’on était quand on voulait puiser l’eau. Gen., xxix, 2, 3. — 5. Moïse, fuyant l’Egypte, arriva au pays de Madian et s’assit près d’un puits. Là vinrent bientôt les filles d’un prêtre pour abreuver leur troupeau ; des bergers arrivèrent à leur tour et chassèrent les jeunes filles ; mais Moïse protégea ces dernières et abreuva lui-même leur troupeau. Exod., ii, 16, 17. Des scènes de violence se passaient donc quelquefois auprès des puits ; les plus forts voulaient se servir les premiers ou accaparer l’eau à leur profit. — 6. A l’une des dernières stations du désert, les Israélites s’arrêtèrent à Béer, « le puits ». Num., xxi, 16-18. Voir Béer, t. i, col. 1548. Ce puits est probablement le même que Béer-Élim, « puits des héros » ou « des térébinthes », mentionné par Isaïe, xv, 8. Voir Béer-Elim, t. i, col. 1548. Au désert du Sinaï, les Israélites avaient dû rencontrer un certain nombre de puits. « Une vallée du Sinaï est appelée el-Biyar, « les puits », à cause des trois ou quatre puits profonds, mais vaseux, qui existent en ce lieu. C’étaient les premiers que nous rencontrions d’une forme semblable à celle qui est si commune en Palestine. Un certain nombre de grandes auges de pierre les entourent ; elles sont destinées à abreuver les troupeaux. L’orifice des puits est fermé par une grande pierre qu’on roule, quand on en a besoin, exactement de la façon décrite dans la Genèse… Vis-à-vis du douar (de l’ouadi Beiran) sont deux puits profonds, solidement bâtis en maçonnerie, et entourés d’auges pour abreuver les troupeaux ; l’un d’eux est à sec, l’autre contient encore une eau excellente ; il a environ sept mètres cinquante de profondeur. Outre ces auges, il y a des canaux circulaires, garantis tout autour par des pierres et destinés à servir d’abr, euvoirs au bétail. On voyait toujours là un homme qui, dans le costume de nos premiers parents, était occupé à tirer de l’eau pour les chameaux venant boire par centaines ; quand les chameaux avaient fini, les troupeaux arrivaient ; c’était un spectacle. curieux de voir les brebis et les boucs s’avançantehapun à leur tour ; un certain nombre de chèvres venaient d’abord, puis cédaient la place à. un certain nombre de brebis, et ainsi de suite, jusqu’à ce que tout le troupeau eût fini. » E. H. Palmer, The désert of the Exodus, Cambridge, 1871, t. ii, p. 319-320, 362. Cf. Vigouroux, La Bible et les découvertes modernes, 6e édit., t. ii, p.570571. — 7. Quand les Israélites voulurent passer à travers le territoire d’Édom, et, un peu plus tard, à travers celui des AmorrJiéens, , ils offrirent de ae pas boire l’eau des puits. Num., xx, 17 ; xxi, 22. Les puits, en effet, étaient considérés comme une propriété particulière, que l’étranger devait respecter. On pouvait

raindre aussi qu’ils fussent épuisés si une grande multitude en faisait usage. L’engagement que prirent les Israélites se bornait sans doute à ne pas se servir des puits sans la permission des maîtres et sans les indemniser. On leur refusa cependant le passage. Pour garder la jouissance de leurs puits dans le désert, les Bédouins souvent les récouvrent d’une pierre et ensuite de terre, afin que personne n’en puisse reconnaître la présence. Ils ne les retrouvent eux-mêmes qu’à l’aide de certains signes. —8. Jonathas et Achimaas, pour échapper aux poursuites d’Absalom, se réfugièrent à Bahurim, chez un homme qui avait un puits dans sa cour. Ils y descendirent, puis la femme de l’hôte étendit une couverture sur l’ouverture du puits et répandit dessus du grain pilé, comme pour le faire, sécher au soleil. Quand les envoyés d’Absalom arrivèrent, ils ne se doutèrent de rien et allèrent chercher ailleurs les fugitifs. II Reg., xvii, 17-19. Le texte parle ici, non d’une citerne, mais d’un puits, be’ër, que les Septante appellent un bassin, Xix-xoç. Il faut d’ailleurs supposer que le puits était desséché ou disposé dételle sorte à l’intérieur que deux hommes pouvaient y trouver refuge. — 9. Il est raconté qu’au moment de partir en

i 202. — Orifice d’un puits en Orient.

D’après une photographie.

captivité, des hommes pieux prirent le feu sacré dé l’autel et le cachèrent dans le creux d’un puits desséché qui ensuite demeura inconnu. Après bien des années, Néhémie le fit rechercher par les descendants de ceux qui avaient caché le feu. On ne trouva dans le puits qu’une eau épaisse, dont on aspergea le bois mis sur l’autel. Alors ce bois s’enflamma spontanément.’II Mach., i, 19-22. — 10. Notre-Seigneur s’arrêta un jour, près de Sichar, au puits de Jacob et y convertit la Samaritaine. Le puits était profond ; il fallait une corde et des ustensiles pour y pouvoir puiser. Joa., iv. 5-11.’Voir, Jacob (Puits de), t. iii, col. 1075. — Un assez grand nombre de localités de Palestine ont un nom dans la composition duquel entre le mot Bir, indiquant la présence d’un puits.’2° Remarques sur les puits. — 1. Les puits étaient ordinairement maçonnés et pourvus d’un escalier’de pierre pour descendre jusqu’à l’eau, quand ils n’étaient pas trop profonds. Gen., xxiv, 16. On couvrait l’ouverture d’une large pierre, pour éviter les accidents, parce que l’orifice se trouvait ordinairement à ras de terre (fig. 202). Exod., xxi, 33. Josèphe, Ant. jud., IV K vm, 37, dit qu’on devait les entourer de sortes de toits servant de murs pour empêcher les animaux d’y tomber. Dans les jours qui précédaient les trois gràndesfètes, on ôtait les pierres de l’orifice des puits, afin d’en laisser la libre disposition aux pèlerins^ Voir Pèlerinages, col. 24. En dépit des précautions prises,

un âne ou un bœuf tombaient de temps à autre dans un puits et l’on s’empressait de les en retirer, même le jour du sabbat. Luc, xv, 5. Les puits dans lesquels pouvaient tomber de si gros animaux devaient avoir une certaine largeur, ce qui explique pourquoi ils n'étaient pas recouverts d’une pierre. Le bois était trop rare pour qu’on l’employât communément à couvrir les puits. — 2. On puisait l’eau à l’aide d’ustensiles divers, cruches, seaux, etc. Gen., xxiv, 20 ; Num., xxiv, 7 ; Joa., iv, 11. Il fallait évidemment des cordes quand le puits était profond ; il est probable même que l’on utilisait les poulies. Quand l’eau ne se trouvait qu'à deux ou trois mètres, on se servait vraisemblablement du schadouf, encore en usage dans l’Egypte moderne. Voir t. ii, fig. 532, col. 1609. — 3. Pour exhorter l’homme à se contenter des joies de la famille et à ne pas aller chercher ailleurs des jouissances coupables, l’auteur des Proverbes, v, 15, lui dit : « Bois l’eau de ta citerne et les ruisseaux qui sortent de ton puits. » Il compare ailleurs la femme de mauvaise vie à un puits profond et étroit. Prov., xxiii, 27. D’un pareil puits, il est difficile de tirer de l’eau et les cruches se brisent aisément contre les parois.

3° Autres espèces de puits. — 1. Il y avait dans la vallée de Siddim des puits de bitume, c’est-à-dire des excavations au fond desquelles se trouvait du bitume à l'état liquide. Au moment de la catastrophe de Sodome et de Gomorrhe, plusieurs des fugitifs tombèrent dans ces puits et y périrent. Gen., xiv, 10. Voir Bitume, 1. 1, col. 1802. — 2. Dans deux Psaumes, lvi (lv), 24 ; lxix (lxviii), 16, il est question d’un be'èr sahaf, « puits de perdition », dans lequel le suppliant ne voudrait pas tomber. Ce puits est le tombeau. Peut-être l’auteur sacré fait-il allusion à un genre de tombes fréquentes en Egypte. « Ainsi sont disposées les tombes de l’ancienne Egypte : un puits carré, creusé profondément dans le sol, et au fond de ce puits des chambres sépulcrales, à jamais closes quand elles ont reçu leur dépôt funèbre : tel est l’arrangement général… Le plus souvent le puits est comblé, le terrain nivelé tout autour ; rien n’annonce aux vivants la demeure des morts… C’est dans des puits semblables qu’on a découveet à Saïda, en 1887, la momie du roi de Sidon Tabnite, et les splendides sarcophages pour lesquels le sultan fait construire une nouvelle salle dans son musée de Constantinople. On rencontre également en Palestine quelques-uns de ces puits à tombeaux, moins profonds que ceux de l’Egypte. » Jullien, L’Egypte, Lille, 1891, p. 275, 276. À ces puits ressemblent assez les tombes de famille qui s’enfoncent verticalement dans le sol de nos cimetières de grandes villes. Pour descendre les sarcophages dans ces profondeurs sans les endommager, voici comment procédaient les anciens. Ils commençaient par remplir de sable toute la cavité et amenaient à l’orifice le monument à descendre. Puis, le sable retiré latéralement petit à petit, grâce à sa fluidité, abaissait peu à peu son niveau et le sarcophage s’enfonçait sans heurts jusqu'à ce qu’il eût atteint je sol définitif. Le psalmiste compare vraisemblablement à ces puits le séjour des morts d’où l’on ne revient pas. — 3. Dans une de ses visions, saint Jean parle d’une étoile tombée du ciel sur terre, c’est-à-dire d’un ange auquel on donne la clef du puits de l’abîme. Cet abîme est, sans doute, le séjour des démons, figuré comme communiquant avec la terre par un puits fermé à clef. Voir Abîme, t. i, col. 53. Du puits ouvert s'élève une fumée épaisse et de cette fumée s'échappent des sauterelles, figures des maux que Satan aura la permission de déchaîner sur la terre. Apoc, ix, 1-3.

H. Lesêtre.

PUK, mot hébreu, ^s, qui désigne la poudre avec laquelle on se peint les yeux en Orient. Voir Antimoine, I. I, col. 670. Dans deux passages de l'écriture, Is.,

Liv, 11, et I Par., xxix, 2, pûk a une autre signification qu’il est difficile de préciser et sur laquelle les plus anciens traducteurs eux-mêmes ne sont pas bien renseignés. — 1° lsaïe, s’adressant à Jérusalem, lui dit, liv, 11 :

Malheureuse, battue de la tempête, sans consolation, Voici que je poserai tes pierres dans le pûk….

Saint Jérôme a traduit pûk par per ordinem, « avec ordre », les Septante, par âvBpaxoe, « escarboucle », « je prépare pour toi des escarboucles au lieu de pierres. » Ils semblent avoir lu-si, nôjéft, « escarboucle », au lieu de "]is, puk. Dans son commentaire sur lsaïe, liv, 11, saint Jérôme, t. xxiv, col. 521, dit : Ubi nos diximus : Sternam per ordinem lapides tuos, in Hebraico scriptum est baphphuch, quod omnes prxter Septuaginta similiter transtulerunt ; Sternam in stibio lapides tuos. In similitudinem compta mulieris, quee oculos pingit stibio, ut pulchritudinem significet civitatis. Les modernes acceptent au fond cette explication et traduisent : « Je cimenterai tes pierres avec de l’antimoine. » J. Knabenbauer, Comment, in ls., t. ii, p. 345.

2° Dans I Par., xxix, 2, David dit qu’il a rassemblé pour la construction du temple de Jérusalem de l’or, de l’argent, de l’airain, du fer, du bois, « des pierres d’onyx, des pierres à enchâsser, des pierres de pûk, des pierres de diverses couleurs, et toute espèce de pierres précieuses et des pierres de marbre blanc en abondance. » Le mot pûk désigne donc une pierre dans ce passage. La Vulgate a traduit par lapides quasi stibïnos, c’est-à-dire par « des pierres semblables à. l’antimoine » ; les Septante n’ont pas rendu le mot. Les modernes entendent par là des pierres de prix et d’ornement, mais sans pouvoir en préciser la nature. Videntur, dit Gesenius, Thésaurus, p. 1094, lapides pretiosiores… parietibus vestiendis et quasi fucandis vel pavimentis faciendis adhibendi.

F. Vigouroux.

1. PUPILLE (hébreu : 'îSôn, bâbâh, 'ayin ; Septante : xôdyj ; Vulgate : pupilla), ouverture ronde située dans l'œil au milieu de la membrane de l’iris et par laquelle passent les rayons lumineux qui vont impressionner la rétine. Comme l’intérieur du globe de l'œil est obscur, la pupille forme comme un petit miroir dans lequel se reflètent en forme très réduite les images extérieures^ De là le nom de la pupille dans beaucoup de langues, particulièrement en hébreu, 'îsôn, « petit homme », de 'îs, « homme », en grec, xop-rç, « jeune fille », en latin pupilla, diminutif de papa, « petite fille ». Zacharie, h, 8, appelle la pupille bâbàh 'ayin, « porte de l'œil », parcequ’elle est l’ouverture par laquelle entre l’image des objets. — La pupille est chose très précieuse, puisque l'œil et la vue dépendent d’elle ; aussi figure-telle ce que l’on tient beaucoup à conserver. Dieu a gardé Israël comme la pupille de son œil, Deut., xxxii, 10 ; il déclare que toucher à Sion, c’est toucher à la pupille de son œil, Zach., ii, 8 ; il garde comme la pupille de son œil les œuvres de bien de l’homme charitable, Eccli., xvii, 18, et son serviteur lui demande de le protéger « comme la pupille, fille de l'œil. *> Ps. xvii (xvi), 8. Le sage recommande qu’on garde ses enseignements comme la pupille de l'œil. Prov., vii, 2. — La pupille est prise pour l'œil lui-même, qui verse des larmes. Lam., ii, 18. — Comme la pupille est au milieu de l'œil, le mot 'ïéôn est quelquefois employé pour désigner le milieu de la nuit, Prov., vii, 9, ou des ténèbres. Prov., xx, 20.

H. Lesêtre.

2. PUPILLE, orphelin confié à la garde d’tn tuteur. Voir Orphelin, t. iv, col. 1897.

    1. PURETÉ##

PURETÉ (hébreu : bôr, tdhôr, tohôrâh, niqqâyôn ; Septante : à-(vi{a, -/.aflaptôri) ;  ; Vulgate : munditia, pu

ritas), absence de souillure. Dans le Nouveau Testament, il n’est tenucompte que de. la pureté morale, qui consiste dans l’absence de péché ; dans l’Ancien, on se préocupe aussi de la pureté légale, qui consiste à éviter certaines souillures extérieures prévues par la Loi.

I. Pureté légale. — On est en état de pureté légale quand on est exempt de tout contact avec les choses ou les personnes que la Loi désigne comme impures. Voir Impuretés légales, t. iii, col. 857. Les règles de pureté légale sont consignées dans le Lévitique, xi-xv, et les Nombres, V, 1-4 ; xix. Les docteurs juifs les ont longuement développées dans les douze traités du sixième ordre de la Miscbna. Voir Mischna, t. Iv, col. 1121. Les prêtres étaient chargés de faire le discernement entre ce qui était pur et ce qui ne l’était pas. Lev., x, 10 ; xi, 47 ; Ezech., xxii, 26 ; xliv, 23. La pureté légale était absolument requise pour toute participation aux choses saintes. Lev., vii, 21 ; I R’eg., xxi, 4 ;

I Esd., vi, 20, etc. On sait comment les pharisiens exagérèrent le souci de la pureté légale, au point de négliger à cause d’elle la pureté morale, ainsi que Notre-Seigneur le leur reproche. Matth., xv, 2, 3 ; xxiii, 25, 26 ; Marc, vii, 2-9 ; Luc, xi, 39-41. Saint Pierre se défend lui-même de prendre des aliments déclarés impurs par la Loi, et il faut que le Seigneur lui signifie qu’il ne doit plus tenir compte de cette prescription mosaïque. Act., x, 14-16. La loi nouvelle en effet mettait fin à toutes les dispositions spéciales à la loi ancienne. A partir de la rédemption, « tout est pur, pour ceux qui sont purs, » c’est-à-dire que la pureté morale importe seule. Tit., i, 15. L’homme n’est pas souillé par ce qu’il mange, mais par le niai qu’il commet. Matth., xv, 17-20. Bien que les choses extérieures devinssent toutes pures, il fallait cependant apporter certains tempéraments à leur usage, en faveur de ceux qui attachaient encore quelque importance aux anciennes prescriptions. Rom., xv, 20. Pour retrouver la pureté légale perdue à la suite de quelque infraction volontaire ou involontaire, il fallait se purifier. Voir Purification.

II. Pureté morale. — 1° Les prescriptions légales concernant la pureté n’avaient pas d’autre but que de figurer et de favoriser la pureté morale. Dieu le signifie à son peuple au début même de la législation sur la pureté légale : « Vous vous sanctifierez et vous serez saints, car je suis saint. » Lev., xi, 44, 45. Or il est bien certain que la sainteté de Jéhovah, proposée aux Hébreux comme raison nécessaire delà leur, comportait tout autre chose qu’une pureté légale et extérieure. C’est d’ailleurs ce qui ressort de toutes les exhortations de Moïse et des prophètes à fuir le péché ou à s’en purifier par la pénitence. — 2° Avoir les mains pures, c’est être exempt de faute grave et de mauvaises intentions. Gen., xx, 5 ; Job, ix, 30 ; xvii, 9 ; xxii, 30 ;

II Reg., xxii, 21, 25 ; Ps. xviii (xvii), 21, 25. Quand on prie, il faut avoir les mains pures, si l’on veut être écouté de Dieu. Job, xvi, 18 ; ITim., ii, 8. Celui-là seul qui a les mains et le cœur purs arrive à la montagne de Dieu, à son Temple. Ps. xxiv (xxm), 4. — 3° Dieu étant la sainteté par essence, « un mortel sera-t-il pur devant son Créateur ? » Job, iv, 17. « Les cieux ne sont pas purs devant lui, i> Job, xv, 15, « les étoiles ne sont pas pures à ses yeux, » Job, xxv, 5, « comment le fils de la femme serait-il pur ? » job, xxv, 4. s Qui peut tirer le pur de l’impur ? ?> Job, xiv, 4. L’auteur de Job parle ici de l’imperfection morale inhérente à l’homme, à raison même de sa qualité de créature. Ses paroles se justifient davantage encore si l’on songe à la déchéance originelle dont Adam fut la cause et dont héritent tous les hommes. Les veux de Dieu sont trop purs pour voir le mal et il ne peut contempler l’iniquité, Hab., i, 13, c’est-à-dire qu’il ne peut être indifférent au mal moral.

La sagesse qui émane de lui pénètre toutes lés parties de l’univers à cause de sa pureté, et parce que rien de souillé ne peut tomber sur elle. Sap., vii, 24, 25. Le juste demande à Dieu de créer en lui un cœur pur, Ps. li (l), 12, et il fait ce qui dépend de lui pour le conserver tel. Job, xxxiii, 9 ; Tob., iii, 16. Après la venue du Messie, une offrande pure sera présentée à Dieu du levant au couchant, Mal., 1, 11, dans le sacrifice eucharistique. « Celui qui aime la pureté du cœur, et qui a la grâce sur les lèvres, a le roi pour ami, » Prov., xxii, 11, c’est-à-dire se concilie la faveur des puissants. L’enfant montre déjà par ses inclinations si ses oeuvres seront pures et droites. Prov., xx, 11. Ici^bas, le sort est le même pour celui qui est bon et pur çt pour celui qui est impur, Eccle., IX, 2, parce que les sanctions divines ne s’exercent pas définitivement sur la terre. — 4° Notre-Seigneur proclame bienheureux ceux qui ont le cœur pur, parce qu’ils verront Dieu. Matth., v, 8. Par sa grâce, les Apôtres sont purs, à l’exception du traître. Joa., xiii, 10 ; xv, 3. Saint Paul recommande de garder avec soin le cœur pur, I Tim., i, 5 ; Il Tim., ii, 22, et la conscience pure. I Tim., iii, 9 ; Il Tim., i, 3.

H. Lesêtre.
    1. PURGATOIRE##

PURGATOIRE, lieu d’expiation temporaire, dans lequel les âmes sauvées achèvent de se purifier avant d’être admises au ciel.

I. Chez les anciens peuples. — 1° Les Égyptiens avaient l’idée très nette d’un jugement subi après la mort. Mais, dans leur croyance, l’âme n’arrivait devant ses juges divins qu’après avoir parcouru des régions semées de difficultés et de périls. Elle faisait alors sa confession négative, par laquelle elle se dégageait de toute espèce de faute ; puis elle était admise à continuer dans le séjour bienheureux ses occupations de la terre, ou mieux à revenir dans les lieux qu’elle avait habités pour s’y intéresser perpétuellement aux choses qui lui plaisaient. Cf. Maspero, Histoire ancienne des peuples de l’Orient, t. i, 1895, p. 182-199. Les épreuves subies par l’âme avant sa comparution devant les juges ne représentent que très imparfaitement et de fort loin l’idée d’expiation. D’ailleurs elles précèdent le jugement et n’ont aucune relation avec les fautes commises. — 2° Chez les Babyloniens, on apportait des offrandes au corps du défunt afin que l’âme eût de quoi subsister sans venir tourmenter les vivants. Puis l’âme passait dans une région ténébreuse-, l’Aralou, sous la puissance de la déesse des enfers, Allât, qui livrait à des supplices épouvantables les âmes qui n’avaient pas fait preuve de piété envers les dieux et envers elle, et, laissait les autres mener une existence morne et sans joie. On n’était libéré de ce séjour que par exception, sur l’ordre des dieux d’en haut. Les Babyloniens n’en gardaient pas moins l’idée d’une résurrection des morts. Cf. Maspero, Histoire ancienne, t. i, p. 684-692 ; Lagrange, Etudes sur les religions sémitiques, Paris, 1905, p. 337-341. Un bas-relief en bronze (fig. 203), publié par Clermont-Ganneau, Revue archéologique, 1879, t. xxxviii, p. 337-349 et pi. xxv, représente la prise de possession de l’âme parla déesse des enfers. Au sommet se voit la tête de Nergal, au-dessous duquel les dieux suprêmes sont figurés par des astres ou des symboles. Au-dessous sont rangés des démons protecteurs, Shàrgés d’écarter les mauvais esprits qui tenteraient de s’emparer du corps. Le mort est couché sur son lit funèbre, les bras levés comme pour une dernière prière. Éa, le dieu poisson, a deux représentants près de lui. Au registre inférieur, Allât, avec deux lionceaux aux mamelles, est à demi-agenouillée sur un cheval porté par une barque. Elle vient chercher l’âme, qui ne manquera de rien, grâce aux offrandes placées à gauche du défunt et à droite de la déesse. Dans cette conception chaldéenne, il n’y a pas de place pour un purgatoire. — 3° Dans le système religieux des Perses, au moins â

partir du ixe siècle av. J.-C, l’âme demeurait trois jours auprès du corps, après la mort, puis, suivant la valeur morale de ses actions, passait à travers des contrées agréables ou horribles pour aller subir son jugement. Au sortir du tribunal, l’âme arrivait au pont Schinvât, qui passe par-dessus l’enfer et mène au paradis ; condamnée, elle culbutait dans l’abîme ; pure, elle parvenaitTaisément au séjour de la divinité. Cf. Maspero, Histoire ancienne, t. iii, p. 589, 590. Entre cet enfer et ce ciel existait pourtant un état intermédiaire, appelé Hamêstakdn. VAvesla postérieur ignore cet état. L’enfer purifiait les coupables, de sorte qu’à la fih tous étaient

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203. — Allât, déesse des enfers.

D’après la Bévue archéologique, 1879, t. xxxviii, pi. 25.

sauvés et participaient à la résurrection. « Ainsi, jugement particulier, jugement’général, paradis, enfer et purgatoire, résurrection des corps, toute cette eschatologie est assez semblable à celle du christianisme, hormis le pardon de tous. » Lagrange, La religion des Perses, Paris, 1904, p. 30. Mais, dans cette doctrine, l’état intermédiaire n’est pas très déterminé et l’enfer a le caractère d’un véritable purgatoire ; déplus, la date de ces idées ne peut guère être fixée.

IL Dans l’Ancien Testament. — 1° On a cru quelquefois qu’il était question de sacrifices pour les morts dans ce passage de Tobie, iv, 18 : « Fais servir ton pain et ton vin à la sépulture des justes. » Mais il ne s’agit ici que des repas funèbres par lesquels on célébrait la mémoire des morts. Cf. Jer., xvi, 7.

2° Le seul texte qui implique l’idée de purgatoire est celui de II Mach., xii, 43-46. Après une bataille gagnée sur Gorgias, Judas Machabée s’aperçut que ceux de ses soldats qui gisaient sur le sol portaient sous leurs tuniques des objets idolâlriques provenant du pillage de

Jamnia. Ces objets étant essentiellement impurs aux yeux de la Loi, il y avait eu faute à les garder. Judas vit un châtiment providentiel dans la mort de ses soldats. « Puis, ayant fait une collecte, où il recueillit la somme de deux mille drachmes, il l’envoya à Jérusalem pour être employée à un sacrifice expiatoire. Belle et noble action inspirée par la pensée de la résurrection ! Car, s’il n’avait pas cru que les soldats tués dans la bataille dussent ressusciter, c’eût été chose difficile et vaina de prier pour des morts. Il considérait en outre qu’une très belle récompense est réservée à ceux qui s’endorment dans la piété, et c’est là une pensée sainte et pieuse. Voilà pourquoi il fit ce sacrifice expiatoire pour les morts, afin qu’ils fussent délivrés de leurs péchés. » La Vulgate traduit un peu différemment la dernière phrase : « C’est donc une sainte et salutaire pensée que de prier pour les morts, afin qu’ils soient délivrés de leurs péchés. » Dans le fond, l’idée exprimée est la même. Ce texte se lit dans toutes les versions et dans tous les plus anciens manuscrits. C’est donc sans raison qu’on a prétendu qu’il avait été ajouté. Voici ce qui ressort de ce passage. Les soldats avaient commis une faute, mais cette faute n’était pas mortelle, puisque l’auteur sacré suppose qu’elle pouvait être remise après la mort ; ou bien, si elle était mortelle, on est en droit de croire que les coupables s’étaient repentis avant de mourir, comme l’avaient, fait jadis beaucoup de ceux que le déluge avait engloutis. I Pet., iii, 19, 20. Ces soldats devaient ressusciter un jour, autrement la prière pour les morts serait vaine. Ressuscites, ils auraient part à la récompense réservée à ceux qui s’endorment dans le Seigneur. Mais auparavant, il fallait qu’ils fussent libérés de leurs péchés, et c’est ce résultat que procurait le sacrifice expiatoire offert à Jérusalem. Les âmes de ces défunts n’étaient donc pas en enfer, où il n’y a point de rémission ; elles n’étaient pas au ciel, encore fermé, et dans lequel elles ne seraient d’ailleurs pas entrées à cause de leurs péchés. Il fallait que ces péchés fussent expiés pour qu’elles pussent prétendre à la récompense. La situation dans laquelle ces âmes se trouvaient est précisément celle que nous appelons le purgatoire, lieu où les âmes se purifient dans la souffrance, mais où elles sont aidées dans leur purification par les prières et les sacrifices des vivants. C’est un homme très attaché à la religion et aux traditions de ses pères, Judas Machabée, qui prend l’initiative de la collecte et du sacrifice. Nullement surpris de la proposition, ses compagnons lui répondent généreusement. Le texte ne dit pas comment on prit la chose à Jérusalem ; mais il faut penser qu’elle ne pouvait élonner personne, puisque Judas envoie la collecte sans autre justification que sa demande même. Enfin, l’auteur inspiré raconte le fait avec une visible insistance, en accompagnant le récit de réflexions destinées à bien inculquer la légitimité de la croyance et de la pratique.

3° On peut se demander comment Cette croyance et cette pratique apparaissent tout d’un coup dans le texte sacré, sans que rien semble les préparer dans les livres antérieurs. Il faut observer tout d’abord qu’entre Esdras et Judas Machabée, il s’est écoulé une période d’environ trois siècles, durant laquelle un silence à peu près complet enveloppe l’histoire des Juifs. Au cours de ces longues années, bien des points de doctrine se sont éclaircis, qui auparavant étaient demeurés dans une ombre plus ou moins profonde. Telle, par exemple, la doctrine de la vie future si fortement exposée dans le livre de la Sagesse, n-v. Il a dû en être de même pour la doctrine du purgatoire et de la prière pour les morts. Peu à peu, à l’heure marquée par la Providence, elle s’est dégagée pour se manifester au grand jour quand l’occasion en devint propice. On voit bien, d’après le texte des Machabées, que cette doctrine est entrée dans

la croyance des Juifs pieux, mais qu’elle a encore besoin d’être affirmée. Elle devait, en effet, se heurter à une-vive opposition des sectaires sadducéens qui ne croyaient pas à la vie future, et même rencontrer quelques hésitations chez ceux qui n’aimaient pas les innovations et prétendaient s’en tenir à la Loi et aux prophètes. On pourrait être tenté d’attribuer à l’influence des idées perses l’introduction en Israël de la croyance au purgatoire et à l’utilité de la prière pour les morts. Mais les doctrines de l’Avesta, tout en présentant certaines analogies avec celles que formule l’auteur des Machabées, sont par trop indécises, et, sur des points importants, trop différentes de ces dernières, pour qu’une influence directe et efficace puisse être admise. Cf. de Broglie, Cours de l’histoire des cultes non chrétiens, Paris, 1881, p. 41, 42. Ce qu’on peut croire plus légitimement, c’est qu’au contact de la religion iranienne, la doctrine juive s’est développée en vertu de sa propre force interne et dans le sens voulu de Dieu. L’obscurité qui enveloppe toute une période de l’histoire juive ne permet pas de suivre avec plus de précision le travail religieux accompli durant ce temps.

4° Les livres juifs, même assez postérieurs à la prédication évangélique, ne renferment aucune mention d’un état intermédiaire entre le. ciel et l’enfer. Par la suite, les Juifs assignèrent comme séjour aux âmes qui n’étaient ni justes ni impies la géhenne supérieure, comprenant les six régions les plus élevées de l’enfer-Les âmes s’y purifiaient pendant douze mois dans la souffrance, avant d’être admises parmi les justes. Un fils devait prier pour son père défunt tous les jours pendant onze mois, et à chaque sabbat toute l’assem Slée récitait une prière solennelle appelée « souvenir es âmes ». Cf. Iken, Ariliquitates hebraicm, Brème, 1741, p. 614, 615 ; Drach, De l’harmonie entre l’Église et la synagogue, Paris, 1844, 1. 1, p. 16. III. Dans le Nouveau Testament. — 1° Il n’y est pas directement question du purgatoire, mais son existence est clairement supposée par quelques textes. Il est certain tout d’abord qu’après le jugement général, le purgatoire n’existera plus ; le "souverain Juge ne mentionne, en effet, dans sa sentence que l’élernel supplice et la vie éternelle. Matth., xxv, 46. Mais Notre-Seigneur parle aussi d’un péché contre le Saint-Esprit qui ne sera remis ni en ce siècle, èv toC™ rà oîûvi, ni dans le siècle à venir, lv t<j> [liMovxt, c’est-à-dire ni en cette vie ni en l’autre. Dans l’Évangile, le mot aîûv, seecu-Iwn, désigne habituellement la vie présente, Matth., xiii, 22, 39 ; xxiv, 3 ; Marc, lv, 19 ; Luc, xvi, 8 ; xx, 34, etc., et l’expression aîûv epxojiivov^ identique à.aîûv [iéXXov, se rapporte non au temps à venir sur la terre, mais au temps qui suit la mort, celui dans lequel on obtient la vie éternelle. Marc, x, 30 ; Luc, xviii, 30. Il y a donc des péchés qui, n’ayant pas été remis en cette vie, peuvent l’être dans l’autre. À la rigueur, on aurait droit de croire que ces péchés remis dans l’autre vie le sont au moment même du jugement, grâce au repentir du pécheur et à la miséricorde de Dieu, car Notre-Seigneur ne parle d’aucune peine à subir pour obtenir cette rémission. Mais, étant donnée la croyance à l’existence du purgatoire, il paraît plus naturel de penser que ces péchés sont expiés par la peine temporaire, alors que le péché contre le Saint-Esprit n’est pas expié même par la peine éternelle. Aussi, de ce texte, a-t-on généralement conclu à l’expiation subie en purgatoire. Cf. S. Augustin, De civ. Dex, xxt, 24, t. xli, col. 738 ; S. Grégoire, Dial., iv, 39, t. lxxvii, col. 396 ; Bellarmin, De purgatorio, i, 4, etc.

2° Dans un autre endroit, le Sauveur compare le péché à une dette pour laquelle on est mis en prison. Il conseille donc à l’homme de s’entendre avec son .adversaire pendant qu’il est avec lui sur le chemin, c’est-à-dire dérégler ses comptes avec Dieu pendant la

vie présente ; autrement il serait mis en prison, et, conclut le Sauveur, « tu n’en sortiras pas que tu n’aies payé jusqu’à la dernière obole. » Matth., v, 26. On pourrait encore être tenté, à première vue, d’appliquer ce texte au purgatoire, cette prison d’où l’on ne peut sortir avant d’avoir payé sa dette complètement. Mais la généralité des Pères et des commentateurs l’entendent de l’enfer, d’où l’on ne sort jamais parce qu’on n’y peut jamais payer sa dette. Cf. Knabenbauer, Evang. sec. Matth., Paris, 1892, t. i, p. 220. Cependant, observe Jansénius, In Sancl. J. G. Evangel., Louvain, 1699, p. 56, le Sauveur n’affirme pas que la dernière obole ne pourra pas être payée, mais il ne le nie pas non plus. Aussi saint Cyprien, Èpist. x, ad Anton., 20, t. iii, col. 786, entend-il le texte du purgatoire, quand.il met en opposition ceux qui attendent leur pardon et ceux qui sont parvenus à la gloire, ceux qui sont en prison jusqu’à ce qu’ils aient payé la dernière obole et ceux qui ont immédiatement reçu la récompense, ceux qui demeurent longtemps dans le supplice du feu pour s’y purifier de leurs péchés et ceux qui ont tout expié par le martyre. Il est donc possible de voir dans ce, texte une allusion au purgatoire ; mais cette interprétation ne s’impose pas exclusivement et elle n’a pas par conséquent une valeur dogmatique absolue.

3° Saint Paul s’exprime ainsi, en parlant des divers prédicateurs de l’Évangile : « Personne ne peut poser un autre fondement que celui qui est déjà posé, c’est-à-dire Jésus-Christ. Si l’on bâtit sur ce fondement avec de l’or, de l’argent, des pierres précieuses, du bois, du foin, du chaume, l’ouvrage de chacun sera manifesté, car le jour (du Seigneur) le fera connaître, parce qu’il va se révéler dans le feu, et le feu même éprouvera ce qu’est l’ouvrage de chacun. Si l’ouvrage que l’on aura bâti dessus subsiste, on recevra une récompense ; si l’ouvrage de quelqu’un est consumé, il perdra sa récompense ; lui pourtant sera sauvé, mais comme au travers du feu. » I Cor., iii, 11-15. L’ouvrage en question est manifestement celui des prédicateurs qui, sur le fondement qui est Jésus-Christ, érigent une œuvre plus ou moins solide. Le jour du Seigneur est, selon les interprètes, le jour de l’épreuve, le jour de la mort et du jugement porticulier, ou, bien plus probablement, le jour du second avènement du Seigneur et celui, du jugement général. Le jugement divin est ordinairement comparé à une conflagration, à un feu qui éprouve. II Thess., r, 8 ; II Pet., iii, 7. Ce jugement manifestera la valeur de l’œuvre des différents prédicateurs de l’Évangile. Celle-là seule méritera la récompense qui aura été jugée digne par le Seigneur ; tout le reste disparaîtra à la lumière de ce jugement, comme le bois et la paille à la chaleur du feu. Il ne peut s’agir ici du feu du purgatoire, car le purgatoire ne peut être confondu avec le « jour du Seigneur », et ce n’est pas le feu du purgatoire qui éprouve les œuvres des hommes. Mais l’Apôtre, I Cor., iii, 15, ajoute que le prédicateur dont l’œuvre aura été détruite « sera sauvé, oM-^u^xi, comme au travers du feu. » Au moment du jugement général, le prédicateur qui aura fait une œuvre fragile et, à ce titre, aura été condamné, pourra donc cependant être lui-même sauvé, si sa faute n’a pas été sans rémission et si lui-même a passé par le feu. Ce feu représente spécialementle^purgatoire. Par analogie, on conclut que tous les fidèles qui emportent avec eux des dettes rémissibles dans l’autre monde peuvent aussi être sa uvés, « mais comme au travers Au. feu, » c’est-à-dire en passant par les épreuves douloureuses et expiatriees qui constituent le purgatoire. Cf. Cornely, I Epist. ad Cor., Paris, 1890, p. 86-92.

4° Saint Paul prie le Seigneur de faire miséricorde à Onésiphore, qui lui a rendu grand service à Rome et à Éphèse. II Tim., 1, 16-18. Il est probable qu’alors Onésiphore n’était plus de ce monde. La prière faite

pour lui suppose donc qu’il peut en être aidé, et que par conséquent il y a un purgatoire.

5° Le baptême pour les morts, auquel saint Paul fait allusion comme à une pratique à l’usage de certaines personnes, qu’il se gardedu reste d’approuver, I Cor., xv, 29, pourrait du moins attester cette croyance que certaines œuvres accomplies par les vivants sont utiles aux âmes des morts. "Voir Baptême des morts, 1. 1, col. 1441.

Les Pères ne s’appuient que sur les textes précédents, sauf les deux derniers, pour établir la doctrine du purgatoire. Cf. Turmel, Hist. de la théol. positive, Paris, 1904, p. 194, 363, 485. Le concile de Trente se référé en général aux Saintes Écritures, aux Pères et aux conciles, mais sans les citer, pour définir la doctrine du purgatoire. Sess. xxv, 11 ; sess. vi, can. 30 ; sess. xxii, can. 2, 3.

H. Lesêtre.

1. PURIFICATION (hébreu : tôhar, lohorâh, mii'î, tamrûq ; Septante : xaOapmsiôç, y.âûaput ;  ; Vulgate : purificatio, purgatio), enlèvement de l’impureté physique, - légale ou morale.

I. Purification physique. — Le mot mi’s’i, employé une seule fois, Ezech., xvi, 4, désigne la purification du nouveau-né au moyen du bain. Le mot tamrûq se rapporte à.la purification que l’on faisait subir aux jeunes filles avant de les présenter au roi de Perse. £sth., ii, 3. Les versions rendent ce mot par êmuiieia, n. soin », et ad usus necessaria, « ce dont on a besoin ». Sur les différents moyens de purification physique, voir Bain, t. i, col. 1386 ; Lavage, t. iv, col. 130 ; Lavement des pieds, t. iv, col. 132 ; Laver (Se) les mains, t. iv, col. 136.

IL Purification légale. — À chaque cause d’impureté légale correspondait une forme particulière de purification. Voir Impureté légale, t. iii, col. 857. — 1° L’ablution c’est-à-dire l’immersion dans l’eau était une première condition imposée dans toutes les purifications. Voir Lustration, t. iv, col. 423-425. — 2° Outre l’ablution, la purification exigeait en certains cas un sacrifice : o) La femme accouchée, quarante jours après la naissance d’un enfant mâle, et quatrevingts jours après celle d’une fille, devait présenter au Temple un agneau d’un an en holocauste et un jeune pigeon ou une tourterelle en sacrifice expiatoire. Si elle était pauvre, elle remplaçait l’agneau par un pigeon ou une tourterelle. Lev., xii, 1-8. C’est -ée second sacrifice qu’offrit la sainte Vierge pour sa purification. Luc, h, 24. Voir Premier-né, col. 601. — b) Sur la purification du lépreux, voir Lèpre, t. iv, col. 183. — c) Les impuretés de l’homme et de là femme, gonorrhée pour le premier, flux de sang anormal pour la seconde, exigeaient, le huitième jour après la guérison, l’offrande de deux tourterelles ou de deux jeunes pigeons, l’un en holocauste, l’autre en sacrifice expiatoire. Lev., xv, 2, 14, 15, 25, 29, 30. — 3° Les prêtres et les lévites, chargés des purifications du peuple, I Par., xxiii, 28, devaient commencer par se purifier eux-mêmes, quand il était nécessaire, avant de remplir aucune de leurs fonctions. Exod., xix, 22 ; Num., viii, 6-22 ; II Par., v, 11 ; I Esd., vi, 20 ; II Esd., xiii, 22. — 4° Les Israélites se purifiaient aussi quand ils avaient à s’approcher du Seigneur pour accomplir quelque devoir religieux. Gen., xxxv, 2 ; Judith, xvi, 22 ; II Mach., xii, 38 ; Act., xxi, 26. Ces [purifications comportaient des ablutions, Joa., .il, 6, et en plus des sacrifices, selon les cas. La fête annuelle des Expiations avait pour but la purification de tout Israël. Lev., xvi, 30. — 5° Avant de prendre possession du pays de Chanaan, les Israélites eurent ordre de le purifier de tout ce qui se rapportait à l’idolâtrie. Num., xxxiir, 52. Ézécbiel, xxxix, 12, 16, prévoit une purification analogue pour le pays souillé par Gog. À plusieurs reprises, on fut obligé de purifier le Temple, II Par., xxix, 15 ; I Mach., iv, 36 ; II Mach., i, 18, 36 ; x, 7 ; xiv, 36 ; le pays israélite, II Par., xxxiv,

3, les maisons et la citadelle de Jérusalem. 1 Mach., xui, 47, 50. Ces purifications consistaient principalement dans l’enlèvement de tous les objets idolâtriques, II Par., xxix, 16-19, et ensuite, quand il s’agissait du Temple, de sacrifices solennels. — Daniel, viii, 14, avait annoncé qu'à la suite de la domination grecque en Palestine, le Temple serait purifié.

III. Purification morale. — 1° Les prescriptions concernant la purification légale constituaient déjà par elles-mêmes une leçon de purification morale. L'épreuve contribue à cette purification. Prov., xx, 30 ; Dan., xi, 35. On la demande par la prière, Ps. li (l), 4, 9 ; les auteurs sacrés la prescrivent, Eccli., xxxv/ir, 10 ; Is., lu, 11, et les prophètes annoncent qu’elle sera surtout l'œuvre du Messie. Ezech., xxxvi, 25 ; Dan., xii, 10. — 2° Les Apôtres renouvellent les recommandations anciennes. Jacob, iv, 8 ; II Cor., vii, 1, et attribuent cette purification à la rédemption de Jésus-Christ, Eph., v r 26 ; Tit., ii, 14 ; Ileb., ix, 22, 23, appliquée par le

Saint-Esprit. Act., xv, 9.
H. Lesêtre.

2. PURIFICATION DE LA SAINTE VIERGE. — La

Sainte Vierge se soumit à la loi qui prescrivait à la mère de se présenter au Temple le quarantième jour après la naissance de son enfant. Luc, ii, 22-24. Voir Marie, III, ii, t. iv, col. 789 ; Présentation 2, col."610. L'Église célèbre la fête de la Purification le 2 février. Voir Acta sanclorum, februarii t. i, édit. Palmé, 1863, p. 270-276.

    1. PURIM##

PURIM, fête juive. Voir Phurim, col. 338.

    1. PURPUREUS##

PURPUREUS (CODEX). Les 227 feuillets de ce précieux manuscrit se trouvent actuellement dispersés en cinq endroits différents : 2 sont à Vienne, Bibliothèque impériale (n. 2 du catalogue Lambeck) ; 4 à Londres, Musée Britannique, Cotton, Titus C. XXV ; 6 à Rome, Vatican, grec 3875 ; 33 à Patmos, Couvent de Saint-Jean ; 182 à Saint-Pétersbourg, Bibliothèque impériale. — Le Codex Purpureus est en parchemin très fin, teint en pourpre et écrit en lettres d’argent que le temps a noircies. Les noms divins 0Ç, XC, etc. sont en lettres d’or. Les pages (0, 320 x 0, 265) ont deux colonnes de seize lignes. L'écriture, très grosse et très régulière, n’a d’autre ponctuation qu’un simple point en haut et quelques alinéas marqués par une majuscule initiale : il y a très peu d’esprits et pas d’accents. Les caractères paléographiques font dater le manuscrit de la fin du vi{e}} siècle, mais l’aspect général semblerait plus ancien. Le codex Purpureus est désigné en critique par la lettre N ; par le siglee 19 dans la nouvelle notation de von Soden. Il contient des fragments des quatre Évangiles : on en trouvera le détail exact dans Gregory, Textkritik, 1. 1, p. 57-58, ou dans von Soden, Die Schriften des N, T., t. i, p. 120-121. — Les pages du Purpureus conservées à Vienne furent décrites par Lambeck, Comment, de aug. biblioth. Csesar. Tindob., Vienne, t. iii (1776), col. 30-32. Tischendorf, Monumenla sacra inedila, Leipzig, 1846, p. 11-36, publia tout ce qu’on connaissait alors du manuscrit, c’est-à-dire les feuillets de Vienne, de Londres et du Vatican. Duchesne, Archives des missions scientifiques et littéraires, Paris, 1876, 3 me série, t. iii, p. 386-419, a donné une édition des feuillets de Patmos. Enfin Cronin a publié l’ensemble du texte, y compris les feuillets de SaintPétersbourg, Codex Purpureus Petropolilanus ; The text of codex N of the Gospels edited with an introduction and an appendix, Cambridge, 1899, dans Texls and Sludies, t. v, n. 4. C’est l'étude la plus complète sur ce manuscrit. — Voir Scrivener, Introduction, 4° édit. Londres, 1894, t, i, p. 439-141 ; Gregory, Textkritik des N. T., Leipzig, t. i, 1900, p. 56-59 ; von Soden, Die Schriflen des iV. T., Berlin, t. i, 1902, p. 120-121. F. Prat.

    1. PUSEY##

PUSEY (Edward Bouverie), né à Pusey (Berkshire le 22 août 1800, mort à Ascot Priory (Berkshire) le 14 septembre 1882. Il prit ses degrés à Oxford, au Collège Oriel dont il fit bientôt partie en qualité d’agrégé. C’est alors que commença entre lui, Keble et Newman cette intimité faite de profond respect et d’affection qui, quoique sous une forme moins communicalive, survécut à la conversion de Newman. De 1825 à 1827, il étudia dans différentes universités d’Allemagne, surtout le syriaque et l’arabe. Quand il revint en Angleterre, il emportait la conviction attristée que le protestantisme allemand tendait et devait fatalement aboutir au rationalisme, conviction qui le détermina, par réaction sans doute, à se donner davantage à la piété et moins aux recherches exclusivement scientifiques. Suivant les termes de ses biographes anglicans, il reçut le diaconat le 1 er juin 1829, puis, au mois de novembre suivant, fut nommé par le duc de Wellington, alors Premier Ministre, tout à la fois professeur royal d’hébreu et chanoine de Christ-Church, à Oxford. L’influence considérable de Pusey dans l’Église Anglicane tient bien plus à l’autorité de sa personne qu’à ses écrits. C’est de lui que relèvent ce qu’on appelait naguère encore Ritualisme (qu’on nomme aujourd’hui plus communément Haute-Église ou même Église anglo-catholique et qui, au début, porta l’étiquette de Puséysme), et aussi la création de maisons religieuses de femmes qui se sont multipliées depuis, tant en Angleterre qu’en Amérique. Il ne semble point toutefois que la netteté de la vision intellectuelle, la rigueur de la logique, nou plus que la décision du caractère aient égalé la réelle dignité de sa vie ; aussi était-il voué à rencontrer sur sa route de multiples déconvenues, même dans l’Église anglicane, pour ne rien dire de l’échec de ses propositions d’union, en 1869 avec l’Église catholique et en 1874 et 1875 avec l’Église orthodoxe grecque. Les commentaires de Pusey sont ses ouvrages les moins célèbres. Il a publié Daniel the prophet, in-8°, Oxford, 1864, ’pour défendre l’authenticité de sa prophétie ; The Minor Prophels with Commentary, six parties, in-4°, Oxford, 1860-1877. Il avait eu l’intention de publier un Commentaire populaire de la Bible et avait trouvé pour le réaliser des collaborateurs, mais ce projet n’aboutit point. Voir H. P. Liddon, À Life of Edward Bouverie Pusey (commencée par Liddon, continuée par J. 0. Johnston, R. J. Wilson et Newbolt), 4 in-8°, Londres, 1893-1897 ; Pusey, by the author of Charles Loivder, Londres, 1900.

J. Montagne.

    1. PUSTULES##

PUSTULES (hébreu : ’âba’ebiïôf, de la racine ba’ba’, « gonfler s> ; Septante : çXuxtsSsç ; Vulgate : vesicse), petites tumeurs cutanées renfermant du pus. —’Il en est question à propos de la sixième plaie d’Egypte, qui consista dans une « inflammation produisant des pustules. » Dieu ordonna à Moïse et à Aaron de remplir leurs mains de cendre de fournaise et de la jeter vers le ciel sous les yeux du pharaon, de manière que, répandue en fine poussière sur tout le pays, elle produisît sur les hommes et sur les animaux des tumeurs bourgeonnant en pustules. C’est ce qui arriva. Les magiciens, atteints comme tous les autres, ne purent tenir en présence de Moïse. Il n’est point dit cependant que personne soit mort de cette plaie. Exod., ix, 8-11. — Il faut remarquer tout d’abord que la cendre prise dans la fournaise et répandue dans l’atmosphère n’est pas la cause de la plaie. C’est un simple symbole des principes pernicieux qui vont vicier l’air et une indication que la plaie naîtra non plus de l’eau, comme les grenouilles, Exod., "vin, 3, ni de la poussière de la terre, comme les moustiques, Exod., vnr, 16, mais de l’air même qu’on respire. La cendre joue ici le même rôle que la boue dans la guérison de l’aveugie-né. Joa., ix, 6. Quant aux pustules, elles peu vent caractériser deaffections assez diverses, qui ne sont pas nécessairement les mêmes pour les hommes et pour les animaux. D’après Josèphe, Ant. jud., Il, xiv, 4, « les corps furent atteints de terribles ulcères, pendant que la pourriture était à l’intérieur, et ainsi beaucoup d’Égyptiens périrent. » II y a là une exagération du texte sacré. Rosenmûller, In Exod., Leipzig, 1795, p. 443, voit dans les pustules l’effet de l’éléphantiasis, ce qui est peu probable. Voir ÉléphantiaSIS, t. ir, col. 1662. Les maladies éruptives n’ont jamais manqué sur les bords du Nil. Le « bouton du Nil », par exemple, est une maladie cutanée dans laquelle le derme se remplit de tubercules qui peuvent couvrir tout le corps. Cette affection, endémique sur les bords méridionaux et orientaux de la Méditerranée, ainsi que sur les rives du Tigre et de l’Euphrate, est appelée ailleurs « bouton d’Alep, clou de Biskra », etc. ; elle est identique avec le lichen tropicus, inflammation cutanée, avec éruption de petites papules, ulcérations superficielles et démangeaisons fort incommodes. Mais ces maladies mettent quatre à cinq mois à se développer et produisent ensuite des suppurations pendant cinq ou six autres mois. Cf. W. Ebstein, Die Mêdizin im Alten Testament, Stuttgart, 1901, p. 141-144. Les pustules pourraient être aussi la conséquence d’une espèce de peste, comme il s’en produit parfois par suite de la stagnation des eaux sur le sol. Les calendriers égyptiens, dans lesquels sont notés les jours bons ou mauvais, donnent cette indication pour le 19 du mois de tybi : « L’air dans le ciel, en ce jour, mêle à lui les aatu annuels, n Papyrus Sallier, pi. xv. Dans le Papyrus de Leyde, des formules magiques sont fournies pour préserver de Yaat. Quiconque récite ces formules « est sauvé de Yaat annuel, l’ennemi (la morl) ne s’empare pas de lui, … Yaat annuel ne l’abat pas, … la débilité ne s’empare pas de lui, Yaat annuel ne le tue pas, Yaabu (la maladie) ne le détruit pas. » La maladie désignée par le mot aat revenait donc annuellement ; c’était une sorte d’épidémie dont les effets pouvaient être mortels, ainsi que le supposent les formules magiques. Cf. Chabas, Mélanges égyptologigues, l re sér., t. i, p. 39 ; Vigouroux, La Bible et les découvertes modernes, 6e édit., t. ii, p. 331-332. En réalité, il n’est pas nécessaire d’identifier le mal qui constitua la sixième plaie avec une maladie déterminée. Pour cette plaie, comme pour les autres, Dieu se contenta de déchaîner un mal que les Égyptiens voyaient de temps en temps se produire dans des conditions naturelles ; mais il le fit sévir à l’instant indiqué par Moïse, avec une soudaineté, une universalité, une intensité qui en rendaient le caractère absolument miraculeux. La plaie cependant ne paraît pas avoir causé la mort, comme le font fréquemment les autres maladies épidémiques qui se développent en Egypte. Les pustules étaient choses très connues sur les bords du Nil. Les Égypliens en furent tous atteints en peu de temps et dans des conditions qui ne permettaient pas d’attribuer le mal à des agents naturels. Les magiciens eux-mêmes, frappés comme les autres, ne furent plus en état de paraître devant le pharaon pour remplir leur office habituel ; les pustules les défiguraient et on pouvait craindre que la, contagion s’en communiquât à la personne du prmceVLes animaux échappés à la cinquième plaie, c’est-à-dire ceux qui, au moment de cette plaie, ne se trouvaient pas dans les champs, Exod., îx, 3, furent également frappés d’une épizootie éruptive, analogue à la contagion qui atteignait les hommes. D’ordinaire, les pustules n’ont de caractère épidémique que sur les hommes et sur les troupeaux de moutons ; le mal se propage alors d’homme à homme, de mouton à mouton. Dans les races bovine, caprine, chevaline et canine, ils n’apparaissent guère qu’à l’état sporadique. Cf. Erbstein, Die Medizin, p. 144. À la sixième plaie,

le mal ne se répandit pas par contagion, ce qui eût réclamé un délai trop considérable ; tous les êtres visés furent atteints à peu près en même temps d’un mal qui déterminait en eux des éruptions cutanées analogues à celles des hommes, et plus ou moins assimilables à celles que certaines pestes occasionnent chez les animaux. Le texte sacré ne mentionne pas de morts parmi les animaux. Il ne dit pas non plus que les pustules ne sévirent pas parmi les Hébreux, dans la terre de Gessen ; mais il faut l’inférer de ce qui est remarqué à propos des autres plaies. Exod., viii, 22 ; ix, 4, 26 ; xii, 23. H.Lesètre.

    1. PUTIPHAR##

PUTIPHAR, nom de deux Égyptiens, l’un, le maître, et l’autre, le beau-père de Joseph. Leur nom est écrit différemment en hébreu, Pôlifar et Pôtifera’, cependant on s’accorde généralement à regardercomme identique^ Jes deux noms Putiphar = Pôtiphar, Gen., xxxvii, 36, xxxix, 1, et Putiphare = Pôtiphera’, xli, 45, 50 ; XL vi, 20. Toutefois Brugsch, Egypt under the Pharaohs, t. i, 2e édit, Londres, 1881, p. 308, fut d’abord pour leur non-identité, mais plus tard, Steininschrift und Bibelwort, 2e édit., 1891, p. 83, il se rallia à l’opinion commune. Les versions grecque et copte sont unanimes de leur côté à transcrire d’une façon unique les noms de deux personnages : OsTEcppîjç et rUT, q>pfj) iiCTetÇpH et neTt^pH. Cf. Champollion, Précis du système hiéroglyphique, 1827-1828, p. 177 ; 0. von Lemm, Kleine koptische Studien § x-xx, 1900, § xiv, p. 61-62 ; A.Dillmann, Die Genesis, 6e édit., 1892, p. 397. Leur identité une fois admise, il est permis de discuter du même coup la formation de Pôtiphar et de Pôtiphera’. Le plu9 grand nombre y voit ou accepte d’y voir

la forme égyptienne t " lit 9, P(a)-dy(dou)-pa-Râ. « celui que Râ (le soleil) a donné, le don de Rà », en grec’HXiô5° po ; . Cf. Sethe, De Aleph prosthetico in lingua xgyptiacâ verbi formis prseposito, 1892, p. 31.

Nous aurions donc ici l’article p, ou jfZn pa, le verbe

dou, .=— i ou A, et le nom du dieu Râ | précédé d’un

second article. Les noms déformation semblable, P-dou plus un nom de dieu ou de déesse, ne sont pas rares sur les monuments. Au British Muséum, deux stèles en bois, n. 8482 et 8484, nous donnent pour la XX* dynastie un certain Auserhaàroua fils de I ^, Pa-dou

Ast, « le don d’Isis », et ("""> Pa-dou-Amew « le dond’Amon ».Cf. Budge, À Guide to the thirdand fourth Egyptian Rooms, 1904. p. 78 et 75. Une inscription de la XXIe dynastie fournit "Jt À >, Pa-dou Hor, « le don d’Horus ». Maspero, Les momies de Deif el-Bahari, dans Mémoires de la Mission archéologique française au Caire, t. i. 1889, p. 522. Avec la]XXIIe dynastie se multiplient les ~ =L, P-dou-Khonsou, « le don de Khonsou », les ii, P-dou-Ptah, « le

don de Ptah », etc. Cf. Lieblein, Dictionnaire des noms hiéroglyphiques, 1871-1891, n. 1051, 1280, 1305. On ne les compte plus sous les dynasties suivantes,

par exemple, jÉL.= » — i ?, Pa-dou-Bast, & le don de Bast », transcrit Pou(oubasti par Assurbanipal, Cylindre A, col. 1, lig. 98 ; I"**", P-dou-Asar, « le don

d’Osiris ». Cf. Champollion, Grammaire égyptienne, 1836, p. 310. Les Grecs reçurent ces noms et nous remarquons qu’ils en transcrivent ordinairement les deux premières syllables par rUre comme dans IIeTeçp91e, avec des exceptions pourtant : m-tsîitjiç, Ilexexôvutç, IIstooïpiç, Ile-roëàcrTiç. Cf. entre autres, Grenfell etHunt, The Hibeh Papyri, Part, i, 1906, n. 35, . 53, 112 ; Parthey,

Aegyptische Personennamen, 1864, p. 79-81 ; Spîegelberg, Aegyptische und griechische Eigennamen aus Mumienetiketten der rômischen Kaiserzeit, 1901, n. 198 sq. Un observera toutefois que l’article est supprimé devant le nom du dieu ou de la déesse et qu’au lieu de P-dou-pa-Khonsou et ïï.twitey&-vaiï, par exemple, nous avons P-dou-Khonsou et Ùzïexùriaiç. Mais il y a des noms égyptiens où le nom du dien

se préfixe de l’article, ^^"J^^Î^-Pa-Amen-bouf-nefer, « la beauté d’Amon », du temps de Ramsès II. Virey, Etude d’un parchemin rapporté de Thèbes, dans Mémoires de la Mission, t. i, 1889, p. 509, Le nom de Râ, en particulier, n’échappe pas à

cet usage. On rencontre plusieurs yt ^r, Parà m-heb, « le soleil en fête », à la XVIIIe dynastie.’. Virey, loc. cit., p. 498. 500 ; Spiegelberg, The Viziers of the New-Empire, dans Proceedings of the Society of Bibiical Archseology, t. xv, 1892-1893, p. 525, 526 ; Daressy, Notes et Remarques, dans Recueil des Travaux relatifs à la philologie et à l’archéologie égyptiennes et

assyriennes, t. xvi, 1894, p. 124. À côté de r "^^

Râ-holep se trouve la forme Jt ? ^^ Pa-râ holep, « la paix, l’union de Râ, celui que Rà s’unit. » Lieblein, loc. cit., n. 2101, 2130, 2131 ; Spiegelberg, Joe. cit., p. 523, 525. Cela nous autorisé à conclure avec Heyes, Bibel und Aegypten, 1. 1, 1904, p. 106-107, qu’on ne peut pas dire que Pa-dou-pa-râ s’éloigne des formes égyptiennes. Nous devons même admettre avec le même auteur que, si cet article n’était pas toujours écrit, il était souvent prononcé, puisque le nom d’un des fils de Ramsès II nous apparaît tantôt sous la forme Râ-her-ounem-f, et tantôt sous la forme Pa-râ-her-ounem-f, « Rà à sa droite ». Lepsius, Kônigsbuch der alten JEgypter, 1858, pi. 34, n. 438 ; Sethe, Untersuchungen zur Geschichte und Altertumskunde JEgyptens, t. i, 1896, p. 59. Somme loule, il reste probable que Putiphar apparlient à la catégorie des noms propres ayant pour parties constitutives Pa-dou plus un nom de dieu, ici le dieu Râ : Pa-dou-pa-râ. Nous disons probable seulement. C’est ce qu’a oublié Steindorif. Partant de la supposition que Putiphar était à n’en pas douter la forme égyptienne pa-dou-pa-râ, il a affirmé à deux reprises, Der Name Josephs, dans Zeitsch’rift fur àgyptische Sprache, t. xxVH, 1889, p. 41-42, et Weiteres zu Genesis, loc. cit., t. xxx, 1892, p. 51, que les noms de cette catégorie commenceut d’apparaître à la XXIIe dynastie, qu’ils deviennent fréquents seulement après l’an 700 avant J.-C, et que l’écrivain de l’histoire de Joseph, qui introduit le nom de Petephrê comme appartenant à des [personnes, est, par suite, à placer dans le septième siècle avant J.-C. Brugsch lui-même, Steininschrift und Bibelwort, 1891, p. 83, n’attendait pas la seconde affirmation de Steindorff pour écrire : « Les noms propres de Pôtiphar et de Pôtiphera’, en ancien égyptien Petipherè, « le « don du Soleil », qui tous les deux se trouvent dans la Bible, marquent par leur constitution qu’ils sont d’une époque postérieure au temps de Joseph. Ils sont entièrement inconnus des monuments anciens quant à leur composition o.u forme et ils n’apparaissent pour la première fois qu’au neuvième siècle avant J.-C, c’est-à-dire quelque mille ans après les faits rapportés dans l’Écriture. » La conséquence saute aux yeux : la rédaction de l’histoire de Joseph que nous possédons serait postérieure à Moïse, d’ailleurs Brugsch l’a dit expressément, Deutsche Rundschau, t. xvi, 1890, p. 2’t5246. — Mais 1° est-il certain que Putiphar, soit à rattacher à Pa-dou-pa-râ ? Nous avons dit plus haut que ce n’était que probable, c’est-à-dire qu’il y a place pour d’autres-probabilités. Aussi Ed. Naville, The egyptian

name of Joseph, dans Proceedings of the Society of Ihe Biblical Archseology, t. xxv, 1903, p. 160-161, déclare, qu’il ne ne peut être d’accord avec Steindorff et qu’il est prématuré de vouloir échafauder sur le nom de Putiphar une théorie concernant la date de la composition de l’histoire de Joseph. « La transcriplion

yt j, Heliodorus, pour Pôliphera’, semble

très naturelle à première vue, dit-il, et j’y ai moi-même fait appel. Mais on petit apporter contre elle que ce nom avec deux articles a une physionomie quelque peu étrange. » Naville estime donc que la forme très semblable JÉL j, Pa-lfotep-rd, et qui se rencontre à

plusieurs reprises, nous fournirait une meilleure interprétation. « Nous savons, ajoute-t-il, parles transcriptions copte et grecque qu’il y avait un ô dans le mot

, Cet ô correspondrait au cholem du nom hébreu.

Sur la fameuse statue de Méidoum (Maspero, Guide au Musée du Caire, 1902, p. 33, n. 6) nous avons le nom

de (Rà-hotep), qui est celui d’un grand-prêtre

d’Héliopolis sous l’Ancien Empire. Il n’est pas impossible qu’il fût lu (ifotep-Bâ), le nom du dieu

étant toujours écrit le premier. Ou encore les deux formes du nom ont pu coexister, tout comme nous trouvons Hotep-Ptah et Ptah-hotep, Jfotep-Halhor et Uathor-lxotep. Pa-râ-fiotep existe (voir plus haut) et je pense qu’on peut avoir pareillement Pa-hotep-râ, Photep-râ, qui transcrirait exactement le nom du grand-prêtre de On, Pôtiphera’, et serait analogue à celui du grand prêtre de l’Ancien Empire. » — 2° A supposer même que Padou-pa-râ soit la vraie forme de Putiphar, est-il bien sûr que cette forme soit aussi récente que le veulent Brugsch et Steindorff ? On invoque ici le silence des monuments. Mais en Egypte silence des monuments ne dit pas absence des monuments. On ne sait jamais si les fouilles de demain ne viendront pas combler une lacune et renverser les théories de la veille, C’est donc peu scientifique d’admettre comme un fait acquis qu’où ne peut rencontrer de témoignages constatant l’ancienneté de la forme Padou-pa-râ et d’en déduire d’une façon absolue la nonexistence de cette forme avant telle ou telle date. Est-ce que Héliopolis, par exemple, a livré tous ses secrets — et les livrera-t-elle jamais ? Connait-ôn, en particulier, Ja nécropole de ses prêtres contemporains des Hyksos et du Nouvel-Empire, nécropole qui pourrait nous révéler la série des noms héliopolitains pour cette époque ? Sayce, The Egypt of the Hebrews, 3e édit., 1903, p. 24, a dit excellemment : « Il a été avancé par des égyptologues que le nom de Putiphar ne remonte pas au delà de la XXIIe dynastie, à laquelle appartenait Scheschankh (Sésac), le contemporain de Roboam’Mais de ce qu’aucun nom semblable n’a été trouvé jusqu’ici pour une date plus ancienne, il ne Suit pas qu’il n’ait pas pu exister. Aussi longtemps que nos matériaux seront imparfaits, nous ne pouvons pas tirer des conclusions positives simplement de l’absence de témoignage. » "W. M. Mûller, art. Pôtiphera II, dans Cheyne-Black, Encyclopedia biblica, 1899-1902, t. iv, col. 3814-3815, tout en admettant l’usage relativement récent des noms de la catégorie de Putiphar, écrit de son côté : « Nos matériaux ne spnt pas encore assez complets pour autoriser des affirmations si précises… La transcriplion (de Putiphar) avec teth et aln donne d’ailleurs une bonne impression d’archaïsme et s’oppose à toute tentative trop extravagante d’en abaisser la date. » Lieblein, Mots égyptiens de la Bible, dans proceedings, t. xx, 1898. p. 208-209, va plus loin encore : « ’^Pôtiphera’et Potiphar sont généralement regardés comme identiques. Or, Pôtiphera’a été rapproché de

Jt ? comme appartenant au groupe de noms composés de. Cependant je veux faire observer que ? Potiphar pourrait très bien être assimilé à’I.

pt-bar, nom d’un homme qui vivait sous les Hyksos et qui était chef des constructions du dieu Amon. » Louvre, stèle C 50. Cf. Pierret, Recueil d’inscriptions inédites du Louvre, t. i, 1874, p. 50-55. Lieblein ajoute que la dernière partie du nom nous donne probablement le nom de Baal, que la première partie

joue le même rôle que et que, par conséquent, les

noms composés de remontent au temps des Hyksos.

Toutefois, pour le moment, il n’ose l’affirmer sans réserve, par suite de doutes qu’il ne peut lever. « En tout cas, conclut-il, il est bien certain que les noms

composés de ne peuvent être employés comme

argument chronologique quant à la rédaction du texte biblique. » Ailleurs, L’Exode des Hébreux, loc. cit., t. xxi, 1899, p. 58-59, Lieblein revient sur le même sujet de façon plus explicite : « Le nom de Potiphar… pour- » rait très bien être identique au nom Pt-bar qui figure en tête d’une généalogie dont j’ai donné la table dans mon Dictionnaire des noms, n° 553. Potibar est visiblement une composition hybride de égyptien, probablement identique à, et de I, nom du dieu

sémitique Baal… Je ne veux pas dire que Potiphar et Potibar soient le même individu… ; mais je crois que les deux sont identiques et qu’ils remontent au même temps. » Il y a bien le changement du b en p avec le son /, Potibar, Potiphar. Mais ce changement se produisait souvent d’une langue à l’autre. De plus le b égyptien se rapprochait dans le parler courant du son f comme le prouvent certains mots coptes sortis du fonds égyptien où b est devenu q. Cf. Loret, Manuel de la langue égyptienne, 1889, p. 91 ; Sethe, Dos àgyptische Verbum) t. i, 1899, p. 121. C’est d’après ce parler courant que Moïse aura transcrit le mot Potibar, Potiphar. j II y a bien aussi qu’au nom de Potibar manque le déter minatif divin Td, Sel, mais ce déterminatif était écrit

ou omis à volonté, comme en témoigne toute une sérié de noms propres dont (a dernière composante est Baal. Pour de pareils noms avec le déterminatif, voir Spiegelberg, Zeitschrift fur Assyriologie, t. xiii, 1898, p ; 51 ; Papyrus Golenischeff, pi. i, lig. 16-17, pi, iii, lig. 7 ; — sans le déterminatif, Spiebelberg, Studien und Materialien zum Rechlswesen des Pharaonenreickes der Dyn. 18-21, 1892, p. 36, 37, 51 ; Papyrus Anaslasi III, 6, 3, et verso.6, 1, 7. Pour toute la question de Potibar, cf. Heyes, loc. cil., p. 110-111. — Potiphar peut donc venir ou de Pa-dou-pa-râ ou de Pa-hotep-râ ou de Pet-bar. Il n’est point certain que le premier n’ait pas existé avant la XXIIe dynastie. Nous en avons apporté des exemples de la XXe. Les deux autres datent de l’Ancien-Empire et des Hyksos. Cela suffit à démontrer que la conclusion chronologique de Brugsch et de^Steindorff, dans ce qu’elle a d’absolu, est entièrement-gratuite. Nous ajouterons : en admettant même un instant que les noms propres eussent subi des retouches de la part des copistes qui les auraient adaptés aux noms à la mode de leur temps, il ne s’ensuivrait pas encore que, pour le reste, le texte de l’histoire de Joseph ne soit pas de Moïse.

C. Lagier.

1. PUTIPHAR (hébreu : Pôtifar ; Septante : IIs-csçpTjç), grand officier égyptien à qui les Madianites vendirent Joseph, fils de Jacob. N

I. Ses titres. — Le récit biblique note que Putiphar

était Égyptien, et non sans raison, puisque sous les Hyksos, qui devaient appeler aux charges principales surtout ceux de leur race, il n’en fut pas moins grand officier de la couronne, « eunuque du pharaon et chef de l’armée, » selon la Yulgate. Gen., xxxrx, i. — 1° Eunuque du pharaon. — L’hébreu porte sdrîs dout le premier sens est castrat. Chez les sémites on employait le castrat dansle service des harems. Putiphar en était-il un ? C’est possible, si nous jugeons de l’Egypte ancienne d’après les autres peuples de l’Orient. À l’exception du peuple juif, cf. Lev., xxii, 24 ; Deut., xxiii, 1, tous ces peuples polygames pratiquèrent la castration. Hérodote, viii, 105 ; Layard, Nineveli and its remains, t. ii, 1849, p. 324-326, 334, 340 ; Botta-Flandin, Monuments de Ninive, t. ii, 1849, pi. 145. C’est possible encore si nous voyons et s’il est légitime de voir cette même Egypte à travers l’Egypte musulmane où l’eunuque est dans tout harem de la haule classe. Les voyageurs à l’envi ont parlé des eunuques modernes, de leur recrutement et aussi de leur influence. Caillaud, Yoxjage à Méroé, t. iii, 1826, p. 117-118 ; E. Delmas, Egypte et Palestine, 1896, p. 260-251. Cet argument a pari trouve-t-il sa justification dans les monumenls antiques de la vallée du Nil ? Rosellini, Monumenli dell' Egittoe délia Nubia, 1836, part. 11, t. nr, p. 132-134, et Monumenti civili, pi. 34, fig. 2 ; pi. 68, fig. 2 ; pi. 77, fig. 12 ; pi. 79 et 88, fig. 3, a prétendu avoir rencontré des eunuques et les avoir reconnus. Ebers, Aegyplen und die Biicher Mose’s, 1868, p. 298, les a distingués, croit-il, à leur obésité et aux plis graisseux de leur poitrine, surveillant des fileuses dans la tombe de Khnoumhotep à Beni-llassan. Cf. Newberry, BeniHasan, part. 1, 1893, pi. xxix. Mais on accordera bien que cela ne suffit pas à la démonstration. La preuve topique fait défaut et les inscriptions n’en révèlent rien. Il y a mieux. Dans cette même tombe et dans les autres du même groupe, il n’y a pas que les surveillants des fileuses qui soient ainsi, mais c’est la règle' générale pour tous les préposés à quelque service, comme on peut s’en convaincre à l’examen des scènes diverses. Voir Newberry, loc cit., pi. xxx, xii, etc. On remarque ailleurs la même loi : les directeurs des corps de métiers, le bâton ou la courbache, ou même l’aiguillon à la main contrastent par leurs formes replètes avec la maigreur de l’entourage. On peut voir en eux l’embonpoint de l'âge, et non les chairs boursouflées de l’eunuque, ou tout au plus l’application d’un canon imposé au peintre et au sculpteur. Cf. La tombe d’Apoui, dans Mémoires de la Mission du Caire, t. v, I891, pl.netp.610. Voir Eunuque, t. ii, col. 2044, fig 622, où dans une scène de marché des vendeuses échangent aux acheteurs des melons, des poissons, des concombres contre du blé, une étoffe et le contenu d’un sac. Pour le plaisir de la variété, à un seul des acheteurs le peintre a donné une taille ramassée, un aspect vieillot, un torse chargé de graisse. Le rapprocher des tireurs des chadoufs, pi. i, loc. cit. Tous ces personnages ne nous rappellent à peu près rien, par l’ensemble de leurs traits, des eunuques que l’on rencontre à chaque pas dans les rues du Caire. Leurs pareils, plus ou moins âgés, ne sont pas rares au musée du Caire. Bas-reliefs 20473 et 20474. Sans s’en douter, les premiers égyptologues se sont laissé conduire par l’idée reçue de leur temps que l’Egypte sur le point des eunuques devait ressembler aux autres nations orientales. Un exemple bien connu nous montrera quelle réserve s’impose à juger sur la mine des gens peints ou sculptés, et combien il faut tenir compte de la mode et de la fantaisie de l’artiste. Qui plus qu’Anénophis IV Khounaten a « dans l’ensemble de sa* personne ce type particulier et étrange que la mutilation imprime sur la face, les pectoraux et l’abdomen des eunuques ? » Mariette, cité par Lenormant, Bistoire ancienne de l’Orient, t. ii,

9e édit., 1882, p. 212. Qui plus que lui a été traité d’eunuque ? Ce prince, toutefois, non seulement était marié, mais l’on voit avec ses années de règne le nombre de . « es filles augmenter. Il en eut jusqu'à sept. Cf. Maspero, Bistoire ancienne de l’Orient classique, t. ii, 1897, p. 326, fig. p. 328.

A défaut des représentations, l’existence du harem royal nous révélera peut-être l’existence des eunuques. En effet, à côté de la reine, son épouse légitime, dame de fa maison, libre de ses mouvements, commandant à un nombreux personnel, le roi possédait un harem

flfll » m ou, hhent. Cf. Maspero, loc. cit.,

t. i, 1895, p. 270. Le Khent avait sa hiérarchie de fonctionnaires : un intendant, Papyrus judiciaire de 7ur » ' », iv, 4 ; des scri bes, IV, 5 ; v, 10, et Mariette, Catalogue général des monuments d’Abydos, 1880, n. 686, 719 ; des délégués, Papyr. jud. de Turin, v, 9 ; des portiers, V, 1, et stèle C 6 du Louvre. Or, de plusieurs de ces fonctionnaires, et précisément de ceux qui passaient leur vie dans le harem, les portiers, nous savons qu’ils étaient mariés. Papyr. jud. de Turin, V, 1, Celui de la stèle C 6 du Louvre, nommé Kefenou, avait de nombreux enfants. Sans doute les Égyptiens en contact avec les peuples d’Orient ont dû connaître l’institution des eunuques. Mais autre chose est connaître une institution, autre chose l’admettre chez soi. Aucune momie n’a révélé l’aspect d’une opération faite durant la vie. On ne peut pas s’appuyer sur la légende d’Osiris émasculé par Typhon son ennemi à qui Horus fit subir la peine du talion. Texte des Pyramides, Teti, lig. 276-277 ; Pepi, 1, lig. 30-31 ; Lefébure, Sur différents mots et noms égyptiens, dans Proceedings, etc., t. xiii, 1890-1891, p. 342-353 ; Plutarque, De Iside et Osiride, c. lv. C’est une pure légende qui peut refléter une coutume d’ennemi à ennemi, mais aucunement un usage de la vie sociale. Visiblement inspiré de cette légende, dans la partie qui nous concerne, Le conte des deux frères, que l’on a parfois invoqué, n’a pas plus de valeur. Papyrus d’Orbiney, p. 7, lig. 9, et p. 9, lijj. 6 ; Maspero, Les contes populaires de l’ancienne Egypte, 3e édit. (1905), p. 9-12. Il est très probable même que le terme d’eunuque, au sens strict, n’existe pas dans la langue égyptienne. Si on avait eu la chose, comment le mot ne se rencontrerait-il pas et même souvent ? Lefébure, loc. cit., p. 345, a cru toutefois le

reconnaître dans S <* %k, hem ou hemti, de J, hmt, « femme ». Mais ce mot se traduit d’ordinaire par « lâcbe », « poltron », et dès l’Ancien Empire, ne se trouve jamais que comme une épithète flétrissante jetée à la face des gens de rien. Maspero, Études égyptiennes, t. ii, p. 82 ; Champollion, Notices, t. ii, p. 186 ; Stèle de Pianchi, où il est dit qu’il n’y a « pas de durée à une armée dont le chef est hemti. » Lefébure le constate lui-même, p. 342, 456. Dès lors hemti ne peut convenir à Putiphar, et si celui-ci était l’eunuque du pharaon, ce ne peut être qu’exclusivement dans un sens dérivé. Eunuque devint en effet dans les langues sémitiques synonyme d’attaché au prince, de ministre de la Cour, cf. Gesenius, loc. cit., probablement parce que, en Asie, spécialement à Ninive et à Babylone, les eunuques parvenaient aisément aux postes les plus importants. Il est tout naturel, par suite, que l’hébreu désigne par ce nom l’officier du palais du pharaon. C’est avec ce sens d’officier que le mot sâris pénétra en Egypte aux basses époques, du lemps de Cambyse, de Darius et de Xerxès, et on le lit dans les inscriptions rupestres de l’Ouadi Hammamat. Rosellini, Monumenti slorici, l. ii, pi. Il c et p. 174 ; Golenischeff, Bammamat, pi. 18. L’inscription de l’an XXXVI de Darius et de l’an XIII de Xerxès se termine par ces mots : « Fait par le sâris, M _~-, de Perse, prince de Coptos PUTIPHAR

890

Ataiouhi. » Sous ce mot sârîs n il faut évidemment comprendre ici l’officier. » W. M. Mûller, toc. cit., Col. 3813. Par ailleurs, Putiphar était marié, et cela montre bien l’idée que l’écrivain sacré attachait au mot sdrïs en le lui appliquant. Que l’on n’objecte pas que l’on a vu des eunuques mariés et possédant même un harem. Ebers, loc. cit., p. 299. Ce sont là chez les musulmans des cas exceptionnels qui n’infirment pas la règle générale et qui, du reste, ne pouvaient se produire chez les Égyptiens, d’après ce qui a été dit plus haut. Putiphar était donc un officier, du palais, probablement un de ces connus du roi, de ces amis uniques, de’ces courtisans, en un mot, à qui le pharaon distribuait les emplois de confiance. Cf. Maspero, Histoire ancienne, t. i, p. 287-281.

2° Car hat-tabbaîm. — Tel est le nom hébreu de la charge confiée à Putiphar. Si nous consultons les Sep--tante, il faudrait entendre par là « le chef », sar, « des cuisiniers », hat-tabbaîm : àf>-/mcifeîpoç. En effet, tabbah, I Reg., IX, 23, 24, désigne un cuisinier, et la position de chef des cuisines royales pouvait être inv portante à la cour, si nous supposons qu’elle donnait autorité sur l’armée des officiers de bouche. Cf. Maspero, loc. cit., p. 279-280 ; Études égyptiennes, t. ii, p. 10-11, 61-63, où la liste de ces nombreux personnages, d’après le Papyrus Uood, est donnée par ordre hiérarchique ; Brugsch, Die Aegyptologie, 1897, p. 219221. Mais rien ne nous prouve que le surintendant des cuisines eût un pouvoir si étendu, et cela serait-il que la traduction des Septante n’en serait pas justifiée, car tabbah a bien plutôt le sens de « celui qui tranche égorge, tue », d’où satellite, garde du corps. Cf. Gesenius, Handw., 9e édit., p. 303. ?ar hal-tabbahim semble donc désigner une fonction militaire, soit le chef de ceux qui exécutent les ordres du maître. Vigouroux, La Bible et les découvertes modernes, 6e édit., t. ii, p. 33. C’est ainsi que l’a compris saint Jérôme qui rend l’expression par magister miliium, Gen., xxxvii, 36 ; pr inceps exercitus, xxxix, 1 ; princepsmilitum, xl, 3, xli, 10 ; dux militum, xli, 12 ; cmtos carceris, xl, 4. Et cela avec d’autant plus de raison que le même titre devenu plus tard rab-tabbah.îm marque une dignité militaire pour Nabuzardan, IV. Reg., xxv, 8, 11, 20, Jer., xxxix, 9, etc., et pour Arioch, Dan., ii, 14, quoique les Septante continuent à le traduire par àpxijiàfsîpoç. Le Targum d’Onkelos et la version syriaque, rendant sar hal-tabbahîm par « chef des exécuteurs » ou « chef des gardes du corps » > confirment la nature des fonctions de Putiphar, Pour les Septante, « on ne peut rendre compte de leur traduction qu’en supposant qu’ils ont vu une allusion aux fonctions de Putiphar dans le passage où Moïse dit que le maître de Joseph ne s’occupait de rien si ce n’est de ce qu’il mangeait. » Vigouroux, loc. cit., p. 32 ; Gen., xxxvi, 9.

Si nous consultons maintenant les documents antérieurs à la XVIIIe dynastie, c’est-à-dire les documents qui ne dépassent pas l’époque de Joseph, nous verrons que plusieurs titres militaires peuvent convenir à Putiphar. Il était peut-être un de ces chefs d’armée

%k - — Ul£ ; i, nier mSà, que nous rencontrons déjà

sous l’Ancien Empire, Sethe, Urkunden des Alten Reichs, t. i, 1903, p. 92, lig. 1 et p. 148, lig. 3, 16, que nous retrouvons à la XIIe et à la XIIIe dynastie. Breasted, The Wadi Halfa stela of Senwosret I, dans Proceedings, etc., t. xxiii, 1901, pi. 233 et pi. iii, lig. 11, 23 ; .Lepsius, Denkmâler, ii, pi. 151 c. Ou bien encore avait-il reçu le commandement des Mazaiou. Ces mercenaires nubiens, voir Phuth, col. 348, qui, dès l’Ancien Empire, servent dans les armées égyptiennes, Sethe, loc. cit., p. 10/1, lig. 14, et qu’on a chargés delà sécurité publique. Le Papyrus xym de Boulaq, qui date de la fin du

Moyen Empire parle des Mazaiou et des capitaines ou « grands de Mazaiou, » J^ ^~, ^ ^ ^’) $, ur

n Mazaiu. Borchardt, jain Reichnungsbuch des KOniglichen Hofes, dans Zeitsehrift fur âg. Spr., t. xxviii, 1890, p. 94-97. Putiphar put être surtout du nombre

de ces suivants 1 V, ëemsu, qui apparaissent de

bonne heure autour des rois. Un certain Thethi, par exemple, ne quittait pas d’un pas ses maîtres Antef I et Antef II. Breasted, Ancient Records, t. i, 1906, p. 202203. Ces suivants ou gens de la suite, vrais gardes du corps, se multiplient sous la XII 8 dynastie. Cf. Mariette, Catalogue d’Abydos, n. 634, 649, 699, 744 ; Lepsius, Denkmâler, ii, 136 e, g, 138 g, 144 i, k. Le Papyrus xvin de Boulaq contient aussi une liste de suivants stationnant à la cour avec leurs officiers. Borchardt,

loc. cit., p. 92-94. Les officiers portent le titre de fit, seliez setnsu, « commandant des suivants ». Cf. Mariette, loc. cit., n.664, 780, 864. À ces gens de la suite le roi donnait les charges et les missions importantes. Témoin cet Aménémhat cumulant les titres de commandant des suivants et de commandant de la milice nationale, Lepsius, loc. cit., ii, 138 a, qui formait en Egypte une classe spéciale. Maspero, Études égyptiennes, t. ii, p. 34-36. Témoin encore ce Sehotepabra, « le suivant de son maitre dans toutes ses allées et venues, surintendant de tous les travaux du palais, chancelier, etc., » qui demande d’être après sa mort « un suivant de Dieu ». Maspero, Sur une stèle du Musée de Boulaq, dans Études de mythologie et d’archéologie égyptiennes, t. iv, 1900, p. 134-137 [Bibliothèque égyptologique, vin). Une stèle récemment découverte, celle de Sebekhou, surnommé Zaa, nous montre où pouvait arriver un suivant entre les mains du roi. Zaa fit d’abord partie, en qualité de suivant, de la troupe personnelle d’Osortésen III ; puis il en devint un des chefs, sehez ; puis il obtint la charge de « grand ouârtou », quelque chose comme gouverneur de la résidence royale. Garstang, Et Arabah, 1901, pi. rv-v, p. 32-33. Quelques années plus tard, après l’achèvement de sa stèle, en l’an IX d’Aménémhat III, nous retrouvons Zaa à Senméh relevant la côte du Nil à la seconde cataracte. Il était alors « ouârtou du souverain ». Lepsius, loc. cit., ii, 136 b. — À côté des suivants se trouvaient ceux que les textes nomment « les hommes du cercle », les familiers de l’entourage

immédiat du pharaon : X. Il m ' Na^ ' > Senitu. Entre

ces derniers et les premiers la différence n’était peut-être — cela soit dit sous toute réserve — qu’une question de degré de courtisan à courtisan. Les familiers n’auraient été que les premiers des suivants. Ainsi le suivant Sehotepabra était en même temps « le familier du roi, se tenant derrière son maître, » pour le protéger, « le véritable ami de cœur, le confident intime, etc. » Maspero, toc. cit., p. 136-137, Plus tard, dans une liste de charges, on signale parmi les premiers dignitaires de la Cour un « commandant des soldats doyens des familiers » ou vétérans de la garde. Maspero, Études égyptiennes, t. ii, p. 23-24. Il serait bien tentant de voir dans les « ^suivants » et les « familiers » ceux que la Bible appelle les eunuques de pharaon. C’étaient là des titres qui n’indiquaient pas une fonction définie, semble-t-il, mais plutôt une prérogative de cour, une aptitude à remplir les premières charges, comme celles de grand échanson, par exemple, ou de grand panetier. Gen., xl, 1. Putiphar lui-même, en qualité de suivant ou de familier aurait été choisi pour être soit général d’armée, soit capitaine des Mazaiou, soit chef de la milice, soit commandant de la garde du corps, et à tous ces titres la prison d’État aurait été sous ses ordres, pour une part au moins, cette prison où il lit jeter 891

P1TIPHAR

892

Joseph. Gen, , xxxix, 20 ; XL, 3 ; xli, 10. Nous en.avons assez dit pour montrer qu’à la Cour nombreuses étaient les fonctions militaires qui purent échoir à Putiphar. Lés expressions vagues de la Bible, d’une part, et, de l’autre, les mystères qui enveloppent encore la hiérarchie égyptienne ne permettent pas de faire un choix entre elles. Toutefois, si l’on peut marquer une préférence, ce serait pour le commandant des vétérans de la garde que Maspero, foc. cit., p. 24, et Brugsch, Die Aegyptologie, p. 213, identifient avec V &pxt.atax<XTayùla. f, dont il est si souvent question à l’époque ptolémaïque. Strack, Die Dynastie der Ptolemaër, 1897, p. 219, 246, 251, 252, 256, *257, 275 ; Grenfell, Greek Papyri, 1896, n. xxxviii, lig. 1, p. 69 ; n. xlii, lig. 1, p. 73.

II. Putiphar et Joseph. — Putiphar s’aperçut vite que le Seigneur était avec Joseph et qu’aux mains de celui-ci toutes choses prospéraient. Il le tira doncdu rang des esclaves, le mit à la tête de sa maison et en fit l’administrateur de tous ses biens. Maison et biens furent bénis à cause de Joseph, au point que Putiphar lui en abandonna la pleine direction, ne s’informant plus de rien avec lui, et n’ayant d’autre souci que de prendre sa nourriture. Gen.. xxxix, 3-6 ; cf. le texte hébreu. Moïse ne pouvait mieux exprimer la confiance absolue de Putiphar en son serviteur devenu le surintendant — le wakil moderne — d’une grande maison et de ses domai T nés. Voir Joseph, t. iii, col. 1657-1658 ; cf. Heyes, Bibel und Aegypten, t. i, p. 125-128. Putiphar, d’ailleurs, en jetant ainsi les yeux sur un, esclave étranger, restait dans la tradition des bords du Nil. Tout nous montre que l’Egypte ne fut jamais un pays fermé. Le mérite d’un étranger, même esclave, y était reconnu et mis à profit. Aux exemples déjà cités, voir Pha.ra.on, col. 202, on peut ajouter le sémite Jsaa premier officier de bouche de Thothmès I er. Wiedemann, Ëgyptian monuments at Dorpat, dans Proceedings, t. xvi, 1894, p. 154155 ; le juge Pa-Jmerui, « l’Amorite », dont la femme se nommait Karouna et dont les deux fils aux noms égyptiens étaient l’un, Ouser-min, prêtre, l’autre, Merina, le suivant et le porte-carquois de Thothmès III. Mariette, Catalogue d’Abydos, n » 1055. Et nous ne savons pas combien d’autres étrangers se cachent sous le nom égyptien qu’ils reçurent, à l’exemple de Joseph, Gen., xli, 45, en guise de lettres de naturalisation, au moment de leur élévation. Tous, en effet, n’imitent pas Ramsès-m-per-râ, le premier porte parole de Menephtah, qui se vantait d’être le chananéen.Ben-Matana, Mariette, loc. cit., n. 1136. On ne compte pas moins de sept fonctionnaires d’origine étrangère dans l’affaire de la conjuration contre Ramsès III. Cf. Deveria, Le Papyrus judiciaire de Turin, dans Mémoires et fragments, t. ii, 1897, p. 207, 209, 211, 213, 215, 218, 221 (Biblioth. égypt., ). Il faut y joindre un autre coupable signalé par le Papyrus Lee n" i, lig. 4. Deveria, loc. cit., p. 197. — Mais voici que Joseph fut sollicité par la femme de son maître et accusé du crime qu’il avait refusé de commettre. Gen., xxxix, 7-19. Putiphar s’indigna grandement et le fit jeter dans la prison où étaient détenus les prisonniers d’État : jï. 19-20. Ce traitement a paru trop doux à plusieurs et ils ont cherché à l’expliquer par le fait que Putiphar aurait eu des doutes sur la réalité des faits. Crellier, La Genèse, 1901, . p. 372, n. du y. 20, dans La Sainte Bible de Lethielleux. Il se peut que Putiphar ait eu ces doutes. Pourtant Moïse ne nous y fait guère songer quand il nous dépeint la colère de Putiphar devant l’accusation portée par sa femme contre Joseph. L’effet de cette colère va tout entier contre celui qu’il fait emprisonner en vertu de son droit de maître offensé et que, par suite, il paraît croire sim^ plement coupable. En tout cas, là se bornait son rôle et l’accusé tombail dès lors sous la juridiction de lajustice royale. À celle-ci revenait le soin de la procédure : enquête préliminaire, réunion du tribunal, interroga toire, audition, des témoins, , puis jugement, Capart, Esquisse d’une histoire du droit pénal égyptien, 1960, p. 15-32, extrait de la Revue de l’Université de Bruxelles, t. y, 1899-1900 février. Un papyrus de Bologne, qui date des Ramessides, contient un cas tout à fait semblable. Un esclave syrien s’est échappé du temple de Thot d’Hermopolis, Le maître, le grand prêtre Ramessou, charge son fils de retrouver le fugitif qui est livré à la justice. Celle-ci décidera de l’affaire dans ses grandes assises. Revillout, Notice des papyrus démotiques archaïques, 1896, p. 127-128 ; Mélanges de métrologie, 1895, p. 437-439. L’acte de Putiphar n’aboutissait donc qu’à la détention préventive, il ne préjugeait rien, , et il ne faut pas le mesurer à la peine réservée par la loi aux adultères. ! Moïse n’a pas jugé à propos de nous dire quel fut le résultat de la procédure contre Joseph. Il est probable que le crime ne fut pas établi ni son innocence complètement reconnue, pour une cause ou pour, l’autre, car il demeura en prispn, environ trois ans. Gen., xli, 1, 46. Gunkel, Die Genesis, 1901, p, 382-383, a prétendu, au contraire, qu’il, est à peine croyable qu’un esclave, sous l’accusation d’avoir attenté à l’honneur de sa maîtresse, ait été, mis en prison. Le châtier sévèrement, ou le rendre eunuque, ou l’appliquer à des travaux plus durs, ou le vendre, cela se concevrait encore ; mais le mettre en prison et se priverainsi de son travail, on ne l’imagine pas. C’est là un raisonnement en l’air. Il ne tient pas compte des lois égyptiennes relatives à l’adultère, à cet adultère si redouté devant le juge des morts et qui interdisait l’entrée du ciel, Pierret, Xe livre des morts, 1882, p, , 370. Aux anciennes époques, l’adultère était un crime capital., « Une femme dont le mari est éloigné te remet des écrits, dit le scribe Ani, t’appelle chaque jour si elle n’a pas de témoin. Elle se tient debout, jetant son filet, et cela peut être réputé crime digne de mort, même quand elle n’a pas accompli son dessein en réalité. » « C’est un homme qui court à la mort celui qui va auprès de la femme ayant un mari, » dit un papyrus du Louvre. Revillout, Notice, p. 210. Au Papyrus Weslcar, « la Majesté, du roi de la haute et de la basse Egypte, Na.bka, à la voix juste, fit conduire la femme (adultère) d’Ouabou-anir au côté nord du palais ; on, la brûla et on jeta ses cendres au fleuve. » Maspero, Les contes populaires, 3° édit., p. 27. Ce n’est que bien plus tard et sous l’influence des étrangers que s’adoucirent les peines contre l’adultère. Vers l’époque romaine, « elles condamnaient celui qui avait fait violence à une femme libre à la mutilation. Pour l’adultère commis d’un consentement mutuel, l’homme était condamné à recevoir mille coups de verge et la femme à avoir le nez coupé. » Diodore, i, 78. — Le raisonnement de Gunkel ne tient pas davantage compte de la condition sociale de l’esclave en Egypte, Le papyrus de Bologne cité plus haut nous a montré que, au cas de délit, on poursuivait l’esclave en justice comme un homme libre, et, par conséquent, il devait avoir la même prison que les autres prévenus. « L’esclave, ainsi compris, n’était nullement celui dont le vieux Romain nourrissait à son gré ses poissons et qu’il pouvait brutaliser, violer ou tuer à son gré. » Revillout, Précis du droit égyptien, t. ii, 1903, p. 885. Le même auteur dit encore : ~ <t Si la Genèse nous montre Petiphra ou Putiphar livrant à la justice et faisant enfermer en prison son esclave Joseph, acheté pour de l’argent, dont il avait à se plaindre, les documents égyptiens ne sont pas moins formels pour une multitude d’esclaves se trouvant dans les mêmes conditions, » p. 971, n. 1. Cf. Cours de droit égyptien, t. i, 1884, p. 89-96. — Que Putiphar fût différent du gouverneur de la prison, sarbêf lias sohar, cela ressort de la Genèse, xxxix, 19-21. Ce gouverneur, du chef de sa charge, peut être dit, comme Putiphar, le maître de Joseph prisonnier, xl, 7, texte hébreu, et celui-ci. son PUTIPHAR — PYGARGUE

894

serviteur, xli, 12. La seule chose qui fasse difficulté, c’est qu’il est désigné aussi sous. le titre de sar hattabbahîm, et la prison elle-même est appelée la prison du sar hat-tabbahim, xl, 3 ; xli, 10. Mais le gouverneur de là prison, en vertu même de son titre et comme ayant des gardes sous ses ordres, pouvait bien être sar hat-tabbahim, quoique à un degré inférieur à Putiphar. Ce que nous savons de la hiérarchie égyptienne, de l’accumulation des titres sûr un même personnage, du nombre des titulaires pour une désignation honorifique, ne s’oppose pas à eette explication. Une autre solution est celle de Delïtzsch, Die Genesis, t. ii, 2e édit. p. 94 : « Putiphar était comme sar hat tabbahîm à la tête du pouvoir exécutif. La prison d’État était sous ses ordres et le sar bel has sohar était ainsi son subordonné. Cette distinction fait évanouir la difficulté imaginée par Tuch et Knobel, d’après lesquels Joseph aurait dû avoir deux maîtres qui’auraient dû être l’un et l’autre chefs des gardes du corps. »

Bibliographie. — Vigouroux, La Bible et les découvertes modernes, 6e édit., t. ii, p. 23-33, 68-69 ; Heyes, Bibel und Aegypten, t. i, 1804, p. 105-112, 117-128.

C. Lagier.

. 2. PUTIPHAR (hébreu : Potivhera’; Septante : Ile-T £ ?pfi), prêtre d’Héliopolis. Voir Héliopolis, t. iii, col. 1571-1575. À l’époque où nous sommes, Héliopolis, avec son temple de Rà ou du soleil, est le centre religieux le plus célèbre de l’Egypte, comme il en est le plus ancien. Les rois de la Ve dynastie se glorifiaient déjà de tenir leur origine de Râ. Le premier d’entre eux, Ouserkaf, aurait commencé par être grand-prêtre d’Héliopolis. Papyrus Westcar, pi. ix, lig. 11-12 ; Erman, Die Mârchen des Papyrus Westcar, t. i, 1890, p. 20, ’55. Il introduisit dans le protocole royal le titre

de i^, sa râ, « fils du Soleil », qui désormais n’en

sortira plus, et que les rois Ryksos portent comme leurs devanciers indigènes. Ce n’est pas seulement son dieu qui rendit Heliopolis illustre, mais c’est aussi son collège de prêtres, réputé dès l’origine pour la profondeur de sa science et à qui l’on doit, au moins comme inspiration, la plus grande partie de fa littérature religieuse d’Egypte. Cf. Erman, Life in ancient Egypt, Londres, 1894, p. 27. Le grand prêtre de l’endroit était un des premiers personnages du royaume. Ail titre de

^|k « =- il’, mer henu neleru, « administrateur des

prophètes », qui lui était commun avec tous les autres

grands-prêtres, il joignait les épithètes de *T, ur-ma, « le grand veilleur », « celui qui voit les secrets du ciel », « le chef des secrets célestes ». Mariette, Monuments divers, 1872-1877, n° 18 ; Id.. Mastabas, 18811887, n » 149. Il n’avait donc pas son pareil comme astronome et astrologue. Une statue de la XVIIIe dynastie nous montre Anen, grand prêtre d’Héliopolis, avec la peau de panthère semée d’étoiles, pour bien nous marquer l’objet spécial de ses études (fig. 204). Alors même qu’Amon fut devenu sous le second empire thébain le dieu national de l’Egypte, voir No-Amon, t. iv, col. 1641, et quoique son grandprêtre se déclarât « chef des prophètes des dieux de Thèbes et de tous les dieux du sud et du nord, » Mariette, Catalogue d’Abydos, n. 408, Héliopolis et ses prêtres ne perdirent rien de leur renommée. Comme autrefois le prince Rahotep, Mariette, Monuments divers, loc. cit., nous voyons deux autres prinees, portant le même nom de Meri-Atoum, l’un fils de Ramsès II, l’autre fils de Ramsés III, être grands prêtres d’Héliopolis. À l’époque d’Hérodote, ii, 3, les prêtres du collège héliopolitain étaient toujours regardés comme les plus savants d’entre les prêtres égyptiens, ).oYicitaTot. Bientôt Platon, Eudoxe et d’autres viendront leur demander le dernier mot de la sagesse. — Par le

fait donc de son titré de prêtre et probablement de grand-prêtre d’Héliopolis, Putiphar avait rang parmi les courtisans les plus rapprochés du trône. Sa fille pouvait aspirer à la main des plus grands, même, à une main royale. Voir Pharaon, col. 202. Le roi la donna

204. — Anen, grand-prètre d’Héliopolis. Statue de la XVIIIe dynastie. Musée de Turin,

à Joseph. Gen., xli, 45. C’était du même coup honorer grandement son nouveau ministre et lui assurer le respect du peuple. C. Lagier.

    1. PUTOIS##

PUTOIS, petit quadrupède carnassier, répandant une odeur désagréable, et probablement confondu avec ses analogues, la belette, voir t. i, col. 1650, et la marte. Voir t. iv, col. 822.

    1. PYGARGUE##

PYGARGUE (hébreu : dison ; Septante : Kv^apYoç ; Vulgate : py g argus), espèce d’antilope. Voir Antilope, t. i, col. 669. Le mot dison ne se lit qu’une seule fois, Deut., xiv, 5, comme nom d’un animal qu’il est permisse manger. Les Septante traduisent ce mot par irjyapYOî ! animal qui a l’arrière-train blanc, et qn’Hérodote, rv, J&1, "place dans le nord de l’Afrique en compagnie des chevreuils et des bubales. Le pygargus est pour Pline, H. N., viii, 53, 79, et pour Juvénal, xi, 138, une espèce de gazelle ou d’antilope. Le nom de pygargue est probablement commun aux antilopes à croupe blanche, et l’on identifie communément le dîSon avec l’antilope addax, que les Arabes appellent adas ou akas, et qui serait celle que P.Iine, H. N., xi, 37, 45 ; rai, 53, 79, nomme arpeifuxspwç, strepsiceros, qui a les cornes recourbées en forme de lyre. Voir t. i, fig. 162, col. 669. L’antilope addax vit, en troupes peu

nombreuses, dans le Sahara, la Nubie, PÉgypte et l’Arabie. Elle est bien connue des Bédouins, qui la rencontrent au sud de la mer Morte. La forme de ses cornes, permet de la distinguer facilement de l’oryx et du bubale. C’est un bel animal, qui a près de trois pieds et demi de haut aux épaules et dont les cornes ont deux pieds et demi de long. Il est tout blanc, avec une courte crinière noire et une nuance fauve sur les épaules et le dos. Cf. Tristram, The natural hislory of

the Bible, Londres, 1889, p. 126.
H. Lesêtre.
    1. PYGMÉES##

PYGMÉES (hébreu : Gammadîm ; Septante : ç-iXaxe ;  ; Théodotion : rou.ta ?îu. ; "Vulgate : Pygmxi), nom d’un peuple qui fournissait des archers à Tyr. Ezech., xxvii, 11. La véritable signification de ce nom a été problématique pour les anciens traducteurs euxmêmes qui l’ont rendu de manières fort différentes. Les Septante ont traduit ç-jXaxe ; , « des gardes », comme s’ils avaient les Sômrîm ; Symmaque, divisant le nom, a lu gâm Mâdîm, « et aussi les Mèdes ; » la paraphrase chaldaïque, dérivant le mot de Gomer, a entendu les Cappadociens qu’elle prend pour les descendants de Gomer. Cf. Ezech., xxxviii, 6. Les rabbins, de même qu’Aquila et la Vulgate, rattachent Gammadimk gômèd, « coudée », cf. Gesenius, Thésaurus, p. 292, parce qu’ils ont cru que ce mot signifiait « des hommes d’une coudée », c’est-à-dire les Pygmé s, dont le nom vient de tcuyM » « P°ing, coudée ». Mais Saint Jérôme, In Ezech., xxvii, 11, t. xxv, col. 252, donne une autre étymologie : Pygmxi sunt, dit-il, hoc est, bellatores et ad bella promptissimi, ômb tîiç iru-fu, ^ ; , 9*** greeco sermone in « certamen » vertitur. Quoi qu’il en soit de cette étymologie, les modernes ont donné des explications encore plus diverses mais purement conjecturales, quoique plusieurs traduisent encore par « hommes vaillants, braves soldats ». Le contexte d'Ézéchiel, décrivant les auxiliaires de Tyr, semble exiger un nom de peuple, et on l’admet assez généralement aujourd’hui, mais on ne connaît pas de ville du nom de Gamad. Le P. Knabenbauer, Comment, in Ezech., 1890, p. 272, pense avec Cornill que nnoi est une altération de nnia, les Samaréens, Gen., x, 18, qui habitaient entre Arvad et Émath (Hamath). D’autres pensent que ce sont les Gamales de Pline, H. N., Il, 93, édit. Lemaire, 1827, t. i, p. 418. « Pygmœi, dit Huré, Dictionnaire de philologie sacrée, édit. Migne, 1846, t. iii, col. 649, sont des peuples de Phénicie, braves à la guerre appelés en hébreu Gammadsei, Cubitales, parce qu’ils habitaient près de la mer, dans une langue de terre faite en forme de coude. Plin., ii, 91 (93). » — La découverte des lettres de Tell el-Amarna a fourni une explication nouvelle. Il y est question des Qamadu = Kutnidi, peuplade voisine de PHermon. Buhl, Gesenius' Handwbrterbuch, p. 156. Cf. Kamid el-Lauz, dans Ed. Robinson, Biblical Researches, 2e édit., 1856, t. iii, p. 425. Ces Qamadu peuvent être les Gammadim. Voir aussi Nègres, 3°, t. iv, col. 1562. — Ézéchiel, xxvii, 11, dit que les Gammadîm étaient sur les tours de Tyr, dont ils avaient la garde ; ils suspendaient leurs boucliers à ses murs. F. ViûoUROi’x.

    1. PYLE Thomas##

PYLE Thomas, théologien anglican, né en 1674 à Stodey dans le comté de Norfolk, mort à Swaffham dans le même comté le 31 décembre 1756. Après avoir étudié à Cambridge, il fut chargé de la paroisse de SainteMarguerite à Lynn et obtint une prébende à Salisbury. Il a publié : À paraphrase, with short and useful notes on the Books of the Old Testament, 4 in-8°, Londres, 1717-1725 ; À paraphrase with notes on the Révélation of St. John, , in-8°, Londres, Ï735 ; À paraphrase with notes on the Acts of the Apostles, and upon ail the Epistles, 2 in-8°, 1725 ; 3e édit., 1737. —Voir W. Orme,

Biblioth. biblica, p. 365.
B. Heurtebize.
    1. PYRALE##

PYRALE, insecte lépidoptère nocturne, dont la chenille est particulièrement nuisible à la vigne. Cette chenille (fig. 205) a le corps ras ou garni de poils rares et courts. Elle s’attaque aux arbres fruitiers. Elle vit dans les feuilles roulées en cornet, repliées sur leurs bords ou réunies ensemble. Certaines espèces se nourrissent aux dépens des bourgeons de la vigne : d’autres pénètrent à l’intérieur des tiges et des fruits. Toutes nuisent beaucoup à la vigne et empêchent la production du raisin. Il est dit au Deutéronome, xxviii, 39, que, si les Israélites sont infidèles, ils planteront la vigne et la cultiveront, mais ils n’en recueilleront rien,

205. — Pyrale. Au bas, à droite, cocon ; au-dessus, la chenille et devant elle la feuille de vigne à laquelle elle s’attaque. Au bas, à gauche, le papillon du pyrale. « parce qu’elle sera ravagée par les vers. » Sous le nom de ver, tolâ'at, o-x<o).y]?, vermis, le texte sacré désigne ici, comme dans plusieurs autres passages, une chenille. Celle qui devait ravager les vignes des Hébreux était probablement la chenille du pyrale, indépendamment des autres vers capables de nuire à la plante.

H. Lesêtre.

PYRAMIDE (grec : 7rjpa[juç ; Vulgate : pyramis), construction à base quadrangulaire, dont les quatre crêtes se rejoignent au sommet, et qui est destinée à servir de tombeau. — On a cru trouver une allusion aux pyramides d’Egypte, voir t. ii, fig. 534, col. 1613, dans ce passage de Job, iii, 13-15 :

Je dormirais, je me reposerais

Avec les rois et les grands de la terre,

Qui se sont bâti des hôrâbûf.

Les hôrâbôf sont ordinairement des endroits déserts, des « solitudes », quelquefois des ruines. Quelques auteurs ont pensé qu’il fallait lire ici hôrâmôt, des édifices, des mausolées. Cf. Rosenmûller, lobus, Leipzig, 1806, t. i, p. 96. D’autres préféreraient 'armenôt, cf. Buhl, Gesenius' Handivôrt., p. 276, à cause de l’arabe 'ahrâtn, qui veut dire « haute construction, pyramide », et de l’ancien égyptien amr, qui est le nom même de la pyramide. Le mot grec Ttupaftîç pourrait même n'être qu’une transposition de amr, précédé de l’article égyptien. Cf. Delitzsch, Dos Buch lob, Leipzig, 1876, p. 71. L’allusion aux pyramides est, sinon probable, du moins possible de la part de l’auteur de Job, si bien informé des choses d’Egypte. — Simon Mâcha897

PYRAMIDE — PYTHONISSE

bée éleva sept pyramides sur les tombeaux de son père et de ses frères à Modin. I Mach., xra, 28. Voir ModiN, t. iv, col. 1186. Sur les pyramides d’Egypte, voir Flinders Pétrie, The Pyramids and Temples of Gizeh,

in4° ; Londres, 1883.
H. Lesêtre.
    1. PYRRHUS##

PYRRHUS (grec : Iluppo ; ), père de Sopater de Bérée, l’un des compagnons de saint Paul. Act., xx, 4. On ne connaît de lui que son nom. Il est omis dans certains manuscrits, maïs il se lit dans un grand nombre et dans la Vulgate latine ; on admet communément l’authenticité de la leçon. C’est le seul cas du Nouveau Testament où le nom patronymique est ajouté à un nom propre à la manière grecque : Sopater Pymhi. Peut-être cela indique-t-il qu’il était de famille noble. Voir Sopater.

    1. PYTHON##

PYTHON (hébreu : 'ô6 ; Septante : iyya<iTp{[jiu90 ;  ; "Vulgate : pytho), esprit qui fait parler le devin, spécialement le nécromancien. Voir Divination ; Évocation des MORTS, t. ii, col. 1446, 2128. — 1° Les Septante traduisent ordinairement '6b par ÈYYa<7rp ! [rj60ç, « ventriloque ». La ventriloquie est l’art de parler sans remuer les lèvres et en modifiant la voix dé telle sorte qu’elle semble venir de tout autre que de celui qui parle. Un sujet qui a les prédispositions nécessaires et un exercice suffisant peut arriver ainsi à faire illusion à ceux qui l’entourent. Aujourd’hui encore des hommes se livrent à cet art singulier et réussissent à produire des effets surprenants. Cf. l’abbé de la Chapelle, Le ventriloque ou V engastrimythe, Londres, 1772. Beaucoup d’auteurs pensent que les oracles païens n'étaient qu’un effet de la ventriloquie pratiquée par les devins et les prêtres des dieux. Plutarque, De defect. oracul., 9, prétend que les pythons étaient tout simplement des ventriloques. Dans la fable, Python désignait un serpent énorme qui gardait l’oracle de Delphes et qu’Apollon mit à mort. Il en prit le nom d’Apollon Pythien, cf. Ovide, Metam., i, 438, et devint l’inspirateur de la pythie. Pour rendre ses oracles, la pythie s’asseyait sur un trépied au-dessus d’une ouverture d’où sortaient des vapeurs sulfureuses. Ces vapeurs produisaient en elle une excitation violente qu’on prenait pour l’action de l’esprit divin. Elle proférait alors des paroles incohérentes que les prêtres d’Apollon interprétaient et auxquelles ils donnaient la forme d’oracle. Il est clair que ces interprètes entendaient à leur convenance les exclamations de la pythie et prêtaient un sens à ce qui n’en avait pas. Cf. Fontenelle, Histoire des oracles, Paris, 1908, p. 86, 105. Cependant Platon, Conviv., trad. Aimé Martin, Paris, 1845, t. ii, p. 359, et Plutarque, De defect. oracul, , 7, croient à

l’influence de démons intermédiaires entre les dieux et les hommes dans l’inspiration de la pythie et des devins en générai. Cf. Dôllinger, Paganisme et judaïsme, trad. J. de P., Bruxelles, 1858, t. i, p. 292-294. Plutarque ayant identifié les pythons et les ventriloques, saint Jérôme rendit habituellement le grec èYYaorp£i<, u60ç par pytho, mot d’origine mythologique, qui a l’avantage de ne pas restreindre la divination à un simple phénomène naturel et de laisser supposer en elle une influence démoniaque. Le pseudo-Clément, Recognit, , iv, 20 ; Bomil., ix, 16, t. i, col. 1323, t. ii, col. 253, remarque en effet que « les pythons font de là divination, mais que nous les regardons comme des démons et les mettons en fuite. » Il est incontestable, que la supercherie n’explique pas tous les faits et que bien souvent les démons, pour abuser les hommes, ont dû intervenir dans la production de ces phénomènes. — 2° La loi mosaïque portait la peine de la lapidation contre ceux-qui évoquaient les esprits ou se livraient à la divination. Lev., xx, 27 ; Deut., xviii, 11. — Sur le cas de la pythonisse d’Endor, I Reg., xxviii, 7, 8 ; I Par., x, 13, voir t. ii, col. 2128. — Le roi Manassé favorisa de tout son pouvoir l’influence des devins, IV Reg., xxi, 6, que Josias chercha ensuite à faire disparaître. IV Reg., xxiii, 24. — Isaïe, viii, 19, mentionne les devins qui « parlent d’une voix sourde en chuchotant. » Il dit, xxix, 4, , de Jérusalem humiliée et châtiée :

Ta voix viendra de terre comme un 'ôb,

Et ta parole de la poussière comme un murmure.

Ces expressions laissent soupçonner des pratiques comme celle de la ventriloquie. Le démon n’inspirait pas toujours les devins ; il trouvait souvent son compte dans leurs seules supercheries et dans les mensonges au moyen desquels ils combattaient les vrais prophètes. — À Philippes, saint Paul et Silas rencontrèrent une jeune fille qui avait un esprit python, îivEvfioc twôwv, spiritus pytho. Elle les poursuivit longtemps en les proclamant serviteurs du Très-Haut venus pour enseigner la voie du salut. Il ne s’agissait pas là de ventriloquie, mais de possession véritable. La jeune fille rapportait grand gain à ses maîtres par sa divination, et il est à croire que le démon qui l’inspirait voulait accaparer à son profit et faire attribuer à son influence l’action merveilleuse des deux Apôtres. : Saint Paul coupa court à cette obsession en commandant à l’esprit de sortir de la jeune fille. Dès lors, celle-ci fut réduite à l’impuissance, Act., xvi, 16-18. H.Lesetre.

PYTHONISSE. Voir Python ; Évocation des morts, t. ii, col. 2129.

/

DICT. BÇ^WLE.

V. - 29 Q

Q. Voir Qoph, dix-neuvième lettre de l’alphabet hébreu.

    1. QADIM##

QADIM (hébreu : onp nn ; Septante : ave[xoc v6 toç ; Sv£[noç -/tâucnov v<Jto ;  ; Vulgate : ventus urens, spiritus vehemens ; ventus auster ; Q>ip ; xavsuv ; ardor, « stus, tienfws urens), vent de l’est. Qâdîni seul se dit par ellipse pour rûah qâdim. Quoiqu’il désigne le vent d’orient, on ne doit pas toujours prendre cette expression dans un sens rigoureux, les Orientaux désignant assez vaguement sous le nom de vent d’est tout vent qui souffle entre le nord et l’est, et entre l’est et le midi. Les traducteurs grecs l’ont traduit par ave[io ; xa’j<7wv, xavauv, de même que la Vulgate par ventus urens, ardor, xstus, parce que le trait le plus caractéristique de ce vent en Palestine, c’est qu’il est brûlant. Mais les Septante ont rendu qàdîm dans six passages, Exod., x, 13 (2 fois) ; xiv, 21 ; Job, xxxviii, 24 ; Ps. lxxvii, 26 ; Ezech., xxvii, 26, par votos, « vent du midi », parce que, en Egypte, il y a deux vents brûlants ; le premier, le khamsin, souffle du sud et non de l’est, et le second, le simoun, souffle du sud-est et du sud-sud-est. M. Lane, Manners and Customs of the modem Egyptians, 1837, 1. 1, p. 2-3. Dans la vallée du Nil, le vent d’est est plutôt frais, à rencontre du vent du sud.

1° Au sens propre. — Le vent d’est est très violent en Palestine et brûlant. Quand il y souffle plusieurs jours, au mois de mai, de juin, de juillet et d’août, il est désastreux pour les récoltes, pour les céréales et pour les vignobles, comme pour les navigateurs sur la Méditerranée. Job, xiv, 2 ; xv, 2 ; Ps. xlviii, 7 ; cm, 5 ; Is., xl, 7 ; Ezech., xvii, 10 ; Ose., xiii, 15 ; Jon., iv, 8 ; cf. Gen., xli, 6, 23. Ce vent traverse avant d’arriver en Palestine les sables de l’Arabie déserte, ce qui lui fait donner aussi le nom de « vent du désert », Job, i, 19 ; Jer., xiii, 24 ; il brûle et enfièvre comme le sirocco. Ezech., xvii, 10 ; xix, 12, etc.’Cf. Jac, i, 11. « Le vent d’est, privé d’ozone, dit Bædeker, Palestine et Syrie, 1882, p. 48, absorbe toute humidité et s’il fond sur les moissons avant l’époque de leur maturité, il détruit parfois toutes les espérances du moissonneur. Il dure souvent plusieurs jours de suite et élève le thermomètre à 40 degrés et plus. De temps à autre, il souffle par vives rafales ; pendant qu’il règne, l’atmosphère est ordinairement voilée. Il exerce sur l’homme une action énervante accompagnée d’insomnies et de maux de tête. » Cf. Palestine, t. iv, col. 2027.

2° Au sens figuré. — La violence du qâdim et les maux qu’il produit ont donné naissance à diverses métaphores dans les Livres Saints. Ce mot désigne un discours véhément, plein de malice, dans Job, xv, 2 ; il devient synonyme de calamités et de maux divers spécialement de la guerre, Is., xxvii, 8 ; Jer., xviii, 17 ; Ezech., xvxi, 10 ; xix, 12 ; xxvii, 26 ; Ose., xiii, 15 ; du jugement de Dieu, Job, xxvii, 21 ; suivre le qâdim, c’est suivre une voie funeste. Ose., xii, 1. « Tes rameurs, dit Ézéchiel en parlant de Tyr, xxv, 26, t’ont fait voguer

sur les grandes eaux, le qâdim t’a brisé au milieu de la mer. »

    1. QANAH##

QANAH (VALLÉE DE), ou vallée des Roseaux, vallis Arundineti dans la Vulgate. Jos., xvi, 8 ; xvii, 9. Voir Cana i, t. ii, col. 104.

    1. QARQOR##

QARQOR (Septante : Kapxâp ; Alexandrinus et Eusèbe : Kapx.i), nom d’une ville située à l’est du Jourdain. La Vulgate n’a pas conservé ce nom propre et elle l’a traduit par requiescebant : « (Zébée et Salmana) se reposaient, » au lieu de : « Zébée et Salmana (qui s’étaient enfuis après leur défaite par Gédéon) étaient (arrivés) à Qarqôr, avec (le reste de) leur armée, » comme le porte le texte hébreu. Les deux chefs madianites se croyaient là en sécurité, à l’abri de toute poursuite. Mais Gédéon les atteignit à l’improviste, battit les quinze mille hommes qui étaient avec eux et s’empara de leur personne. La situation précise de Qarqôr est inconnue. D’après le récit des Juges, viii, 10-11, cette localité était située à l’est du Jourdain, à une distance inconnueau ; delà de Socoth et de Phanuel, vers le sud, à l’est de Nbbé et de Jegbaa (voir Nobé 2, t. iv, col. 1655 ; Jegbaa, t. iii, col. 1218), peut-être dans le voisinage de Rabbath-Ammon. Voir la carte de la tribu de Gad, t. iii, col. 28. Eusèbe et saint Jérôme, dans VOnomasticon, édit. Larsow et Parthey, 1862, p. 252, 253, disent que, de leur temps, Qarqôr (Kapxdt, Carcar) s’appelait Carcaria, petit fort à une j ournée de distance au nord de la ville de Pétra, qui paraît être le Mons regalis, « Mont royal » des Croisés. On objecte contre cet emplacement qu’il est trop méridional. Le site de Qarqôr reste encore un problème.

    1. QEDÉSCHIM##

QEDÉSCHIM, QEDÉSCHOTH (hébreu : qedêslm, qedêsôl), prostitués des deux sexes qui par la plus étrange aberration morale s’imaginaient honorer Astarthé ou d’autres dieux infâmes en se livrant à l’impudicité. Num., xxv, 1-4 ; I (III) Reg., xv, 12 ; xxii, 47 ; cf. xiv, 24 ; ’II (IV) Reg., xxiii, 7 ; Job, xxiii, 14 ; Ose., iv, 14. Cf. Hérodote, i, 199. Le mot hébreu signifie « consacré », voué au culte. Il correspond au grec UprfSouXoç, mais, dans les Septante, les qedêSîm.sonX appelés nopveJtov ; <TÛv2e<T(ji.oç, I Reg., xiv, 24 ; zaSrjui’tJL, IV Reg., xxiii, 7 ; ïeTeXE<T(ievoi, III Reg., xxii, 47 (Vulgate : scortator, effeminati), et les qedêSôt, rcopvïj (Vulgate : nieretrix), Deut., xxiii, 17 (hébreu, 18). Les qedêsîm sont désignés aussi sous le nom de « chiens » dans le texte original et dans les versions, Deut., xxiii, 18 (hébreu, 19), et les hiérodules des deux sexes sont sévèrement condamnés. Voir F. Vigouroux, La Bible et les découvertes modernes, 6e édit., t. iv, p. 506-512. Cf. Gesenius, Thésaurus, p. 1196-1197 ; S. Jérôme, In Ose., iv, 14, t. xxv, col. 851. =

QERI, « lis », c’est-à-dire ce qu’il faut lire, dans les Bibles massorétiques. Voir Keri, t. iii, col. 1889.

    1. QESITAH##

QESITAH (hébreu : îrettarp, Septante : àjjivôç ; Vul gate : agnus). Dans la Genèse, xxxiii, 19, nous lisons que Jacob acheta à Sichem un champ qu’il paya cent qeèitâh, ce qui est répété dans Josué, xxiv, 32. — Les amis de Job, après sa guérison, lui firent chacun présent, entre autres choses, d’un gesitâh. Ce sont les trois seuls passages de l'Écriture où l’on rencontre ce mot. On ne sait pas d’une manière certaine ce qu’il désigne. Tout ce que l’on peut dire, c’est qu’il servait à faire des paiements comme une sorte de monnaie. Voir Monnaie, t. iv, col. 1235.

QIR, mot hébreu, signifiant « muraille, rempart », qui entre dans la composition du nom delà capitale de Moab. Voir Km Haraseth ou Haréseth, Km Harès ou Kir Hères, Km Moab, t. iv, col. 1895.

    1. QIRYAT HUSOT##

QIRYAT HUSOT, ville de Balac, dont le nom n’a

été conservé ni par les Septante ni par la Vulgate. Voir Cariath Husoth, t. ii, col. 272. — Le mot qiryaf, qui signifie « ville ». entre dans la composition de plusieurs noms de ville. La Vulgaté l’a transcrit ; ordinairement Cariath. Voir t. ii, col. 268-279, cf. col. 282285.

QOPH, *p et i"ip, dix-neuvième lettre de l’alphabet hébreu, d’où est venue par l’intermédiaire du phénicien, du grec et du latin, notre lettre Q, q, dont la forme ancienne est encore reconnaissable, et qui a conservé à peu prés la même valeur phonétique. Dans la numération hébraïque, elle vaut le nombre cent. On suppose que les Phéniciens l’ont emprunté à l’hiéroglyphe dont la forme rappelle celle d’un coin. Voir Alphabet, t. i, col. 405. Gesenius, Thésaurus, p. 1189, et d’autres hébraïsants, ont cru que la figuration antique du caractère représentait le trou d’une aiguille ou le trou de la hache dans laquelle on fait entrer le manche, mais si cette explication peut convenir à l’ancienne forme grecque du qoppa, <p, elle convient moins aux formes primitives sémitiques. Voir t. i, col. 406-410. Quoi qu’il en soit, le qoph fut d’abord (admis, dans l’alphabet grec, sous le nom de qoppa et sous la forme <p. On le voit sur les anciennes monnaies de Corinthe, t. ii, fig. 347, 348, col. 974, 975, comme initiale du nom de cette ville, ainsi que sur les monnaies de plusieurs autres villes grecques : Le xômra a disparu plus tard comme lettre superflue de l’alphabet grec, d’où il fut chassé par le k, y.&mza, mais il est resté dans la langue sous sa forme antique comme signe numérique, avec la valeur de 90. Avant d'être expulsé par les Grecs, le qoppa avait été adopté par les Latins, Quintilien, I, iv, 9, qui nous l’ont transmis. Cependant le q n’a jamais été employé par la Vulgate dans la transcription des noms propres hébreux où entre la lettre qoph, sans doute parce que les Grecs les avaient toujours transcrits par le xaTtmx et qu’ils avaient été connus primitivement avec cette orthographe par les premiers chrétiens de Rome et d’Italie. Ainsi Cariathsepher, Caath, etc. — Le son de la lettre qoph est en hébreu guttural et plus dur que le son de la lettre palatale analogue caph. La Vulgate, quoiqu’elle transcrive les deux lettres hébraïques également par c, marque cependant souvent une différence en transcrivant le qoph pour un simple c, Cis, Cison, Cariath, Ceiura, etc., et le caph pour cii, Chqnanxus, Chelion, Cherubim, Chidon, Chobar, Chus, etc. Mais la règle n’est pas toujours suivie fidèlement. Nous avons Caleb et Carmel, quoique, pour ce dernier cas, nous ayons Charmél, Is., xxix, 17 ; xxxii, 15, 16.

    1. QUADRANS##

QUADRANS (grec : xo8pâvxr, ç. mot latin grécisé), petite monnaie romaine, de bronze, qui équivalait,

comme son nom l’indique, au « quart » de l’as ; par conséquent, au quart de sept ou huit centimes, ou à environ deux centimes. Voir As, 1. 1, col. 1051. Il en est question deux fois dans le Nouveau Testament : 1° Matth., v, 26. « En vérité, je te le dis, tu ne sortiras pas de là (de prison), que tu n’aies payé jusqu’au dernier quadrans ; » 2° Marc, xii, 42, « Deux petites pièces (XéitTa ; Vulgate : minuta ; voir MiNUTUM, t. IV, col. 1108), valant le quart d’un as, quod est quadrans. » Saint Marc ajoute cette explication pour ses lecteurs romains. Les écrits rabbiniques mentionnent aussi le quadrans, sous le nom un peu défiguré de qedriontos. Ses types étaient les suivants : à l’avers, la tête d’Hercule, protecteur des fortunes ; au revers, comme pour l’as et ses autres divisions, une proue de navire (Bg. 206). Il avait cours en Palestine au temps de Notre-Seigneur, avec les autres monnaies divisionnaires de Rome. A l’origine, il pesait trois onces, et on le nommait parfois, pour ce motif, teruncius ; son poids primitif était marqué par trois globules sur l’une de ses faces.

206, — Quadrans romain. Les trois boules indiquent que le poids de Ja monnaie est de trois onces.

Cf. Pline, H. N., XXXIII, iii, 13. À l'époque de Cicéron, c'était la plus petite monnaie romaine. Cf. Plutarque, Cicer., xxix, 26. Mais, aux premiers temps de la république, les Romains avaient eu le sextans ou sixième partie de l’as ; Yuncia, sa douzième partie, et même la semiuncia, sa vingt-quatrième partie.

L. ÉILLION.

    1. QUADRIGE##

QUADRIGE, char attelé de quatre chevaux, usité chez les Romains. Notre Vulgate latine emploie souvent le mot quadriga dans l’Ancien Testament (jamais dans le Nouveau), pour traduire l’hébreu rékeb, « char ». Jud., iv, 28, etc. L’expression quadriga, à l’entendre rigoureusement, est impropre, car il n’est jamais question dans l'Écriture d’attelage à quatre chevaux ; il faut la prendre dans le sens général de char. Voir Char, t. ii, col. 565.

    1. QUADRUPÈDES##

QUADRUPÈDES (hébreu : hôlêk 'al-arba', « marchant sur quatre » pattes ; Septante : S TtopsiiEraî iiti réuo-expa, TS-cpâicoSa ; Vulgate : quadrupes, quadrupedia), animaux qui marchent sur quatre pattes. — Les quadrupèdes appartiennent en majeure partie au genre des mammifères ou animaux pourvus de mamelles. Cependant il y a des animaux qui vont à quatre pattes et ne sont point des mammifères, les lacertiens, lézard, crocodile, etc., les batraciens, grenouille, crapaud, etc ; , et les chéloniens, tortue, etc. Mais on désigne vulgairement sous le nom de quadrupèdes les animaux que l’hébreu appelle/6e/jêm.â/j, le bétail, les grands animaux domestiques où sauvages, etc. — Parmi les quadrupèdes, la Bible déclare impurs tous ceux qui marchent sur la plante des pieds et qui, par conséquent, n’ont pas de sabot, Lev., xi, 27, et tous ceux qui, avec quatre pieds, sont des reptiles. Lev., xr, 42. Voir Animaux, t> i, col. 603. — Baruch, iii, 32, rappelle la création par Dieu des animaux quadrupèdes. Dans la vision qui signifiait l’admission des païens dans l'Église, saint Pierre reconnut tous les quadrupèdes de la terre, les reptiles terrestres et les oiseaux. Act., x, 12 ; xi, 6. Les idolâtres représentaient des quadrupèdes auxquels ils rendaient

les honneurs divins. fiom., i, 23. — Les quadrupèdes dorit parle la Bible, à part ceux qu’elle metau rang des reptiles, voir Reptiles, sont des mammifères monodelphes, c’est-à-dire dont les petits se développent tout entiers dans le sein de la mère. Ils appartiennent aux ordres suivants : 1° Quadrumanes, singe. — 2° Chéiroptères, chauve-souris. — 3° Insectivores, hérisson, musaraigne, taupe. — 4° Rongeurs de différentes familles : muridés, campagnol, rat ; dipodés, gerboise ; hystrïcidés, porc-épic ; léporidés, lapin, lièvre. — 5° Carnassiers de différentes familles : ursidés, ours ; canidés, chacal, chien, loup, renard ; félidés, chat, lion., panthère, tigre ; hyénidés, hyène' ; mustéliclés, belette, ichneumon, mangouste, marte. — 6° Pro ie Sauveur resta seul avec les bêtes sauvages, ïjv (jeta t&v eript’aiv (Marc, i, 13), est le désert de Judée ou une de ses parties. Les anciens interprètes l’ont toujours ainsi compris. Cf. S. Jean Chrysostomè, In Matth., hom. xiv, t. lvii, col. 217 : S. Thomas, Expositio continua seu Catena aurea, in Matth., c. iv. D’après l’ancienne Glose citée par le même, ibid., ' « ce désert est entre Jérusalem et Jéricho… » « C’est le désert maintenant appelé le désert de la Quarantaine, ajoute le dominicain Burchard (1283), et qui s'étend jusqu’au dessus de Gaigala et jusqu’au désert qui fait face à Thécué et Engaddi. » Descriptio Terrx Sanctæ, 2° édit. Laurent, Leipzig, 1873, p. 51 ; cꝟ. 57. C’est la partie septentrionale du désert de Judée comprise dans le territoire de l’ancienne

207. — Montagne de la Quarantaine. D’après une photographie de M. L. Heidet.

boscidiens, éléphant. — 7° Jumentés de deux familles : équidés, âne, cheval, onagre, mulet ; hyracidés, daman, rhinocéros. — 8° Ruminants de différentes familles : bovidés, antilope, aurochs, bison, bœuf, bouquetin, bubale, buffle, chèvre, mouton ; cervidés, cerf, chevreuil, daim, girafe ; camélidés, chameau, dromadaire. — 9°. Porcins, hippopotame, porc, sanglier. Voir lés articles consacrés à chacun de ces animaux.

H Lfsêtre

    1. QUARANTAINE##

QUARANTAINE (DÉSERT DE LA), désert où Notre-Seigneur passa les quarante jours et les quarante nuits qu’il jeûna avant de commencer. sa vie publique et où il fut tenté par le diable. Matth., iv, 1-11 ; Marc, î, 12-13 ; Luc, iv, 1-13 (fig. 207).

I. Identification. — Le récit des trois Évangiles synoptiques suit immédiatement celui du baptême du Sauveur, indirectement indiqué en Judée. Les trois Évangélistes ajoutent, Matth., 12 ; Marc, 14 ; Luc, 14, que Jésus retourna ensuite en Galilée. Ils laissent par là clairement entendre que « le désert », ï| epr|[io< ; , où

tribu de Benjamin et connue jadis sous le nom de désert de Béthaven. Voir Béthaven, t. i, col. 1666 ; Désert, t. ii, col. 1391 ; Juda (Désert de), t. iii, col. 1174. Aujourd’hui et depuis le xiie siècle, le nom de Quarantaine, montagne de la Quarantaine, djebel Qaranfal, est particulièrement attribué à la montagne qui forme la lisière orientale de l’ancien désert de Béthaven. Une charte de 1134, délivrée par le patriarche Guillaume, donne le lieu de la sainte Quarantaine, sanctæ Quarantense locum, avec toutes ses dépendances, aux chanoines du Saint-Sépulcre. Une seconde charte du même, donnée en 1136, accorde à ceux-ci toutes les dîmes de Jéricho pour l’entretien de l'église et des religieux de la très sainte Quarantaine… le lieu glorieux où NotreSeigneur jeûna quarante jours et quarante nuits. » Cartulairedu S. Sépulcre, n.xxvii et xxviii, t. clv, col. 1119-. 1120. Il n’est point de pèlerin, de quelque rite et de quelque langue qu’il soit, qui ne mentionne depuis, dans sa relation, la sainte montagne de la Quarantaine et sa chapelle où le Seigneur jeûna et fut tenté par le démon.

905

    1. QUARANTAINE##

QUARANTAINE (DÉSERT DE LA) — QUENOUILLE

906

— Les Croisés toutefois, ce n’est pas douteux, avaient trouvé le lieu en honneurparmi les Orientaux. En 1102, « n effet, c’est-à-dire au début de l’occupation de la Terre Sainte par les Francs, le pèlerin flamand Soewulf, après avoir visité la fontaine d’Elisée, s’était rendu à la haute Montagne située sur le bord de la plaine, où le Sauveur a jeûné quarante jours et a été tenté par Satané Dans Recueil de voyages de la Société de géographie, t. iv, 4839, p. 848. Aux temps antérieurs, elle était recherchée par les solitaires qui voulaient mener une vie plus austère. Au viiie siècle, saint Etienne le thaumaturge, moine de la laure de Saint-Sabas, y vint expressément pour y accomplir un jeûne de quarante jours. Vita S. Steph., - n. 139, Acla Sanctorum, t. m julii, Paris, 1867, p. 559. À la fin du ive siècle, les solitaires qui à la suite de saint Elpide, successeur de saint Chariton, étaient venus habiter les grottes de la montagne, étaient si nombreux qu’elle avait plutôt l’apparence d’une grande -ville que d’un désert. Pallade, Historia Lausiaca, c ; cvi, t. xxxiv, col. 1211-1212. La montagne portait alors le nom de Douca (AoOxa) qui paraît être l’appellation biblique Doch. Voir Doch, t. ii, col. 1454-1456,

Les éditeurs de la vie de saint Euthyme ont cru reconnaître le désert delaQuarantaine dans le désert de Ruban, souvent mentionné dans l’histoire des solitaires de la Palestine. Ce désert se trouvait à l’orient de la laure de Saint-Sabas et sur le côté nord-ouest de la mer Morte. Le mont Marda ou Mardès, aujourd’hui le Mun(âr, au-pied duquel, à cinq kilomètres au nord-est de Saint-Sabas, est la ruine appelée Mird, serait, selon les savants Bollandistes, le mont de la Quarantaine de l’histoire. Acta Sanctorum ; 20 julii, t. ii, p, 671, note b. Cette identification est exclusivement fondée sur une interprétation inexacte d’Adrichomius et de Quaresmius. Pour ces deux auteurs ainsi que pour Burchard, dont Adrichomius ne fait que reproduire les paroles, la montagne de la Quarantaine est incontestablement le Djebel Qarantal actuel, et le désert de la Quarantaine le désert qui s’étend à la suite vers Mukmds, ’Anafd et Jérusalem, à l’occident.

D’après Wiesner et Ad. Neubauer, la montagne de la Quarantaine serait identique au mont Çouq qus, Çuq) de la Mischna, Yôma, vi, 5, qui était à 96 stades ou 12 milles de Jérusalem. Le mont Çouq ne serait pas différent de l’Azazel de la Bible où l’on chassait le bouc émissaire. A. Neubauer, Géographie du Talmud, Paris, 4867, p. 44-45. Le s hébreu correspond au k ( ?) des Arabes, ordinairement. prononcé Jf> (à) en Palestine, et la distance de 12 milles (environ 18 kilomètres), convenant d’autre part à la montagne de la Quarantaine, du moins si on l’entend dans l’acception de massif montagneux comme le comporte le mot en hébreu et en arabe, on peut considérer comme probable l’identité de Sûq et de Dùq. — Quoi qu’il en soit, le mont de la Quarantaine, tant par ses caractères que par sa situation, répond très bien à l’idée du désert habité seulement par les bêtes sauvages où se retira le Sauveur pour jeûner.

II. Description. — Le mont ou plutôt le rocher delà Quarantaine s’élève presqu’à pic en face de tell es-Sultan formé des ruines de l’ancienne Jéricho, à douze cent mètres environ, à l’occident. Son altitude est, d’après les mesures de la société anglaise d’exploration de 492 mètres au-dessus du niveau de la mer Morte, de 323 au-dessus de’aîn es-Sulfân qui sort du tell du même nom, et de 98 au-dessus de la mer Méditerranée. Le côté oriental complètement dénudé contraste avec le petit vallon verdoyant arrosé par les eaux de’aïn Dûq qui s’étend à sa base. De nomhreuses grottes, naturelles ou creusées de main d’homme, le perforent. Une d’entre elles, située vers l’extrémité méridionale où la montagne fléchit vers l’ouest et à mi-hauteur, est célèbre -entre toutes : c’est celle où l’on croit que le Sauveur s’abrita pendant son jeûne et où Satan se présenta à lui.

Des restes de peinture du XIIe siècle représentent cette scène sur les parois de la caverne transformée en chapelle. En 1870, V. Guérin la trouva occupée par des moines abyssins. Depuis 1874 elle est devenue la propriété des Grecs. Kn 1895, ceux-ci y ont annexé un couvent assez spacieux, qui demeure comme suspendu au-dessus de l’ouadi-Teisûn. On y arrive par un sentier pratiqué dans le roc sur le flanc de la montagne, jadis très difficile et périlleux, aujourd’hui élargi et praticable. — Un autre sentier plus difficile encore monte du couvent au sommet de la montagne. Un petit plateau actuellement environné d’un mur la couronne. C’est là, au dire d’un grand nombre de pèlerins, que le démon aurait transporté le Seigneur ; d’autres indiquent une autre montagne plus au nord. Au xii* siècle les Templiers s’y étaient fortifiés pour la défense des pèlerins. Il y avait en outre une chapelle dont on voit les restes et que les Grecs se proposent de relever. — La montagne de la Quarantaine se prolonge vers l’ouest par une suite de hauteurs reliées entre elles par des cols. Son aspect et sa nature sont ceux des parties les plus âpres du désert de Judée. Les failles profondes et abruptes qui l’entourent, l’ouâà" es-Soueinît à l’ouest, 1 ! ’oudd’' Abû-Retméh, au sud, et plus bas l’ouâd’él-Kélt, les ouâdis Maqûq et Rummdmanéh au nord en font un désert presque inabordable. Aussi ne paraît-il guère avoir été. habité par d’autres que par les ermites et les bêtes sauvages.

Voir Theodorici Libellus de Locis Sanctis editus circa A. D. 1172, xxix, édit. Tobler, Saint Gall et Paris, 1865, p. 70-72 ; Adrichomius, Theatrum TerrxSanctee, Trib. Benjamin, n. 97 et 98, in-fo, Cologne, 1600, p. 19 ; F. Quaresmius, Terrse Sanctte Elucidatio, ’part, II, Peregrinatio vi, cap. xii, in-f°, Anvers, 1639, p. 757-578 ; Victor Guérin, Samarie, ch. ii, t. ii, p. 39-45 ; Liévin de Hamm, Guide-Indicateur de la Terre Sainte, 3e édit. Jérusalem 1887, t. ii, p. 305-310. ; L. Heidei

    1. QUARTUS##

QUARTUS (grec : KouâfToç, forme grécisée du latin quartus, « quatrième » ), chrétien résidant à Corinthe, lorsque saint Paul écrivit de cette ville son Épitre aux Romains. Son nom semble indiquer un Romain d’origine. Aussi était-il connu à Rome et l’Apôtre envoie ses salutations aux fidèles de cette Église. Rom., xvi, 23. Des traditions anciennes en font un des soixante-douze disciples et un évêque de Béryte. L’Église latine célèbre sa fête le 3 novembre. Tillemont, Mémoires pourservir àl’histoire ecclésiastique, t. i, p. 259 ; Acla Sanctorum, novembris t. ii.

QUATRE. "Voir Nombre, vii, 4°, t., iv, col. 1688.

    1. QUENOUILLE##

QUENOUILLE (hébreu : kîsôr), instrument destiné à porter la laine à filer (fig. 208). Le mot kîsôr ne se Ut qu’une fois, Prov., xxxi, 19, à propos de la femme forte

Elle met la main au kUôr

Et ses doigts tiennent le fuseau.

Kîsôr vient probablement de kâsar, « être droit ». Le versions l’ont traduit par xi <ru|jupépovTo<, « les choses utiles », et fortia, « les choses fortes ». On a pensé qu’il désigne le neson, le poids qu’on met dans le fuseau pour faciliteç-Safttation.Yoir Fuseau, t. iii, co1.2426j La manière dont s’exprime le texte rend plus probable le sens de « quenouille », sone de bâton droit auquel la femme « met la main » avant de tenir le fuseau. À ce bâton, on fixait la laine ou le lin à filer. Ce bâton était parfois disposé à son sommet en forme de petite corbeille dans laquelle on enfermait la matière à filer. On le fixait à la ceinture. De la main gauche, on tirait les fibres à travers les larges claires-voies de la corbeille et on les rattachait au fuseau qui, tournant d’une manière continue et alimenté sans interruption par la que

nouille, imprimait au fil la torsion convenable. Cf. Rich, Dict. des antiquités romaines et grecques, p. 182, 426.

. — Femme fllant une quenouille. Bas-relief d’une frise du Forum de Nerva à Rome.

Voir Fileuse, Fuseau, fig. 662, 663, 708-711, 722, t. iii,

col. 2250, 2426, 2427.
H. Lesêtre.
    1. QUERELLE##

QUERELLE (hébreu : mâdôn, massâh, massât, merîbdh, rib ; Septante : xpfoic, (iâxi » veïxoç, tv-p&xhl ^ u ^ _ gâte : discordia, jurgium, lis, rixa), désaccord qui se manifeste par des paroles plus ou moins vives et même par des voies de fait.

1° Plusieurs querelles ont été notées par les écrivains sacrés : la querelle entre les bergers d’Abraham et ceux de Lot, Gen., xiii, 7, 8, qui se renouvela entre les bergers d’Isaac et ceux du pays de Gérare, Gen., xxvi, 20 ; la querelle entre les deux Hébreux que Moïse veut apaiser, Exod., it, 13 ; celle qui s’élève au désert entre un Israélite et le fils d’un Égyptien, Lev., xxiv, 10 ; celle que les Éphràïimtes cherchent à Gédéon, Jud., viii, 1 ; celle que la femme de Thécué suppose entre ses deux fils, II Reg., xiv, 6 ; etc. —La Loi s’occupait des querelles. Quand deux, hommes se querellaient et en venaient aux coups, celui qui en avait blessé un autre devait l’indemniser et le faire soigner. Exod., xxi, 18. La peine devenait beaucoup plus grave si, au cours d’une querelle, quelqu’un heurtait une femme enceinte et lui causait quelque mal. Exod., xxi, 22-25. En cas de querelle et de contestation sérieuse, les deux partis devaient se présenter devant les juges, et celui qui était reconnu avoir tort recevait la flagellation séance tenante. Deut., xxv, 1, 2. La femme qui prenait indécemment parti dans unequerelle entre deux hommes avait la main coupée, Deut., xxv, 11.

2° Les querelles paraissent avoir été fréquentes chez les Israélites. Isaïe, lviii, 4, reproche à ceux de son temps d’associer à leurs jeûnes, qui sont louables, des querelles qui les rendent odieux au Seigneur. Jérémie, xv, 10, se plaint d’être continuellement un objet de contestations et de querelles de la part de ses concitoyens. Habacuc, i, 3, constate aussi l’esprit querelleur qni régnait partout. — Les livres sapientiaux sont instructifs à ce sujet. Les querelles sont excitées par le méchant, Prov., vi, 14, 19 ; le haineux, Prov., x, 12 ; le violent, Prov., xv, 18 ; l’emporté, Prov., xiii, 33 ;

l’orgueilleux, Prov., xiii, 10 ; l’hypocrite, Prov., xvi, 28 ; le cupide, Prov., xxviii, 25 ; le buveur de viii, Prov. T xxm, 29. L’insensé vient se mêler inutilement à la querelle, Prov., xviii, 6 ; mal lui en prend, car il a le sort de ceVui qui saisit un chien par les oreilles. Prov., xxvi T 17. Grâce au moqueur et au rapporteur, les querelles deviennent interminables, Prov., xxii, 10 ; xxvi, 20, car ils se plaisent à apporter du’bois et du charbon pour le feu. Prov., xxvi, 21. « Commencer une querelle, c’est ouvrir une digue, » Prov., xvii, 14, on aura mille peines à arrêter l’eau, il faudra qu’elle s’écoule toute entière, La femme querelleuse passaitpour être particulièrement insupportable. On la compare à une gouttière qui, de la terrasse formant toiture, coule à l’intérieur de la maison. Prov., xix, 13 ; xxvii, 15. Plutôt que de demeurer avec elle, mieux vaut habiter à l’angle du toit, Prov., xxi, 9 ; xxv, 24, ou même au désert. Prov., xxi, 19. Le pain sec est préférable à la bonne chère accompagnée de querelles. Prov.. xvii, 1. Aimer les querelles, c’est aimer le péché. Prov., xvii, 19. — L’auteur de l’Ecclésiastique, vin, 2, 4, recommande d’éviter les querelles avec le riche, que son or rend puissant et redoutable, et avec le grand parleur, auquel ce serait fournir un aliment comme du bois au feu. Il donne les conseils suivants au sujet des querelles :

Éloigne-toi de la dispute, tu pécheras moins,

Car l’homme irascible échauffe la querelle…

Le leu s’embrase selon le bois qui l’alimente :

Ainsi la colère d’un homme h’allume selon sa puissance…

Une querelle précipitée allume le feu,

Une dispute irréfléchie fait couler le sang.

Souffle sur une étincelle, elle s’embrase,

Crache dessus, elle s’éteint :

Les deux portent de la bouche. Eccli., xxviii, 8-12.

A l’époque évangélique, comme de tout temps en Orient, les querelles devenaient facilement bruyantes chez les Juifs et dégénéraient souvent en voies de fait. On tirait l’oreille de son adversaire, on lui arrachait les cheveux, on crachait sur lui, on le frappait à l’oreille ou à la mâchoire. Ces actes entraînaient des compensations pécuniaires. Cf. Baba kamma, viii, 6. « Toutes ces peines étaient proportionnées à la dignité de la personne lésée. Quant à l’insulte, aucune loi ne la punissait… Deux Juifs ne pouvaient discuter froidement, et les insultes les plus méprisantes, les injures les plus gros r sières, faisaient partie de la conversation courante dans toutes les classes de la société… Les discussions de la maison d’école dégénéraient souvent en disputes… Du reste, le Juif n’a jamais su discuter froidement… Les accusations de folie, d’ineptie, d’imbécillité étaient fréquentes, le mot raca sans cesse prononcé. » Stapfer, La Palestine au temps de J.-C, Paris, 1885, p. 111, 289, L’exagération et l’hyperbole sont inhérentes au tempé r rament oriental. On comprend dés lors qu’il ait été écrit du Messie : « Il ne criera point, il n’élèvera pas la voix, il ne la fera pas entendre dans les rues, » Is., xlii, 2, et que lui-même ait dit : « Recevez mes leçons, parce que je suis doux et humble de cœur. » Matth. r xi, 29.

3° Les Apôtres condamnent les querelles, comme lesœuvres de la chair, Gal., v, 20, et l’effet des passions mauvaises. Jacob., iv, 1. Le fidèle doit les éviter, Tit., iii, 2 ; le serviteur de Dieu ne doit pas contester. II Tim., n, 24. Il faut s’abstenir des questions stériles qui les engendrent. II Tim., ii, 23. Voir Procès, col. 681.

H. Lesêtre.
    1. QUÊTE##

QUÊTE, demande d’aumônes pour une œuvre charitable. La charité étant un des caractères essentielsdu christianisme, on retrouve à son origine même l’organisation des quêtes pour venir en aide aux pauvres et aux malheureux, surtout dans les calamités publiques. Saint Paul avait établi des collectes poulies pauvres de Jérusalem en Galatie et il en fit faire

également à Corinthe, le dimanche, laissant à chacun la liberté de donner à son gré, et en demandant qu’elles fussent faites avant son arrivée dans cette ville. 1 Cor., xvi, 1-3. Cf. Gal., ii, 9-10 ; II Cor-, viii, 14 ; ix ; Rom., xy, 2ô, XI ; Act., xxiv, 17. Voir R. Cornely, Comment, in 1 ad Corinth., 1890, p. 518-521. Depuis lors, on n’a jamais cessé dans l’Église de faire des quêtes pour subvenir aux besoins des pauvres. Le Talmud, Baba metsia, ꝟ. 38 a, mentionne un usage analogue chez les Juifs. Des quêteurs, appelés npis » Na : , gabbâ’ai sedâqâh ou « collecteurs d’aumônes » recueillaient pendant la semaine les dons de leurs coreligionnaires charitables et distribuaient tous les samedis aux nécessiteux l’argent qu’ils avaient recueilli ou, si c’étaient des dons en nature, tous les soirs. Voir, T. Buxtorf, Lexicon chaldaicum. talmudicum, in-f°, Bàle, 1640, col. 375-376.

, QUEUE (hébreu : zânâb, ’alydh ; Septante : xipxo ; , o’jpâ ; Vulgate : couda), appendice postérieur des animaux, ordinairement formé par un prolongement de l’épine dorsale.

1° Au sens propre. — 1, Il est souvent question de la queue des brebis qui élait offerte dans les sacrifices. Le mot’alyâh sert exclusivement à la désigner. Les Septante l’appellent crréap, « graisse », parce que cette queue se compose surtout d’une masse de graisse dont le poids peut atteindre de six à dix kilogrammes. Voir Brebis, t. i, col. 1912. La queue du bélier, de la brebis et de l’agneau devait être brûlée sur l’autel. Exod., xxix, 22 ; Lev., iii, 9 ; vii, 3 ; viii, 25 ; ii, .19. Voir Graisse, t. iii, col. 293. On pouvait offrir en sacrifice volontaire un bœuf ou une brebis avant un membre trop long ou trop court. Lev., xxir, 23. Les versions parlent ici d’un animal avant la queue coupée, xoXoêôx£pxoç, cauda amputatum. — 2. Sur l’ordre du Seigneur, Moïse saisit par la queue le^erpent en lequel s’était transformé son bâton. Exod., iv, 4. Samson attacha par la queue, deux à deux, les chacals qu’il envoya incendier les moissons des Philistins. Jud., xy, 4. Voir Chacal, t. ii, col. 477. D’après Job, xl, 17, béhémoth, l’hippopotame, « fléchit sa queue comme un cèdre. » Le verbe hébreu fyâfês a le sens de « fléchir, incliner ». La queue de l’hipppo potame est courte, trapue, et n’a que de rares poils. Elle ne peut donc être comparée au cèdre que par la solidité ; glabre et vigoureuse comme le tronc du cèdre, elle fléchit et s’incline comme fait l’arbre sous l’action du vent. Cf. Frz. Delitzsch, Dos Buch lob, Leipzig, p. 526. Quand le jeune Tobie et sa femme revinrent près de leurs vieux parents, « le chien qui les avait accompagnés dans le voyage courut devant eux, comme pour apporter la nouvelle, caressant de la queue et tout joyeux. » Tob., xi, 9. Ce verset ne se lit que dans la Vulgate.

5° Au sens figuré. — I. Par opposition avec la tête, la queue marque le dernier rang, ce qu’il y a de plus intime. Fidèles à Jéhovah, les Israélites seront à la tête et non à la queue, en haut et non en bas ; infidèles, ils seront en bas et à la queue par rapport aux autres peuples. Deut., xxviii, 13, 44. Dieu retranchera d’Israël la tête, c’est-à-dire l’ancien et le noble, et la queue, c’est-à-dire le prophète de mensonge, ce dernier plus méprisable que tous les autres parce qu’il les entraîne au mal. Is., ix, 14, 15. La tête et la queue désignent également en Egypte la nation et ses mauvais conseillers Is., xix, 15. — % La queue est prise pour l’extrémité. Le roi de Syrie et le roi d’Israël sontappelés deux queues, c’est-à-dire deux bouts de tisons fumants, [s., vii, 4. La queue d’une armée, oiox-fta, extremi, ce sont les traînards, Deut., xxv, 18, ou l’arrière-garde. Jos., x, 19. — 3. Dans les visions de saint Jean, les sauterelles ont des queues comme des scorpions et c’est en ces queues que réside le pouvoir de nuire aux hommes. Apoc, ix, 10. Des chevaux sont auasi pourvus de queues pareilles à des serpents dont la tête fait des blessures. Apoc, ix, 19. L’Apôtre décrit au moyen de ces images les fléaux qui doivent fondre sur les hommes. Le grand dragon, symbolisant Satan, entraîne avec sa queue le tiers des étoiles, représentant les anges. Apoc, xii, 4.

H. Lesêtre.
    1. QUINTUS MEMMIUS##

QUINTUS MEMMIUS (grec : Kotvro ; Msu^oc), légat romain. Voir Memmius, t. iv, col. 954.

    1. QUIRINIUS##

QUIRINIUS, vrai nom latin du magistrat romain que la Vulgate écrit Cyrinus, parce que le texte grec l’appelle Kupeîvo ; . Voir Cyrinus, t. ii, col. 1186.

f

R

R, vingtième lettre de l’alphabet hébreu. Voir Resch.

RAAÏA (hébreu : Reâ’yâh, « (celui que) voit Jéhovah » ), nom de trois Israélites dans le texte hébreu. La Vulgate appelle Raaïa celui qui est nommé, I Esd., ii, 47, et II Esd., vii, 50 ; Raïa, le fils de Sobal, .I Par., iv, 2 ; _ Réia, le fils de Micha, I Par., v, 5. Voir Raïa et Rèia. — Raaïa (Septante : ’Païi, LEsd., ii, 47 ; ’Paotia, II Esd., vii, 50), un des chefs nathinéens dont les descendants retournèrent de la captivité de Babylone en Palestine avec Zorobabel.

RAAMIAS (hébreu : Ra’amydh, « tonnerre de Jéhovah », Septante : Tee’/ yi), un des chefs israélites qui retournèrent de Rabylone en Palestine avec Zôrobabel. II Esd., vii, 7. Dans I Esd., ii, 2, il est appelé Rahelaïa.

RAB, abréviation du nom de Rabbi Abba Àréka. Voir Abba Aréka, t. i, col. 18.

RABAN MAUR, archevêque de Mayence. Voir Maur, t. iv, col. 897.

RABBA (hébreu : Rabbâh, « la nombreuse, la grande » ), nom 1ᵒ de la ville principale des Ammonites dont le nom complet est Rabbath des fils d’Ammon ou Rabbath-Ammon (Voir Rabbath-Ammon) ; 2ᵒ d’une ville de Juda (hébreu : Hâ-Rabbâh), Jos., xv, 60, qui porte dans la Vulgate le nom d’Arebba (voir Arebba, t. i, col. 938) ; 3ᵒ la ville principale de Moab, nommée dans l’Écriture Ar et Ar-Moab (t. i, col. 814), portait aussi le nom de Rabbath-Moab.

1. RABBA (hébreu : Rabbâh), capitale du royaume des Ammonites ainsi simplement nommée, Jos., xiii, 25 ; II Reg., xi, 1 ; xii, 27 ; I Par., xx, 1 (2 fois) ; .1er., xlix, 3 ; Ezech., xxv, 5 ; Amos, i, 14. Dans les Septante, à ces mêmes passages, on trouve tantôt’Paéëi, tantôt’Paëëoie ; une fois, Sinaïticus, 1 Par., xx, 2, Paëéâv ; une fois, Vaticanus : ’ApâS, par erreur de copiste. La Vulgate écrit cinq fois Rabba et ailleurs Rabbath. Voir Rabbath, Rabbath-Ammon.

%. RABBA (hébreu : avec l’article hâha-Rabbâh), ville de la tribu de Juda, Jos., xv, 60. La Vulgate transcrit : Arebba. VoirÂrtEBBA, t. i^col. 938.

S. RABBA ou RABBAH, dont le nom subsiste encore dans le district de Kérak, l’ancien pays de Moab, est souvent mentionnée par les écrivains ecclésiastiques et profanes sous le nom de Rabbath-Moab ou Rabathmoba. Voir Eusèbe et saint Jérôme, (Jnomaslicon, édit. Larsow et Parthey, p. 292, 293. Les auteurs arabes l’appellent ordinairement Mââb, équivalent de Moab. Dans la Bible elle est connue seulement sous le nom d’Arou Ar-Moab. Voir Ar, Ar-Moab, t. i, col. 814-817.

1. RABBATH, RABBATH-AMMON (hébreu : Rabbâtâh, à l’état construit et avec le hé local, II Sam., xii, 29 ; partout ailleurs : Rabbaf benê-’Ammôn, « la grande [ville] des fils d’Ammon » ), capitale des Ammonites, aujourd’hui’Amman (fig. 210). Le nom, la situation et les conditions de cette localité ne laissent aucun doute sur son identité avec la capitale dès Ammonites.

I. Noms. — Les trois formes Rabbâh, Ràbbât et Rabbâf benê’Ammôn se trouvent simultanément emçta ^ées, U. Sam. ((U. Re.g., iii, 2.6-29, çouc désigner la ville. Les Septante rendent deux fois la dernière forme par’PaëgàO vlû>v’A|i(iûv, II Reg., xii, 26, et Ezech., xxi, 20 (hébreu, 25) ; une fois par ^ axpa t<5v-jÎôv’Aftjjiâv, Deut., iii, 11, et une fois par ^ to5Xcî toû’Ay.p.â’1, Ezech.,

209. — Monnaie de Rabbath-Ammon.

AYT. ylk. M. aïpk. ahtqnehioe. MuiotunTèle et Vervjs sa donnant la main. — %. HPAKAHS. Buste d’Hercule jeune, de face, la poitrine nue, avec sa. massue derrière la tête ; dans le champ *IA. — KOI AÇ ?)H. — ErP.

xxv, 5. La Vulgate traduit constamment par Rabbath flliorum Artimon.— Amman, Bitvmman ou Ammâna, fréquemment nommée dans les inscriptions assyriennes, désigne sans doute la ville elle-même et indirectement la contrée. Cf. Ammonites, t. i, col. 494, 497 ; F. Vigou » roux, La Bible et les découvertes modernes, 6e édit., t. nr, p. 461, 526 ; t. iv, p. 25, 34, 71, 88, 120. —Appelée Philadelphie, *i>.aSeX<jta, par les Grecs et les Romains, du nom de Ptolémée Philadelphe, roi d’Egypte (284-247), elle fut souvent encore désignée de son ancien nom, même par les écrivains grecs. Polybe, Hist., v, 71, l’appelle’Paëa&âjiavot. Cf. Reland, Palestina, Utrecht, 1714, p. 957-958. Eusèbe et saint Jérôme, Onomasticon, édit. Larsow et Parthey, Rerlin, 1862, p. 306 et 307. Procope de Gaza assure que Philadelphie était [toujours ] appelée Amman par les. indigènes, c’est-à-dire par tous les Orientaux en général. In Gen., c. xii et xix, t. lxxxvii, col. 349 et 378. — Le nom de Philadelphie n’a jamais été employé par les auteurs bibliques. Il disparut, avec les Grecs et les Romains, quand les Arabes eurent conquis la contrée (635) et le nom de’Amman est resté jusqu’aujourd’hui le seul en usage dans le pays. II. Situation. — Rabbath-Ammon (fig. 211) était non loin de la limite [orientale] de Gad, au nordd’Hésébon, .et

en face d’Aroër de cette tribu. Jos., xiii, 25. Le site d’Aroèr n’est pas connu. D’après les indications de YOnomasticon, Ammon-Philadelphie se trouvait aiisud de Gérasa dont elle était séparée par le Jabôc ; elle était distante, à l’ouest, de sept milles (=10472°") d’Abéla, l’ancienne Abel des Vignes ; de huit milles (= 11968° 1) ou dix milles (16490 1° ), plus ou moins, d’Azor ou Iazer située elle-même à quinze milles (22440 iii) [au nord] d’Hésébon, et d’autant de Zên (localité inconnue) et de Ramoth en Galaad. Loc. cit. et p. 8 et 9, 200 et 201, 308 et 309. — Ptolémée, dans sa Géographie, v, 15, place Philadelphie dans la Cœlé jardins bordaient la ville. Cf. El Muqaddasi, Géographie, édit. Goeje, Leyde, 1874, p, 175, 192 ; Yaqût, Dict. géogr., édit. Wûstenleld, Leipzig, 1867, t. ii, p. 719-720 ; Abu’1-Féda, Géogr., - édit. Renaud et Slane, Paris, 1840, p. 246-247. L’admiration des Arabes a été partagée par les explorateurs européens qui, après plusieurs siècles, sont revenus, dans le cours du dernier, visiter’Amman. Ses ruines en effet, avec celles de Djérai, sont les plus importantes et les plus belles que l’on trouve dans la contrée au delà du Jourdain. Elles se développent surtout an coté méridional de la colline où se trouve la citadelle. £Iies s’étendent sur une longueur

210. — Plan de Rabbatb-Ammon.

D’après Couder, The Survey of Eastern Palestine, Mémoire, 1889, vis-à-vis de la p. 20.

Syrie, au 68° de latitude et au 31°20’de longitude. —’Amman est en effet, d’après les géographes moderùes, au 31° 57’30° de latitude nord et au 33°38’de longitude -est de Paris.

III. Description. — Rabbath-Ammon, à l’époque de David, se composait de deux villes ou deux quartiers : « la ville des eaux, » ’îv ham-mâîm, et la ville où se trouvait la résidence royale ou la citadelle. L’une et l’autre avait, semble-t-il, sa muraille distincte. Of. II Reg., xii, 26-29. — Les écrivains arabes ne parlent qu’avec admiration des mines considérables et magnifiques de’Amman. La ville basse, arrosée par d’abondants cours d’eaux et des canaux, entourait la montagne sur laquelle s’élevait le château de Djâlût (Goliath). On remarquait le cirque de Salomon, et près de la rue <iu marché (sûq) une élégante mosquée. Des moulins Relevaient sur le bord de l’eau et de riants et. riches

de pivs d’un kilomètre. Non loin du point de jonction des chemins venant de tfésbdn et de Car, prés de fa rivière canalisée, qui amène les eaux de’aïn-’Amman, que l’on, peut considérer comme la source de la Zerqâ ou du Jaboc, on rencontre des vestiges qui paraissent une ancienne porte de ville. À cent cinquante pas au delà, on voit, sur le bord du chemin, une construction rectangulaire qui semble être un monument sépulcral. Bientôt, c’est Une suite de grands bâtiments dont les murailles sont souvent presque entières, basiliques, temples, églises chrétiennes, portiques, thermes, palais, boutiques qui se succèdent sur le parcours de la rivière. Un pont d’une seule arche en plein ceintre réunit les bords de celle-ci. À huit cents mètres de la porte, on] aperçoit à la droite du ruisseau et appuyé contre la colline qui borde au sud Vouadt-’Amman, un théâtre d’une admirable conservation. Une grande

place rectangulaire, jadis entourée de colonnes corinthiennes dont douze restent debout, précède l’amphi théâtre. C’est sans doute « le cirque de Salomon » auquel fait allusion El-Muqadassi. Six mille spectateurs pouvaient s’y tenir. À l’est de la place, se trouve un petit théâtre couvert en odéon. Parmi les ornements dont est chargée la frise de l’entablement, on remarque la louve de Romulus et de Rémus. La plupart des constructions paraissent être romaines et de l’époque des premiers Césars. — Plus bas, on rencontre un moulin. En cet endroit et sur un espace d’environ trois cents mètres, la rivière était recouverte d’une voûte et une belle muraille se développait sur la rive. Un édifice carré situé non loin du voisinage d’une mosquée ruinée semble être un monument sépulcral, que l’on a cru celui d’Urie. — La colline qui formait l’acropole domine au nord toutes ces ruines. Son altitude au-dessus de la mer Méditerranée est de 818 mètres-Elle s’élève ainsi de 102 mètres au-dessus de la ville basse dont l’altitude, près du théâtre, est de 776 mètres. La ville haute, appelée el-Qal’ah, « la citadelle », affecte la forme d’une équerre ou d’un L. Un fossé large et profond, coupant la croupe méridionale, limite la ville à l’orient. Le mur qui l’entourait, flanqué de quelques tours, était construit avec de gros blocs posés sans ciment, indice d’une haute antiquité. Une porte s’ouvrait au sud en face de la ville basse et une seconde à l’ouest. Dans l’intérieur, on remarque les restes d’un grand temple dont les caractères architecturaux sont ceux de l’époque des Antonins. La ville semble avoir été renversée par un tremblement de terre. Plus au nord, s’élève entière parmi les ruines une construction disposée à l’intérieur en forme de croix grecque, à voûtes ogivales, et dont les murs sont décorés de peintures orientales, comme on en voit dans un grand nombre de châteaux du désert qui est à l’orient de Moab. Pour les uns c’est une mosquée, pour d’autres un édifice de la période des Sassanides ; c’est, pensons-nous, un palais de l’époque chrétienne desGhassanides. De grandes citernes se rencontrent çà et là. — Des habitations particulières s’élevaient sur les flancs de fa colline, spécialement du côté de l’ouest. Les nombreux restes de constructions épars sur la colline qui fait face à la citadelle et sur les autres des alentours, semblent indiquer des villas dispersées dans les vignes et les jardins. Lesflancs des vallées dont Amman est entourée recèlent de nombreux tombeaux : les uns avec sarcophages appartiennent aux temps gréco-romains, les autres offrent des dispositions et un travail identique aux sépultures hébraïques de la Judée. Parmi ces sépulcres l’un d’eux, situé vers l’est, et qui se fait remarquer par les proportions plus qu’ordinaires de sa couche funèbre, a été pris par des voyageurs pour « le lit » du roi Og, auquel l’Écriture fait allusion. Deut., iii, ll.

IV. Histoire. — Les admirables conditions dans lesquelles se trouve le site de Amman, n’ont pu manquer d’y attirer les premiers occupants du pays qui étaient de la race des Raphaïm et étaient appelés les Zomzomrniu par les Ammonites. Deut., ii, 20. Les fils d’Ammon cependant s’y étaient établis déjà et en avaient fait leur capitale à laquelle ils avaient donné le nom de. leur père, quand les Israélites, sortis de l’Egypte, arrivèrent avec Moïse sur les confins du pays de Moab. Le roi Og paraîtrait l’avoir occupé quelque temps auparavant. Cf. lbid. et iii, 11. Deux siècles plus tard, Rabbath-Ammon, laissée par Moïse en la possession des fils de Lot, dut voir arriver les parlementaires de Jephté demandant raison de l’envahissement des terres d’Israël par les Ammonites. Jud., xi, 12-28. Les députés de David, venus pour présenter les condoléances du roi d’Israël au roi Hanon à propos de la mort de son père, y furent ignominieusement accueil lis. C’est pour venger cette injure que Joab, avecl’armée de David, vint l’assiéger l’année suivante. Maître de la ville basse, « la ville des eaux, » et sur le point de s’emparer de la ville haute, Joab appela David pour assister à l’assaut. Urie était mort pendant le siège, tué sous les murs, dans une sortie des assiégés prévue parle général israélite. D’immenses richesses étaient accumulées dans la ville royale, David s’en, empara et réserva la couronne du roi, du poids ou de la valeur d’un talent d’or, et chargée de pierres précieuses, pour son propre usage. II Reg., x, xi, xii, 2631 ; I Par., xx, 1-3. Rabbath devint un simple chef-lieu d’une province de l’empire de David, jusqu’après le schisme d’Israël. Au temps de Jérémie, Rabbath avait recouvré son indépendance. Le prophète reprocha à son peuple ses empiétements et lui annonça des châtiments célestes. Jér., xlix, 1-6. Ezéchiel le menace du glaive du roi de Babylone. Celui-ci consultera lesorl pour savoir s’il doit porter l’épée contre Rabbathr Ammon d’abord ou contre Jérusalem. Pour n’être paschoisie la première, Rabbath n’échappera cependant pas à l’épée. Ezech., xxi, 19-22, 28-29. Les fils d’Ammon. ont applaudi avec fureur aux malheurs d’Israël et de Juda et à la profanation du sanctuaire du Seigneur, pour cela Rabbath sera livrée aux Benê-Qédém, c’est-à-dire aux Arabes, et deviendra la demeure de leurschameaux. Ezech., xxv, 1-7. En effet, la cinquième annéeaprès la destruction de Jérusalem, raconte l’historien. Josèphe, NabachodoRosor marcha contre Ammon et Moab et les réduisit en sa puissance. Josèphe, Ant. }ud, r X, IX, 7. Ainsi, Rabbath perdait son indépendance pourtoujours. De la domination des Assyriens et des Chaldéens elle passa sous celle des Perses, et des mainsdes Perses aux mains des Crées, des Romains et des^ Arabes.

C’est sans doute la présence d’une colonie grecque installée à Rabbath aussitôt après la conquête de la. Transjordane (332), qui porta Ptofémée II Philadelphe (258-247) à agrandir et à embellir la ville qui » fut alors appelée de son nom. Etienne de Byzance, Ethniques, au mot « ÊtXaSeXç/a. — Rabbath-Ammon-Philadelphie apparaît, avec son général d’armée, Timothée, comme l’adversaire le plus implacable des Juifs, pendant la guerre soutenue par ceux-ci contre l’hellénisme. Cf. I Mach., v ; II Mach., vm-x, xii ; Ant. jud., Xll, viii, 3-4. L’assassin de Simon Machabée, de sa femme et de ses fils, vint lui demander un refuge pour échapper aux vengeances de Jean Hyrcan, Ant. jud., X.111, viii, 1 ; Bell, jud., i, ii, 4. Elle fut une des villes qui s’unirent, quand Pompée et les Romains se furent emparés de là Syrie (63), pour former la petite confédération hellénique de la Décapole. Pline, H. N., v, 18. Cf. Décapole, t. ii, col. 1333. Cependant à côté de l’élément grec s’en développait un autre mêlé à la population aborigène d’Ammon qui devait bientôt absorber ce dernier et le supplanter, en attendant qu’il restât seul maître de la ville : c’était l’élé-, ment arabe. Il devait être assez nombreux déjà, dès lespremiers temps de l’occupation macédonienne, pourque Polybe, faisant allusion à cette époque, appelât, , loc. cit., Rabathamana une « ville d’Arabie ». Arétas, . roi des Arabes, qui avait pris parti pour Hyrcan II, . contre son frère Aristobule, menacé par Scaurus, , lieutenant de Pompée, acheté par celui-ci, se réfugia à. Philadelphie comme dans une ville qui lui appartenait. Bell, jud., i, vi, 3. Hérode, chargé par Antoine de réduire les Arabes à l’est du Jourdain, vint avec les Juifs, mettre le siège devant Philadelphie (31), où se trouvait le roi des Arabes. Repousses dans plusieurs sorties, , dans lesquelles plus de douze mille hommes avaient péri et quatre mille avaient été faits prisonniers, les-Arabes rendirent la ville et recomiurent le roi da, Judée pour patron (npaazixr^) de leur nation. BelL 917

RA.BBATH-AMMON

RABBI

918

jvd., i, xix, 5. Suivant la parole de Jérémie, xlix, 2, ceux qui avaient été possédés possédaient à leur tour. Les Romains continuèrent à tenir Philadelphie pour une ville arabe. Pline, loc. cit. Saint Épiphane appelle la contrée environnante 1’  « Arabie de Philadelphie ». Rabbath-Philadelphie peut être comprise parmi les villes de la Décapole où se répandit le bruit de la délivrance du possédé de Gérasa et qui envoyèrent des leurs entendre la parole du Sauveur. Matth., iv, 25 ; Marc, v, 20 ; vii, 10. Il est probable aussi que parmi les Arabes qui écoutèrent le discours de Pierre, le jour de la Pentecôte, Act., ii, 11, se trouvaient des habitants de cette ville. Elle peut être encore un des lieux de l’Arabie où s’arrêta l’apôtre Paul, pendant les trois ans qu’il y resta après sa fuite de Damas, avant de se rendre à Jérusalem. Gal., i, 17. Quoiqu’il en soit, il n’est pas douteux que Rabbath-Ammon ne fût une des premières cités évangélisées par les disciples mêmes du Christ. Les anciennes listes ecclésiastiques mentionnent Philadelphie la septième ville parmi les 33 sièges épiscopaux de la province d’Arabie dont Bosra était la métropole. Reland, Palsestina, p. 217, 219, 223, 226, 228.

Il semblerait que’Amman était ruinée et abandonnée, quand y arrivèrent les Arabes musulmans (635). « Saluez les ruines désertes de’Amman, dit un ancien poète cité par Ibn Khordâdbêh (c. 860), et demandez le campement de Rab’a, s’il reviendra. » Les routes et les royaumes, édit. Goeje, Leyde, 1866, p. 56. « La ville a été détruite et le château et il n’y reste qu’un village de fellahin, » dit el-Yaqûby (c. 874), Géographie, édit. Juynboll, Leyde, 1851, p. 113. Les nouveaux conquérants n’avaient cependant pas tardé à l’occuper. Dès le principe, en effet, ’Amman est indiquée comme la capitale de la Belqd, c’est-à-dire de la province comprenant, avec l’ancien territoire de l’Ammonitide, toute la région au sud de la Zerqà ou le Jaboc qui avait appartenu à la tribu de Gad et à Ruben et parfois à Moab. Abandonnée de nouveau, après les Croisades, elle n’était plus qu’un parc où venaient parfois camper, avec leurs chameaux, les Bédouins du désert de l’est. C’était l’accomplissement parfait de.la prophétie d’Ézéchielj xxv, 5. Eu 1878, le sultan de Constantinople a livré les ruines de’Amman et la contrée des alentours aux Circassiens fanatiques qui refusaient de demeurer dans leur pays conquis parles Russes. Ils ont établi leurs huttes informes au milieu des temples et des palais de l’antique Philadelphie. La présence de ces sauvages habitants est loin-de rélever l’aspect des ruines et d’être une protection pour elles. Une gare portant le nom de’Amman vient d’être construite non loin de la ville, sur la ligne du chemin dé fer de Damas à la Mecque.

V. Bibliographie. — N..T. Seetzen, Reisen dure h Syrien, Palâstina, etc., édit. Kruse et Fleischer, 4 in-8°, Berlin, 1854-1859, t. i, p. 396-397 ; t. iv, 212216 ; J. Z. Burckhardt, Travels in Syria and the Holy Land, in-4°, Londres, 1822, p. 356-360 ; V. de Saulcy, Voyage en Terre-Sainte, 2 in-8°, Paris, 1865, t. i, p. 241-270 ; Cl. R. Conder, The Survey of Èastem Palestine, Menwirs, 2 in-4°, Londres, 1889, t. i, 19-64 ; Id., Heth and Moab., in-12, Londres, 1885, p. 157-161, 167 ; Guy le Strange, Palestine under the Moslems, in-8°, Londres, 1890, p. 391-395 ; 274-286 ; Id., À ride through’Ajlûn and the Belkd during the autumn Of 1884, dans G. Schumackcr, Across the Jordan, in-8° Londres, 1886, p. 308-311. L. Heidet.

2. RABBATH MOAB, nom donné au ive siècle par Eusèbe à la capitale des Moabites et probablement usité déjà à l’époque. biblique, quoiqu’on ne le rencontre pas dans les livres de l’Ancien Testament où elle est appelée kt, Xrl&oaV.’SsÂî ta., ., « ».Sflvu

    1. RABBI##

RABBI (>31, (Saêë ! ou pa6êet)> de la racine rab, « grand », avec le pronom suffixe de la première personne du singulier, î. Mot hébreu, qui signifie à la lettre « mon grand » ; puis, d’après un usage spécial : mon maître, mon professeur. C’était un titre d’honneur et de respect, analogue à Magister, Doctor. Cf. S. Jérôme, In Matth., xxiii, 7, t. xxvi, col. 165. On le donnait chez les Juifs aux docteurs de la loi, à l’époque de Notre-Seigneur, lorsqu’on les saluait ou qu’on leur adressait la parole. Cf. Matth., xxiii, 7. Le suffixe l perdît graduellement sa valeur pronominale, surtout lorsqu’on plaçait le mot rabbi devant un nom propre : Rabbi Akiba, Rabbi Samuel, etc. C’était, dans ce cas, une expression semblable à notre « Monsieur ». Peu à peu aussi ce titre se généralisa, et on l’appliqua non seulement aux docteurs officiels, mais à quiconque groupait autour de lui des élèves, pour les instruire dans la science religieuse d’Israël. Voilà pourquoi Jean-Baptiste était appelé rabbi par ses disciples, Joa., iii, 26, de même que Jésus recevait habituellement ce nom de la part soit de ses familiers, Matth., xxvi, 25, 49 ; Marc, ix, 5 ; xi, 21 ; Joa., i, 38 ; iv, 31 ; vi, 25 ; ix, 2, etc., soit aussi d’autres personnes, Marc, x, 51 ; Joa., xx, 16, etc.

Il est employé une douzaine de fois sous sa forme hébraïque dans les Évangiles selon saint Matthieu, selon saint Marc et selon saint Jean ; mais très souvent aussi, dans ces mêmes écrits, il est remplacé par son équivalent grec 1151ay.ale ; Vulgate : magister. Cf. Matth., vm, 19 ; xxii, 16, 24, etc. ; Marc, iv, 38 ; ix, 17 ; x, 35, etc. ; Joa., 1, 39 ; viii, 4 ; xx, 16. Saint Luc ne le cite jamais sous sa forme étrangère, conformément à un de ses principes littéraires. Cf. L. Cl. Fillion, Évangile selon saint Luc, Paris, 1882, p. 17. Il dit, lui aussi, SiÔâaxaXe (douze fois), ou bien, èiuaTâta (six fois : Luc, v, 5 ; viii, 24, 45 ; îx, 33, 49 ; xvii, 13 ; Vulgate prxceptor). Fréquemment aussi, par exemple Matth., viii, 21, 25, le mot rabbi est traduit en grec par x-jpie ; Vulgate : Domine.

On ne saurait déterminer l’époque exacte à laquelle ce titre honorifique commença à être employé avec cette signification spéciale. Les Talmudistes étaient déjà en désaccord sur ce point. Quelques-uns d’entre eux, avec l’exagération dont ils sont coutumiers, en faisaient remonter l’origine jusqu’à Élie. Leur principal argument consistait dans le texte IVReg., ii, 12, où Elisée, s’adressant au prophète son maître, s’écrie, d’après la traduction du Targum : Rabbi, rabbi (dans l’hébreu : ’Abî, ’âbi, « mon père, mon père » ). D’après l’opinion la plus vraisemblable, c’est dans le siècle qui précéda la naissance de Notre-Seigneur que cet usage fut introduit. Voir Schûrer, Geschichte des jûdischen Volkes, t. ii, 3e édit., p. 316. On le trouve très souvent dans la Mischna. Cf. Nedarim, IX, 5 ; Beræholh, II, 5-7 ; Pesachim, vi, 2 ; Baba kama, viii, 6, etc. Chez les Juifs de Babylone, on disait d’ordinaire Rab au lieu de Rabbi.

Nous savons par l’Évangile, Matth., xxiii, 7, que les docteurs de la loi tiraient beaucoup de vanité du titre de rabbi, auquel ils attachaient un grand prix. C’était d’ailleurs un principe^u’on ne devait jamais interpeller un de ces savantsypar son nom personnel. Voir Chr. Schœttgen, Horse hebr. et talmud., 1733, t. 1, p. 386. On employait aussi, à l’époque de Jésus-Christ, mais très rarement, les titres Rabbân ou Rabbôn, forme intensive de rab. On ne cite que sept grands docteurs de la loi auxquels ils aient été appliqués d’une manière officielle ; le premier de tous aurait été Gamaliel, le maître célèbre de saint Paul. On disait alors proverbialement, pour marquer les nuances des mots rabbân, rabbi et rab, usités comme titres de respect : Major est Rabbi guam Rab, et major est Rab kj », qvwMw Rfl&6v Voir Nathan ben Jechiel, Aruclt,

au mot Abi ; Dessauer, Aramâisches Wôrterbuch, p. 216.

C’estdu mot rabbi que dérive le substantif « rabbin », qui sert à désigner actuellement les ministres principaux du culte judaïque, dont les fonctions sont de prêcher, de célébrer les mariages, etc. De rabbi vient aussi, d’après la prononciation ribbi ou rebbi, qu’on rencontre sur des inscriptions juives relativement récentes, le titre rebb, octroyé par les juifs contemporains à quiconque, chez eux, possède quelque connaissance du Taîmud. Voir la Revue des Études juives, t. vi, p. 205 ; Corpus inscript, lalin, , t. îx, n. 648 et 6220 ; L. Kompert, Scènes du Ghetto, trad. franc., Paris, 1859, p. 11, n. 1.

Bibliographie. — Buxtorf, De abbrevialuris hebraicis, Bâle, 1640, p. 172-177 ; W. mil, De Hebrœorum rabbinis seu magistris, léna, 1746, in-4° ; , 1. A. Othon, Lexicon rabbinico-philologicum, in-12, Altona, 1757, p. 560-563 ; J. Hamburger, Real-Encyclopâdie furBibel und Talmud, in-8°, t. ii, Strelitz, 1883, p. 943-944 ; J. Levy, Neuhebrâisches und chaldâisches Wôrterbuch ùber die Talmudim und Midraschim, in-4°, t. iv, Leipzig, 1889, p. 409-410, 416-417 ; G. Dalman, Die Worte Jesu, in-8°, t. i, Leipzig, 1898, p. 267-268, 272280 ; Leopold Loew, Gesammtl. Schriften, in-8°, t. iv, 1898, p. 211-216. L. Fillion.

    1. RABBINIQUES##

RABBINIQUES (BIBLES). On appelle ainsi les éditions de la Bible hébraïque qui contiennent avec le texte original les commentaires de rabbins célèbres. On leur donne aussi le nom de mVni mNipn, Migr’aôt gedôlôt, « grandes Bibles ». — 1° La première Bible rabbinique est celle de Bomberg, 4 in-f » ou in-4°, Venise, 1516-1517, dont Félix Pratensis dirigea l’impression, t. ii, col. 2187. Voir Bomberg, t. i, col. 1844.

— 2° Cette première édition, ayant été critiquée par les juifs, Bomberg en publia une seconde, également à Venise, 4 in-f », 1524-1525, sous la direction de Jacob ben Chayim (né à Tunis vers 1470, converti au christianisme dans sa vieillesse et mort vers le milieu du xvi » siècle). — 3° Une nouvelle édition de la Bible de Bomberg, avec des modifications, fut publiée à Venise en 1546-1548 sous la direction de Cornélius Adelkind (t. i, col. 215). — 4° La quatrième édition de la Bible de Bomberg, 4 in-f°, Venise, 1568, par Jean de Gara, fut revue par Isaac ben Joseph Salam et Isaac ben Gerson Trêves et éditée avec divers changements. — 5° La cinquième édition, publiée à Venise, 4 in-f », 16171619, par Pietro et Lorenzo Bragadin, sous la direction de Léon de Modène (né à Venise, le 23 avril 1571, mort dans cette ville en 1648) et d’Abraham Chaber-Tob ben-Solomon Chayim Sopher. C’est à peu de chose près une reproduction de la précédente. Elle porte l’imprimatur du censeur René de Modène, 1626.. — 6° La sixième édition, éditée par Jean Buxtorf, parut à Bâle., 2 in-f », 1618-1619. — 7° La septième édition, connue sous le nom de Bible d’Amsterdam, fut éditée dans cette ville en 4 in-f°, 1724-1727, par Moses Frankfurter. C’est la plus estimée des Bibles rabbiniques. Elle a pour base les éditions de Bomberg et « lie reproduit tout ce qu’elles contiennent, ainsi que ce qui se trouve dans la Bible de Buxtorf, avec des additions nouvelles, Onkelos, la grande Massore, les commentaires de Raschi, d’Abenesra, de Kimchi, etc. ; les variantes des manuscrits orientaux et occidentaux, les différences du texte de Ben-Ascher et de Ben-Naphthali, recueil important pour la critique du texte hébreu. — 8° Mentionnons une dernière Bible rabbinique publiée à Varsovie par Lebenson, 12 petits in-f », 1860-1868, qui renferme,-outre le texte hébreu, les Targums, la grande et la petite Massore, les variantes de Ben-Ascher et de Ben Naphthali, et divers commentaires dus à des rabbins.

RABBONI. C’est le mot rabbân ou rabbôn, avec le suffixe î ; plus simplement peut-être, ’d’après divers auteurs, une autre forme de rabbi. Voir ce mot. Dans le grec des Évangiles, paëoovî d’après le texte reçu, Vulgate : rabboni ; paëëouvi ou paëëovivei d’après de nombreux manuscrits. Ce titre apparaît deux fois seulement dans le Nouveau Testament. 1° Marc, x, 51, l’aveugle de Jéricho s’écrie : « Rabboni, que je voie. » 2° Joa., xx, 16, Marie Madeleine interpelle par ce même nom le Sauveur ressuscité, après l’avoir reconnu dans le jardin. Saint Jean traduit rabboni par StSioxaXs. — Voir J. Dalman, Die Worte Jesu, in-8°, t. î, Leipzig, 1898, p. 279. L. Fillion.

    1. RABBOTH##

RABBOTH (hébreu : hd-Rabbif ; Septante : Codex Vaticanus.AaêeipoSv ; Codex Alexandrinus : PaggtM), ville de la tribu d’Issachar, mentionnée une seule fois dans la Bible, Jos., xix, 20. Elle se trouve citée entre Anaharath, aujourd’hui très probablement En-Na’urah, sur la partie septentrionale du Djebel Dâhy, et Césion, appelée aussi Cédés, et représentée sous ce dernier nom par Tell Abu Qudéis, au sud-est d’El-Led/djûn. Voir la carte d’Issachar, t. iii, col. 1008.. Mais ces deux points ne nous servent guère pour l’identification de Rabboth. Il faut descendre jusqu’au sud-est de Djénîn pour rencontrer un nom correspondant à celui-là. Ce nom est Râbd, qui représente bien l’antique dénomination. Le village n’a aucune importance ; on remarque, au nord-ouest, des citernes parmi des ruines. Cf. V. Guérin, Samarie, t- î, p. 336 ; Survey of Western Palestine, Memoirs, Londres, 1881-1883, t. ii, p. 227228 ; ’A. Buhl, Géographie des allen Palàstina, Leipzig, 1896, p. 204. Cette identification est regardée au moins comme probable par les différents auteurs. Rabbît fut une des villes prises par Sésac du temps de Roboam. Maspero, Histoire ancienne des peuples de l’Orient,

6e édit., 1904, p. 422.
A. Legendre.
    1. RABDOMANCIE##

RABDOMANCIE, divination au moyen de bâtons ou d’objets analogues. — II en est question dans deux passages bibliques. Ezech., xxi, 26 ; Ose., IV, 12. D’après saint Jérôme, In Ezech., vii, 21 ; In Ose., i, 4, t., xxv, col. 206, 850, il y est "en effet question de bélomancie et de rabdomancie, divination par les traits ou par les bâtons. Le bârû ou devin babylonien « levait le cèdre, » c’est-à-dire probablement un bâton de ce bois servant à ses présages. Cette verge divinatoire paraît désignée dans les textes par le mot gU-Hm. Cf. Martin, Textes religieux assyriens et babyloniens, Paris, 1903, p. 220, 228 ; Lagrange, Etudes sur les religions sémitiques, Paris, 1905, p. 236. Chez les Arabes nomades, le prêtre rendait des oracles pour indiquer ce qu’il y avait à faire, par exemple entreprendre la guerre ou y renoncer. La réponse était fournie au moyen de flèches ou de bâtons. Cf. Lagrange, Études, p. 218. Le bâton sémitique a quelque analogie avec le lituus de l’augure romain, bâton recourbé en crosse et servant à tracer des lignes idéales dans le eiel pour deviner l’avenir. Cf.’Cicéron, Divinat., 1, 17 ; Tite Live, I, 18. Le bâton du bàrû et celui de l’augure n’avaient qu’un pouvoir magique ou fictif. La rabdomancie à laquelle les prophètes font allusion n’était en réalité qu’un appel au sort. Le Prqtévangile de Jacques, 8, 9, imagine une scène de rabdomancie compliquée de surnaturel pour expliquer le choix de Joseph comme époux de Marie. Le Coran, iii, 39, se réfère à ce récit. Voir Divination,

t. ii, col. 1444.
H. Lesêtre.
    1. RABSACÈS##

RABSACÈS, hébreu : nptfai, rabsaqêh ; Septante : ’PaëoixY) ; , Pa^âxTi ; . Ce mot n’est ni un nom propre comme l’avaient admis beaucoup de versions et d’interprètes anciens, ni un composé hébreu signifiant « grand échanson » formé de rab, « grand, chef », et saqêh

pour masqêh, « échanson », comme l’expliquaient jusqu’à maintenant les exègètes modernes (échanson, masqêh, et prince des éehansons, sar ham-maiqîm se trouvent dans Genèse, XL, 1 et 9) : c’est un titre assyrien d’officier de rang supérieur, bien que placé au-dessous du tartan ou tur-ta-nu, dans les textes cunéiformes comme dans la Bible, IV Reg., xviii, 17 ; Is. xxxvi, 12. Ce titre paraît ainsi soit dans la liste des officiers assyriens, The’tCuneiform Inscriptions of Western Asia, t. ii, pi. xxxi, col. i, n. 5, 1. 34, soit dans les listes chronologiques des éponymes (12° éponymie de Rammannirar, roi d’Assyrie, en 799), soit dansles annales relatant les guerres des monarques assyriens : c’est ainsi que Théglathphalasar, The Cun. Inscrip. of West. Asia, -t. ii, pi. lxvii, 1. 66, mentionne l’envoi d’un rab-sak comme ambassadeur chargé de recevoir le tribut de Metenna ou Mathon, roi de Tyr. Le premier élément du mot signifié « grand, chef », et le second sak-(u), synonyme.de rie-su signifie « tête, chef, officier ». Dans la sommation envoyée à Ézéchias par Sennachérib retenu au siège de Lachis, c’est le. rab-sak qui prend la parole, bien qu’il n’occupe dans la liste des officiers que le troisième rang ; outre l’assyrien, il est représenté comme parlant l’araméen et l’hébreu : le3 envoyés d’Ezéchias le prient d’employer l’araméen pour ne pas décourager la population hiérosolymitaine qui l’écoute, mais il persiste à employer l’hébreu, et redouble d’insolence : il paraît même renseigné sur les réformes religieuses d’Ezéchias qui a fait partout supprimer les hauts-lieux et les autels érigés à Jéhovah pour ne laisser subsister que l’autel de Jérusalem : il semble avoir aussi connaissance des oracles d’isaïe, viii, 7, 8 ; x, 5, 6, lorsqu’il affirme que c’est sur l’ordre de Jéhovah que Sennachérib’marche contre Jérusalem, IV (II) Reg., xviii, 25. À la "vérité il a pu dire ces choses de lui-même pour effrayer davantage les sujets d’Ezéchias. Les Juifs du temps de saint Jérôme, In ls., xxxvi, t. xxrv ; col. 380, prétendaient sur ces légers indices que c’était un fils d’isaïe, transfuge et apostat. Voir Schrader-Whitehouse, The Cuneiform Inscriptions and the OU iTest., t. ii, 1888, p. 34 ; Vigouroux, La Bible et les découvertes modernes, 6e édit., t. iv, p. 23-24, 50 ; G. (Rawlinson, The five great Monarchies, 1879, t. ii,

p. 165.
E. Pannier.
    1. RAB-SARIS##

RAB-SARIS (hébreu ono-ai, rab-sâris), dans

Jer., Septante : ’Paëuapi ; (Na60uoapt « ) ; Vulgate : Rabsaris, dans Jer., xxxix, 3, 13 ; Rabsares, dans IV Reg., xviii, 17, dans Daniel, i, ; 3, 7, 8 [avec le second élément au plurfel rab-sarisim ; Septante : àp^isuvoûxoç ; Vulgate : prœpositus eunuchorum, voir Asphenez, 1. 1, col. 1124]), titre analogue à rab-saces, indiquant un emploi élevé à la cour des rois d’Assyrie ou de Babylone : l’hébreu le traite comme signifiant « grand eunuque » ou « chef des eunuques », et c’est le sens donné à ce mot par tous les anciens interprètes : mais on constate en différents passages que le terme d’eunuque perd souvent le sens étymologique pour garder la signification plus large d' a officier de la cour >>. Voir Eunuque, t. ii, col. 2044.

— Les textes cunéiformes transcrivent ce titre en trois éléments rubu sa riesuj riêsu ou rêsu ayant le sens de « tête, chef prince », l’appellation complète signifie « chef des princes », ce qui cadre avec le récit de Daniel où il a la garde des enfants « de race royale », Dan., i, 3, resu étant synonyme de sak, saku. Rab-saris est donc analogue au terme rab-sacés ; mais la vocalisation est différente et, semble-t-il aussi, la fonction. Le titre se trouve dans une inscription du Musée Britannique 82-714, 3570, publiée par Pinches, The Academy, 25 juin 1892. On le trouve également dans une inscription bilingue, babylonienne et araméenne, attribuée à un Nabusar-ussur, limu ou éponyme en 683 ; mais le titre ne se

trouve que dane la partie araméenne, où il est transcrit exactement comme dans l’hébreu, Dicai, tablette 81-24, 147. Berger, Comptes rendus de l Académie des inscriptions et belles-lettres, 1886, p. 201 ; Corpus inscript, semiticarum, t. i, fasc. i/p. 43-44. Jusqu’à présent, il ne s’est rencontré que rarement dans les textes cunéiformes ; dans la Bible, il est mentionné plusieurs fois ; pour un officier assyrien de Sennachérib, entre le tartan et le rabsacés ; pour des officiers babyloniens, Sarsakim et Nabusezban, Jer., xxxix, 3, 13 ; pour Asphenez, Babylonien chargé de l’éducation des jeunes Hébreux à la cour, de Nabuchodonosôr, Dan., i, 3. Voir Vigouroux, La Bible et les découvertes modernes, 6e édit., t. iv, p. 23 ; T. G. Pinches, dans Hastings, Dictionary

of the Bible, t. iv, p. 191.
E. Pannier.

RACA, mot adressé au prochain pour l’insulter. — Ce mot se rattache à l’araméen rêqâ’et à l’hébreu rêq, qui signifient « vide, vain », et, d’après saint Jérôme, In Matth., i, 5, t. xxvi, col, 37, équivalent ici à l’injure habituelle : « sans cervelle ». Les rêqîm sont souvent des « gens de rien ». Jud., IX, 4 ; XI, 3 ; II Reg., VI, 20. Notre-Seignèur renvoie au tribunal local celui qui s’irrite contre son frère, au tribunal suprême ou sanhédrin celui qui lui dit : « raca ! » et à la géhenne du feu celui qui lui dit : « fou ! » Matth., v, 22. Le mot « raca », d’après la gradation des peines, constitue donc une injure intermédiaire entre la simple colère et l’appellation de « fou ». La tête vide est en effet moins responsable que la tête folle, c’est-à-dire celle qui se sert de sa raison pour faire le mal. Fou est pris dans le sens d’impie. Cf. Ps. xiii, 1. Voir Fou, t. ii, col. 2330.

H. Lesêtre.
    1. RACHAL##

RACHAL (hébreu : Râkâl ; Septante : Codex Alexandrinus : ’Pax^), ville de Juda, à laquelle David envoya de Siceleg une part du butin qu’il avait pris sur lés Amalécites. I Reg., xxx, 29. Elle n’est mentionnée qu’en ce seul endroit de l’Écriture et est complètement inconnue. Cependant les Septante, en ajoutant plusieurs noms, placent ici une ville de Carmel. On suppose donc que, au lieu de hzis, be-Râkdl, « à ceux qui étaient à

T7 î

Râkâl, » il faudrait lire : Sïnss, be-Karmél, toïç êv

Kap t"iX(p, « à ceux qui étaient à Carmel. » Il s’agirait alors de la ville de ce nom, dont il est question Jos. XII, 22 ; xv, 55, et qui est représentée aujourd’hui par les ruines appelées Khirbet Kermel, à environ quinze kilomètres au sud d’Hébron. Voir CarmélI, t. ii, col. 288. Cette hypothèse, acceptée par bon nombre d’exégètes est plausible, malgré les obscurités du texte grec dans ce

passage.
A. Legendre.
    1. RACHAT##

RACHAT (hébreu ; ge’ullâh ; Septante : Xûipov ; Vulgate : redemptio), compensation fournie en échange de ce que l’on veut garder ou recouvrer. Le prix du rachat s’appelle kofêr, Exod., xxi, 30, pedûyyîm, Num., iii, 46, ou pidyôn, Num., iii, 49, X^ipov, prétiurn. — Sur le rachat des esclaves, voir Esclave, t. ii, col. 1923. — Sur le rachat de certains délits, voir Amende, 1. 1, col. 476, — Le rachat pouvait porter sur les personnes, les animaux ou les choses.

1° Rachat des peysDmn.es. — Tout fils premier-né appartenait au Seigneur et devait être racheté. Exod., xiii, 13 ; Num., iii, 49, etc. Voir Premier-né, col. 602. En dehors du premier-né, un Israélite quelconque, homme ou femme, pouvait se consacrer ou être consacré par vœu au Seigneur. La consécration par immolation effective, comme la comprit Jephté, Jud., xi, 31-39, était contraire à la Loi. D’autre part, ceux qui étaient consacrés par vœu ne pouvaient être employés au service du Temple, puisque ce service était réservé aux Lévites. Quelques uns donnaient suite à leur consécration en professant le nazaréat. Voir Nazaréat, t. iv,

col. 1515. Le plus grand nombre profitaient de la faculté de rachat accordée par la Loi. Ce rachat se faisait à prix d’argent et la somme variait selon l'âge et le sexe des personnes. On payait pour un homme de 20 à 60 ans, 50 sicles d’argent (175 francs, le sicle valant à peu près 3 €r. 50) ; pour une femme, 30 sicles (105 fr.) ; de 5 à 20 ans, pour un garçon, 20 sicles (70 fr.), et pour une fille, 10 sicles (35 fr.) ; d’un mois à cinq ans, pour un garçon, 5 sicles (17 fr. 50), et pour une fille, 3 sicles (10 fr. 50J ; au-dessus de 60 ans, pour un homme, 15 sicles (52 fr. 50), et pour une femme, 10 sicles (35 fr.). Suivant l'âge, les hommes payaient donc successivement 5, 20, 50, et 15 sicles, et les femmes, 3, 10, 30, et 10 sicles. Cette gradation n’est pas proportionnelle au travail qu’on peut fournir, puisque d’un mois à cinq ans l’enfant n’est capable de rien. Elle s’inspire de la prééminence de l’homme sur la femme et de celle de l'âge mûr sur l’enfance et la vieillesse. Ces prix n'étaient payés qu’une fois, le texte ne supposant aucune redevance périodique, à moins, sans nul doute, que le vœu n’ait été renouvelé, rendant ainsi possible de nouveaux rachats. Les pauvres ne pouvaient aisément payer les taxes, relativement élevées. La Loi s’en remettait alors à l’estimation du prêtre, qui fixait le prix du rachat proportionnellement aux moyens de l’intéressé. Lev., xxviii, 3-8. — En aucun cas, l’on ne pouvait racheter les personnes frappées de hêrém, c’està-dire vouées à l’anathème par Dieu ou ses représentants autorisés, et par conséquent condamnées à périr. Lev., xxvii, 28, 29. Voir Anathème, t. i, col. 545547.

2° Rachat des animaux. — Les premiers-nés des animaux domestiques, behêmâh, (JouxoXt’a, pecora, appartenaient au Seigneur. On immolait, sans pouvoir les racheter, ceux qui étaient admis dans les sacrifices, veaux, agneaux et chevreaux. Exod., xili, 13 ; xxxiv, 19 ; Num., xviii, 17. Si quelqu’un de ces. animaux était impropre aux sacrifices à raison de quelque défaut, on ne le rachetait pas davantage, quoi qu’en pensent plusieurs auteurs, cf. De Hummelauer, In Exod. et Levit., Paris, 1897, p. 139, 547 ; la Loi prescrivait de le manger comme ou mange la gazelle ou le cerf, sans l’offrir en sacrifice à Jéhovah. Deut., xv, 21, 22. On devait racheter le premier-né de l’animal impur. Num., xviii, 15. Par animal impur, il faut entendre ici le cheval, l'âne et le chameau, d’après Philon, De prim. sacerdot., 1, édit. Mangey, t, ii, p. 391. Le rachat se taxait sur l’estimation du prêtre, avec majoration d’un cinquième. Lev., xxvii, 27. D’après Josèphe, Ant. jud., IV, iv, 4, la taxe était pratiquement fixée à un sicle et demi (5 fr. 25). Si l’animal n'était pas racheté, les prêtres le vendaient sur leur estimation. On obviait probablement à ce que l’Israélite ne fût pas amené, par avarice, à préférer l’abandon au rachat. Une règle spéciale concernait le rachat de l'âne ; on pouvait donnera sa place un agneau, et, faute de rachat, on lui brisait la nuque. Exod., xiii, 13 ; xxxiv, 20. Cette exception s’inspirait de la grande utilité que procuraient les ânes dans un pays comme la Palestine, où ils constituaient à peu près la seule iranture possible et où ils rendaient de si grands services. Voir Ane, t. i, col. 568. De plus, l'ânesse porte onze mois et la brebis seulement cinc^. Il avait donc grand intérêt à substituer un agneau à un ânon. Il n’est pas ici question des animaux sauvages que l’on pouvait cependant manger, comme le cerf, la gazelle, le chevreuil, l’antilope, etc., parce qu’il n'était pas au pouvoir de l’Israélite de discerner et de prendre leurs premiers-nés. Le porc est également passé sous silence, parcequ’il ne peut servir qu'à la nourriture, que cette "nourriture était expressément prohibée et qu’en conséquence les Israélites n'élevaient pas ce genre d’animaux. On pouvait aussi offrir, en dehors des premiers-nés, un animal quelcon que à Jéhovah. S’il était de ceux qui convenaient aux sacrifices, on n’avait le droit de le remplacer que par un équivalent. S’il n'était pas de nature à être offert, le prêtre en estimait le prix, et le propriétaire qui désirait le reprendre payait ce prix majoré d’un cinquième. Lev., xxvii, 12, 13. Cette majoration tendait sans doute à empêcher des retours trop fréquents sur la possession de ce qu’on avait voué.

3° Rachat des choses. — 1. Champs. La propriété qu’un Israélite, pressé par la pauvreté, cédait en tout ou en partie, pouvait être rachetée par son parent le plus proche, voirGôÊL, t. iii, col. 260, ou par lui-même, quand il en retrouvait le moyen. En pareil cas, le taux du rachat se calculait d’après le nombre d’années qui devaient s'écouler avant l’année jubilaire, époque à' laquelle chacun rentrait en possession de son patrimoine familial. Lev., xxv, 25-28. Voir Jubilaire (Année), t. iii, col. 1752. — Un Israélite pouvait aussi consacrer à Jéhovah, par vœu, une partie de ses champs. Mais comme les propriétés étaient inaliénables, on n’en consacrait en réalité que les revenus jusqu’au prochain jubilé. La valeur du don se calculait à raison de 50 sicles d’argent par chômer de semence d’orge. En admettant la valeur du sicle à 2 fr. 50, celle du chômer à 388 litres 80, et le rendement moyen d’un chômer de semence à 20 chômer de récolte, on a chaque année 7776 litres de grains pour 175 francs, soit 44 litres pour 1 franc. À l'époque d’Elisée, le bas prix de deux séah d’orge était d’un sicle, soit environ 26 litres pour 3 fr. 50 ou 7 litres et demi pour 1 franc. IV Reg., vii, 1. Le prix fixé par la loi concernant les vœux était donc extraordinairement faible, ce qui devait à la fois faciliter la vente des grains ainsi consacrés et éviter aux prêtres la tentation de s’enrichir à l’aide de pareils vœux. Celui qui voulait racheter son champ payait donc la redevance indiquée par chômer de semence pour chaque année, c’est-à-dire, si l’on était alors à l’année jubilaire, pour le temps qui devait s'écouler jusqu'à la suivante année jubilaire, soit pour 43 ans, en défalquant les années sabbatiques, ou autrement selon le nombre d’années qui restaient avant le prochain jubilé. De la teneur du texte et de la faiblesse de l'évaluation en argent, il ressort en effet avec évidence que le prix indiqué devait être annuel. Lev., xxvii, 16-18. Pour racheter son champ voué au Seigneur, l’Israélite payait donc la redevance, mais avec une majoration d’un cinquième. Si l’Israélite ne payait pas le prix du rachat et que le prêtre fût obligé en conséquence de vendre le champ à un autre, le champ ne revenait plus au premier propriétaire l’année du jubilé, mais il restait à Jéhovah et passait dans le domaine du prêtre. *Lev., xxvii, 20, 21. Cette clause devait faire réfléchir celui qui hésitait à payer ses redevances votives ; il y allait pour toujours de son bien patrimonial. Enfin, celui qui avait acheté un champ à son frère pauvre pouvait aussi consacrer ce champ à Jéhovah. Mais, en pareil cas, le champ revenait toujours au propriétaire primitif l’année du jubilé, et, pour que le vœu ne restât pas sans exécution assurée, celui qui l’avait fait payait sur le champ le prix total du rachat, suivant le nombre d’années qui restaient jusqu’au jubilé. Lev., xxvii, 2225. — 2. Maisons. Celui qui vendait une maison entourée de murs conservait le droit de rachat pendant toute une année. Ce temps révolu, la maison appartenait au nouvel acquéreur à titre définitif, et ne revenait pas au propriétaire primitif à l'époque du jubilé. Cette mesure ne troublait pas l’ordre des patrimoines, parce que les habitants des villes murées ne vivaient pas sur le domaine familiaL Les maisons des villages non entourés de murs suivaient au contraire le sort des champs environnants et revenaient au propriétaire primitif à l'époque du jubilé ; aussi, n'était-il pas besoin d’accorder à ce dernier toute une année de réflexion

avant qu’il prît sa résolution définitive. Par exception, les lévites avaient sur leur maison un droit de rachat perpétuel, et celles-ci leur revenaient toujours à l’époque du jubilé. Cette disposition s’explique par le fait que les lévites n’avaient que des propriétés assez restreintes, mais les possédaient à perpétuité. Lev., xxv, 29-34. —On pouvait aussi consacrer par vœu sa maison àJéhovah. Les prêtres en fixaient la valeur par une estimation à laquelle on devait s’en tenir. Si celui qui avait consacré sa maison voulait la racheter, il en payait le prix fixé avec une majoration d’un cinquième. Lev., xxvii, 14, 15. — 3. Dîmes. Il était permis de racheter une partie de la dime prélevée sur les céréales ou sur les fruits, à condition d’en majorer le prix d’un cinquième. Lev., xxvii, 31. Le rachat évitait les frais de transport ; sans la majoration, il eût constitué un avan sa servante Bala, qui eut deux fils. De son côté, Lia donna sa servante, Zelpha, qui eut deux fils, et elle-même en eut deux autres. Alors seulement, Rachel connut les joies de la maternité et enfanta un fils qu’elle appela Joseph, en souhaitant que Dieu lui accordât un autre fils. Quand Jacob se fût enrichi au service deLaban, qui se montrait peu bienveillant à son égard, il proposa à Lia et à Rachel de retourner en Chanaan. Celles-ci acceptèrent, et l’on se prépara au départ à l’insu de Laban, occupé à la tonte de ses brebis. Rachel déroba même les théraphim de son père. Laban les atteignit cependant dix jours après, et se plaignit, entre autres choses, qu’on lui eût emporté ses théraphim. Jacob ignorait ce détail ; il dit à son oncle de fouiller les tentes. Rachel cacha alors les objets réclamés dans la selle de son chameau et s’assit dessus, en prétextant

211. — Tombeau de Ractiel. D’après une photographie.

tage pour le cultivateur exonéré de ces frais, et un dommage pour les prêtres qui eussent eu à se les imposer. Ces majorations indiquaient en outre qu’il fallait savoir consentir un sacrifice pécuniaire, quand on ne voulait pas faire à Dieu l’abandon définitif de ce qu’on

lui avait consacré.
H. Lesêtre.
    1. RACHEL##

RACHEL (hébreu : Râfiêl, <r brebis » ; Septante : ’Pa^r ; }), fille de Laban et femme de Jacob. — Quand Jacob arriva en Mésopotamie, où il devait demander en mariage l’une des filles de son oncle Laban, il rencontra auprès d’un puits les bergers de ce dernier. Il s’entretenait avec eux, quand ceux-ci lui signalèrent l’approche de Rachel, qui amenait au puits les brebis de son père. Jacob abreuva les brebis de la jeune fille, l’embrassa ensuite et se fit connaître à elle. Rachel se hâta d’aller annoncer à Laban la présence de son neveu. Jacob, bien accueilli par son oncle, se mit à son service, à condition qu’au bout de sept ans il aurait le droit d’épouser Rachel qu’il aimait. Ce temps écoulé, Laban substitua son aînée, Lia, à Rachel que Jacob avait compté obtenir. Celui-ci put cependant épouser cette dernière au bout de quelques jours, à condition de s’engager à servir encore sept années. Lia eut successivement quatre fils. Rachel, qui demeurait stérile, donna à Jacob

une indisposition pour ne pas se lever. Laban ne trouva donc rien, et Jacob put en conscience protester contre une perquisition injurieuse pour lui. Rachel s’était jouée de son père, en lui dérobant des objets auxquels il attachait un grand prix et en le trompant pour l’empêcher de les retrouver. Mais il faut avouer que Laban s’était rendu coupable d’une injure bien autrement grave envers sa fille, quand il lui avait frauduleusement substitué Lia, au lieu de l’accorder elle-même à Jacob, ainsi que le réclamait la justice. Gen., xxix, 9xxx, 24 ; xxxi, 4-44. Quand Jacob fut arrivé dans le pays de Chanaan, il se dirigea du côté de Mambré, pour y retrouver son père Isàac. Parti de Béthel, il était à une certaine distance dAÉphrata, voir Printemps, col. 677, quand Rachel fut prise des douleurs de l’enfantement. La sage-femme l’encouragea en lui annonçant la naissance d’un fils. Rachel se mourait ; elle donna à son fils le nom de Benoni, « fils de ma douleur », que Jacob changea en celui de Benjamin, « fils de la droite ». Rachel expira à cet endroit, près de Bethléhem. Jacob éleva sur sa tombe un monument qui se voyait encore à l’époque où ce passage de la Genèse fut écrit. Gen., xxxv, 16-20. Le monument actuel de Rachel est « un joli ouély carré surmonté d’un dôme (fig. 211) qui date seulement de 1679, avec une allonge à l’est construitepar

sir Muses Montefiore. Le tombeau est dans l’intérieur de l’édifice. C’est un monument en forme de double plan incliné, comme un de nos toits ; sa hauteur est de trois à quatre mètres ; sa surface est recouverte d’arabesques en stuc. Mais si le monument est moderne, sa position répond parfaitement au texte de la Genèse. Le tombeau y est mentionné comme existant au temps de Moïse. Sept cents ans plus tard, Samuel l’indique à Saûl. I Reg., x, 2. Saint Jérôme le cite plusieurs fois. Epist. cviii, 10, t. xxii, col. 884 ; Adv. Jovin., i, 19, t. xxiii, ’col. 237. Arçulphe (h, 7) le décrit au vn « siècle comme surmonté d’une pyramide, et il mentionne une stèle érigée par Jacob. Édrisi, géographe arabe du XIIe siècle, dit que sur ce tombeau sont douze pierres placées debout en mémoire dés douze tribus. Ainsi, par suite d’une tradition constante, juifs, chrétiens et musulmans saluent en ce lieu la sépulture de la gracieuse épouse de Jacob. » Chauvet-Isambert, Syrie, Palestine, Paris, 1890, p. 349 ; cf. Josèphe, Ant. jud., I, XXI, 3 ; Socin-Benzinger, Palàstina und Syrien, Leipzig, 1891, p. 123 ; Le Camus, Notre voyage aux pays bibliques, Paris, 1894, t. i, p. 389. — Rachel était l’épouse de prédilection de Jacob ; de là le grand amour qu’il porta toujours aux deux fils qu’il tenait d’elle, Joseph et Benjamin. Aussi, dans le souvenir des Israélites, Racbel prenait-elle le pas sur sa sœur Lia. Ruth, iv, 11. — On lit dans Jérémie, xxxi, 15 :

Une voix a été entendue à Rama,

Des lamentations et des pleurs amers ;

Rachel pleurant ses enfants,

Elle refuse d’être consolée

Parce que ses enfants ne sont plus.

Le prophète fait allusion à l’exil d’Israël. Du haut de la colline de Rama, d’où l’on domine le pays d’Éphra’im, Rachel, mère de Joseph et par conséquent aïeule d’fcphraïm et de Manassé, est représentée comme pleurant ses enfants disparus. Saint Matthieu, ii, 17, 18, applique ces paroles au massacre des innocents, sur le territoire de l’ancienne tribu de Benjamin, second fils

de Rachel.
H. Lesêtre.
    1. RACINE##

RACINE (hébreu et chaldéen : soréi ; Septante : pfSct ; Vulgate : radix), organe au moyen duquel la plante puise dans le sol l’humidité et les éléments nécessaires à sa nutrition.

I. Au sens propre. — La plante ne peut pas végéter sises racines ne trouvent pas l’humidité indispensable. Matth., xiii, 6 ; Marc, iv, 6. Desséché jusqu’à la racine, l’arbre meurt. Marc, xi, 20. Si, avant qu’il soit mort, ses racines rencontrent l’eau, il peut revivre. Job, xiv, 8. Pour le faire périr sûrement, on coupe sa racine avec la cognée. Matth., iii, 10. Il y a des racines qui possèdent des propriétés nutritives ou médicinales ; la connaissance de ces propriétés a été attribuée à Salomon. Sap., vii, 20. Il fallait être réduit à une bien grande misère pour se nourrir de la racine du genêt. Job, xxx, 4 ; voir Genêt, t. iii, col. 185.

2° Au sens figuré,-r Les écrivains sacrés donnent le nom de racine à tout ce qui, dans un être quelconque, remplit un rôle analogue à celui de la racine dans la plante. — 1. Israël est comme une vigne plantée parle Seigneur dans la terre de Chanaan ; il y a enfoncé et étendu ses racines, c’est-à-dire il y a fixé sa vie matérielle et sa vie nationale et il y a prospéré. Ps. lxxx (lxxix), 10 ; Ezech., xvii, 6, 7, 9. Pour lui faire place, Dieu a détruit les racines de l’Amorrhéen. Ara., ii, 9. La racine d’Éphraïm a été complètement desséchée. Ose., ix, 16. Juda, à son tour, sera transporté ailleurs, mais ce quien reviendra poussera des racines dessous et des fruits dessus, c’est-à-dire prospérera de nouveau. IV Reg., xix, 30 ; Is., xxxvii, 31. Le peuple juif, héritier des anciennes promesses, a été la

racine sur laquelle a vécu ensuite le peuple converti de la gentilité. Rom., xi, 16-18. Autrefois, Assur plongeait ses racines dans 1 les eaux abondantes, il était prospère et puissant. Ezech., xxxi, 7. — 2. Le juste, béni de Dieu, a ses racines arrosées par les eaux. Job, xxix, 19 ; Jer., xvii, 8. Sa racine ne sera pas ébranlée et elle donne son fruit. Prov., xii, 3, 12. — 3. L’impie lui aussi étend ses racines. Job, v, 3 ; Jer., xii, 2. Mais ces racines sont semblables à la pourriture, Is., v, 24 ; elles s’entrelacent entre les pierres, Job, viii, 17 ; Eccli., xl, 15 ; se desséchent, Job, xviii, 16 ; n’ont pas de profondeur. Sap., iv, 3. Le Seigneur les arrache, Ecc)i., ix, 18, et les fils des méchants ne poussent pas de racines, Eccli., xxiii, 35. Le jour du Seigneur ne laissera aux impies ni racines ni rameaux. Mal., iv, 1. Toutes ces images signifient que la prospérité du méchant ne peut être qu’éphémère. — 4. À une racine sont comparés ceux qui donnent naissance à une postérité. La racine de Jessé a produit un rejeton qui est le Christ. Is., xi, 1 ; Rom., xv, 12 ; Apoc, v, 5 ; xxii, 16. "Voir t. iii, fig. 185, col. 937. Des successeurs d’Alexandre sortit une racine d’iniquité, Antiochus Épiphane. I Mach., i, 11 ; cf. Dan : , xi, 7. Nabuchodonosor fut puni, mais Dieu lui laissa sa souche avec ses racines, Dan., iv, 12, 20, 23, c’est-à-dire la possibilité de recouvrer sa royauté.

— 5. Certaines causes sont comme la racine des effets qu’elles produisent. À qui a été révélée la racine de la sagesse ? Eccli., i, 6. Cette racine ne périt pas, Sap., m, 15, et elle s’est répandue au milieu du peuple élu. Eccli., xxiv, 13. La connaissance de Dieu est la racine de l’immortalité. Sap., xv, 3. La racine d’un procès est le motif de condamnation. Job, xix, 28. La cupidité est la racine de tous les maux. I Tim., vi, 10. Il y a une racine produisant le poison et l’absinthe, Deut., xxix, 18, et une racine d’amertume. Heb., xii, 15. Sous ces images sont signalés aux Israélites et aux chrétiens les péchés et les vices qui attirent le malheur et sèment la discorde. Les âmes faibles, succombant aisément à la tentation, ne permettent pas à la parole de Dieu de prendre racine en elles. Matth., xiii, 21 ; Marc, iv, 17 ; Luc, viii, 13. — 6. Par analogie, on donne le nom de racine à ce qui occupe la partie inférieure d’une chose et lui sert de soutien. Il est question de la racine des pieds, Job, xiii, 27, de la racine de la mer, Job, xxxvi, 30, de la racine d’un lieu, Gen., xxxv, 8, et surtout de la racine des montagnes, Exod., xix, 17 ; xxiv, 4 ; xxxii, 19 ; Deut., iii, 17 ; iv, 11, 49 ; I Reg, xxv, 20, de celle de l’Hermon. Jos., xi, 3. Israël restauré poussera ses racines comme le Liban. Ose., xiv, 6. Les mineurs ébranlent les montagnes dans leurs racines. Job,

xxviii, 9.
H. Lesêtre.
    1. RADDAÏ##

RADDAÏ (hébreu : Baddaï ; Septante : ’PaSSai, dans le Codex Alexandrinus ; Vaticanus : ZaBSoci [ZaëSac], un des frères de David, le cinquième des fils de Jessé. I Par., iv, 14. Il n’est nommé que dans ce seul passage de l’Écriture.

    1. RAFRAICHISSEMENT##

RAFRAICHISSEMENT (hébreu : meqêrâh, de qdrar, « être froid », Jud., Ill, 20, non rendu par les versions), soulagement contre la grande chaleur. — 1° On prenait le frais dans une chambre haute, Jud., m, 20, sous un péristyle. II Mach., iv, 46, etc. La rosée rafraîchit les ardeurs du vent d’Orient. Eccli., xviii, 16. En enfer, le mauvais riche demande que Lazare lui vienne rafraîchir la langue. Luc, xvi, 24. — 2° Au sens figuré, le rafraîchissement désigne un bien moral analogue au bien physique que produit la fraîcheur quand il fait grand chaud, Saint Pierre appelle temps de rafraîchissement, a.'izty>Ze, ia< ; , rrefrigerii, celui où les Juifs convertis consentiront à recevoir la grâce de Jésus-Christ. Act., iii, 20. Notre Seigneur prédit qu’à la fin des temps, l’iniquité croissant, la foi d’un grand

nombre se refroidira. Matth., xxiv, 12. Ici le rafraîchissement devient excessif en une chose qui ne le comporte pas ; en conséquence, il constitue un malheur.

— 3° La Vulgate emploie plusieurs fois les mots refrigerium, réfrigéra, là où il est question de repos, Exod., xxiii, 12 ; Ps. xxxix(xxxviii), 14 ; Prov., xxix, 17 ; Sap., iv, ’7 ; , 1er., xlvii, 6 ; Rom., xvi, 32 ; de soulagement, Eccli., xxxi, 25 ; Is., xxviii, 12 ; de remède, Sap., il, 1 ; de consolation, Eccli., iii, 7 ; de réconfort, II Tim., i, 16, ou d’abondance. Ps. lxvi (lxv), 12. — 4° L’figlise a retenu le mot de refrigerium, c< rafraîchissement », comme désignant l’état qu’elle désire voir succéder à l’expiation douloureuse pour les âmes

de ses défunts. Canon Missse.
H. Lesêtre.
    1. RAGAU##

RAGAU, nom d’un des ancêtres de Notre-Seigneur et d’une localité de Médée.

1. RAGAU (grec : ’Payai), fils de Phaleg, un des ancêtres de Notre-Seigneur en saint Luc, iii, 35. Son nom est écrit Reù dans la Genèse, xi, 18, etc. La différence d’orthographe provient de ce qu’il y a un>, ai « , dans la forme hébraïque du nom. La Vulgate n’a pas rendu celle lettre dans la Genèse, tandis que le texte grec de saint Luc l’a transcrit par un y, d’où est venu le g dans la forme latine du nom Ragaù.

2, RAGAU (Seplante : ’Paya-j), grande plaine (Iv tô> neStto Tiâ uxyàXw), où Nabuchodonosor vainquit Arphaxad le Mède. Elle est mentionnée seulement dans le livre de Judith, i, 5 (texte grec), comme étant située sur les confins de Ragaû (dans la Vulgate, 1, 6, incampo magnn qui appellatur Ragau circa Euphraten et Tigrim). Au y. 15 du texte grec, il est dit que Nabuchodonosor prit Arphaxad’et le perça de traits èv toï ? opest’Payaû, in montibus Ragau, ce qui peut s’entendre des plateaux élevés de la Médie où est situé Rages. « La campagne de Ragaû, dit Calmet, est apparemment celle qui est aux environs de la ville de Ragse ou Rages. Ce fut dans ces plaines, au pays de Médie, qu’Arphaxad fut entièrement défait. Il avait déjà souffert divers échecs sur le Tigre et surl’Eupbrate. » Comment, iilt. sur Judith, 1722, p. 371. — Au lieu de Ragau, le syriaque porte Dura, nom connu par Daniel, iii, 1. Les noms propres sont tellement altérés dans le livre de Judith et le passage relatif à Ragaù est si différent dans le texte grec et le texte latin qu’il est bien difficile dé résoudre le problème soulevé par Judith, i, 6 (latin), 5-6, 13-16 (grec).

. La Vulgate, i, 6, dit que Ragaû est « près de l’Euphrate, du Tigre et du Jadason, dans la plaine d’Érioch, roi des Éliciens. » Éliciens doit se lireÉlyméens ou Mèdes, comme le porte le texte grec. Voir Eliciens, l. ii, col. 1670. Le Jadason est l’Ulaï, d’après le syriaque. Voir Jadason, t. iii, col. 1103. Si Ragaû est Rages, les indications géographiques données par la Vulgate sont très vagues et imprécises. Le texte paraît ici visiblement altéré dans les noms propres.

RAGE, maladie virulente qui atteint surtout le chien, et, à sa dernière période, le rend furieux et le porte à mordre l’homme ou d’autres animaux, auxquels se communique le funeste virus. Les chiens de Palestine ne sont pas exempts de cette maladie, bien qu’elle les atteigne moins fréquemment qu’ailleurs. — Gesenius, Thésaurus, p. 774, pense que le participe miflahelêah vient du verbe Idhah, « avoir grand soif », et signifie « enragé », Prov., xxvi, 18 : « Comme un enragé qui lance des traits enflammés, des flèches et la mort, ainsi celui qui trompe son prochain » pour plaisanter. Septante : « i|j.evoi, tiré peut-être de 16ç, « trait » et « venin a ; Vulgate : noxius, « funeste s. L’idée d’enragé pourrait être appelée par le verset précédent, où il est parlé de chien pris par les oreilles. Rosenmùller,


Proverlia, Leipzig, 1829, p. 637, et d’autres préfèrent rattacher le mot à l’arabe là’âh, « . jouer » : « Celui qui joue à lancer des traits, eic. » Ce sens fournirait, semble-t-il, une pensée plus en harmonie avec le parallélisme. Cependant on s’en tient plus généralement à l’étymologie hébraïque. Buhl, Gesenius’Handw., p. 403, traduit Je mot par « stupide, imprévoyant ». — D’aprèsla Mischna, ïoma, ꝟ. 84. 29, quand un homme avait été mordu par un chien enragé, on lui donnait à

manger le foie de ce chien.
H. Lesêtre.
    1. RAGES##

RAGES, ville de Médie, appelée habituellement’Payai’, par les anciens auteurs classiques, et aussi Tob., ix, 2, 5, dans le Codex Sinailicus ; ’Payaéa par Plolémée ; Râghd dans l’ancien persan ; ’Pàyoi dans l’édition romaine des Septante. Tob., i, 14 ; iv, 1, 20 ; v, 5, etc. (fig. 212).

1° Situation géographique. — Rages était située dans la Médie orientale (voir Ja carte, t. iv, col. 916), du côté de la Parthie, au pied de la chaîne de l’Elbourz, à dix jours de marche d’Ecbatane, à une journée des célèbres Pylss Caspiss, cf. Arrien, De expedit. Alexandri, III, xx, 2, ce qui lui donnait une grande importance stratégique ; dans la province nommée d’après elle Rhagiana, Ptolémée, VI, ii, 6, ou Rhagee, Diodore de Sicile, xix, 44. D’après le livre de Tobie, où cette ville est mentionnée fréquemment, elle était le séjour d’un grand nombre de Juifs déportés par Salmanasar, en particulier de Gabélus (t. iii, col. 1129), auquel Tobie l’ancien avait prêté dix talents d’argent. Cf. Tob : , i, 16 ; iv, 21, v, 8, 14 ; ix, 3, 6. La Vulgate nomme Rages deux autres fois, iii, 7, et vi, 6, mais évidemment par une erreur des copistes, comme la demeure de Raguël. Tob., vi, 6. Elle fait partir l’ange Raphaël de Rages, où demeurait Raguël, pour aller à Rages, où il s’était chargé de réclamer à Gabélus l’argent dû par celui-ci à Tobie père. Il y a là une contradiction manifeste. Pour la faire disparaître, quelques auteurs ont supposé faussement qu’il existait en Médie deux villes distinctes, portant le nom de Rages. Cf. O. Fritzsche, Die Bûcher Tobi und Judith erklârt, Leipzig, 1853, p. 52. Le texte grec porte exactement dans ces deux passages « Ecbatane s an lieu de Rages. Voir Ecbatane, t. ii, col. 1530. Cf. H. Reusch, Das Buch Tobias ïtbersetzt und erklârt, Fribourg-en-Brisgau, 1857, p. 29 ; Gutberlet, Das Ruch Tobias, in-8°, Munster, 1877, p. 117-119, 210.

2° Histoire et description de Rages. — L’histoire de’la ville de Rages est peu connue, surtout dans ses débuts.’D’après la légende persane, la cité aurait été bâtie à une époque extrêmement reculée. En fait, le Zend-Avesta, Vendidad, ch. i, la mentionne comme une ville d’une haute antiquité. Il est certain qu’elle fut un des centres les plus anciens de la civilisation dans l’Iran. Darius fils d’Hystaspe (521-485 avant J.-G.) nomme deux fois dans son inscription de Béhistoûn, col. ii, par. 13, lignes 7172, le pays de Rdghd, qui ne diffère certainement pas de celui de Rages. Il dit y avoir battu et fait prisonnier le rebelle Mède Phraorte, qui s’y était réfugié. Voir J. Menant, Le syllabaire assyrien, in-4°, Paris, 1869, p. 125 ; J. Oppert, Le peuple et la langue des Mèdes, in-8°, Paris, 1879, p. 512-513^, Il n’y a donc rien d’étonnant à ce que le livre de Tobie place à Rages les Juifs déportés sous le règne de Salmanasar. En effet, IV Reg., xvii, 6 ; xrm, 11, ce roi avait exilé des Israélites dans les villes mèdes. Voir F. Vigouroux, La Bible et les découvertes modernes, 6e édit., t. iii, p. 561568. Arrien, De expedit. Alex., III, xx, 2, fait mention de Rages, à l’occasion d’Alexandre le Grand, qui y séjourna pendant cinq jours en 331, lorsqu’il poursuivait Darius Codoman. Tombée en ruines, peut-être à la suite d’un tremblement de terre, elle fut reconstruite par Séleucus I er Nicator (358-280 avant J.-C), qui lui

V. - 30

donna le nom d’Europos. Strabon, XI, jui, 6. Elle eut beaucoup à souffrir pendant les guerres des Parthes. Arsacès la restaura à son tour et la nomma Arsacia. Stràbon, ibid. Elle servit de résidence d’été à ses successeurs. Les Arabes la conquirent aussi, l’an 642 de notre ère.

L’ancienne dénomination survécut à, toutes ces péripéties et à tous ces désastres ; c’est ainsi que, jusqu’au Xe siècle, Rages est citée comme une ville considérable encore, sous le nom de Raï ou Reï, par les historiens persans et arabes. En 763, elle avait donné le jour au célèbre Harôûn al-Raschid. Elle fut détruite

soit écroulé. L’état des ruines montre que la ville formait une sorte de triangle très accentué. Partout, dans l’enceinte, on trouve des fragments épars de poterie plus ou moins fine. En contemplant ces restes grandioses, on comprend qu’Isidore de Charax, Stathmi parthici, 7, dans les Geograplri grseci minores, édit. Didot, t. i, p. 251, ait appelé Rages « la plus grande ville de la Médie. » Clavijo, ambassadeur d’Espagne à la cour de Tamerlan, en 1404, l’a décrite comme une cité toute en ruines. Cf. Curzon, Persia, t. i, p. 349.

3° Bibliographie. — W. Ouseley, Travels in various cauntrics of the East, t. m. p. 116-117, 174-170 ; Ker

212. — Réï, l’ancienne Rages. Tours d’Abdul Â21m. D’après W. Jackson, Persia pàst and présent, p. 428.

pour la troisième fois par les Mongols, en 1220. En 1427, elle portait encore le titre de capitale ; puis elle disparut peu à peu. Ses ruines, d’une immense étendue, sont situées à environ 13 kilomètres au sud-est de Téhéran ; on leur donne toujours le nom de Reï. Elles ne consistent plus actuellement qu’  « en une masse de murs croulants, en excavations, en aqueducs brisés, avec très peu de signes de vie parmi la poussière des âges ; la désolation règne partout. » Jackson, Persia, p. 428. Néanmoins les remparts, très épais, sont encore assez bien marqués et flanqués de tours nombreuses. C’est celui du sud qui est le mieux conservé. Le monticule de débris qui se dresse à l’angle nordest représente l’ancienne citadelle. En quelques endroits, les murs ont encore 50 pieds de haut ; les briques dont ils se compQsent sont parfois très larges (44 centimètres sur 18). La plupart des matériaux qui avaient servi à construire la ville consistaient également en briques cuites ou simplement séchées au soleil ; il n’est donc pas étonnant que presque tout se

Porter, Travels in Georgia, Persia, etc., Londres, 1820-1822, t. i, p. 356-364 ; L. Dubeux, La Perse, in-8° r Paris, 1841, p. 15 ; Karl Iiitter, Erdkunde, t. vui, p. 395-398 ; C. Barbier de Meynard, Dictionnaire géographique, historique et littéraire, de la Perse et de » contrées adjacentes, in-4°, Paris, 1861, p. 273-280, 516518 ; G. Rawlinson, The five great Monarchies of the eastern World, in-8°, 2e édit., Londres, 1870, t. ii, p. 272-273 ; G. H. Curzon, Persia, ^ vol. in-8°, Londres, 1892, t. i, p. 345-352 ; F. Vigouroux, Les Livres Saints et la critique rationaliste, in-12, 5e édit., t. ry, Paris, 1902, p. 572-576 ; Dieulafoy, La Perse, p. 136 et 722 ; A. V. William Jackson, Persia fast and présent, in-8°, NewYork, 1906, p. 428-441. L. Fillion.

    1. RAGUEL##

RAGUEL, nom du beau-père de Moïse et du père de Sara qui épousa Tobie le fils.

1. RAGUEL (hébreu : Re’û'êl, « ami de Dieu)> ; Septante j : ’Vx-youriX), [prince madianite, qui ^donna à

Moïse sa fille Séphora. Exod., ii, 21. Il eut pour fils Hobab, d’après Num., x, 29. Voir Hobab, t. iii, col. 725. Dans l’Exode, ii, 18, il est nommé comme le père des sept filles qni gardaient les troupeaux dans le désert du Sinaï et dont Moïse prit là défense contre les bergers qui les empêchaient d’abreuver leurs brebis. L’une de ces sept filles était Séphora qui devint la femme de Moïse. Or, Exod., iii, 1 ; iv, 18, le nom du beau-père de Moïse est Jethro et non Raguël. Cf. Exod., xviii, 1, 5, 12. Raguël et Jethro doivent donc être la même personne, quoique nous ignorions pourquoi elle est désignée sous deux noms diûérents et que les diverses hypothèses émises à ce sujet offrent toutes des difficultés. Voir Jethro, t. iii, col. 1521.

2. RAGUEL ('PayooîïX, nom identique à l’hébreu He'û'el), pieux Israélite de la tribu de Nephthali, Tob., vi, 11 ; cf. i, 1 ; vii, 3-4, qui joue un rôle important dans le livre de Tobié. Sa femme se nommait Anne ou Edna. Voit" Anne 3, t. i, col. 629. Il avait pour fille unique Sara, si cruellement éprouvée par le démon. Voir Sara 2. Il était apparenté à ïobie l’ancien, Tob., vi, 11, qu’il désigne tour à tour comme son cousin (Septante, àvc^iô ;  ; Vulgate, consobrinus), Tob., vu, 2, et comme son frère dans le sens large, Tob., vu, 4 (deux fois son frère, d’après le Cod. Sinaitic). Il était domicilié non pas à Rages, comme le dit inexactement la Vulgate, Tob., iii, 7, par suite d’une erreur des copistes, mais à Ecbatane. Voir Rages, col. 930. II offrit l’hospitalité au jeune Tobie et à l’ange Raphaël, son compagnon, lorsqu’ils se présentèrent chez lui, au cours de leur long voyage. Tob., vii, 1-9. Le jeune homme ne l’accepta qu'à la condition que son cousin lui accorderait la main de sa fille. Raguël donna son consentement, mais avec une très vive angoisse, car il craignait que Tobie n'éprouvât le sort des sept premiers maris de Sara. Malgré les encouragements de Raphaël, il était si peu rassuré, que le lendemain des noces, dès l’aurore, il fit creuser une fosse par ses serviteurs pour enterrer secrètement son gendre. C’est avec, une grande reconnaissance envers Dieu qu’il apprit que ses craintes n'étaient pas fondées. Tob., vir, 10-vin, 20. II donna la moitié de sa.fortune aux jeunes époux, et les retint auprès de lui tandis que l’ange Raphaël allait à Rages, pour recouvrer l’argent prêté à Gabélus par Tobie l’ancien, Tob., viii, 21-ix, 6. Raguël aurait ensuite voulu garder perpétuellement son gendre et sa fille à Ecbatane ; mais il ne put refuser de les laisser partir, lorsque le jeune Tobie lui eut décrit, en termes pathétiques, l’anxiété de ses propres parents à son sujet. Tob., x, 8-13. Après leur départ, il n’est plus question de lui. L. FilliON.

    1. RAHAB##

RAHAB, nom, dans la Vulgate, d’une femme de Jéricho et surnom de l’Egypte, mais dans le texte hébreu l’orthographe des deux mots est différente, 2m et : iii, Rdhâb et Rahab.

1 T

1. RAHAB (hébreu : Râhâb ; Septante : 'Paie, de même Heb., xi, SI, et.Tac, ii, 25 ; 'PaxàëdansMatth., ! , 5, où la lettre ii, le cheth hébreu, a été conservée), femme dé Jéricho, qui reçut chez elle et sauva les deux espions israélites envoyés dans cette ville par Josué, qui voulait connaître sa situation stratégique avant de l’attaquer. Jos., H, 1-21. Les deux étrangers furent bientôt reconnus et dénoncés au roi, qui fit porter à Rahab l’ordre de les lui livrer. Elle les cacha au contraire sous des tiges de lin, qu’elle faisait alors sécher sur le toit plat de sa maison, et fit croire à ceux qui les cherchaient qu’ils avaient quitté la ville depuis peu d’instants. Après le départ des messagers royaux, elle rejoignit ses hôtes, leur annonça ce qui venait de se passer et leur communiqua un plan de fuite très habile. Elle leur fournit

aussi des informations importantes sur la situation in térieure de Jéricho, dont les habitants étaient livrés au découragement et à l’effroi, depuis qu’ils avaient eu connaissance des prodiges éclatants qui avaient accompagné la marche triomphale des Hébreux après leur sortie d’Egypte. Ne doutant pas que ceux-ci ne s’emparassent bientôt de la ville, elle demanda aux deux explorateurs la vie sauve pour elle-même et ses proches parents, lorsque leur peuple se serait rendu maître de Jéricho. Ils firent cette promesse sans hésiter, et il fut convenu que son père, sa mère, ses frères et ses sœurs se réuniraient dans sa maison au moment de l’approche des Israélites, et qu’elle suspendrait une corde écarlate à sa fenêtre, du côté de la campagne, pour la rendre très visible aux assaillants. Elle aida ensuite les espions à s'échapper le long du rempart, sur lequel sa demeure était bâtie, et ils purent rejoindre leur camp sans obstacle. Josué ne manqua pas de tenir la promesse faite par ses envoyés. Jos., vi, 22-25. Le narrateur termine son récit en disant que Rahab et ses proches « habitèrent dans Israël jusqu’au jour présent. » Sur tout ce passage, voir F. Keil, Josue, 2= édit., 1874, p. 19-24, 50-52.

Dès la première mention que le récit sacré fait de Rahab, il ajoute à son nom l'épithète de zôndh (Septante, itôpvy], Vulgate, meretrix), qui marque sa triste condition morale à l'époque de l’incident qui l’a rendue célèbre. D’assez bonne heure, quelques écrivains juifs essayèrent de réhabiliter sous ce rapport celle qu’ils regardaient justement comme la bienfaitrice de leurs ancêtres. Ils firent donc de Rahab, non pas une femme de mauvaise vie, mais une hôtelière, chez laquelle les deux espions israélites seraient tout naturellement descendus. Voir Josèphe, Ant. jud., V, î, 2.et 7, et les commentaires de Kimchi et de Jarchi sur Jos., [n, 1. Néanmoins, la littérature rabbinique reconnaît que Rabah n’avait été d’abord qu’une vulgaire meretrix, et c’est en ce sens que le Targum lui donne, In Jos., ii, 1, le nom de pandekîtd', transcription araméenne du grec pandokissa, « celle qui reçoit tout le inonde », mais ici en mauvaise part. Divers commentateurs chrétiens, mus par un scrupule analogue à celui des anciens interprètes juifs dont il a été question en premier lieu, ont adopté leur sentiment, et ils n’ont pas voulu, eux non plus, voir autre chose en Rahab qu’une hôtelière ordinaire. Pour cela, allant encore plus loin, ils ont fait violence aux mots zôndh etitôpvr ; , dont ils ont faussé l'étyuiologie, pour les ramener à la signification requise ; ou bien, ils ont donné à ces substantifs, pour la circonstance, le sens adouci de païenne, d'étrangère à Israël ou de femme illégitime. Voir Schleusner, Lexicon in Septuaginta, 1820, au mot Tt<5pvY), t. iv, p. 429 ; J. G. Abicht, Dissertatio de Rahab meretrice, in-4°, Leipzig, 1714. Mais il n’y avait pas d’hôtelleries proprement dites dans ces temps reculés, et, lorsqu’on en trouvait l'équivalent lointain, elles n'étaient jamais tenues par des femmes ; d’autre part, le mot hébreu zônâh ne peut pas être traduit autrement que par meretrix dans le sens strict. Aussi est-ce bien de la sorte qu’il est-pris dans toutes les traductions primitives de l’Ancien Testament, comme aussi Heb., xi, 31, et Jac, ii, 25, pour désigner la première partie de la vie de Rahab. Du reste, on a cessé depuis longtemps, à très juste titre, de recourir à de tels palliatifs, qui étaient inconnus aux anciens commentateurs chrétiens. On conçoit fort bien que les espions de Josué soient entrés de préférence chez une femme de ce genre, pour mieux dissimuler le but de leur séjour dans Jéricho et pour écarter les soupçons.

Autrefois, on aimait a discuter également, par rapport à la conduite de Rahab, sur le fait de son mensonge aux envoyés du roi de Jéricho, Jos., ir, 4-5, et sur celui de sa trahison à l'égard de son peuple. Us s’expliquent

l’un et l’autre par les circonstances extraordinaires dans lesquelles elle se trouvait. Le mensonge était regardé par les peuples païens comme une chose insignifiante, et Rahab croyait avoir une raison grandement suffisante d’y recourir. Cf. S. Augustin, Cont. mendac, xv, t. xl, col. 540. Si elle abandonna son peuple pour se ranger du côté des Hébreux, ce fut par suite d’une lumière supérieure, qui lui montra que le Dieu d’Israël était l’unique vrai Dieu. Voir P. Keil, loc. cit.

Le motif de sa conduite si étonnante envers les ennemis de ses compatriotes a donc consisté dans un mouvement de foi très vive, comme on le voit par le langage qu’elle tint à ses hôtes, Jos., ii, 9--11 : « Je sais que le Seigneur (dans l’hébreu, « Jéhovah » ) vous a livré ce pays… Nous avons appris qu’à votre sortie d’Egypte le Seigneur (encore « Jéhovah » ) a desséché devant vo-us les eaux de la mer Rouge…, car le Seigneur ( « Jéhovah » ) votre Dieu est Dieu en haut dans les cieux et en bas sur la terre. » Ce n’est donc pas en vainque l’Épltre aux Hébreux, xi, 31, 1a range parmi les héros de la foi, et dit à son sujet : « C’est par la foi que Rahab la prostituée ne périt point avec les rebelles — c’est-à-dire avec les habitants de Jéricho demeurés incrédules — parce qu’elle avait reçu les espions avec bienveillance… » D’un autre côté, saint Jacques, ii, 25, la loue d’avoir été <s. justifiée par les œuvres, lorsqu’elle reçut les messagers et les fit partir par un autre chemin. » Ce langage des deux écrivains du Nouveau Testament, comme celui de Rahab elle-même, suppose d’une manière évidente une conversion sincère de l’ancienne meretrix, sous le rapport religieux et moral. Aussi a-t-on supposé très souvent, et avec raison, croyons-nous, qu’elle ne tarda pas à accepter entièrement les croyances et la religion des Hébreux. Il n’est guère probable qu’un chef de la tribu de Juda, Booz, l’eût épousée (voir ci-dessous), si elle était demeurée païenne. Cf. H. Ewald, Geschichte des Volkes Israël, in-8°, 2e édit., t. ii, p. 246. Aussi les Pères voient-ils volontiers dans cette femme le type des nations païennes qui se convertirent plus tard au christianisme ; on l’a nommée en ce sens primitise gentium. Cf. J. Grimm, Geschichte der Kindhêit Christi, in-8°, 2e édit., Ratisbonne, 1890, p. 198-200. Les anciens Docteurs de l’Église, à la suite du pape saint Clément, I Cor., , xii, t. i, col. 231, aiment aussi à faire un usage allégorique de l’histoire de Rahab. Ils se complaisent surtout à tirer parti de la corde écarlate dont elle se servit pour rendre sa maison facile à reconnaître, Jos., Il, 21. Cette corde représenterait d’après eux, comme s’exprime saint Clément, loc. cit., « la rédemption qui aura lieu, par le sang du Seigneur, pour tous ceux qui croient et qui ont confiance en Dieu. » S. Justin, Contra Tryph., cxi, t. vi, col. 733 ; S. Irénée, Adv. hwr.. iv, 20, t. vi, col. 1043 ; Origène, Helecta in Jesum Nave, hom. iii, t. xii, col. 820 ; S. Jérôme, Adv. Jovinian., i, 23, t. xxiii, col. 243, et Epist. LU, ad Nepotian., iii, t, xxii, col. 530. Voir F. de Hummelauer, Josue, Paris, 1903, p. 118-119.

Non seulement Rahab est devenue membre de la nation théocratique et a mérité d’être louée pour sa foi, mais elle a eu encore l’honneur incomparable de compter parmi les ancêtres du Messie, et d’être citée exceptionnellement comme son aïeule, dans sa généalogie officielle, avec trois autres femmes qu’on est tont d’abord surpris d’y rencontrer aussi : Thamar, Ruth et Bethsabée. En effet, nous lisons Matth., i, 5 : « Salmon engendra Booz, de Rahab. » Cf. Luc, iii, 32. Celle-ci avait, donc épousé, comme nous l’apprend aussi d’une manière indirecte un passage de l’Ancien Testament, Ruth, iv, 21, Salmon, fils de Naasson, qui était prince de la tribu de Juda durant les pérégrinations des Hébreux à travers le désert, cf. Num., vii, 12, et par lui

elle devint la mère de Booz, l’aïeule de David. Peutêtre, comme on l’a souvent conjecturé, Salmon était-il l’un des deux explorateurs sauvés par elle ; de la sorte, on comprend qu’il ait voulu lui témoigner sa reconnaissance, en l’épousant quelque temps après. En tout cas, cette union n’a rien d’invraisemblable en elle-même. C’est aussi en vertu d’une hypothèse injustifiable qu’on a parfois prétendu qu’il s’agirait, dans les trois arbres généalogiques que nous avons cités, d’une autre Rahab que celle du livre de Josué. Voir le professeur hollandais G. Outhov, dans l’ouvrage Bibliotheca Bremensis litter. philolog., theolog., p. 438-439. On affirme que la’Pa^àê de Matth., i, 5, ne saurait être la même que la’Paâ6 des Septante, de l’Épltre aux Hébreux, et de saint Jacques ; mais cette difficulté philologique disparaît, lorsqu’on voit Josèphe, Ant. jud., V, xi, 15, appeler la Rahab du livre de Josué tantôt’Paxiëïi, tantôt’Pixitr, .

Rahab dans les écrits rabbiniques. — On conçoit que les anciens écrivains juifs fassent le plus brillant éloge de celle qui avait rendu un si éminent service aux Hébreux, à un moment critique de leur histoire. Quelquefois ils lui font épouser, contrairement aux textes cités plus haut, non pas Salmon, mais Josué lui-même. Voir Megill., ꝟ. 14, 2 ; Kohélelh Rabba, viii, 10, dans A. Wûnsche, Bibliotheca rabbinica, der Midrasch Koheleth, in-8°, Leipzig, 1880, p. 116 ; Juchasin, x, 1. Wetsteiri, Novum Testam. grsscum, in Matth., i, 5. À en croire les rabbins, il y aurait eu jusqu’à huit prophètes parmi ses descendants, entre autres Jérémie et Baruch, sans compter la prophétesseHolda.Cf. Lightfoot, Horse hebr. et talmud. in Matth., i, 5 ; Meuschen, Nov. Testam. ex Tàlmude illustratum, p. 40-43 ; A. Wûnsche, Neue Beitràge zur Erlâulérung der Evangelien aus Talmud und Midrasch, in-8°, Gœttingue, 1878, p. 3-4. Au dire de Josèphe, Ant. jud., V, i, 7, Josué lui aurait douné un territoire qui lui appartenait en propre. On lui attribuait aussi différentes bonnes œuvres. Voir F. Weber, System der altsynagogalen palàstinischen Théologie., in-8°, Leipzig, 1880 ; p. 318. L. Fillion.

2. RAHAB (hébreu : Rahab ; Septante : ’P<zï6), nom symbolique dé l’Egypte. Ps. lxxxvii (lxxxvi), 4. Comme râhàb, Ps. XL (xxxix), 5, et rôhab, Ps. xc (lxxxix), 10, signifie « orgueilleux, orgueil, superbe », un certain nombre de commentateurs ont cru que ce surnom avait été donné à l’Egypte à cause de son orgueil, mais il est plus probable que rahab signifie un monstre marin et en particulier le crocodile, animal qui abonde dans le Nil et que c’est à cause de cette circonstance que Rahab est devenu l’emblème de l’Egypte. Rahab, dans le sens de monstre marin ( « le monstre impétueux », qui fait bouillonner les flots, de la racine rdhab, tumultuatus est) se rencontre cinq fois dans l’Ancien Testament, Job, ix, 13 ; xxvi, 12 ; Ps. lxxxvii, 4 ; lxxxix, 11 ; Is., xxx, 7. Quelques interprètes voient dans plusieurs de ces passages une allusion à l’Egypte, Job, xxvi, 12 ; Ps. lxxxix, 11 ; Is., xxx. 7. Certains exégètes qui découvrent volontiers des allusions mythologiques dans les livres de l’Ancien Testament ont cru en retrouver aussi dans le nom de Rahab, H. Gunkel, Schôpfung und Chaos, in-8°, Gœttingue, 1895, p. 30-40, mais tout ce qu’ils disent à ce sujet est pure hypothèse.

    1. RAHABIA##

RAHABIA (hébreu : Rehabyah, I Par., xxiii, 17 ; Rehabyahû, ! Par., xxiv, 21 ; xxvi, 25 ; « Yah a dilaté, » c’est-à-dire a rendu heureux ; Septante : ’Paëti ; Alexandrinus : ’Paa6câ, I Par., xxiii, 17 ; ’Paêia, I Par., xxiv, 21 ; ’Patêia ; , Alex. : "Paa61a « . 1 Par., xxvi, 21), fils unique d’Éliézer, de la tribu de Lévi. Il était petit-fils de Moïse et eut une nombreuse postérité,

I Par., xxiii, 17, qui forma du temps de David une famille de Lévites, xxiv, 21. La Vulgate, qui écrit le nom du fils d’Ëliézer sous la forme Rahabia, XXVI, 25, l’orthographie Rohobia, xxiii, 17, et xxiv, 21.

    1. RAHAM##

RAHAM (hébreu : Raham ; Septante : ’Pa£|i)> fi’9 de Samma, de la tribu de Juda. Il descendait de Caleb, fils d’Hesron, et eut, un fils appelé Jercaam. I Par., ii, 44. D’après les Quxst. hebr. inlib. 1 Paralip., t..xxm, col. 1569, Jercaam né serait pas le nom du fils de Jaham, mais d’une ville fondée par lui.

    1. RAHELAIA##

RAHELAIA (hébreu : Réêlâyâh : Septante : ’PseXîac), nommé le quatrième parmi les « fils de la province » qui retournèrent de Babvlone en Palestine avec Zprobabel. 1 Esd., ii, 2. Dans II Esd., vii, 7, il est nommé Raamias. Voir col. 911.

    1. RAHUEL##

RAHUEL (hébreu : Re’û'él ; Septante : ’Payeur, /.), nom, dans la Vulgate, d’un Édomite et d’un Benjamite qui portent dans le texte hébreu le même nom que le beau-père de Moïse, écrit Raguël par saint Jérôme. Voir Raguel, col. 932.

1. RAHUEL, un des fils d’Ésaû, par Basemath. Il fut père de Nahath, de Zara, de Somma et de Méza. Gen., xxxvi, 4, 10, 13, 17 ; I Par., i, 35, 37.

2. RAHUEL, fils de Jébanias et père de Saphatias, de la tribu de Benjamin. Il figure dans la généalogie d’Ela, un des chefs des Benjamites qui s’établirent à Jérusalem après la captivité. I Par., ix, 8.

RAiA (hébreu : Re’âydh, « Yah voit, pourvoit » ), nom de trois Israélites dans le texte hébreu. Dans la Vulgate, le nom de l’un d’entre eux, I Par., v, 5, est écrit Réïa.

. RAiA (hébreu : Re’âyâli ; Septante : ’Piôce ; Alexandrinits : ’Psïà), fils de Sobal, et petit-fils de Judas. Il eut pour fils Jahath. I Par., iv, 2.

2. RAIA (Septante : ’Païi, I Esd., Il, 47 ; ’Paaut,

II Esd., vii, 50), chef d’une famille de Nathinéens qui revint de Chaldée eii Palestine avec Zorobabel. IEsd., n, 47 : II Esd., vii, 50.

    1. RAISIN##

RAISIN, fruit de la vigne. Voir Vigke.

    1. RAISON##

RAISON (hébreu : binâh, da’at, Ijésbôn, mezimmdh, sêkèl, tebùnâh ; chaldéen : binâh, manda’, sokletdnû ; Septante : aîsS/iiriç, ’évvo’.a, voû ; , ’oive<71ç ; Vulgate : intellectus, intelligentia, mens, ralio, sensus), faculté de l’âme au moven de laquelle elle connaît, juge, dirige la volonté et préside à tous les actes conscients de la vie naturelle. Les écrivains sacrés ne distinguent pas les facultés de l’âme avec autant de précision que nous pouvons le faire. Aussi les mots qui correspondent à l’idée de raison ont-ils des sens assez larges, marquant tentôt la faculté elle-même tantôt son exercice, tantôt même Son résultat. À ces mots il convient de joindre celui de lêb, « cœur », parce qu’en hébreu le cœur est considéré comme le siège principal de la pensée et du raisonnement. Voir Cœur, t. ii, col. 823. Cf. Frz. Delitzsch, System der biblischen Psychologie, Leipzig, 1861, p. 166-187.

1° Sa source. — En Dieu résident la sagesse, le conseil, l’intelligence, Job, xii, 13 ; il est par conséquent la raison suprême. Lui seul peut donner l’esprit de sagesse, d’intelligence, de conseil, de connaissance. Is., xi, 2. « C’est l’esprit mis dans l’homme, le souffle du Tout-Puissant qui lui donne l’intelligence. » Job, xxxii, 8. Le Verbe même dé Dieu éclaire tout homme, Joa., i, 9, et la raison de l’homme n’est pas autre chose que

cette illumination divine. Dieu a donné aux hommes le discernement, un cœur pour penser ; il les a remplis de science et d’intelligence, il leur a fait connaître le bien et le mal, il a mis son œil dans leurs cœurs pour leur montrer la grandeur de ses œuvres. Eccli., xt, 5-7. La sagesse de Dieu « nourrit l’homme du pain de l’intelligence et lui donne à boire l’eau de la sagesse. » Eccli., xv, 3. Notre-Seigueur voulut lui-même ouvrir le sens à ses Apôtres afin qu’ils comprissent les Écritures. Luc, xxiv, 45. Saint Paulassure â son disciple que Dieu lui donnera l’intelligence en toutes choses. II Tim., ii, 7. « Nous savons que le Fils de Dieu est venu, et qu’il nous a donné l’intelligence pour connaître le vrai » Dieu. I Joa., v, 20. En somme, c’est par sa raison que l’homme est créé à l’image de Dieu. Gen., 1, 27.

2° Son pouvoir. — La raison a été donnée à l’homme pour le rendre capable de connaître les choses de l’ordre naturel. Si nous sommes incapables de concevoir quelque chose comme venant de nous-mêmes, Il Cor., m, 5, c’est dans l’ordre surnaturel. « L’homme naturel, » c’est-à-dire celui qui ne pense qu’avec les seules lumières de la raison, « ne reçoit pas les choses de l’Esprit de Dieu, parce qu’elles sont une folie pour lui, et il ne peut les connaître, parce que c’est par l’Esprit qu’on en juge. » I Cor., ii, 14. Il y a donc tout un domaine dans lequel la raison est incapable de pénétrer à l’aide de ses seuls moyens. Néanmoins, elle a sa puissance propre, continuellement supposée dans toute la Sainte Écriture, et il faut tout d’abord qu’elle entre en exercice pour que l’homme puisse arriver à la connaissance des choses de Dieu et à la pratique du devoir. Dans le Pentateuque, Moïse s’adresse sans cesse à la raison des Hébreux, pour leur faire comprendre ce que Dieu a fait pour eux, ce qu’ils doivent faire pour lui, et les conséquences qui résulteront pour eux de leur obéissance ou de leur infidélité. Il leur commande d’aimer Dieu de tout leur cœur et de toute leur âme, Deut., xxx, 6, ce qui, dans la langue hébraïque, implique, toute la raison, tout l’esprit, comme dira Nôtre-Seigneur. Matth., xxii, 37 ; Marc, XII, 30, 33. Les auteurs des livres sapientiaux n’ont pour but que d’inculquer â la raison la connaissance et l’amour du devoir. Les prophètes interpellent à chaque instant la raison pour lui faire reconnaître ses torts et la mettre à même de prendre les décisions les plus avantageuses pour la nation et pour les individus. Dans l’Évangile, le Sauveur fait appel à la raison de ses auditeurs. Matth., xv, 17 ; xvi, il ; Marc, vii, sl8 ; viii, 21, etc. ; il leur demande s’ils ont compris, Marc, xiii, 51, constate que leur jugement a été correct. Luc, vii, 44. Il argumente souvent avec les docteurs et excite leur raison à comprendre la portée de ses enseignements et de ses miracles. C est encore à leur raison qu’il demande de comparer ses propres actes avec les annonces des prophètes. Joa., v, 39. Saint Paul déclare aux Romains, i, 20, que la raison peut et doit parvenir à la connaissance de Dieu ; « car ses perfections invisibles, son éternelle puissance et sa divinité sont, depuis la création du monde, rendues visibles à l’intelligence par le moven de ses œuvres. » La raison a donc un pouvoir certain dans l’ordre des connaissances naturelles ; ces connaissances peuvent même s’élever très haut, puisque, par sa raison, l’homme arrive à acquérir la notion certaine de Dieu et de son existence ! et une idée suffisante de ses perfections. Cf. Act., xvii, 27.

3° Ses limites. — La raison est bornée, par le fait même qu’elle est créée. L’homme ne peut donc « comprendre l’œuvre que Dieu fait, du commencement jusqu’à la fin, » Eccle., iii, 11 ; il n’en saisit qu’une partie, et encore assez imparfaitement, bien qu’avec une certitude suffisante. Les derniers chapitres du livre de Job, xxxviii-XLii, ont pour but de montrer que la raison

ignore la plupart des secrets de la nature. Job, xlii, 3, fait à la fin cet aveu : « J’Ai parlé sans intelligence des merveilles qui me dépassent et que j’ignore. » À plus forte raison, « l’homme faible, à la vie courte, est-il peu capable de comprendre les jugements et les lois » de Dieu. Sap., îx, 5. Pour saisir quelque chose à la conduite de la Providence, illaut à la raison le secours d’une lumière supérieure. « C’est par la foi que nous reconnaissons que le monde a été formé par la parole de Dieu, en sorte que les choses que l’on voit n’ont pas été faites de choses visibles. » Heb., XI, 3. Le passage n’infirme pas ce qui a été dit du pouvoir de la raison pour atteindre à la connaissance de Dieu et de ses perfection ? Rom., i, 20 ; il enseigne seulement que certains pioblèmes naturels, comme celui de l’origine du monde, ne peuvent être résolus par la raison seule, sans le secours de la révélation. « Celui qui veut sonder la majesté sera accablé par sa gloire, » Prov ; , xxv, 27, c’est-à-dire celui qui veut pousser trop avant dans la connaissance de Dieu verra sa raison réduite à l’impuissance, à cause de la disproportion inlinie qui existe entre le Créateur et la créature. De là ces conseils destinés à réprimer la curiosité excessive de la raison :

Ne cherche pas ce qui est trop difficile pour toi,

Ne scrute pas ce qui est plus fort que toi.

Ce qui t’est prescrit, voilà à quoi il faut penser,

Car tu n’as que faire des choses cachées.

Ne t’applique pas à ce qui te dépasse ;

Ce qu’on t’a montré va plus loin que la raison humaine.

La conjecture en a égaré beaucoup,

Une conception blâmable a dévié leurs pensées.

Eccli., iii, 20-23.

L’Ecclésiaste, i, 13-18, a reconnu par expérience que cette recherche des choses inaccessibles est « vanité et poursuite du vent. »

4° Ses devoirs. — La raison doit appeler Dieu à son aide, pour qu’il l’éclairé et l’empêche de s’égarer. Sap., -vu, 7 ; Ps. cxix (cxvin), 34, 73, 125, 144, etc. Elle doit ensuite reconnaître la souveraine sagesse de Dieu. « Quelle folie que le vase puisse dire du potier : Il n’y entend rien ! » Is., xxix, 16. Il lui faut encore se tourner du côté du bien, car « fuir le mal, voilà l’intelligence. » Job, xviii, 28.

La sagesse n’entre pas dans une âme qui médite le mal,

Et n’habite pas dans un corps esclave du péché ;

L’Esprit-Saint, qui instruit, fuit l’astuce,

II s’éloigne des pensées dépourvues d’intelligence

Et se retire de l’âme à l’approche de l’iniquité.

Sap., 1, 4-5.

La malice altère l’intelligence et le vertige de la passion pervertit un esprit sans malice. Sap., iv, 11-12. Moïse promet aux Israélites que, s’ils sont fidèles à ohserver les lois du Seigneur, les autres peuples diront d’eux : « Certes, cette grande nation est un peuple sage et intelligent ! » Deut., iv, 6. Il faut enfin que la raison fasse effort pour s’instruire et se développer elle-même par les leçons et les exemples des sages. C’est à faciliter cette formation et ce progrès que tendent des livres comme les Proverbes, i, 2-6, l’Ecclésiaste, la Sagesse et l’Ecclésiastique. Saint Paul rappelle l’obligation de ce progrès de la raison quand il écrit : « Ne soyez pas des enfants sous le rapport du jugement, mais faites-vous enfants sous le rapport de la malice ; pour le jugement, soyez des hommes faits. » I Cor., xiv, .20.

5° Ses écarts. — La Sainte Écriture stigmatise souvent la conduite des lësînf, « moqueurs », esprits frivoles qui emploient leur raison à s’éloigner de Dieu et à l’outrager. Voir Moquerie, t. iv, col. 1258. Les Israélites du temps de Moïse n’ont pas voulu comprendre la signification des merveilles opérées en leur faveur. Jéhovah ne leur a pas donné un cœur qui comprenne,

Deut., xxix, 4 ; leur raison, par leur faute, a manqué de discernement. Il a fallu dire d’eux :

C’est une nation dénuée de sens,

Et il n’y a point d’intelligence en eux. Deut., xxxil, 28. « C’est un peuple au cœur égaré, » Ps. xcv (xciv), 10, c’est-à-dire aux idées et à la conduite déraisonnables. Les méchants ne prennent point garde aux œuvres de Dieu, Ps. xxviii (xxvii), 5 ; ils cessent ainsi d’avoir l’intelligence qui les conduirait au bien. Ps. xxxyi (xxxv), 4. L’homme raisonnable, malgré sa dignité, ne veut pas comprendre et s’assimile ainsi à la bête, Ps. xlix (xlviii), 21, au cheval et au mulet qui n’ont point la raison. Ps. xxxii (xxxi), 9 ; Tob., vi, 17. — Il faut le dire surtout des idolâtres.

Insensés par nature tous les hommes qui ont ignoré Dieu, Et qui n’ont pas su, par les biens visibles, S’élever à la connaissance de Celui qui est, Ni, en voyant ses œuvres, reconnaître l’Ouvrier… D’autre part, ils ne sont pas non plus excusables ; Car, s’ils ont acquis assez de science Pour chercher à connaître les lois du monde, Comment n’en ont-ils pas connu plus aisément le Seigneur ?

Sap., xiir, 1, 8, 9.

Au jugement de Dieu, impies et idolâtres déploreront en vain le mauvais usage qu’ils auront fait de leur raison : « Nous avons donc erré, loin du chemin de la vérité ! » Sap., v, 6. Saint Paul ne condamne pas moins sévèrement ceux qui n’ont pas su se servir de leur raison pour rendre à Dieu l’hommage qui lui est dû. « Ils sont inexcusables, puisque, ayant connu Dieu, ils ne l’ont pas glorifié comme Dieu et ne lui ont pas rendu grâces ; mais ils sont devenus vains dans leurs pensées, et leur cœur, sans intelligence s’est enveloppé de ténèbres. Se vantant d’être sages, ils sont devenus fous, et ils ont échangé la majesté de Dieu incorruptible pour des images représentant l’homme corruptible, des oiseaux, des quadrupèdes et des reptiles. » Rom., i, 21-23. C’est là le pire écart de la raison, rendre à de grossières créatures les honneurs divins. Les conséquences de cette déraison sont lamentables. Ceux « qui suivent la vanité de leurs pensées ont l’intelligence obscurcie et sont éloignés de la vie de Dieu, par l’ignorance et l’aveuglement de leur cœur. Ayant perdu tout sens, ils se sont livrés aux désordres. » Eph., iv, 17-19. Cf. Tit., i, 15. — À l’enseignement apostolique, les faux docteurs ont opposé les erreurs de leur raison pervertie. « Us ne comprennent ni ce qu’ils disent, ni ce qu’ils affirment, » dit saint Paul. I Tim., i, 7. Ils ont une science qui n’en mérite pas le nom. I Tim., vi, 20. Sous des formes diverses, la raison a cherché à combattre la doctrine de Jésus-Christ. L’Apôtre s’oppose à ses prétentions : « Nous renversons les raisonnements et toute hauteur qui s’élève contre la science de Dieu, et nous assujettissons toute pensée à l’obéissance du Christ, » II Cor., x, 5. Cet assujettissement n’abaisse pas la raison, mais au contraire l’élevé et l’ennoblit, puisque le Christ est « la vraie lumière, » Joa., i, 9, et qu’en lui « sont cachés tous les trésors de la sagesse et de la science. »

Col., ii, 3.
H. Lesêtre.

RAM (hébrtL : Kâm), nom de deux ou trois personnages mentionnés dans l’Ancien Testament.

1. RAM (Septante : ’Apiu, ), fils d’Hesron, ou Esron, descendant de Juda, par Phares, I Par., ii, 9, 10. Comme il n’est pas nommé dans la généalogie de Juda, Gen., xlvi, 4, on doit en conclure qu’il ne vint au monde qu’après l’établissement de la famille de Jacob en Egypte. Il est mentionné pour la première fois dans la généalogie de Booz, Ruth, iv, 19, mais la Vulgate l’appelle en cet endroit Aram, comme les Septante.

Ram fut le frère cadet de Jéraméel, I Par., Il, 9, 10 ; il a la gloire d’avoir été un des ancêtres de Notre-Seigneur. Matth., ii, 4 ; Luc, iii, 3. Les deux évangélistes ont adopté l’orthographe des Septante et l’appellent Aram. Voir Aram 4, t. i, col. 876.

2. RAM (Septante : ’Pâti), fils aine de Jéraméel et neveu de Ram 1, père de Moos, de Jamin et d’Achar, de la tribu de Juda. I Par., Il, 25, 27.

3. RAM (Septante : ’Pàn), chef d’une famille d’où descendait Éliu, un des interlocuteurs de Job. Job, xxxii, 2. Ce Ram est inconnu. Certains commentateurs ont voulu l’identifier avec le Ram de la tribu de Juda et en faire ainsi un descendant d’Abraham, mais cette identification est en désaccord avec la qualification de Buzîte qui lui est donnée, car les Buzîtes ne font pas partie de la postérité d’Abraham. Voir Buzîte, t. i, col. 1082 ; Éuu, t. ii, col. 1698.

RAMA (hébreu : Ràmâh, « élévation », et plus souvent hâ-Râmâh, « le lieu élevé », avec l’article ; Septante’Pa[i.ii), nom de six ou sept villes d’Israël.

1. RAMA, ville de Benjamin, aujourd’hui er-Râm. Ce village situé un peu à droite du chemin de Jérusalem à Ndblus et à Nazareth, est à huit kilomètres au nord de la ville sainte, à quatre et demi de Sa’afâtet àtrois et demi de Tell el-Fûl dont les sites occupent celui de Gabaa de Saûl. Il est, à quatre kilomètres et demi ou cinq kilomètres vers l’est d’el-Djib eous’Nébi-Samûel, l’ancienne Gabaon, à trois kilomètres à l’ouest de Djéba ou Gabaa de Benjamin, à six au sud i’El-Biréh tenue par un grand nombre pour Béroth, à neuf et demi de Beitîn, l’antique Béthel. La correspondance de cette situation aux données bibliques et historiques jointe à l’identité des noms, fait que l’identification d’Er-Râm avec Rama de Benjamin est universellement adoptée.

1° Situation d’après la Bible et l’histoire. — Rama est nommée dans le lût des villes attribuées à la tribu de Benjamin entre Gabaon et Béroth. Jos., xviii, 25. En indiquant « le palmier de Débora entre Béthel et Rama, » Jud., iv, 5, l’écrivain sacré montre cette dernière localité assez rapprochée de l’autre. La parole du lévite de Bethléhem : « nous passerons la nuit à Gabaa ou à Rama, » ibid., xre, 13, la suppose peu éloignée de Gabaa de Saül et plus au nord. Le passage de I Reg., xxii, 6, oit il est dit de Saül qu’  « il se tenait à Gabaa, sous le tamaris de Rama, » en fait deux villes toutes voisines. Il en est de même de I Esd., ii, 26 ; II Esd., vu, 30 ; Is. x, 29, où Rama est constamment unie à Gabaa. Elle paraît avoir été la forteresse frontière septentrionale du royaume de Juda. III fieg., xv, 17, 22 ; II Par., xvi, 1, 5, 6. D’après le verset cité d’Isaïe, on voit qu’elle étaitau noiylde Gabaa de Saül et de Jérusalem, etàl’est de Machmas et de Gabaa de Benjamin. Josèphe qui transcrit son nom’Apaiiaôûv (variante : ’Pa[ia6û>-j), Ant. jud., VIII, xii, 3, la dit éloignée de Jérusalem de 40 stades ou près de sept kilomètres et demi. D’après Eusèbe et saint Jérôme elle est au VIe milliaire, c’est-à-dire au delà de 7480 mètres, au nord d’iElia ou Jérusalem. Onomasticon, édit. Larsow et Parthey, Berlin, 1862, p. 308-309.

2° Description. — Er-Râm est assis au sommet d’un mamelon de 792 mètres d’altitude, complètement dénudé à l’ouest et au sud, mais planté de vignes et de figuiers au nord et à l’est. C’est un pauvre petit village arabe de moins de cent habitants, tous musulmans. La petite mosquée à coupole est bâtie dans les ruines d’une église. On remarque dans les murs des masures actuelles quelques pierres de bel appareil ayant appartenu à des constructions plus anciennes et à côté du village une petite piscine. Des sépulcres taillés dans le roc de la

montagne attestent également l’antiquité de la localité. 3° Histoire. — La position stratégique occupée par Rama de Benjamin en fit une des villes importantes non seulement de la tribu de Benjamin, mais de tout Israël. Débora s’asseyait près de Rama, sous le palmier qui fut appelé de son nom, pour juger le peuple. Jud., iv, 5. Saül était près de Rama, la lance à la main, entouré de ses hommes d’armes, et leur reprochait leur sympathie pour David, quand Plduméen Doëg dénonça le grand-prêtre Achimélech pour avoir accueilli le fils d’Isaï et lui avoir fourni des vivres et remis l’épée de Goliath. Le roi envoya aussitôt un détachement à Nobé pour lui amener le pontife et les prêtres. Les guerriers refusant d’obtempérer à l’ordre criminel de Saûl, et de tuer les prêtres du Seigneur, il en chargea Doëg qui mit à mort les quatre-vingt-cinq prêtres qui avaient été conduits en cet endroit. IReg., xxii, 6-18. Sous le pieux rot Asa, Baasa, roi d’Israël, envahit le territoire de Juda, s’empara de Rama et se mit à la fortifier de manière à pouvoir empêcher les Juifs de passer au delà et à arrêter ceux des Israélites qui voudraient aller en Juda. Asa acheta le concours duroi de Syrie Bénadad qui attaqua le royaume d’Israël au nord. Baasa dut retirer ses soldats pour voler au secours de son pays attaqué. Asa reprit possession de Rama et avec les matériaux qu’y avait apportés son adversaire, il alla fortifier Gabaa de Benjamin et Maspha.III Reg., xv, 1723 ; II Par., xvi, 1-6. Rama, située tout près de Gabaa de Benjamin où l’armée assyrienne de Sennachérib dans sa marche contre Jérusalem, tracée à l’avance par Isaïe, x, 29, allait, après avoir franchi le passage de Machmas, se reposer, devait être elle-même frappée de terreur et sans doute, comme les villes ses voisines, prise et occupée par l’ennemi. — C’est à Rama, que, après l’incendie du temple et la destruction de Jérusalem, Nabuzardan, général de l’armée chaldéenne de Nabuchodonosor, réunit les captifs qu’il allait conduire à Babylone et que fut délivré Jérémie. Le prophète, suivant les commentateurs juifs et d’autres, Jér., xl, 1-5, aurait fait allusion à la désolation des prisonniers et à la ruine de la nation accomplie alors, dans la célèbre parole : « Une voix s’est fait entendre à Rama, [voix] de lamentation, de deuil et de pleurs ; [c’est] Rachel qui pleure ses enfants, parce qu’ils ne sont plus. » Ibid., xxxi, 15. Cf. S. Jérôme, In Jer., t. xxv, col. 876-877. Suivant plusieurs interprètes, il s’agirait ici d’une autre Rama située prés de Bethléhem. Voir Rama 7. La Vulgate a pris Râmâh pour le nom commun et le traduit par in excelso. Les Septante ont faitde même, Ose., v, 8, où le prophète s’écrie : « Sonnez du cor à Gabaa, de la trompette à Rama. » — Quelques auteurs tiennent Rama de Benjamin pour identique à Rama, ville de Samuel ou Ramathaïm-Sophim. Voir Rama 6 et Ramathaïm-Sophim. — Les gens originaires de Rama et de Gabaa qui se joignirent à Esdras, pour retourner dans la terre de leurs pères, étaient ensemble au nombre de 621. I Esd., ii, 26 ; II Esd., vii, 30. Rama fut habitée de nouveau par des Benjarnites probablement du nombre des précédents. II Esd., xi, 33. Elle est appelée par Josèphe, Ant. jud., VIII, xii, 3, « une ville non sans célébrité. » Rangée parmi les cités nobles que rebâtit Salomon, par saint Jérôme, elle n’était plus à l’époque de ce père qu’un pauvre petit village, parvus viculus. In Soph., i, t. xxv, col. 1354. Voir À Reland, Palxstina, Utrecht, 1714, p. S63-964 ; E. Robinson, Biblical Researches in Palestine, Boston, 1841, t. ii, p. 110, 315-316 ; V. Guérin, Samarie, t. ii, p. 199-204 ; The Survey of Western Palestine, Memoirs, Londres, 1889, t. iii, p. 13. L. Heidet.

2. RAMA (hébreu : hâ-Râmâh ; Septante : ’P^uii), ville de la tribu d’Aser, dont le nom est transcrit, Jos., xix, 29, Horma. Voir Horma 2, t. iii, col. 756.

943

RAMA — RAMATHAÏM-SOPHIM

944

3. RAMA (hébreu : hâ-Bâmdh ; Septante, Vaticanus : ’ApaTjX ; Alexandrinus : ’Px[Li), ville de Nephthali, dont le nom est transcrit dans la Vulgate, Jos., six, 36, Arama. Voir arama 1, t. i, p. 876.

L. Heidet.

4. RAMA (hébreu, Râmâh ; I Sam., xix, 22, 23 ; xx,

I, xxv, 1 ; Septante, ’î < Pof(j.i, excepté Vaticanus : xxv, 1, où on lit : ’Apu16a’41 ; Vulgate : Ramatha), résidence du prophète Samuel où étaient les Naïoth, où-vint le trouver David fuyant jSaûl et où il fut enseveli. Gesenius, Thésaurus, p. 1276, suppose que cette Ramah est la même que Ramatha, mais différente de Ramathaïm-Sophim. EUe serait encore identique à Rama de Matlh.,

II, 18, et à la Ramta’du Talmud ; Schabb., ꝟ. 26, 1 ; cette localité doit être cherchée, suivant cet auteur, au delà du tombeau de Rachel, par rapport à Gabaa, c’est-à dire au sud, parceque Saül se rendant de Rama à Gabaa, sa patrie, trouva ce tombeau sur son chemin. I Reg., x, 2. Le site de l’ancienne Hérodium, aujourd’hui djebel Fereidis (à six kilomètres au sud-est de Bethléhem), lui conviendrait très bien. Thésaurus, p. 1275-1276-La plupart des interprètes et des critiques voient une seule localité dans Rama, Ramatha et Ramathaïm-Sophim, ou plutôt Rama est une des « deux Rama » de Ramathaïm. — Quant à la Ramfa du Talmud, c’est selon toute probabilité, Ver-Ràrnéh des Arabes ou tell er-Raméh) la Bélharan delà Bible. — Voir Rama 7, Ramatha et Ramathaïm-Sophim. L. Heidet.

5. RAMA (hébreu, 1 Sam., xxx, 27 : Rdmof-Négéb ; Septante : ’Potuoc vôto-j, « Rama du midi » ; Alexandrinus : Pap.a8 ; Vulgate : Ramolli ad méridien i), ville du sud du pays d’Israël. Voir Ramoth Négeb.

L. Heidet.

6. RAMA (hébreu, II (IV) Reg., viii, 29 : Râmâh ; Septante, Vaticanus : ’Pimi.wb ; Alexandrinus : ’Pajuie, Vulgate : Ramoth), ville de la région transjordanique, ordinairement appelée Ramoth en Galaad. Voir Ramoth et Ramoth-Galaad. L. Heidet.

7. RAMA, .Matth., ii, 18, est, suivant certains interprètes, le nom commun de « hauteur » ; suivant d’autres, c’est le nom propre d’une localité. — L’Évangéliste, en appliquant au massacre des Innocents, le passage de Jérémie, xxxi, 15 : « Une voix a été entendue à Rama… [c’est] Rachel qui pleure ses fils…, » attribue sans doute à Rama la même signification que lui donne le prophète. « Nous ne pensons pas que l’expression in Rama, dit Jérôme, soit le nom de la localité voisine de Gabaa, mais Rama signifie hauteur, excelsum, de manière que le sens est : « Une voix s’est fait entendre « sur la hauteur, in excelso, c’est-à-dire s’est répandue « au long et au large, id est longe lateque diffusa. » In Matth., ii, 18, t. xxvi, col. 28. Les chaînes origéniennes et les gloses l’entendent généralement de même. Cf. iTischendorf, Kovum Testamentuni grmcum, edit. 8°- critica major, Leipzig, 1872, t. r, p. 8. — Eusèbe cependant l’entend d’une localité : « Il y a une autre Rama de Benjamin, dit-il, dans le voisinage de Bethléhem dont il est dit : Une voix a été entendue à Rama. » Onomasticon, édit. Larsow et Parthey, Berlin, 1862, p. 306. Le nom de Benjamin est ici une erreur ; Bethléhem et tousses alentours appartenaient à la tribu de Juda. Le mosaïste de Madaba a rapporté l’indication à un monument situé près de Bethléhem que l’on peut prendre pour le sépulcre de Rachel ; mais on ne trouve nulle part que le lieu où se trouve ce sépulcre ait jamais porté le nom de Rama, non plus qu’aucun site des alentours. — La plupart des exégètes modernes tiennent aussi le mot de Rama pour un nom propre. Le grec et les versions, même la Vulgate, qui ont tous Rama, ne permettent pas de douter qu’il n’appartienne au texte original de saint Matthieu. Or, si l’évangéliste

eût voulu dire in excelso, il aurait fait usage de bemarôm, en hébreu, ou be-marôma’, en araméen, non de be-Râmâh inusité en ce cas. — Pourplusieurs de ces interprètes, cette Rama ne serait pas différente de Rama de Benjamin située à quinze kilomètres au nord de Bethléhem et l’expression de l’évangéliste et du prophète indiquerait la véhémence des cris de douleur des méreâ qui retentirent jusque-là. Pour les autres, comme pour Gesenius, il s’agit réellement d’une localité des alentours de Bethléhem, souvent identifiée par eux avec Rama ou Ramatha de Samuel. Pour Eusèbe et le mosaïste, ce sont deux localités différentes. Voir Maldonat, In Matth., dans Migne, Cursus Scripturse, t. xxi, col. 424-426 ; F. Vigouroux, Manuel biblique, 12e édit., t. ii, p. 704, note 1 ; Polus, Synopsis criticorum, Math., Francfort-sur-le-Mein, 1712. Voir col. 924 ; Rama 4 et Ramatha. L. Heidet.

    1. RAMATHA##

RAMATHA (hébreu : hà-Râmâtâh ; Septante : ’ApfiaôatV, variante : ’Ap(jt, a6é, ii, excepté Codex Alexandrinus : I Reg., xxv, 1 : ’Paiii), patrie et résidence de Samuel. — Ramatha ou Rdmâtâh est le nom de Râma ou Râmâh, Râmat à l’état construit avec le hé (n) final, signe du mouvement. La Vulgate transcrit Râmâh, de l’hébreu par Ramatba, I Reg., xix, 19, 22, 23 (2 fois) ; xx, 1 ; xxv, 1 ; xxviii, 3. La transcription grecque’Ap[iaôaffi, équivalente de hd-Rdmd(aim, porteraità induire que cette leçon se lisait primitivement partout où se lit maintenant Râmdfâh, dans le texte massorétique. Le nom de "Pa[j.a6É[j. (variante : ’PaDa^ecv ; Vulgate : Ramathan, ace. de I Mach., xi, 34, et de Ramthis forme gréco-romaine usitée au rv" siècle, probablement pour Ramlhaim, comme Esbous, Marrous, Nemarias pour Hésébon, Marom, Nemarlm (Onomasticon), et qui l’une et l’autre semblent bien être la Ramatha de Samuel, paraissent en même temps montrer la persistance dans l’usage du duel Râmâtaîm. Ce nom devait s’écrire et se prononcer Râmatêm, comme Oronaïm Qariataïm, dans l’inscription de Mésa, s’écrit fforonên ou IJoronêm Qariatên, etc., comme les Arabes bédouins prononcent tous les duels. Ainsi, il est possible et vraisemblable que Ramathaïm écrit diidt dans les anciens exemplaires soit devenu rtrim, par une erreur de transcription du scribe de la massore. Quoi qu’il en soit, l’identité de Rama et Ramatha avec Ramathaïm, indiquée déjà par la leçon constante des Septante, n’est guère contestable. Voir Ramathaim-Sophim.

L. Heidet.

    1. RAMATHAi’M-SOPHIM##

RAMATHAi’M-SOPHIM (hébreu, I Sam., i, I : hâ- Râmâtaîm Sofïm- ; Seplante : ’Ap|jia6tii[ji Stiâ ; Vaticanus : 2et : pdc : Alexandrinus : Stoçipi), ville d’Éphraïm, patrie d’Elcana et du prophète Samuel, son fils.

1° Nom. — Ramatbaïm-Sophim, « les deux Rama des Sophim », se trouvant une fois seulement dans la Bible hébraïque, des critiques l’ont suspecté le fait de quelque copiste et cru Ramatha le véritable nom. La leçon’Ap(ia8a ! (i des Seplante semble plutôt, voir Ramatha, indiquer le contraire. Ramathaïm était employé pour désigner la localité en général et Rama la partie particulière où étaient les naïoth et où Samuel avait fixé son habitation au milieu des prophètes. Sophim est apposé comme déterminatif pour distinguer ce Rama des nombreuses autres. Ce nom a été interprété différemment ; Pour le Targum de Jonathan c’est la « Ramatba des disciples des prophètes », pour la version syriaque c’est « la colline des vedettes », la version arabe y voit a la hauteur de l’exploration ». On admet plusgénéralement qu’il faut entendre : « la doubleRama des Suphites n on « des fils de Suph » dont descendait Elcana et dont la région était appelée du nom de leur père « la terre de Suph. » I Reg., i, 1 ; I Par., vi, 35 ; I Reg., ix, 5. Cf. Polus, Synopsis criticorum,

Francfort-sur-le-Main, in-f°, 1712, t. i, col. 1152. 2° Identifications diverses. — Plus de douze localités ont été proposées pour être identifiées avec la patrie de Samuel (Bg..213). — Elle se trouverait « dans la montagne d’Ephraïm,-omê-har Efrâîrn, ou èv vacrtg Eçpaîu., « dans le district( ?) d’Ephraïm. selon les Septante.’I Reg.,

1, 1. L’itinéraire de Saûl, itinéraire sans doute direct, pour se rendre de Ramathaïm à Gabaa, sa patrie, suppose le tombeau de Rachel sur cette route. I Reg., x,

2. Ce monument se trouvant près de Bethléhem de Juda, selon Gen., xxxv, 16, et xlvhi, 7, il résulte de là, disent plusieurs critiques, que Ramatha, habitation de Samuel, était au sud de Gabaa et du tombeau de Rachel. De là il faut reconnaître, ajoute Gesenius, Thésaurus, p. 1274, que ce lieu est différent de Ramathaïm, patrie d’Elcana. "Voir Rama 4. Les autres concluent, au contraire, que la montagne d’Éphraim de I Reg., i, 1, n’est pas différent de la région montagneuse d’Éphrata où il faut chercher Ramathaïm, c’est-à-dire de Bethléhem. Suph est en effet, disent-ils, appelé, ibid., l’Éphratéen et « la terre de Suph », doit être identique au pays d’Éphrata ou Rethléhem. En conséquence, ces critiques cherchent Ramathaïm dans le territoire de Juda et aux alentours de Bethléhem. — Van de Velde, Syria and Palestine, in-8°, Edimbourg et Londres, t. ii, p, 50, la voit dans er-Râméh, ruine située à trois kilomètres au nord d’Hébron et dans le voisinage de l’ancien Mambré, W. F. Birch, l’identifie avec Beit-Djàla’grand village situé à deux kilomètres à l’ouest du sépulcre de Rachel. Dans Pal. Expl. Fund, Quarterly Statement, 1883, p. 48-52. — G. Schick, Ramathaïm-Sophim, dans Quarterly Statement, 1898, p. 7-20, la place au moment du Rds-es-Sarféh à l’ouest et au-dessus des vasques de Salomon, à six kilomètres, à l’ouest sud-ouest de Bethléhem, où sont plusieurs ruines assez considérables. — La plupart des commentateurs n’admettent pas que l’on puisse entendre « la montagne d’Ephraïm » de la contrée de Bethléhem. Si l’ethnique « Éphratéen » a été appliqué à des habitants de cette ville comme il l’a été aux Jiphraïmites, et même si le nom d’Éphrata a été pris, selon quelques interprètes, pour synonyme de « la terre d’Ephraïm », celui-ci n’a jamais été employé pour indiquer un autre territoire que celui de la tribu de ce nom. La description du voyage de Saûl. I Reg., IX, 3-6, qui nous montre, une seconde fois, la terre de Suph et la ville de Samuel dans « la montagne d’Ephraïm », ne permet de douter de l’authenticité de la leçon. D’autre part, l’identité de Rama ou Ramatha apparaît de la suite du récit de

I Reg., I. La ville d’Elcana d’où il se rendait régulièrer ment à Silo, du verset 3, est bien certainement la Ramathaïm du ꝟ. 1 et la Ramatha du y. 19, où le même avait sa maison, où il retournait après sa visite à Silo et où naquit Samuel, est indubitablement la même ville. La leçon d"Ap|ji.x6a ! (ji des Septante, donnant partout Ramatha pour identique à Ramathaïm, ne serait-elle pas la leçon authentique, indiquerait toujours leur sentiment, dont on ne pourrait pas ne pas tenir compte.

II faut donc admettre que Ramathaïm était réellement dans la montagne d’Ephraïm, sauf à conclure que le tombeau de Rachel, dont il est parlé dans le voyage de retour de Saül est un autre tombeau et que probablement on lisait jadis un autre nom à la place de Rachel. La situation ; en Éphraïm, de Ramathaïm n’en est pas moins encore une des questions topographiques des plus controversées. — D’après le juif Benjamin de Tudèle (xiie siècle), « Ramléh est Ramah » de Samuel. Itinéraire, édit. Lempereur, Leyde, 1633, p. 20. C’était l’opinion de quelques savants chrétiens de l’époque pour qui Ramléh était une variante de Rama et Ramatha. Gf, Guibert de Nogent, Historia hierosolymitqna, H, 1, édit. Bongars, p. 253. La plaine de Ramléh, prétend Burchard (1293), appartenait à la montagne

d’Ephraïm. Descriptio, 2e édit. Laurent, in-4° Leipzig, 1873, p. 78. — Quelques pèlerins postérieurs au xme siècle paraissent indiquer Sôbâ, située à Il kilomètres à l’ouest de Jérusalem, sur une montagne élevée… C’est le sentiment défendu par Robinson qui voit dans ce nom Eeiçà des Septante. Biblical Researches, Boston, 1841, t. ii, p. 328-334. — Le rabbin Joseph Schwarz croit avoir trouvé « Rama de la montagne d’Ephraïm » dans er-Râméh, village situé à sept kilomètres et demi à l’ouest de Sânur et à neuf du nord-nord-ouest de Sébasfiéh (Samarie). Tebuoth ha-’Aréz, édit. Luncz, Jérusalem, 1900, p. 198-193. — M. Slant le voit au Khirbet-Marmâtâ, à un kilomètre et demi à l’est-sud-est d’Artûf (ard Tûf ou Çûf « la

213. — Carte des sites divers attribués à Ramathaïm-Sophim.

terre de Sûf » ), situé à deux kilomètres au sud-est de Sara. Ibid., Appendice, p. 508-510. — S’il faut en croire Mugir ed-Dîn, les Juifs de son temps (1474) auraient vu la patrie de Samuel au village de Siléh (â< « , <..>) du territoire de Nâblus, appelé par eux Rdméh. Il y a un Sîléh à quatre kilomètres et demi au nord de Sébasfiéh : Gf. Histoire de Jérusalem et d’Hébron, édit., du Caire, 1283 (= 1866), p. 106. — M. Gaston Marmier semble chercher Ramathaim à TJmm-Sûfja, à six kilomètres et demi à l’est du Khirbet-Tibnéh, l’ancienne Thamnay^wwe des études juives, 1894, p. 41. — MM. Gutheet Éenziger l’identifient avec Beît-Rima, situé à trois kilomètres an nord de la ruine précédente. Voir Wandkarte Palâstina, Leipzig (sans date). De même Buhl, Géographie des alten Palâstina, 1896, p. 170-171. Ewald la plaçait à Ramallah, grand village chrétien à quinze kilomètres au nord de Jérusalem. Geschichte des Volkes Israël, Gœttingue, 1843-1852, t. ii, p. 550. — Quelques pèlerins des siècles derniers paraissent l’identifier avec er-Râm, l’ancienne Rama de Benjamin. A. de Noroff croit avoir reconnue tombeau du prophète dans une « grotte

sépulcrale » incorporée au mur de l’ancienne synagogue convertie plus tard en une église chrétienne. Dans le Pèlerinage de Daniel l’higoumène, Saint-Pétersbourg, in-4° 1864, p. 13 et 14, note. Cette identification est acceptée parquelques modernes. VoirBonar, Land of Promise, in-8°, Londres, 1856, p. 178, 554 ; P. B. Meistermann, 0. F. M., Nouveau guide’de Terre-Sainte, in-8°, Paris, 1907, p. 314-315. Cette identification, comme les précédentes, se base seulement sur l’identité ou la similitude onomastique. Le P. von Hunlmelauer, In lib. Samuel, I Reg., i, 1, 1886, jp. 29-31, reconnaît l’identité de Rama ou Ramatha avec Ramathaïm ; il la veut cependant, comme Gesenius, au sud de Bethléhem. Selon lui, l’expression de la montagne d’Éphraîm se rapporte, non à Ramathaïm, mais à Elcana et il faudrait lire : « Il était un homme de Ramathaïm-Sophim [et cet homme était civilement de la tribu ou] de la montagne d’Éphraîm. » Le docte commentateur parait n’avoir pas remarqué les autres passages indiquant comme nous le verrons, Ramathaïm en Éphraïm. 3° Deux autres identifications. — Deux localités, outre leur nom, se présentent avec d’autres titres : ce sont Nebi-Samûêl etRantis. — 1. Nébi-Samûîl, « le prophète Samuel », est un petit village de moins de cent habitants, bâti sur la montagne la plus élevée des alentours de Jérusalem, à sept kilomètres et demi de cette dernière. On y voit d’anciennes habitations et des piscines entièrement creusées dans le roc, des restes d’une enceinte restaurée à différentes époques ; S de belles pierres taillées dispersées çà et là et surtout une église ogiivale du XIIe siècle, dont le transept sert aujourd’hui de mosquée. À l’intérieur un cénotaphe en dos d’âne, semblable à tous ceux des personnages vénérés dans l’islam, est désigné comme celui du prophète Samuel. — Vers 530 déjà, le pèlerin Theodosius indiquait : « à cinq milles (7480 mètres) de Jérusalem Ramatha’où repose Samuel. » De Terra Sancla, Genève, 1877, p. 71. L’église et le monastère auxquels Justinien (527-565) apporta des améliorations portaient dès lors le nom de « Saint-Samuel ». Procope, De œdificiis, V, IX. Il resta célèbre et vénéré chez les Arabes musulmans. Cf. Et-Muqaddasi, 19881, Géographie, [édit. Goeje, Leyde, 1871, ip. 188. Pendant toute la période des croisades (xiie s. etxiir 3), les pèlerins francs et autres ne cessèrent d’aller vénérer le tombeau à Saint-Samuel de Montjoie ou Silo, souvent encore appelé de Rama et de Ramatha. À peu près toutes les relations en font mention. Les juifs ne l’eurent pas en moindre respect. R. Benjamin y mentionne, loc. cit., la présence des reliques. Le savant rabbin Estôri (xme siècle) désignant Nébi-Samûêl l’appelle hâ-Rdmâtâh et ajoute : « Là est Samuel, parce que là est sa maison. » Caftor va-Phérah, édit. Luncz, Jérusalem 1897-1999, p. 300. Les pèlerins juifs dont on connaît les récits, y vont tous vénérer le sépulcre. Cf. Carmoly, Pèlerinages de ta Terre Sainte traduits de l’hébreu, Bruxelles, 1847, p. 130, 186, 387. 443. Une tradition si universelle et si constante est un argument en faveur de la présence à Nébi-Samùêl des restes du prophète. Or, ajoutent les auteurs qui identifient cet endroit avec Ramathaïm, d’après I Reg., xxv, 1, Samuel fut enseveli « dans sa maison à Ramatha ». Si le tombeau de Nebi-Samûêl est authentique, il faut reconnaître que là est Ramathaïm. Les deux hauteurs terminant le sommet delà montagne justifient d’ailleurs ce nom. Voir |Maspha 4, t. iv, fig. 228, col. 843. Ramathaïm, il est vrai, est indiqué dans la montagne d’Éphraîm et Nébi-Samûêl appartient au territoire de Benjamin ; mais le palmier de Débpra qui s’élevait entre Rama de Benjamin et Béthel était déjà dans la montagne d’Éphraîm, Jud., iv, ’5, et Saül parcourant la terre de Jemini, synonyme de Benjamin (voir t.^iii, col. 1248), se trouvait dans la montagne d’Éphraim, Cf. I Reg., ix, 4. Ce sentiment, qui est celui de la plupart des inter prètes et géographes du xviie siècle et du xviii « , est défendu par plusieurs savants modernes, en particulier par F. de Saulcy, Dictionnaire topographique de la Terre Sainte, in-8°, Paris, 1877, p. 257, et par Victor Guérin, Judée, t. i, p. 362-384 ; d’autres palestinologues cependant croient plusjuste de s’en rapporter aux témoignages d’Eusèbe et de saint Jérôme indiquant Rantîs.

Selon ces palestinologues, 1° il n’esl aucunement certain que le nom de « mont Éphraïm » ait jamais été donné à la plus petite partie de la montagne de Benjamin. Le Palmier de Débora pouvait être dans la montagne d’Éphraim s’étendant au sud de Bethel, sans qu’il soit besoin de prolonger celle-ci jusqu’à Rama et à la montagne de Nébi-Samûêl. Le Jemini qui donna son nom à la région parcourue par Saül après avoir passé par les terres de Salisa et de Salim et avant d’entrer dans la terre de Suph, est distingué, et sans doute avec raison, par les Septante, au codex Vaticanus, du Jemini qui pouvait donner son nom au territoire de Benjamin. Ils appellent le premier, I Reg., ix, 4, ’laasv, nom de familles en diverses tribus (cf. Jamin, t. iii, col. 1115) et le second, verset 1, ïbid.’iEIxivatoç. La terre de Jemini, ou Jamin, dont il est ici question, était au-delà de « la terre des Chacals » (oibyiir y-iN, y*) £EYa)i[ji, terra Salim, de I Reg., ix, 4), identique selon toute probabilité à la terre des Chacals (byiïf ynN, collectif équivalant au pluriel, Y7jSo)Yâ), , terra Suai) de I Reg., xiii, 17, qui paraît être aux alentours d’Éphra, ville possession d’Éphraîm ; à plus forte raison lui appartenait cette terre de Jemini. — 2° La description du voyage de Saül à la recherche des ànesses de son père, tant à l’aller, I Reg., IX 3-6, qu’au retour, ibid., ix, 26-x, 74, indique une longue course, tandis que Nébi-Samûîl est à cinq kilomètres seulement du site où l’on doit placer Gabaa de Saûl. Le mot de Samuel, ibid., x, 2 : Vous trouverez deux hommes sur la frontière de Benjamin, indique bien que Ramatha était en dehors de cette frontière. — 3° La ville de Ramathem (Vulgate : Hamatka) de I Mach., xi, 34, est, selon toutes les probabilités, identique à Ramathaïm. Or, la Samarie, à laquelle elle appartenait, était tout entière formée du territoire d’Éphraîm. De ces indices ne faut-il pas conclure que Ramathaïm doit être cherchée ailleurs qu’à Nébi-Samûil et que le sépulcre qu’on y vénère est, non le tombeau primitif du prophète, mais un monument où ses restes furent transférés d’ailleurs ? C’est ce que l’on disait au xi ! e siècle. Selon le témoignage de Benjamin deTudèle, en 1173, les chrétiens avaient. trouvé à Ramatha, à côté de la synagogue des Juifs, le tombeau de Samuel et avaient trausporté les reliques du prophète à Silo, c’est-à-dire à Nebi-SamûU, où ils construisirent une grande église. Ce rabbin, il est vrai, attribue cette invention aux Francs, à leur arrivée en 1099, et la place à Ramléh, tenue par lui pour Ramatha ; mais elle doit être attribuée, sans doute, aux Byzantins et reportée au temps d’Arcadius (395-408), époque où, selon saint Jérôme, Cont. Vigilant., 5, t. xxiii, col. 343, une partie des ossements du prophète furent transportés en Thrace. — Ce Père etEusèbe attestent indirectement qu’il ne peut en être autrement, quand ils indiquent qu’Arimathie ou Armathem, patrie d’Elcana et de Samuel, est la localité appelée de leur temps Ramthis, certainement différente dû Nébi-Samuel actuel. D’après ces Pères, Remphis, Remphîtis dans le monument de Leyde, Remphtis dans d’autres manuscrits, était de leur temps généralement reconnue pour l’Arimathie évangélique et pour l’Armathem-Sophim des Septante, patrie de Samuel. Onomasticon, aux mots Ruma et Armathent-Sophim, édit. Larsow et Parthey, Berlin, 1862, p. 60-61, 316, 317 ; éd. E. Klostermann, Leipzig, 1904, p. 32-33, 144. Elle est située « près » (jiXïioiov, juxta)

de Diospolis (Lydda) ou « dans le territoire, i> iv ôpi’oiç, in finibus, de cette ville. Saint Jérôme ajoute qu’elle appartient à la Thamnitique, ittregione Thamniticâ. Les mots « dans le territoire, près de » ne peuvent pas être entendus dans le sens restreint que nous leur donnons. Ainsi, avec les mêmes expressions, ils nous indiquent Remmon à quinze milles, ou 22 kilomètres et demi au nord d’/EIia, ibid., p. 314 et 315, , et Bethsarisa également à quinzemilles au nord de Diospolis et aussi dans la Thamnitique. Ibid., p. 94, 95. Par ce dernier passage, nous constatons que la Thamnitique était au nord de la Diospolitaine ou toparchie de Lydda. Au xiie siècle, les.Assises de Jérusalem, ch. 267, édit.

centreforts des monts d’Éphraïm, du côté de l’ouest. Il occupe une partie seulement d’un plateau assez spacieux, sur lequel se rencontrent de nombreuses bouches de citernes antiques, et terminant une première hauteur de 209 mètres d’altitude ; celle-ci est dominée par un ressaut de la montagne formant une seconde hauteur couronnée d’un plateau plus vaste que le premier et toute plantée d’oliviers. Dans l’intérieur du village, se remarquent les restes de deux églises paraissant de l’époque byzantine ; plusieurs pans de murs engagés dans des constructions modernes, par leur appareil, et de nombreuses pierres taillées dispersées dénotent le même âge. Sur le plateau supérieur

214. — Rantis. D’après une photographie de M. L. Heidet.

Beugnot, Paris, 1841, t. i, p, 417, nomment un Rantis où, parmi les suffragants de l’archevêque de Lydda, est un abbé de Saint-Joseph d’Arimalhie. Ce Rantis, est, à n’en pas douter, le Hemphlis du IVe siècle et le Rantis ou Remis (fig. 214) que l’on trouve aujourd’hui à moins de quinze kilomètres (environ dix milles romains), au nord-est de Lydda, à huit kilomètres à l’ouestnord-ouest de Tibnah, l’ancienne Thamna, qui donnait son nom à la Thamnitique, et à quarante kilomètres au nord-ouest de Jérusalem. Le nom de Rantîs permet de croire que la vraie leçon d’Eusèbe était Ramphtis, forme grecque pour Ramthis, comme Ramphta pour Ramtha, était donnée, an iv « siècle, à BétharandeGad. Ramthis ne diffère au fond de Ramathaïm que par la transformation de la finale en s, modification fréquente, dans les noms hébreux, à l’époque gréco-romaine. On ne peut douter que le témoignage d’Eusèbe et de saint Jérôme, à une époque où l’on savait où se trouvait le tombeau de Samuel, ne soit l’expression de la tradition locale du pays. — Rentîs est un village. d’environ 150 habitants musulmans, s’élèvant sur un des derniers

on rencontre divers débris d’anciennes constructions, parmi lesquels des fragments d’une belle mosaïque. Les lianes de la colline, recèlent un certain nombre de grottes sépulcrales anciennes. — Depuis trente ans, ceux qui, à Jérusalem, se sont occupés particulièrement de la topographie iiblique, admettent plus communément que Rentîs est la localité correspondant le mieux aux données de la Bible et de l’histoire.

Histoire. — Ramathaïm avait été sinon fondée du moins occupée par une colonie de lévites de la famille de Suph, dont descendait Eicana^pèrèsde Samuel. I Reg., i, 1. C’est là que naquit le prophète et il y fut élevé jusqu’au temps de son sevrage où il fut conduit â Silo pour être présente au grand-prêtre. I Reg., i, 2-28. Il paraît être revenu en sa patrie après la mort de Héli et la prise de l’arche par les Philistins, et il y résida jasqu’à sa mort. Le don de prophétie dont il était gratifié attira à Ramathaïm une multitude de gens qui venaient le consulter. C’est ce qui engagea Saùl, cherchant ses ânesses, à y venir aussi. Déjà Samuel avait été reconnu juge d’Israël et peu de temps auparavant

les anciens du peuple étaient venus le trouver pour lui demander un roi. Le prophète avait élevé un autel au Seigneur près de la ville. Jud., vii, 17 ; viii, 41 ; îx, 6-10. Il sortait de la ville pomr « monter » au bâmàli, où il devait offrir un sacrifice, quand Saül se présenta à lui. Il invita le fils de Cis « à y monter avant lui » et à assister au festin qu’il y donnait ; « ils descendirent » de là pour passer la nuit sur la terrasse de la maison du prophète. Le lendemain matin, celui-ci accompagna Saül en dehors de la ville, le sacra et lui donna rendez-vous à Galgala. I Reg., rx, 11-x, 8. Toutes les assemblées générales de la nation, Samuel les tenait à Galgala, Béthel et Maspha. I Reg., viii, 16. [Ramathaïm située loin de la ligne de faite des montagnes habitée par Israël par où passait la route des communications entre les tribus et dont elle était encore sépa-. rée des vallées profondes et escarpées, était d’un abord trop difficile pour y convoquer le peuple.] — Saûl revint à Ramathaïm de longues années après. Il poursuivait alors David de sa jalousie et de sa haine. Celuici s’y était enfui près de Samuel, et les deux se trouvaient auxA’ai’otft, du Râmâh supérieur sans doute, où Samuel semble avoir groupé une école de prophètes autour de l’autel de Jéhovah où il sacrifiait. Cf. I Reg., xix, 18-24. David s’en échappa y laissant Saül qui y passa la journée et la nuit suivante « prophétisant », XX, 1. Samuel y mourut peu d’années après et y « fut enseveli dans sa maison, » c’est-à-dire en son domaine, partout Israël qui vint assister à ses funérailles, xx, 1.

— Ramathaïm, qui appartenait à Éphraïm, resta au royaume schismatique d’Israël et puis au territoire des Guthéensou Samaritains. Jonathas Machabée en obtint la séparation, et, avec Lydda et Éphrem, la réunit à la Judée, car il n’y a point de raison de douter que Ramathem, I Mach., xi, 34 (Vulgate : Ramatha) ne soit Ramathaïm. Devenue ainsi « ville des Juifs », ttoXiç tûW’Io-uSatuv, et connue dans les.Êvangiles sous le nom d’Ârimathie, elle fut, au témoignage d’Eusèbe, de saint Jérôme et généralement de tout le peuple de Palestine, la patrie de Joseph qui ensevelit le Seigneur dans son propre sépulcre. Voir Arimathie, t. i, p. 958. — Ramathaïm était trop en dehors des chemins suivis par les pèlerins pour avoir été fréquentée par eux ; on la leur indiquait comme située dans une région presque inabordable. « D’jElia (Jérusalem), jusqu’à la ville de Samuel, située vers le nord et appelée Ramathas, la contrée est rocheuse et escarpée ; on y peut Voir des régions et des vallées couvertes débroussailles épineuses, s’étendant ainsi jusqu’au district de la Thamnitique », disait, vers 670, Arculfe qui ne paraît pas l’avoir visitée non plus. Adamnan, De locis sanctis, I, xx, t. lxxxviii, col. 790. C’est sans doute pour permettre aux pèlerins de satisfaire leur dévotion et de vénérer les reliques du grand prophète, que l’on transporta ses ossements sur la montagne voisine de Jérusalem qui prit son nom.

Outre les auteurs et les ouvrages déjà indiqués, on peut consulter encore : Quaresmius, Elucidatio Terrx Sanctx, I. VI, § v, cap. v et vi ; cf. § i, cap. ii, in-f », Anvers, 1639, p. 6-8 ; The Survey of Western Palestine, Memoirs, in-4°, Londres, 1882, ’t. ii, p. 286-287 ; t. iii, p. 12-13 ; Palestine Exploration Fund, Quarterly Statement, 1879, p. 130-131, 170-172 ; 1883, p. 110-112, 156-159, 183-184 ; 1884, p.. 51-54, 144 ; A. R. Gonder, Tent-Work in Palestine, in-8°, Londres, 1885, p. 256257 ; Fr. Liévin de Hamm, Guide indicateur de la Terre Sainte, 3e édit., Jérusalem, 1887, t. ii, p.’264-266.

L. Heidet.

    1. RAMATHEM##

RAMATHEM (’Pa(ia8éii), ville de la Samarie réunie avec son district (vou.6 ; h à la Judée sous Jonathas Machabée. I Mach., xi, 28, 34 ; cf. X, 30^ Ce nom est sans doute identique à’Apa[118£|iou’Apatia8ai|isansla transcription de l’article hébreu. La Vulgate l’a transcrit

Ramatha, car la finale n paraît, comme pour Lydda, le signe de l’accusatif. Le traducteur semble aussi l’identifier avec Ramatha identique, dans la traduction, avecRamathaïm-Sophim, comme l’est dans les Septante’Apay.aHy.et’Apajia6ai[i. La situation de’Pa(ia6é(J. indiquée par l’historique de ce passage dans la partie méridionale de la Samarie voisine de la Judée, autorise à croire que cette localité n ! est pas différente de la Ramthis d’Eusèbe et de saint Jérôme, Onomasticon, édit. Larsow et Parthey, p. 317, qu’il faut chercher dans la même région, et qu’ils identifient avec Ramathaïm patrie de Samuel. L’intérêt que Jonathas semble attacher à l’indépendance et à la possession de Ramathem se comprend si elle était la ville du prophète et gardait ses cendres et ce fait est loin d’infirmer f’assertion de’Y Onomasticon, et l’identité de Ramathem avec Ramathaïm-Sophim et Ramthis. Son territoire est situé entre Lydda et Éphrem et plus au nord, et Jonathas ne pouvait l’avoir sans posséder aussi ceux de ces deux dernières villes ; Voir Ramathaïm-Sophim.

L. Heidet.

    1. RAMATHLÉCHD##

RAMATHLÉCHD (hébreu : Rdmat-Léhi. Les Septante traduisent le nom : ’Avaîpeai ; ataydvoç, enlèvement de la mâchoire, sans le transcrire ; la Vulgate après l’avoir transcrit ajoute : qùod interpretatur elevalio maxillx), localité où Samson frappa mille Philistins, avec une mâchoire d’âne. Jud., xv, 17. Voir Léchi, t. iv, col. 145. L. Heidet.

    1. RAMATH-MASPHÉ##

RAMATH-MASPHÉ (hébreu : Râmalam-Mispéh ; Alexandrinus : ’Paiiù ; Vulgate : Ramotli). Jos., xiii, 26. Voir Ramoth-Maspiiè.

    1. RAMATH-NÉGÉB##

RAMATH-NÉGÉB (hébreu : Rà’mâ(-Né’géb, « Râ-’mo /i du Midi » ; Vulgate : Ramath contra auslralem plagam ; le vocable est ajouté comme complément d’un autre nom de localité Baalath Béer). Voir Iîaalath Béer Ramoth, t. i, col. 1324. C’est, semble-t-il, le lieu appelé I Sam. (Reg.), xxx, 23, Ramoth-Négéb. Voir ce nom.

    1. RAMBAN##

RAMBAN, surnom de Nachmanide. Voir Nachitanide, t. iv, col. 1455.

RAME, voir Rameur, col. 959.

    1. RAMEAU##

RAMEAU (hébreu : dâlyôf, zaîf, ’âbô(, ’ânâf, sôk, zemôrâh ; chaldéen : ’ànàf ; Septante : x), âSoç, x^not, tpûXXov ; Vulgate : ranius, ramusculus, palmes), branche d’arbre ou de végétal quelconque. L’hébreu a encore d’autres termes qui ne sont guère employés qu’une fois : Ifôtér, Is., xi, 1 ; kipdh, Job, xv, 32 ; mattéh, Ezech., xix, 11, 14 ; nésér, Is., xiv, 19 ; sûr, .1er., ii, 21 ; sansinnîm, Gant., vii, 9 ; se’apâh, Ezech., xxxi, 6, 8 ; sar’âpah, Ezech., xxxi, 5 ; sibbélet, Zach., iv, 12. Le verbe sê’ê/’veut dire « couper des branches », Is., x, 33.

1° Au sens propre. — 1. La colombe revient dans l’Arche après le déluge en portant un rameau d’olivier. Gen., viii, 11. Les explorateurs envoyés par Moïse dans le pays de Ghanaan en rapportent une gigantesque branche de vigne avec son raisin. Num., xiii, 24. Pour faire périr les habitants de la tour de Sichem, réfugiés dans la forteresse du dieu Bérilh, Abimélech coupa une branche d’arbre et dit à tout le peuple qui le suivait d’en faire autant. Toutes ces branches furent placées contre la forteresse, on y mit le feu et ceux qui s’étaient réfugiés à l’intérieur trouvèrent la mort. Jud., ix, 48, 49. Les oiseaux habitent dans les branches d’arbres et y font entendre leurs chants. Sap., xvii, 17 ; Matlh., xiii, 32 ; Marc, iv, 32 ; Luc, xiii, 19. À l’approche de l’été, les rameaux du figuier deviennent tendres et poussent des feuilles. Matth., xxiv, 32 ; Marc, xiii, 28. Dépouillés de leur écorce par les sauterelles, les rameaux du

figuier deviennent tout blancs. Joe., i, 7. — 2. La loi prescrivait aux Israélites, pour la fête des Tabernacles, de prendre des branches de palmiers et des rameaux d’arbres touffus ; puis, pendant sept jours, ils devaient habiter sous des huttes de feuillage. Lev., 40, 42. Sous Judas Machabée, les Juifs fidèles, après avoir passé une fête des Tabernacles dans les montagnes, suppléèrent ensuite à la solennité omise, en portant des rameaux verts et des palmes, et en chantant la gloire du Seigneur. Il Mach., x, 7. Sur le rameau qu’on portait à son nez dans certains cultes idolâtriques, Ezech., vin, 17, voir Nez, t. iv, col. 1612. — 3. Pour décerner le triomphe à quelqu’un, on prenait en mains des rameaux de palmiers en lui faisant cortège. Ainsi fit-on pour Simon Machabée, I Mach., xiii, 51, et plus tard pour Notre-Seigneur à son entrée dans Jérusalem. Matin., xxi, 8 ; Joa., xii, 13.

2° Au sens figuré. — 1. Jacob, dans sa prophétie sur ses douze fils, dit de Joseph, Gen., xlix, 22 :

Joseph est le rejeton d’un arbre fertile, Rejeton d’un arbre fertile au bord d’une source ; . Ses branches s’élancent au-dessus de la muraille.

Le rejeton, bien arrosé et abrité par une muraille, pousse si vigoureusement qu’il envoie ses branches par dessus cette muraille. C’est l’image de la tribu de Joseph, établie à Sichem et dans le pays fertile qui l’environne. Les branches sont ici appelées bânôt, « filles » du rejeton. Les Septante ont rendu autrement le dernier vers : « Mon jeune fils, reviens à moi. » La Vulgale l’a traduit servilement : « Les filles ont couru sur la muraille. » Celte traduction, étant donnée celle du vers précédent, prête à un sens fort différent de celui que présente l’hébreu. Ce dernier est d’ailleurs beaucoup plus naturel. — La sagesse étend aussi, comme un térébinthe, ses rameaux de gloire et de grâce, et heureux qui s’y abrite. Eccli., xiv, 26 ; xxiv, 22. — Israël est la vigne du Seigneur, dont les branches dépassent les cèdres et s’étendent jusqu’à la mer, Ps. lxxx (lxxix), 11, 12. — Les méchants semblent prospérer et pousser des rameaux ; mais ces rameaux ne verdissent pas, Job, xv, 32, ils sont brisés encore tendres, Sap., iv, 4, ils ne portent pas de fruits, Eccli., xxm, 35, et ne se multiplient pas. Eccli., xl, 15. — 2. Les prophètes empruntent de nombreuses comparaisons aux rameaux. Le Messie est un rameau qui sortira de Jessé. Is., xi, 1. Jéhovah abattra Assur comme on abat avec fracas la ramure des arbres. Is., x, 33. Babylone sera mise de côté comme un rameau méprisé. Is., xiv, 19. L’Ethiopie, sous la vengeance de Dieu, sera comme une vigne dont on coupe les pampres à coups de hache. Is., xviii, 5. Atteint lui-même, Israël deviendra comme un olivier qui n’a plus que quatre ou cinq olives à ses branches. Is., Xvii, 6. — Israël, la vigne du Seigneur, n’a donné que des rameaux bâtards. Jer., ii, 21. Juda était un olivier verdoyant ; à cause de son infidélité, Jéhovah y met le feu et ses rameaux sont brisés. Jer., xi, 16. — Dans Ézéchiel, les rameaux de cèdre, xvii, 6, 22 ; xxxi, 5-14, et de vigne, xvii, 8, 23 ; xix, 11, 14 ; xxxi, 3, figurent le peuple de Dieu et sa destinée. Après la restauration, les montagnes d’Israël pousseront leurs rameaux et porteront leur fruit, c’est à dire redeviendront fertiles comme auparavant. Ezech., xxvi, 8, 9. Le prophète accuse les hommes de Juda de se livrer à l’idolâtrie et de « porter le rameau à leur nez ». Ezech., IX, 17. Chez les Perses, quand on offrait un sacrifice, on dressait les morceaux de la victime sur de la verdure, comme pour les offrir aux dieux. « L’emplacement du sacrifice est orné d’une jonchée ou d’un coussin d’herbes qui est censé le siège de la divinité : en védique, c’est le barhis ; dans l’Avesta, le baresman. » Oldenberg, La religion du Véda, trad. Henry, Paris, 1903, p. 26. Plus tard, on remplaça la

jonchée de verdure par un simple bouquet de tiges, en même temps qu’on se plaçait un voile devant la bouche. Il se pourrait que le prophète, qui écrivait en Babylonie, fit allusion à cet usage, et que le rameau porté au nez et devant la bouche dérivât du baresman. — Au temps de sa prospérité, Nabuchodonosor ressemblait à un arbre puissant, abritant les oiseaux sur ses branches. Dan., iv, 9, 11, 18, — Dans une de ses visions, Zacharie, iv, 11, 12, voit deux rameaux d’olivier symboliques. — 3. Noire-Seigneur compare son disciple fidèle au rameau de vigne qui ne porte du fruit que s’il est uni au cep ; le rameau qui ne porte pas de fruit doit être rejeté, puis mis au feu où il brûlera. Joa., xv, 2-6. Ce rameau est l’image de l’âme chrétienne, qui ne vit de la vie surnaturelle et ne porte des fruits de vertu que si elle est intimement unie à Jésus-Christ par la charité. En dehors dé cette union, il n’y a que stérilité, sécheresse et perte éternelle. — 4. D’après saint Paul, Israël a été planté par Dieu qui a fait de lui une racine sainte. Parmi les branches qui ont poussé sur cette racine, plusieurs ont été retranchées ; ce sont les Juifs incrédules à l’Évangile. À leur place, d’autres branches ont été greffées sur la racine et ont participé à sa sanctification : ce sont les gentils convertis

à la foi. Rom., xi, 16-21.
H. Lesêtre.
    1. RAMESSÈS##

RAMESSÈS (hébreu : Ra’msès ; Septante : ’Pocusaavj), nom, dans l’Écriture, d’un pharaon, d’une ville et d’un district. Pour le pharaon persécuteur des Hébreux et constructeur de la ville de Ramessès, voir Ramsès.

1. RAMESSÈS, ville d’Egypte. — P À plusieurs reprises les textes égyptiens mentionnent Ramsès comme nom de ville ou de résidence. C’est d’abord la Grande Inscription d’Abydos, lig. 29. Ramsès II vient de célébrer à Thèbes les fêtes de son père imon ; il redescend le fleuve vers « la demeure de Ramsès, la grande de la

victoire (ou de la force) » : ’-| Q ffl =i=, per

Ramessu aâ nekht, marquant par là le but extrême de son voyage, bien qu’en passant il doive visiter Abydos. A en juger par un autre passage du même texte, lig. 93 Ramsès II fît graver l’inscription d’Abydos quand déjà il avait mené plusieurs campagnes en Asie où l’avait suivi l’assistance de son père divinisé. « Ramsès-Grande-de-la- "Victoire » est donc antérieure à Van XXI. Elle est décrite au Papurus Anastosi 1 1 J, pl. iii, lig. 1-9 ; Bâtie « d’après les plans de Thèbes, » avec des greniers, des jardins, il y fait bon vivre. « Les riverains de la mer lui apportent en hommage des congres et des poissons, et lui paient le tribut de leurs marais. Les habitants se mettent en vêtement de fête chaque jour, de l’huile parfumée sur leurs têtes, et des perruques neuves ; ils se tiennent à leur porte, leurs mains chargées de bouquets, de rameaux verts du village de Pihâthor, de guirlandes de Pahor, le jour que le Pharaon fait son entrée. i> Maspero, Hist. ancienne, t. ii, p. 288-289. Et au Papyrus Anastasi II, pi. i, lig. 2-5, et iv, pi. VI, lig. 1-5 : « La résidence que ta Majesté a bâtie pour elle se nomme Grande-de-la-Victoire. Elle s’étend entre le Zahi (Phénicie) et l’Egypte… Amon y demeure au midi dans le temple de Soutek, Astarté au soleil couchant, Bouto au nord. » Cf. Papyrus de Leide, I, 348. Les dieux locaux sont ici Amon associé avec Set, Astarté et Ouadjit ou Bouto qui semblent désigner la région de Tanis. De même, le nom géographique de Pahor a son correspondant dans le « Canal d’Horus », she-Hor, qui appartenait au xiv nome dont Tanis était la capitale. Brugsch, Dictionnaire géographique de l’Egypte ancienne, 1879, p. 416. Cf. J. de Rougé, Géographie ancienne de la Basse-Egypte, 1891, p. 93. L’expression « entre le Zahi et l’Egypte » se com

prend très bien de Tanis. C’est de Tanis, porte orientale de l’Egypte, que partit Ramsès II pour la campagne de l’an V contre les Hélhéens. Poème de Pantaour, lig. 9. Setil er avait fait de même dans sa première campagne. Lepsius, Denkmàler, iii, pi. 126. L’inscription d’un certain Za/io, dont la statue a été retrouvée à Tanis, établirait que la Ramsès en question conserva longtemps son nom. Zaho était à l’époque ptolémaïque ou romaine nomarque du xiv « nome et « prêtre d’Amon Ramsès dans Per-Ramsès » "j { j| ^ (jj ^ *— i ^ (|j P ^

neter-l}en-anien ramsès en per-ramessès, à moins que Per-Ramessès ne désigne simplement Je temple élevé par ce pharaon à Tanis. Cf. de Rougé, loc. cit., p. 9394. C’est à l’appui de ces textes et en y pliant d’autres textesque Brugsch, loc. cit., et La sortie des Hébreux de V Egypte et les monuments égyptiens, 1874, en vint à placer la Ramsès biblique à Tanis et à imaginer un Exode par le lac Sirbon.

2° Brugsch allait trop loin. Tout au plus pouvait-il conclure que Tanis ou une ville de son voisinage immédiat avait porté le nom de Ramsès. Mais d’autres Ramsès avaient pu exister. Une stèle découverte à Tell Rotab, Pétrie, Hyksosand Israélites cities, 1906, pl.xxxii et p. 31, glorifie en effet Ramsès II « d’élever des cités

à son nom pour l’éternité : » fnJ <> — i ^k _w u " T

£=} ~" Y ked m dmiou lier ran-f r zêta. L’in dication d’une de ces cités, bien différente de celle de la région de Tanis, nous est fournie par le texte du Traité avec les Hittites, lig. 2 : « En ce jour (le 21 de Tybi, an XXI), Sa Majesté se trouvait dans la ville de Ramsès-Miamon, accomplissant les ordres de son père Amon-Rà-Armachis-Atum, seigneur des deux terres d’Héliopolis, l’Amon-de-Rarnsès-Miamon, le Ptah de Ramsès-Miamon et Set. » C’est là que le messager de Khétasar lui remit la tablette d’argent contenant le traité. On voit qu’ici les dieux officiels de la ville sont les dieux de l’ouadi Toumilat, où Tum d’Héliopolis était le dieu principal, et que, par suite, cette ville, qui n’est pas la « Grande-de-laVictoire », doit être cherchée dans cette dernière région. Est-ce à la Ramsès de l’ouadi Toumilat ou à celle de Tanis que fait allusion un texte d’Ibsamboul, Naville, Le décret de Ptah Totunen en faveur de Ramsès II et de Ramsès III, lig. 16, dans Transactions of the’Sociely of biblical Archæology, t. vii, 1882, p. 124, on ne saurait le décider, Tanis et l’ouadi Toumilat, l’une au nord, l’autre au sud, étant également situés sur la ligne de la frontière orientale de l’Egypte. « Tu as construit, dit Ptah à Ramsès II, une augusle résidence pour affermir les frontières des deux terres : Demeure de Ramsès-Miamon donnant la vie ; elle est solide sur la terre comme les quatre piliers du ciel… » Au Papyiiis Harris, pi. lx, lig. 2, Lxiia, lig. 3, où Ramsès III parle de la résidence qu’il a élevée dans « la ville de Ramsès (II)-Miàmon, » il est plus probable qu’il s’agit de la Ramsès de l’ouadi Toumilat. Il nomme en effet Ramsès entre Baïlos et Athribis qui appartiennent à ce district. Naville, Goshen and the shrine of Saft el-Henneh, p. 20. Si maintenant nous consultons la Bible, nous voyons que les Israélites furent fixés dans la terre de Ramsès. Gen., xlvii, ’, 11. Moïse donnant à cette région le nom qu’elle portait de son temps. Or, la terre de Ramsès est identique à la terre de Gessen, ou du moins approximativement la même chose. Voir Gesses, t. iii, col. 218 ; Naville, loc. cit., p. 11-20, surtout p. 20 où l’auteur se résume. C’est là que les Hébreux bâtirent Phithom. Voir Phithom, col. 323-327. C’est là aussi qu’ils durent bâtir la Ramsès biblique", et non à Tanis située à cinquante kilomètres environ de l’ouadi Toumilat, bien au delà de la branche pélusiaque. Le récit de Moïse est donc d’accord avec la seconde catégorie des textes

égyptiens pour situer une Ramsès dans l’ouadi Toumilat.

3° Tournés vers la Terre Promise, les Hébreux partent de Ramessès. Leur première slalion est à Socoth dans la région de Phithom’. Exod., xii, 37 ; Num., xxxiii, 3-5. Voir Phithom, col. 325. Ramessès doit donc être cherchée à l’ouest et dans un rayon très rapproché de Phithom ou Tell el-Maskhouta. Or, dans cette direction, deux sites seulement portent des ruines anciennes : Schugafiéh et Tell Rotab, tous deux sur la rive droite du canal, comme Phithom. Le premier site, le plus éloigné de Phithom (vingt-cinq kilomètres environ), à la hauteur et au sud de Tell el-Kébir, ne présente sur une largeur d’un kilomètre et une longueur de deux que des débris d’époque romaine, M. Naville, The Storecity of Pithom, 4e édit., 1903, p. 36, est tenté d’y voir la station de Thou ou Thohu de V Itinéraire, édit. Wessling, p. 170. Le deuxième site, à huit kilomètres environ de Phithom, proche des traces du canal antique, présentaiten 18851e même aspect que la butte de Tell el-Maskhouta avant 1883. Dans l’espoir d’y trouver Ramessès, Naville se mit à l’œuvre. Mais un fragment de grès et un scarabée seulement lui fournirent le nom de Ramsès II. Sa conclusion fut que Tell Rotab n’avait dû être qu’une des stations militaires échelonnées à l’époque romaine le long du canal. Il inclina à chercher Ramessès du côté de Saft et Uennéh identifié par lui avec Phacusâ. Goshen, p. 24-25. En 1906, Pétrie reprit les fouilles au même point. Le résultat fut que, loin d’être un camp romain, le sile était le plus ancien de ceux connus à l’est de Zagazig. Poteries de l’Ancien Empire, scarabées de la IXe à la XIIe dynastie, plus de quatre mètres de ruines au-dessous des constructions de la XVIIIe et XIXe dynastie, tout dénotait avec évidence une ville très ancienne et très importante. Pétrie, Hyksos and Israélites Cities, p. 28. Dans la pensée que Ramsès II avait dû utiliser une place sacrée remontant si haut dans l’antiquité, M. Pétrie rechercha d’abord le temple. Il s’attaqua donc au côté est des ruines. La masse des débris s’y élevait moins haut que partout ailleurs, et l’on sait que d’ordinaire c’esf à cet endroit que se trouve le temple, tandis que le corps principal delà butte marque l’emplacement. de la ville. Après un long travail, une moitié de la façade du temple sortit au jour. Les blocs descellés, mais non brisés, en gisaient à terre prêts à être utilisés comme matériaux de construction. Pétrie, loc. cit., p. 29. Ramsès II y est représenté (fig. 215) brandissant la massue au-dessus de la tête d’un Sémite qu’il a saisi par les cheveux. Devant lui et lui offrant la harpe se tient le dieu « Tum d’Héliopolis, maître de Thukut. » Cette scène était à gauche du spectateur. À droite existait un tableau semblable, mais le sacrifice humain s’accomplissait devant Set, comme l’ont révélé les blocs retrouvés de la partie supérieure. Pétrie, loc. cit., pi. xxix, xxx et p. 31. Une stèle de granit rouge nous dit que Ramsès a pourchassé (es Bédouins jusque dans leurs montagnes, « pillant leurs forteresses, massacrant leurs faces » et « qu’il a bâti des villes à son nom pour l’éternité. » Pétrie, loc. cit., pi. xxviii, xxxii. Un groupe de granit rouge où toute écriture a disparu, rongé qu’il est dans sa partie supérieure et brisé à sa partie inférieure, représente certainement, selon Pétrie, pi. xxxil et p. 31, le dieu Tum et Ramsès II. Ramsès III aussi travailla au temple, comme le prouve un fragment, ’pl. xxxi, qui nous a conservé de lui un fin portrait. De plus, il enferma le sanctuaire dans un nouveau mur, plus fort, plus développé, dont la porte était flanquée de bastions en briques massives. PI. xxxv. Au coin sud-est de. cette enceinte se sont retrouvés les dépôts de fondation. De l’ensemble de ces découvertes, Pétrie, loc. cit., p. 2, 31, conclut que le site de Tell Rotab remplit toutes ; ies conditions pour qu’on puisse

y reconnaître la Ramessès biblique, la ville sœur de Phithom, toutes les deux bâties parles Hébreux. Ramsès II y avait son temple. La stèle de granit rouge, par l’allusion aux villes bâties à son nom, suggère que nous sommes en présence d’une de ces villes, c’est-à-dire de Ra’amsès. Le groupe de Tum et de Ramsès II est probablement celui que sainte Silvie vit encore debout vers 385 : Nunc ibi (au site qu’on lui indiqua comme étant celui de Ramsès) nihil aliud est, nisi tantum ùnus lapis ingens thebeïts in quo sunt dux slatux excisée, ingénies, quas dicunt esse sanctorum hominum, id est Moysi et Aaron. Itinéra hierosolymitana sasculi iv-vni, dans Corpus scriptorum ecclesiasticovum

de Per-Ramsès, ni aucun vestige de greniers. Pétrie, loc. cit., p. 31, nous dit bien que sur un montant de porte tombale, remployé plus tard dans une construction de la ville, se lit l’inscription d’un préposé aux greniers. Mais le mot qu’il traduit par « greniers » est visiblement, d’après la pi. xxxi : , Khast, t terres

frontières, désert, pays étranger », et non, she nut, <t greniers’j ». Nous n’avons là qu’un surintendant des frontières. Toutefois, en acceptant, d’un côté, qu’aucun autre "site non identifié à l’ouest de Phithom ne renferme de monuments de Ramsès II ; étant donné, de l’autre, que Tell Rotab est au voisinage de Phithom,

215. — Ramsès II terrasse un Sémite devant le dieu Tum.

latinorum, t. xxxviii, Vienne, 1898, p. 48. À son tour, nous [l’avons vii, Ramsès III s’occupa de cette localité et justement, dans un texte de son prédécesseur qu’il s’appropria et fit graver à Médinet Habou, Ptah le glorifie d’avoir « construit une résidence grande et magnifique pour affermir les frontières de l’Egypte, la ville de Ramsès, le grand trésor de l’Egypte… » Le dieu ajoute : « Ta Majesté est établie dans le palais, j’y ai bâti une enceinte qui est ma demeure… » Naville, Le décret de Ptah Totunen, loc. cit., lig. 23, qui répond à la lig. 16 du texte de Ramsès II, texte qu’elle pré^ cise peut-être, nous permettant de l’appliquer à Tell Rotab. Là viendrait aussi un autre texte, Papyrus Harris, pi. lx, lig. 2, où Ramsès III dit : « J’ai élevé un grand temple, travaillant à l’agrandir, dans la demeure de Soutek de Ramsès-Miamon. » Il faut l’avouer, toutes ces preuves restent fragiles : les textes de Ramsès III ne s’imposent pas absolument pour Tell Rotab ; ceux de Ramsès II pourraient se lire dans n’importe quel point de l’ouadi restauré par lui ; à Tell Rotab nulle part jusqu’ici ne s’est rencontré le nom

que la première station des Hébreux est dans la régionde Socoth ou Tkukut, quelque part entre Tell et Maskhouta et le lac Timsah, Tell Rotab demeure l’emplacement le plus probable de la Ramessès biblique.

C. Lagier.

2. RAMESSÈS, district d’Egypte. La région qui est appelée Gessen, Gen., xlv, 10 ; xlvi, 1, 4, 6, est aussi appelée terre de Ramessès, xlvii, 11. Ces deux nomssemblent donc être synonymes. La seconde appellation n’est certainement pas contemporaine de Jacob, mais elle est contemporaine de Moïse eVîlTï’en sert tout naturellement par un procédé familier auï historiens en pareil cas. On peut se demander ici si la terre tire sonnom de la ville. Ce n’est guère probable, car la ville de Ramessès n’était pas le centre administratif de la province. Il faut plutôt prendre Ramessès dans son sensoriginal, comme étant sans intermédiaire le nom royal de celui qui colonisa l’ouadi Toumilat, en fit son œuvre, y établit sa résidence préférée, et le remplit de monuments à son nom ; c’était vraiment sa terre : la terre de-Ramsés II. Cf. Naville, Goshen, p. 18-19. On peut se

demander encore si Gessen et terre de Ranlsès sont d’une synonymie pleinement correspondante. M. Naville, loc. cit., p. 14-19, ne le pense pas. Il borne la terre de Gessen au triangle compris entre les villages de Saft, Belbéis et Tell el-Kébir, ce qui fut plus tard le XXe nome, le nome Arabia. « L’expression — terre de Ramsès — s’applique, dit-il, p. 20, à une aire plus vaste et couvre cette partie du Délia qui s’étend à l’est de la branche tanitique, contrée que Ramsès II dota d’innombrables monuments d’architecture, et qui correspond à la province actuelle de Sharkieh. » Peut-être est-ce pousser un peu loin la conjecture. Voir Vigouroux, La Bible et les découvertes modernes, 6e édit., 1896, t. ii, p. 215-287 ; W. M. Mûller, art. Rameses, dans Cheyne-B.lack, Encyclopedia biblica, 1899-1902, t. IV, col. 4012-4014 ; Brugsch, outre ses autres ouvrages cités au cours de l’article, Steinschrift und Bibelwort, 1891, p. 154 sq. ; Ebers, art. Bamses, dans Riehm, Handwôrterbuch des biblischen Altertums, 2e édit., 1893-1894, p. 1254. C. Lagier.

    1. RAMETH##

RAMETH (hébreu : Bémét ; Septante, Vaticanus : Pei<.[jui « ; Alexandrinus : ’PajuaB), ville de la tribu d’Issachar. Jos., xix, 21. C’est la localité appelée Jaramoth, Jos., xxi, 59, et Ramoth, I Par., vi, 33 (hébreu, 58). Selon le rabbin J. Schwarz, c’est Ramathaïm-Sophim et il l’identifie avec er-Râméh, village situé à l’ouest de Sânour et au nord de Sébasfiéh (Samarie), Tebuoth ha-Arez, édit. Luncz, Jérusalem, 1900, p. 191-193. Voir Ramathaïm-Sophim et Jaromoth, t. iii, col. 1128. — Er-Râméh se trouve incontestablement dans le territoire de la tribu de Manassé et Rameth d’Issachar mentionnée avec Engannim, aujourd’hui Djénîn, doit se chercher non loin de cette ville et sur une des hauteurs qui bordent le Merdj ibn’Amer, l’ancienne plaine de Jezraël ou Esdrelon. La seule localité dont le nom a quelque rapport, contestable toutefois, avec Rameth est’Arranéh. On peut supposer, à la rigueur, que’Ar est une transformation de l’article arabe ; quant à Rdnéh, il pourrait être une modification de Râméh ou Râmet, ’Arranéh est un petit village, avec des citernes antiques, entouré de plantations de figuiers et situé sur une colline calcaire peu élevée, à droite du chemin de Djenin à Zera’în, l’ancienne Jezraël, à six kilomètres au sud de cette dernière et à quatre au nord de Djénîn.

L. Heidet.

    1. RAMEUR##

RAMEUR (hébreu : Sàtim ; Septante : xuTnjXxtric ; Vulgate ; rémiges), celui qui fait avancer un navire à la rame, Le mot hébreu vient du verbe sut, « frapper avec un morceau de bois, ramer », ÈXscjyecv, remigare ; de là vient également le nom de la rame, Sayit, masôt, x<iir » i, remus, longue et légère pièce de bois au moyen de laquelle le rameur appuie sur l’eau pour faire avancer le bateau. Dans Jonas, l, 13, le travail du rameur est indiqué par le verbe hâ{ar, « couper le flot, ramer ».

— Isaïe, xxxili, 21, mentionne les navires à rames. Dans sa description de la prospérité de Tyr, Ezéchiel, xxvi, 6, 8, 26, 29, dit que les rames étaient faites avec les chênes de Basan, que les habitants de Sidon et d’Arvad fournissaient les rameurs et que ceux qui manient la rame ont conduit Tyr sur les grandes eaux. — L’Évangile parle deux fois des apôtres ramant sur le lac de Tibériade par un gros temps. Marc, vi, 48 ; Joa., vi, 19. Voir Navigation, Navire, t. iv, col. 1494-1515, avec les figures représentant, sous différentes formes et en différentes positions, des rames et des rameurs. Sur les rames qui servent à gouverner, voir Gouvernail,

t. iii, col. 282.
H. Lesêtre.
    1. RAMOTH##

RAMOTH (hébreu : ordinairement Bâmôt, Bâ’môt, Deut., IV, 43 ; Jos., xx, 8, et IPar., vi, 58 (Vulgate : 73), pluriel de Râmâh et Râ’mdh, « lieu haut », des ra cines rûm et râ’rn, ayant toutes deux la même signification d’  « être élevé » ), nom de plusieurs localités de la terre d’Israël, généralement distinguées les unes des autres par un complément. On le trouve seul pour désigner la ville d’Issachar nommée aussi Jaramoth et Rameth. Voir tes articles qui leur sont consacrés. Cette forme Rameth et les singuliers Râmdh, en construction Rânial, employés aussi, Jos., xrn, 26 ; xix, 8 ; II Sam. (Reg.j, xxx, 29 ; II (IV) Reg., viii, 29, pour désigner les villes appelées encore Râmôt, permettent de supposer que ce mot est plutôt une prononciation particulière de Râmat, qu’un pluriel.

1. RAMOTH (hébreu : Râ’môt ; Septante : ’Pa|jt<o6), nom dans I Par., vi, 73 (hébreu, 58), delà ville d’Issachar appelée Jaramoth dans Josué, xxi, 29. Voir Jaramoth, t. iii, col. 1128.

2. RAMOTH (hébreu : Yerâmôf ; Septante : ’P/](jim6), un u des fils de Bani » qui avait épousé une femme étrangère et qui fut obligé de la répudier par ordre d’Esdras. I Esd., x, 29.

    1. RAMOTH-GALAAD##

RAMOTH-GALAAD (hébreu : Râmôt-Gil’âd, II (IV) Reg., IV, 13, etc., ordinairement ; Râmôt bag-Gil’âd, Deut., iv, 43 ; Jos., xx, 8 ; 1 Par., vi, 65 ; une fois Râmâh seul, II (IV) Reg., viii, 29 ; Septante : ’Pa|iw6 TaXaiS ; ’Pa(iw6 êv rr^ rxXaaS ; variantes fréquentes : ’Pann-wO, ’P£(jid)8’Pe(ji|ji(19 ; parfois : ’Pa[iô6, ’Pec^oS, ’PEjiéô, ’P£[i[).d(8 ; deux fois’Pa^oiô rrj ; Fa-XaaSÉTiç, II Par., xviii, 2, 3 ; Vaticanus, Jos., xx, 8 : ’ApTi|j.ù9 èv r ?j TaXaaS ; À lexanârinus, Jos., xxi, 38 : ’PajiràS iv y ?, TaXotâS ; la Vulgate transcrit ordinairement Ramoth Galaad et Ramoth in Galaad. Deut., iv, 43 ; Jos., xx, 8 et xxi, 37 ; I Par., vi, 80. Râmâh, IV Reg., viii, 29, est rendu dans les Septante par’Pejjt[iw8 seul ou’Pa(jiw6 et par Ramoth dans la Vulgate), ville lévitique et de refuge du pays de Galaad, au delà du Jourdain, et de la tribu de Gad.

I. Identification. — Le Galaad où se trouvait Ramoth, au sentiment des Septante, de la Vulgate et des autres versions est la région de ce nom. Josèphe l’a entendu de même et il rend l’expression biblique par’Api(ii ou’AptjjiavQV-clic PaXaS/ivôv ynç, Ant. jud., IV, vii, 4 ; ’Apau-iôi hôâi ; êv Tfj TaXaS-^v^, ibid., V1I1, xv, 3 ; uoliç t ?, ç raXoaojTiôoc, IX, vi, 1. S’agirait-il de la localité du même nom, comme le veulent quelques exégètes modernes, l’indication serait équivalente, puisque c’est de la localité et du monument appelés Galaad, que la contrée au delà du Jourdain a été dénommée de même. Cette dernière indication topographique « au delà du Jourdain, du côté du soleil levant » est d’ailleurs ajoutée trois fois. Deut., iv, 41 et 43, et Jos., xx, 8. Quatre fois Ramoth-Galaad est formellement attribuée à la tribu de Gad. Deut.. iv, 43 ; Jos., xx, 18 ; xxi, 37 (hébreu et Septante, 38), et I Par., vi, 80 (hébreu, 65). La situation particulière de la ville, précisée moins clairement, est jusqu’aujourd’hui un sujet de controverse. — La tribu de Gad s’étendait depuis Hésébon et la mer Morte, au sud, jusqu’au lac de Cénéreth au nord, Deut., iii, 16-17 ; Jos., xiii, 2527, sur une longueur d’environ cent kilomètres, partagée en deux par le Jaboc : les interprètes disputent pour savoir si Ramoth doit se chercher dans la partie méridionale ou, au contraire, dans la partie septentrionale.

1° Eusèbe indique « Ramoth, ville sacerdotale de refuge, de la tribu de Gad, en Galaaditide, qui est maintenant à environ 15 milles (22 440 m.) de Philadelphie (’Amman), au couchant, itpo ; vuofidci ;  ; » saint Jérôme la place, au contraire, « du côté de l’Orient, contra orientem. » Onomasticon, édit. Larsow et Parthey, Berlin, 1862, p. 308-309. Au mot Rammoth

Galaad, tous les deux le disent « un village de la Pérée près (xapâ, juxta) du fleuve Jaboc. » Ibid., p. 314, 315. — De ce que l’on ne peut chercher le territoire de Gad â l’est de’Amman et se fondant sur le texte d’Eusèbe, les savants identifient Ramoth avec la ville actuelle d’es-Salt. Ainsi Karl Ritter, après Burkhardt, Irby et Mangles, Erdkunde von Asien, p. 1121, et carte de Palestine, Berlin, 1840 ; Grætz, Schauplatz der heiligen Schrift, in-8°, nouvelle èdit., Ratisbonne, p. 442 ; Van de Velde, Map ofthe Holy Land, Gotha, 1865 ; H. Kiepert, Neue Handkarte Palsestina’s, Berlin, 1875 ; Tristram, The Land of Israël, in-8°, Londres 1885, p. 550-555 ; F. de Saulcy, Dictionnaire topographique abrégé de

Zerqâ. Pour ces auteurs, Ramoth et Galaad sont deux noms d’une même ville, dont le dernier survit dans les localités indiquées. Quelques autres le voient à Djébél Os’a, à six kilomètres au nord de Sait. Cf. Gesenius, Thésaurus, GiVad, p. 290, ; Buhl, Géographie des alten Palàstina, Fribourg, 1896, p. 262 ; J.-M. Lagrange, Au delà du Jourdain (extrait de la Science catholique), Paris-Lyon, 1890, p. 21-23 ; Galaad 5, t. iii, col. 46 ; Ramoth-Masphé.

2° Ces identifications et toutes les autres que l’on pourrait proposer au sud du Jaboc, sont contestées par d’autres interprètes et palestinologues, parce que selon toutes les données bibliques et plusieurs extra-bibliques,

216. — Es-Salt. Vue générale. D’après une photographie de M. L. Heidet.

la Terre-Sainte, in-8°, Paris 1877, p. 256 ; P. Séjourné, dans Revue biblique, t. ii, 1893, p. 228-232, et plusieurs autres. — Es-Salt ou es-Salt, écrit encore es-Salt par les auteurs arabes, est située à 25 kilomètres environ au sud de la rivière ez-Zerqd, l’ancien Jaboc, et à23 ou 24 à l’ouest-nord-ouest de’Amman. Entourée de montagnes et bâtie en grande partie sur les pentes d’un mont de 835 mèlres d’altitude dont le sommet est couronné des restes d’un ancien château-fort, nulle localité ne mérite mieux le nom de Ràmah ou Ramoth (fig. 216). Le nom A’es-Salt semble venir du latin saltus, « forêt », et de l’époque de la domination romaine. Le Sait est aujourd’hui la capitale de la Belqà qui correspond assez exactement à la partie méridionale de l’antique Galaad (fig. 217). La population du Sait est d’environ douze mille habitants dont neuf mille sont mahométans et les autres chrétiens grecs et catholiques, avec quelques protestants, la plupart de race arabe d’origine bédouine. Cependant plusieurs explorateurs modernes préfèrent chercher Ramoth à Djil’ûd ou Djîl’dd, localités avec ruines, au nord et au nord-est Ses-Salt, et à six ou huit kilomètres au sud de la

UCT. DE LA BIBLE.

Ramoth de Galaad doit être cherchée au nord de ce fleuve. D’après le Talmud de Babylone, Makkoih, 96, les villes de refuge de la Transjordane étaient opposées aux villes de refuge de la région occidentale, et Ramoth-Galaad, faisait face à Sichem. Se fondant sur cette indication et le mot du Midras, Samuel, xm : « Géras c’est Galaad, » le Dr Sepp, qui voit aussi dans Galaad et Ramoth deux noms de la même ville, la reconnaît dans Djéras. Cf. A. Neubauer, Géographie du Talmud, Paris, 1868, p. 55, 250 ; R. von Riess, Biblische Géographie, Fribourg-en-Br, , 1872, p, -76. Plusieurs la cherchent aux alentours de Géras. Ibid.

Les membres de la Société anglaise d’exploration de la Palestine proposent comme « probable » l’identification de Ramoth avec Reimûn, village situé à sept kilomètres â l’ouest de Djéras et à huit au nord du Jaboc. Cf. C. R. Conder, Heth and Moab, Londres 1885, p. 158195 ; Armstrong, Names and places in the Old Testament, Londres, 1887, p. 144, etc. Le rabbin Schwarz remonte jusqu’au Qal’at-Rabad, situé sur une haute montagne voisine de’Adjloûn et d’où l’on voit comme en face le Garizim. Tebuolh ha-Arez, édit. Luncz,

V. - 31

Jérusalem, 1900, p. 272. — Ces identifications ont le tort, suivant d’autres, quoique moins que les précédentes cherchant Ramoth au sud du.Jaboc, de ne pas tenir compte des indications particulières de l’Écriture sur cette ville. Ramoth, dont le nom précède, Jos v xiii, 26, celui de Maspha que l’on croit assez communément opposé au premier comme déterminatif, n’est pas différente, suivant ces savants, de Ramolli en Galaad ; or, dans le passage cité, Ramoth est désignée comme ville frontière nord-est de la tribu de Gad, opposée à Héséhon marquant la frontière sud-est. Cf.M.Polus, Synopsis crilicorum, t. i, col. 915. La frontière septentrionale de

Vers la lin du xii ! e siècle, on plaçait Ramolli presque à la hauteur de l’extrémité méridionale du lac de Génézareth ouTibériadeet non loin des frontières orientales du pays d’Israël. Cf. Karte Palâstina’s, c. iSOO, dansZeilschrifl des deutschen PalâslinaVereins, t.xiv, pi. "I. Dans cette situation, on rencontre aujourd’hui le village A’er-Rantfêh ou Ramtah (fig. 218) dont le nom est l’équivalent de Ràmata’, forme syriaque de Râmah et Ràrnôf. Situé sur les confins du Hauran, l’ancien Basan et du district de’Adjlùn, l’ancien Galaad septentrional, entre el-(loson et ed-Der’ah, à dix kilomètres au nord-est du premier, et à quinze au sud-est du

217. — Vue de l’intérieur de la vitte et de la fontaine. D’après une photographie de M. L. Heidet.

Gad, indiquée Jos., xiii, 27, étant la mer de Cénéreth, Ramoth devait être à peu près à la même latitude, et. près de la frontière méridionale de Manassj oriental, au sud de Basan, d’Argob et des Havoth, lair ou du Hauran actuel. Cf. Jos., xiii, 30. Cette situation estconiirmée, III Reg., iv, 13 : « Bengaber [résidait] à Ramoth-Ga-Iaad et avait les Havoth de Jaïr, fils de Manassé, en Galaad ; il était préposé à toute la contrée d’Argob, qui est en Basan, et aux soixante cités fortes et murées ayant des verrous d’airain. » Pour être le chef-lieu de cette région Ramoth devait lui être contiguê : on ne peut donc pas plus la chercher vers le sud ou au centre de la partie septentrionale de la tribu de Gad qu’au sud du Jaboc : ce dernier quartier dépendait de Gaber ben-Uri et les autres, selon toute apparence, d’Ahinadab ben-Addo qui résidait à Mahanaïm. lbid., 14, 19. Le fait de l’occupation de Ramoth par les Syriens, III Reg., xxii, et celui de Joram, blessé sous Ramoth allant se faire soigner à Jezraël, suppose également cette ville au nord du Jaboc et sur la frontière nord-est du pays de Galaad proprement dit et de Gad. —

second et à environ 25 au nord de tell Ma ?fah, découvert naguère par M. Gotl. Schumacher, Ramféh paraît répondre pour le mieux à toutes les indications bibliques. S’il est un peu loin pour justifier sûrement l’appellation Ramoth-Maspha, il est à remarquer que celle-ci n’est pas certaine elle-même et que cet éloignement justifierait la leçon de la Vulgate qui sépare les deux noms. Voir Ramoth-Masphé. Cette identification a été proposée, mais suivie dés signes ? ? et*, c’est-à-dire très timidement, pour Ramoth-Maspha, par Gonder et Armstrong, tleth and Moab, p.178, etNanies and Places, p. 143 ; elle a été adoptée simplement par Luncz, dans Thebuoth ha-Arez, p. 270, note *, et par Isr. Belkind, Sobremænnaja Paleslina, in-8°, Odessa, 1903, p. 268. Er-Ramtéh est un grand village de près de deux mille habitants, tous mahométans et fanatiques, établi sur une large colline calcaire perforée de citernes antiques et de grottes. Xes habitations, à toit plat, sont souvent bâties avec de belles pierres en basalte qui paraissent provenir de constructions anciennes. Les terres des alentours sont planes et fertiles, mais sans aucun arbre. fi

Cf. G. Schumacher, Das sûdliche Basan, in-8°, Leipzig, 1898, p. 66-67.

3° Histoire. — Ramoth en Galaad fut une des trois villes de la Transjordane désignée par Moïse pour ville de refuge. Deut., iv, 43, Jos., xx, 8 ; xxi, 31. Elle avait été conquise sur le roi Og et fut assignée aux lévites de la famille de Mérari, Jos., xxi, 37 (hébreu : 38) ; cf. xiii, 30-31. — Salomon fit de Ramoth ie siège d’un des douze préfets chargés de fournir pour un mois la maison royale de vivres. III Reg., iv, 13. Le fait que Bengaber chargé de cette fonction l’exerçait sur Basan et les villes de Jaïr, c’est-à-dire sur la tribu orientale de

chargea le fils d’un des prophètes d’aller à RamothGalaad sacrer Jéhu roi, pour accomplir la vengeance du Seigneur contre la maison d’Achab. Le jeune homme trouva les chefs de l’armée réunis et, suivant l’ordre reçu, appela Jéhu à part. Il répandit sur la tête de celuici la fiole d’huile qu’il avait apportée, le salua roi d’Israël au Dom du Seigneur, et s’enfuit de la ville. Instruits du fait, les collègues de Jéhu étendirent leurs vêtements sous ses pieds et au son des trompettes le proclamèrent roi. Jéhu prit soin que personne ne pût sortir de la ville pour aller annoncer l'événement, avant que lui-même n’arrivât à Jezraël. IV Reg., ix, 1-15. Cf. F. Vigoureux,

218. — Er-Bamtéh. D’après une photographie de M. L. Heidet.

Manassé, montre que cette ville, bien qu’assignée à la tribu de Gad, avait été occupée par les Manassites. — Les rois araméens de Damas, profitant sans doute des perturbations survenues en Israël après le schisme, s'étaient emparés de Ramoth. Le roi Achab forma le projet de la reprendre. Malgré l’avis du prophète Michée, fils de Jemla, lui annonçant l’insuccès de l’entreprise et sa fin » le roi d’Israël marcha contre Ramoth, accompagné du roi de Juda, Josaphat, qu’il avait entraîné en cette expédition. Blessé mortellement dans un combat, dès le commencement de l’action, Achab mourut vers le soir, sur son char, devant Ramoth. L’armée fut dissoute et l’entreprise abandonnée. III Reg., xxii ; II Par., xviii. Joram, fils d’Achab et son second successeur, reprit le dessein de son père. Assisté d’Ochozias, roi de Juda, fils de sa sœur Athalie et petit-fils de Josaphat, il arracha Ramoth aux Syriens. Blessé dans un combat contre ceux-ci et leur roi Hazaë.1, Joram descendit à Jesraël pour se faire soigner, laissant la ville à la garde de ses officiers dont Jéhu semble avoir été le principal. IV Reg., viii, 28-29 ; cf. Josèphe, Ant. jud., IX, vi, 1. Sur ces entrefaites, le prophète Elisée

La Bible et les découvertes modernes, 6e édit., t. iii, p. 479. — Ramoth de Galaad dut subir plus tard le sort de toutes les autres villes de cette région tombée entre les mains de Téglathphalasar, roi d’Assyrie. IV Reg, , xv, 29. — Elle est sans doute aussi une des villes fortes et grandes dont s’emparèrent sur leurs adversaires, après la prise de Bosor et de Maspha, Juda Machabée et son frère Jonathas, dans leur expédition en Galaditide. I Mach., v, 26-36. Elle n’est cependant plus désignée en particulier. L. Heidet.

    1. RAMOTH-MASPHÉ##

RAMOTH-MASPHÉ (hébreu : Rânïat ham~Mispéh, « Rama de Masphé » ; Septante, Vaticanus : 'Apaëîbô xctTM zr[i Ma<rffT, ?â ; Alexandrinus : 'Pau.ù>8 xccrà -rriv Maa-tpi, « Ramoth prés de Maspha » ; la Vulgate sépare les deux noms : Ramoth, Masphé), appellation mentionnée sous cette forme une seule fois par Jos., xiii, 26, décrivant les limites de la tribu de Gad en Galaad. Mais s’agit-il ici d’une ville à double vocable ? s’agit-il, au contraire, de deux localités différentes et ces deux localités sont-elles directement citées ou seulement Ramoth, au nom de laquelle le nom de Masphé

est apposé. pour la distinguer des autres Ramoth ? Cette Ramoth est-elle la même que Ramoth en Galaad ou est-elle différente ? Les interprètes sont partagés de sentiment.

1° Pour plusieurs, Ramoth-Masphé est une double appellation d’une même localité, comme Bethléhem-Éphrata : l’identité de signification des noms et de la situation géographique paraissent les motifs sur lesquels se fonde cette opinion. Un grand nombre tiennent en outre, pour une seule et même localité Ramoth-Masphé et Ramoth de Galaad, à cause de l’identité de site des villes de Masphée et de Galaad. Voir t. iii, col. 4547 et t. iv, col. 833 et 849. La plupart des partisans de cette opinion identifient Ramoth-Masphé de Galaad avec la ville actuelle i’es-Salt. Cf. Gesenius, Thésaurus, p, 1179 ; F. de Saulcy, Dictionnaire topographique abrégé de la Terre Sainte, Paris, 1877, p. 222 et 256 ; R. von Riess, Biblische Géographie, 1872, p. 64, 79. — Le rabbin Schwarz admet l’identité de Ramoth et de Masphé, avec l’identification précédente ; mais il distingue Ramoth-Masphé de Ramoth de Galaad qu’il place au Qala’at er-Rabad près d’Adjloun, au nord du Jaboc. Tebuoth ha-Arez, édit. Luncz, 1900, p. 269-270 ; cf. p. 95, 272. — D’autres au contraire préfèrent chercher cette dernière au sud du Jaboc et Ramoth-Masphé au nord de cette rivière. Cf. Buhl, Géographie des alten Palàstina, 1896, p, 261.-262.

2°. Le plus grand nombre des commentateurs, avec la Septante, la Vulgate et la plupart des versions, tiennent pour distinctes, Ramoth et Masphé. D’entre ceuxci, les uns, se fondant sur la vocalisation des Massorètes, sur l’interprétation des Septante et d’autres versions, considèrent ici Masphé comme un simple complément distinctif de Ramoth. Pour d’autres, si les Septante peuvent attester la distinction entre Ramoth et Masphé, leur traduction, en donnant cette signification au nom en question, n’est plus qu’une interprétation. Il n’y avait dans le cas présent aucune raison de distinguer Ramoth déjà suffisamment déterminée par le contexte ; c’est d’ailleurs toujours par l’apposition du nom de Galaad que les auteurs sacrés l’ont distinguée quand il a été nécessaire. Par conséquent, d’après ces commentateurs, il n’y a aucune relation entre Ramoth et Masphé, et celle-ci est citée comme ville frontière de Gad, de la même manière que Ramoth et Bétonim. — Parmi ces interprètes il en est pour qui cette Ramoth est elle-même distincte de Ramoth en Galaad. Une raison, pour un certain nombre de ceux-ci, c’est la nécessité de chercher Ramoth nommée avec Masphé non loin de celle-ci, laquelle, d’après l’Écriture, se trouvait au nord du Jaboc, tandis que Ramoth de Galaad, d’après YOnomasticon, était au sud de cette rivière. la principale raison pour tous ceux qui soutiennent la distinction entre Ramoth-Masphé et Ramoth en Galaad, c’est la différence de ces appellations et celle de la vocalisation de l’une et de l’autre, la première étant Rânxat et l’autre Râmôt. Cl. R. Conder suppose que Reimûn, à cinq kilomètres au sud-ouest de Sûf, qui est pour lui Masphé, pourrait être Ramoth de Galaad et propose Rémthé, situé à trente-cinq kilomètres au nord-est du même, pour Ramoth-Masphé.’Heth andMoab, Londres, J885, p. 178-182. Cf. Armstrong, Names and Places in the Old Testament, Londres, 1887, p. 143. Plus généralement on place Ramoth de Galaad au sud de la Zerqa, l’ancien Jaboc, au Sait à Djilad ou ailleurs, et l’on cherche Ramoth-Masphé dans quelque localité au nord du Jaboc, plus ou moins voisine du lieu choisi pour Maspha. Voir Buhl, loc. cit.

3° Cependant, parmi les interprètes qui voient dans Ramoth et Masphé deux localités complètement distinctes, plusieurs se refusent à reconnaître deux Ramoth dans la Transjordane. Les indications de Y Onomastican, sur ce point, sont trop contradictoires, trop obscures,

trop contestables, suivant eux, pour qu’on puisse en tenir compte. Même en supposant qu’il faille lire Ramoth de Masphé, les deux vocables ne prouvent pas plus deux villes différentes que ne le feraient, par exemple, les deux noms de Bethléhèm-Éphrata et Bethléhem de Juda, auxquels on pourrait joindre encore Bethléhem de, ou près de Jérusalem : une même ville peut être déterminée de manières diverses. La vocalisation différente peut être le fait des copistes. Les Massorètes d’ailleurs ont souvent ponctué différemment le nom de la même ville ; ainsi Ramoth d’Issachar est aussi vocalisée Remet et Yarmût, et les Septante et le traducteur de la Vulgate le prononcent encore tout autrement. Il n’y a donc pas de raison solide pour soutenir la distinctton ; il y en a pour l’unité. S’il y eut dans la Transjordane ou en Galaad deux Ramoth.que l’on eût pu confondre, ce n’élait pas en apposant à l’une le nom de Galaad qu’on pouvait les caractériser : il n’y en a donc qu’une seule que l’on distingue d’avec les Ramoth de la Cisjordane. Les indications topographiques données pour Ramoth de Galaad sont les mêmes d’ailleurs que celles indiquées pour Ramoth nommée avec Masphé. Voir Ra MOTH-GiLAAD. L. KeIDET.

    1. RAMOTH-NÉGÉB##

RAMOTH-NÉGÉB (hébreu : Ràmôt-Négéb ; Septante : Tau.à v<Stou’; Alexandrinus : ’Pa^àâ ; Vulgate : Ramoth ad meridiem, « Ramoth du midi » ), localité située dans la région la plus méridionale du pays d’Israël, où David envoya de Sicéleg une part du butin fait sur les Amalécites. C’est sans doute la même localité appelée dans Josué, xix, 8, Ramaf-Négéb. Voir Baalàth Béer Ramath, t. i, col. 1324.

RAMSÈS II, roi d’Egypte ; (fig. 219 ; voir aussi t. i, fig. 436, col. 1427 ; t. ii, fig. 535, col. 1617). Le pharaon,

219. — Ramsès IT. Granit noir. Musée de Turin.

à la cour duquel fut élevé Moïse, Exod., ir, 10, est un Ramsès. Il donne son nom à une ville que les Hébreux bâtissent au prix des plus dures corvées. Exod., 1, 11. Cette ville fut lepoint de départ de l’Exode. Exod., xii, 37 ; Num., xxxiii, 3, 5. Le texte des Septante la mentionne dans Judith, i, 9. À son tour cette ville donne son nom à la région qui en dépend, Gen., xlvii, 11 ; à moins que cette région ne tire directement son

appellation de celui qui la colonisa avec prédilection et en fit une terre administrée. Ce Ramsès est vraisemblablement Ramsès II, celui dont les cartouches s'étalent à peu près sur toutes les ruines de l’Egypte, de la seconde cataracte aux bouches du Nil :

Ramessu ou Ramsès Meri-Amon ou Mïamon, ouser maat rà sotep en rà « Rà l’a enfanté, l’aimé d’Amon, riche de la vérité de Râ, l'élu de Rà. » De la première partie de son prénom, Ouser maat rà, les Grecs firent Osymandias. Autour d’un des surnoms de sa jeunesse, Sesturî ou Sessuri, l’imagination populaire et surtout la littérature grecque groupèrent plus tard les éléments dont se compose le roman ou la (reste de Sésostris. Cf. Maspero, La geste de SésostHs, dans le Journal des savants, 1901, p. 593-609, 665-683. Nous ne prendrons de sa vie, telle qu’elle ressort des monuments, que les faits pouvant éclairer nos conclusions.

I. Ses guerres. — D’après une chronologie approximative et reçue d’un grand nombre, mais contestable, voir Chronologie, t. ii, col. 721, Ramsès II régna de 1292 à 1225 avant J.-C. Dans une stèle d’Abjdos, Ramsès IV de la XXe dynastie se souhaite à lui-même les soixante-sept années de Ramsès II. Mariette, Abydos, t. ii, 1880, pi. 34-25, lig. 23-24. Et dans ces soixante-sept années n’entrent pas les années de co-régence avec son père Seti I er. Si, en effet, dans la Grande Inscription d' Abydos, Mariette, loe. cit., t. i, 1870, pi. 1, lig. 47-48, Ramsès II nous dit lui-même qu’il était encore « un enfant dans les bras de son père » lorsque celui-ci s'écria : « Qu’il reçoive la couronne royale pour que, moi vivant avec lui, je le voie dans sa splendeur ; » si, d’autre part, danslaStèfe de Kouban, Prisse d’Avenues, Monuments égyptiens, pi. xxi, lig. 16-17 ; cf. Chabas, Les Inscriptions des mines d’or, 1862, p. 24-25, il se vante d’avoir occupé une situation officielle et commandé les armées dès l'âge de dix ans ; toutefois il ne date que de l’an 1 les faits qui suivirent immédiatement la mort de Séli I er. Grande inscription d' Abydos, lig. 22, 26, 72. Cf. Maspero, La grande inscription d' Abydos et la jeunesse de Sésostris, 1869, p. 14, 17, 48. Resté seul maître du trône, , il se trouvait à la tête d’une Egypte tranquille au sud et au nord. Son pouvoir s’exerçait en Asie sur la péninsule sinaïtique, les oasis ^du désert d’Arabie, la côte phénicienne proprement dite, la Palestine, et son influence se faisait plus ou moins sentir jusqu’aux sources du Litany et de l’Oronte. Traité des Héthéens avec Ramsès II, dans Brugsch, Recueil de monuments, t. i, 1862, pi. xxviii, lig. 5-7, où il est fait allusion à un traité ancien et qu’on ne fait que renouveler. Cf. Maspero, Histoire ancienne des peuples de l’Orient classique, t. ii, 1897, p. 372, 403. On est loin toutefois de l'époque où Thothmès III érigeait ses stèles au bord de l’Euphrate. Mariette, Karnak ; 1875, pi. xiii, lig. 17-18 ; E. dé Rougé, Notice de quelques fragments de l’inscription de Karnak, 1860, p. 17-18, 24-26. Et les Khétas, les Héthéens de la Bible, restent à craindre. Constitués en une puissante confédération, répandus de la Commagène à l’Oronte, tenant les villes de Carchamis sur l’Euphrate, de Kadesch sur le haut Oronte, de Khaloupou (Alep) et Hamath, ils avancent sans cesse dans la Cœlésyrie et intriguent contre les possessions égyptiennes. Aussi dès l’an IV Ramsès II pousse une pointe jusqu’au nord de Beyrouth, à l’embouchure du Nahr el-Kelb, le Lycus des anciens. Il y grave sur les rochers ses stèles triomphales. Lepsius, Denkmâler, t. iii, pi. 197 a-c La stèle 6 porte clairement la date de l’an IV. Breasted, Ancient Records of Egypt, t. iii, 1906, p. 125. Mais le prince des Héthéens, Moutalou, veut l’arrêter. J. de Rougé, Poème de Pentaour, lig. 1-3, dans Revue égyptolo gique, t. iii, p. 149 ; Breasted, loc. cit., p. 136. Une bataille décisive a lieu en l’an V sous les murs de Kadesch. Séparé du gros de son armée et surpris par les Héthéens, Ramsès II court un moment les plus grands dangers, mais grâce à sa valeur personnelle il tient tête à l’ennemi et, ses légions survenant, le jette dans l’Oronte. Voir Cédés 2, t. ii, fig. 114, col. 367. Cf. Maspero, loc. cit., p. 395-398 ; Breasted, loc. cit., p. 135-142. Le bulletin officiel de la bataille et les tableaux de ses phases diverses, au Ramesseum, premier et second pylône, à Louxor, à Ibsamboul, souvent reproduits, l’ont été de nouveau par Breasted, The baille of Kadesh, Chicago, 1903. Cf. Ancient records of Egypt, loc. cit., p. 142-157. De ce choc les deux partis restent épuisés et il s’ensuit une trêve tacite, laissant les choses au même point qu’avant la guerre. Peu après, et sans doute à l’instigation des Héthéens, la Palestine est en pleine révolte. Ramsès assiège et prend Ascalon. Voir Ascaxon, t. i, fig. 286, col. 1061. Cf. Champollion, Notices descriptives, t. ii, p. 195 ; Lepsius, Denkmâler, iii, pi. 145 c. En l’an VI11, il enlève Dapour près du Thabor et vingttrois autres villes de la Galilée. Lepsius, Denkmâler, t. iii, pi. 156 ; Mariette, Voyage dans la Haute-Egypte, 1893, t. ii, pi. 59 et p, 221. Cf. W. M. Mùller, Asien und Europa nach altâgyptischen Denkmâlern, 1893, p. 220-222 ; Maspero, loc. cit., p. 400, n. 1. C’est peutêtre à cette occasion qu’il rétablit l’influence égyptienne au delà du Jourdain, dans le Hauran, influence attestée par un monument connu sous le nom de Pierre de Job. Cette œuvre d’un représentant du pharaon se trouve au village moderne de Sahadîéh, à l’est du lac de Génésareth. Schumacher, Der Hiobstein, Sachrat Eijub, im Hauran, dans Zeitschrift des Deutschen PalâstinaVereins, t. XIV, 1891, p. 142 ; Erman, Der Hiobstein, ib., t. XV, 1892, p. 210-211. La guerre reprit ensuite de plus belle contre les Héthéens. Il y eut là, semble-t-il, cinq années de lutte. Tounip, aux environs d’Alep, est prise, Fragment du Ramesseum, dans Champollion, Notices descriptives, t. i, p. 888, la Mésopotamie envahie avec toute le vallée de l’Oronte, et Babylone, Assur et Cypre envoient des présents au pharaon. Mariette, Karnak, pi, 38 ; Abydos, t. II. pi. 2 et p. 13. Cf. Breasted, Ancient records of Egypt, t. iii, p. 161-162. Sur ces entrefaites, Khétasar avait succédé à son frère Moutalou. De part et d’autre le besoin de la paix se faisait sentir, et peut-être l’Hëthéen éprouvait-il la nécessité de recueillir ses forces contre l’Assyrien menaçant. En l’an XXI, son envoyé apporta au pharaon, dans la ville de Ramessès, écrit sur une tablette d’argent, un traité d’alliance offensive et défensive. Les choses en Asie étaient remises au point où les avait trouvées Ramsès II à son avènement : l’Egypte gardait la possession tranquille de la Palestine et de la Pérée transjordanienne, delà Phénicieméridionale, Tyr et Sidon jusqu’au Nahr el-Kelb, d’où une ligne allant couper la « Cœlésyrie en diagonale, du nord-ouest au sud-ouest, jusqu'à la pointe de l’Hermon, » Maspero, loc. cit., t. ii, p. 278, marquait probablement la frontière entre les alliés. Voir Maspero, loc. cit., p. 401-404 ; W. M. Mûller, Der Bùndnissvertrag Ramsès Il und des Chetiterkônigs, 1902 ; Breasted, loc. cit., p. 163-174. Les quarante-six dernières années de Ramsès II se passèrent dans une-çaîx profonde.

II. Ses constructions et ses travaiix"d’utilité publique. — La guerre asiatique, loin d’interrompre les grandes coustructions, leur fournit des milliers de bras dans la personne des captifs. Ramsès II avait poursuivi l’achèvement des travaux commencés par son père à Karnak, à Qournah et dans Abydos en s’y réservant une place considérable ; partout ses propres monuments sortaient de terre ; il les multiplia encore pendant la paix, s’appropriant dans une large mesure colosses, obélisques, tout ce qui dans l'œuvre de ses prédécesseurs était à sa convenance. Les temples an

ciens eux-mêmes servirent de carrière à ses ouvriers. Cf. entre airtres, Quibell, The Ramesseum, 1896, pi. xi et p. 15 ; pi. xin et p. 16. Voir dans Maspero, loc. cit., p. 408-423, le tableau de ses principales entreprises d’Ibsamboul à Memphis, en passant par Derr, Ès-Seboua, Kouban, Gerf-Hosséin, Bélt-Oually en Nubie ; par les deux rives de Thèbes, par Aoydos et Heracléopolis. Jamais la lièvre des constructions colossales ne fut si intense, jamais si nombreux les bras réduits à la corvée par « le roi maçon par excellence. » Le Delta oriental surtout attira son attention et toutes les cités qui en faisaient partie, « Héliopolis, Bubaste, Athribis, Patoumou, Mendès, Tell-Mokhdam… forment comme un musée dont chaque pièce rappelle son activité. .. Il fit de Tanis une troisième capitale, comparable à Memphis et à Thèbes… Il releva le temple et y ajouta des ailes qui en triplèrent l’étendue… son nom y encombre les murailles, les stèles renversées, les obélisques couchés dans la poussière, les images de ses prédécesseurs qu’il usurpa. Un géant de grès statuaire, assis comme celui du Ramesseum, s’échappait de la cour maîtresse et semblait planer haut par dessus le tumulte ; des [constructions. » Maspero, loc. cit., p. 423-424 et notes. C’est là que se trouvait la fameuse Stèle de l’an 400 découverte par Mariette et publiée par lui dans la Revue archéologique, nouvelle série, t. xi, 1865, pi. IV et p. 169-190. Ramsès II colonisa spécialement l’ouadi Tôumilat. Outre Pitum, voir Phithûm, col. 323-324, tous les tells environnants, Sopt, Rotab, Iiantir, Khataanéh, Fakous et Horbéit rendent ses statues et ses cartouches. Naville, The shrine of Saft el-Henneh and the Land of Goshen, 1887, p. 18 (mémoire V de YEgypt Exploration Fund). On les a retrouvés encore sur le bord du lac Timsah, au pied du Djebel Maryam, là où Naville, The Store city of Pithom, 4e édit., 1903, p. 25, n’avait vu qu’un emplacement romain. Au préalable, Ramsès avait canalisé l’ouadi. C’est sur ce fait que s’appuyèrent les auteurs classiques, ’Aristote, Meteorol., i, 14, Strabon, i, 1, 31, Pline, H. N., vi, 29, 165, pour lui prêter l’intention d’avoir voulu établir la communication entre le Nil et la mer Rouge, intention, disent-ils, qu’il ne put réaliser, comme le fit plus tard Néchao. Hérodote, ii, 158. Il releva ou agrandit les postes fortifiés qui commandaient à l’est du Nil les débouchés par où les nomades menaçaient les plaines du Delta oriental. Il en construisit de nouveaux. Et c’est encore ce qui lui valut la réputation d’avoir établi cette ligne de défense, Diodore, I, 57, ligne qui datait de l’Ancien Empire. Cf. Maspero, loc. cit., t. i, p. 351-352, 469 ; t. ii, p. 122, 409.

III. Ramsès et les Hébreux. — Si le chiffre de 430 ans de l’hébreu et de la Vulgate, Exod., i, 11, doit être accepté pour le séjour des Hébreux en Egypte ; si leur arrivée est à placer sous les Hyksos égyptianisés ; si l’Exode s’est accompli sous Ménéphtah, ou même un peu après lui, comme le veut Maspero, loc. cit., t. ii, p. 444, évidemment Ramsès II est à tout le moins le principal oppresseur des Hébreux. Or, le -, chiure de 430 ans nous semble le plus naturel si nous songeons que, « après la mort de Joseph et celle de tous ses frères, et de toute cette génération, les enfants d’Israël s’accrurent et se multiplièrent extraordinairement ; et étantdevenus extrêmement forts, ils remplirent toute la contrée. » Exod., i, 6-7. Et c’est au moment de cette multiplication accomplie que « s’éleva en Egypte un nouveau roi qui ne connaissait pas Joseph, » y. 8. Tout cela joint au temps de la persécution suppose un laps de temps considérable et l’on peut difficilement réduire à 250 ans le séjour enEgypte. "Voir Chronologie biblique, t. [il, col., 737. Cf. Lesêtre, Les Hébreux en Egypte, dans la Revue pratique d’apologétique, t. iii, 1906-1907, p, 225-228, qui est pour la réduction. Ajoutons que la persécution a dû commencer sousSéti I er

et que c’est lui peut-être le <t roi nouveau qui ne connaissait pas Joseph, » puisque c’est sous lui, Ramsès II étant déjà son associé au trône, que recommencent en Egypte les grands travaux, et que dès lors la corvée devient rigoureuse. En second lieu, l’arrivée de Jacob en Egypte à la dernière période des Hyksos nous est attestée par une tradition constante, voir Joseph, t. iii, col. 1657, Pharaon 3, col. 196-197, et l’avis des égyptologues, quel que soit leur sentiment sur l’oppresseur et sur l’Exode, est unanime sur ce point. Maspero, loc. cit., t. ii, p. 71 et n. 2 ; Erman, Zur Chronologie der Hyksos, dans Zeitschrift fur âgyptische Sprache, t. xviii, 1880, p. 125-127 ; Lieblein, The Exodus of the Hebrews, loc. cit., p. 217 ; Spiegelberg, Der Aufenthalt Jsræls invegypten, Strasbourg, 1904, p. 13, etc. En troisième lieu, l’Exode dans les premières années de Ménéphtah fut d’abord admise à peu près généralement par les premiers égyptologues. E. de Rougé, Examen critique de l’ouvrage de M. le chevalier de Runsen, 1846-1847, dans Œuvres diverses, t. i, 1907, p. 165 (Rîbliothèque égyptologique, t. xxi), et Moïse et les monuments égyptiens, dans Annales de la philosophie chrétienne, 6e série, t. i, p. 165-173 ; Chabas, Recherches pour servir à l’histoire de l’Egypte sous la XIXe dynastie et spécialement à celle du temps de l’Exode, 1873, p. 139 sq. ; Brugsch, Geschichte Aegyptens, 1877, p. 581584 ; Ebers, Durch Gosen zurn Sinai, 1872, p. 139, etc. Mais si aujourd’hui beaucoup retiennent cette opinion, Pétrie, Egypt and Israël, dans Contemporary Review, mai 1896, p. 617-627 ; Spiegelberg, (oc. cit. ; Sayce, The Egypt of the Hebrews, 3e édit., 1902, p. 91-100, etc., un certain nombre d’autres la rejettent à la suite de Lieblein. Nous y reviendrons. Pour le moment, et quoi qu’il en soit, il est à remarquer que les 430 ans du Séjour des Hébreux en Egypte confirment l’opinion traditionnelle. Cette durée remplit en effet tout l’espace compris entre Ménéphtah et les derniers Hyksos, 1225-1655. Et ceci nous ramène pour l’oppression au prédécesseur de Ménéphtah, à Ramsès IL La Stèle de l’an 400 nous y ramène également. Elle nous apprend que Ramsès II dépêcha son vizir Seti à Tanis avec l’ordre d’y ériger une stèle en l’honneur de Séti I er. Le vizir en prit occasioade faire sienne la stèle, y gravant ses prières au-dessous du protocole de son maître et la datant de la 400° année d’un roi Hyksos, Aâpehetiset-Noubti. Malheureusement l’année de Ramsès n’y figure pas et l’on ne peut que conjecturer d’après les 430 ans du séjour en Egypte, que l’érection de la stèle eut lieu vers l’an XL de ce pharaon. Eh tout cas, la période désignée par l’an 400 cadre avec nos autres données. Par l’un de ses extrêmes elle nous conduit aux Hyksos égyptianisés, car on ne peut supposer que Noubti servant de point de départ à une ère ne soit un de ceux-là ; par l’autre, elle nous fait tomber en pleine oppression des Hébreux, précédant l’Exode d’une trentaine d’années.

2° Le récit de l’Exode suppose un règne tranquille, un roi grand bâtisseur, pour qui les guerres à un moment donné ne fournissent plus de captifs, un roi inquiet du côté de l’est et d’un règne très long, un roi qui s’appelait Ramsès, qui colonisa et fortilia d’Ouadi-Toumilat. Or, sous Séti I er, sous Ramsès II surtout, la paix règne à l’intérieur de l’Egypte, le pouvoir est assez fort pour s’imposer brutalement et sans résistance. Cf. Lettre d’Ameneman, dans Papyrus Salliei- 1, pi. vi, lig. 2-8, et Papy>-us Anastasi V, pi. xv, lig. 8, xvii, lig. 2. À l’extérieur, si du vivant de Seti, puis durant les vingt-et-uneprernières années de Ramsès II, la guerre est menée presque sans répit, ce ne sont qu’excursions et rentrées triomphales dont le profit le plus net se chiflre par des milliers de captifs qui vont alimenter les chantiers. Cf. Hérodote, ii, 108 ; Diodore,

i, 56. Mais avec la fin’de la guerre finirent les razzias d’hommes et la lièvre croissante des travaux publics réclamait des bras. D’autre part, la forte cohésion de l’empire héthéen, ses intrigues toujours à craindre en Palestine, l’obligation de traiter avec lui sur le pied d’égalité avaient appris à Ramsès la nécessité de se tenir en garde contre la Syrie du Nord. En persécutant les Hébreux, par une politique à double fin, il suppléait donc au manque de bras pour ses entreprises, il leur enlevait la possibilité de trop se multiplier et d’aller renforcer ses ennemis en cas de conflit. « Et il dit à son peuple : Vous voyez que le peuple des enfants d’Israël est devenu très nombreux, et qu’il est plus fort que nous. Venez, opprimons-les avec sagesse, de peur qu’ils ne se multiplient encore davantage, et que si nous nous trouvons surpris de quelque guerre, ils ne se joignent à nos ennemis, et qu’après nous avoir vaincus, ils ne sortent d’Egypte. » Exod., i, 9-10. Et aussitôt les Hébreux sont accablés de corvées par les intendants des travaux et les chefs de brigade, sous l’insulte et le mépris des Égyptiens. On leur demande toutes sortes de travaux agricoles, du mortier, des briques, et ils bâtissent les villes fortifiées et contenant des magasins, Phithom et Ramsès. Exod., i, 11-14. Voir Briques, t.i, col., 1931-1934 ; Phithom, col. 323-324. Ces vexations exténuantes n’empêchant pas leur multiplication, les sages-femmes reçoivent l’ordre de tuer tous les mâles, puis il est enjoint à tout le peuple de les noyer dans le fleuve. Exod., i, 15-22. C’est au cours de cette violente persécution que Moïse sauvé des eaux quarante ans plus tôt, Act., vii, 23, et élevé à la cour, tua un égyptien qui frappait un hébreu et s’enfuit dans la terre de Madian, Exod., ii, 15, pour échapper à la vengeance royale. Quarante autres années s’étaient écoulées pour lui chez le prêtre de Madian, Exod., vu, 7, Act., vil, 30, quand il reçut de Dieu la mission de sauver le peuple d’Israël. Exod., iii, iv, 1-19. Il avait donc quatre-vingts ans. Cela nous fait sans aucun doute remonter à Séti I° r ; mais Ramsès II était son bras droit en qualité de corégent « dès le temps qu’il était dans l’œuf, » Grande Inscription d’Abydos, lig. 44. On peut donc en déduire, sans grand risque de se tromper, que Ramsès II vit éclore la persécution, que, sûrement, il en fut le principal, sinon l’unique agent, et qu’avec ses soixante-sept ans de règne personnel c’est lui que l’Écriture désigne par ces mots : « Après beaucoup de temps mourut le roi d’Egypte. » Exod., ii, 23. D’autant mieux que, Exod., i, 11, une des villes bâties par les Hébreux s’appelle Ramsès et ne peut tirer son nom que de son fondateur, tout comme Alexandrie d’Alexandre, Constantinople de Constantin, et tant d’autres. Et ce Ramsès ne peut être l’éphémère Ramsès I er, ni Ramsès III, d’une date tardive, 1198-1167. Reste donc Ramsès II que la Bible nomme indirectement en nommant une des villes qu’il fonda. Chabas, Mélanges égyptologiques, IIe série, 1864, p. 109 ; E. de Rougé, Moïse et les Hébreux d’après les monuments égyptiens, loc cit., p. 169. Nous savons par ailleurs que l’ouadi Toumilat, où s’élevèrent Phithom et Ramsès, ne fut colonisé qu’à partir de Seti I er. « Dans les plus anciennes listes de nomes, qui sont du temps de Seti I er, Dùmiçhen, Geographische lnschriften, t. i, 1865, pi. lxxxxii, le nome d’Arabie (Gessen) ne se rencontre pas [et à plus forte raison le nome héroopolite]. Nous avons seulement quinze nomes pour la BasseEgypte, au lieu de vingt-deux, comme sous les Ptolémées. La liste de Séti I er finit avec le nome d’Héliopolis, et ne mentionne ni le Bubasiite (Zagazig) ni l’Athribite (Benha), circonstance qui montre que cette partie du royaume n’était pas encore alors organisée en provinces régulièrement administrées, chaque nome ayant sa capitale et son gouvernement. Au lieu de nomes, nous ne trouvons que des noms de marécages ou de branches

du Nil. » Naville, Goshen and the skrine of Saft el-Henneh, 1885, p. 18 (Mémoire IV de VEgypt Exploration Fund). On peut en déduire que c’est Ramsès qui organisa la région où partout se rencontre son nom. De cette terre inculte, mais suffisamment arrosée pour produire de bons pâturages, de cette terre libre qu’on avait abandonnée aux en Tants de Jacob et à leurs troupeaux sans frustrer aucun Égyptien, il fit une terre cultivable, répartie entre des colons, gouvernée à l’instar des anciens nomes. « Une conjecture très ancienne, dit Maspero, loc. cit., t. ii, p. 462, n. 2, identifie avec Ramsès II le pharaon qui n’avait pas connu Joseph. Les fouilles récentes, en montrant que les grands travaux ne commencèrent à l’orient du Délia que sous ce prince, ou sous Séti I er au plus tôt, confirment l’exactitude de cette tradition d’une manière générale. » On doit même en déduire que les deux villes nommées sont bien son œuvre, puisque l’une d’elles, reconnue par Naville, voir Phithom, col. 321328, n’a livré, avec ses magasins ou greniers et son enceinte de briques, aucun nom de roi ni aucun monument antérieurs à Ramsès II. Par contre les cartouches de ce pharaon l’ont révélé comme le fondateur de Pitum-Phithom. Voir ce mot, col. 327-328 ; cf. Bœdeker (Steindorff), Egypte, édit. française, 1908, p. 174. Nous n’ignorons pas que d’après une autre hypothèse, qu’on base sur la chronologie, Lieblein, The exodus of the Hebrews, dans Proceedings of the Society.of the Biblical archœology, t. xxtx, 1907, p. 214-218 ; Lindl, Cyrus, 1903, p. 11, 40, etc., Thothmès III serait l’oppresseur et Aménophis II ou lit le pharaon de l’Exode. On invoque à l’appui quelques faits : Stèle de Menephtah, cf. Pharaon, col. 196-197 ; Manéthon, dans Josèphe, Contra Apionem, i, 26 ; cf. Chabas, Mélanges égyptologiques, l re série, 1862, p. 43-44 ; les prétendus Hébreux (Khabiri) des Lettres de Tell el-Amarna. H. Winckler, Die Thontafeln von Tell el-Amarna, n. 181, p. 303-313. Cf. Delattre, Les Pseudo-Hébreux dans les lettres de Tell el-Amarna, dans la Revue des questions historiques, t. xxxi, 1904, p. 353-382. Mais ces faits sont tous susceptibles de plusieurs explications et, par suite, de nulle valeur probante. Pour la chronologie, rien de plus sujet à caution. Cf. Lagrange, Le Livre des Juges, Introduction, p. xlii-xlih. Il reste donc préférable de s’en tenir à l’hypothèse traditionnelle plus conforme tout ensemble et au récit de la Bible et à ce que nous savons de l’histoire de l’Egypte.

C. Lagier.

    1. RAPHA##

RAPHA, nom, dans la Vulgale, de trois Israélites et d’un Géthéen. Dans le texte hébreu, cinq personnages portent le nom de Refâyâh, « celui que "ïâh guérit ». Notre version latine a transcrit sous la forme Rapha le nom de l’Ephraïmite, I Par., vii, 25, et celui du Benjamite, I Par., viii, 37. Le premier Rapha dont elle parle, I Par., vii, 25, s’appelle en hébreu Réfâh, le second, le troisième et le quatrième, I Par., viii, 2, 33, et xx, 7, Râfà’. Le Refâyâh hébreu de I Par., iii, 21, devient en latin Raphaïa, de même que celui de I Par., iv, 42 et ix, 43. Le cinquième Refâyâh de l’hébreu, II Esd., iii, 9, est aussi appelé Raphaïa dans notre version latine. Voir ces noms. — Le nom de Rapha se trouve peut-être aussi dans^Bethrapha, I Par., iv, 12. Voir Bethrapha, t. i, col. 1712. v

1. RAPHA (hébreu : Réfâh ; Septante : Tauçr, ), fils de Béria, de la tribu d’Éphraïm, un des ancêtres de Josué. I Par., va, 25.

2. RAPHA (hébreu : Râfâ’; Septante : 'Paq>â) ; le cinquième fils de Benjamin. I Par., viii, 2.

3. RAPHA (hébreu : Râfâ’; Septante : ’Parafa), fils de Baana, et père d’Élasa de la tribu de Benjamin.

I Par., viii, 37. La Vulgate l’appelle Raphaïa. I Par., ix, 43. C’était un descendant de Saül et de Jonathas.

4. RAPHA (hébreu : hâ-Râfâ’; Septante : -’Pa<pi), chef d’une famille de Geth, qui fut remarquable par une taille gigantesque. I Par., xx, 6, 7 et aussi 4, dans le texte hébreu où la Vulgate a traduit par Raphaïm. Ce père de géants est aussi mentionné quatre fois dans le passage parallèle de II Sam. (Reg.), xxi, "16, 18, 20, 22, mais dans ce livre son nom est écrit Hd-Râfâh, et la Vulgate l’a rendu par Arapha. Voir Arapha, t. i, col. 878. Le texte hébreu fait toujours précéder le nom de Rapha de l’article hâ ; la Vulgate l’a supprimé dans les Paralipomènes et l’a conservé dans les Rois.

    1. RAPHAËL##

RAPHAËL, nom d’un lévite et de l’ange de Tobie.

1. RAPHAËL (hébreu : Refâ’êl, « [celui que] Dieu guérit » ; Septante : ’Paçs-rj).), lévite, fils de Séméias. Ce dernier était le fils aîné d’Obédédom. Raphaël fut un des portiers de la maison de Dieu. I Par., xxvi, 4, 6-7.

2, RAPHAËL, ange qui, sous une forme humaine et sous le nom d’Azarias, accompagna le jeune Tobie pendant son long voyage, comme guide et conseiller. D’après sa propre définition, Tob., XII, 15, il est « l’un des sept anges qui se tiennent debout devant le Seigneur, » cf. Apoc, viii, 2 ; il est aussi, selon Tob., iii, 25, et l’étymologie de son nom, l’ange qui guérit les maladies des hommes. Dans la littérature sacrée, il n’est fait mention de l’ange Raphaël qu’au livre de Tobie. Il y intervient d’une manière toute providentielle, cf. Tob., xii, 14, pour guérir Tobie l’ancien de sa cécité, et pour délivrer la jeune Sara du démon qui la tourmentait. Nous le voyons d’abord s’offrir au jeune Tobie, puis au père de celui-ci, pour accompagner le jeune homme, de Ninive à Rages, chez son parent Gabélus, afin de recouvrer une somme importante prêtée autrefois à ce dernier. Tob., v, 1-22. Ils partent, et, dès le premier jour, au bord du Tigre, l’ange délivre son compagnon d’un poisson énorme qui s’élançait sur lui ; il lui recommande d’en garder le cœur et le foie, comme des remèdes utiles, celui-là pour chasser les démons qui s’attaquent aux hommes, celui-ci pour rendre la vue aux aveugles. Tob., vi, 1-9. Lorsqu’ils arrivèrent à Ecbatane, Raphaël conseilla à Tobie de prendre l’hospitalité chez son cousin Raguël (voir Raguël 2, col. 933) et de lui demander la main de Sara, sa fille unique. Tob., vi, 10-14. Tobie ayant objecté que la jeune fille avait été déjà mariée sept fois, et que le démon avait aussitôt mis à mort ceux qui l’avaient épousée, l’ange lui indiqua le moyen de mettre en fuite l’esprit mauvais, vi, 14-22 ; de son Côté, Raphaël entraîna Asmodée dans le désert d’Egypte, où il le confina. Voir Asmodée, t. i, col. 1103-1104. Cf. Tob., viii, 3. Ensuite, sur la demande du jeune homme, le prétendu Azarias consentit à aller recouvrer sans lui l’argent prêté à Gabélus. Tob., IX, 1-12. Après les noces, lorsque le moment fut venu de repartir pour Ninive, il prit les devants avec son compagnon, et, dès leur arrivée, Tobie père recouvra miraculeusement la vue par l’emploi du remède indiqué. Tob., xi. 7-17. Lorsque les deux Tobie voulurent le récompenser généreusement de ses services, il leur lit connaître sa vraie nature, leur révéla les desseins mystérieux de la Providence dans les épreuves qu’ils avaient subies, les engagea à témoigner à Dieu, l’auteur véritable des bénédictions reçues, leur vive reconnaissance ; puis il disparut soudain. Tob., xii, 1-22.

— Pour les difficultés, qui se rattachent au rôle de l’ange Raphaël, voir Tobie (Livre de).

L. Filliox.

    1. RAPHAIA##

RAPHAIA (hébreu : Refàyâh), nom de cinq Israélites. Voir Rapha, col. 974.

1. RAPHAIA (Septante : ’Paçâ). ; À lexandrinus : ’Vot<paia), fils, d’après la Vulgate et les Septante, de Jéséias et père d’Aman, de la tribu de Juda ; il descendait de Zorobabel. I Par., iii, 21. Le texte hébreu est moins précis que les versions grecque et latine, et obscur.

2. RAPHAIA (hébreu : Refàyâh ; Septante : ’Paipata), un des chefs de la tribu de Siméon qui entreprit sous le règne d’Ézéchias, roi de Juda, à la tête de cinq cents hommes, une expédition contre les restes des Amalécites ; ils les exterminèrent dans les montagnes de Séir où ils s’établirent à leur place. I Par., iv, 42.

3. RAPHAIA (Septante : ’Poccpaîa), second fils de Thola, fils aîné d’Issaçhar, et l’un des chefs de famille de cette tribu. I Par., vii, 2.

4. RAPHAIA (Septante : ’Pi<poua), fils de Baana, delà tribu de Benjamin, I Par., ix, 43, le même que Rapha 3, col. 974.

5. RAPHAIA (Septante : ’Paçaia), fils d’Hur, qui du temps de Néhémie était placé à la tête d’un quartier de Jérusalem et travailla à la restauration des murs de la ville. II Esd. iii, 9.

    1. RAPHAIM##

RAPHAIM (hébreu : Refaim, employé toujours au pluriel), désigne 1° une race de géants ; 2° un ancêtre de Judith ; 3° une vallée des environs de Jérusalem. — En hébreu, les morts qui habitent le sche’ôl sont appelés refaim, mais la Vulgate n’a jamais conservé ce mot qu’elle traduit par gigantes. Voir Sche’ôl.

1. RAPHAIM, race de géants. Leur nom est précédé cinq fois de l’article dans le texte hébreu. Gen., xv, 20 ; Deut., iii, 11 ; Jos., xii, 4 ; xiii, 12 ; xviii, 15. Sur le nom hâ-Râfâ’, qui semble le nom propre d’un géant, II Sam., xxi, 22 ; I Par., xx, 8, voir Arapha, t. i, col. 878 ; Rapha 4, col. 975. Les anciens traducteurs de la Bible n’ont pas conservé le plus souvent le mot Refa’ïm, mais l’ont rendu par yfyavxeç, « géants », ce qu’ils ont fait non seulement quand ïlefa’im désigne véritablement des géants, mais aussi quand il désigne les morts qui sont dans le se’ôl. — 1° Les Raphaïm semblent avoir désigné proprement une race de Chananéens de haute stature et d’une force redoutable, qui habitaient à l’est du Jourdain à l’époque où les Hébreux ne s’étaient pas encore emparés de la Terre Promise. Gen., xiv, 5 ; xv, 20 ; Jos., xvii, 15 (Vulgate : Raphaïm). Quand les enfants d’Israël, sous la conduite de Moïse, arrivèrent dans le pays situé au delà du Jourdain, ils y rencontrèrent, comme leur ennemi le plus redoutable, Og, roi de Basan, « qui restait seul, dit le texte sacré, de la race des Refa’ïm » (Vulgate : de stirpe gigantum). Deut., iii, 11. Cf. Jos., xii, 4 ; xiii, 12 (Vulgate : Rapkaim). Voir Og, t. iv, col. 1759. Si les lils de Rapha mentionnés dans II Sam., xxi, 22 ; I Par., x, 8, sont de véritables Raphaïm, ils sont les derniers mentionnés dans les Écritures. — 2° Elles nous ont conservé le souvenir de deux autres races de géants, les Émim (voir t. ii, col. 1732) et lesÉnacites (voir t. ii, col. 1766) qui habitèrent les premiers à l’est, les seconds à l’ouest du Jourdain et à qui l’on donnait également par extension le nom de Raphaïm. Deut., ii, 11 (Vulgate : quasi gigantes). C’est des Énacites que la vallée de Raphaïm, au sud-ouest de Jérusalem, a sans doute tiré son nom. Voir Raphaïm 2.

2. RAPHAIM, fils d’Achitob et père de Gédéon, un des ancêtres de Judith, dans la Vulgate, viii, 2. Ces trois noms propres ne sont pas dans les Septante.

3. RAPHAIM (VALLÉE DES) (hébreu : 'êméq-Refd'îm ; Septante, Jos., xv, 8 : v5j 'Paça’i’v ; xviii, 16 : 'sijièx 'Paçatv (Aleœandrinus : 'Pa(pa£su) ; II Reg., v, 18, 22 : ïj xo'.Xà ; taSv Titôviov ; xxiii, 13 ; ï) xotXàç "Paçaiv (Alex. : 'Payass’v) ; I Par., xi, 15 ; xiv, 9 : ^ xosXa ; tûv riyctvTuv ; Is., xvii, 5 : (pâpay ? CTteped, « vallée fertile » ; Vulgate : vallis Raphaim, excepté III Reg., xxiii, 13, où elle traduit | : vallis gigantum), large vallée ou plaine au sud-ouest de Jérusalem, appelée aujourd’hui el-Béq’ah.

1° Nom. — Dans la langue biblique, le mot 'êméq désigne une vallée large et spacieuse. Gesenius, Thésaurus, p. 1045. Celle-ci a sans doute pris son nom de

ne peut être que l’ouâd' er-Rebdbt longeant le côté sud de Jérusalem, et la montagne en face, la masse montagneuse s'étendant à l’ouest de Jérusalem, entre cette ville et Liftâh, au nord de la Béq’ah. La partie la plus septentrionale de cette plaine arrive jusqu’au bord de Youâd' er-Rebâbi et son extrémité forme le col étroit qui relie le mont dit du Mauvais-Conseil et râs edDabbous avec le mont opposé, à l’occident, à Vouâder-Rebabi et à Jérusalem : il est impossible de ne pas reconnaître dans la Beq’ah, la vallée des Raphaïm indiquée, au sud de la montagne frontière. Voir Jérusalem, t. iii, flg. 235, col. 1321.

Le passage de II Reg., xxiii, 13-16, montrant les trois

220. — La Béqah ou vallée des Raphaïm. Partie de la plaine située au sud-ouest de Jérusalem, D’après une photographie de M. L. Heidet.

ses premiers propriétaires, établis sur les collines des alentours. Yoirj Raphaïm 1.

2° Identification. — La situation au sud de Jérusalem est incontestablement assignée à cette vallée, Jos., xv, 8 ; xviii, 16, où est placée la frontière des tribus de Juda et de Benjamin. Dans le tracé de la première, après avoir passé à la fontaine de Rogel a la limite monte [par] la vallée du fils d’Hinnom (Vulgate : Geennom), sur le côté Çél-kétéf) du Jébuséen, au midi, c’est-à-dire de Jérusalem, et la limite monte au sommet de la montagne qui est en face de la vallée du fils d’Hinnom, à l’occident, à l’extrémité (bi-qeséhj de la vallée des Raphaïm, au nord. » Dans le tracé de la seconde, après avoir passé à la fontaine de Nephtoa, « la limite descend à la partie de la montagne qui est en face de la vallée du fils d’Hinnom, laquelle est près de la vallée des Raphaïm (be J êméq-Refa’im), au nord, et elle descend la vallée du fils d’Hinnom sur le côté du Jébuséen, au midi, et se rend à la fontaine de Rogel. » — La vallée du fils d’Hinnom (voir Géennom, t. iii, col. 153)

braves de David, alors à Odollam, obligés, pour se rendre à la porte de Bethléhem, de traverser le camp des Philistins occupant la vallée des Raphaïm, indique par là celle-ci au’sud de Jérusalem. C’est aussi la situation que lui assigne l’historien Josèphe, Ant. jvd., VII, XII, 4. Parlant du même fait et de la même vallée : « Le camp des ennemis était établi, dit-il, dans la vallée qui s'étend jusqu'à Bethléhem distante de vingt stades de Jérusalem. » L’auteur a voulu dire, pensohs-nous : 1a vallée s'étend vers Bethléhem, sur une distance de vingt stades (3700 m.), ce qui est en effet l'étendue de la plaine de Béq’ah. — Nonobstant ces indications, Eusèbe et saint Jérômeplacent’Kniég Refa’im, qu’ils traduisent « la vallée des étrangers », « XXoyjXwv, dans la tribu des Benjamin et au nord de Jérusalem. Onomasticon, 1862, p. 186 et 187, 308 et 309. Ils se fondent sans doute sur II Reg., v, 25 (Septante), et I Par. xiv, 16, où, après le récit de l’invasion de la plaine des Raphaïm par les Philistins, on lit : « David fil ce que le Seigneur lui avait ordonné, et il battit les Philistins depuis Gabaon jusqu'à Gézer

(Gazer)’; » ils confondaient ainsi là plaine des Râphaïm avec la plaine prés de Gabaon danslsaïe, xxvw, 21. — S’l’on excepte Titus Tobler qui cherche, Wanderung, iii, p. 202, la vallée des Raphaïm dans Vouâdi courant sous Deir-Yasin, à l’ouest nord-ouest de Jérusalem, et un ou deux modernes croyant la trouver dans la vallée de Liflati, au nord de la précédente, l’universalité des commentateurs et des géographes s’accordent à la voir au sud à Jérusalem et dans là Béq’ah. La défaite des Philistins à Gabaon, non plus que la citation simultanée, par Isaïe, loc. cit., de la vallée de Gabaon et du mont des Pharasim ou Baalpharasin, n’impliquent pas, comme nous le verrons, la nécessité de chercher près de cette ville la plaine ofi ils posèrent leur camp. Gf. Reland, Palœslina, Utrecht, 1714. p. 355 ; Gesenius, Thésaurus, p. 1302 ; E. Robinson, Biblical researches in Palestine, Boston, 1841, t. i, p. 323-324 ; R. v. Riess, /J1611scveGfeo5frapftie, Fribourg-en-Brisgau, 1872, p.80 ; V. Guérin, Judée, 1. 1, p. 244-248 ; Armstrong, Wilson et Conder, Names and places in the Old Testament, Londres, 1887, p, 147, etc.

3° Description. — Du pied de la montagne à l’ouest de Jérusalem où commence au nord la Béq’ah jusqu’à la base des collines se prolongeant vers Betléhem où elle se termine au sud, son étendue est de quatre kilomètres ; sa largeur d’est à ouest, depuis la ligne de partage des eaux qui la sépare des ravins courant vers le Cédron jusqu’au pied de Qatamôn et au point où elle rejoint la « vallée des Roses », ouâd’él-Ouard, est de trois kilomètres. Elle incline d’est en ouest et appartient toute entière au versant méditerranéen. La terre qui recouvre le calcaire du fond, a de deux à trois mètres de profondeur. Elle était mêlée de nombreuses pierres de silex qui en partie ont été amoncelées, ou rangées en murs le long de ses chemins. Elle est brune et fertile (fig. 220) La culture du blé, froment, orge, doura, a dû toujours en être la principale. Le prophète Isaïe, xviii, 5, compare le peuple d’Israël en décadence au glaneur recueillant, après la moisson, les épis oubliés dans la plaine des Raphaïm.

Les lentilles, le kersenné, les fèves, les pois-chiches les haricots y prospèrent également. Les oliviers plantés sur ses confins y ont pris les plus belles proportions. Les nombreux pressoirs antiques et les restes de vieilles tours qui se voient sur les collines environnantes, montrent qu’autrefois comme aujourd’hui la "Béq’ah était entourée de vignobles. Plusieurs voies antiques, partant toutes de Jérusalem, la traversaient dans toute sa longueur. Deux d’entre elles se dirigeaient vers Bethléhem et Hébron.

4° Histoire. — La limite tracée par Josué laissait la plaine des Raphaïm à la tribu de Juda. Elle fut envahie par les Philistins, sous le règne du roi Saûl, tandis que celui-ci poursuivait David de refuge en refuge. Le futur roi d’Israël était en ce temps cache dans la grotte d’Odollam. Ayant manifesté le désir de boire de l’eau de la citerne qui était prés de la porte de Bethléhem, trois de ses compagnons ne craignirent pas de traverser le camp ennemi établi dans la plaine, pour aller chercher l’eau désirée. II Reg., xxiii, 13*17 ; I Par. xi, 15-19. Deux autres fois les adversaires du peuple de Dieu revinrent y dresser leurs tentes ; la première fois quand ils apprirent que tout Israël avait reconnu David pour son roi, que celui-ci s’était emparé de la forteresse de Sion et avait fait de Jérusalem sa capitale ; la seconde fois, quelque temps plus tard, dans le dessein sans doute de prendre leur revanche. La première fois David les battit à l’endroit qu’il appela Baal-Pharasim, situé sans doute sur les confins de la plaine, mais dont le nom n’a pas été retrouvé. Voir t. i, col. 1341. Les Philistins abandonnèrent là leurs idoles. Les Israélites les brûlèrent. II Reg., v, 17-21 ; I Par., xiv, 8-12. La seconde fois, le roi reçut de Dieu l’ordre

de ne pas attaquer l’ennemi’de front, mais de le surprendre par derrière. David contourna la plaine, dissimulé, selon toute probabilité, par la. colline de Qatamôn, pour tomber sur les Philistins du côté des Békâ’im. Voir Mûrier, t. iv, col. 1344.

Par ce mouvement, l’armée israélite coupait la retraite à l’ennemi. Mis en. déroute les Philistins durent s’enfuir par le côté oriental de la plaine pour gagner le Cédron et remonter au nord de Jérusalem, puisque nous les retrouvons près de Gabaon où David achève leur défaite en les poursuivant de là jusqu’à Gézer. II Reg., v, 22-25 ; I Par., xiv, 13-17. — La plaine des Raphaïm a vu passer les plus illustres personnages de la Bible : Ahraham se rendant à Hébron et revenant avec son fils Isaac pour le conduire à la montagne Moria ; Éliézer ramenant Rébecca ; Jacob fuyant son frère Ésaû et retournant de Mésopotamie avec ses épouses et ses fils ; la Vierge Marie et saint Joseph allant se faire inscrire à Bethléhem et apportant le Sauveur au Temple ; les Mages s’avançant pour aller adorer le Roi des Juifs ; le trésorier de la reine Candace lisant Isaïe sur son char, et que devait bientôt rejoindre le diacre Philippe ; puis toute la multitude des pèlerins montant du sud pour aller, en son Sanctuaire, adorer Jéhovah.

5° Etat actuel. — Depuis quelques années, l’ancienne plaine de Raphaïm a subi plusieurs modifications. Une route carrossable, construite en 1883, entre Jérusalem, Hébron et Bethléhem, voit rouler des voitures de forme européenne. Sur la voie ferrée de Jaffa à Jérusalem, ouverte en 1892, la locomotive entraîne, à travers la plaine, des wagons qui déposent les pèlerins à une gare bâtie vers l’extrémité septentrionale de la Béq’ah* Une colonie wurtembergeoise appartenant à une secte protestante millénariste, s’est établie, en 1871, dans le même quartier, donnant naissance à un faubourg formé d’une vingtaine d’habitations couvertes de toits à tuiles rouges, environnées de jardins, de caractère tout européen. De nombreuses autres constructions se sont élevées depuis jusque vers le milieu delà plaine, menaçant de l’envahir tout entière. L. Heidet.

    1. RAPHIDIM##

RAPHIDIM (hébreu : Refîdim ; Septante : ’Paçtêefv), une des stations des Hébreux à travers la presqu’île sinaïtique, entre le désert de Sin et le désert du Sinaî, Exod., xvii, 1 ; xix, 2 ; ou plus précisément entre Alus et le Sinaï. Num., xxxiii, 14, 15.

I. Identification. — De l’étymologie du mot « Raphidim » on ne peut pas tirer d’argument pour son identification. Assez probablement ce mot provient de la racine hébraïque râfad, « préparer le lieu du repos », d’où sa signification de « halte, lieu de repos ». Saint Jérôme, De situ et nominibus hebraicis, t. xxiii, col. 789, semble bien donner ses préférences à cette explication. Raphidim est spécialement « un lieu de repos », la station de Raphidim était située, entre Alus, dans le désert de Sin et le désert du Sinaï. Le désert de Sin est aujourd’hui assez généralement identifié avec la plaine d’el-Markha. Cf. Bartlett, From Egypt to Palestine, p. 213 ; Vigouroux, La Bible et les découvertes modernes, & édit., t. ii, p. 459-460 ; voir Désert, II, i, 3, t. ii, col. 1390. Voir Sin. Le Sinaï désigne dans l’Exode le noyau central du massif de montagnes granitiques dont le Djebel Mouça, ou mont de Moïse, forme aujourd’hui le point le plus célèbre. Cf. Vigouroux, La Bible, t. ii, p. 490-491 ; Désert, IL, i, 4, t. ii, col. 1391. Voir Sinaï. On peut aller par diverses routes principales, voir Alus, t. ij col. 424, du désert de Sin au Sinaï. Une d’elles, la route du nord, quitte assez vite la plaine d’el-Markha, et parcourant i’ouadi Bâbah, le Debbetvr-Ramléh, I’ouadi Kamilêh et I’ouadi esch-Scheikh, aboutit tout droit au Sinaï. Les partisans de cet itinéraire ont mis Raphidim un peu partout ; et quelques-uns d’entre eux signalent l’ouâdi

Erfayid, qui ne figure que dans la grande carte anglaise du Survey, une petite vallée qui débouche dans l’ouadi Emleisah situé à proximité du Djebel Mouça. Cf. Lagrange, L’itinéraire des Israélites, dans la Bévue biblique, 1900, p. 86. Cet itinéraire a le grand inconvénient d’aller contre toutes les données traditionnelles ; il est dépourvu de tout souvenir local, et pour ce qui regarde l’identification de Raphidim, elle n’a dans le mot Erfayid qu’un équivalent arabe à peine suffisant. Cette même route du nord, au lieu de pénétrer dans le Debbet er-Ramléh, peut replier au sud, s’élever jusqu’à la chaîne du Nagb-Buderah et le franchir, pour gagner les mines égyptiennes de l’ouadi Maghâra, et retomber ensuite dans l’ouadi Feiran, pour aboutir

plus facile, tandis que des détachements isolés, pour éviter un détour de dix-sept kilomètres de chemin, purent quitter assez vite la plaine d’el-Markha à onze kilomètres environ plus bas que Y Aïn-Dhafary, au sud ; remonter d’ouest en est l’ouadi Sidrêh ; là, tourner à droite pour aller rejoindre, du nord-ouest.au sud-est, par l’ouadi Mokatteb, l’ouadi Feiran, à vingt-sept kilomètres au-dessus de son embouchure, et ici, six kilomètres environ au-dessous d’' Hési-eUKhattaiin, attendre le gros du peuple qui venait par la route plus longue et plus facile. La seule objection que l’on puisse faire contre l’itinéraire de ces détachements d’Israël c’est la crainte que, en passant tout près des mines de Maghara, ils auraient pu trouver là des Égyptiens em 221. — Vue de l’oasis Feiran.

d’ici au Sinaï. Il s’agit cependant d’un passage difficile qui n’a été ouvert que dans les temps modernes, et qui par conséquent fort peu probablement peut avoir été tenté par les Israélites.

Une deuxième route descend de la plaine d’el-Markha au midi, pénètre dans le désert d’el-Qâah, et après l’avoir parcouru, remonte au Sinaï soit tout à fait au sud par l’ouadi Islih soit un peu plus au nord par l’ouadi Rebran ; ou bien, sans arriver jusqu’à l’ouadi Hebran, par l’ouadi Feiran à 46 kilomètres à’Aïn-Dhafary, la source d’eau douce qui devait alimenter les Hébreux dans le désert de Sin. En remontant à ce point l’ouadi Feiran jusqu’à Rêsi-el-Khattatin, et tournant ensuite au sud par le même ouadi, la route va aboutir au Sinaï. Aucune considération ne permet de prolonger au sud jusqu’à l’extrémité de la péninsule l’itinéraire des Israélites : nous écartons par conséquent, comme un prolongement inutile d’itinéraire, l’opinion qui les fait remonter au Sinaï soit par l’ouodi Islih, soit par l’ouadi Rebran ; mais nous trouvons très vraisemblable que le gros des Israélites, avec les troupeaux, soit remonté au Sinaï par l’ouadi Feiran, suivant un itinéraire

ployés aux travaux des mines et la garnison qui les surveillait ; mais l’exploitation des mines de Maghara paraît avoir cessé sous la XIIe dynastie, c’est-à-dire longtemps avant l’exode. Cf. Vigouroux, Mélanges bibliques, 2e édit., p. 265. D’après tout ce qui vient d’être dît, Raphidim doit être placé dans l’ouadi Feiran (fig. 221) : la tradition chrétienne, la topographie des lieux, les monuments archéologiques chrétiens de la tradition locale appuient cette identification.

La tradition chrétienne place Raphidim dans l’ouadi Feiran, avant l’oasis omonime. L&/Pe), egrinatio Sylviee (vers l’an 385), édit. Gamurrini, p>140, en est le premier écho. D’après ce document, les Hébreux y vinrent après avoir franchi l’ouadi Mokatteb ; et l’endroit de Raphidim y est précisé à el-Kessuéh, où des bosquets de palmiers ombragent quelques misérables huttes en pierre, disséminées autour d’une petite mosquée, elle-même construite avec les matériaux d’une église chrétienne, à un peu plus de deux kilomètres, avant d’arriver à l’oasis Feiran. Il semble bien que les chrétiens de la plus haute antiquité aient attaché le nom de Raphidim au hameau d’el-Kessuéh ; mais

d’après l’Exode, le pays de Raphidim, qui, comme nous avons vii, veut dire « halte ou lieu de repos », semble bien comprendre la région où le peuple d’Israël ne trouva point d’eau et celle où il campait après la défaite des Amalécites. Eusèbe et saint Jérôme, en effet, indiquent à Raphidim tant l’événement de l’eau miraculeuse que la défaite infligée par Josué à Amalec, et retendent jusqu’à Pharan, l’ancienne ville épiscopale de l’oasis Feiran. Onomasticon, t. xxiii, col. 916. Àntonin le Martyr, Itinerarium, 40, P. L., t. lxxii, col. 912, est du même, avis, quoique sa description soit un peu confuse dans les détails. Cosmas Indicopleuste, Topographia christiana, v, t. lxxxviii, col. 200, localise justement Raphidim à Pharan ; mais après avoir fait aller Moïse avec les anciens du peuple d’Israël jusqu’au mont Choreb, c’est-à-dire au Sinaï, qui selon lui est distant seulement de six milles de Pharan, pour y opérer le miracle des eaux au bénéfice d’Israël, il localise dans ce même endroit la défaite

222. — Le rocher de Hésl el-Khattatin.

d’Amalec et la visite de Jéthro. Un pareil manque de précision s’explique aisément dans la description de ce marchand devenu moine, qui n’avait pas assez bien saisi le sens de l’Exode, xvii, 6. Nous nous dispenserons de relater les témoignages d’autres pèlerins plus récents, parce qu’ils sont presque tous d’accord, même ceux qui transportent au mont Horeb le théâtre du prodige des eaux que fit jaillir Moïse.

Les témoignages des pèlerins et des écrivains qui placent Raphidim à Feiran sont appuyés par le témoignage des monuments archéologiques chrétiens. A l’époque de la Peregrinatio Sylvise le Djebel Tahounéh, qui se dresse à l’entrée de l’oasis de Feiran, était couronné d’une église pour perpétuer la mémoire de l’endroit où Moïse se tenait en prière pendant la fameuse bataille, Exod., xvir, 8, qui amena la défaite d’Amalec. Antonin le Martyr, loc. cit., parle d’une ville près de laquelle eut lieu la bataille, et où se trouvait un oratoire dont l’autel était bâti sur les pierres qui servirent d’appui à Moïse priant pendant le combat. Les premiers chrétiens rattachèrent donc à la ville épiscopale de Pharan, qui s’élevait à l’entrée occidentale de l’oasis, le souvenir des mémorables événements qui avaient eu lieu à Raphidim. On voit encore au jourd’hui à Pharan les ruines de nombreuses églises et chapelles, de monastères, de cellules et de tombeaux. Cf. S. Nil, Narratio M, t. LXXix, col. 620. La plupart des maisons bâties dans l’oasis avec les débris de bâtiments plus anciens semblent remonter au xii « siècle. Parmi les débris qui jonchent le sol, les explorateurs anglais ont trouvé un chapiteau de grès sur lequel on voit un homme vêtu d’une tunique et les bras levés dans l’attitude de la prière, c’est-à-dire tel que l’Exode, xvii, 11, nous représente Moïse pendant la bataille de Raphidim. Cf. E. H. Palmer, The désert of the Exodus, t. i, p. 168. Un bas-relief, placé au-dessus d’une porte et divisé en trois compartiments, représente aussi trois personnages dans une attitude semblable. On comprend sans peine que les habitants de Raphidim aient aimé à représenter par la sculpture la principale scène du grand acte auquel ces lieux étaient redevables de leur célébrité. De plus, la topographie des lieux concorde parfaitement avec le récit de l’Exode, comme on le verra plus loin.

II. Description. — L’ouadi Feiran est la vallée la plus longue et la plus importante de toute la péninsule. Elle reçoit le nom de Feiran au nord-est de la chaîne du Serbal ; mais de fait, elle n’est que le prolongement de l’ouadi Sclieikh qui prend naissance aa mont Sinaï, décrit une grande courbe au nord, traverse l’oasis de Feiran, et après avoir pris la direction du nord-ouest, elle se dirige vers le sud-ouest, et va aboutir dans la mer Rouge à travers la plaine d’ei-Qaah. La vallée est tantôt large comme le lit d’un grand fleuve, tantôt resserrée entre des rochers souvent perpendiculaires, formant d’étroits déniés, avec des tournants brusques et inattendus qui varient l’aspect du paysage à l’infini. Aux roches crayeuses succèdent des calcaires plus durs, puis le grès bigarré et le granit traversé du nord au sud de filons réguliers de porphyre rouge et de diorite noir. Le sol sablonneux n’est couvert que d’une maigre végétation. Les flancs de l’ouadi Feiran sont fréquemment entrecoupés par des vallées latérales. Un peu plus d’un kilomètre à partir d’une de ces vallées, l’ouadi Umm ïus, et après avoir rencontré à droite des inscriptions nabatéennes, le voyageur voit apparaître à gauche devant le Djebel Sulldh un énorme rocher de granit détaché de la montagne qui semble vouloir barrer le chemin. C’est le Hési el-Khattatin, le rocher traditionnel d’Horeb ou de Raphidim (fig.222). Les méandres de la gorge aride s’accentuent de plus en plus pendant la marche d’une heure jusqu’à l’oasis A’el-Kessuéh, le Raphidim de la Peregrinatio Sylvise, où le sol se couvre d’une belle végétation ; partout poussent de hautes herbes au milieu de bouquets de tamaris, de nebqs et de seyals ; et de multiples filets d’eau claire entretiennent une fraîcheur délicieuse. À une heure A’el-Késsuéh on arrive à la pittoresque vallée A’Aleyât, qui, encaissée dans des pics de granit, débouche à droite dans l’ouadi Feiran. C’est le lieu très probable de l’attaque d’Israël contre les Amalécites qui venaient lui barrer le passage dans l’oasis de Feiran. En effet, à ce point l’ouadi Feiran débouche, entre le Djebel Tahunéh à gauche et le petit Djebel Meharret à droite, dans l’oasis de Feiran, nommée à bon droit « la perle du Sinaï », parce que tout y est gai, riant, animé ; c’est vraiment « le paradis terrestre des Bédouins ». À l’entrée occidentale de l’oasis s’élevait jadis la ville épiscopale de Pharan dont le nom rappelle le vaste désert qui s’étend au nord de la presqu’île sinaïtique, appelé aujourd’hui et-Tih, Voir Pharan, col. 187. Puisque le nom de Pharan ou Paran, Ebers, Durch Gosen zum Sinai, 2e édit., p. 414, signifie « un pays montagneux sillonné et déchiqueté par des ravins », il convenait aussi bien à cette localité qu’au désert A’et-Tîh. Les Arabes pourtant ont transformé le mot Pharan en celui de Feiran

qui veut dire « fertile ». Diodore de Sicile, iii, 42, semble déjà mentionner la palmeraie de l’oasis 60 ans avant J.-C ; et des auteurs du n= siècle parlent du « bourg de Pharan ». Mais, seulement plus tard, la localité, devenue chrétienne, prit de l’importance. Elle fut habitée par un grand nombre de moines et d’anachorètes, et devint le siège d’un évêché, vers l’an 400. Ce siège était vacant à l’époque ou les musulmans, après la conquête de l’Egypte et de la Syrie par Omar, s’établirent en grand nombre dans la fertile oasis, en usurpèrent les propriétés et chassèrent les moines et Ja plupart des chrétiens. La ville, ainsi abandonnée, tomba bientôt en ruinés ; au xip siècle, sous la domination des rois latins, elle se releva un peu ; mais après leur départ déchut rapidement jusqu’à l’état de complète ruine où elle se trouve à présent.

III. Histoire. — Raphidim est resté célèbre à cause de l’eau que Moïse y fit jaillir, de la victoire sur Amalec, et, d’après quelques interprètes, de la visite de Jéthro à Moïse. — Les Israélites vinrent à Raphidim par l’itinéraire dont nous avons parlé. L’eau manque aujourd’hui complètement le long de ces routes. S’il en était de même au temps de l’exode, la marche dut être précipitée ; cependant nous ne savons pas combien de temps elle dura, parce qu’Alus, la dernière station que les Hébreux quittèrent pour venir à Raphidim est inconnue. Cf. Alds, t. i, col. 434. Ils eurent à emporter dans des outres une provision d’eau pour le trajet ; mais il semble que le peuple s’attendait à trouver des sources à Raphidim. Quand on y fut arrivé, l’eau sur laquelle on avait compté manqua. Les Israélites, qui, depuis Elim ou au moins depuis la station dans le désert de Sin, prés des sources de VAïn-Dhafary et de VAïn-Markha, n’avaient eu que la quantité indispensable pour étancher leur soif, éclatèrent en murmures contre Moïse : Exod., xvii, 2-4. Dieu alors ordonna à Moïse de frapper le rocher d’Horeb, et il en jaillit de l’eau en abondance. Moïse donna à ce lieu le nom de Massah et Méribah, que la Yulgate, Exod, , xvii, 7, traduit « Tentation », parce que les enfants d’Israël avaient contesté et tenté le Seigneur. Cf. Num., xx, 2, 13. Voir Massah, t. iv, col. 853.

Très probablement les Israélites, après la halte de Raphidim, lorsqu’ils se remettaient en route pour le Sinaï, rencontrèrent les Amalécites, qui venaient leur barrer le passage à travers l’pasis Feiran, au point où cet ouadi reçoit l’ouadi Aleyât et est dominé par le Djebel el-Tahunéh. Les Amalécites, tribu belliqueuse du désert, capable de lutter contre des forces considérables, se partageaient la péninsule sinaïtique avec les Madianites amis de Moïse, qui était, gendre de l’un d’entre eux, c’est-à-dire de Jéthro. Ils descendaient d’Abraham par un de ses arrière-petits-fils, Àmalec, qui leur avait donné son nom, Gen., xxxvi, 12, 16, et occupaient le déserl de Pharan, c’est-à-dire une partie du désert ûeliVi. Voir X » kLÉcsTï.s, t. i, col. 428-430 ; Pharan, t. v, col. 187-189. Ils avaient entendu parler de l’approche de la nombreuse armée des Israélites, et ils crurent sans doute qu’elle avait des projets de conquête ; ils s’assemblèrent donc au premier endroit qui leur parut propice pour arrêter l’ennemi dans sa marche et l’empêcher de s’établir solidement dans la péninsule. L’endroit comme désigné à l’avance c’était le défilé étroit, sinueux de Feiran, bien approvisionné d’eau de leur côté, sans eau du côté d’Israël, entouré de rochers escarpés, couvert de végétation, à l’abri d’une attaque de flanc, offrant tous les avantages désirables pour battre en retraite, dans le cas d’une défaite. D’autres raisons sans doute déterminèrent les Amalécites dans leur choix. Cette belle oasis, avec ses bosquets fertiles et ses eaux courantes devait être leur possession la plus chère de la péninsule. Probablement aussi on n’oublia pas que les Israélites, après un voyage telle ment long par une route sans eau, devaient être affaiblis, fatigués et mourant de soif, Deut., xxv, 18 ; on avait donc lieu de penser qu’une attaque contre eux. avant qu’ils pussent atteindre les eaux de Feiran serait couronnée de succès. Enfin, la configuration des vallées latérales qui entouraient la position occupée par les Israélites favorisait ce genre de guerre, qui consistait à harceler l’ennemi par le flanc et par derrière, et auquel fait allusion le Deutéronome, xxv, 17-18. H. S. Palmer, Sinaï, p. 199-200. Josué, à la tête des Hébreux, soutint l’assaut des Amalécites. Dieu donna la victoire à son peuple, grâce aux prières de son serviteur Moïse, qui pendant la bataille se tint, les mains levées et soutenu par Aaron et Hur, sur le sommet du Djebel el-Tahunéh, le gibe’âh de l’Exode, xvii, 9. Ici, à l’abri des traits et des flèches de l’ennemi, il pouvait aisément suivre toutes les péripéties du combat et intercéder pour les siens. Quand la défaite d’Amalec fut complète, Moïse éleva, en actions de grâces, un autel auquel il donna le nom de Jéhovah-Nessi, « le Seigneur est ma bannière », peut-être sur la colline voisine, appelée’aujourd’hui Djebel Meharret. Cf. Yigouroux, La Bible et les découvertes, t. ii, p. 489.

D’après divers commentateurs, la visite de Jéthro à Moïse, après la défaite des Amalécites, voir Jéthro, t. iii, col. 1322, eut lieu à Raphidim. Fillion, La Sainte Bible commentée, Paris, 1899, t. i, p. 245 ; Crelier, Comment, de l’Exode, Paris, 1895, p. 148 ; De Hummelauer, Cpmm. in Exodum et Leviticum, Paris, 1897, p. 183. Il faut cependant observer que les Israélites ne se sont pas arrêtés longtemps dans leur campement de Raphidim. Ils étaient arrivés le 15e jour du second mois au désert de Sin, Exod., xvi, 1, et le l" ou le 3e jour du troisième mois ils avaient déjà atteint le désert de Sinaï, Exod., xix, 1. S’il est possible que le prêtre madianite ait eu le temps de rencontrer Moïse à Raphidim, après avoir appris sa victoire sur Amalec, il dut le suivre au désert de Sinaï. Cf. Calmet, Comment, in Exodum, Lucques, 1730, t. i, p. 467, suivi par un assez grand nombre de critiques modernes, entre autres Dillmann, Die Bûcher Exodus und Leviticus, Leipzig, 1880. A. Molini.

    1. RAPHON##

RAPHON (Tatptôv), ville de la Galaaditide ou Transjordane, près de laquelle Judas Machabée remporta une insigne victoire sur le général gréco-syrien Timothée. I Mach., v, 37. — 1° Judas et son frère Jonathas avaient passé le Jourdain pour aller assister les Juifs persécutés par les païens au milieu desquels ils habitaient. Déjà Judas s’était emparé d’un grand nombre de villes qu’il avait livrées aux flammes et avait exterminé ou dissipé les forces ennemies. Avec une nouvelle armée, formée de toutes les nations environnantes et forte de 120000 fantassins et de 2500 cavaliers, Timothée avait établi son camp en face de Raphon, près du torrent. Judas le cherchait, à la tête d’une armée de 6 (100 hommes seulement. À son approche, e général gréco-syrien dit à ses officiers : « Si Judas traverse la rivière et passe le premier de notre côté, nous ne pourrons soutenir son choc. S’il craint, au contraire de venir à nous et dresse son camp au delà du torrent, passons à lui et nous serons vainqueurs. » En arrivant Judas plaça les scribes près de la rivière avec l’ordre de faire passer tout le monde pour prendre part au combat. Il passa lui-même le premier et tous les soldats le suivirent. Les ennemis ne purent soutenir l’impétuosité de l’attaque : ijs s’enfuirent vers Carnaïm tombant sur leurs propres armes ou s’écrasant les uns les autres. Sans compter ceux qui périrent de cette manière, Judas en extermina encore trente mille. Timothée tomba entre les mains de ûosithée et de Sosipater, généraux de Judas. Sur ses supplications et sa promesse de reudre tous les Juifs détenus par lui, il fut

relâché. I Mach., v, 36-43 ; H Mach., xji, 20-25. Cf. Ant. jud., XII, viii, 4.

2° Pline l’ancien, B. N., v, 18, compte Raphana d’Arabie parmi les villes de la Décapole. Le nom de Capiloliade qui se trouve, au lieu de Raphana, parmi les villes de la Décapole énumérées par Ptolémée, Gèogr., v, 15, a fait supposer à quelques auteurs que Raphon ou Raphana n’est pas différente de Capitoliade. Cf. Rich. v. Riess, Eiblische Géographie, Fribourg-en-Brisgau, 1872, p. 29 et 80 ; Buhl, Géographie des Allen Palàstina, Leipzig, 1896, p. 249-250. Capitoliade est communément identifiée avec le village actuel de Beit-Râs, situé à quatre kilomètres au nord d’irbid de’Adjlûn, et à vingt kilomètres au sud-est d’el-Mezeirxb identifié par quelques-uns avec Carnaïm ou Camion des Machabées et où se voient de nombreuses ruines gréco-romaines. Cf. G. Schumacher, Northern’Adjlûn, Londres, 1889, p. 154-168. La plupart des auteurs n’admettent pas cette identité et il est certain que l’on n’a pas toujours recensé les mêmes villes parmi les dix de la confédération décapolite. Voir Décapole, t. ii, col. 1334.

— Quelques uns ont proposé de voir Raphon dans Tell es-èihdb, « la colline des Braves », grand village, avec des ruines anciennes, situé à cinq kilomètres à )’ouest-sud-ouest A’el-Mezeirîb et sur le bord d’un des principaux affluents du Yarmouk. Cf. Buhl. loc. cit., et Schumacher, Across the Jordan, Londres, 1886, p. 199-203. On ne voit pas de raison positive pour justifier ce choix. — Les géographes reconnaissent assez généralement Raphon dans Ràféh, dont la similitude du nom est incontestable. Râféh est un village situé à quinze kilomètres à l’ouest de Bosr el-Hariri du Ledjà et à treize au nord-est de Seih-Sa’ad, le chef-lieu actuel du Hauran. Ce Bosr est très probablement Bosor, la dernière ville nommée, I Mach., v, 36, dont Judas venait de s’emparer, et c’est autour de Seith-Sa’ad que l’on cherche Astaroth-Camaïm et Camion où se réfugièrent les débris de l’armée de Timothée après la bataille de Raphon. Le torrent sur le bord duquel se livra le combat pourrait être l’ouad’el-Lebuah qui n’est guère distant que de trois kilomètres, au nordest de Ràféh, L’ouadi-Qanauât qui court à la même distance au sud-est pour aller rejoindre l’ouadi précédent, n’a guère d’eau qu’au moment des grandes pluies de l’hiver. Cf. R. C. Cpnder, Tent-Work in Palestine, Londres, 1878, t. ii, p. 344 ; Armstrong, Names and places in the Old Testament, Londres, 1887, p. 144 ; Rich. von Riess, Bibel-Atlas, Fribourg-en-Br., 1887, p. 25. Cf. ; Carnion, t. ii, col. 306-308 ; Judas Machabêe, iv, t. iii, col. 1794. L. Heidet.

    1. RAPHU##

RAPHU (hébreu : Râfû’; Septante : ’Pacoû), fils de Phalti, de la tribu de Benjamin. Il fut choisi au nom de cette tribu pour aller explorer la Terre Promise, du temps de Moïse, avec les onze autres espions israélites. Num., xiii, 9.

    1. RAPINE##

RAPINE (hébreu : bésa’, gâzêl, gezêlâh, péréq ; Septante : àfTzxirt, « pitaYC-ôç ; Vulgate : rapina), soustraction du bien d’autrui à l’aidé de la violence. La rapine s’exerce à découvert, par un plus fort au détriment d’un plus faible. Elle se distingue ainsi des atteintes au bien d’autrui exécutées en cachette ou par ruse. Voir Fraude, t. ii, col. 2398 ; Injustice, t. iii, col. 878 ; Vol. — La loi condamnait celui qui avait exercé la rapine à restituer ce qu’il avait pris, avec un cinquième en plus, sans compter le sacrifice de réparation auquel il était obligé. Lev., VI, 2. — Jéthro conseilla à Moïse de choisir^ pour juger le peuple, des hommes ennemis de la rapine. Exod., Xvm, 21. La rapine est signalée de temps en temps par les écrivains sacrés. Les fils d’Héli, I Reg., ii, 12, puis ceux de Samuel s’en rendirent coupables. I Reg., vjii, 3. (1 est

recommandé de ne pas mettre son espoir dans la rapine, Ps. lxii (lxi), 11, et de longs jours sont promis au prince qui hait la rapine. Prov., xxviii, 16. Dieu la hait également, Is., lxi, 8, et le juste s’en détourne. Is., xxxiii, 15. Mais il en est qui s’y adonnent. Is., iii, 14 ; xlii, 22 ; Lvii, 17. Jérémie, xxii, 17, accuse les rois de Juda d’avoir les yeux et le cœur tournés à la rapine. Ézéchiel, xviii, 7, 12 ; xxii, 17, 29, signale ses progrès parmi ses compatriotes ; ceux-là seuls sont justes qui s’en abstiennent. Ezech., xviii, 16. Amos, iii, 10, reproche aux riches d’entasser dans leurs palais le fruit de leurs rapines, et Malachie, i, 13, dit qu’on ose offrir au Seigneur des victimes qui sont le fruit de la rapine. Nahum, iii, 1, annonce à Ninive le châtiment que vont lui attirer ses rapines. Au temps de Notre-Seigneur, les scribes et les pharisiens étaient à l’intérieur pleins de rapine et d’intempérance. Matth., xxiir, 25 ; Luc, il, 39. — Les premiers chrétiens souffraient avec joie la rapine dont leurs biens étaient l’objet. Heb., x, 34.

Voir Proie, col. 704.
H. Lesêtre.
    1. RASCHI##

RASCHI (Rabbi Salomon Jarchi), rabbin juif, né à Troyes en Champagne, en 1040, mort dans cette ville, le 13 juillet 1105. C’est le plus célèbre des rabbins français du moyen âge. Son père s’appelait Isaac et c’est de là que lui est venu le’surnom d’Isaaki. Son nom lui-même est formé par les initiales des mots Rabbi Schelomo Isaaki. Il est souvent cité sous le nom de Jarchi, par confusion avec un autre Salomon de Lunel, et comme ce mot Jarchi, en hébreu, signifie « de la lune », plusieurs en ont conclu à tort qu’il était originaire de Lunel, en Languedoc. Il fit de bonne heure de grands progrès dans l’étude de l’Écriture Sainte et du Talmud, qu’ilétudia à Worms et dont il fut le premier et le plus utile commentateur. Pour perfectionner ses connaissances il alla, dit-on, visiter les écoles juives d’Egypte, de Perse, d’Espagne, d’Allemagne et d’Italie ; ses voyages sont considérés aujourd’hui comme légendaires. Il a semé ses écrits de fables et d’allégories ; cependant il s’attache surtout à l’explication littérale de l’Écriture, en rapportant dans leurs termes mêmes les opinions des rabbins les plus accrédités. Son style est concis, mais obscur et bariolé de termes hébreux, chaldêens, rabbiniques et français, ce qui ne l’a pas empêché d’être cité par les commentateurs chrétiens, Nicolas de Lyre, Siméon de Muis, etc. — Ses principaux écrits scripturaires sont : Commentarius in Penlateuchuni, en hébreu, Reggio, 1475 (sans le texte ; avec le texte à Bologne, en 1482), et souvent depuis, Francfort a. M., 1905 ; Commentarius in Canticum, Ecclesiasten, Ruth, Ester, Daniel, Esdram, Nehemian, in-4°, Naples, 1487, etc. Le. commentaire sur le Pentateuque est le premier livre hébreu daté qui ait été imprimé. Dans l’édition de Bologne de 1482, le commentaire fut placé en marge du texte, et c’est le premier commentaire imprimé de la sorte. Les commentaires de Raschi ont été à leur tour l’objet de nombreux commentaires, à cause de leur réputation. On lui a attribué beaucoup d’autres ouvrages, dont plusieurs ne sont pas de lui. — Voir Georges, Le Rabbin Salomon Raschi, dans V Annuaire administratif du département de VAv.be, 1868, part. 2 ; Kronberg, Raschi als Exeget, Halle, 1882 ; A. Berliner, Beitràge zur Geschichte der Raschi-Commentare, in-8°, Berlin, 1903 ; Jewish Encyclopedia, t. x, New-York, 1905, p. 324328 ; Schlôssinger, Raschi, hit lif.e and his work, Baltimpre, 1905.

    1. RASIN##

RASIN (hébreu : Resîn ; Septante : ’Pâaiv), nom d’un roi de Damas et d’un chef de Nathinéens.

1. RASIN (hébreu : Resîn, Septante : ’Poatv, ’Paaaaiiv), roi de Damas, qu’on peut considérer comme le second du nom. Voir Damas, t. ii, col. 1225. D’après les RASIN — RAT

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inscriptions cunéiformes, son nom aurait dû être écrit psi, Ra ?ôn, au lieu de’f, car l’assyrien est Ra-sun-nu. Ce prince, qui ne nous était connu que par la Bible, l’est aussi maintenant par des documents assyriens, qui rapportent pour le fond les mêmes événements. Le nom de Rasin se lit quatre fois dans les fragments de l’inscription des Annales de Théglathphalasar III, roi de Ninive, lig. 83, 150, 205, 236. P. Rost, Die Keiîschriftteocte Tiglat-Pilesers IU, in-12, Leipzig, 1893, p. 14, 26, 34, 38. Le conquérant assyrien le nomme comme roi de Damas (lig. 83, 150, 205) ; il nous dit (lig. 205) qu’il s’empara de la ville de Jjladara, résidence du père de Rasin de Damas, où il était né ; il l’énumère parmi ses tributaires (lig. 83-84, 150) et, dans ce dernier passage, il le place entre Kustaspi de Qummuf, i, Mi-ni-fyi-im-mi Sa-mi-ri-na-ai, « Manahem de Samarie », et Hirom de Tyr. Il raconte, lig. 191, 210, sa campagne contre Rasin. Ces lignes sont très mutilées, mais ce qui en reste nous montre que, en 733-732 (xiie, xiiie et xive campagnes), Théglathphalasar voulut en finir avec le plus puissant de ses ennemis ; il le battit, malgré une résistance longue et opiniâtre ; il l’enferma et l’assiégea dans Damas, dont il ravagea tous les alentours, rasa 591 villes de son territoire et en fit prisonniers les habitants ; il termina la guerre par la prise de Damas. Rost, ibid., p. xxx, xxxiv.

Ces inscriptions confirment pleinement ce que l’Écriture nous apprend de Rasin, roi de Damas. D’après IV Reg., xvi, 3, et Isaïe, vii, 1-9, Rasin de Damas 1 et Phacée d’Israël déjà ennemis de Juda sous Joatharn, IV Reg., xv, 37, marchèrent contre Achaz, son fils, roi de Juda, qui avait refusé de s’unir à eux pour secouer le joug de Théglathphalasar auquel ils étaient obligés de payer tribut. La nouvelle de cette coalition remplit d’effroi les habitants de Jérusalem et ils devinrent tremblants comme les feuilles des arbres agitées par le vent, Is., vii, 2, lorsque les deux alliés vinrent assiéger la capitale. Isaïe tenta en vain de les rassurer, au nom du Seigneur, contre les menaces de « ces deux bouts de tisons fumants ». Is., vii, 4. Rasin et Phacée ne purent s’emparer de Jérusalem, mais le roi de Damas, descendant au sud du pays, alla prendre Élath sur le golfe Élanitique, fit de nombreux captifs dans le royaume de Juda et les déporta à Damas, pendant que Phacée, de son côté, infligeait à l’armée de Juda une sanglante défaite. IV Reg., xvi, 5-6 ; II Par., xxviii, 5-8. Abattu par tous ses désastres, Achaz, jeune roi de vingt ans, compta plus sur son habileté politique que sur le secours de Dieu, que lui promettait Isaïe. Il résolut de réclamer l’aide du roi de Ninive ; prenant l’or et l’argent qui étaient dans les trésors du Temple, il l’envoya en tribut à Théglathphalasar, afin d’obtenir de lui son intervention immédiate. jt. 8-9. L’occasion était trop belle pour le roi d’Assyrie, jl ne se fit pas prier ; il porta aussitôt la guerre dans le royaume d’Israël. À son approche, Phacée fut mis à mort par ses propres sujets et Théglathphalasar, dans ses inscriptions, s’attribua à tort ou à raison d’avoir donné le trône à Osée. Voir Osée 2, t. iv, col. 1905. — Il ne devait pas triompher aussi facilement de son second ennemi, Rasin, comme on l’a vu plus haut. Il ne lui fallut pas moins de deux ans pour l’abattre, mais la destruction fut complète. Le roi Théglathphalasar III « prit Damas, lisons-nous IV Reg., xvi, 9, il emmena les habitants en captivité à Kir et il fit mourir Rasin. » Ce dernier détail ne se trouve point dans les fragments des inscriptions de Théglathphalasar qui ont été publiées, mais Henry Rawlinson eut entre les mains une tablette assyrienne, malheureusement égarée depuis en Asie, qui confirme le fait rapporté par l’historien sacré. G. Smith, The Armais of Tiglath Pileser II, dans la Zeitsckrift fur âgyptische Sprache, 1869, p. 14. Voir

F. Vigouroux, La Bible et les découvertes modernes, 6e édit., t. iii, p. 519-526.

Dans le récit de la guerre de Rasin et de Phacée contre Juda, il est dit, Is., vii, 6, que leur projet était d’établir roi à Jérusalem le fils de Tabéel. Ce Tabéel est inconnu. Quelques savants ont supposé qu’il pouvait bien être le père de Rasin et que celui-ci était désigné par les mots « fils de Tabéel », comme Phacée est désigné par ceux de « fils de Romélie ». Is., vii, 4, 5, 9 ; viii, 6.

2. RASIN, un des chefs des Nathinéens qui retournèrent de la captivité de Babylone en Palestine avec Zorobabel. I Esd., ii, 48 ; II Esd., vii, 50. Les Septante l’appellent’Pao-t&v dans le premier passage et’Poknkôv dans le second. Le nom de ce Nathinéen n’étant pas israélite indique sans doute une origine étrangère.

    1. RASOIR##

RASOIR (hébreu : môrâh, fa’ar ; Septante : lupôv, dt’Sïlpo ; , « fer » ; Vulgate : novacula, ferrum), lame effilée servant à couper au ras de la peau les cheveux, la barbe, les poils, etc. — Le rasoir ne devait pas toucher celui qui avait fait le vœu de nazaréat. Num., vi, 5. Ainsi en fut-il pour Samson, Jud., xiii, 5 ; xvi, 17, et pour Samuel. I Reg., i, 11. Par contre, au jour de leur purification, les lévites devaient passer le rasoir par tout leur corps. Num., viii, 7. — Le rasoir est l’image de ce qui ravage de fond en comble. La langue pernicieuse est comparée à une lame de rasoir, parce qu’elle détruit totalement la réputation du prochain. Ps. lu (m), 4. Pour raser la Syrie et la Judée, le Seigneur louera un rasoirau delà du fleuve, c’est-à-dire emploiera le roi d’Assyrie, qui n’est pas d’ordinaire à son service, et celui-ci rasera tout, de la tête aux pieds. Is., vii, 20. Ézéchiél, v, 1, se sert de la même figure pour annoncer la ruine de Jérusalem ; il reçoit l’ordre de prendre une lame tranchante, ftéréb, en guise de « rasoir de barbier », et de la faire passer sur sa tête et sur sa barbe, afin de tout enlever. Voir Barbier, t. i, col. 1456 et

fig. 450.
H. Lesêtre.
    1. RASSIS##

RASSIS (FILS DE) (grec : Tio Tacra( ; ), peuplade mentionnée seulement dans Judith, ii, 23. La Vulgate porte : Filii Tharsis, c’est-à-dire « fils de Tarse (en Cilicie ) », Judith, ii, 13. Holoferne ravagea leur pays dans sa campagne contre l’Asie occidentale. Voir Tarse.

RAT (hébreu : ’akbar ; Septante : (j.îç ; Vulgate : mus), petit mammifère de l’ordre des rongeurs, muni

223. — Le rat.

de deux dents incisives et tranchantes^ chaque mâchoire, omnivore, très vorace et d’une extraordinaire fécondité (fig. 223). — 1° Il y a de nombreuses espèces de rats ; on en trouve dans tous les pays. On rencontre en Syrie le rat proprement dit, la souris, la marmotte, la gerboise, voir t. lii, col. 209, le campagnol, voir t. ii, col. 103, le loir et le hamster. Vingt trois espèces au moins sont représentées en Palestine, dont trois espèces de loirs parmi lesquels le plus grand de tous, le myoxus glis ; quatre ou cinq espèces de rats à courte qneue, dont Yarvicola arvalis ou campagnol, qui ravagea les

champs des Philistins, I Reg., .vi, 4, 5, ii, 18 ; six espèces de rats des sables, psammomys ou gerbillus. Ces derniers petits animaux ont le dos couleur chamois clair et le ventre blanc ; leur queue est longue et touffue ; ils terrent au désert dans les racines des buissons, et dans les pays montagneux au creux des rochers. Lortet, La Syrie d’aujourd’hui, Paris, 1884, p. 455, a, observé ces animaux aux environs de Jéricho. « Le sol est ici entièrement miné, dit-il, par les galeries profondes du psammomys obesus, espèce de gros rat, à queue courte, à grosse lête, ressemblant à une marmotte minuscule, et qui se tient assis sur un monticule artistement tassé non loin de l’ouverture de son terrier. Du haut de son observatoire, il regarde avec curiosité ce qui se passe autour de lui ; mais au plus petit bruit, à la moindre alarme, ces jolis animaux se précipitent tête baissée et disparaissent avec rapidité dans leurs cachettes profondes. Quelques voyageurs ont confondu ce mammifère avec des gerboises, dont

Londres, 1889, p. 122. Au temps d’Isaïe, lxvi, 17, des Israélites prenaient rendez-vous dans des jardins pour y manger de la chair de porc et de’akbàr. Ce dernier mot désignait pour les Hébreux les différentes espèces de rats. Quand les habitants de Béthulie sortirent de leur ville pour attaquer les Assyriens, ceux-ci dirent : « Ces rats sortent de leurs trous et nous provoquent au combat. » Judith, xiv, 12. Au lieu de rats, les Septante mettent ici des esclaves, SoO), ot, ce qui est bien moins pittoresque et probablement moins vrai. Ils ont lu □H3y au lieu de d’imt, avec omission du ; et changement du t en-j. Une caricature égyptienne (fig. 224)représente une armée de rats assiégeant un fort défendu par des chats. Ces rats figurent les soldats du pharaon attaquant les défenseurs des villes syriennes.

3° Dans Isaïe, ii, 20, il est dit, d’après la Vulgate, que l’homme rejettera les idoles qu’il s’était faites, les taupes et les chauves-souris qu’il adorait. Les Septante remplacent les taupes par des a, choses vaines », y.axat’a.

224. — Bats assiégeant une ville défendue par des chats. D’après Lepsius, Auswahl der wichtigsten Urkunden, pi. xxm B.

il diffère absolument. Ces rongeurs sont très nombreux dams les endroits sablonneux et assez élevés pour n’être point atteints par les inondations du fleuve. Ils vivent en familles et se creusent des retraites placées les uûes à côté des autres. L’entrée principale de ces demeures souterraines se trouve ordinairement à la base d’un arbrisseau, non loin du tumulus où l’animal se met aux aguets lorsqu’il est inquiet. Les galeries sont souvent multiples et communiquent les unes avec les autres, ce qui rend très difficile la capture de leurs habitants. Dans celles que nous avons éventrées, nous avons trouvé, à plus de trois pieds, de profondeur, un élargissement, une espèce de chambre plus ou moins circulaire dans laquelle la femelle avait déposé ses petits, au nombre de six à huit. Le nid était formé de fines tiges de graminées desséchées. » Le hamster ou rat des blés, cricetus auritus, exerce de grands ravages dans les céréales pour s’assurer ses provisions d’hiver. Le rat porc-épic ou acomys fréquente les ravins et les pays arides des environs de la mer Morte et du désert du sud. On en connaît plusieurs espèces. C’est un joli petit animal, couleur de sable clair en dessus et blanc en dessous. Son nom lui vient de ce qu’il porte sur le dos des poils raides comme ceux du hérisson.

2° La loi mosaïque range le’akbar au nombre des animaux qu’il n’était pas permis de manger. Lev., xi, 29. Il y a des Arabes qui mangent la gerboise, plusieurs espèces de loirs et le rat des sables appelé psammomys obesus. Cf. Tristram, The natural History of the Bible,

Le terme hébreu correspondant est hepor-pêrôt, qui ne se trouve qu’en cet endroit et paraît devoir se rattacher aux verbes hdfar et pd’ar qui tous deux signifient « creuser ». Pour la Vulgate, il s’agit d’un animal qui creuse, mais a quelque analogie avec la chauvesouris, la taupe. Voir Taupe. D’autres pensent qu’il est plutôt question du rat, qui creuse aussi et est appelé farah par les Arabes. En tous cas, la chauve-souris, la taupe et le rat n’étaient pas adorés comme des divinités. Le texte hébreu doit se traduire : l’homme jettera ses idoles « aux rats et aux chauves-souris. » Les taupes n’attaquent que ce qui, est sous terre. Les rats conviennent donc mieux ici, puisqu’ils rongent ce qu’on leur abandonne sur le sol. H. Lesêire.

    1. RATIONAL##

RATIONAL, ornement du grand-prêtre. Voir Pectoral, col. 18 ; Pierres précieuses, col. 422.

    1. RAVISSEMENT##

RAVISSEMENT, état extatique dans lequel l’âme, soudainement soustraite aux impressions externes, se trouve mise en face d’une vision qui la subjugue par son caractère extraordinaire, inattendu et grandiose. A la manifestation surnaturelle qui constitue la simple vision s’ajoute donc, dans le ravissement, une action puissante exercée par Dieu sur l’âme pour l’abstraire de son milieu naturel et la transporter dans un monde tout surnaturel, df. Ribet, La mystique divine, Paris, 1879, t. i, p. 284. — Il est possible que certains prophètes aient eu de véritables ravissements, comme Isaïe, vi, 1-13 ; Ezéchiel, I, 28 ; ii, 1-10, iii, 12, etc. Mais

ils ne le disent pas d’une manière positive, de sorte qu’on ne peut savoir si l’action dont ils étaient l’objet allait au delà de la simple vision. Les écrivains du Nouveau Testament sont plus explicites. À la montagne de la transfiguration, les trois apôtres Pierre, Jacques et Jean sont abstraits du monde extérieur par le spectacle qui se déroule à leurs regards, si bien que Pierre, saisi de crainte et ne sachant pas ce qu’il disait, Marc, [X, 5, par conséquent hors de lui, propose de dresser des tentes, sans se douter qu’il est transporté hors du monde naturel. Matth., xviii, 4 ; Marc, ix, 4, 5 ; Luc, IX, 32, 33. À Joppé, saint Pierre aune extase, exrrracriî, mentis excessus, Act., x, 10, qui se répète deux autres fois, et dans laquelle une vision lui signifie ce que Dieu attend de lui. Lui-même distingue très bien deux phénomènes différents : « J’ai vii, dans une extase, une vision. » Act., xi, 5. — Saint Paul a été violemment enlevé, ïpniyr, , raptus esf, jusqu’au troisième ciel, jusque dans le paradis, et il y a vu des choses que l’homme ne saurait exprimer. Mais il ne peut pas savoiv se ravissement a porté sur le corps et l’âme ou bien sur l’âme seule. Il Cor., xii, 2, 4. Il affirme deux fois de suite le même fait, dont l’objectivité est pour lui indubitable, bien qu’il n’ait pas eu pleine conscience des conditions dans lesquelles il se produisait. Mais l’ignorance de ces conditions - importe peu, puisque le ravissement n’est qu’un moyen qui a pour fin la révélation que Dieu veut faire à une âme. Le « troisième ciel », le « paradis » sont ici des expressions mal définies pour nous, par lesquelles saint Paul indique que son ravissement l’a mis en rapport immédiat et surnaturel avec Dieu. Le livre des Secrets d’Hénoçh compte sept cieux, dont le troisième est celui des bienheureux. Ce troisième ciel est au-dessus du ciel atmosphérique et du ciel sidéral. Rien ne prouvé que saint Paul admette sept cieux ; il ne fait qu’identifier le troisième ciel avec le paradis, séjour dans lequel il est entré en relation surnaturelle avec Dieu. Voir Ciel, t. ii, col. 755 ; Cornély, Altéra Epist. ad Corinthios, Paris, 1892, p, 317, 318. Le ravissement dont parle saint Paul remonte à quatorze ans en arrière. II Cor., xir, 2. Peu de temps après son baptême, il avait eu, dans le Temple même de Jérusalem, une extase au cours de laquelle le Seigneur lui commanda de quitter cette ville, qui ne recevrait pas sa prédication. Act., xxir, 17. — À Patmos, un dimanche, saint Jean fut âv nii.ii.azi, in spiritu, c’est-à-dire ravi en esprit, pour recevoir les révélations divines. Apoc, i, 10. — Les Pères expliquent que, dans l’extase et le ravissement, l’âme est soustraite à l’influence des sens et du monde extérieur, mais qu’elle ne cesse point d’être pleinement consciente et libre. Cf. Origène, In Ezech., hom. ix, 1, t. xiii, col. 739 ; S. Basile, In ls., Proœm., xiii, 1, t. xxx, col. 125, 565 ; S. Jean Chrysostome, In Ps. sliv, t. i, v, col. 184 ; In I ad Cor., hom. xxix, 2, t. lxi, col. 242 ; S. Jérôme, In ls. Prol-, t. xxiv, col. 19 ; In Nah., Prol., t. xxv, col. 1292 ; In Eph., iii, 2, t. xxvi, col. 510, etc. Cette abstraction des sens a pour but et pour effet de rendre l’âme plus apte à saisir les communications divines. Cf. S. Augustin, Ad Sirnplic, ii, q. I, 1, t. xl, col. 130 ; In Ps. lsvii, 36, t. xxxvi, col. 834, etc. Elle ne produit aucun désordre dans les facultés naturelles de l’homme et n’a par conséquent rien de commun avec l’aliénation mentale et la divagation intellectuelle. Cf. S. Thomas, Sitm. theol-, II a II*, q. clxxui, a. 3 ; Sainte Thérèse, Vie écrite par elle-même, trad. M. Bouix, Paris, 1880,

p. 151, 227, 326.
H. Lesêtre.
    1. RAYON##

RAYON (hébreu : qerén ; Septante : àxi :  :  ; Vulgate : radius), lumière émise par un foyer et se propageant en ligne droite. L’hébreu n’a pas de mot particulier pour désigner le rayon lumineux ; il se sert pour cela du mot qérén, « corne », employé seulement au


duel, qarnayîm, Hab., iii, 4, parce que les rayons lumineux partent de leur foyer comme les cornes de la tête de l’animal. — Les rayons du soleil chassent le brouillard, Sap., ii, 3, et éblouissent les yeux. Eccli., xliii, i. Les premiers rayons faisaient fondre la manne-Sap. , xvi, 27, — Habacuc, iii, 4, décrivant une théophanie, dit de Dieu : « C’est un éclat comme la lu. mière, des rayons partent de ses mains, là se cache sa puissance. » Dieu est comparé à un soleil éclatant ; de ses mains et de toute sa. personne s’échappent des rayons de lumière éblouissante. Comme il s’agit ici et dans les versets suivants de la puissance de Dieu, il se pourrait que les rayons dont parle le prophète soient ceux de la foudre. — Quand Moïse descendit du Sinaï, à la suite de ses communications avec Jéhovah, « la peau de sa face rayonnait, » qâran, et il la voilait pour parler aux enfants d’Israël. Exod., xxxiv, 29-35. Les Septante traduisent par Zziomma’., « était glorifiée ». La Vulgate rend trop servilement le verbe qâran, cornuta eral, « avait des cornes ». Il s’agit ici de rayons et non de cornes, et ces rayons ne jaillissaient pas seulement du front, mais de « la peau de la face », c’est-à-dire de toute la partie du visage que ne recouvraient pas les cheveux ou la barbe. — Dans la description du crocodile, l’auteur de Job, xli, 21, dit que le dessous de son corps ressemble à des pointes de tessons, haddûdê hàrés. Les écailles qui recouvrent le ventre de la bête sont en effet comme des tessons tranchants et aigus, imbriqués les uns sur les autres. Les Septante traduisent par àêtliav.oi ô£sîç, « des pointes aiguës ». Dans la Vulgate, ces pointes de tessons deviennent des « rayons de soleil ». Il faut qu’au lieu de w-in, « tesson », le traducteur ait lu uraur, Semés, « soleil ». Des pointes de soleil peuvent être les traits du soleil, ses rayons ; mais alors le texte n’a plus de sens, si on l’applique au crocodile. — Par similitude, on donne le nom de raies ou rayons aux pièces rectilignës qui rayonnent autour du moyeu d’une roue et s’ajustent dans les jantes qu’elles maintiennent. Ces rayons s’appellent en hébreu hiSsuqîm, de hasaq, « joindre » ; Vulgate : radii. Il en est parlé à’propos des bassins roulants fabriqués en airain pour le service du Temple. III Reg., vii, 33. Voir Mer d’airain, t. iv, col. 987.

H. Lesêtre.
    1. RAZIAS##

RAZIAS (grec : ’PaÇeîî), un des anciens de Jérusalem qui, pendant les guerres de Judas Machabée, se donna lui-même la mort pour ne pas être livré à Kicanor. Cet ennemi des Juifs envoya cinq cents hommes pour le prendre, à cause de l’influence qu’il exerçait sur ses coreligionnaires, et lorsque Razias vit qu’ils mettaient le feu à la tour (texte grec) où il était renfermé et qu’il ne pouvait leur échapper, il se frappa de son glaive, « aimant mieux mourir noblement, dit l’auteur sacré, que de tomber entre les mains des pécheurs et de subir des outrages indignes de sa naissance. » II Mach., xiv, 42. Mais le coup qu’il s’était porté précipitamment n’était pas mortel. Avec un courage héroïque, il courut sur le mur et se précipita dans le vide ; il se releva du sol couvert de sang et de plaies, traversa la foule en courant et, se tenant debout sur une pierre escarpée, il saisit ses entrailles des deux mains et les jeta sur la multitude, en invoquant le maître de la vie, afin qu’il les lui rendît de nouveau. C’est en faisant cet acte de foi à la résurrection qu’il expira. II Mach., xiv, 37-48. Un tel acte de courage devait remplir d’admiration ceux qui en furent les témoins. On ne peut néanmoins approuver sa conduite en elle-même et l’on ne peut l’excuser que par la droiture de ses intentions ou.par une inspiration divine particulière, comme celle des martyrs qui se sont précipités eux-mêmes dans les bûchers. « Sa mort, dit saint Augustin, Cont. Gaudent., i, xxxi, 57, t. xiiii, col. 729, fut plus admirable que sage, et l’Écriture, en racontant sa mort

V. — 32

telle qu’elle avait eu lieu, ne l’a pas louée comme l’accomplissement d’un devoir. i> Voir ibid., 36-37, col. 728729. Magna hsec sunt, écrit le même saint docteur, au tribun Dulcitius, Epist., cciv, 8, t. xxxiii, col. 941, nec tamen bona.

    1. RAZON##

RAZON (hébreu : Rezôn ; Septante : 'Pe^wv, Alexandrinus : 'PaÇoJv), Syrien, fils d'Éliada. Divers savants croient que son nom est le même que celui de Rasin, poi de Damas (col. 988), mais il faut admettre alors que l’orthographe en est fautive, car la seconde consonne du nom est un zaïn, tandis qu’elle est un tsadé dans le nom de Rasin. Tout ce que nous savons de lui est résumé dans quelques mots de III Reg., xi, 23-25 ; « Dieu suscita un autre ennemi à Salomon : Razon, fils d’Eliada, qui s'était enfui de chez son maître Adadézer, roi de Soba. Il rassembla des hommes auprès de lui, et il était chef de bandes, quand David massacra les troupes de son maître. Ces hommes allèrent à Damas, ils s’y établirent 'et ils régnèrent à Damas. Il fut ennem d’Israël pendant toute la vie de Salomon. Il régna sur la Syrie. » Tout ce qu’on peut dire sur son compte en dehors de ce passage n’est qu’hypothèse. On ignore quelle était sa situation auprès d’Adadézer et comment il s’empara de Damas. Ce fut peut-être après la défaite du roi de Soba et avec les débris de ses troupes. Mais à quel moment et de quelle manière, on ne saurait le dire. Après sa victoire sur Adadézer, David avait établi une garnison à Damas. II Reg., viii, 6. Combien de temps se maintint-elle dans la ville ? Est-ce Razon qui l’en chassa ? Impossible de le savoir. Ce qui est certain, c’est que Razon et ses successeurs, appartenant sans doute à la dynastie qu’il fonda, furent les ennemis les plus acharnés et les plus irréductibles d’Israël, et que Salomon fut le premier à souffrir de cette haine profonde.

Bénadad, roi de Syrie, du temps d’Asa de Juda, est appelé, III Reg., xv, 18, « fils de Tab-Remmon, fils d’Hézion. » Plusieurs exégètes en concluent qu’il était petit-fils de Razon, qu’ils identifient avec Hézion, Cette identification est possible ; elle n’est pas prouvée. Le passage de Nicolas de Damas, rapporté par Josèphe, Ant. jud., VIII, vii, 6, qui substitue Adad à Razon, n’a aucune autorité et paraît lêtre le résultat d’une confusion occasionnée par la version des Septante mal comprise.

RÉBÉ (hébreu : Réba' ; Septante : 'Poëôx, dans les Nombres ; 'Poëi, dans Josué), un des cinq chefs madianiles qui furent tués par les Israélites, du temps de Moïse, pour se venger du mal qu’ils leur avaient fait sous l’inspiration de Balaam. Num., xxxi, 8 ; Jos., xiii, 21. Dane le premier passage, Rébé est qualifié : mélék, « roi » ; dans le second, nâsî', « prince ».

    1. RÉBECCA##

RÉBECCA (hébreu : Rïbqâh ; Septante : 'Peêéxxa), femme d’Isaac. Abraham, devenu vieux, voulut pourvoir au mariage d’Isaac. Il envoya donc son serviteur Éliézer en Mésopotamie, pour lui choisir une épouse dans son pays d’origine. Voir Éliézer, t. ii, col. 1678. Le serviteur, arrivé près de Nachor, s’arrêta auprès d’un puits, rendez-vous naturel des gens de la ville. Il vit bientôt venir une jeune fille qui offrit gracieusement à boire à lui et à ses chameaux. C'était Rébecca, fille de Bathuel, qui lui-même avait eu pour mère Melcha, femme de Nachor, le propre frère d’Abraham. Rébecca était ainsi une petite nièce de ce dernier. Éliézer donna à la jeune fille un anneau et deux bracelets d’or. Informé de ce qui s'était passé, Laban, frère de Rébecca, vint au puits et ramena chez lui Éliézer. Celui-ci raconta alors qu’il venait de la part d’Abraham, et qu’il avait demandé au Seigneur de lui faire connaître la jeune fille qui devait devenir l'épouse d’Isaac : ce serait la première

qui consentirait à donner à boire à lui et à ses chameaux. Bathuel, père de Rébecca, et Laban reconnurent qu’il y avait là une indication de la Providence. Ils accédèrent à la requête d'Éliézer, reçurent les présents qu’il leur offrit, et laissèrent Rébecca partir avec lui pour le pays de Chanaan. Isaac pleurait encore la mort récente de Sara, sa mère. Il se trouvait dans le Négéb, voir t. iv, col. 1560, aux environs d’Hébron, quand, un soir, il aperçut la caravane d'Éliézer. Le serviteur lui raconta ce qui était arrivé. Isaac conduisit Rébecca dans la.tente de Sara, l'épousa et se consola auprès d’elle de la mort de sa mère. Gen., xxiv, 1-67.

Rébecca, d’abord stérile, eut ensuite deux jumeaux, Ésaù et Jacob. Le premier, habile chasseur et homme des champs, fut le préféré d’Isaac ; l’autre, paisible et sédentaire, eut l’affection de Rébecca. Un jour, £saû vendit son droit d’aînesse à Jacob pour un plat de lentilles. Gen., xxv, 21-34. Rébecca songea alors à rendre ce droit d’aînesse effectif en faveur du fils qu’elle chérissait, d’autant plus que les femmes épousées par Ésaù lui causaient plus d’un chagrin. Un jour, le vieil Isaac demanda à son fils aîné de lui servir de sa chasse, et celui-ci partit à la recherche du gibier. Aussitôt Rébecca, qui avait entendu ce qu’avait dit Isaac, fit prendre deux chevreaux et les assaisonna suivant le goût du vieillard. Puis, avec la peau, elle couvrit le cou et les mains de Jacob, pour qu’il ressemblât à son frère qui était velu, elle le revêtit des habits de ce dernier, et elle lui commanda de porter le plat de chasse à Isaac, en se faisant passer lui-même pour Ésaû. Le vieillard avait les yeux trop obscurcis pour reconnaître son second fils ; au toucher, il le prit pour son aîné, bien que la voix qu’il entendait lui persuadât le contraire, et il lui donna la bénédiction qu’il réservait à Ésati. — Il est certain que Jacob était autorisé à réclamer la bénédiction paternelle qui consacrait le droit d’aînesse cédé par Ésaii. Mais, puisqu’il était dans les desseins de Dieu qu’il obtînt cette bénédiction, Rébecca eût dû laisser à la Providence le soin de la lui faire donner. Or, pour y parvenir, elle use de toute une série de tromperies, dont Isaac ne paraît pas être absolument dupe, puisqu’il reconnaît Jacob à sa voix, mais dont elle aurait dû se dispenser. Il est vrai qu’en Orientées sortes de procédés sont considérés bien plutôt comme des coups d’adresse que comme des fraudes. Plusieurs Pères ont excusé Rébecca. Saint Augustin a dit à ce sujet : Non est mendacium, sed mysterium. Cf. Cont. mendac, x, 23, 24 ; De mendac, v, 7, t. xl, col. 533, 491 ; De Civ. Dei, xvi, 37, t. xli, col. 515 ; S. Thomas, Sum. theol., II a IIe, q. ex, a. 3, ad 3 am. Saint Jérôme, Apol. adv. Rufin., i, 18, t. xxiii, col. 413, reconnaît le mensonge, mais l’excuse. Les modernes sont moins portés que les anciens à regarder.comme bonnes et louables toutes les actions qui sont attribuées aux personnages bibliques. D’ailleurs l’intention des écrivains sacrés n’est nullement d’approuver tout ce qu’ils racontent. Voir Jacob, t. iii, [col. 1061.

.Dieu ratifia la bénédiction accordée à Jacob, puisqu’il était dans ses desseins qu’il l’obtînt, mais celui-ci la paya cher. Devant la colère d’Jisaû, qui parlait de le tuer après la mort de son père, Rébecca résolut de l'éloigner. Elle persuada à Isaac de l’envoyer en Mésopotamie, afin de s’y marier avec l’une des filles de son oncle Laban. Jacob partit donc. Lui, qui avait trompé son père, fut joué par Laban, qui substitua Lia à Rachel sur laquelle Jacob comptait et l’obligea à un dur service pendant quatorze ans. À son retour en Chanaan, Jacob ne retrouva plus sa mère, dont il n’est plus fait mention et qui sans doute c était morte. Il est seulement raconté que Débora, nourrice de Rébecca, mourut alors et fut enterrée près de Béthel. Gen., xxxv, 8. Il est à croire que, Rébecca étant morte, Débora avait cherché à aller au-devant de Jacob. Isaac mourut ensuite à Hé997 RÉBECCA. — RÉBLA

998

bran et fut inhumé dans la caverne de Makpélah. « C’est là qu’on a enterré Abraham et Sara, sa femme, C’est là qu’on a enterré Isaac et Rébecca, sa femme. » Gen., xlix, 31. Sara était morte avant Abraham ; la place que ce texte assigne à Rébecca ne prouve donc nullement qu’elle ait survécu à Isaac.

H. Lesêtre.

RÉBLA, nom d’une ou deux villes de Syrie.

1. RÉBLA (hébreu : hâ-Biblâh, avec l’article, « la fertilité » ; Vaticanus : ., . ap BrjXà ; Alexandrinus : ’ApêiXi. Le traducteur syriaque a lu T pour net transcrit Diblat), ville de la frontière orientale de la Terre Promise. — Moïse, après avoir décrit la frontière septentrionale décrit ainsi, Num., xxxiv, 10-12, la frontière orientale : « Et vous tracerez votre frontière à l’orient depuis IIô.sar’Ênàn à Sefâmâh ; et la frontière descendra de Sefâmâh à hà-Riblâh, à l’orient de’Ain, et la frontière descendra et s’étendra jusqu’au côté de la mer de KinnéreJ, à l’orient. » La Vulgate, dans un certain nombre de manuscrits et dans les éditions officielles, porte : descendent termini in Rebla contra fontem Daphnim. Dans le targum de Jérusalem et la version arabe de Sa’adiah, Rébla est remplacée par Daphni. Plusieurs interprètes modernes croient la Rébla ici nommée différente de « Rébla du pays d’Émath », plusieurs fois mentionnée ailleurs. Voir Rébla 2. La frontière décrite par Moïse doit, suivant eux, désigner la frontière du pays dont Josué allait bientôt les mettre en possession, et ne peut remonter jusqu’au pays d’Émath. L’appellation de Rébla d’Émath suppose, selon le rabbin Schwarz, une autre ville du même nom dans la terre d’Israël ; celle-ci serait la Daphni de Sa’adiah, identique à laDaphné deJosèphe voisine du lac Mérom, aujourd’hui Dafnéh, ruine sur le bord du nahar el-Léddân, à deux kilomètres au sud-ouest du tell. el-Qddi. febuoth ha-Arei, Jérusalem, 1900, p. 33-34 et 507-508 ; cf. Daphnis, t. ii, col. 1293. — Pour Furrer, le vrai nom de cette Rébla est Harbêl, comme l’indique la transcription des Septante, el il l’identifie avec’Arbîn, village situé à cinq kilomètres au nord-est de Damas. Antike Stàdte in Libanongebiete, dans Zeitschrift des Palâstina-Vereins, t. vin (1885), p. 29. Cf. R. von Riess, Bibel-Atlas, 1887, p. 25. — Le P. Van Kasteren ne croit pas nécessaire de porter la frontière septentrionale de Moïse auidelà du nahar Qasmiêh et de la ruine appelée Serâdâ, dont le nom pourrait représenter la Sédâd ou Sedadâh de la Massore, écrite dans le texte samaritain, Num., xxxiv, 8, SeradâheX Espace*, dans les Septante. Rébla ou harbêl devrait ainsi se chercher plus au sud. On pourrait le reconnaître soit dans le Zôr Ramliéh ou dans tell Abîl, la célèbre Abila, situés tous deux à l’est de’Ayiûn, en face de l’extrémité sud-est du lac de Tibériade ; ou encore dans VHalibna de la carte historique d’Armstrong. Cf. Van Kasteren, La frontière septentrionale de la Terre Promise, dans la Revue biblique, 1895, p. 31-33 ; Chanaan (Pays de), t. ii, col. 534-535.

L. Heidet.

2. RÉBLA, RÉBLATHA (hébreu, IV Reg., xxiii, 33 : Ribldh ; partout ailleurs avec le hé locatif : Riblâfâh ; Septante, IV Reg., xxiii, 33, Vaticanus : ’PeêXaotii ; Alexandrinus : AeëXai ; partout ailleurs le premier transcrit’PeêXaUi, le second AeëXaSâ ; les traducteurs syriaque et arabe ont également lu i au lieu de —i), ville de Syrie dont le nom se retrouve dans celui d’er-Ribléh.

I. Identification et description. — Le plus grand nombre des interprètes modernes, avec tous les anciens, voir REbla 1, reconnaissent une seule Rébla bihlique. Suivant eux, l’indication, « dans le pays d’Émath », ajoutée à son nom, IV Reg., xxiii, 33 ; xxv. 21 ; Jer., xxxix, 5 ; lii, 9, 27, l’est simplement pour en faire connaître la situation géographique, sans aucune idée de distinction par rapport à une ville du même nom. — Les anciens ayant souvent confondu Émath avec Antioche, ont confondu de même Rébla avec elle, ou ont cherché celle-ci dans son voisinage. « Riblâh, c’est Antioche, » ditleTalmud deBabylone, Sanhédrin 96, 6. Il est suivi par Raschi et la plupart des commentateurs juifs. Cf. Estori ha-Parchi, Caftor va-Phérach, édit. Luncz, Jérusalem, 1899, p. 258 et 280. À Neubauer, Géographie du Talmud, Paris, 1868, p. 314. Adoptant la même opinion et corrrigeant Eusèbe faisant de Reblatha « le pays deBabylone », x^P « (ia8u).<>v(<ov, saint Jérôme ajoute : « …ou plutôt c’est la ville appelée aujourd’hui Antioche. » Onomasticon, édit. Larsow et Parthey, p. 313. Le Talmud de Jérusalem, Schekalim, vi, 4, la Pesikta rabbathi, ch. 3, voient Rébla dans Daphné d’Antioche. Cf. Neubauer, loc. cit. ; Daphné, t. ii, col. 1295. Saint Jérôme considère Daphné comme un faubourg d’Antioche et l’identifie également avec Rébla, ïn Ez., xlvii, t, xxv, col. 478. Cette identification ne paraît avoir d’autre fondement que la confusion commise par les copistes qui, pour Rébla, ont lu Dëbla ou Devla, nom que les interprètes ont cru reconnaître dans Daphné. Celui-ci a, en effet, était transcrit Dijlâ ou Diflé, (_yl-i.>, par les Arabes, qui le donnent au laurier-rose. Quoi qu’il en soit, saint Jérôme semble être revenu de cette erreur et la réfute, In Amos, VI, 2, t. xxv, col, 1050. Distinguant deux « Émath, la grande appelée Antioche et la petite autrement dite Epiphanie, encore appelée Emmas », il ajoute : « Si son nom a été altéré, elle en conserve encore des vestiges et son territoire est appelé Reblatha. » Il semble ainsi identifier Émath-Épiphanie avec Rébla. Reblatha, selon Théodoret, appartient à la contrée d’Émèse, qui, pour lui, est l’Émath biblique. In Jer., xxxix, t, lxxxi, col. 691. Le découverte faite par Buckingham, entre Ba’albek et ffamah, à 32 kilomètres au sud-ouest de R-oms, et publiée par lui en 1825, Travels among the Arab tribes, in-4°, Londres, 1825, p. 481, d’une localité du nom Riblâ ou Ribléh, la fît généralement adopter pour la Rébla biblique de Syrie. Cf. Gesenius, Thésaurus, p. 1258 ; voir Riess, Biblische Géographie, Fribourg-en-Brisgau, 1872, p. 81 ; F.deSaulcy, Dict. topographique de la Terre Sainte, Paris, 1877, p. 259 ; Armstrong, Names and Places in the old Testament, Londres, 1887, p. 248. Robinson, Biblical Researches in Palestine, Boston, 1841, t. iii, p. 461 ; Id., Neuere biblische Forschungen in Palàstina, in-8°, Berlin, 1857, p. 710-711.

L’histoire n’a conservé aucun détail suç la topographie de l’ancienne Rébla et l’on n’y signale aucune ruine remarquable, le choix qu’en font les rois d’Egypte et de Chaldée poury établir leur quartier général, permet cependant de croire que cette ville n’était pas sans importance. Ribléh est aujourd’hui un tout petit village syrien, formé d’une douzaine de maisons. Sa situation est toutefois des plus avantageuse : bâtie sur la rive droite du Nahar el-’Asy, —l’Oronte des anciens, au milieu des plaines fertiles et riantes de la Béq’ah, sur la ligne du chemin de fer qui relie Alep et la haute Syrie, avec Hamâh, Homs (Èmèse), et Ba’albek à la ligne de Beyrouth-Damas, Ribléh semble^destiné à prendre un plus grand développement. ^

II. Histoire. — Néchao II, roi d’Egypte, vainqueur des Assyriens et maître de la Syrie jusqu’à l’Euphrate, s’était arrêté à Rébla. Apprenant que les Juifs, après la mort du roiJosias, avaient mis sur le trône, à sa place, son fils Joachaz, il se le fit amener à Rébla où il le chargea de chaînes et le retint prisonnier jusqu’à son départ pour Jérusalem. IV Reg., xxiii, 33 ; cf. II Par., xxxv, 20. — Tandis que Nabuzardan, général des troupes babyloniennes, poursuivait le siège de Jérusalem où le roi Sédécias, troisième fils de Josias, se défendait, le roi Nabuchodonosor était venu O en attendre l’issue à Rébla. La ville avait été prise, après une année et demie ; le roi de Juda en fuite fut arrêté près de Jéricho et conduit à Rébla avec tous ses enfanls. Là, le roi de Babylone fit comparaître Sédécias devant lui ; il fit égorger en sa présence ses fils et tous les grands de Juda, puis il lui creva les yeux et le fit conduire chargé de chaînes à Babylone. IV Reg., xxv, 1-7 ; Jer., xxxix, 1-7. Gf. Ant. jud., X, vm, 2, 5. Les monuments assyriens représentent les rois d’Assyrie traitant de la sorte leurs prisonniers. Voir F. Vigouroux, La Bible et les découvertes modernes, 6e édit., t. Tvy p. 94-97, 153. Voir Sédécus.

L. Heidet.

    1. REBNIAG##

REBNIAG (hébreu : in-3-1, rab-mâg ; Septante :

T’Paëa(j.ây [(x, 0, t]). Ce mot est, non pas un nom propre, mais un titre babylonien porté par Neregel-Serezer (voir ce mot), l’un des officiers de Nabuchodonosor qui prirent d’assaut Jérusalem, Jer., xxxix, 3, sous Sédécias. Il désigne évidemment une fonction supérieure, il faut le conclure du premier élément rab, qui signifie « grand, chef « comme dans Rabsacès, Rabsaris, voir col. 920, 921, mais la seconde partie du mot ne peut s’interpréter que d’une façon très incertaine, et laisse par conséquent douteux le sens exact de ce titre ; les termes babyloniens dont il paraît être la transcription ne nous offrent pas d’ailleurs un sens plus précis. La plus ancienne interprétation voit dans la seconde partie du mot, Mâf(oc), l’aryen maghu, mage ; elle est encore maintenue par Schrader dans Riehm, Handwôrterbuch des biblischen Alterlums, t. 1, p, 937-938, et SchraderWhïtebouse, The Cvneiform Inscriptions and the OU Test., 1888, 1. 11, p. 110-114, où il essaie d’établir une sorte d’influence réciproque de la Babylonie et de la Médie au point de vue de la civilisation et de la religion : on sait par Hérodote que les mages étaient des prêtres mèdes formant une caste ou tribu ; et l’on voit dans Eusèbe, Chron., i, 5, 9, t. xix, col. 119-120, 124, que Nabuchodonosor avait épousé une princesse mède Amyitis. Mais rien ne prouve que le inagisme eût pénétré en Babylonie et qu’il y eût un « chef des mages. » Bien que pratiquant la divination comme tous ses contemporains, Nabuchodonosor nous apparaît dans ses nombreuses inscriptions comme exclusivement fidèle à la religion babylonienne, et nullement adepte du magisme. — G. Rawlinson, The five great Monarchies, 1879, t. iii, p. 62 et 63, n. 18 et 19, rapproche ce titre des mots rubu e-im-ga, assez souvent rencontrés dans les inscriptions babyloniennes, et spécialement dans celles de Nergal-sar-ussur qu’il suppose identique à Nergel-serezer : mais rubu e-im-ga n’est pas un titre de fonction spéciale, c’est un des nombreux qualificatifs du protocole royal babylonien, signifiant « prince puissant » ou « profond » en sagesse, qu’on trouve appliqué à Nebo-baladhsu-iqbi, père du roi Nabonide, bien qu’il n’ait pas porté la couronne lui-même, mais qu’on ne peut mettre en parallèle avec les titres rab-saris, etc. — Selon Frd. Delitzsch, The hebrew language viewed in the light ofassyrian research, 1883, p. 14, nous aurions ici la transcription hébraïque du terme assyro-babylonien mahhu, synonyme de âsipu, devin, interprète des présages ou des songes, Nérégel-sarézer serait le « chef des devins » ce qui expliquerait ses relations bienveillantes avec Jérémie, xxxix, 13-14. Toutefois il faut constater que la transcription par un j hébreu du n redoublé assyrien est assez surprenante. Au point de vue étymologique l’opinion de T. G. Pinches est plus satisfaisante ; nous aurions dans rab-mag la transcription du titre mentionné dans plusieurs inscriptions cunéiformes, rab-mugi et rab-mungi : . malheureusement le sens de mugu n’est pas non plus certain, Pinches le traduit avec hésitation « prince », dans Aid. Smitb, Keihchrifltexle Assiirbanipals, part. 2, 1687, p. 67

note à ligne 89 ; dans Hastings, Dictionary, t. iv, p. 190 ;  : . Vigouroux, La Bible et les découvertes modernes, , 6e édit., t. iv, p. 340-341 ; Schrader-Whitehouse, The-Cuneiform Inscr. and the Old Testament, 1888, t. 11, . p. 110-115. E. Paknier.

    1. RECCATH##

RECCATH (hébreu : Raqqat ; Septante : [’Q|ib6a]Saxé 6 en amalgamant R(d)eccath avec le nom d’Émath précédent ) ; Alexandrinus : ’Psxxà6), une des villes fortifiées de la tribu deNephthali, mentionnée seulement une fois, Jos., xix, 35, entre Émath et Cénéreth, et parconséquent très probablement située sur la rive occidentale du lac de Génésareth. Émath, qui devait tirerson nom de ses eaux thermales, est l’actuel El-Hammam r à une demi-heure au sud de Tibériade. Voir Émath 3, t. 11, col. 1720. Le site précis de Cénéreth est douteux, mais cette ville était aussi sur le lac. Voir Cénéreth r t. ii, col. 417. À cause de cette incertitude, on ne peut déterminer l’emplacement précis de Reccath. On’n’a trouvé dans ces parages aucune trace de ce nom. Cette localité devait être néanmoins située à l’endroit où est actuellement Tibériade ou bien dans ses environs-D’après le Talmud ce fut sur l’emplacement de Reccath ou auprès que s’éleva Tibériade. Voir les passages cités par J. Lightfoot, À chorographical Century of the Land of Israël, lxxii, dans ses Works, t. 11, Londres, 1684, p. 67. Cf. Neubauer, Géographie du Talmud, p. 208 ; F. Buhl, Géographie des alten Palâstina, 1896, p. 226 RÉCEM, nom, dans le texte hébreu, d’un Madianite r de deux Israélites et d’une ville de Benjamin. La Vulgate écrit Récen, I Par., vii, 13, le nom d’un des-Israélites.

1. RÉCEM (hébreu : Réqém ; Septante : ’Pox<5|j. r Num., xxxt, 8 ; ’Poêo’x, Jos., xiii, 21), un dès cinq chefs madianitès qui furent mis à mort par les Israélites, ainsi que Balaam, à cause du mal qu’ils avaient fait aux Israélites, du temps de Moïse. Deut., xxxi, 8 ; Jos. r xin, 21.

2. RÉCEM (hébreu : Réqém ; Septante : ’Pexôij. ; Alexandrinus ; ’Poxôn), le troisième des quatre fils d’Hébron, de la famille de Caleb, de la tribu de Juda. fut le père de Sammaï, d’après l’hébreu et la Vulgate-L’édition sixline des Septante donne pour père à Sammaï’Uxlâv, I Par., ii, 43, 44, et le Codex Alexandrinus’Ispxaâv, par répétition fautive de ce nom mentionnéauparavant.

3. RÉCEM (hébreu : Réqém /Septante, Alexandrinus : ’Psxs|i ; Ie nom n’est pas reconnaissable dans le Valicanus), ville de la tribu de Benjamin placée entre Amosai dont le site est incertain, t. i, col. 519, et Jaréphel, qui. est également inconnue. Jos., xviii, 27. Aucune tracede Récem n’a été retrouvée.

    1. RÉCEN##

RÉCEN (hébreu : Réqém [Râqém, à cause de la pause] ; Septante : ’Poxô[ji), fils de Sarès ( ?) et petit-fils de Machir, de la tribu de Manassé. I Par., vii, 16. Son nom devrait être écrit, dans la Vulgàte, Récem, comme Récem 1, 2, 3.

    1. RECENSEMENT##

RECENSEMENT, dénombrement des Israélites.. Voir Nombre, vi, t. iv, col. 1684-1687.

    1. RÉCHA##

RÉCHA (hébreu : Rêkâh ; Septante : Trixâë), ville de-Palestine dont le nom seul est connu. Nous lisons, I Par., iv, 12, que les fils d’Esthon, Bethrapha, Phessé et Tehinna qui Tut le père (le fondateur) de la ville de Naas, furent « les hommes de Récha, » c’est-à-dire habitèrent la ville de Récha. C’est l’unique, passagede l’Écriture qui mentionne cette localité. -.’_.. « iooi

RECHAB

RECHABITES

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    1. RÉCHAB##

RÉCHAB (hébreu : Rêkâb ; Septante *P » )-/16), nom de trois personnages de l’Ancien Testament. On interprète ce nom par « cavalier », c’est-à-dire nomade voyageant à chameau.

1. RÉCHAB, fils de Remmon, de la tribu de Benjamin, îl s’était attaché à la fortune d’Isboseth après la mort de Saûl, avec son frère Baana.Tous les deux avaient été -à la tête d’une bande de pillards et ils devinrent les meurtriers du fils de Saül qu’ils firent périr traîtreusement. Ayant apporté sa tête à David, celui-ci les fit mettre à mort. II Reg., iv, 2. Voir Baana 1, t. iii, col. 1343.

2. RÉCHAB, père ou aïeul de Jonadab. Voir Jonadab 2, t. iii, col. 1604. C’est de lui que tirèrent leur nom les Réchabites. IV Reg., x, 15, 23 ; I Par., ii, 55 ; Jer., xxxv, 6-19. Voir Réchabites. Il appartenait à la tribu des Cinéens et était descendant de Hammath, nom que la Vulgate, I Par., ii, 55, a traduit par Chaleur. Nous ne savons rien de son histoire personnelle.

3. RÉCHAB, père de Melchias. Ce dernier refit sous Néhémie la porte du Fumier à Jérusalem. II Esd-, iii, di. Beaucoup d’interprètes croient que Réchab était son ancêtre, non son père, et qu’il n’est pas différent -de Réchab 2. Melchias était, dans ce cas, un Réchabite.

Voir RÉCHABITES.

    1. RÉCHABITES##

RÉCHABITES (hébreu : Rêkâbîm ; Septante : Ap^a6eiv ; Alexandrinus : ’AXy_a.6s.iv ; Vulgate : Rechabitœ), descendants de Réchab 2. Jer., xxxv, 2, 3, 5, 18. Les Réchabites étaient une famille cinéenne. I Par., ir, 55. Quelques commentateurs ont supposé que Réchab était le même que Hobab, Num., x, 29 ; Jud., iv, 11 ; Calmet, Dissertation sur les Réchabites, dans Comment, litt., Jérémie, 1731, p. xlvii, mais cette hypothèse s’appuie seulement sur son origine cinéenne. Voir Cinéens, 4. ii, col. 768. — Les ancêtres des Réchabites habitèrent -au sud et aussi au nord de la Palestine, où le livre des Juges nous montre des Cinéens établis au temps de Débora. Jud., iv, 17 ; v, 24. C’était d’ailleurs une tribu nomade et, du temps de Jérémie, nous les rencontrons dans le royaume de Juda, Jer., xxxv, 11, comme nous les rencontrons dans celui d’Israël au temps de Jéhu. m Reg., x, 15-17.

I. Histoire. — L’Écriture parle trois ou quatre fois des Réchabites. — 1° Jonadab le Réchabite fit éclater son zèle pour le monothéisme en poursuivant avec le roi Jéhu les adorateurs de Baal. IV Reg. x, 15-17.

2° L’événement le plus célèbre de leur histoire est celui qui est raconté par Jérémie, xxxv. Lorsque NabuChodonosor envahit le royaume de Juda, sous le règne de Joakim, les Réchabites qui campaient, peut-être à la suite de la ruine du royaume du nord, dans le sud de la Palestine, se réfugièrent à Jérusalem pour se mettre A l’abri des Chaldéens. Le prophète Jérémie, connaissant’leurs coutumes, les invita avec leur chef Jézonias, Jer., xxxv, 1-11, à se réunir avec lui dans une chambre du Temple et là il leur offrit du vin. Ils refusèrent de l’ac" « cepter, pour obéir, dirent-ils, aux prescriptions de leur père Jonadab qui leur avait interdit de boire du viii, de bâtir des maisons, d’ensemencer des terres et de planter des vignes, et leur avait ordonné « de vivre sous la tente. » La nécessité les avait contraints de se retirer à Jérusalem, mais ils n’avaient jamais violé les ordonnances de leur ancêtre qui vivait du temps de -3éhu, près de trois cents ans auparavant ; ils voulaient toujours lui obéir. Ces prescriptions avaient sans doute pour but dans l’esprit de Jonadab de préserver ses descendants de la contagion des mœurs païennes et de les maintenir dans la pureté du culte de Jéhovah, auquel ils avaient toujours été fidèles, en les faisant vivre dans l’isolement, en nomades et en pasteurs. Les coutumes

qu’ils suivaient étaient dans le fond une conséquence de la vie nomade (cf. Diodore de Sicile, xix, 94), sur les Nabuthéens, mais Jonadab, pour conserver sa tribu dans l’intégrité de ses croyances, rendit ces pratiques comme sacrées et inviolables, de sorte que, sans se mêler avec les Juifs et probablement sans être astreints à l’observance des rites mosaïques qui n’avaient été imposés qu’aux Israélites, ils menaient une vie presque ascétique et adoraient fidèlement le vrai Dieu. Jérémie loue au nom du Seigneur leur obéissance, qu’il met en contraste avec la conduite des Juifs, et leur promet de la part du Dieu d’Israël qu’il subsistera toujours « en présence de Jéhovah un homme de la race de Jonadab, fils de Réchab. » Cette locution, qui est appliquée aussi à la tribu de Lévi, Deut., x, 8 ; xviii, 5, 7 ; cf. Gen., xviii, 22 ; Jud., xx, 28 ; Ps. cxxxui, 1 ; cxxxiv, 1 (Vulgate, 2) ; Jer., xv, 19, signifie « servir Dieu » dans son sanctuaire. Voir Gèsenius, Thésaurus, p. 1039. On croit assez communément, d’après ces paroles de Jérémie, qu’il y eut des Réchabites attachés au service du Temple, comme les Nathinéens ; leurs filles, dit-on, furent données en mariage aux Lévites.

3° La troisième circonstance où les Réchabites sont nommés dans l’Écriture, c’est dans le titre du Psaume lxx (hébreu, lxxi). Les Réchabites étaient sans doute encore enfermés dans Jérusalem quand Nabuchodonosor se rendit maître de cette ville, et plusieurs d’entre eux purent être emmenés en captivité en Cbaldée. Les Septante et la Vulgate portent au titre du Psanme lxx : « Psaume de David, des fils de Jonadab et des premiers captifs. » Le texte hébreu ne contient pas cette indication, mais, quelle que soit la valeur qu’on y attache, il en résulte du moins qu’à l’époque de la traduction grecque des Psaumes, au deuxième siècle avant notre ère, sinon auparavant, on croyait dans les milieux juifs, que les Réchabites avaient été captifs à Rabylone.

4° Un chef appelé Réchab, probablement parce qu’il était Réchabite, II Esd., iii, 14, travailla avec les principaux du peuple, du temps de Néhémie, au rétablissement de l’enceinte de Jérusalem. Voir Réchab 3, col. 1001.

II. Opinions diverses sur les Réchabites. — Les savants anciens et surtout modernes ont fait toutes sortes d’hypothèses sur les Réchabites, mais elles s’appuient généralement sur des arguments peu sérieux, sur des subtilités d’étymologie, sur des identifications forcées de personnages divers, etc. Plusieurs, Cheyne, Encyclopedia biblica, t. iv, 1903, col. 4019, voient dans les Réchabites « une sorte d’ordre religieux, analogue aux Nazaréens ». Il ne faut rien outrer, malgré quelques points de ressemblance : les Nazaréens, Samson, Samuel, etc., n’appartenaient pas à un ordre religieux, si l’on attache un sens précis à ce dernier mot, et nous ne voyons nulle part que les » Réchabites aient suivi les pratiques caractéristiques des Nazaréens, si ce n’est en tant qu’elles étaient communes aux nomades, comm l’abstention de viii, etc. Saint Jérôme, Epist. Lix, ad Paulin., t. xxii, col. 583, voit sans doute dans les Réchabites, comme dans Élie, Elisée et les fils des prophètes, des précurseurs des moines, mais leur genre de vie ressemblait beaucoup plus à celle des Bédouins de nos jours qu’à celle des solitaires et des^ânæhorètes. — On a fait aussi des Réchabites une secte religieuse ; nous savons seulement qu’ils adoraient Jéhovah, comme Jéthro et leurs ancêtres les Cinéens. — On les a assimilés aux Assidéens, Râsîdîm, dont parlent les livres des Machabées. IMach., ii, 42 ; vii, 17. « Le nom d’Assidéens, dit avec raison Calmet, Dissert, sur les Réchabites, p. li, se donnait à toutes les personnes qui faisaient une profession particulière de dévotion et de piété… Qui oserait soutenir que tous ceux qui consacraient leur vie aux exercices de la religion suivaient l’institut des Réchabites ? » Et il ajoute : « D’autres les confondent avec

les Esséniens, mais leur genre de vie est trop dissemblable. Les Esséniens vivaient à la campagne, occupés à cultiver la terre, etc. » Josèphe Ant. jud., XVIII, ii, 5 ; Bell, jud., II, viii, 2-13. Sur les Esséniens, voir E. Schùrer, Geschichte des jûdischen Volkes itn Zeit. Christi, t. ii, 3e édit., 1898, p. 556-584.

Les Réchabites ne sont plus nommés dans les Écritures depuis le retour de la captivité (excepté l’allusion II Esd., ii, 14). Héségippe, dans Eusèbe, H. E., ii, 23, t. xx, col. 201, raconte qu’un prêtre réchabite essaya d’empêcher le martyre de l’apôtre saint Jacques Je Majeur, mais le titre de prêtre qu’il donne à un Réchabite rend son récit suspect — Benjamin de Tudèle raconte que de son temps vivaient dans le pays de Théma, Is., xxi, 14 ; Jer., xxv, 23, les Benê Rekhab ou Réchabites, qui y possédaient un territoire de seize jours de marche en longueur et vivaient de razzias. Ce qu’il en dit ne mérite pas confiance, The Itinerary ofR. Benjamin of Tudela, translatée and edited by A. Asher, 2 in-12, Londres, 1840-1841, t. i, p. 112-114 - Sur les Réchabites, voir *H. Witsius, Exercitatio ix de Rechabitis, dans ses Miscellanea sacra, 2 in-4°, Amsterdam, 1695-1700, t. ii, p. 223-237 ; Calmet, Dissertation sur les Réchabites, dans le Commentaire littéral, Jérémie, 1731, p. xlhi-lih. F. Vigouroux.

    1. RECHUTE##

RECHUTE, retour volontaire au péché déjà commis.

— De fréquentes rechutes sont signalées dans l’histoire du peuple d’Israël. Au désert, après avoir murmuré sur le manque d’eau potable, Exod., xv, 24, et de viande, Exod., xvt, 3, et avoir obtenu leur pardon â la suile de’leurs hommages au veau d’or, Exod., xxxill, 1-17, les Hébreux recommencent à manifester leur mécontentement au sujet de la nourriture, Num., xi, 4-6, et de l’eau, Num., xx, 2-5, et ils retombent dans l’idolâtrie, Num., xxv, 1-6. Sous les Juges, l’abandon de Jéhovah se reproduit à plusieurs reprises, Jud., iii, 12 ; iv, 1 ; vi, 1 ; x, 6 ; etc., et les mêmes rechutes dans l’idolâtrie se renouvellent durant la période des rois. Isaïe, xxx, 1, reproche à ses contemporains d’accumuler péché sur péché. — L’Ecclésiastique, xix, 13-14, recommande d’interroger l’ami qui a mal agi ou mal parlé, afin qu’il ne recommence plus. Il observe qu’il ne sert de rien de se purifier, si l’on touche ensuite une chose impure, ni de jeûner pour ses péchés, si l’on va les commettre encore. Eccli., xxxiv, 30, 31 (25, 26). L’insensé qui retourne à sa folie, c’est-à-dire à son péché, est comparé au chien qui retourne à son vomissement, Prov., xxvi, 11. — Notre-Seigneur représente l’âme en péché comme habitée par le démon. Celui-ci parti, l’âme se purifie et s’orne de vertus. Mais le démon revient, il amène avec lui sept autres démons plus méchants, et, si tous rentrent dans cette âme, l’état de cette dernière devient pire qu’auparavant. Matth., xii, 43-45 ; Luc, xi, 24-26. Le Sauveur applique ce qu’il vient de dire à la génération qui lui est contemporaine ; elle renouvelle, en les aggravant, les fautes des générations qui ont précédé : elle en subira les conséquences. Il en est de même pour chaque âme en particulier, ainsi que l’explique saint Pierre : « Si ceux qui, par la connaissance de Notre-Seigneur et Sauveur Jésus-Christ, s’étaient retirés de la corruption du monde, se laissent vaincre en s’y engageant de nouveau, leur dernier état devient pire que le premier… Il leur est arrivé ce que dit un proverbe avec beaucoup de vérité : Le chien est retourné à son propre vomissement. » II Pet., ii, 2022. — Sur le texte de l’Épître aux Hébreux, vi, 4-6, concernant l’impossibilité du renouvellement après la

rechute, voir Pénitence, col. 43.
H. Lesêtre.
    1. RÉCOMPENSE##

RÉCOMPENSE (hébreu : sâkâr ou sékér ; Septante : sii<jfl<$ ; , àvraxôSo » t « ; Vulgate : merces, retribu tio), avantage ou jouissance que l’on accorde à celui qui a bien agi. Sur la récompense matérielle payée à celui qui a travaillé pour un autre, voir SalmRE.

1° Récompense temporelle. — Le Seigneur dit à Abraham : « Ne crains point, Abram ; je suis ton bouclier ; ta récompense (sera) très grande. x> Septante : « Je te protège, ta récompense sera très grande. » Vulgate : « Je suis ton protecteur et ta récompense (sera) très grande. » Les Septante ont bien rendu le sens de la phrase, dans laquelle il faut nécessairement suppléer le verbe en hébreu et dans la Vulgate. Le Seigneur ne dit pas à Abraham qu’il sera lui-même sa récompense très grande ; autrement l’on ne comprendrait plus la question qu’Abraham adresse ensuite à Jéhovah : « Seigneur Jéhovah, que me donnerezvous ? » La récompense promise sera la postérité, nombreuse comme les étoiles, que Dieu assurera à_ son serviteur. Gen., xv, 1, 2, 5. — Booz souhaite à Ruth que Dieu lui accorde la récompense que mérite son dévouement. Ruth, ii, 12. Tobie le fils, xii, 2, demande quelle récompense pourra être offerte à celui qui l’a conduit et protégé. Mardochée n’avait reçu aucune récompense après avoir dénoncé le complot tramé contre la vie du roi ; celui-ci la lui fit décerner. Esth., vi, 3-11. — Certains avantages temporels peuvent avoir le caractère de récompenses, comme, par exemple, la famille nombreuse, Ps. cxxvii (cxxvi), 3 ; le don de la parole. Eccli., li, 30. Mais souvent cette récompense est vaine. Eccli., xi, 18 ; Matth., vi, 2, 5, 16. — En général, Dieu traite ici-bas les hommes suivant leur conduite. II Reg., xxii, 21 ; III Reg., viii, 32 ; H Par., vt, 23 ; Ps. xviii (xvii), 21, 25. La récompense est assurée au juste, Prov., xiii, 21 ; à l’observateur de la loi de Jéhovah, Ps. xix (xviii), 12 ; à celui qui a foi dans le Seigneur, Eccli., ii, 8 ; à l’homme pieux, Eccli., xi, 24 ; à celui qui fait l’œuvre de Dieu, Eccli., li, 38 ; à celui qui sème la justice, Prov., xi, 18 ; au bienfaiteur de l’homme pieux. Eccli., xii, 2. Dieu récompense celui qui donne, en lui rendant sept fois autant. Eccli., xxxv, 13. — D’après les Septante et la Vulgate, le juste incline son coeur à l’observation des lois divines « à cause de la récompense. » Ps. cxix (cxvffl), 112. Dans l’hébreu, il y a : « jusqu’à la fin. » Le mot hébreu’êqéb veut dire « fin » et se prend adverbialement avec le sens de « jusqu’à la fin, perpétuellement i>. Ps. cxxi (cxvra), 33, 112. Par extension, cette fin peut être une récompense, le prix d’un travail ; mais alors « pour la récompense » se dit en hébreu’al-êqéb, Ps. xl (xxxix), 16 ; lxx (lxix), 4, quoiqu’on lise simplement’êqéb dans Isaïe, v, 23, ÉWev Siipov, pro muneribus, « pour des présents ». L’idée de remplir son devoir à cause de la récompense n’est pas étrangère à la Sainte Écriture, puisqu’il est dit qu’Abraham « avait les yeux fixés sur la récompense, s eîc ttjv [ii<j9a7roSo<rt’av, m reniunerationem. Heb., xi, 26. Le concile de Trente, visant le t. 112 du Ps, cxviii, sess. vi, De juslificat., 11, a déclaré parfaitement légitime, « tout en cherchant avant tout la gloire de Dieu, d’envisager aussi la récompense éternelle. » Il ne suit pas de là cependant que le motif intéressé de la récompense soit le seul qui détermine le juste à faire le bien. Le motif désintéressé de l’amour et de la gloire de Dieu a aussi sa part plus ou moins large et prépondérante dans ses déterminations. Le Sauveur ressuscité dit de lui-même : « Ne fallait-il pas que le Christ souffrit toutes ces choses pour entrer dans sa gloire ? » Luc, xxiv, 26. Or personne ne contestera qu’il a mis l’amour et la gloire de son Père bien au-dessus du triomphe de sa sainte humanité., Il en est de même, à proportion, de tous les vrais serviteurs de Dieu.

2° Récompense éternelle. — Sans exclure formellement les récompenses de l’autre vie, les écrivains de l’Ancien Testament s’en tiennent surtout à celles de la

vie présente. Isaïe, le premier, annonçant le salut futur, montre le Seigneur qui vient, « et sa récompense avec lui. » Is., XL, 10 ; lxii, 11 ; cf. Apoc., xxii, 12. Dans la Sagesse, ii, 22, il est dit plus clairement que, si les méchants « n’espèrent pas de rémunération pour la justice, et ne jugent pas qu’il existe une glorieuse récompense pour les âmes justes, » cependant « les justes vivent éternellement et leur récompense est auprès du Seigneur. » Sap., v, 15-16. Cf. II Mach., xii, 45. — Notre-Seigneur insiste sur la récompense promise à ses serviteurs. Méprisés et persécutés sur la terre, ils auront une grande récompense dans les Cieux. Matth., v, 12 ; Luc, vi, 23. À ceux qui ont tout quitté pour le suivre, il promet le centuple et la vie éternelle. Matth., xix, 29 ; Marc, x, 30 ; Luc, xviii, 30. Il y a là une double récompense : le centuple, beaucoup plus qu’on n’a quitté, c’est la récompense terrestre, ^exà Stwruôv, « au milieu des persécutions », dit saint Marc, x, 30, et non cum persecutionibus, « avec des persécutions », comme traduit la Vulgate, bien qu’en un certain sens les persécutions bien' supportées puissent être considérées comme une récompense, parce qu’elles augmentent le mérite et la gloire éternelle ; celle-ci constitue la récompense de l’autre vie. Celui qui reçoit le prophète ou le juste, à raison de leur caractère, aura la récompense du prophète ou du juste, Matth., x, 41, et celui qui donne une simple coupe d’eau fraîche au nom du Sauveur, aura aussi sa récompense. Matth., x, 42 ; Marc, îx, 40. Celui qui fait du bien aux pauvres est heureux que ceux-ci ne puissent le lui rendre ; « il aura sa récompense à la résurrection des justes. » Luc, xiv, 14. Cette récompense sera le royaume préparé dès l’origine du monde pour les bénis du Père, la vie éternelle. Matth., xxv, 34, 46. — Les Apôtres aiment à rappeler aux fidèles la récompense promise, le repos après leurs travaux, Apoc, xiv, 13 ; cf. xi, 18 ; la « pleine récompense », II Joa., 8 ; l’héritage céleste, Col., iii, 24. Il faut croire que Dieu « est le rémunérateur de ceux qui le cherchent. » Heb., xi, 6. Cette récompense sera proportionnée au travail de chacun. I Cor., iii, 8. Voir Œuvre, t. iv, col. 1758. Mais, seul, l’ouvrage qui résistera au feu pourra l’obtenir. I Cor., iii, 13-15. Cette récompense est présentée sous la figure d’une couronne. Saint Paul attend la couronne de justice que lui donnera le Seigneur, le juste Juge, ainsi qu'à tous ceux qui auront aimé son avènement. II Tim., iv, 8. Celui qui supporte l'épreuve recevra la couronne de vie que Dieu a promise à ceux qui l’aiment. Jacob, i, 12. Quand paraîtra le Prince des pasteurs, ses fidèles obtiendront la couronne de gloire qui ne se flétrit jamais. I Pet., v, 4. La couronne de vie est assurée à celui qui est fidèle jusqu'à la mort et qui tient ferme ce qu’il a, de peur qu’on ne la lui ravisse. Apoc, ii,

10 ; iii, ll.
H. Lesêtre.
    1. RÉCONCILIATION##

RÉCONCILIATION (grec : xaxaXXa-n, àvTàXXavua ;

Vulgate : reconciliatio), reprise des rapports amicaux entre deux partis ennemis.

1° Entre hommes. — Des réconciliations sont mentionnées entre Ésaû et Jacob, Gen., xxxiii, 4 ; entre Joseph et ses frères, Gen., xlv, 3-5 ; entre les Benjamites et les autres tribus d’Israël, Jud., XXI, 13 ; entre David et Absalom, II Reg., xiv, 21-33 ; entre Eupator et les Juifs, II Mach., xiii, 23 ; entre Hérode et Pilate, Luc, xxiii, 12, etc. — Notre-Seigneur veut qu’on aille se réconcilier avec son frère avant de présenter son offrande à l’autel. Matth., v, 24. Lui-même, par sa mort, a renversé le mur de séparation qui se dressait entre les deux peuples, juifs et gentils, et il les a réconciliés. Eph., ii, 16. — Saint Paul décide que la femme séparée de son mari doit ou se réconcilier avec lui ou rester sans se marier. I Cor., vii, 11.

2° Entre Dieu et les hommes. — Au temps de la colère, Noé est devenu un ivT<iXXaY|JLa, « une réconciliation ». Eccli., xliv, 17. Il a rétabli les bons rapports entre Dieu et l’humanité. Le mot hébreu correspondant est tahâlif, de l’hiphil de hâlaf, comme nahâlif dans Isaïe, ix, 9. Il signifie « substitution », comme quand on remplace un arbre par un autre. Noé est en effet devenu la souche d’une nouvelle humanité. — Le Seigneur se réconcilie avec son peuple quand il cesse de le traiter sévèrement. II Mach., i, 5 ; v, 20 ; vii, 33 ; vin, 29. — La réconciliation parfaite et définitive de Dieu avec l’humanité a été opérée par la mort de Jésus-Christ. Rom., v, 10, 11 ; II Cor., v, 18 ; Col., i, 20, 22. Pour assurer les fruits de cette réconciliation, Notre-Seigneur a confié à ses Apôtres la prédication et le ministère de la réconciliation, II Cor., v, 19, c’està-dire la mission de la faire connaître et le pouvoir d’en appliquer la grâce. Il ne manque plus que le consentement de l’homme, et c’est pourquoi saint Paul supplie ses fidèles de se réconcilier avec Dieu. II Cor., v, 20. H. Lesêthe.

    1. RECONNAISSANCE##

RECONNAISSANCE (hébreu : (ôdàh, « action de grâces » ; Septante : e-j^apsori’a, aîvé<riç, È|o(j.oXdyi](j’n ;  ; Vulgate : gratiarum actio, laus, confessio), expression des sentiments de joie, d’affection et de dévouement que l’on éprouve à l'égard de celui dont on a reçu un bienfait. Le contraire de ce sentiment est l’ingratitude. Voir Ingratitude, t. iii, col. 877. La Sainte Écriture parle quelquefois de reconnaissance envers les hommes. Esth., xvi, 4 ; Sap., xviii, 2 ; Eccli., xxxvii, 12 ; 1 Mach., xiv, 25 ; II Mach., iii, 33 ; xii, 31, etc. Mais habituellelement la reconnaissance à laquelle elle fait allusion s’adresse à Dieu.

1° La reconnaissance envers Dieu s’exprime d’abord par des sacrifices. Les offrandes de Caïn et d’Abel sont un hommage rendu à Dieu à cause de sa grandeur et aussi de ses bienfaits. Gen., iv, 3, 4. L’action de grâces inspire également les sacrifices de Noé, Gen., viii, 20, et de Melchisédech. Gen., XIV, 18, 19. Dans la loi mosaïque, le sacrifice pacifique, sélém, était souvent un sacrifice d’action de grâces, Lev., iii, 1 ; vii, ii, 13, 15 ; Num., vii, 17, et il s’appelait {ôddh quand il avait pour but spécial l’expression de la reconnaissance. Lev., vii, 13, 15 ; xxii, 29 ; Ps. lvi (lv), 13. Comme le sacrifice de la croix et le sacrifice de la messe remplacèrent tous les sacrifices anciens, l’action de grâces est une des quatre fins pour lesquelles ils ont été offerts. Voir Sacrifice.

2° La reconnaissance s’exprime encore par des chants. Elle inspire les cantiques de Moïse après le passage de la mer Rouge, Exod., xv, 1-18 ; de Débora, Jud., v, 1 ; d’Anne, I Reg., ji, 1-10 ; de Tobie, xiii, 2-23 ; de Judith, xvi, 2-21 ; d'Ézéchias, Is., xxxviii, 10-20 ; des jeunes hommes dans la fournaise, Dan., iii, 52-90 ; de la Sainte Vierge, Luc, i, 46-55 ; de Zacharie, Luc, i, 6879 ; de Siméon, Luc, a, 29-32, etc. De plus, trente Psaumes ont pour objet direct la reconuaissance. Ps. (hebr.), ix, xviii, xxi, xxx, xxxiv, xl, xlvi-xlviii,

LXV, LXVII, LXVUI, LXX, LXXXV, XCVIII, C, CIII, CIV, CVII, CXI, CXVI, CXVIII, CXXIV, CXXVI, CXXXIV, CXXXVI, cxxxviii,

cxliv, cxlvi, cxlvii. Dans plusieurs âùtrésyies auteurs sacrés expriment leur reconnaissance. Ps. xxvi (xxv), 7 ; xlh (xli), 5 ; h (xlix), 14, 23 ; cvn (cvi), 22 ; cxvi (cxv), 17, etc.

3° La prière est une troisième forme d’action de grâces. Tob., ii, 14 ; xi, 7, 12. C’est ainsi que le Sauveur rend grâces à son Père. Joa., xi, 41. Saiut Paul fait de même. Act., xxviii, 15. Dans presque toutes ses Epîtres, il insère de3 formules d’actions de grâces. Rom., i, 8 ; VI, 1 ; xvi, 4 ; 1 Cor., 1, 4, k ; w, & ; "sm, 5>î -, UCoï., h, 14 ; viii, 16 ; ix, 15 ; Eph., i, 16 ; Phil., i, 3 ; Col., i, 3 ; I Thess., i, 2 ; ii, 13 ; iii, 9 ; II Thess., i, 3 ; I Tim.,

1, lï ; II Tim., i, 3 ; Phïlem., 4. Il recommande vivement le devoir de l’action de grâces : « En toutes choses rendez grâces, car c’est la volonté de Dieu dans le Christ Jésus à l’égard de vous tous. » I Thess., v, 18. Il constate souvent l’accomplissement de ce devoir.

I Cor., xiv, 17 ; Il Cor., i, 11 ; iv, 15 ; IX, 11, 12 ; Eph., v, 4, 20 ; Phil., iv, 3 ; Col., i, 12 ; ii, 7 ; iii, 17 ; iv, 2 ;

II Thess., ii, 12 ; ITim., ii, 1 ; cf. Apoc, vii, 12 ; xi, 17. 4° Les bienfaits de Dieu appellent la reconnaissance.

Dieu ne les a refusés à personne, pas même à ceux qui le méconnaissaient. Act., xiv, 16. Les gentils sont donc inexcusables, « puisque, ayant connu Dieu, ils ne l’ont pas glorifié comme Dieu et ne lui ont pas rendu grâces. » Rom., 1, 21. Sur dix lépreux guéris par Notre-Seigneur, un seul songea à venir le remercier. Luc, xvii, 16. L’aveugle de Jéricho, une fois guéri, suivait Jésus en glorifiant Dieu. Luc, xviii, 43. L’action de grâces du pharisien ne pouvait plaire à Dieu, parce qu’elle était dictée par l’orgueil. Luc, xviii, 11. — Notre-Seigneur rend grâces au moment de multiplier les pains. Matth., xv, 36 ; Marc, viii, 6 ; Joa., vi, 11, 23, Saint Paul rend grâces avant de manger, Act., xxvii, 35, et suppose que les fidèles font de même. Rom., xiv, 6 ; I Cor., x, 30 ; I Tim., iv, 3, 4. Le Sauveur surtout rend grâces avant d’instituer son divin sacrement, Matth., xxvi, 27 ; Marc, xiv, 23 ; Luc, xxii, 17, 19 ; I Cor., xi, 24, d’où le nom d’iîucharistie donné à ce

sacrement.
H. Lesêtre.
    1. RÉDEMPTEUR##

RÉDEMPTEUR (hébreu : gô’êl ; Septante : Xutputï |ç, Xytpo’j(j.6vos, py<ràu.evoç, pyiJfiEVOç, l£aipoyu.£voç ; Vulgate : redemptor), celui qui défend contre les ennemis, Job, xix, 25, et délivre d’eux. Voir Goêl, t. iii, col. 264265. Jéhovah est par excellence le rédempteur d’Israël, parce qu’il doit le délivrer des ennemis temporels qui le tiendront en captivité, comme il a fait dans les temps anciens, Is., lxiii, 16, et que, par son Messie, il délivrera le nouvel Israël, l’humanité rachetée, de la tyrannie de Satan et du péché. Au nom de go’êl, est souvent joint celui de « Saint d’Israël », Is., xlî, 14 ; xliii, 14 ; xlvii, 4 ; XLViir, 17 ; xlix, 7 ; liv, 5, ou de « Puissant de Jacob », Is, , xlix, 26 ; lx, 16, à cause de la victoire remportée sur Dieu par Jacob, Gen-, xxxii, 28, présage de la victoire que doit remporter en faveur d’Israël la miséricorde de Dieu sur sa justice. Le rédempteur est aussi « Jéhovah des armées », Is., xliv, 6 ; xlvii, 4, à cause de la puissance qu’il déploiera pour délivrer son peuple. Cf. Is., xliv, 24 ; liv, 8 ; lix, 20 ; Jer., L, 34 ; Lam., iii, 58 ; Ps. xix (xviii), 15 ; lxxviii (lxxvii), 35. — Dieu est aussi appelé mipldt, « celui qui délivre », pyorri ?, liberalor. Ps. xviii (xvii), 3, 48 ; lxx (lxix), 6 ; Cxliv (cxlih), 2 ; Dan., vi, 27. — Jésus-Christ est le rédempteur par excellence de son peuple et de toute l’humanité. Voir Rédemption. Cependant ce nom ne lui est jamais donné dans le Nouveau Testament. On lui attribue le nom équivalent de Sauveur. "Voir Sauveur. — Saint Etienne applique le nom de rédempteur, ïuTpcoTifc, à Moïse. Act., vii, 35. Celui-ci l’a mérité en tant que chargé par Dieu de tirer les Hébreux de la

servitude d’Egypte.
H. Lesêtre.
    1. RÉDEMPTION##

RÉDEMPTION (grec : Xy-rpuxriç, àitoX-J-ptouiç ; Vulgate : redemptio), mystère de Jésus-Christ donnant sa vie pour le salut des hommes.

I. Sa. réalité. — D’après certains auteurs protestants ou rationalistes, l’idée de rédemption serait étrangère à la Sainte Ecriture et à la pensée de Jésus. Au xviie siècle, les Sociniens ne voulurent voir dans la mort de Notre-Seigneur qu’un grand exemple de fidélité et de courage. D’après la théorie de Ritschl, aujourd’hui en faveur parmi les Don-catholiques, la mort . de Jésus ne nous sauverait qu’en nous démontrant les peines d’ici-bas : ce ne sont pas des châtiments, mais

des afflictions inséparables de toute vie humaine, et Jésus les endura avec une constance exemplaire. Cf. Bertrand, Une conceptien nouvelle de la Rédemption, Paris, 1891. « Il n’y a pas lieu de parler d’une condamnation surnaturelle et particulière atteignant Jésus sur la croix… Jésus souffre plus et mieux, mais il ne souffre pas autrement que Socrate, les martyrs, les sages, les bons, en un mot, engagés par la vie dans les trames que tissent ici-bas les crimes des méchants. » Aug. Sabatier, La doctrine de Vexpialiun et son évolution historique, in-16, Paris, 1903, p. 87. La doctrine de la rédemption apparaît tout autre dans la Sainte Écriture.

1° Dans l’Ancien Testament. — 1. Le récit de la chute montre Adam frappé d’une peine à cause de son péché ; cette peine est durable et doit s’étendre à toute sa postérité. Dieu promet, il est vrai, qu’un jour quelqu’un de cette postérité meurtrira l’ennemi à la tête, c’est-à-dire en triomphera ; mais la manière dont sera remporté ce triomphe n’est pas indiquée. Gen., iii, 1519. La pratique des sacrifices ne donne d’abord aucun renseignement à ce sujet. Gen., viii, 20. Mais le sacrifice commandé à Abraham présente une très haute portée figurative. Le patriarche reçoit l’ordre d’immoler son fils ; Dieu arrête l’exécution de cet ordre, et un bélier est pris et offert en holocauste à la place de l’enfant. Gen., xxii, 13. À la victime primitivement exigée, une autre est substituée et subit la mort, non pour le péché, il est vrai, mais pour rendre hommage à Dieu. Avec la loi mosaïque, l’idée de substitution s’affirme dans la prescription concernant les premiers-nés, qui appartiennent de droit au Seigneur, mais à la place desquels on doit immoler une victime. Exod., xiii, 13, 15. Puis des sacrifices sont spécialement institués pour le péché, c’est-à-dire que quand un péché a été commis, et qu’on veut en obtenir la rémission, le coupable, indépendamment de ses sentiments de repentir, doit immoler une victime, qui subit ainsi le châtiment à sa place. Lev., iv, 1-v, 13. Ces sacrifices sont offerts régulièrement par les Israélites ; mais le Seigneur leur fait savoir que, par eux-mêmes, les sacrifices ne lui sont pas agréables et. ne répondent pas aux exigences de sa justice. Ps. XL (xxxix), 7, 8 ; li (l), 18 ; Is., i, 11 ; .1er., vi, 20 ; Ose., viii, 13 ; Am., v, 22 ; Mal., i, II. Voir Sacrifice. — Le prophète Isaïe, décrivant les souffrances du serviteur de Jéhovah, c’est-à-dire du Messie, affirme clairement que ces souffrances seront endurées pour des pécheurs :

Véritablement c’étaient nos maladies qu’il portait Et nos douleurs dont il s’était chargé… Lui, il a été transpercé â cause de nos péchés, Brisé à cause de nos iniquités ;

Le châtiment qui nous donne la paix a été sur lui, Et c’est par ses meurtrissures que nous avons été guéris.. Jéhovah a fait retomber sur lui

Notre iniquité à tous…

Et, parmi ses contemporains, qui a pensé Qu’il était retranché de la terre des vivants, [pie ?…

Que la plaie le frappait à cause des péchés de mon peu-Par sa science, le juste, mon serviteur, en justifiera beau-Et lui-même se chargera de leurs iniquités… [coup,

Il a livré son âme à la mort,

Et il a été mis au nombre des malfaiteurs, Lui-même a porté la faute de beaucoup Et il intercédera pour les pécheurs. Is., liii, 4-12.

Voici donc le serviteur de Jéhovah qui se livre lui-même à la mort, sur qui Jéhovah fait peser les iniquités des hommes, qui est frappé à cause des péchés de son peuple, qui intercède pour les pécheurs et qui, par ses souffrances, leur donne la paix et les guérit. C’est la prophétie formelle delà mission rédemptrice du Messie. Il est impossible de prétendre que ce serviteur de Jéhovah est le peuple juif persécuté, comme les docteurs juifs le soutenaient déjà du temps d’Origène, -1009

REDEMPTION

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Cont. Cels., 1, 55, t. xi, col. 761. Les paroles : « La plaie le frappait à cause des péchés de mon peuple » excluent absolument cette interprélation. Celui qui souffre est une personne très distincte, et, s’il souffre, -ce n’est pas pour des péchés personnels dont le prophète ne fait aucune mention, c’est pour les péchés des autres. Cette idée, d’ailleurs, n’est pas formulée comme en passant ; elle constitue le fond même de l’oracle d’Isaïe qui ne la répète pas moins de dix fois dans ces quelques versets. Le serviteur de Jéhovah, c’est le Messie, le Rédempteur. Cf. Condamin, Le livre d’haïe, Paris, 1905, p. 328-344. Toutefois les Juifs n’ont pas compris la prophétie concernant le Messie souffrant. L’idée d’une rédemption par la mort du Messie n’apparaît chez eux qu’exceptionnellement, et encore postérieurement à la prédication évangélique. Voir JésdsChrist, t. iii, col. 1438. Pour eux, la rédemption devait -être seulement une œuvre de puissance et spécialement une délivrance des oppressions temporelles. Cette méconnaissance du vrai caractère du rédempteur était prédite par le même prophète : « Parmi ses contemporains, qui a pensé… que la plaie le frappait à cause des péchés de mon peuple ? » Is., lui, 8 (texte hébreu). Elle n'ôte rien à la force de la prophétie. — L’idée de souffrances expiatoires subies pour d’autres n’est formulée que tardivement dans la littérature juive. Elle est indiquée dans II Mach., vii, 37-38. Mais, dans un apocryphe du premier siècle après Jésus-Christ, elle est présentée avec beaucoup plus de précision. Les martyrs « sont devenus responsables par substitution des péchés de la nation ; "par les mérites de leur sang et de leur mort expiatoire, la divine Providence a sauvé Israël prévaricateur. » JV Mach., xvii, 20-23 ; cf. vi, 28, 29 ; vu, 12. Cette conception, comme celle du Messie souffrant, est d'époque tardive chez les Juifs.

2° Dans l'Évangile. — 1. Malgré l’affirmation de ceux qui prétendent que les Évangiles sont l'écho des doctrines ayant cours à l'époque de leur rédaction, et qui, en conséquence, en éliminent arbitrairement les textes qui contredisent leur système, on a le droit et le devoir d’y reconnaître la pensée même du Sauveur et de ses contemporains. Or, la mission rédemptrice de Jésus y est péremptoirement affirmée. Tout d’abord, le précurseur est envoyé pour donner au peuple « la science du salut dans la rémission de leurs péchés, » Luc, i, 77, « 'est-à-dire pour apprendre aux hommes que le salut doit consister dans la rémission des péchés, et non dans la restauration d’un empire chimérique. Puis l’ange prescrit à Joseph de donner au fils de Marie « le nom de Jésus, parce qu’il doit sauver le peuple de ses péchés. « Matth., i, 21. Ce nom, qui signifie « sauveur », est d’autant plus significatif, que beaucoup d’autres noms différents, Emmanuel, Pasteur, Sagesse, etc., avaient été assignés au Messie dans l’Ancien Testament. Seul, Isaïe, xii, 3 ; xuv, 8, l’avait appeléyesû'dh, « salut ». "Voir Jésus-Christ, t. iii, col. 1423-1426. À Bethléhem, les anges le proclament le Sauveur. Luc, II, 11. Siméon annonce qu’il vient pour la ruine et la résurrection d’un grand nombre en Israël, Luc, ii, 34, c’est-à-dire pour que, à cause de lui, beaucoup se perdent, et que par lui beaucoup ressuscitent en passant du péché à la vraie vie. Anne la prophëtesse parle de lui à ceux qui attendaient la « rédemption d’Israël », Luc, ii, 38, c’est-à-dire, sinon dans leur idée, du moins dans la réalité, le salut qui devait résulter de la rémission du péché.

2. Dès le début de la vie publique, Jean-Baptiste présente Jésus comme « l’Agneau de Dieu, qui ôte le péché du monde. » Joa., i, 29, 36. À Nicodéme, le Sauveur annonce qu’un jour lui r même sera élevé de terre, comme le serpent d’airain, « afin que le monde soit sauvé par lui. » Joa., iii, 17 ; cf. viii, 28 ; xii, 32, 47. Plus tard, par trois fois consécutives, il précise ce

que doit être cette élévation de terre en prédisant sa condamnation et sa mort violente. Matth., xw, 21 ; Marc, viii, 31 ; Luc, ix, 22 ; Matth., xviii, 22 ; Marc, lx, 30 ; Luc, ix, 44 ; Matth., xx, 19 ; Marc, x, 34 ; Luc, xviii, 33. À la transfiguration, sa mort qui devait arriver à Jérusalem fait l’objet de l’entretien de Moïse avec Élie. Luc, ix, 31. Il sait que les Juifs veulent le mettre à mort. Joa., v, 20. Il a hâte de recevoir son baptême de sang. Luc, xii, 50. Il propose à deux Apôtres de boire le même calice que lui, Matth., xx, 22 ; Marc, x, 38, ce calice qu’il acceptera de son Père à Gethsémani. Matth., xxvi, 37-47 ; Marc, xiv, 34-42 ; Luc, xxii, 40-47. Or cette mort du Sauveur ne se présente nullement dans l'Évangile comme le résultat inattendu d’une attitude qui révolte les Juifs. Elle est prévue et voulue par le divin Maître, parce qu’elle est décrétée par le Père et prédite dans les Écritures comme le moyen choisi pour opérer la rédemption. « Il faut, il est écrit, » dit le Sauveur en parlant de ses souffrances et de sa mort. Marc, viii, 31 ; ix, 12 ; xiv, 21 ; Matth., xxvi, 24, 54 ; Luc, xvii, 27 ; xviii, 31 ; xxii, 37 ; xxiv, 25, 44. À Pierre, qui ne veut pas entendre parler de passion et de mort, il reproche sévèrement de n’avoir pas le « sens des choses de Dieu, » Matth., xvi, 22 ; Marc, viii, 33, c’est-à-dire l’intelligence de la place qu’occupe la mort du Christ dans le plan divin. Quand la pensée de son supplice trouble son âme, il se ressaisit en disant : « Mais c’est pour cela que je suis arrivé à cette heure ! » Joa., xii, 27. La rédemption par la mort violente est sa raison d'être ; il accepte cette mort parce que telle est la volonté de son Père. Matth., xxvi, 42. Il décrit la nécessité de ce dénouement tragique dans la parabole des vignerons homicides qui mettent à mort le fils même du père de famille. Les pharisiens comprennent enfin, Matth., xxi, 38, 45 ; Marc, xii, 6, 12 ; Luc, xx, 13-15, 19 ; mais il ne profitent pas de la leçon, parce que l’oracle d’Isaïe, un, 1 : « Seigneur, qui a cru à notre parole ? » est pour eux lettre morte. Enfin, l’idée de rédemption établit la synthèse entre les deux précédentes : Jésus doit sauver le monde de son péché, Jésus doit mourir de mort violente, c’est par cette mort qu’il salive. « Le bon pasteur donne sa vie pour ses brebis »  » Joa., x, 11. « Il n’y a pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ses amis. » Joa., xv, 13. « Il est de votre intérêt qu’un seul homme meure poure pewpte, > 4JA, Caïphe, sous l’empire d’une inspiration inconsciente. Joa., xi, 50-52.

3. À la dernière Cène surtout, le Sauveur affirme solennellement sa mission rédemptrice. D’après saint Matthieu, xxvi, 27, Notre-Seigneur présenta la coupe à ses Apôtres en disant : « Buvez-en tous, car ceci est mon sang, de la nouvelle alliance, répandu pour un grand nombre en rémission des péchés. » Dans la Vulgate : « qui sera répandu ». Le texte de saint Marc est le même dans le grec, avec le futur dans la Vulgate. Les mots : » ils en burent tous », placés avant : « ceci est mon sang », Marc, xiv, 23, 24, ne modifient en rien le sens général ; ils expriment seulement la simultanéité de l’acte des Apôtres avec les paroles du Sauveur. Dans saint Luc, xxii, 19, 20, la formule est plus explicite : « Il prit du pain et, ayant rendu grâces, il le rompit et le leur donna en disant : Ceci est mon r-corps, qui est donné pour vous : faites ceci en mémoire de moi. Il fit de même pour la coupe, après le souper, disant : Cette coupe est la nouvelle alliance en mon sang qui est versé pour vous. » Dans la Vulgate : « qui sera versé ». Saint Luc ajoute donc, à propos du corps : « qui est donné pour vous. » Ces paroles manquent dans le Cod. Bezm, dans trois manuscrits latins de la version antérieure à saint Jérôme et dans la version syriaque de Cureton. Mais ils se trouvent dans tous les autres manuscrits grecs et leur authenticité n’est pas douteuse.

Le fût-elle, la même formule est répétée dans saint Luc à propos du sang ; par conséquent, l’idée de rédemption est aussi formellement exprimée par saint Luc que par les deux autres synoptiqnes. Il faut aussi faire entrer ici en ligne de compte le récit de saint Paul, qui se fait évangéliste pour raconter la dernière Cène. Son récit a d’autant plus d’importance que lui-même l’a reçu àitb to-j Kupîou, « du Seigneur ». I Cor., xi, 23. Les anciens commentateurs et beaucoup de modernes admettent qu’il s’agit ici d’une révélation immédiate. La préposition âitô a très souvent ce sens : [/.ciŒte ait ' è|xou, « apprenez de moi ». Matth., xi, 29 ; cf. Act, , ix, 13 ; Col., i, 7 ; iii, 24 ; I Joa., i, 5, etc. Cf. Cornely, In J ad Cor., Paris, 1890, p. 335-336. Saint Paul rapporte ainsi l’institution de. l’Eucharistie : « Le Seigneur Jésus, dans la nuit où il fut livré, prit du pain, et, après avoir rendu grâces, le rompit et dit : Ceci est mon corps, pour vous (ou : qui est rompu pour vous) ; faites ceci en mémoire de moi. De même, après avoir soupe, il prit le calice et dit : Ce calice est la nouvelle alliance en mon sang ; toutes les fois que vous en boirez, faites ceci en mémoire de moi. » I Cor.. xi, 23-26. D’après saint Luc et saint Paul, le corps est « donné pour vous », ou simplement « pour vous » ; d’après saint Matthieu, saint Marc et saint Luc, le sang est « versé pour beaucoup » ou « pour vous », ÛTtÈp TtoVAwv ou û(iûv, ou 7tEpl nn&v. Les prépositions , -ùitÉp et itepi précèdent en grec le nom de la personne en faveur de qui se fait une chose. On meurt ùirép tivôç, « pour quelqu’un », Sophocle, Trach., 708 ; Euripide, Bec, 314 ; Platon, Conviv., 1796 ; on court un danger itepî-uvô ; . Hérodote, viii, 74. Le sang versé pour beaucoup, c’est donc la vie donnée et sacrifiée pour eux. Dans les textes grecs, le participe est au présent, l-/.yyw61.piov, « versé », d’où il suit que cette effusion du sang se fait dans le sacrifice eucharistique lui-même, mais n’y est possible que si ce sang a été versé effectivement dans le sacrifice de la croix. La Vulgate remplace le présent par le futur : quod pro vobis tradelur, « qui sera livré pour vous », I Cor., xi, 24, qui pro niultis eftundetur, « qui sera versé pour beaucoup », Matth., xxvi, 27 ; Marc, xiv, 24, ou, qui pro vobis fundelur, « qui sera versé pour vous ». Luc, xxii, 20. La formule liturgique du canon de la messe est aussi au futur : pro vobis et pro mullis effundetur, « qui sera versé pour vous et pour beaucoup ». L’effusion du sang est alors rapportée au sacrifice de la croix, avec lequel le sacrifice de la messe est étroitement uni. Enfin saint Matthieu ajoute à la formule les paroles « pour la rémission des péchés, » qui caractérisent encore plus nettement la valeur expiatrice du sacrifice de Jésus-Christ. Dans tous ces textes, la mission rédemptrice est l’objet des affirmations les plus positives, sous les formes variées. Il serait contraire à toute critique de [n’y voir qu’une idée mentionnée en passant, ou même introduite après coup dans la contexture des Évangiles. Tout peut donc se résumer dans la parole proférée par le Sauveur à l’occasion de la requête des fils de Zébédée : « Le Fils de l’homme est venu, non pour être servi, mais pour servir, et donner sa vie pour la rançon, Vitpov, redemptio, d’un grand nombre. » Matth., xx, 28 ; Marc, x, 45.

3° Dans les Actes. — Saint Pierre montre Jésus « livré en vertu d’un dessein arrêté par la prescience de Dieu, » Act., ii, 23 ; il l’appelle « sauveur » exalté par Dieu. Act., v, 31. Philippe explique au ministre de la reine Candace le chapitre lui d’Isaïe en l’appliquant à Jésus-Christ. Act., viii, 30-35. Saint Pierre dit au centurion Corneille que tous ceux qui croient en Jésus doivent « recevoir la rémission des péchés en son nom. » Act., x, 43. Saint Paul répète la même affirmation. Act., xiii, 38, 39 ; xxvi, 18. Ces quelques indications laissent entrevoir que la prédication des

Apôtres, sur la question de la rédemption, se conformait aux données consignées plus tard dans les Évangiles.

4° Bans saint Paul. — La doctrine de l’Apôtre sur la rédemption peut se ramener aux points suivants :

1. Dieu nous a réconciliés avec lui par son Fils. Rom., v, 10 ; II Cor., v, 18-19 ; Eph., ii, .4-16 ; Col., i, 19-23 ; ii, 13, 14 ; I Thés., i, 10. Voir Réconciliation, col. 1005. —

2. Dieu a satisfait aux exigences de sa justice à notre égard en sacrifiant son Fils. « C’est lui que Dieu a montré comme victime propitiatoire par son sang au moyen de la foi, afin de manifester sa justice. » Rom., iii, 25. a. En envoyant, pour le péché, son propre Fils dans une chair semblable à celle du péché, il a condamné le péché dans la chair, afin que la justice de la loi fût accomplie en nous. » Rom., viii, 3, 4. Il « n’a pas épargné son propre Fils, mais il l’a livré à la mort pour nous tous, » Rom., viii, 32, « il l’a faitpéché pour nous, afin que nous devenions en lui justice de Dieu. » II Cor., v, 21 ; cf. Gal., iii, 13. Jésus-Christ « a été livré pour nos offenses. » Rom., iv, 27 ; cf. Is., lui, 4, 5. — 3. Le Sauveur s’est livré lui-même pour nous. Il s’est « fait pauvre pour nous, afin de nous enrichir de sa pauvreté, » II Cor., viii, 9 ; « il s’est humilié, il s’est soumis jusqu'à la mort, et la mort de la croix, » Phil., h, 8 ; « il est mort pour nous, » I Thés., v, 10 ; « il est mort pour tous, » II Cor., v, 15 ; « le Christ, au temps marqué, est mort pour les impies… Lorsque nous étions encore des pécheurs, Jésus-Christ est mort pour nous. » Rom., v, 6, 8, 9. Il s’est livré pour son Église, Eph., v, 25-26, et pour chaque âme en particulier. Rom., xiv, 15 ; I Cor., viii, 11 ; Gal., ii, 20 ; I Tim., i, 15, Il « nous a aimés et s’est livré lui-même à Dieu pour nous en oblation et en sacrifice d’agréable odeur. » Eph., v, 2. « Le Christ est mort pour nos péchés, conformément aux Écritures, » I Cor., xv, 3 ; " « il s’est donné lui-même pour nos péchés. » Gal., i, 4. En disant que Jésus-Christ est mort pour nous, qui étions des impies et des pécheurs, et que Dieu l’a fait péché et l’a livré à la mort, afin que sa justice fût manifestée, saint Paul fait entendre que l’injuste seul méritait le châtiment, et que le juste ne l’a subi que par substitution. Or, dans tous ces passages de ses Épifres, l’Apôtre, au lieu d’employer la proposition qui indique la substitution, àvT ! , « à la place de », se sert toujours de ûirip, « pour ». C’est que cette seconde préposition marque mieux l’intention du Sauveur, la fin qu’il se propose expressément en mourant pour nous. De plus, les anciennes victimes étaient bien immolées àv-ri, « à la place » des coupables ; mais c’est tout ce qu’elles pouvaient faire. Le Sauveur ne se contente pas de mourir « à la place » des coupables ; I Tim., ii, 6 ; il meurt « pour » eux, c’està-dire que, par sa mort volontaire, non content de se substituer à nous et de nous soustraire au châtiment, il nous assure encore les plus grands biens. Rom., viii, 32. — 4. Par sa mort, Jésus-Christ a efficacement assuré notre rédemption. Rom., iii, 24 ; v, 9, 10. Ce rachat a été opéré « à grand prix, » I Cor., vi, 20 ; vii, 22, 23, car le Fils de Dieu « s’est donné lui-même pour notre rançon. » I Tim., ii, 6. Il nous a délivrés de la servitude du péché, Col., 1, 14 ; Eph., i, 7 ; Tit., ii, 14 ; de celle de la loi mosaïque, Rom., vii, 4 ; Gal., iii, 13 ; iv, 5 ; decelle de Satan, II Tim., ii, 26 ; Col., ii, 15, et de celle de la mort. II Tim., i, 10. Par contre, il nous a donné la vie.I Thess., v, 10 ; Col., ii, 13 ; II Cor., v, 15. — 5. Les idées de saint Paul sur la rédemption ont leur expression encore plus complète dans l'Épltre aux Hébreux, qui traite spécialement du sacerdoce et du sacrifice de Jésus-Christ. Le Sauveur est venu « dans la chair et le sang, afin de briser par sa mort la puissance de celui qui a l’empire de la mort, afin d'être un Pontife miséricordieux et qui s’acquittât fidèlement de ce qu’il faut auprès de Dieu pour expier les péchés du peuple. »

Heb., it, 14, 17--18. « Nous avons en Jésus, le Fils de Dieu, un grand-prêtre excellent, qui a pénétré les cieux… Nous n’avons pas un grand-prêtre impuissant à compatir à nos infirmités ; pour nous’ressembler, il les a toutes éprouvées, hormis le péché. » Heb., iv, 14, 15. « Il peut sauver parfaitement ceux qui s’approchent de Dieu par lui, puisqu’il est toujours vivant pour intercéder en leur faveur… Il n’a pas besoin, comme les grands-prêtres, d’offrir chaque jour des sacrifices d’abord pour ses propres péchés, ensuite pour ceux du peuple, car ceci, il l’a fait une fois pour toutes en s’offrant lui-même. » Heb., vii, 25, 27. « Ce n’est pas avec le sang des boucs et des taureaux, mais avec son propre sang qu’il est entré une fois pour toutes dans le Saint des Saints, après avoir acquis une rédemption éternelle. » Si le sang des victimes purifiait la chair, « combien plus le sang du Christ qui, par l’Esprit éternel, s’est offert lui-même sans tache à Dieu, purifiera-t-il notre conscience des œuvres mortes, pour servir le Dieu vivant’? … Sa mort a eu lieu pour le pardon des transgressions commises sous la première alliance… Sans effusion de sang, il n’y a pas de rémission. » Le Christ est entré « dans le ciel même afin de se tenir désormais pour nous présent devant la face de Dieu… Il s’est montré une seule fois, dans les derniers âges, pour abolir le péché par son sacrifice. » Heb., ix, 12, 15, 22, 24, 26. En entrant dans le monde, il a dit : « Vous n’avez voulu ni sacrifice, ni oblation, mais vous m’avez formé un corps ; vous n’avez agréé ni holocaustes, ni sacrifices pour le péché. Alors j’ai dit : Me voici… C’est en vertu de cette volonté que nous sommes sanctifiés, parl’oblation que Jésus-Christ a faite, une fois pour toutes, de son propre corps… Par une oblation unique, il a procuré la perfection pour toujours à ceux qui sont sanctifiés. » Heb, , x, 5, 10, 14. « Le Dieu de paix a ramené d’entre les morts celui qui, par le sang d’une alliance éternelle, est le grand Pasteur des brebis, Notre-Seigneur Jésus. » Heb., xiii, 20. Ainsi donc le Seigneur Jésus a pris un corps pour substituer volontairement sa propre immolation à celle des anciennes victimes, impuissantes à obtenir la rémission du péché. Il a versé son sang une fois pour assurer cette rémission et la sanctification des hommes, et maintenant, dans le sanctuaire du ciel, il est toujours vivant afin d’intercéder en leur faveur.

5° Dans saint Pierre. — Aux anciens prophètes, l’Esprit du Christ attestait d’avance les souffrances qui lui étaient réservées, et les fidèles ont été affranchis « par un sang précieux, celui de l’Agneau sans défaut et sans tache, le sang du Christ. » I Pet., i, 11, 19. « Le Christ a souffert pour vous, vous laissant un modèle, afin que vous suiviez ses traces… Lui qui a porté nos péchés en son corps sur le bois, afin que, morts au péché, nous vivions pour la justice ; c’est par ses meurtrissures que nous avons été guéris. » I Pet., ii, 21, 24. « Le Christ a souffert une fois la mort pour nos péchés, lui juste pour des injustes, afin de nous ramener à Dieu. » I Pet., iii, 18. « Puis donc que le Christ a souffert (pour nous) en la chair, armez-vous, vous aussi, de la même pensée… Dans la mesure où vous avez part aux souffrances du Christ, réjouissez-vous. » IPet., iv, 1, 13. C’est le Seigneur qui nous a rachetés ; il est à la fois Seigneur et Sauveur. II Pet., ii, 1, 20.

6° Dans saint Jean. — « Le sang de Jésus-Christ nous purifie de tout péché. » I Joa., i, 7. « Si quelqu’un a péché, nous avons un avocat auprès du Père, Jésus-Christ, le juste. Il est lui-même une victime de propitiation pour nos péchés, non seulement pourles nôtres, mais pour ceux du monde entier. » I Joa., ii, 1, 2. « Jésus a paru pour ôter nos péchés…, pour détruire les œuvres du diable. » I Joa., iii, 5, 8. Dieu « nous a aimés et a envoyé son Fils comme victime de propitiation pour nos péchés…, comme Sauveur du monde. »

I Joa., iv, 10, 14. « À celui qui nous a aimés, qui nous a lavés de nos péchés par son sang, et qui nous a faits rois et prêtres de Dieu, son Père, à lui la gloire et la puissance. » Apoc, i, 5, 6. s Vous avez été immolé, et vous avez racheté pour Dieu, par votre sang, ceux de toute tribu, de toute langue, de tout peuple et de toute nation, et vous les avez faits rois et prêtres. j> Apoc, v, 9, 10. Dans l’Apocalypse, Jésus-Christ est acclamé comme « l’Agneau qui a été immolé. » Apoc, y, 12, 13 ; vii, 14, etc.

7° On le voit donc, les écrivains du Nouveau Testament ont sur la rédemption une doctrine concordante, et cette doctrine est en parfaite harmonie avec celle qu’a formulée le prophète Isale. L’affirmation capitale de la mission rédemptrice du Sauveur se trouve dans les paroles de la dernière Cène, préparées par celles qui précèdent dans Isaïe et dans l’Évangile, reproduites et expliquées ensuite par la prédication et les écrits des Apôtres. Attribuer à saint Paul la première idée d’une doctrine si importante, c’est méconnaître la signification de la prophétie d’Isaïe, le caractère spirituel de l’œuvre du Messie, la cause finale de l’incarnation et le sens des paroles attribuées au Sauveur lui-même sous la garantie des témoins de sa vie publique. Ce serait d’ailleurs supposer très gratuitement et contrairement à toutes les probabilités qu’il a suffi que saint Paul imaginât une théorie de la rédemption pour que les Evangélistes et saint Pierre lui-même en fissent la base de leur exposition doctrinale. Car ce ne sont pas de rares et vagues allusions, ce sont des affirmations répétées et concordantes qui se rencontrent dans tous les auteurs sacrés du Nouveau Testament. À s’en tenir à tous ces textes, et indépendamment même de l’interprétation unanime des Pères, on est donc en droit de conclure que le fait de la rédemption est une réalité prévue plusieurs siècles à l’avance, voulue formellement par Dieu, acceptée volontairement par Jésus-Christ avec toutes les conséquences qui devaient en résulter pour sa personne divine, et effectuée par lui au jour de sa passion et de sa mort sur la croix. Cf. Rivière, Le dogme de la rédemption, Paris, 1905, p. 38-99 ; Rose, Études sur les Évangiles, Paris, 1902, p. 218-270.

II. Ses effets. — La rédemption ne doit pas être isolée de l’incarnation. La valeur de la rédemption se tire, en effet, de la qualité personnelle du Rédempteur, par conséquent de la divinité qui s’est unie à l’humanité dans l’incarnation. D’autre part, le mérite rédempteur a été acquis à tous les actes du Sauveur ; presque tout ce qui est affirmé de la rédemption peut donc s’étendre à toute la vie de Jésus-Christ. Néanmoins sa mort sur la croix constitue l’acte rédempteur par excellence, celui qui couronne tous les autres et en vue duquel ils sont ordonnés. Les effets qui résultent de cet acte sont les suivants :

1° Satisfaction pour le péché. — Le péché constitue une dette vis-à-vis de Dieu ; c’est le nom que lui donne Notrc-Seigneur. Matth., vi, 12. Cette dette représente une jouissance que le pécheur s’est procurée contrairement à la volonté de Dieu. Pour s’acquitter, le pécheur doit donc offrir à Dieu une souffrance en compensation de la jouissance illégitime, et, à raison de la majesté de l’offensé, « sans effusion de sang, il n’y-4 pas de rémission. » Heb., IX, 22. Mais tout le sang des animaux et des hommes étant incapable de donner satisfaction à la justice divine, Jésus-Christ est venu, et en mourant pour les hommes, il s’est constitué leur rançon. Matth., xx, 28 ; Marc, x, 45 ; ITim., ii, 6 ; Tit., ii, 14 ; I Pet., i, 18, 19. En conséquence, le péché a été remis. Joa., i, 29, 36 ; Act., x, 43 ; xiii, 38, 39 ; xxvi, 18. La victime étant divine, la satisfaction offerte par son sacrifice a été surabondante, de sorte que non seulement la justice de Dieu a été pleinement satisfaite, Rom., iii, 25 ; viii, 3,

4, 32 ; II Cor., v, 21, mais encore le prix de la rançon a été très élevé. I Cor., vi, 20 ; vii, 22, 23, « Là où le péché avait abondé, la grâce a surabondé. » Rom., t, 20.

2° Réconciliation avec Dieu. — Les exigences de la justice divine ayant reçu satisfaction, l’homme a été réconcilié avec Dieu, aux yeux duquel il était naguère -un révolté. Rom., v, 10 ; II Cor., v, 18-19 ; Eph., ii, 416 ; Col., i, 19-23 ; I Thés., i, 10 ; I Pet., iii, 18. Le Sauveur « a détruit l’acte qui était écrit contre nous et nous était contraire avec ses ordonnances, et il l’a fait disparaître en le clouant à la croix. » Col., ii, 14. La rédemption est ainsi devenue la cause du salut du monde en le sauvant des effets du péché qui faisait de Dieu, source unique de la vie éternelle, l’ennemi de l’homme. Joa., iii, 17 ; viii, 28 ; xii, 32, 47 ; Heb., vii, 25, 27 ; I Joa., iv, 10, 14. Cette rédemption a été universelle, acquise à tous les hommes qui veulent en profiter.

I Joa., ii, 12 ; Apoc., v. 9, 10. Si, à la dernière Cène, le Sauveur dit seulement que son sang est versé « pour beaucoup », Matth., xxvi, 27 ; Marc, xiv, 24, c’est que c mort pour tous > ; en droit, II Cor., v, 14, même pour ceux qui se détournent de lui, Il Pet., ii, 1, il ne parlait alors que de ceux qui, en fait, devaient profiter de sa mort.

3° Ruine de l’empire de Satan. — Avant la rédemption, Satan était le « prince de ce monde, » Joa., xii, 31 ; xiv, 30 ; « il avait l’empire de la mort, » Heb., ii, 14, par laquelle il exerçait sa tyrannie sur les hommes qui avaient préféré son service à celui de Dieu. Par la rédemption, Jésus-Christ le jette dehors. Joa., xii, 31.

II dépouille les principautés et les puissances, et les livre hardiment en spectacle. Col., ii, 15. Il brise par sa mort la puissance de celui qui avait l’empire de la mort, c’est-à-dire du diable. Heb., ii, 14. Il détruit les œuvres du diable, I Joa., iii, 8, c’est-à-dire le péché et l’influence néfaste dont Satan disposait pour le faire commettre.

4° Délivrance de toutes les servitudes. — Jésus-Christ met fin par sa mort à la servitude du péché, Col., i, 14 ; Eph., i, 7 ; Tit., ii, 14 ; Heb., ix, 26 ; I Joa., iii, 4-6 ; à celle de Satan, II Tim., ii, 26 ; à celle de la mort, Heb., ii, 14 ; II Tim., 1, 10, et à celle de la loi ancienne. Rom., vii, 14 ; Gal., iii, 13 ; iv, 5. Il remplace ces servitudes par la loi de liberté. Jacob., i, 25 ; ii, 12. C’est la liberté glorieuse des enfants de Dieu, Rom., vni ; 21, par laquelle le Christ nous a affranchis. Gal., iv, 31 ; cf. v, 13.

5° Biens de la vie spirituelle. — « Dieu n’a pas épargné son propre Fils, mais il l’a livré pour nous tous ; comment donc, avec lui, ne nous a-t-il pas donné tous les biens ? » Rom., viii, 32. Ces biens sont multiples. Jésus-Christ nous a assuré la possession de la vie, Joa., x, 10 ; Col., ii, 13 ; I Joa., iii, 14, de cette vie spirituelle et surnaturelle qui doit conduire à la vie éternelle. Joa., iii, 15 ; Heb., v, 9 ; ix, 12 ; I Joa., v, 11,

13. Cettte vie surnaturelle comporte la sanctification, Joa., xvii, 19 ; Heb., x, 10, 14 ; xiii, 12, l’adoption divine qui fait de l’homme racheté l’enfant de Dieu, Joa., i, 12 ; Rom., viii, 15, 23 ; Gal., iv, 5 ; Eph., i, 5, le constitue roi et prêtre, Apoc, i, 6 ; v, 9 ; I Pet., ii, 5, c’est-à-dire le consacre pour le service de Dieu et lui donne de vivre pour Jésus-Christ. II Cor., v, 15 ; I Thess., v, 10. Pour que toutes les grâces que comporte cette dignité nouvelle soient accordées à l’homme et dignement utilisées, Jésus-Christ rédempteur est tout à la fois l’intercesseur qui les demande dans le ciel, Heb., iv,

14, 15, et le modèle à imiter sur la terre. I Pet., ii, 21, 24 ; iv, 1, 13.

6° Gloire de Dieu. — Cette gloire est, à vrai dire, le premier et principal résultat que le Fils de Dieu avait en vue en venant sur la terre, tout en se proposant de la procurer par la rédemption des hommes : « Gloire,

dans les hauteurs, à Dieu, et sur la terre, paix, bienveillance pour les hommes. » Luc, II, 14 : Dans ce qu’il dit, ce qu’il fait et ce qu’il souffre, le Fils de Dieu ne cherche que la gloire de son Père. Joa., viii, 49, 50 ; xm, 31, 32 ; xiv, 13. Au moment de partir pour Gethsémani, il dit aux apôtres : « Afin que le monde sache que j’aime mon Père et que j’agis selon le commandement que mon Père m’a donné, levez-vous, partons d’ici. » Joa., xiv, 31. Il rappelle à son Père qu’il l’a glorifié toute sa vie et demande à pouvoir le faire encore en mourant. Joa., xvii, 1, 4, 6, 26. Enfin, dans son agonie, il accepte la mort parce que telle est la volonté de son Père. Matth., xxvi, 39, 42 ; Marc, xiv, 36 ; Luc, xxii, 42. Cette mort est le sacrifice par excellence ; elle procure donc éminemment la réalisation des fins du sacrifice ; elle n’est pas seulement un acte d’expiation et d’intercession en faveur des hommes coupables, elle est aussi et avant tout un acte d’adoration et de reconnaissance envers le Père qui est dans les cieux.

H. Lesêtre.
    1. RÉÉMA##

RÉÉMA, ville d’Arabie, Ezech., xxxvii, 12, dont le nom est écrit en hébreu comme celui que la Vulgate a rendu par Regma. Gen., x, 1 ; 1 Pav., i, 9. VoirREGiu, col. 1022.

REFAÏMVoir Raphaïm, col. 975.

    1. REFRAIN##

REFRAIN, un ou plusieurs mots qui se répètent à plusieurs reprises dans un chant. Le refrain répété en chœur est un élément commun à toutes les poésies populaires, il appartient à toutes les liturgies. La Bible l’exprime par le mot n : y, ’ândh, « élever la voix », spécialement : « répondre », Gen., xxiii, 14 ; Ps. lxvii (lxvi), 14 ; Dan., 11, 7 ; et « chanter (en refrain ou en chœur) ». Ex., xxxii, 18 ; Num., xxi, 27 ; Ps. CXlvii (cxlvj), 7 ; Is., xxvii, 2. Dérivés : ma’ânâh, Job, xxxii, 3, et ma’anit, Ps. cxxix (cxxviii), 3, « réponse ». Les Syriens appellent le refrain’ûnîtâ. C’est le ^W » -, « réplique, réponse », des chants arabes, Viç-j^to-i ou YvKaiiô-tj des hymnes grecques.

1° L’usage du refrain dans les chants hébreux estattesté par l’Écriture, le refrain lui-même est souvent, mais pas toujours régulièrement, porté dans les pièces bibliques. Le Ps. xxvin (xxvii) donne en titre l’indication lë’annôt, « pour chanter » ou « pour répondre ». L’Exode dit gôl’ânôt, « voix de chants » ou c< de chœurs ». Ex., xxxii, 18. Certains auteurs croient que l’expression’alpé sin’dn, Ps. lxviii (lxvii), 18, « les milliers qui répètent », signifierait la réponse en chœur des foules. Goussanville, Prxf. ad Antiphonarium S. Gregorii, dans Gerbert, Monuni. vel. lit. Alem., t. i, p. 64. Quoi qu’il en soit, l’usage du refrain est prouvé par le Talmud, Sota, 20 b : « Après chaque division (de strophe), le peuple reprenait les paroles initiales. » Voir H. Grùnewald, Ueber den Einfluss der Psalmen auf die Enttialtung der katholischen Liturgie, Francfort, 1890, p. 17, 18. Il était très pratiqué chez les Thérapeutes : àvctçiivoiç ipjjLovfat ; … atpotpâç te, ., xai àvTKTtpôçnu ; ..’. (UXsffiv àvTr, xoi ; *ai àvitçiovoiç. Philon, De vita contemplàtiva, xi, édit. Mangey, 485, 486 ; comme aussi dans les premières liturgies chrétiennes : Carmen Christo quasi Deo, dicere SECUM invicem. Pline le jeune, Epist. lxix ad Trajan., édit. Lemaire, t. ii, p. 199 : « À celui qui psalmodie dans l’église, les vierges et les enfants répondront en psalmodiant. Si deux ou trois se trouvent psalmodiant à la maison, ils se répondront l’un à l’autre en psalmodie. » Rahmani, Testamentum D. N. J. €., Mayence, 1899, p. 142, 143.’O X « b « xà ày-pooTt^ia v-xafyoù.Xézia. Constit. apostol., II, 57, t. i, col. 728. Les termes liturgiques ûitaxoT, , îmaKoŒtv, fréquents sous la plume des écrivains ecclésiastiques grecs, Acta Concil. Nicseni 11, Mansi, Conc., t. xiii, col. 170 ; S. Jean Chrysostpme, In Ps. xli, t. lv, col. 155-158 ;

S. Athanase, Apologia de fuga sua, 24, t. xxv, col. 675 ; sont un emprunt à la traduction des Septante, Job, xiv, 13, etta xaXéaetç, éy’5 8s <rot Ù7raxou<rou.ai.

2° Le refrain primitif est une acclamation, teru’âh, Ps. xxxiii (xxxii)3 ; lxxxjx, (cxxxviii) 16 ; Num., xxiii, 21 ; II Sam. (Reg.) vi, 5 ; I Esd., iii, 11, souvent prise en dehors du texte, comme « Amen », Deut. xxv, 15-26. Voir Amen, t. i, col., 475, ou « Alléluia », qui est encore dans le Psautier hébreu placé comme une « antienne » ajoutée aux Psaumes. Voir Alléluia, t. i, col. 369 ; ou bien cette réplique appartient au textelui-même. Nous en avons plusieurs exemples. Au Psaume cxxxvi (cxxxv), chaque verset comporte la réponse kî le’ôldm hasdô, laquelle est indiquée aussi aux Psaumes cvi (cy), et cyn (cvi) ; et il semble que cette même formule de refrain s’employait dans toutes les circonstances solennelles : I Esd. iii, 11 : « ils répondront wi, en louant et en célébrant le Seigneur, parce que sa miséricorde est éternelle. » Voir I P » t., xvi, 41 ; II Par., v, 13 ; vii, 6 ; xx, 21. Le cantique des trois jeunes hommes a pour retrain après chaque verset : « Loué, glorifié et exalté dans les siècles. » Dan., iii, 52-57 ; puis : « Louez-le et exaltez-le dans les siècles », 57-88. Ailleurs le refrain est la reprise des premiers vers. Cf. Exod. xv, 20 avec xv, 1. Voir aussi Ps. viii, 1, et 10. Telle est l’ancienne forme orientale du chant à refrain ou chant alterné. Mais l’alternance eut lieu aussi en suivant sans répétition la psalmodie ou l’hymne, chanté à deux chœurs. Socrate, H. E., vi, 8, t. lxvii, col. 689 ; Barhébræus, Chronic. ecclesiast., ii, 11, édit. Abeloos-Lamy, Paris, 1864, t. ii, p. 33-34. Les traditions artistiques de la Grèce attribuaient du reste aux chants alternés une antiquité immémoriale, lliad., i, 604. Mais le plushaul exemple de chant alterné se trouve dans Isaïe, vi, 3 : « [Les deux séraphins] criaient l’un à l’autre et disaient : « Saint, saint, saint est le Seigneur le Dieu des armées ; toute la terre est remplie de sa gloire, »

L’usage populaire du refrain devint plus tard, dans les poésies scripturaires, un procédé littéraire étudié. Au Psaume xlvi (xlv) le refrain se forme des derniers vers de la strophe :

Le Seigneur des armées est avec nous ; Le Dieu de Jacob est notre refuge.

Voir Bickell, Metrices biblicse regitlæ exemplïs illustratæ, Inspruck, 1879, p. 45. C’est aussi un refrain trois fois répété que présente le texte des Psaumes xlii xli)6, 12 ; xliii (xlii), 5.

[dedans de moi ?

Pourquoi te troubler, ô mon âme et pourquoi défaillir au Espère au Seigneur, car je le louerai encore : Il est le salut de ma face et mon Dieu.

Isaïe insère comme ua refrain, dans sa prophétie contre Israël et la Syrie, ces deux vers, répétés régulièrement après chaque strophe de douze vers :

Tous ces maux n’ont pas détourné sa colère.

Et son bras est encore levé. Ps. IX, 12, 17, 21 ; X, 4.

Le Psaume cvn (cvi) termine toutes ses strophes par un refrain de quatre vers chaque fois modifié : 8 et 9, 15 et 16, 21 et 22, 31 et 32. Cf. Ps. clxiv (cxlv), 8 et 11 ; lxxx (lxxix). Mais la transcription de ces répétitions n’est pas toujours régulière. Faut-il voir aussi un double refrain au Psaume lix (lviii). 7 et 15, 10 6, -Il a et 18 bf Quoi qu’il en soit, les. exemples cités montrent largement l’emploi du chant à refrain dans la Bible. On peut en constater encore la pratique dans le service actuel de la synagogue, où la récitation de prières rythmées, alternée entre l’officiant et le peuple, ressemble à une sorte de litanie. L’ancien usage juif passa aux chrétiens, et ce sont ces acclamations liturgiques primitives qui ont donné origine aux antiennes de notre psalmodie, lesquelles n’étaient jadis

que la réponse donnée par le peuple ou le chœur aux versets du Psaume chantonnés par le lecteur ou lechantre. . J. Parisot.

1. REFUGE (hébreu : hâsût, mahséh, mànôs, mis(ôr, mâ’ôz, mâ’ôn, misgab, oz ; Septante : xaTaçuY^ ; Vulgate : réfugiant), lieu où l’on se met à l’abri d’undanger.

1° Au sens propre. — La Palestine abonde en rochers, en vallées escarpées et en cavernes dans lesquels on pouvait se mettre en sûreté quand on était poursuivi par quelque ennemi ou menacé d’un danger. Voir Caverne, t. ii, col. 355, Les malheureux cherchaient le rocher comme refuge pendant la pluie. Job, xxiv, 8. On demandait aussi un refuge aux villes. I Mach., x, 14 ; II Mach., v, 9. Contre l’orage et la pluie, une tente pouvait servir de refuge, ànoxp’joov, absconsio. Is., iv, 6.

2° Au sens figuré. — Il n’y a point de refuge pour les méchants, .lob, xi, 20. Le juste persécuté se plaint de ne pas trouver dé refuge, tovyri, fuga. Ps. cxlh (Cxli), 5. Le refuge que les Israélites cherchent à l’ombre de l’Egypte tournera à leur confusion. Is., xxx, 3. La grêle emportera le refuge du mensonge et les eaux renverseront l’abri sur lequel on compte. Is., xxviii, 17. —Très souvent, c’est Jéhovah lui-même qui est considéré ou invoqué comme le refuge de ses serviteurs. Ps. ix, 10 ; xxxi (xxx), 3 ; xlvi (xlv), 2 ; xc (lxxxix), 1 ; xci(xc), 2, 9 ; xciv(xciii), 22 ; II Reg., xxii, 3 ; Is., xxv, 4 ; Joël, iv, 16, etc. Les différents synonymes hébreux ne sont pas toujours traduits par y.xxa ! fiyri>’*e~ fugium. Les versions se servent encore des mots (30yj61ta, « force », auxitium, « secours », . Ps. lxh (lxi), 8 ; fjoïiôdç, « fort », fortitudo, « force », Is., xxv, 4 ; adju-. tor, « aide », Ps. lxii (lxi), 9 ; lxxi (lxx), 7 ; tôttoc ôxupoç, locus munitus, « lieu fortifié », Ps. lxxi (lxx), 3 ; xpaTatMa.*, fortitudo, « forteresse », Ps. xxviii, . (xxvii), 8 ; xliii (xlii), 2 ; àv"[eXv}7rrMp, susceptor, « soutien », Ps. xviii (xvii), 3 ; xlvi (xlv), 8, 12 ; xlviii, . (xlvii), 4 ; UX (iron), 10, 18°, xci (X.C), 2 ; înwçaarcKrtifit, . protector, « protecteur ». Ps. xxviii (xxvii), 8 ; xxxvit (xxxvi), 39. Dans un même verset, Jérémie, xvi, 19, appelle le Seigneur’oz, mâ’ôz, mànôs, td/ûc, porfîzia, xaTatpuyTJ, fortitudo, robur, refugium, « . forteresse, force, refuge ».Tous ces mots expriment la même idée : en Jéhovah, le juste trouve un refuge puissant et assuré, comme celui que ménagent aux fugitifs les rochers

les plus solides.
H. Lesêtre.

2. REFUGE (VILLES DE) l’ârê miqlàt ; Septante : nt5Xei ; t<5v çuYaScuTi)p(u>v, fuyàSevTr’pia, çuyaSeîa ; Vulgate : urbes, prsesidia, auxilia fugitivorum), villes dans lesquelles s’exerçait le droit d’asile en faveur des homicides involontaires.

1° La législation. — En portant la loi contre l’homicide, Moïse avait dit au sujet du meurtrier et de sa victime : « S’il n’a pas eu cet homme en vue et que Dieu l’ait présenté à sa main, je te fixerai un lieu où ii pourra se réfugier. » Exod., xxi, 13. Quand, en effet, . un meurtre avait été commis, un propre parent de la victime avait le droit de poursuivre le meurtrier et de le mettre à mort. Voir GoEi, ^t. iii, col. 262. Mais il pouvait arriver que le meurtre^eùt été involontaire. On avait jeté quelque chose sans intention ou laissé tomber une pierre par mégarde, le fer de la hache s’était échappé du manche et avait frappé mortellement un compagnon de travail, etc. Num., xxxv, 22, 23 ; Deut., xix, 5. En pareil cas, le crime d’homicide n’existait pas, et, s’il y avait imprudence, elle n’était pas toujours gravement coupable. D’autre part, il n’eût pas été sage de laisser l’appréciation de l’acte. au vengeur du sang, qui eût souvent manqué d’impartialité. Lors donc qu’un homicide accidentel

était survenu, le meurtrier se hâtait d’aller se réfugier dans une ville déterminée. Il s’arrêtait à la porte et exposait son cas aux anciens. Ceux-ci devaient lui assigner une demeure et ensuite prendre soin de le faire comparaître devant l’assemblée, qui jugeait l’affaire. Si le meurtrier était reconnu coupable, on le livrait au vengeur du sang, qui le mettait à mort. Dans le cas contraire, les anciens le ramenaient dans la ville de refuge. Là il était inviolable. Mais il restait confiné dans la ville jusqu'à la mort du grand-prêtre. S’il en sortait auparavant, le vengeur du sang avait le droit de le frapper en dehors de la ville de refuge. À la mort du grand-prêtre, le meurtrier pouvait impunément rentrer dans son pays. Cette loi était portée pour que le sang innocent ne fût pas versé et ne retombât pas sur le peuple. Le législateur tenait tant à ce que le meurtrier involontaire pût se mettre à l’abri, qu’il ordonna d’entretenir en bon état les routes conduisant aux villes de refuge, afin que l’intéressé pût y arriver plus rapidement et plus sûrement. Num., xxxv, " 12-28 ; Deut., xix, 1-13 ; Jos., xx, 2-9. La loi est répétée jusqu'à trois fois, à raison de son importance. Le séjour forcé du meurtrier dans la ville de refuge pouvait être assez long. Certains grands-prêtres ont été en fonction de 40 à 50 ans et beaucoup de 15 à 20 ans. La gêne qui résultait de cet internement était compensée par la sécurité dont jouissait le meurtrier. Elle constituait aussi un avertissement sérieux ; il fallait apporter une grande prudence dans tous les rapports avec le prochain.

2° Les villes désignées. — Après avoir promis d’indiquer un lieu de refuge, Exod., xxi, 13, Moïse décida que six villes jouiraient du droit d’asile, trois à l’est du Jourdain et trois à l’ouest. Elles devaient être ouvertes à l’Israélite, au gêr ou étranger vivant au milieu des Israélites en adoptant leurs coutumes, et même à l'étranger séjournant simplement dans le pays. Après la conquête de la contrée à l’est du Jourdain, Moïse désigna trois villes de refuge : Bosor, dans le désert de la plaine, pour la tribu de Ruben ; Ramoth, en Galaad, pour la tribu de Gad, et Golan ou Gaulon, en Basan, pour ceux de la tribu de Manasêé. Deut., iv, 41-43. Plus tard, il rappela que trois autres villes devaient être désignées dans le pays de Chanaan et il ajouta qu’on pourrait en désigner trois de plus lorsqu’on aurait conquis la Terre Promise jusqu'à ses limites extrêmes. Deut., xix, 2, 7-9 ; cf. Gen., xv, 18 ; Exod., xxrri, 31. Le pays de Chanaan devait, à cet effet, être divisé en trois parties, Deut., xix, 3, comme le pays transjordanique. Sous Josué furent désignées les trois villes de Chanaan : Cédés, en Galilée, dans la montagne de Nephthali ; Sichem, dans la montagne d'Éphraïm, et Cariatharbé ou Hébron, dans la montagne de Juda. Jos., xx, 2-9 ; On peut remarquer, à la suite des docteurs de la Gémara, Makkoth, tol. 9, 2, que ces trois dernières villes correspondaient, par la latitude, à celles de la rive gauche du Jourdain, Cédés à peu près à Gaulon, Sichem à Ramoth et Hébron à Bosor. Voir Bosor, t. i, col. 1856 ; Cariatharbé, t. ii, col. 272 ; Cédés, col. 360 ; Gaulon, t. iii, col. 116 ; Hébr0n, co1. 554 ; Ramoth, t. v, col. 960 ; SiGHEjf. En Chanaan, les villes de refuge se trouvaient dans la montagne et pouvaient être plus facilement défendues. Les six villes étaient assez distantes l’une de l’autre pour que le meurtrier n’eût pas à s’attarder en chemin, s’il voulait échapper au vengeur. Il est probable d’ailleurs qu’il ne prenait les routes principales que quand son habitation en était voisine. Pour l’ordinaire, il avait intérêt à suivre les sentiers les plus courts et les moins fréquentés. Le nombre des villes de refuge ne paraît jamais avoir été de pins de six. La Terre Promise atteignit ses limites extrêmes du temps de David et de Salomon, mais ce ne fut que d’une manière passagère, et l’on n’eut pas besoin de multiplier les asiles. — Les anciens des villes de refuge avaient la charge

d’assurer la protection du réfugié, sa comparution devant l’assemblée etsa remise au vengeur du sang s’il était reconnu coupable. Les lévites furent choisis pour s’acquitter de ces soins et, dans ce but, les villes de refuge furent rangées parmi les villes lévitiques. On attribua donc Hébron aux fils d’Aaron, Sichem aux fils de Caath, Gaulon et Cédés aux fils de Gersom, Ramoth et Bosor aux fils de Mérari. Jos., xxi, 13-38 ; I Par., vi, 57, 67, 71, 73, 78, 80. — Dans la suite de l’histoire d’Israël, il n’est pins fait mention des villes de refuge, ce qui prouve seulement que cette institution ne donna lieu à aucun incident notable. Les rabbins prétendent que les 48 villes lévitiques jouissaient du droit d’asile. Il est vrai que dans le texte grec de Josué, xxi, 27, on appelle les villes lévitiques ràç mSXei ; ràç àçwpiajiévaç toïç çoveûijaac, « les villes assignées aux meurtriers ». La Vulgate porte aussi confugii civitates. Mais l’hébreu a ici le mot 'ir, « ville », au singulier, conformément aux passages analogues. Jos., xxr, 32, 36, etc. On ne peut donc s’appuyer sur les versions pour justifier l’extension du droit d’asile à toutes les villes lévitiques. Les rabbins distinguent d’ailleurs entre les villes de refuge et les autres villes lévitiques. D’après eux, les villes de refuge protégeaient le meurtrier, qu’il connût ou non le privilège de la ville, et il n’avait pas à y payer son logement ; les autres villes, au contraire, ne protégeaient que celui qui croyait à leur privilège, mais elles ne l’hébergeaient pas gratuitement. Cf. Uakkoth, ii, 4 ; Reland, Antiquitates sacrée, Utrecht, 1741, p. 119.

3° Le droit d’asile. — Il est dit dans l’Exode, xxr, 14 : « Si un homme, de propos délibéré, tue son prochain par ruse, tu l’arracheras de mon autel pour le faire mourir. » Ce texte suppose en vigueur l’usage de chercher un refuge auprès de l’autel quand on était coupable ou seulement menacé de mort. Dieu ne veut pas que son autel protège le coupable ; il n’interdit pas cependant que l’autel continue à préserver celui qui est menacé de mort sans l’avoir mérité. La législation mosaïque réprouve ainsi très nettement le droit que les autres peuples reconnaissaient aux lieux d’asile. Les coupables eux-mêmes y trouvaient un abri contre les sévérités de la justice. Chez les Israélites, ni l’autel, ni les villes de refuge ne protégeaient les coupables. Quand Adonias se vit surprendre au milieu de sa conspiration contre Salomon, il se hâta d’aller saisir les cornes de l’autel, pour se mettre sous la protection divine. Il n'était pas meurtrier, mais coupable d’un crime qui méritait la mort. Salomon lui fît grâce, mais par pure clémence. III Reg., i, 50-53. Il en alla autrement pour Joab, le meurtrier d’Asaël et d’Abner. II Reg., ii, 23 ; iii, 27. Il eut beau se réfugier dans le sanctuaire, auprès de l’autel ; Salomon ne l’en fit pas moins mettre à mort. III Reg., ii, 28-34. — Chez les Grecs et les Romains, le droit d’asile appartenait aux autels, aux temples et à leur enceinte sacrée. Cf. Hérodote, ii, 113 ; Euripide, Hecub., 149 ; Pausanias, ii, 5, 6 ; Dion Cassius, xlvii, 19 ; Strabon, v, 230 ; xiv, 641 ; xv, 750 ; Tite Live, i, 8, 35, 51 ; Tacite, Annal., iii, 60, 63 ; Florus, ii, 12, parfois même à des villes et à leur territoire. Cf. Polybe, vi, 14, 8 ; etc. Le temple d’Apollon et de Diane, à Daphné, possédait le droit d’asile, et c’est là que se réfugia le grand-prêtre Onias III, quand il voulut dénoncer le vol sacrilège de Ménélas. II Mach., îv, 33. Voir Daphné, t. ii, col. 1292. — Osiander, De

asylis Uebrseorum, Tubingue, 1672, dans Ugolini, Thésaurus, t. xxvi ; Ries, De prsssidiariis Levitarum urbibus, Vitebsk, 1715.
H. Lesêtre.
    1. RÉGÉNÉRATION##

RÉGÉNÉRATION (grec : icaXiYyevE<n’a, àvaxaivw(ji :  ; Vulgate : regeneratio, renovatio), don d’une vie nouvelle et surnaturelle faite à l'âme chrétienne par JésusChrist. — Ce don a été annoncé et expliqué par le Sau

veur à Nicodème. « Nul, s’il ne naît de nouveau, ne peut voir le royaume de Dieu. Nul, s’il ne renaît de l’eau et de l’Esprit, ne peut entrer dans le royaume de Dieu. Il faut que vous naissiez de nouveau. » Joa., m, 5-7. Cette naissance nouvelle n’est pas une naissance corporelle, comme l’imagine le docteur d’Israël ; elle s’opère par l’eau du baptême et l’Esprit qui produit dans l’âme la vie surnaturelle. De cette manière, les hommes sont « régénérés d’un germe non corruptible, mais incorruptible, parla parole de Dieu vivante et éternelle. » I Pet., i, 23. Dieu « nous a sauvés par le bain de la régénération, en nous renouvelant par le Saint-Esprit qu’il a répandu sur nous largement par Jésus-Christ. » TH., iii, 5, 6. Le Sauveur, par sa mort, a réconcilié ensemble Juifs et Gentils, « afin de fondre en lui-même les deux dans un seul homme nouveau. » Eph., ii, 15. Il n’importe donc nullement d’avoir été circoncis ou non ; « ce qui est tout, c’est d’être une nouvelle créature. » Gal., vi, 15. « Quiconque est en Jésus-Christ, est une nouvelle créature ; les choses anciennes sontpassées, tout estdevenu nouveau. » II Cor., v, 17. Être en Jésus-Christ, c’est ne plus vivre selon la nature, mais par l’effet de la grâce surnaturelle qui unit à Dieu et fait vivre de la vie divine. II Pet., i, 4. Le chrétien devient par là un homme nouveau, au lieu d’être comme auparavant ce vieil homme qui vivait de l’ancienne vie purement humaine. Saint Paul exhorte à se dépouiller du vieil homme, corrompu par les convoitises trompeuses, et à revêtir l’homme nouveau, créé selon Dieu dans une justice et une sainteté véritables. Eph., iv, 22-24. Le vrai chrétien a « dépouillé le vieil homme avec ses œuvres et revêtu l’homme nouveau qui, se renouvelant sans cesse à l’image de celui qui l’a créé, atteint la science parfaite. » Col., iii, 9, 10. « Alors même que notre homme extérieur dépérit, notre homme intérieur se renouvelle de jour en jour. » II Cor., iv, 16. Désormais, dit-il aux Romains, vii, 6, « nous servons Dieu dans un esprit nouveau, et non selon une lettre surannée. » Il ajoute : « Purifiez-vous du vieux levain, afin que vous soyez une pâte nouvelle. » I Cor., v, 7. Cette régénération dqit donc être reçue de Dieu, conservée avec soin, renouvelée sans cesse. Sans elle comme l’a dit NotreSeigneur, on ne peut entrer dans le royaume de Dieu, on est exclu de l’Église et ensuite du ciel. — Sur le sens dans lequel il faut entendre l’impossibilité de la rénovation à la suite de la rechute grave. Heb., vi, 6. Voir Pénitence, col. 43. — Dans saint Matthieu, xix, 28, la régénération est prise dans le sens de résurrection. — La résurrection corporelle est l’image de la résurrection spirituelle ; Jésus-Christ est venu pour rendre la vie aux âmes, comme il la rendra aux corps à la fin des temps. Il est né « pour la chute et la résurrection d’un grand nombre en Israël. » Luc, ii, 34. Le baptême était considéré comme une sorte de sépulture dont on sortait par la résurrection spirituelle. « Nous avons été ensevelis avec lui par le baptême en sa mort, afin que, comme le Christ est ressuscité des morts par la gloire du Père, nous aussi nous marchions dans une vie nouvelle. » Rom., vi, 4. Cf. Col., ii, 12, 13. « Si donc vous êtes ressuscites avec le Christ, recherchez les choses d’en haut. » Col., iii, 1. Dieu, « selon sa grande miséricorde, nous a régénérés par la résurrection de Jésus-Christ d’entre les morts pour une vivante espérance. » IPet., i, 3 ; cf. iii, 21. La mort de Jésus-Christ est donc la cause de notre réconciliation avec Dieu, et sa résurrection, celle de notre régénération. C’est pourquoi l’Apôtre écrit que Notre-Seigneur a été « livré pour nos offenses, et est ressuscité pour notre justification. » Rom., iv, 25. — Saint Paul recommande à son disciple de ressusciter, « vaÇwîtupetv, de « rallumer » en lui la grâce de l’ordination. II Tim., i, 6. Voir

Baptême, 1. 1, col. 1433.
H. Lesêtre.
    1. REGINA##

REGINA, sœur de Galaad, de la tribu de Mariasse, que la Vulgate a ainsi appelée parce qu’elle a traduit son nom hébreu, ham-M ôléhéf (Septante : MaXex^)> mère d’Ishod (t. iii, col. 989 ; Vulgate : Virum décorum), d’Abiézer 1 (t. i, col. 47) et de Mohola (t. iv, col. 1188). II Par., vii, 18. Gédéon fut un de ses descendants. On ignore pourquoi son nom a été conservé dans la généalogie de sa tribu, par exception à l’usage général. D’après une tradition juive, rapportée par Kimchi dans son commentaire sur ce passage, elle aurait régné sur une partie du territoire de Galaad, mais cette tradition tire probablement son origine de l’étymologie de son nom.

    1. RÈGLE##

RÈGLE (hébreu : qdv ; grec : xavwv ; Vulgate : régula), ligne de conduite à suivre pour arriver à un but. Le mot hébreu qdv désigne tout d’abord la corde tendue à l’aide de laquelle on mesure ; en grec, xavwv est le roseau ou la barre de bois dont on se sert pour tirer une ligne droite ; le latin régula et le français « régie » ont ordinairement le même sens. Ainsi la Vulgate appelle régula aurea, « règle d’or », la barre d’or nommée en hébreu lesôn zdhâb, yXônoa -/puff^, « langue d’or ». Jos., vii, 21. Les mots qui désignent l’objet, corde ou barre de bois, au moyen duquel on peut tracer une ligne droite, ont été ensuite employés pour désigner l’ensemble des prescriptions, techniques ou morales, dont il faut tenir compte si l’on veut atteindre directement un but déterminé. — Isaie, xxviii, 10, met en scène les prêtres et les faux prophètes de Jérusalem qui, pris de viii, le tournent lui-même en ridicule et répètent en balbutiant : sav lasav, sav lasdv, qav Idqdv, qav lâqâv, « ordre sur ordre, ordre sur ordre, règle sur règle, règle sur règle », faisant ainsi allusion aux conseils d’Isaïe. Les versions, Septante : èXni’Sâ ÈTi’èXTiiSi, « espérance sur espérance », Vulgate : expecta, reexpecla, « attends, attends encore », ont rattaché qdv au verbe qivvdh, « attendre, espérer ». Dans la suite du même oracle, le Seigneur dit qu’il prendra le droit pour règle, qàv, Septante : eîç ilTziSa, « pour espérance », Vulgate : in pondère, « pour poids ». Is., xxviii, 17.

— Saint Paul appelle x « vmv, régula, « règle », le champ d’action qui a été assigné par Dieu à son apostolat et qu’il ne veut pas dépasser. II Cor., x, 13, 15, 16. Après avoir rappelé que la circoncision et J’incirconcision ne sont rien par elles-mêmes et quo l’essentiel est d’avoir part à la régénération en Jésus-Christ, il souhaite paix et miséricorde « à ceux qui suivront cette règle ». Gal., vi, 16. Il dit aux Philippiens, iii, 16 : « Marchons comme nous l’avons déjà fait jusqu’ici, » ce que la Vulgate traduit : « Tenons-nous en à la même règle. »

H. Lesêtre.
    1. REGMA##

REGMA (hébreu : Ra’emdh ; Septante : ’Ptyi.â ; dans Ézéchiel : ’Pa[iâ), fils de Chus et père deSabætde Dadan. Gen., x, 7 ; I Par., i, 9. C’est un nom ethnique. Ézéchiel, xxvii, 22, parle de la tribu qui portait ce nom comme d’une tribu qui faisait le commerce avec les Syriens. Les Septante^ en transcrivant le nom hébreu par’PsY(xâ, semblent avoir pensé que ce peuple habitait la ville de la rive orientale du golfe Persique appelée de ce nom. Ptolémée, vi, 7, 14. Cette identification très ancienne est généralement-adoptée. « Regma (de Ptolémée) est rapprochée avec raison du Ra’emah biblique, » dit Ed. Glaser, Skizze der Geschichte und Géographie Arabiens, 1890, t. ii, p. 252 ; cf. p. 325, où il place Regma à Ras Mesandum. Voir aussi D. H. Muller, Der Status constructus im Bimjarichen, dans Zeitschrift der deutschen morgenlândisschen Gesellschaft, t. xxx, 1876, p. 122. Cf. Gesenius, Thésaurus, p. 1297.

    1. RÉGOM##

RÉGOM (hébreu : Régém ; Septante : ’Paysi*), fils aîné de Jahaddaï, de la tribu de Juda, descendant de

Caleb par Épha, I Par., ii, 17. Voir JahaddaÏ, t. iii, col. 1105. — Pour un autre personnage dont le premier élément du nom est aussi en hébreu Régém, veir

HOGOMMÊLECH.

1. REHOBOTH- ÎR (hébreu : l>y nifn ; Septante :

'Powâàfl irôXtv), une des villes qui constituèrent, à l’origine, le royaume d’Assur. La Vulgate traduit : Niniven.et plateas civitatis. Gen., x, 11, Les commentateurs de nos jours considèrent généralement Refcobof-'lr comme une ville distincte et proprement dite, tout en faisant observer que son nom signifie : « faubourg y ou « banlieue », d’une façon certaine. F. Vigouroux, La Bible et les découvertes modernes, 6= édit., t. 1, p. 360 ; J. Oppert, Expédition en Mésopotamie, Paris, 1863, t. i, p. 136 ; Calmet, Commentaire littéral, La Genèse, Paris, 1734, t. i, p. 105 ; Frd. Delitzsch, Wo lag das Parodies ? Leipzig, 1881, p. 260. En général on la rattache à Ninive. Eb. Schrader, Die Keilinschriflen und das alte Testament, 2e édit., 1883, p. 100. — Quant au site de Rehobop-Ir, il est inconnu. On a tour à tour proposé : Oroba, sur le Tigre ; Birta oaVivta, vers l’embouchure du Lycus ; Rahabath Melci = « la Rahabath du Roi » citée Gen., xxxvi, 37, et ainsi nommée parce qu’elle donna un roi à l’Idumée ; Rahabath, au-dessous de Circésium et de l’embouchure da Ghaboras dans l’Euphrate. Depuis les découvertes assyriennes quelques assyriologues, en s’appuyant sur l’expression ina rébit Nina, de l’inscription du prisme d’Asarhaddon, lig. 54 (cf. l’inscription du cylindre de Sargon, lig. 44), ont voulu placer Rehobot-'Jr au nordnord-est de Ninive, dans l’angle formé par le Chôser et le mur oriental de Ninive, en dehors de ce mur et du côté de cette porte de l’Est par laquelle les monarques assyriens aimaient à rentrer dans leur capitale, en triomphateurs. Au delà de cette porte s'élevèrent successivement l’antique ville de Magganubba ainsi que la ville de Sargon : Dûr-Sarrukîn, aujourd’hui Khorsâbàd. Herzog, Real-Encyclopâdie, 2e édit., Leipzig, 1882, t. x, p. 584 ; Fr. Hommel, Grundriss der Géographie und Geschichte des Alten Orients, 2e édit., Erste Hâlfte, Munich, 1904, p. 107 ; Frd. Delitzsch, loc. cit. D’autres ont voulu retrouver Rehobo[-lr sur le terrain même de Mossoul, A. Billerbeck et A. Jeremias, Der Un~ tergang Kinevelïs und die Weissagungschrift des Nahum von Elhosch, dans les Reitrâge iur Assyriologie, t. iii, Leipzig, 1898, p. 100 ; Id., Das alte Testament im Lichte des Alten Orients, 2e édit., Leipzig, 1906, p. 273, ou encore dans les ruines de Rahaba, sur la rive droite du Tigre, à 40 milles de Ninive et à 20 milles de Kalah-Chergat. H. Rassam, Riblical nationalities Past and Présent, dans Transactions of The Society of Riblical Archmology, 1885, t. viii, p. 365. Toutes ces opinions sont conjecturales. Remarquons enfin que la traduction de saint Jérôme peut être soutenue. En effet, l’assyrien rêbitu, de la racine asn, qui signifie « faubourg, banlieue », et aussi « grande rue, place, et marché », présente une exacte parité de signification avec l’hébreu rehôb, rehôbôt. Les données de l’assyriologie ne prouvent pas, en effet, que Rehobof-'lr fût une ville distincte. Le m. assyrien est, en fait, toujours suivi d’un nom propre, soit de ville, soit de personne. Sans exclure les constructions qui pouvaient s'élever dans ce genre de faubourg, on doit y comprendre les terrains de culture qui, tout en étant situés en dehors des murs de la ville close, dépendaient néanmoins du centre urbain. L'étendue même de cette banlieue pouvait permettre le déploiement d’une armée en bataille ; c’est ainsi que Sargon vainquit JJumbanigaS, roi d'Élam, i-na ri-bit Dûr-ilu ki. C. H. W. Johns, An Assyrian Doomsday Booh, Leipzig, 1901, p. 50. Il n’est donc pas impossible que Rehôbôtlr désigne la

banlieue deT^inive. Frd. Delitzsch, dans CalwerBibellexicon, 1885, p. 748-749. Y. Le Gac.

2. REHOBOTH (PUITS DE) (hébreu : Rehôbôt ; Septante : zvpyyjuz'.ai ; Vulgate : Latitudo, Gen., xxvi, 22), nom donné par Isaac à un puits [creusé par ses serviteurs près de la ville philistine de Gérare. — La raisonétymologique du mot Rehôbôt, « amples espaces », se trouve ici dans l’histoire du creusement du puits auquel le mot fut appliqué. Isaac demeurant à Gérare était devenu très riche. Ce fait excita la jalousie desPhilistins. Pour s’y soustraire Isaac dut quitter la ville, et vintétablir son campement dans la vallée de Gérare. Lés serviteurs d’Isaac y creusèrent deux puits qui devinrent l’occasion de querelles avec les bergers dupays. Isaac alors nomma le premier puits 'Éseq, « querelle », voir t. iii, col. 1950, et le second Sitndh, « inimitiés ». Voir t. iii, col. 877. S'étant avancé plus loin, Isaac creusa un autre puits, pour lequel il n’y eut plus de querelle, et il le nomma Rehobôp, « car maintenant, dit-il, Jéhovah nous a mis au large, et nous prospérerons dans le pays. » Gen., xxvi, 12-22.

Il y a des savants qui croient reconnaître Rehoboth dans le Rubûti ou Rubûte des Tablettes de Tell Amarna. Cf. Expository Times, 1900, p. 239, 377. Cette identification n’est pas improbable, quoiqu’elle ne soit pas unanimement admise. Ainsi Sayce, Early Israël, p. 289 ; . Pétrie, Syria and Egypt from the Tell el-Amarna Letters, p. 180, préfèrent identifier le Rubûti des Tablettesavec Rabbath de Jos., xv, 60 ; tandis que Fr. Hommel, Die altisrælitische Veberlieferung, in- 12, Munich, 1897, p. 234, y voit indiquée Kiriatharba ou Hébron, qu’if suppose avoir été alors appelé Roba'ôt, « les quatre quartiers ». On place plus généralement aujourd’hui lepuits de Rehoboth à huit heures au sud-ouest de Bersabée, dans Vouadi Ruheibéh, au nord-est de VouadiesSa’di. Le nom de cet ouadi rappelle Rehoboth ; il y a là, dans l’ouadi même, un puits de douze pieds de diamètre, , actuellement obstrué, et sur les pentes latérales il y a d’autres puits, des citernes et des réservoirs. « Un peu au delà de cet endroit, l’ouadi s'élargit et reçoit le nom de Babr bêla mi, « la mer sans eau », et sur la gauche, dit Palmer, débouche une petite vallée, appelée Sutnet er Ruheibéh, dénomination dans laquelle sont conservés les deux noms de Sitnah et de Rehoboth de la Bible. » Palmer, Désert of the Exodus, 2 in-8°, Cambridge, 1871, t. ii, p. 385 ; cf. p. 290, Map of the, Négeb. Avant Palmer, J. Rowlands, dans G. Williams, The holy city of Jérusalem, 2 in-8, Londres, 1849, t. i, p. 465, avait déjà signalé le puits de Ruheibéh. « À un quart d’heure à peu près au delà de Sebàta, dit-il, nous arrivâmes à des ruines qui doivent être celles d’une ville trèsbien bâtie, appelée aujourd’hui Rohêbéh ; c’est là, je n’ai pas à ce sujet le moindre doute, cette ancienne Rohoboth où Isaac creusa un puits. Gen., xxvi, 18, 22. Cette ville est située, comme Rohoboth, dans le paysde Gérare. Hors des murs de la ville, il y a un puits d’eau vive et bonne, appelé Bir Rohêbéh. C’est là très probablement le site, sinon le puits même creusé par Isaac, » A. Molim.

    1. REHUM##

REHUM (hébreu : Rehûm ; Septante : 'Peo-jh) ! nom, dans le texte hébreu, de cinq personnes, dont trois sont ainsi exactement appelées dans la Vulgate et dont les deux autres sont nommées en latin Reum (Beelteem). I Esd., iv, 8-17, et Rhénm, II Esd., xii, 3.

1. REHUM, un « des fils de la province » qui revinrent en Palestine de la captivité de Babylone avec Zorobabel. I Esd., ii, 2. Dans le passage parallèle de Néhémie, vii, 7, il est appelé Nahum. Voir Nahum 1, t. iv, col. 1462.

2. REHUM, lévite, fils de Benni, qui travailla du temps -de Néhémie à la reconstruction des murs de Jérusalem.

Il Esd., iii, 17.

3. REHUM, un des chefs du peuple qui, du temps de Néhémie, signèrent l’alliance avec Jéhovah. II Esd., .3, 25.

RÉI (hébreu : Rê’î ; Septante : ’Priai), un des partisans de Salomon avec Sadoc, Banaï, Nathan et les gardes de David, quand Adonias tenta de lui ravir le trône. III Reg., i, 8. Son nom ne se lit pas ailleurs. Il parait suspect aux critiques. D’après les Qusest. hebr. in 1Il Reg.. i, 8, t. xxiii, col, 1363, Rhei (pour Rei), ipse est Hiram Zairites sacerdos, idest, magister David. Les exégètes modernes ont fait les hypothèses les plus diverses sur ce personnage, mais sans fondement.

    1. RÉI À##

RÉI À (hébreu : Re’âyâh ; Septante : ’Pr/xà), fils de Micha, de la tribu de Ruben, père de Baal. I Par., v, 5. Voir Raïa, col. 937.

1. REINE, nom de femme dans la Vulgate. Voir Regina, col. 1022..

2. REINE (Septante : flaaftio-cra ; Vulgate : regina), titre donné à la femme d’un roi et à celle qui règne sur une nation. — I. Nom. — En hébreu, il y a plusieurs mots pour exprimer ce titre. —1° Malkâh se dit d’une reine régnante, comme la reine de Saba, I (III) Reg., X, 1, 4, 10, 13 ; II Par., ix, 1, et d’une épouse royale, Esther, i, 9, ii, 22, etc., IV Reg., x, 13, etc. ; mais sans impliquer dans ce second cas la dignité qui est attachée à ce titre dans les monarchies d’Europe. C’est le féminin de mélék, « roi ». — 2° Gebîrâh est employée dans le même sens et signifie « puissante ». I (III) Reg., xi, 19 ; II (IV) Reg., x, 13 ; Jer., xiii, 18 ; xxix, 2. Maacha, grand-mère d’Asa, est appelée gebîrâh. II Par., xv, 16. Ce titre est donné aussi à Jézabel, femme d’Achab, II (IV) Reg., x, 13, qui eut-beaucoup d’ascendant sur son mari. — 3° Sëgal désigne la femme du roi dans le Psaume xlv (xliv), 10 ; dans Daniel, v, 2, 3, 23, et dans Néhémie, ii, 6. — 4° èârâli, proprement « t princesse ». Ce mot est pris dans le sens de reine, Is., xlix, 23, d’une manière générale, et I (III) Reg., xi, 3, il est appliqué, par opposition à concubines, aux femmes de Salomon. Cf. Lam., i, 1. — 5° Athalie, qui avait usurpé le trône de Juda, est appelée risSb,

môlékéf. II (IV) Reg., xi, 3 ; II Par., xxii, 12. — 6° Le nom grec de (jacrîXicrcra se lit quatre fois dans le Nouveau .Testament. Matth., xii, 42 ; Luc, xi, 27 (parlant de la reine de Saba) ; Act., viii, 27 (de Candace) ; Apoc, xviii, 7 (de Rome au figuré). — 7° Les femmes de second rang du roi sont appelées pilgdsîm et distinguées expressément des melakôf. Cant., VI, 8.

II. Histoire. — Nous savons peu de choses de l’histoire des reines. Sous le premier roi, Saûl, elles semblent avoir continué à mener la vie simple des femmes israélites. Nous connaissons le nom d’Achinoam, la mère de Jonathas, I Reg., xiv, 50, et de la concubine de Saûl, Respha, célébrée pour son dévouement maternel.

II Reg., III, 7 ; xxi, 8-11. — David multiplia le nombre de ses femmes et le nom de plusieurs d’entre elles nous a été conservé. II Reg., iii, 2-5 ; v, 13-16 ; xi, 3. Voir Abigaïl 1, t. i, col. 47 ; Bethsabée, col. 1712. — Salomon épousa la fille d’un pharaon d’Egypte et augmenta successivement sans mesure le harem royal.

III Reg., iii, l ; xi, 1-3 ; Cant., vi, 8. Plusieurs de ces mariages étaient contraires à la loi et les femmes étrangères de Salomon le portèrent à l’idolâtrie. III Reg., xi, 2-4. Ce fut le crime dont se rendirent coupables les autres reines sur lesquelles les auteurs sa

crés nous ont donné quelques détails dans la suite de l’histoire des rois, Maacha, grand’mère d’Asa, III Reg., xv, 13 ; voir Maacha, t. iv, col. 465, en Juda ; Jézabel, femme d’Achab, t. iii, col. 1535, en Israël, et, en Juda, sa fille Athalie, 1. 1, col. 1207. — En dehors des reines dont il vient d’être parlé, on ne connaît que le nom de quelques autres dont les fils montèrent sur le trône de Juda et qui sont mentionnées pour cette raison. Voir Femmes mentionnées dans l’Ecriture, t. iii, col. 2194-2199. Le nom de deux reines perses, Vasthi et Esther, nous est connu par le livre qui porte le nom de cette dernière. Voir Esther, t. ii, col. 1973, et fig. 606, une reine perse ; Vasthi. — Sur la cour des reines israélites, leur costume, etc., nous ne sommes pas renseignés. On peut’conclure seulement de Jérémie, xm, 18, que la reine portait, comme le roi, le diadème. — Voir une reine assyrienne, la femme d’Assurbanipal, t. iv, fig. 97, col. 289.

F. Vjgouroux.

    1. REINE DU CIEL##

REINE DU CIEL, hébreu : melékét has-sàmaïm ; Septante : y paat’Xitfcîix toû oùpavoû ; dans Jer., vii, 18, ï) (jtpattà to3 oùpavoO ; Vulgate : regina cxli), déesse, d’après l’opinion la plus commune, adorée par les Juifs infidèles. Selon divers commentateurs et selon les Septante eux-mêmes, dans leur traduction de Jer.,

225. — Astarthé. Pierre précieuse antique trouvée à Damas. D’après Wilson, Lands ofthe Bible, t. ii, p. 769.

vu, 18, ce n’est pas de la reine du ciel, mais de la milice céleste qu’il s’agit, c’est-à-dire des astres en général, en lisant îcnSd, comme le portent quelques manuscrits, au lieu de robn. Le culte qu’on rendait à cet

objet d’idolâtrie consistait à lui offrir des gâteaux appelés havvanîm, et préparés par des femmes. Les enfants ramassaient le combustible pour les faire cuire, les pères allumaient le feu ; c’étaient les femmes qui pétrissaient la pâte. On les offrait dans les villes de Juda et dans les rues de Jérusalem. avant Jérémie et du temps de ce prophète, et l’on attribuait à ces offrandes l’abondance des récoltes et la prospérité du peuple. C’étaient surtout les femmes qui accomplissaient ces rites, mais avec la complicité de leurs maris. Le prophète prédit à ses compatriotes les maux qui seront le châtiment de leur idolâtrie. Jer., vii, 17-20 ; xliv, 15-30.

Il n’est pas impossible que les femmes juives rendissent un culte à toute la milice célestef^Ju’Astarthé, déese lunaire (voir 1. 1, col. 1185), groupait autour d’elle (fig. 225), mais on a cru beaucoup plus généralement, avec saint Jérôme, qu’il s’agissait d’une déesse spéciale, de la lune, quoique le saint docteur ne se prononce pas expressément. Reginse cxli, dit-il, In Is., vii, 17, t. xxiv, col. 732, quant lunam debemus recipere ; vel certe militiez cxli, ut omnes stellas intelligamus. II estassezprobableque l’objet de l’adoration des femmes juives était, sinon la lune, la planète Vénus, que les Assyriens identifiaient avec la déesse Istar (fig. 226), appelée dans les documents cunéiformes bilil sam-i-i,

V. - 33 « la dame du ciel », comme elle est aussi appelée bilit mâtâti, « la t dame des terres ». H. Winckler, Die Thontafeln von Tell-el-Amarna, lettre xx, lig. 17-19, Keilinschr. Bibl., t. v, 1896, p. 48. Les cultes assyrobabyloniens trouvaient de nombreux adeptes sur la rive orientale^de la Méditerranée à l’époque de Jérémie. Si le culte de la reine du ciel était véritablement d’origine babylonienne, il faut entendre parla, Istar et la pla 226.

: La déesse Istar.

nète Vénus, car sur les bords de l’Euphrate, la lune était adorée comme le dieu Sin et non comme une déesse, et c’est surtout en Occident que la lune était honorée comme reine du ciel. Siderum regina bicornis, audi, Luna, puellas, dit Horace, Carm. sseculare, 35-36. Isaac d’Antioche, Opéra, édit. Bickell, t. i, p. 246, dit expressément que la reine du ciel dont parle Jérémie est Kaukabto, c’est-à-dire la planète Vénus.

Quant à l’abondance et aux bienfaits que lui attribuaient les femmes juives, Jer., xliv, 27. Philastre, Heer., 15, t. xii, col. 1126, écrit : Alia est hœresis in Judseis, quee Reginam quam et Fortunam Cseli nuncxipant, quant et Cxlestern vocant in Africa, eique sacrificio offerre non dubitabant. Philastre explique ainsi les paroles de Jérémie, xliv, 27. Voir les notes sur ce passage loc. cit., dans Migne. — Voir Marcus Jastrow, À Dictionary of the Targumim, the Talmud and the Midrashic Literature, 2 in-4 « , Londres, 1903, t. i, p. 619 a ; W. H. Roscher, Ausfùrhliches Lexicon der griechischen und rômischen Mythologie, au mot Astarte, t. i, Leipzig, 1884-1890, col. 649 ; P. Scholz, Gôtzendiensl bei den allen Hebràern, in-8°, Ratisbonne, 1877, p. 300-301. F. Vigouroux.

    1. REINECCIUS Christian##

REINECCIUS Christian, hébraïsant allemand, né le 22 janvier 1668 à Grossmûhlingen, en Saxe, mort à Weissenfels le 18 octobre 1752. Fils d’un ministre protestant, il étudia à Rostock et à Leipzig. Depuis 1700 jusqu’à 1721, ’il enseigna à Leipzig les langues orientales et la philosophie. Il devint alors recteur du gymnase de Weissenfels. Parmi ses ouvrages, on remarque : — 1° ses publications lexicologiques : Janua

hebr aica linguse Veteris Testamenti una cutn Lexico hebr seo-chaldaico, in-8°, Leipzig, 1704 (cet ouvrage, qui donne la traduction et l’analyse des mots héreux selon l’ordre de la Bible, a servi à étudier la langue sacrée à une multitude de jeunes hébraïsants et a eu huit éditions de 1704 à 1778) ; — Lexicon hebrœo-chaldaicum, 1731 ; 1741 ; 1788 ; nouvelle édition éditée par J. Fr. RecHsopf, in-8°, Hanovre, 1828 ; — Index memorïalis, quo voces hebraicse et chaldaicee Veteris Testamenti continentur, in-8°, Leipzig, 1725 ; 1730 ; 1735 ; 1755 ; — Syllabus memorialis vocuyn graicarum Novi Testamenti, in-8°, Leipzig, 1725, 1734 ; 1758.

2° Publication des textes bibliques. — A) Texte hébreu. — Biblia hebraica ad optimorum codicum et editionum fidem expressa, adjectis notis masorelhicis necnon versuum et capilum distinctionibus, in-8°, Leipzig, 1725 (cette édition contient le texte de la Polyglotte d’Anvers, avec des sommaires nouveaux en tête des chapitres) ; 2e édit. in-8°, 1739 (reproduction de la précédente) ; 3e édit., in-4°, aussi de 1739, où les livres sont imprimés à la façon des langues occidentales, c’est-à-dire de gauche à droite ; ¥ édit., publiée par Pohl en 1756, après la mort de Reineccius ; 5e édit., notablement améliorée, publiée en 1793 par J. Chr. Docderlein et J. H. Meisner ; cf. E. Fr. K. Rosenmùller, Handbuch fur die Literatur der biblischen Kritik und Exégèse, in-8°, Gcettingue, 1797-1800, t. i, p. 236-238.

B) Texte grec. — Testamentum grsecumex versione Septuaginta interprète » ! , una cum libris apocryphis, secundum exemplar Vaticanun, in-4°, Leipzig, 1730 ; plusieurs éditions.

C) Polyglottes. — Biblia sacra quadrilinguia Veteris Testamenti hebraici cum versionibuse regionepositis, utpote versione grseca Sevtuaginta interpretum ex codice manuscripto Alexandrino, item versione latina Sebastiani Schmidii noviter revisa, et textui hebrœo curalius accommodata et germanica B. Lutheri, adjectis notis masorethicis et grsecse ver’sionis lectionibus codicis Vaticani, notisque philologicis et exegeticis, 2 in-f°, Leipzig, 1750-1751 ; Biblia sacra quadrilinguia, Novi Testamenti grseci, cum versionibus syriaca-, grseca vulgari, latina et germanica universa, ad optimas quasque editiones recognita, adjectis variantibus lectionibus, in-f°, Leipzig, 1747.

D) Concordances. — Die deutsche hebràische und griechische Concordanzbibel, 2 in-8°, 1718, nouvelle édition de la concordance de Fried. Lanckisch, parue pour la première fois en 1677 ; Concordia getmanico-lalina, 2e édit., 1735. — Reineccius publia aussi environ cent cinquante programmes ou dissertations, parmi lesquels nous mentionnerons seulement : De scholis Hebrseorum, in-4°, Leipzig, 1722 ; Carmina sibyllina, prout hodie exstant, conficta esse a christiano et nociva fuisse Ecclesise, 1740.

F. Vigouroux.

    1. REINKE Laurent##

REINKE Laurent, exégète catholique d’Allemagne, né à Langfôrden, dans le duché d’Oldenbourg, le 6 février 1797, mort à Munster en Westphalie, le 4 juin 1879. Après avoir fait ses études théologiques à la Faculté de Munster, il passa cinq ans à l’Université de Bonn, où il étudia les langues orientales sous la direction de Freytag. Il fut ordonné prêtre le 1 er juin 1822. En 1827, il devint répétiteur pour l’exégèse de l’Ancien Testament à l’Académie de Munster. Il fut nommé professeur extraordinaire, en 1831 ; puis professeur ordinaire, en 1837, toujours pour l’exégèse de l’Ancien Testament. À cette fonction il unit, entre les années 1831 et 1852, celle de professeur au séminaire episcopal.. de la même ville. — Avant l’âge de cinquante ans, il ne publia que deux dissertations, intitulées : Exegesis critica in ls., lii, iS-uu, iU, seu deMessia eœpiatore

passuro et monturo commentatio, in-8°, Munster, 1836, et Exegesis crxtica in Is., ii, 2-4, seu de gentium conversione in Veteri Testamento prsedicta ejusque effëctibus, in-8°, Munster, 1838. Mais ensuite, de 1848 à 1874, il fit paraître presque chaque année quelque savant volume. Voici la liste de ses œuvres principales : Die Weissagung von der Jungfrau undvon Immanuel (Is., vii, 14-16), in-8°, Munster, 1848 ; Die Weissagung Jacobs ïiber das zukunftige Loos des Stammes Juda und dessen grossen Nachhommen Schilo (Gen., xlix, 812), in-S », Munster, 1849 ; entre les années 1851 et 1872, la série intitulée Beitrâge zur Erklârung des Alten Testaments, qui traite de quarante-sept sujets distincts, 8 in-8°, dont les sept premiers ont été publiés à Munster, le huitième à Giessen ; Der Prophet Malachi, Einleitung, Grundleœt und Ùbersetzung, mit einem vollstândigen philosophisch-kritischen und historischen Commentar, in-8°, Giessen, 1856 ; Die messianischen Psalmen, 2 in-8°, Giessen, 1857-1858 ; Die messianischen Weissagungen bei den grossen und kleinen Propheten des Alten Testaments, Einleitung, Grundtexte, etc., 4 in-8°, Giessen, 1859-1862 ; Zur Kritik der àlteren Versionen des Propheten Nahum, in-8°, Munster, 1867 ; Der Prophet Haggai, in-8°, Munster, 1868 ; DerProphet Zephania, in-8°, Munster, 1868 ; Der Prophet Habakuk, in-8°, Brixen, 1870 ; Der Prophet Micha, in-8°, Giessen, 1874. — La connaissance très étendue que Reinke avait acquise des langues de l’Orient lui permit d’établir avec une érudition et une vigueur remarquables, le sens traditionnel des livres qu’il commente. — Voir E. Rassmann, Nachrichten von dem Leben und den Schriften mùnsterlândischer Schriftsteller, in-8°, Munster, 1866, p. 267-271, et Neue Folge, 1881, p. 169-170 ; Literarischer Handweiser de Munster, 1879, col. 241-243 ; Hurter, Nomenclator literarius recentioris théologies catholicx, in-8°, Inspruck, 1895, t. iii, col. 1276-1278.

L. Fillion.

    1. REINS##

REINS (hébreu : kelâyôt, tuhôt ; Septante : veçppof ; Vulgate : renés), organe de sécrétion, composé de deux glandes disposées de chaque côté de la colonne vertébrale, à la hauteur des hanches. Les reins constituent une sorte de filtre qui laisse passer les substances à éliminer, telles que l’urée et ses composés. Ils sont maintenus en place par une membrane et enveloppés d’une grande quantité de graisse. La signification radicale du mot kelâyôt, en assyrien kalitu, est inconnue. Quant au mot tufyot, Job, xxxviii, 36 ; Ps. Li (l), 8, il vient du verbe tùah, « recouvrir », et a été donné aux reins, par les auteurs juifs, parce que les reins sont recouverts de graisse. Cf. Gesenius, Thésaurus, p. 547. Buhl, Gesenius’Handwôrterbuch, p. 296, conteste la légitimité de cette étymologie. Dans le passage de Job : « Qui a mis la sagesse dans les reins de l’homme ? » les Septante traduisent : « Qui a donné aux femmes la science des tissus ? » le verbe tûâl.i voulant dire aussi « filer, tisser ». La Vulgate traduit : « Qui a mis la sagesse dans les entrailles de l’homme ? » Rosenmùller, Iobus, Leipzig, 1806, t. ii, p. 907, 908, d’après l’arabe : Qui a donné la sagesse aux « traits vagues j> et sans loi apparente de la foudre ou de la pluie ? Pour d’autres, les tuhôt sont les nuées qui « recouvrent » l’atmosphère. Fr. Delitzsch, System der biblischen Psychologie, Leipzig, 1861, p. 269, et Dos Buch lob, Leipzig, 1876, p. 503, garde le sens de « reins », qui paraît le plus probable. Au Psaume li (l), 8, l’hébreu doit se traduire : « Tu aimes que la vérité soit bat-tuhôt, dans les reins, » c’est-à-dire au fond du cœur. Les versions rendent ici le mot par xi aSrl<x, incerta, les choses obscures, ï recouvertes > — Les reins, comme les autres organes intérieurs du corps humain, cœur, entrailles, etc., se prêtent à différentes acceptions chez les écrivains sacrés.

1° Reins proprement dits. — Les reins des animaux offerts comme victimes doivent être brûlés sur l’autel des holocaustes, avec la graisse qui les entoure, dans les sacrifices pour la consécration des prêtres, Exod-, xxix, 13, 22 ; Lev., viii, 16, 25, dans les sacrifices pacifiques, Lev., iii, 4, 10, 15, dans les sacrifices pour le péché. Lev., iv, 9 ; vii, 4. La graisse était considérée, dans les animaux, comme la partie la plus délicate et la plus précieuse ; à ce titre, elle était réservée à Jéhovah quand on offrait quelque sacrifice. Voir Graisse, t. iii, col. 293. Comme les reins sont entourés d’une graisse abondante, il était naturel qu’on ne les en séparât pas dans les sacrifices. — Cette richesse des reins en graisse a suggéré une locution poétique qui se trouve dans le cantique de Moïse, Deut., xxxii, 14 ; pour rappeler que Dieu a donné à son peuple des champs fertiles en excellent froment, l’auteur sacré parle de « la graisse des reins du froment. » — Les reins de l’homme sont mentionnés Ps, cxxxix (cxxxviii), 13. — Les Hébreux, comme d’ailleurs les anciens en général, n’avaient qu’une vague idée de l’anatomie intérieure du corps humain. Ils ne la connaissaient approximativement que par comparaison avec celle des animaux qu’ils mettaient en pièces pour leur alimentation ou dans leurs sacrifices. Ils ne pouvaient pas se rendre compte de la fonction des reins ; ils les regardaient seulement comme un organe intérieur, analogue aux autres, mystérieusement formé par Dieu, et concourant d’une certaine manière à la vie physiologique et psychologique de l’homme. Cf. III Reg., viii, 19. — 2° Reins pris pour les hanches. — Les hanches correspondent extérieurement aux reins, quant à leur position. Aussi, les versions confondent-elles souvent les reins avec les hanches qui portent la ceinture. Exod., xii, 11 ; xxviii, 42 ; IV Reg., i, 8 ; II Esd., IV-, 18 ; Job, xii, 18 ; Is., v, 27 ; ii, 5 ; Ezech., xxiii, 15 ; Dan., x, 5. On passe un torrent avec de l’eau jusqu’aux reins. Ezech., xlvii, 5. Voir Hanche, t. iii, col. 416. — 3° Reins siège de la pensée. — Les reins ne sont considérés à ce point de vue précis que dans les deux passages où on les croit désignés par le mot tuhot. Job, xxxviii, 36 ; Ps.u (l), 8. — 4° Reinssiège du sentiment. — Les reins tressaillent d’allégresse. Prov., xxiii, 16. Sous l’empire de la crainte ou de la douleur, ils s’aigrissent, Ps. lxxiii (lxxii), 21, s’émeuvent, I Mach., u, 24, chancellent, Ezech., xxix, 7, relâchent leurs jointures, Dan., v, 6, se tordent. Nah., ii, 10. L’épreuve perce les reins, Job, xvi, 13, y fait pénétrer les fils du carquois. Lam., iii, 13. Quand Jéhovah châtie ses ennemis, son épée est « pleine de la graisse des reins des béliers, » Is., xxxiv, 6, ce qui signifie qu’il frappe ses adversaires dans ce qu’ils ont de plus sensible et de plus cher. — 5° Reins siège de la conscience. — La nuit, les reins du psalmiste l’avertissent, c’est-à-dire lui rappellent les préceptes divins. Ps. xvi (xv), 7. Dieu voit les reins et les cœurs, Jer., xx, 12, il les sonde, Ps. vii, 10 ; Sap., i, 6 ; Jer., xi, 20 ; xii, 2 ; xvii, 10 ; Apoc, ii, 23 ; il les passe au creuset, Ps. xxvi (xxv), 2, c’est-à-dire que rien ne peut lui échapper dans les pensées, les sentiments et les volontés de l’homme.

H. Lesêtre.
    1. REISCHL Wilhelm Karl##

REISCHL Wilhelm Karl, théologien catholique allemand, né à Munich le 13 janvier 1818, mort dans cette ville le 4 octobre 1873. Après de fortes études classiques, il étudia la philosophie et la théologie à l’Université de sa ville natale, où enseignaient alors plusieurs professeurs remarquables, entre autres Gœrres, Klee, Mœhlèr, Windischmann, Reithmayr. Ordonné prêtre en 1840, il fut d’abord vicaire à Haidhausen, près de Munich, puis successivement curé à Saint-Jean de Munich et dans la Herzogspitalkirche. Après avoir conquis, en 1842, le grade de docteur en théologie, il devint Privatdozent à la Faculté théologique

dont il avait été l'élevé. En 1845, il fut nommé professeur de dogme et d’exégèse biblique au lycée d’Amberg ; il passa, ett 1851, au lycée de Ratisbonne, où il occupa jusqu’au printemps de 1867, avec un grand succès, la chaire d’histoire ecclésiastique et de droit canonique. Il fut alors appelé à l’Université de Munich, avec le titre de professeur ordinaire de théologie morale. Il venait de refuser la chaire d’exégèse de l’Université de Prague, lorsqu’il fut emporté par le choléra, en pleine maturité. — C’est à Amberg qu’il entreprit, avec son collègue Valentin Loch (voir Loch, t. iv, col. 321), une traduction allemande et un commentaire de la Bible, surtout à l’usage des fidèles : Die heiligen Schriften dés Altenund Neuen Testamentes nach der Vulgata, unter steter Vergleichung des Grundtextes ùbersetzt und erklârt, 4 Th., in-8°, Ratisbonne, 1851-1867 ; 4e édit., 1899 ; édition illustrée en 5 volumes, 1884-1885, 2e édit., 1905. La part du D' Reîschl consista à traduire et à annoter plusieurs livres de l’Ancien Testament, spécialement celui des Psaumes (édition à part, sous ce titre : Das Buch der Psalmen (tus der Vulgata, unter steter Vergleichung des Grundtextes ùberset&t und nach Wort und Geist erklârt, 2 in-8°, Ratisbonne, 1873), et le Nouveau Testament tout entier. — Voir le Schematismus der Geistlichkeit des Erzbisthums Mûnchen und Freïsing fur das Jahr 181b, Munich, 1874, p. 293-296 ; F. Kaulen, dans Wetzer et Welte, Kirchenlexikon, 2e édit., t. x, col. 991992 ; Hûlskamp, dans le Literatischer Handweiser, Mûnster-en-Wesphalie, 1873, col. 494 ; P. tturter, Nomenclator literarius recentioris theologim catholicse, 2e édit., t. iii, Inspruck, 1895, col. 1293-1294.

L. Fillion. REITHMAYR François-Xavier, exégète catholique allemand, né le 16 mars 1809, dans le village d’Illkofen, près de Ratisbonne, mort à Munich, le 26 février 1872. — 11 étudia la philosophie et la théologie au lycée de Ratisbonne, 1826-1830 ; puis encore la théologie à l’Université de Munich, en 1831 et les années suivantes, pour se préparer directement au professorat, dont il voulait faire sa carrière. Il-doit à l’un de ses professeurs, le célèbre Môhler, son attrait spécial pour l'étude des saints Pères, desquels il a tiré un excellent parti dans ses compositions exégétiques, sans parler des ouvrages spéciaux qu’il leur a consacrés. Il fut ordonné prêtre à Ratisbonne, le 20 août 1832, et conquit le grade de docteur en théologie en 1836. Il devint professeur extraordinaire de théologie à la Faculté de Munich en 1837, et professeur ordinaire d’exégèse du Nouveau Testament en 1839 ; il conserva cette dernière situation jusqu'à sa mort. — Ses publications seripturaires sont les suivantes : Conimentar zum Briefe an die Rimer, in-8°, Ratisbonne, 1845 ; Editio grœcolatinaNoviTestamenti, édition classique destinée aux étudiants, Munich, 1847 ; Einleitung in die canonischen Bûcher des Neuen Bundes, in-8°, Ratisbonne, 1852 ; Comtnentar zum Briefe an die Galater, in-8°, Munich, 1865 ; Lehrbuch der biblischen Hermeneutik, in-8°, Kempten, 1874, œuvre posthume publiée par Thalhofer. Dès l’année 1842, Reithmayr réfutait solidement les sophismes de Strauss, dans la savante revue de Munich Historisch-politische Blâtter. Tous ses ouvrages sont composés dans un esprit à la fois scientifique et traditionnel. — Voir l’esquisse que le D r Thalhofer donne de sa vie dans le Lehrbuch der bibl. Hermeneutik, p. vii-xv ; le Literarischer Eandweiser de Munster, 1871, col. 53 ; Hurter, Homendator literarius recentioris theologim catholicse, in-8°, Inspruck, 1895, t. iii, col. 1289-1290 ; Wetzer et Welte, Kirchenlexikon, 2e édit., t. x, col. 1001-1002. L. Fillion.

    1. RELIGION##

RELIGION, ensemble de croyances et de devoirs qui règlent les rapports de l’homme avec Dieu.

I. Noms donnés à la religion. — 1° La crainte de Dieu. — C’est la formule la plus usitée. Le verbe yârê' veut dire à la fois « craindre » et « respecter ». Il convenait parfaitement, surtout dans l’Ancien Testament, pour marquer l’attitude que l’homme doit s’imposer vis-à-vis de Dieu le Tout-Puissant, qui se révèle à lui par des œuvres éclatantes et parfois par des interventions effrayantes. Voir Crainte de Dieu, t. ii, col. 1099.

— 2° La Loi, tôrâh, et, en chaldéen, dd(, Dan., vi, 5 ; vu, 25, vojioç, lex. La Loi est l’expression de la volonté de Dieu, et, quand on la suppose acceptée et pratiquée par l’homme, la Loi désigne d’une manière générale la religion mosaïque. Les Machabées ont le « zèle de la Loi, » c’est-à-dire de la religion ancienne. I Mach., Il, 27. Saint Paul oppose constamment la Loi, c’est-àdire la religion mosaïque à la religion de grâce apportée par Jésus-Christ. Gal., v, 2, 4, etc. Voir Loi mosaïque, t. iv, col. 341-346. — 3° La voie, dérék, 686 ; , via. Cette expression se trouve déjà dans Amos, viii, 14, où « la voie de Rersabée » désigne la religion, et, d’après les Septante, le « dieu » de Rersabée. Mais elle est surtout fréquente dans le Nouveau Testament. Des pharisiens reconnaissent que Notre-Seigneur enseigne « la voie de Dieu dans la vérité, » c’est-à-dire une vraie religion. Matth., xxii, 16 ; Luc, xx, 21. Dans les Actes, « la voie » désigne couramment la religion nouvelle. Act., ix, 2 ; xviii, 25, 26 ; xix, 9, 23 ; xxii, 4 ; xxiv, 22. Cf. II Pet., il, 2, 15, 21. — 4° L'Évangile, eûaYyeXtov, mot qui désigne souvent la religion nouvelle, comme (ôrâh désigne la religion ancienne. Matth., iv, 23 ; Marc, i, 14, 15 ; Rom., 1, 16 ; x, 16 ; I Cor., ix, 23 ; II Tim., i, 8 ; etc.

— 5° Le culte, 9pt]<yv.Eia, religio, l’adoration et l’ensemble des devoirs rendus à Dieu. Saint Paul appelle de ce nom la religion juive. Act., xxvi, 5. Saint Jacques, i, 26, 27, indique des conditions essentielles au vrai culte de Dieu. — 6° La Vulgate emploie encore le mot de « religion », dans un sens plus restreint, pour désigner le rite de la Pâque, 'âbôdâh, XaTpeia, Exod., xii, 26, 43 ; certaines lois particulières, huqqâh, v<5[ioç, Exod., xxix, 9 ; Lev., vii, 36 ; xvi, 31 ; Num., xix, 2 ; le respect du sabbat, II Mach., VI, 11 ; le culte des anges ; 6p ; r ; <7xe ! 'a. Col., Il, 18. Par contre, les Juifs appellent la religion de Jésus-Christ aipéais, secta, « une secte ». Act., xxviii, 22.

II. Phases diverses de la religion. — La religion parfaite et définitive n’a pas été donnée à l’homme dès le principe. Aussi peut-on distinguer plusieurs phases dans le progrès de la religion. — 1° Religion naturelle. — C’est celle qui est inscrite par Dieu au cœur de l’homme, indépendamment de toute révélation extérieure. Cette religion comporte la connaissance de l’existence de Dieu, la notion de ses perfections et l’idée de devoirs à lui rendre. Rom., i, 20, 21. En méditant sur ces données fondamentales, l’homme peut, par les seules forces de sa raison, les développer et les approfondir. C’est ce qui a été fait, et les philosophes grecs, en particulier, ont poussé assez loin leurs connaissances sur Dieu et sur les rapports que l’homme doit entretenir avec lui. Les notions qui composent la religion naturelle demeurent toujours vraies ; elles constituent même le fonds sur lequel s’appuie toute religion révélée. Ce fonds se retrouve constamment dans la Sainte Écriture. Un très grand nombre des préceptes qui y sont rappelés appartiennent à la religion, naturelle, à cette loi que les gentils « accomplissent, naturellement », montrant par là que ce-' que. la : loi mosaïque ordonne de plus important s est écrit dans leurs cœurs, leur conscience rendant en même temps témoignage par des pensées qui les accusent ou les défendent. » Rom., ii, 14-15.. Le décalogue lui-même, à part la fixation du jour de repos, appartient tout entier à la loi naturelle.

2° Religion primitive. — En fait, la religion natu

relie fut complétée dès l’origine par une révélation directe de Dieu. Après avoir créé l’homme, Dieu lui parla pour lui imposer un précepte tout positif, celui de ne pas toucher au fruit d’un arbre. Gen., ii, 17. À la suite de la chute, il parla encore à Adam. Gen., iii, 14-19. Plus tard, il parla à Noé, père de la race nouvelle. Gen., IX, 2-17. Les éléments ainsi ajoutés à la religion naturelle ont été dogmatiques et moraux. Dieu était connu désormais non plus seulement par le témoignage des créatures matérielles, mais encore par celui des hommes qui avaient été en rapport direct avec lui. L'état premier de l’homme avait comporté une dignité qui s'était perdue au moment de la désobéissance d’Adam. Mais après cette chute, une rédemption était promise et devait venir de la race de la femme. En même temps, l’homme apprenait l’existence de purs esprits, les uns mauvais, les autres bons. Gen., iii, 15, 24. Des préceptes particuliers étaient ajoutés à ceux de la loi naturelle, celui du sacrifice, Gen., iv, 3, 4 ; viii, 20 ; celui de la sanctification du septième jour, Exod., xvi, 23 ; xx, 8 ; celui de la distinction des animaux purs et impurs et la défense de manger du sang. Gen., viii, 20 ; ix, 4. Pour conserver ces traditions et ces préceptes, aucun sacerdoce spécial ne fut institué ; les chefs de famille présidèrent naturellement à l’exercice du culte de Dieu et à l’observation de ses lois. Pour pratiquer la religion naturelle, l’homme était assuré de l’assistance providentielle que Dieu accorde à toutes ses créatures, suivant les besoins de leur nature. Mais Dieu, en élevant Adam à un état supérieur à sa nature, mit à sa disposition un secours proportionné à sa dignité surnaturelle, la grâce. Cette grâce ne fut pas totalement supprimée par la chute ; elle fut continuée à l’homme, en considération du futur sacrifice rédempteur. Adam en profita le premier, puisque la Sagesse, par conséquent l’assistance venue du ciel pour diriger l’esprit et le cœur de l’homme, « le tira de son péché. » Sap., x, 2.

3° Polythéisme. — En s'éloignant du berceau de l’humanité primitive, les hommes ne surent pas conserver intactes les données de la première révélation, ni même toutes celles de la religion naturelle. Les récits de la Genèse ont pour but d’enseigner que les aberrations religieuses de l’homme sont, par rapport à l'état initial de l’humanité, une déchéance et une perversion, et nullement une progression du plus grossier au plus parfait. L’auteur de la Sagesse décrit trois phases successives de l’erreur polythéiste. Tout d’abord, les hommes commencent par diviniser les forces de la nature : le feu, le vent, l’air, l’eau, les astres deviennent pour eux « comme des dieux gouvernant l’univers. » Ce polythéisme est inexcusable, parce que l’admiration des créatures devrait conduire l’homme à « connaître par analogie Celui qui en est le Créateur. » Toutefois, cette forme de l’erreur mérite moins de reproches que d’autres, car enfin, ce sont de véritables créatures de Dieu que les hommes honorent ainsi « en cherchant Dieu et en voulant le trouver. » Sap., xiii, 1-9. Plus grossiers et plus coupables sont ceux qui rendent leur culte aux idoles. Celles-ci n’ont pas toujours existé ; c’est la folie des hommes qui les a introduites dans le monde. L’idole, œuvre de la main des hommes, est maudite ainsi que son auteur, parce qu'étant une chose périssable et même sans vie, elle porte le nom de Dieu. Sap., xiii, 10-xiv, 14. Voir Idolâtrie, t. iii, col. 809. Une troisième forme de polythéisme est le culte des ancêtres. On vit représentés par de belles statues ceux qu’on avait aimés et admirés de leur vivant, et on « regarda comme un dieu celui qui naguère était honoré comme un homme. » Sap., xiv, 15-21. Ces trois formes du polythéisme, animisme ou culte des choses de la nature, fétichisme ou culte des idoles fabriquées, et évhémérisme ou culte des grands hommes, sont encore

en vigueur chez les peuples qui n’admettent pas le monothéisme. Cf. A. Bros, La religion des peuples non civilisés, Paris, 1907, p. 103-113. En dehors des Israélites, les anciens peuples ont tous versé dans le polythéisme et l’idolâtrie. Cf. P. de Broglie, Problèmes et conclusions de l’histoire des religions, Paris, 1885, p. 89-122 ; Id., Monothéisme, hénothéisme, polythéisme, Paris, 1905 ; Dëllinger, Paganisme et judaïsme, trad. J. de P., Bruxelles, t. i-m, p. 109 ; Lagrange, Etudes sur les religions sémitiques, Paris, 1905, p. 70-466 ; La religion des Perses, Paris, 1904 ; H. Vincent, Canaan, Paris, 1907, " p. 90-204. — Les écrivains sacrés signalent et réprouvent l’affreuse corruption morale qui fut la conséquence du polythéisme. Sap., xiv, 2231 ; Rom., i, 24-32. Les prophètes reviennent constamment, pour la combattre, sur l’immoralité qu’entraîne la pratique de l’idolâtrie. — C’est un grave problème que Celui du triomphe de l’idolâtrie dans le monde parmi tant de peuples et durant tant de siècles. À Lystres, saint Paul disait à ce sujet : « Dieu, dans les siècles passés, a laissé toutes les nations suivre leurs voies, sans que toutefois il ait cessé de se rendre témoignage à lui-même, faisant du bien, dispensant du ciel les pluies et les saisons favorables, nous donnant la nourriture avec abondance et remplissant nos cœurs de joie. » Act., Xiv, 15, 16. À Athènes, il déclare que « Dieu ne tenant pas compte de ces temps d’ignorance, annonce maintenant aux hommes qu’ils aient tous, en tous lieux, à se repentir. » Act., xvii, 30. Mais aux Juifs, il montre que si les gentils ont péché sans la Loi, eux-mêmes ont tout autant péché avec la Loi, et que tous par conséquent, Juifs et Grecs, sont sous le péché et doivent au même titre attendre de Dieu la justification. Rom., ii, ll-iii, 20.

4° Religion mosaïque. — C’est la religion que Dieu a imposée au peuple israélite par l’entremise de Moïse. Cette religion n’ajoutait presque rien aux dogmes de la religion primitive ; mais elle développait beaucoup la morale positive, en imposant aux Israélites une multitude d’observances. Voir Loi mosaïque, t. iv, col. 329. La religion mosaïque n'était destinée qu’aux Israélites. Les étrangers pouvaient pourtant l’embrasser moyennant certaines conditions. Voir Prosélyte, col. 758. Dans ce qu’elle avait de particulier à Israël, elle ne devait durer que jusqu'à son remplacement par la religion du Messie.

5° Religion chrétienne. — Elle a été instituée par Jésus-Christ pour compléter et remplacer les précédentes, s'étendre à tous les peuples sans exception et se perpétuer jusqu'à la fin des temps. Voir JÉSuS-Christ, t. iii, col. 1480-1487 ; Loi nouvelle, t. iv, col. 347 ; Morale, t. iv, col. 1260. Par son dogme, sa morale, ses sacrements et son culte, elle réalise cet idéal de religion que Notre-Seigneur a lui-même tracé quand il a dit : « Les vrais adorateurs adoreront le Père en esprit et en vérité ; ce sont de tels adorateurs que le Père demande. Dieu est esprit, et ceux qui l’adorent doivent l’adorer en esprit et en vérité, » Joa., iv, 23, 24. — Sur l’absence de religion, voir Impie,

t. iii, col. 845.
H. Lesêtre.
    1. RÉMÉIA##

RÉMÉIA (hébreu : Ramyâh, « Jéhovah est^élevé » ; Septante : 'Pa^iâ), un des fils de Pharos qui avait épousé une femme. étrangère et qui fut obligé de la répudier du temps d’Esdras. I Esd., x, 25.

REMI, moine bénédictin à Saint-Germain d’Auxerre, naquit en Bourgogne, vers 851. On perd sa trace en 908 et l’on sait seulement par un ancien nécrologe de la cathédrale d’Auxerre que le jour de sa mort fut le 2 mai, sans indication d’année. Disciple d’Heiric, qui lui-même fut élève du célèbre Haimon, évêque d’Halberstadt, il lui succéda dans sa chaire au monastère Page:Dictionnaire de la Bible - F. Vigouroux - Tome V.djvu/527 MediaWiki:Proofreadpage pagenum templatePage:Dictionnaire de la Bible - F. Vigouroux - Tome V.djvu/528 MediaWiki:Proofreadpage pagenum templatePage:Dictionnaire de la Bible - F. Vigouroux - Tome V.djvu/529 MediaWiki:Proofreadpage pagenum templatePage:Dictionnaire de la Bible - F. Vigouroux - Tome V.djvu/530 MediaWiki:Proofreadpage pagenum templatePage:Dictionnaire de la Bible - F. Vigouroux - Tome V.djvu/531 MediaWiki:Proofreadpage pagenum templatePage:Dictionnaire de la Bible - F. Vigouroux - Tome V.djvu/532 MediaWiki:Proofreadpage pagenum templatePage:Dictionnaire de la Bible - F. Vigouroux - Tome V.djvu/533 MediaWiki:Proofreadpage pagenum templatePage:Dictionnaire de la Bible - F. Vigouroux - Tome V.djvu/534 MediaWiki:Proofreadpage pagenum templatePage:Dictionnaire de la Bible - F. Vigouroux - Tome V.djvu/535 MediaWiki:Proofreadpage pagenum templatePage:Dictionnaire de la Bible - F. Vigouroux - Tome V.djvu/536 MediaWiki:Proofreadpage pagenum templatePage:Dictionnaire de la Bible - F. Vigouroux - Tome V.djvu/537 MediaWiki:Proofreadpage pagenum templatePage:Dictionnaire de la Bible - F. Vigouroux - Tome V.djvu/538 MediaWiki:Proofreadpage pagenum templatePage:Dictionnaire de la Bible - F. Vigouroux - Tome V.djvu/539 MediaWiki:Proofreadpage pagenum templatePage:Dictionnaire de la Bible - F. Vigouroux - Tome V.djvu/540 MediaWiki:Proofreadpage pagenum templatePage:Dictionnaire de la Bible - F. Vigouroux - Tome V.djvu/541 MediaWiki:Proofreadpage pagenum templatePage:Dictionnaire de la Bible - F. Vigouroux - Tome V.djvu/542 MediaWiki:Proofreadpage pagenum templatePage:Dictionnaire de la Bible - F. Vigouroux - Tome V.djvu/543 MediaWiki:Proofreadpage pagenum templatePage:Dictionnaire de la Bible - F. Vigouroux - Tome V.djvu/544 MediaWiki:Proofreadpage pagenum templatePage:Dictionnaire de la Bible - F. Vigouroux - Tome V.djvu/545 MediaWiki:Proofreadpage pagenum templatePage:Dictionnaire de la Bible - F. Vigouroux - Tome V.djvu/546 MediaWiki:Proofreadpage pagenum templatePage:Dictionnaire de la Bible - F. Vigouroux - Tome V.djvu/547 MediaWiki:Proofreadpage pagenum templatePage:Dictionnaire de la Bible - F. Vigouroux - Tome V.djvu/548 MediaWiki:Proofreadpage pagenum templatePage:Dictionnaire de la Bible - F. Vigouroux - Tome V.djvu/549 MediaWiki:Proofreadpage pagenum templatePage:Dictionnaire de la Bible - F. Vigouroux - Tome V.djvu/550 MediaWiki:Proofreadpage pagenum templatePage:Dictionnaire de la Bible - F. Vigouroux - Tome V.djvu/551 MediaWiki:Proofreadpage pagenum templatePage:Dictionnaire de la Bible - F. Vigouroux - Tome V.djvu/552 MediaWiki:Proofreadpage pagenum templatePage:Dictionnaire de la Bible - F. Vigouroux - Tome V.djvu/553 MediaWiki:Proofreadpage pagenum templatePage:Dictionnaire de la Bible - F. Vigouroux - Tome V.djvu/554 MediaWiki:Proofreadpage pagenum templatePage:Dictionnaire de la Bible - F. Vigouroux - Tome V.djvu/555 MediaWiki:Proofreadpage pagenum templatePage:Dictionnaire de la Bible - F. Vigouroux - Tome V.djvu/556 MediaWiki:Proofreadpage pagenum templatePage:Dictionnaire de la Bible - F. Vigouroux - Tome V.djvu/557 MediaWiki:Proofreadpage pagenum templatePage:Dictionnaire de la Bible - F. Vigouroux - Tome V.djvu/558 MediaWiki:Proofreadpage pagenum templatePage:Dictionnaire de la Bible - F. Vigouroux - Tome V.djvu/559 MediaWiki:Proofreadpage pagenum templatePage:Dictionnaire de la Bible - F. Vigouroux - Tome V.djvu/560 MediaWiki:Proofreadpage pagenum templatePage:Dictionnaire de la Bible - F. Vigouroux - Tome V.djvu/561 MediaWiki:Proofreadpage pagenum templatePage:Dictionnaire de la Bible - F. Vigouroux - Tome V.djvu/562 MediaWiki:Proofreadpage pagenum templatePage:Dictionnaire de la Bible - F. Vigouroux - Tome V.djvu/563 MediaWiki:Proofreadpage pagenum templatePage:Dictionnaire de la Bible - F. Vigouroux - Tome V.djvu/564 MediaWiki:Proofreadpage pagenum templatePage:Dictionnaire de la Bible - F. Vigouroux - Tome V.djvu/565 MediaWiki:Proofreadpage pagenum templatePage:Dictionnaire de la Bible - F. Vigouroux - Tome V.djvu/566